Pour que l’examen du Budget des
dépenses soit mieux fait, il faut donner aux comités de plus
nombreuses occasions d’influer sur les dépenses, de plus grands
pouvoirs et une meilleure information. Une fois ces améliorations
effectuées, les comités devraient être à même
de voir d’un autre œil l’étude du Budget des
dépenses.
Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, cinquante et unième rapport
(L’étude des
crédits : boucler la boucle du contrôle) présenté à la Chambre le 10 décembre 1998 (Journaux, p. 1435)
L
e développement de la
procédure parlementaire est étroitement associé à
l’évolution des rapports financiers entre le Parlement et la
Couronne. En tant que pouvoir
exécutif [1] ,
la
Couronne est responsable de la gestion de toutes les recettes de
l’État, y compris les coûts des services
publics [2] .
La
Couronne, sur l’avis des ministres, fait connaître les besoins
financiers du gouvernement à la Chambre des communes qui, de son
côté, autorise les « aides » (impôts) et les
« crédits » (sommes allouées) nécessaires. Aucune
taxe ne peut être levée ni aucun paiement effectué sans le
consentement du Parlement.
Il a été dit du
contrôle direct des finances nationales qu’il s’agissait de la
« grande tâche du gouvernement parlementaire
moderne [3] ».
Ce
contrôle s’exerce en deux temps. D’abord, le Parlement doit
approuver toutes les mesures législatives donnant application à la
politique gouvernementale et la Chambre des communes autorise à la fois
le montant et l’objet ou la fin de toute dépense publique. Ensuite,
par un examen des rapports annuels des ministères sur leur rendement, des
Comptes publics et des rapports du vérificateur général, la
Chambre s’assure que seules ont été effectuées les
dépenses qu’elle avait
autorisées [4] .
Les pratiques et procédures qui
régissent l’emploi que fait le gouvernement des finances du pays
sont pour l’essentiel définies dans la Loi constitutionnelle de
1867 [5] ,
la Loi
sur la gestion des finances
publiques [6] ,
les
conventions tacites et les règles de la Chambre des communes et du
Sénat.
Éléments-clés de l’activité financière
Les principaux éléments de la
procédure financière du Parlement peuvent se résumer
à ceux-ci :
Trésor : compte où sont
déposés les impôts, tarifs, taxes d’accise et autres
recettes perçus et où puise le gouvernement pour trouver les fonds
nécessaires à ses
dépenses [7] .
Recommandation royale : instrument
par lequel la Couronne avise le Parlement de son intention de présenter
une mesure législative qui aura un effet sur le
Trésor [8] .
Aux
termes de la Constitution, seule la Couronne a l’initiative de telles
mesures qui doivent d’abord être présentées à
la Chambre des communes.
Subsides : processus par lequel le
gouvernement soumet à l’approbation du Parlement ses
prévisions de dépenses annuelles (le Budget des
dépenses).
Pouvoir d’emprunt :
autorisation que le gouvernement doit obtenir lorsque les recettes ne couvrent
pas les dépenses.
Voies et moyens : processus par
lequel le gouvernement expose sa politique économique (le Budget) et
obtient l’autorité dont il a besoin pour augmenter les recettes par
des taxes ou impôts.
Comptes publics : le rapport et
l’examen annuels des dépenses du gouvernement.
Le cycle financier
L’année financière du
gouvernement du Canada commence le 1er avril et se termine le 31
mars [9] .
Cependant, la
planification de l’exercice commence bien avant avec la préparation
des plans de dépenses des ministères, qui sont établis en
fonction de la politique et des priorités budgétaires du
gouvernement, et les consultations prébudgétaires du Comité
permanent des
finances [10] .
Les
plans de dépenses sont regroupés et soumis à la Chambre
comme « Budget des dépenses principal ». En même temps, le
ministère des Finances rassemble l’information recueillie au moyen
des consultations prébudgétaires et prépare ses
prévisions économiques. Le Budget est le résultat des
efforts du gouvernement pour concilier ses obligations de dépenses et ses
prévisions de recettes.
Le Budget fait état des politiques
et des priorités budgétaires, sociales et économiques du
gouvernement, alors que le Budget des dépenses indique le détail
des dépenses prévues pour la prochaine année
financière. L’usage veut que le Budget soit présenté
dans la seconde moitié de février, bien que le gouvernement
n’y soit pas
tenu [11] .
Normalement,
le Budget des dépenses principal est déposé à la
Chambre au plus tard le 1er mars et soumis à
l’approbation de la Chambre au plus tard le 23
juin [12] .
En l’absence ou en attendant la
rentrée de recettes provenant de taxes, d’impôts ou
d’autres sources, si le gouvernement a besoin de fonds, il demandera
l’autorisation d’emprunter. Si les besoins du gouvernement changent
par rapport au Budget des dépenses principal, il sera demandé au
Parlement d’approuver un Budget des dépenses
« supplémentaire ».
Le dépôt des Comptes
publics du Canada et du Rapport annuel du vérificateur
général, suivi de leur examen par le Comité permanent des
comptes publics, complète le cycle annuel des activités
financières du
gouvernement [13] .
Historique
Le système de finances publiques au
Canada découle de la procédure parlementaire britannique, telle
qu’elle existait à l’époque de la
Confédération [14] .
Les procédures financières adoptées par la Chambre des
communes canadienne en 1867 s’inspiraient des principes
suivants :
- Que seul le Parlement peut lever
des taxes et autoriser l’usage de fonds publics, mais qu’il ne peut
le faire qu’au moyen d’une recommandation de la Couronne
(recommandation royale), représentée au Canada par le gouverneur
général;
- Qu’il doit être tenu
compte des doléances de la Chambre des communes avant qu’elle
examine et approuve les demandes budgétaires de la
Couronne;
- Que la Chambre des communes a le
contrôle exclusif des questions de finances publiques (impôts et
dépenses) et que cette initiative appartient à la chambre
basse [15] ; et
- Que toute mesure législative
sanctionnant une dépense ou créant un impôt doit faire
l’objet de l’examen le plus complet possible, tant à la
Chambre qu’en
comité [16] .
Précédents britanniques
Tout le droit des finances, et par
conséquent toute la constitution britannique, est fondé sur un
principe fondamental, établi dès l’origine de
l’histoire parlementaire anglaise et confirmé par trois cents ans
ponctués de conflits avec la Couronne et d’évolution
tranquille. Toute taxe ou charge publique imposée à la nation pour
les besoins de l’État, de quelque nature, doit être
accordée par les représentants des citoyens et contribuables,
c’est-à-dire par le
Parlement [17] .
La règle voulant qu’une loi
sanctionne toute dépense ou taxe publique remonte loin dans
l’histoire
constitutionnelle [18] .
En Angleterre, au Moyen Âge, le roi devait payer la plupart des
dépenses publiques (la cour, le clergé et l’armée)
avec sa cassette personnelle. Si cela était impossible, il était
obligé de demander des fonds en s’adressant au conseil commun du
royaume, ou au Parlement, pour discuter des subsides (taxes et tarifs) à
fournir pour les besoins de la Couronne. Dès les premières
assemblées, il était généralement admis que lorsque
le roi avait besoin de « subsides » ou « crédits », il
devait non seulement demander le consentement à l’imposition
d’une taxe, mais également quant à la manière
d’en dépenser le produit. En 1295, le décret de convocation
à un conseil, qui devait devenir le « Parlement modèle »,
proclamait que « ce qui tous concerne devrait être par tous
approuvé ».
Les premiers Parlements britanniques
n’étaient pas des corps législatifs au sens moderne, mais
plutôt des corps pétitionnaires. Ils présentaient des
pétitions au roi et approuvaient les impôts
(c’est-à-dire l’argent accordé à la Couronne)
à condition que certains problèmes (ou doléances)
énoncés dans les pétitions soient réglés ou
que le roi fasse des concessions. Dès 1400, les Communes exigeaient que
le roi réponde à leurs pétitions avant de lui accorder
quelque argent que ce soit. Si le roi refusait, elles adoptaient la pratique
d’en retarder l’attribution jusqu’au dernier jour de la
session.
Avec le temps, les « conseils »
devaient se diviser en deux « chambres » en fonction de leurs
intérêts propres : la Chambre des lords et la Chambre des communes.
En principe, chaque chambre prélevait ses propres impôts; aussi, il
n’était pas considéré comme convenable que les lords
décident de ce que les Communes devaient contribuer. D’autre part,
comme la majeure partie de la charge fiscale incombait aux Communes, celles-ci
en vinrent à accorder des crédits au monarque « sur
l’avis et le consentement » des lords. La primauté des Communes
en matière de taxation a été établie dès le
début du quinzième siècle, lorsque Henri IV reconnut que
toute décision d’accorder des crédits au Souverain devait
être approuvée et par les lords et par les Communes et
communiquée à la Couronne par le Président de la Chambre
des
communes [19] .
Au départ, les Communes
étaient satisfaites d’avoir l’initiative de
l’attribution des subsides et crédits. Au fil du temps, les lords
en vinrent toutefois à ajouter des dispositions aux projets de loi de
finances des Communes, par le biais d’amendements. Aux yeux de la Chambre,
il s’agissait d’une atteinte à sa prérogative de
présenter toute mesure imposant une taxe ou une charge publique, ce qui
donna lieu en 1678 à la résolution suivante :
Il appartient à la Chambre des
communes seule d’attribuer des subsides et crédits, et toute aide
à Sa Majesté au Parlement, et tout projet de loi prévoyant
de tels subsides et crédits devrait prendre naissance aux Communes, car
elles ont indiscutablement le droit d’y déterminer et
désigner les objets, destinations, motifs, conditions, limitations et
emplois de ces crédits, sans que la Chambre des lords puisse y apporter
des
modifications [20] .
Vers la fin du dix-septième
siècle, les principes de la procédure financière moderne
— notamment l’examen annuel des finances par la Chambre des communes
et la notion d’un contrôle effectif et permanent de la Chambre sur
toutes les dépenses publiques — étaient bien établis.
Leur évolution, qui s’est étirée sur plusieurs
siècles, était tributaire de l’avènement et de
l’abolition graduelle de la Liste civile, de la création d’un
Fonds consolidé (maintenant appelé le Trésor) et du
développement d’un système budgétaire par lequel le
gouvernement reçoit du Parlement des crédits annuels de
fonctionnement.
La Liste civile
La Liste
civile [21]
était à l’origine la liste du personnel non militaire au
service de la Couronne dont la rémunération était
payée par le
Parlement [22] .
Il
s’agissait du personnel au service du souverain, comme les domestiques, du
personnel du service diplomatique et de divers officiers publics et de
fonctionnaires. Jusque-là, ces dépenses étaient
imputées aux revenus héréditaires du souverain et à
certains impôts qui lui étaient votés à vie par le
Parlement.
Au départ, le Parlement ne se
préoccupait pas de la façon dont ces fonds étaient
dépensés. Il était généralement admis que si
la Couronne ne pouvait pas augmenter ses revenus sans le consentement du
Parlement, elle était tout à fait libre de faire ce qu’elle
voulait des fonds légitimes dont elle disposait. Cependant, comme les
sommes votées par le Parlement étaient fréquemment
insuffisantes, la Chambre était de plus en plus souvent appelée
à accorder des fonds additionnels pour payer les dettes
contractées par le souverain. De là vient l’usage
d’attribuer à la Couronne des crédits à des fins
précises.
Avec l’arrivée de la reine
Victoria sur le trône en 1837, la Liste civile fut réduite aux
seules dépenses nécessaires aux besoins personnels de la
souveraine et de sa famille. Toute autre dépense civile était
assumée par le trésor national et imputée sur le Fonds
consolidé.
Le Fonds consolidé
Aux dix-septième et
dix-huitième siècles, la collecte et la dépense des deniers
publics étaient étroitement liées. Les demandes de fonds de
la Couronne, selon certains montants et à des fins précises,
étaient examinées et approuvées par un comité
plénier. Ensuite, un autre comité plénier examinait les
« voies et moyens » recommandés pour trouver l’argent
nécessaire pour couvrir les sommes approuvées. Les travaux du
premier comité, qui allait devenir le Comité des subsides,
menaient directement aux travaux du second, le Comité des voies et
moyens. C’est seulement une fois prise la décision du Comité
des voies et moyens qu’était présenté un projet de
loi autorisant la Couronne à réunir des fonds, selon les montants
et de l manière approuvés par ledit comité, et à
les dépenser dans les limites et aux fins approuvées par le
Comité des subsides.
Ce mariage de la taxation et des
dépenses a duré jusqu’en 1786, lorsque la création
d’un fonds
consolidé [23]
devait éliminer la nécessité de faire correspondre telle
dépense à telle
recette [24] .
Une fois
que le Comité des subsides avait consenti à la dépense de
certaines sommes, le Comité des voies et moyens se tournait vers le Fonds
consolidé pour couvrir les dépenses approuvées.
L’idée d’un projet de loi portant « affectation de
crédits » a été introduite pour affecter à
partir du Fonds les sommes nécessaires aux fins prévues. Un tel
projet de loi ne fait qu’affecter des fonds, il n’oblige en rien la
Couronne à dépenser, en entier ou en partie, les fonds ainsi
réservés. En outre, les crédits sont toujours prévus
pour une période donnée; le pouvoir de dépenser se termine
avec la fin de l’année financière à laquelle le
projet de loi
s’applique [25] .
Ainsi, deux processus financiers
gouvernementaux se mirent en place : les travaux des subsides, processus par
lequel les dépenses à des fins précises étaient
approuvées, ce qui signifiait l’adoption de projets de loi de
crédits; et les travaux des voies et moyens, processus qui aboutissait
aux projets de loi d’imposition permettant de réunir les fonds
nécessaires pour renflouer le Fonds consolidé.
Depuis la mise en place du Fonds
consolidé, toutes les dépenses de l’État sont
autorisées soit par une loi précise (permanente) soit par un
crédit annuel. Ce sont les crédits annuels que la Chambre est
appelée à examiner chaque année.
Le Budget des dépenses
Vers la fin du dix-septième
siècle, avec les interminables différends coloniaux de
l’Angleterre avec la France et l’Espagne et les leçons
tirées de deux guerres civiles, la nécessité de maintenir
une armée nationale permanente sous le contrôle du Parlement devint
évidente. Auparavant, le monarque se contentait de lever une armée
chaque fois qu’il fallait faire la guerre.
L’établissement de forces
militaires permanentes nécessitait des crédits pour couvrir le
coût du personnel, des guerres et des
fortifications [26] .
En
1689, le Parlement britannique adopta le Mutiny Act, une loi qui devait
être adoptée chaque année. La loi limitait le recours
à la loi martiale et fixait le nombre du personnel militaire. Elle
autorisait également l’attribution de crédits suffisants
pour couvrir la solde des militaires, le coût du matériel militaire
et de la construction de navires pour cette année-là. C’est
ainsi que le Parlement britannique régularisa l’exercice annuel des
crédits pour l’armée et la marine, ce qui devait donner
naissance à l’usage parlementaire d’autoriser des
crédits annuels pour les activités du gouvernement. Les principes
de cette procédure obligent le gouvernement à ne dépenser
pour les affaires publiques que les sommes (prévisions) approuvées
par le Parlement, et lui interdisent d’employer les crédits
prévus pour un certain usage à d’autres fins
(c’est-à-dire de faire des
virements) [27] .
Avec
la croissance du gouvernement civil, plusieurs postes de dépenses civiles
finirent par être financés uniquement par des crédits
parlementaires
annuels [28] .
Les procédures financières dans les colonies canadiennes
À la fin du dix-huitième
siècle, la plupart des colonies britanniques d’Amérique du
Nord s’étaient dotées d’institutions politiques
représentatives [29].
Pendant des années, l’administration coloniale sera victime de
dissensions, en raison des intérêts souvent irréconciliables
des gouverneurs nommés et des représentants élus.
L’essentiel du différend tenait à la question de savoir qui
gérerait les deniers
publics [30] .
Dès la Confédération, les assemblées populaires de
l’Amérique du Nord britannique avaient cependant affirmé
leur droit de décider des impôts à lever et de leur usage,
répondant ainsi au principe de la responsabilité gouvernementale,
qui suppose que pour gouverner l’exécutif doit avoir la confiance
ou l’appui de la Chambre des communes. Les droits et le rôle du
Parlement en matière d’imposition et de dépenses trouvent
leur origine dans les règles et procédures des assemblées
qui l’ont
précédé [31] .
En 1867, la Chambre des communes canadienne a adopté les règles de
l’ancienne Assemblée législative de la Province du Canada, y
compris celles régissant la fiscalité et les
dépenses [32] .
Le Haut-Canada
À ’origine, le coût de
l’administration coloniale du Haut-Canada était entièrement
payé par le Parlement britannique. Cependant, en 1817,
l’exécutif de l’Assemblée demanda un crédit
pour couvrir certains frais administratifs dépassant la somme
autorisée par Westminster. Jusque-là, la Grande-Bretagne avait
épongé ces dépassements, mais vu la richesse croissante et
la relative prospérité de la colonie, il fut demandé
à la population locale de financer ces dépenses. Il n’est
donc pas surprenant que les représentants élus demandèrent
à avoir leur mot à dire dans la façon de dépenser
cet argent. Ils exigèrent en outre que le gouverneur et le Conseil
exécutif ne fasse aucune dépense qui n’aurait pas
été approuvée par l’Assemblée, et que les
crédits ne servent qu’aux fins pour lesquelles ils étaient
prévus.
Les crédits (ou autorisations de
dépenser) furent rarement
refusés [33] .
Même lorsque cela se produisit (en 1818, 1825 et 1836), ce fut sans
conséquence. De fait, la Couronne semblait se soucier assez peu des
sommes votées par la Chambre. Celle-ci n’en continua pas moins
à prendre la procédure des crédits au sérieux,
jugeant qu’un détournement des crédits parlementaires
était un « grand crime » et affirmant le droit indiscutable de la
chambre élue à déterminer le comment et le combien des
dépenses publiques.
Vers 1840, la procédure des
crédits à l’Assemblée était à peu
près en place. Une fois présentées, les prévisions
étaient renvoyées à un comité restreint permanent
des finances. Le rapport du comité était transmis au Comité
des subsides (un comité
plénier) [34],
qui à son tour faisait rapport à la Chambre sur diverses
résolutions, chacune étant une recommandation d’accorder de
l’argent pour un article donné. Une fois adoptées, les
résolutions étaient transmises à un comité
spécial de deux députés, chargé de rédiger
les projets de loi correspondants. Plusieurs projets étaient ensuite
présentés.
Le Bas-Canada
Avant 1818, le Conseil exécutif ne
demandait aucun crédit à la Chambre d’assemblée du
Bas-Canada, de sorte qu’aucun Budget des dépenses
n’était déposé. La Chambre tentait néanmoins
d’exercer un certain contrôle par son examen annuel des comptes
publics. Jusqu’en 1812, les comptes publics étaient examinés
par un comité plénier, après quoi un comité
spécial de cinq membres en était saisi. À partir de 1818,
le Budget des dépenses était aussi renvoyé à ce
comité. Les nombreuses critiques qu’il adressait à
l’administration pour avoir dépensé des sommes sans le
consentement de la Chambre d’assemblée incitèrent la Chambre
à statuer que l’emploi de deniers publics sans l’autorisation
d’une loi était « une atteinte aux privilèges de la
Chambre et sapait les fondements du gouvernement de la province, tel
qu’établi par la loi ». La Chambre devait aussi mettre en garde
qu’elle tiendrait le receveur général responsable de toutes
les sommes
perçues [35] .
Dans ses tentatives de contrôler
l’administration, la Chambre d’assemblée utilisa
d’autres moyens, comme le refus de voter les crédits, le refus
d’examiner les mesures législatives avant que ses doléances
soient satisfaites, l’ajout d’articles aux projets de loi portant
affectation de crédits en l’absence d’une loi habilitante; ce
dernier moyen obligea l’exécutif à choisir entre voter les
articles annexés ou perdre les crédits.
La Province du Canada
En 1840, le Parlement britannique adoptait
l’Acte d’Union qui réunissait le Haut et le
Bas-Canada [36] .
Cette
loi posait en principe qu’un gouvernement doit avoir la confiance des
représentants du
peuple [37] .
C’est également par l’Acte d’Union que la
prérogative royale sur les mesures financières a été
introduite dans le droit parlementaire canadien. Avant 1840, tout élu
d’une assemblée législative du Canada pouvait soumettre
à l’examen de l’assemblée un projet de loi ayant des
implications pécuniaires. Les gouverneurs voyaient cette pratique
d’un mauvais œil, jugeant que cela nuisait au bon fonctionnement du
gouvernement [38] .
Pour
sa part, lord Durham croyait sincèrement que « la prérogative
de la Couronne, qui est constamment exercée en Grande-Bretagne pour la
vraie protection du peuple, n’aurait jamais dû être
délaissée dans les colonies; et que si [on l’y] introduisait
[…], on pourrait sagement l’appliquer à protéger
l’intérêt public, souvent sacrifié maintenant dans la
mêlée pour la répartition des fonds publics qui sert surtout
à donner une influence indue à certains individus ou
partis [39] ».
Il fut établi un Fonds du revenu
consolidé auquel seraient imputées toutes les dépenses
liées à la perception, la gestion et le recouvrement des recettes,
tous les intérêts sur la dette publique et la
rémunération du clergé et des officiels inscrits sur la
Liste civile [40] .
Une
fois ces charges déduites, tout excédent pouvait servir aux
services publics, de la manière jugée convenable par le
Parlement [41] .
Tout
vote, résolution ou projet de loi nécessitant la dépense de
fonds publics devait d’abord être recommandé par le
gouverneur
général [42] .
Les différends sur le contrôle
des crédits ne disparurent pas pour autant, mais aucun ministère
ne fut défait sur une loi de crédits. De fait, même
lorsqu’il y avait un changement de gouvernement, le projet de loi de
crédits était souvent repris et appliqué par la nouvelle
administration [43] .
Ainsi, en 1867, le vote de confiance avait pratiquement remplacé le refus
d’accorder des crédits comme le moyen préféré
de l’Assemblée pour contrôler l’administration du
gouvernement.
Les procédures financières à la Chambre des communes canadienne
La Loi constitutionnelle de 1867
dispose que tout projet de loi portant affectation d’une partie des
revenus publics ou créant une taxe ou un impôt doit émaner
de la Chambre des
communes [44] .
Elle
interdit à la Chambre d’adopter une mesure portant affectation des
revenus publics ou créant une taxe ou un impôt qui n’aurait
pas d’abord été recommandée par le gouverneur
général pendant la session où la résolution a
été
proposée [45] .
D’autres
articles prévoient la création d’un fonds du revenu consolidé et son utilisation
pour les services publics [46] .
Le Règlement de 1867 à 1968
Les
premières éditions du Règlement de la Chambre des communes codifiaient les
règles des usages et procédures parlementaires consacrées par l’histoire
parlementaire britannique et, par la suite, les règles et procédures des
différentes assemblées législatives des colonies.
Le
principe capital régissant l’examen des mesures financières par le Parlement
voulait qu’on leur accorde le plus large examen possible, en comité et à la
Chambre. Le but était « d’éviter que le Parlement, par un vote imprévu ou hâtif,
n’engage des dépenses ou n’approuve des mesures pouvant entraîner des dépenses
lourdes et permanentes pour le pays [47] ».
Pour les
besoins du débat, le règlement de 1867 disposait que les mesures financières
devaient d’abord être examinées par un comité plénier avant d’être discutées à
la Chambre [48] .
En 1874, la
Chambre convenait de nommer désormais au début de chaque session un comité des
subsides et un comité des voies et moyens [49] .
Le Comité des
subsides approuvait le Budget des dépenses annuel du gouvernement, alors que le
Comité des voies et moyens examinait les propositions de recettes du
gouvernement et approuvait les prélèvements sur le Fonds du revenu consolidé
pour couvrir les mesures contenues dans le Budget des dépenses. Pour prémunir la
Chambre contre des décisions financières hâtives, une règle disposait qu’une
motion « pour une aide publique, ou charge sur le public » ne pouvait être prise
en considération immédiatement, mais devait être ajournée à une autre
séance [50] .
Il s’agissait
« d’éviter que les députés soient poussés à prendre une décision trop vite et de
donner à chacun tout le loisir d’exposer ses raisons pour appuyer ou rejeter la
mesure [51] ».
La
première édition du Règlement, sous la rubrique « Aides et Subsides », comportait
une référence à la Loi constitutionnelle de 1867
selon laquelle seule la Couronne avait l’initiative de proposer des recettes ou
dépenses. La règle prévoyait en outre qu’une mesure décrétant une « aide
publique » (dépense) ou une « charge sur le public » (impôt) devait d’abord être
présentée à la Chambre; autrement dit, seule la Chambre pouvait accorder des
crédits [52] .
En
gros, les procédures financières instaurées par ces règles demeureront
inchangées pendant 100 ans [53]. Toutefois, les
partis d’opposition finiront par recourir aux procédures financières pour
retarder, voire empêcher l’adoption par le gouvernement de mesures financières.
C’est ainsi que vers la fin des années 1960, ces procédures — qui étaient
demeurées à peu près inchangées pendant un siècle — seront révisées en
profondeur et rationalisées. Cette réforme devait respecter et garantir deux
principes contradictoires : le droit pour le gouvernement de faire adopter ses
mesures financières par le Parlement et le droit pour l’opposition d’attirer
l’attention sur les éléments qui méritent examen, d’en retarder l’adoption et de
les mettre en discussion.
La recommandation royale
Dans le
régime canadien, seule la Couronne a l’initiative des dépenses publiques et le
Parlement peut seulement autoriser les dépenses recommandées par le gouverneur
général [54] .
Cette
prérogative, appelée « initiative financière de la Couronne », est la pierre
d’assise du système de la responsabilité ministérielle et prend la forme d’une
« recommandation royale ». Par cette prérogative, le gouvernement a l’obligation
de présenter un budget complet et d’indiquer comment les fonds seront dépensés,
et il est également responsable de l’utilisation effective de ces fonds. La Loi constitutionnelle de 1867 dispose qu’« il ne sera pas
loisible à la Chambre des communes d’adopter aucune résolution, adresse ou bill
pour l’appropriation d’une partie quelconque du revenu public, ou d’aucune taxe
ou impôt, qui n’aura pas, au préalable, été recommandé à la chambre par un
message du gouverneur général durant la session pendant laquelle telle
résolution, adresse ou bill est proposé [55] ».
Cet article de
la Constitution a son pendant dans le Règlement de la Chambre [56] .
Pour
les cent premières années de la Confédération, toute mesure portant affectation
de crédits devait être précédée d’une résolution de la Chambre, dont le libellé
devait définir avec précision le montant et le but du crédit demandé. La
résolution était proposée par un ministre et recommandée par le gouverneur
général [57] .
Dans le projet
de loi qui suivait, chaque article impliquant une dépense devait être conforme
aux dispositions de la résolution et aucun député ne pouvait y proposer des
amendements qui auraient eu pour effet d’accroître le montant prévu dans la
résolution ou d’en modifier le but tel qu’autorisé par la résolution [58] .
Pour modifier un
article portant affectation de crédits, le gouvernement devait d’abord obtenir
une nouvelle résolution de la Chambre, toujours recommandée par le gouverneur
général, renfermant la modification proposée.
Vu que
le débat sur la résolution financière était souvent repris à l’étape de la
deuxième lecture du projet de loi, la Chambre a supprimé l’étape de la
résolution en 1968 [59] .
Désormais, la
recommandation de la Couronne serait transmise à la Chambre sous forme d’avis
imprimé paraissant dans le Feuilleton des Avis, et de
nouveau dans les Journaux une fois le projet de loi
présenté; elle serait aussi imprimée et annexée au texte du projet de
loi [60] .
Cette
modification ne change pas l’obligation constitutionnelle d’une recommandation
royale, ni sa forme, mais seulement la procédure à suivre.
En
1994, le Règlement a de nouveau été modifié pour éliminer l’obligation de
transmettre une recommandation royale à la Chambre avant la présentation d’un
projet de loi [61] .
La
recommandation royale peut désormais suivre la présentation du projet de loi à
la Chambre, à condition que ce soit avant la troisième lecture et l’adoption du
texte. Cependant, le gouvernement a conservé la pratique de joindre la
recommandation royale à ses propres projets de loi à l’étape de l’avis de
présentation à la Chambre [62] .
La
recommandation royale qui accompagne un projet de loi doit toujours paraître
dans le Feuilleton des Avis, figurer dans le projet
de loi ou y être annexée et paraître dans les Journaux.
En
général, il y a deux types de mesures qui autorisent le Parlement à dépenser et
qui nécessitent de ce fait une recommandation royale [63] :
- Les
projets de loi de crédits qui autorisent les prélèvements sur le Trésor selon
les montants approuvés dans le Budget des dépenses;
- Les
projets de loi qui autorisent de nouveaux prélèvements à des fins non prévues
dans le Budget des dépenses [64] .
Le prélèvement
ainsi créé doit être « nouveau et distinct »; autrement dit, il ne doit pas être
prévu autrement par une autorisation générale [65] .
Un
crédit accompagné d’une recommandation royale, bien qu’il puisse être réduit, ne
peut être augmenté ni redistribué sans une nouvelle recommandation [66] .
Vu que la
Chambre des communes a seule l’initiative des mesures législatives financières,
aucun projet de loi nécessitant une recommandation royale ne peut être présenté
au Sénat [67] .
En plus
de fixer le montant du prélèvement, la recommandation royale en définit l’objet,
les fins et les conditions. Un amendement qui augmente le montant du prélèvement
ou qui en élargit l’objet, les fins, les conditions ou les réserves est
irrecevable du fait qu’il empiète sur l’initiative financière de la
Couronne [68] .
Toutefois, la
recommandation royale n’est pas nécessaire si l’amendement a pour effet de
réduire des impôts qui sont normalement exigibles [69] .
Les
règles de la recommandation royale s’appliquent aussi aux projets de loi
parrainés par les députés [70].
Par le passé,
lorsqu’un projet de loi empiétait sur l’initiative financière de la Couronne, le
Président ne permettait pas qu’il suive son cours [71] .
Cependant,
depuis que la règle a été modifiée en 1994, on permet que des projets de loi de
députés impliquant des dépenses publiques soient présentés et suivent la filière
législative, en supposant qu’un ministre produira une recommandation royale
avant la troisième lecture et l’adoption du projet de loi [72] .
Si la
recommandation royale n’arrive pas à temps pour la troisième lecture, le
Président devra mettre un terme aux délibérations et juger la mesure
irrecevable. Il est du devoir du Président de s’assurer que les dispositions du
Règlement sur la recommandation royale, ainsi que la prescription
constitutionnelle, sont respectées. Aucune règle de la procédure financière ne
permet au Président de laisser la Chambre décider ou de s’en remettre à son
consentement unanime [73] .
Revendication par la Chambre de sa prérogative en matière de finances
La
Constitution et le Règlement de la Chambre prévoient qu’un projet de loi portant
affectation de crédits (une diminution des recettes publiques) ou imposant une
taxe ou un impôt (un prélèvement sur les contribuables) doit d’abord être
présenté et adopté à la Chambre des communes [74] .
Le Président a
déjà jugé qu’un projet de loi du Sénat portant affectation de deniers publics ne
pouvait être présenté à la Chambre et ordonné que l’avis de première lecture
soit rayé du Feuilleton [75] .
Le Président a
aussi statué qu’un projet de loi du Sénat, qui avait franchi l’étape de la
première lecture à la Chambre, imposait de fait une taxe et aurait dû provenir
de la Chambre; la procédure entreprise a été déclarée nulle et sans effet et il
a été ordonné que le projet de loi soit rayé du Feuilleton [76] .
De
l’avis de la Chambre, une mesure financière ne peut être modifiée par le
Sénat [77] .
Régulièrement
depuis la Confédération le Sénat a réaffirmé le droit de modifier les projets de
loi de finances [78] .
La plupart des
différends entre les deux chambres tournent autour de la question du pouvoir du
Sénat de modifier les mesures financières. Certains soutiennent que le Sénat
doit se limiter à adopter ou rejeter ces mesures [79] .
D’autres
prétendent que le Sénat a tous les pouvoirs pour les modifier, à condition qu’il
n’augmente pas le montant du crédit ou de l’impôt [80] .
La question est
de savoir si un projet de loi de finances est une mesure qui contient toute
disposition financière ou dont l’objet premier ou exclusif est financier et, par
voie de conséquence, si les restrictions au pouvoir du Sénat de le modifier
devraient s’étendre à l’ensemble du projet de loi ou uniquement à ses aspects
financiers. Une autre question est de savoir si le Sénat peut proposer des
amendements à un projet de loi qui modifie une loi financière existante [81].
Dans certains
cas, la Chambre des communes a rejeté les amendements du Sénat et revendiqué son
privilège financier [82] .
Mais dans
d’autres cas, la Chambre a renoncé à son privilège et accepté les amendements du
Sénat [83] .
Lorsque les
Communes acceptent des amendements du Sénat (à un projet de loi portant
affectation de crédits ou créant un impôt), elles renoncent habituellement à
leur privilège financier, tout en insistant sur le fait que la décision en
l’espèce ne constitue pas un précédent [84] .
Il est cependant
arrivé à l’occasion que la Chambre accepte ou rejette des amendements sans
invoquer ses privilèges [85] .
En deux
occasions au moins, le Président a refusé d’écarter des amendements du Sénat à
une mesure financière, en maintenant que c’est à la Chambre et non au Président
qu’il appartient d’invoquer ses privilèges ou d’y renoncer [86] .
Bien que le
Président ait reconnu son devoir d’attirer l’attention de la Chambre sur un
projet de loi ou un amendement du Sénat qui empiète sur ses privilèges [87] ,
il ne se
prononce pas sur le droit du Sénat de modifier une mesure financière, étant
donné qu’il s’agit d’une question constitutionnelle [88] .
Par contre, des
projets de loi du Sénat ont été écartés pour le motif qu’ils contrevenaient au
principe constitutionnel voulant que les mesures financières émanent de la
Chambre et soient présentées à l’initiative de la Couronne [89] .
La
Chambre permet toutefois au Sénat d’introduire ou de modifier des peines
pécuniaires contenues dans des projets de loi lorsque ces peines ont pour seul
objet de punir ou prévenir des crimes et délits et ne visent pas à créer une
dépense publique ou imposer des charges aux contribuables [90] .
Les travaux des subsides
Les
travaux des subsides permettent au gouvernement de demander au Parlement
d’approuver les fonds requis pour lui permettre de s’acquitter de ses
obligations financières et de mettre en œuvre les programmes déjà approuvés par
le Parlement. La Couronne, agissant sur l’avis des ministres responsables,
transmet à la Chambre des communes les prévisions annuelles de dépenses du
gouvernement, soit son « Budget des dépenses », pour étude et approbation. Seules
les Communes ont le pouvoir d’accorder les « crédits » nécessaires pour combler
les besoins du gouvernement. Tous les projets de loi d’ordre financier (ce qui
inclut toutes les dépenses du gouvernement) doivent être présentés en premier à
la Chambre des communes [91] .
Une fois les
crédits accordés, le gouvernement peut puiser dans le Trésor pour s’acquitter de
ses obligations financières [92] .
Historique
La
procédure relative aux travaux des subsides établie en 1867 est demeurée
fondamentalement inchangée pendant le premier siècle suivant la Confédération.
S’inspirant d’une ancienne règle de la Chambre des communes britannique [93] ,
les travaux des
subsides étaient confiés à un comité plénier appelé Comité des subsides [94] .
De la Confédération à 1968
Avant
1968, les travaux des subsides nécessitaient que la Chambre se constitue d’abord
en comité des subsides pour ensuite y étudier le Budget annuel des dépenses,
c’est-à-dire les dépenses proposées par le gouvernement. Avant que le Comité des
subsides ne puisse entreprendre ses travaux, le ministre des Finances devait
déposer le Budget des dépenses avec le message du gouverneur général signifiant
la recommandation de la Couronne [95] .
Le ministre
proposait ensuite que le message et la recommandation soient renvoyés, avec le
Budget des dépenses, au Comité des subsides [96] .
Lorsque
l’ordre du jour prévoyait que la Chambre se forme en comité des
subsides [97] ,
la motion « Que
le Président quitte maintenant le fauteuil » était présentée à la
Chambre [98] .
Il s’agissait de
la première étape des travaux des subsides; les députés avaient alors l’occasion
de débattre cette motion et de l’amender. Les règles relatives à la pertinence
étaient assouplies et les députés avaient recours à des amendements pour
soulever différentes questions et les débattre à la Chambre. De plus,
l’opposition pouvait menacer de retarder l’examen des crédits pour obtenir des
concessions de l’exécutif. Cette pratique de permettre toutes sortes
d’amendements [99] ,
de même que la
grande latitude accordée pour les débats et l’absence de limites de temps
étaient des reliquats d’un ancien principe du gouvernement parlementaire qui
voulait que la Couronne réponde aux griefs de la population avant que celle-ci
ne lui accorde des crédits [100].
Une
fois que la Chambre avait adopté cette motion, elle se formait en comité des
subsides. Chaque poste budgétaire était étudié sous forme de résolution ou de
motion distincte proposant « qu’une certaine somme soit accordée à Sa Majesté
pour… ». Les amendements étaient permis et le débat n’était assujetti à aucune
limite. Si elles étaient adoptées, les résolutions étaient renvoyées à la
Chambre pour qu’elle les entérine. Pour ce faire, on procédait à deux « lectures »
de la résolution. La première était purement formelle tandis que la motion de
deuxième lecture pouvait donner lieu à un débat et à des amendements. Les
rapports du Comité des subsides n’étaient habituellement pas étudiés par la
Chambre le même jour où ils étaient transmis, mais on ordonnait plutôt qu’ils
soient reçus à une prochaine séance de la Chambre. Après avoir fait rapport, le
Comité demandait la permission « de siéger de nouveau », sans quoi le Comité des
subsides aurait cessé d’exister [101] .
Lorsqu’on donnait lecture de l’ordre du jour portant qu’il
soit fait rapport des résolutions adoptées en comité, une motion officielle
tendant à la première lecture de ces résolutions était proposée. La motion ne
faisait jamais l’objet d’un débat ou d’amendements. Si la Chambre y consentait,
chaque résolution était lue séparément pour la deuxième fois, après quoi le
Président la mettait aux voix. Tout amendement ou débat devait avoir trait
directement à la résolution [102] .
Lorsque
l’ensemble du Budget des dépenses avait franchi l’étape du Comité des subsides,
le ministre des Finances proposait une motion portant que la Chambre se forme en
comité des voies et moyens pour étudier les résolutions officielles d’octroi de
certaines sommes à prélever du Trésor [103] .
Une fois de
plus, chaque poste budgétaire était proposé sous forme de résolution distincte,
puis étudié et enfin renvoyé à la Chambre après son adoption. Une fois que les
résolutions avaient franchi l’étape de la deuxième lecture, elles constituaient
le fondement d’un projet de loi de crédits qui visait à puiser les sommes
voulues dans le Trésor pour financer les programmes et activités approuvés dans
le Budget des dépenses. Il arrivait souvent que les projets de loi de crédits
étaient présentés et franchissaient deux étapes législatives ou plus au cours
d’une même journée [104] .
Après son
adoption par la Chambre, le projet de loi de crédits était envoyé au Sénat où il
devait franchir trois lectures avant d’être adopté et renvoyé à la
Chambre.
Le
débat sur la motion voulant « Que le Président quitte maintenant le fauteuil »
faisait souvent en sorte que les crédits étaient étudiés à la toute fin de la
session et souvent tard en soirée. Par conséquent, lorsque le Budget des
dépenses était examiné en comité, cet examen avait tendance à être relativement
court, ce qui provoquait fréquemment des plaintes concernant l’absence de
méthodes efficaces de surveillance parlementaire des dépenses
gouvernementales [105] .
En
1913, le Règlement de la Chambre était modifié : dorénavant, lorsque l’ordre du
jour prévoyait que la Chambre se forme en comité des subsides le jeudi et le
vendredi, la motion voulant « Que le Président quitte maintenant le fauteuil »
serait adoptée d’office [106] .
C’était la
première fois qu’on limitait le droit des députés de présenter des griefs avant
l’étude des besoins financiers du gouvernement. À la suite de ce changement,
seulement 132 amendements à la motion ont été présentés de 1913 à 1955 alors que
271 l’avaient été entre 1867 et 1913. Cette nouvelle disposition constitua la
première limitation réelle de la capacité de l’opposition de retarder l’examen
des crédits puisqu’elle garantissait au gouvernement que la Chambre pourrait se
pencher au moins deux jours par semaine sur ses besoins financiers. Aucune autre
modification n’a été apportée jusqu’en 1927 [107] ,
alors que la
Chambre accepta de permettre un sous-amendement à la motion proposant que le
Président quitte le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité des subsides
ou en comité des voies et moyens lorsque la motion est présentée un autre jour
que le jeudi ou le vendredi [108] .
Des
divergences d’opinions apparurent vite quant à la tribune à utiliser pour
étudier le Budget des dépenses : un comité plénier ou un comité
permanent [109] .
En 1955, la
Chambre acceptait de créer un Comité spécial des prévisions budgétaires [110] .
Au départ, ce
comité ne disposait pas du pouvoir d’assigner des témoins ni d’ordonner la
production de documents et de dossiers; des changements apportés au Règlement en
1958 allaient toutefois lui conférer les pouvoirs nécessaires [111] .
D’autres changements approuvés provisoirement en 1967
permirent aux comités permanents d’examiner le Budget des dépenses et limitèrent
à quatre le nombre d’occasions au cours d’une session où la Chambre pourrait
débattre de la motion proposant qu’elle se forme en comité des subsides ou en
comité des voies et moyens [112] .
Au cours de
chaque session, un maximum de 30 jours devaient être consacrés aux travaux des
subsides [113] .
Les travaux des subsides depuis 1968
En
1968, des changements ont été recommandés par le Comité spécial de la procédure.
Le Comité estimait que les travaux des subsides étaient « parmi les choses qui
prennent le plus de temps au Parlement canadien, qui donnent lieu à plus de
répétitions et qui s’inspirent de méthodes archaïques ». Il était d’avis qu’ils
ne permettaient pas un examen efficace des prévisions budgétaires, qu’ils ne
fournissaient pas à la Chambre les moyens d’organiser un débat significatif sur
des sujets prévus à l’avance, qu’ils n’avaient pas permis au Parlement d’exercer
un contrôle efficace sur les dépenses, non plus que d’assurer une décision
rapide sur les projets de loi des crédits. Le Comité estimait que la méthode qui
avait été léguée par l’histoire ne tenait pas compte des réalités contemporaines
de la marche du gouvernement [114] .
La Chambre
convint de modifier substantiellement ses procédures financières [115] .
Le Comité des
subsides et le Comité des voies et moyens furent tous les deux abolis. Tous les
Budgets des dépenses seraient dorénavant transmis aux comités permanents avant
d’être soumis à la Chambre. Les nouvelles règles prévoyaient que le Budget
principal des dépenses serait déposé et renvoyé aux comités au plus tard le
1er mars de chaque année. Pour leur part, les
comités devaient faire rapport ou seraient réputés avoir fait rapport au plus
tard le 31 mai [116] .
La
Chambre convint d’établir, au début de chaque
session, un ordre du jour permanent pour les travaux relatifs aux subsides sous
la rubrique des Affaires émanant du gouvernement [117] .
Contrairement
à l’ordre prévoyant que la Chambre se transforme en comité des subsides, qui
était annulé une fois que le comité avait renvoyé le Budget des dépenses à la
Chambre, l’ordre permanent demeure un élément des Affaires émanant du
gouvernement qui peut être mis en délibération à tout moment selon le bon
vouloir du gouvernement.
Les
nouvelles règles divisèrent le calendrier parlementaire en trois périodes durant
lesquelles 25 jours seraient consacrés aux travaux des subsides. Cinq jours
désignés furent réservés à la période de subsides se terminant le 10 décembre,
sept à la période se terminant le 26 mars et treize autres à la période se
terminant le 30 juin. Des motions de l’opposition ou de subsides ne pourraient
être présentées que par des députés de l’opposition et pourraient porter sur
toute question relevant de la compétence du Parlement du Canada [118] .
De
plus, les nouvelles règles stipulaient qu’au cours de chaque période,
l’opposition pouvait demander que jusqu’à deux de ces motions présentées lors
d’un jour désigné fassent l’objet d’un vote et soient considérées comme des
motions de « défiance » à l’endroit du gouvernement. Comme les conventions veulent
que l’exécutif conserve la « confiance » de la Chambre, de nombreux intervenants
se sont demandés pourquoi les motions de l’opposition votables devaient être
appelées motions de « défiance » [119] .
En mars 1975,
le Règlement était provisoirement modifié de manière à ce que les votes sur les
motions de crédits de l’opposition ne soient plus d’office considérés comme une
question de confiance à l’endroit du gouvernement [120] .
Les règles
provisoires n’ont pas été renouvelées au début de la deuxième session et le
concept de défiance a refait son apparition dans la version de 1977 du
Règlement. De nouvelles modifications apportées au Règlement en juin 1985
supprimaient une fois de plus la disposition de « défiance » des règles régissant
les motions de l’opposition [121] .
En
1986, des changements étaient apportés pour permettre au chef de l’Opposition de
demander le prolongement de l’étude en comité du Budget des dépenses d’un
ministère ou organisme au-delà du délai du 31 mai, pour une période ne dépassant
pas 10 jours de séance [122] .
De plus, les
nouvelles règles réservaient le dernier jour désigné de la période de subsides
se terminant le 30 juin afin de débattre de la motion d’adoption du Budget
principal des dépenses plutôt que de la motion habituelle de l’opposition, et
permettaient le prolongement de la séance jusqu’à 22 heures. En 1991, la date où
cette période se termine a été ramenée au 23 juin et, à la suite d’une réduction
du nombre de jours de séance dans l’année, le nombre total de jours désignés est
passé de 25 à 20 sur l’ensemble d’une année [123] .
Des
changements ont également été apportés pour augmenter ou réduire le nombre de
jours désignés au cours d’une période de subsides en fonction du nombre total de
jours de séance de cette période [124] ,
et pour
limiter le nombre de jours désignés tombant un mercredi et un vendredi [125] .
Enfin, en
1998, le nombre total de jours désignés a été porté à 21 et on doit de nouveau
étudier une motion de l’opposition lors du dernier jour désigné de juin [126] .
Toutefois,
l’étude de cette motion de l’opposition ne doit pas se prolonger au-delà de 18 h
30 et doit être suivie de l’étude des motions requises pour adopter le Budget
principal des dépenses.
L’ordre permanent des travaux des subsides
Dans
le discours du Trône, qui inaugure chaque nouvelle session du Parlement, le
gouverneur général annonce habituellement aux députés qu’on leur demandera de
voter les crédits (c’est-à-dire d’affecter les sommes) nécessaires pour financer
les services et les dépenses approuvés par la Parlement [127] .
Parmi
les premiers travaux qu’elle entreprend après le discours du Trône, la Chambre
étudie donc une motion habituellement proposée par le ministre présidant le
Conseil du Trésor : « Que la Chambre étudie les travaux
des subsides à la prochaine séance » [128] .
En vertu d’un
usage bien établi, la motion ne donne pas lieu à un débat et est habituellement
adoptée à l’unanimité. Une fois adoptée, la motion devient un ordre de la
Chambre prévoyant l’ajout des travaux des subsides au Feuilleton pour le reste de la session [129] .
Ce processus
entraîne l’établissement d’un ordre du jour permanent pour les travaux des
subsides, ce qui permet au gouvernement de mettre à l’étude les subsides lors de
toute séance, compte tenu des dispositions du Règlement.
Les travaux des subsides comprennent l’étude des motions :
- portant adoption des crédits provisoires;
- portant adoption du Budget principal et du Budget supplémentaire des dépenses;
- visant à rétablir tout poste du Budget des dépenses;
- visant à présenter ou à adopter à toutes les étapes tout projet de loi fondé sur le Budget des dépenses;
- proposées par l’opposition lors des jours désignés [130] .
Dans
une même année civile, le Règlement réserve 21 jours aux travaux des subsides et
ces travaux ont alors préséance sur toute autre affaire du gouvernement [131] .
Les travaux
des subsides peuvent être divisés en deux étapes : l’étape des débats généraux et
l’étape législative. L’étape des débats généraux a lieu lors de l’étude des
motions de l’opposition proposées lors des jours désignés [132] .
Durant l’étape
législative, la Chambre se penche et vote sur les plans de dépenses annuels
proposés par le gouvernement (les budgets principal et supplémentaire des
dépenses) [133]
et sur les
projets de loi (projets de loi de crédits) nécessaires pour autoriser tous les
prélèvements sur le Trésor.
L’étape des débats généraux
Les jours désignés
La
mise de côté d’un nombre spécifié de jours de séance où l’opposition choisit le
sujet du débat vient d’une tradition voulant que le Parlement n’accorde pas de
crédits tant que l’opposition n’a pas eu l’occasion de démontrer pourquoi ces
crédits devraient être refusés. Des vingt et un jours que la Chambre réserve aux
travaux des subsides au cours de chaque cycle annuel des subsides, sept sont
désignés durant la période se terminant le 10 décembre, sept durant la période
se terminant le 26 mars et sept durant la période se terminant le 23 juin. De
ces vingt et un jours, quatre au plus peuvent tomber un mercredi et quatre au
plus un vendredi (les jours de séance les plus courts de la semaine) [134] .
Ces vingt et
un jours sont appelés « jours désignés ». Lors de chacun d’eux, la Chambre
débattra d’une motion de l’opposition [135] .
Le
cycle normal des subsides peut être bouleversé par une période d’ajournement
prolongé, ou encore une prorogation ou une dissolution du Parlement. Le nombre
de jours de l’opposition de chaque période peut alors être augmenté ou diminué.
Si le nombre de jours de séance d’une période de subsides est pour une raison ou
une autre inférieur au nombre prescrit par le calendrier parlementaire, le
nombre de jours désignés de cette période sera réduit proportionnellement au
nombre de jours de séance où la Chambre n’a pas siégé. C’est le Président qui
détermine alors le nombre de jours désignés que comptera cette période et qui
l’annonce à la Chambre [136] .
À l’inverse,
si la Chambre siège plus de jours que le nombre prescrit, le nombre total de
jours désignés sera augmenté d’un jour pour chaque période de cinq jours
supplémentaires où la Chambre a siégé [137] .
La Chambre
peut également décider que tout jour inutilisé parmi les six jours réservés au
débat sur l’Adresse en réponse au discours du Trône ou les quatre jours réservés
au débat sur le Budget est ajouté au nombre de jours désignés de la période de
subsides où ces débats étaient prévus [138] .
Si on
propose l’adoption du Budget supplémentaire des dépenses de l’exercice précédent
au cours de la période de subsides se terminant le 23 juin, trois jours de
séance supplémentaires seront réservés au cours de cette période à l’étude d’une
motion d’adoption de ce budget et à l’adoption à toutes les étapes du projet de
loi de crédits connexe [139] .
Il est parfois
arrivé que la Chambre consente à modifier la durée d’une période de subsides ou
le nombre de jours désignés. Ainsi, la Chambre a déjà accepté de prolonger une
période de subsides [140] ,
d’ajouter des
jours désignés [141] ,
et de
transférer des jours désignés inutilisés d’une période à la suivante [142] .
Elle a
également déjà accepté qu’un jour désigné d’une période de subsides soit réputé
avoir été utilisé et qu’un jour supplémentaire soit ajouté à la période de
subsides suivante [143] .
L’annonce d’un jour désigné
Le
gouvernement désigne les jours réservés aux travaux des subsides. L’usage veut
qu’un ministre, habituellement le leader du gouvernement à la Chambre, prenne la
parole afin d’annoncer que le lendemain ou un jour subséquent sera un jour
désigné [144] ;
les jours
désignés peuvent également être annoncés au cours de la « Déclaration du jeudi »
sur les travaux parlementaires [145]
pour la semaine
suivante. Cependant, cette désignation ne lie pas le gouvernement et peut être
révisée à n’importe quel moment comme tout autre ordre du gouvernement [146] .
Si le
gouvernement ne désigne pas le nombre prescrit de jours désignés, les jours
restants de cette période seront désignés par défaut [147] .
Lorsque la
séance d’un jour désigné se termine avant que la Chambre n’ait passé à l’ordre
du jour, on considère que le jour désigné n’a pas été entrepris et que la séance
ne compte donc pas dans les jours désignés pour l’étude d’une motion de
l’opposition [148] .
D’un autre
côté, une fois que l’ordre relatif aux subsides a été mis en délibération, un
jour désigné est réputé terminé si les délibérations sont par la suite
interrompues [149] .
Les motions de l’opposition
Les
motions de l’opposition ont priorité sur toutes les motions de subsides du
gouvernement les jours désignés [150] .
Toutefois,
lors du dernier jour désigné de la période se terminant le 23 juin, le Président
interrompt les délibérations sur la motion de l’opposition au plus tard à 18h30
et met aux voix, sans autre débat ni amendement, toute question nécessaire pour
disposer de la motion. Tout vote par appel nominal demandé est reporté à la fin
des travaux des subsides de la séance, mais au plus tard à 22 heures.
Entre-temps, la Chambre entreprend l’étude d’une ou de plusieurs motions
d’adoption du Budget principal des dépenses [151] .
Les
députés de l’opposition peuvent proposer des motions pour débattre toute
question relevant de la compétence du Parlement du Canada ainsi que les rapports
de comité portant sur le Budget des dépenses [152] .
Le Règlement
donne énormément de latitude aux députés pour les motions de l’opposition
présentées lors des jours consacrés à l’étude des subsides et à moins que la
motion ne soit nettement et indubitablement irrégulière (c’est-à-dire qu’on ne
puisse réellement pas soutenir, du point de vue de la procédure, qu’elle est
recevable), la présidence n’intervient pas [153] .
Avis requis
Un
avis écrit de 24 heures doit être donné d’une motion de l’opposition avant
qu’elle puisse être débattue lors d’un jour désigné [154] .
Cet avis doit
être déposé au plus tard à 18 heures (ou à 14 heures le vendredi) le jour
précédant un jour désigné pour pouvoir paraître dans le Feuilleton du lendemain [155] .
Un député peut
donner avis d’une motion de l’opposition même si un jour désigné n’a pas encore
été annoncé [156] .
De plus, il ne
suffit pas que le gouvernement décide de ne pas tenir un jour désigné prévu pour
que la présidence fasse supprimer un avis d’une motion de l’opposition du Feuilleton des Avis [157] .
Cet avis peut demeurer au Feuilleton des Avis tant
qu’on n’aura pas étudié la motion ou qu’elle n’aura pas été retirée par son
parrain. Seul ce dernier peut demander le retrait de cet avis et le consentement
de la Chambre n’est pas requis pour ce faire [158] .
Le pouvoir de sélection du Président
Le
Règlement ne précise pas la méthode à suivre pour répartir les jours désignés
entre les divers partis de l’opposition quand celle-ci est formée de deux partis
reconnus ou plus. Le gouvernement désigne les jours qui seront consacrés aux
travaux des subsides, mais ce sont les partis de l’opposition qui déterminent
entre eux quel parti présentera la motion et si cette motion sera assujettie à
un vote, compte tenu des dispositions du Règlement. Les jours désignés sont
habituellement répartis entre les partis de l’opposition reconnus en fonction
des sièges qu’ils détiennent à la Chambre. Il n’appartient pas à l’Opposition
officielle de déterminer unilatéralement qui peut proposer une motion lors d’un
jour désigné [159] .
Des avis de
plus d’une motion peuvent être donnés par un ou plusieurs partis de
l’opposition [160] .
Lorsque des
avis de deux motions de l’opposition ou plus figurent dans le Feuilleton pour étude lors d’un jour désigné et que les
partis de l’opposition ne s’entendent pas sur la motion à débattre, le Président
doit déterminer la motion qui aura la priorité [161] .
Pour ce faire,
il tiendra habituellement compte des facteurs suivants : la représentation des
partis à la Chambre, le nombre de motions parrainées par les divers partis
jusqu’à maintenant, une certaine équité à l’égard des petits partis, la date de
l’avis, le parrain de la motion, le sujet de celle-ci, son caractère votable ou
non, et les ententes conclues par les partis au cours des dernières périodes de
subsides [162] .
Les motions votables
Au
plus 14 motions de l’opposition étudiées lors de jours désignés peuvent faire
l’objet d’un vote au cours de chaque cycle annuel des subsides [163] .
Aux fins du
calcul des motions votables, on considère que la période se terminant le 10
décembre est la première période du cycle des subsides [164] .
Les partis de
l’opposition s’entendent de manière informelle pour se diviser les 14 motions
votables [165] .
La présidence
ne peut déterminer si une motion devrait être votable ou non sauf lorsqu’on a
atteint la limite des motions votables autorisées pour une période de subsides
ou une année donnée [166] .
Il est déjà
arrivé, bien que rarement, que certaines motions de l’opposition étudiées lors
de jours désignés soient adoptées par la Chambre [167] .
Les délibérations sur une motion de l’opposition
Les
délibérations sur les motions de l’opposition non votables se terminent à la fin
du débat ou à l’expiration de la période réservée aux ordres émanant du
gouvernement [168] .
Une motion
peut toutefois être présentée afin de prolonger la séance au-delà de l’heure
habituelle d’ajournement [169] .
Dans le cas
des motions votables, le Président interrompra le débat 15 minutes avant
l’expiration de la période réservée aux ordres émanant du gouvernement et mettra
aux voix, sans autre débat ni amendement, toute question nécessaire pour mettre
un terme à l’étude de la motion [170] .
Lorsqu’un vote
par appel nominal sur une motion de l’opposition votable est demandé un
vendredi, il est automatiquement reporté jusqu’à l’heure habituelle de
l’ajournement quotidien de la séance suivante; toutefois, un vote par appel
nominal demandé lors du dernier jour désigné d’une période de subsides ne peut
être reporté [171] .
Les
délibérations sur une motion de l’opposition votable peuvent se poursuivre
pendant plus d’un jour désigné [172] ;
habituellement, ces délibérations s’étendent sur deux jours de séance
consécutifs lorsque ces deux jours ont été tous les deux choisis jours
désignés [173] .
La durée de
ces délibérations doit être précisée dans l’avis relatif à ce ou ces jours
désignés [174] .
Le
parrain de la motion, qui est un député de l’opposition, prend la parole en
premier lors d’un jour de l’opposition. Aucun député ne peut intervenir pendant
plus de vingt minutes; une période de dix minutes est également prévue pour les
questions et observations [175] .
Il arrive
souvent que deux députés du même parti conviennent de partager cette période de
vingt minutes, chacun se voyant alors accorder une période de cinq minutes pour
les questions et observations [176] .
Lors des jours
désignés, le parti dont est membre le parrain de la motion peut obtenir la
parole plus fréquemment que son importance relative à la Chambre ne le
justifierait habituellement.
Seuls
un amendement et un sous-amendement peuvent être présentés aux motions de
l’opposition étudiées lors d’un jour désigné [177] .
Les
amendements visant à lancer un débat entièrement différent ne sont pas
recevables [178] .
Lorsqu’on
attribue à un parti un jour désigné et qu’un sujet est proposé pour le débat au
moyen d’une motion de l’opposition, ce jour ne devrait pas lui être retiré par
le truchement d’un amendement [179] .
La Chambre a
consenti, malgré les règles, à autoriser des amendements qui avaient été jugés
irrecevables par la présidence [180] .
L’étape législative
Le Budget principal des dépenses
Le
Budget principal des dépenses fournit une ventilation, par ministère et
organisme, des dépenses gouvernementales prévues pour l’exercice qui vient. Ce
budget prend la forme d’une série de « crédits », ou de résolutions, qui résument
les besoins financiers estimatifs d’une catégorie de dépenses particulière comme
les dépenses de fonctionnement, les immobilisations ou les subventions [181].
Les crédits
sont chiffrés en dollars et ces montants totaux, une fois adoptés, devraient
permettre de combler tous les besoins budgétaires d’un ministère ou organisme
dans cette catégorie de dépenses, à l’exception des dépenses assumées en vertu
d’autres autorisations législatives. Chaque poste budgétaire, ou crédit,
comporte deux éléments essentiels : un montant et une destination (une
description de l’utilisation qu’on fera de cette somme). Si le gouvernement
souhaite modifier le montant ou la destination approuvés pour un crédit, il doit
le faire au moyen d’un budget « supplémentaire », d’une nouvelle loi ou d’une loi
modificative.
Le
Budget principal des dépenses est composé de deux parties. La Partie I, le Plan de dépenses du gouvernement, donne un aperçu des
dépenses totales que le gouvernement prévoit pour le nouvel exercice. La Partie
II contient le Budget principal des dépenses, qui
résume les dépenses budgétaires et législatives de tous les ministères et
organismes gouvernementaux pour la même période. Il comprend également une
introduction, qui explique les différents types de crédits [182]
et les autres
éléments qui composent le Budget des dépenses, de même que tout changement
apporté au contenu de ce document par rapport aux exercices précédents. Dans la
Partie II, les dépenses sont décrites selon les ministères, les organismes et
les programmes. Elle renferme aussi le libellé proposé des conditions qui
s’appliquent aux pouvoirs de dépenser qu’on demande au Parlement
d’accorder [183] .
L’information
fournie dans la Partie II complète directement l’annexe de la Loi de crédits. Les postes législatifs sont des
dépenses autorisées en vertu d’autres lois et, parce qu’ils ont déjà été
approuvés par des lois, ils ne requièrent pas une nouvelle approbation du
Parlement. Ils sont identifiés dans le Budget des dépenses par un « (L) » et n’y
sont inclus qu’à titre d’information [184] .
La Partie I
est maintenant combinée avec la Partie II pour former un volume qu’on appelle
habituellement « Livre Bleu » [185].
La
forme et le contenu du Budget principal des dépenses n’ont été modifiés qu’à
quatre reprises depuis la Confédération : en 1938, en 1970, en 1981 et la
dernière fois en 1997 [186] .
Chaque fois,
ces réformes étaient entreprises afin d’améliorer la qualité et l’utilité des
renseignements fournis aux parlementaires. En 1938, le ministre des Finances
incluait pour la première fois dans le Budget des dépenses une ventilation des
dépenses de fonctionnement des ministères par fonction [187] .
Une plus
grande précision a été atteinte en 1970 lorsque les dépenses des ministères ont
été regroupées selon les programmes et activités. Un préambule explicatif
clarifiant les termes techniques utilisés a été ajouté et le Livre Bleu a été
pour la première fois publié en un seul volume bilingue [188] .
Au
fur et à mesure que les activités du gouvernement fédéral se diversifiaient et
que les opérations gouvernementales se complexifiaient, il devint de plus en
plus difficile de rassembler toute l’information sur les dépenses
gouvernementales en un seul document. En 1981, après une étude exhaustive du
cadre de gestion et de responsabilisation financière du gouvernement fédéral,
deux nouveaux documents ont fait leur apparition. L’ancien Livre Bleu devint la
Partie II, le Budget des dépenses, et de nouvelles
Partie I et Partie III ont été ajoutées [189] .
La Partie I
fournissait un aperçu des dépenses du gouvernement fédéral de même que des
renseignements sur les activités futures prévues qui ne pouvaient être inclus
avec les crédits annuels et les dépenses législatives énoncés dans le Livre
Bleu. La Partie II énumérait toujours de manière détaillée les ressources dont
les divers ministères et organismes avaient besoin pour l’exercice à venir.
Enfin, la Partie III, le Plan de dépenses du
ministère, constituait en fait une série de documents distincts fournissant
chacun des renseignements supplémentaires sur les programmes et activités d’un
seul ministère ou organisme. Ces premiers plans de dépense formant la Partie III
ont été déposés avec le Budget des dépenses principal de 1982-1983 [190] .
Dans
le chapitre 6 de son Rapport annuel au Parlement de
1992, le vérificateur général traite de la question des rapports ministériels.
Il signale qu’une bonne partie des activités financières du gouvernement ne
s’effectue pas par le truchement de dépenses et ne sont donc pas incluses dans
l’information transmise aux parlementaires pour l’étude et l’approbation des
crédits [191] .
De l’avis du
vérificateur général, l’information transmise au Parlement devrait comprendre
une description de la mission de l’organisation, de ses principaux secteurs
d’activité, de sa structure, des instruments qu’elle utilise, des buts et des
objectifs stratégiques qu’elle s’est fixés pour accomplir sa mission, et des
résultats qu’elle a obtenus et qui montrent dans quelle mesure les objectifs ont
été atteints [192] .
En 1997, la
Chambre a décidé d’entreprendre un projet pilote afin de diviser les plans de
dépenses des ministères de la Partie III en deux documents : le Rapport sur les plans et les priorités et le Rapport sur le rendement. À compter de l’exercice
1997-1998, les documents de la Partie III ont été remplacés par ces deux
rapports, le premier devant être déposé au plus tard le 31 mars et le second à
l’automne [193] .
Le Rapport sur les plans et les priorités décrit le mandat
du ministère (ou de l’organisme), sa mission et ses objectifs stratégiques, et
il fournit des renseignements détaillés sur la structure de ses secteurs
d’activité, sur les résultats prévus et sur sa stratégie de mesure du
rendement [194] .
Ces rapports
sont déposés au Parlement par le président du Conseil du Trésor au nom des
ministres responsables [195] .
Le Rapport sur le rendement rend compte des réalisations
de chaque ministère et organisme en fonction des attentes prévues en matière de
rendement qui sont indiquées dans le Rapport sur les
plans et les priorités [196] .
Ces documents
sont eux aussi déposés par le président du Conseil du Trésor au nom des
ministres responsables et renvoyés aux comités permanents concernés [197] .
Pour ce qui
est de l’administration de la Chambre des communes, ces deux types de rapport
annuel sont déposés à la Chambre par le Président [198] .
Le
Budget principal des dépenses de l’exercice à venir doit être renvoyé aux
comités permanents au plus tard le 1er mars de
l’exercice en cours. Le Budget des dépenses est présenté par un ministre,
normalement le président du Conseil du Trésor, et est accompagné d’une
recommandation du gouverneur général, que le Président lit à haute voix devant
la Chambre [199] .
Le Budget
principal des dépenses est habituellement renvoyé aux comités permanents dès son
dépôt [200] .
N’importe quel
ministre peut présenter une motion durant les affaires courantes afin de
proposer qu’un ou des postes du Budget principal soient renvoyés à un ou des
comités permanents; la Chambre se prononce alors sur la motion sans tenir de
débat [201] .
Les crédits provisoires
Comme
l’exercice commence le 1er avril et que le cycle
normal des subsides prévoit que la Chambre ne se prononcera sur le Budget
principal des dépenses qu’en juin, le gouvernement devrait en théorie se
retrouver sans fonds pendant cet intervalle de trois mois. La Chambre autorise
donc une avance sur les fonds demandés dans le Budget principal des dépenses
afin de combler les besoins des services publics du début du nouvel exercice
jusqu’à la date d’adoption de la loi de crédits fondée sur le Budget principal
des dépenses de l’exercice. C’est cette avance qu’on appelle « crédits
provisoires [202] »,
c’est-à-dire
une autorisation de dépenser accordée au gouvernement en attendant l’approbation
du Budget principal des dépenses.
Le
gouvernement donne avis d’une motion précisant les sommes d’argent dont il aura
besoin, exprimées en douzièmes des crédits qui doivent être adoptés dans le
Budget principal des dépenses [203] .
La plupart de
ces sommes équivalent aux trois douzièmes du montant total, ce qui correspond à
l’intervalle de trois mois entre le début de l’exercice et la date d’adoption
définitive du Budget principal, mais le gouvernement peut demander
davantage [204] .
La motion sur
les crédits provisoires est étudiée lors du dernier jour désigné de la période
de subsides se terminant le 26 mars. L’adoption de la motion est suivie de
l’étude et de l’adoption à toutes les étapes d’un projet de loi de crédits fondé
sur les crédits provisoires et autorisant les retraits prescrits du
Trésor [205] .
L’approbation
des crédits provisoires ne signifie pas nécessairement que la Chambre approuve
immédiatement les programmes auxquels ils s’appliquent dans le Budget principal
des dépenses.
Le Budget supplémentaire des dépenses
Si
les montants votés dans le Budget principal des dépenses se révèlent
insuffisants, ou s’il faut voter de nouveaux fonds ou réaffecter les fonds entre
les crédits ou programmes durant un exercice, le gouvernement peut demander au
Parlement d’approuver des dépenses additionnelles exposées dans un budget
supplémentaire des dépenses. Le gouvernement peut présenter autant de budgets
supplémentaires qu’il juge nécessaire au cours d’un exercice, mais l’usage veut
qu’il se limite à deux ou trois.
Le
Budget supplémentaire des dépenses est déposé sous la forme d’un document
semblable à la Partie II du Budget principal des dépenses. Cependant, plutôt que
d’être présenté comme une série de crédits sommaires (c’est-à-dire où chaque
crédit résume tous les débours prévus dans une catégorie donnée de dépenses),
chaque crédit supplémentaire porte sur un programme ou une opération financière
spécifique. Les renseignements inclus dans le Budget supplémentaire deviendront
une annexe de la loi de crédits qui sera ensuite adoptée pour autoriser les
retraits prescrits du Trésor.
Comme
dans le cas du Budget principal, le Budget supplémentaire est habituellement
présenté par le président du Conseil du Trésor et s’accompagne d’une
recommandation du gouverneur général que le Président lit à haute voix à la
Chambre [206] .
Le Budget
supplémentaire est renvoyé aux comités permanents concernés, immédiatement après
son dépôt à la Chambre [207] .
La motion de
renvoi est présentée par un ministre durant les affaires courantes et ne donne
lieu à aucun débat [208] .
Le Budget
supplémentaire doit faire l’objet d’un rapport à la Chambre ou est réputé avoir
fait l’objet d’un rapport au plus tard trois jours de séance avant le dernier
jour désigné, ou encore le dernier jour de séance de la période de subsides où
il a été déposé [209] .
Dernier Budget supplémentaire des dépenses
Lorsque le dernier Budget supplémentaire des dépenses ne
peut être adopté avant le 31 mars de l’exercice qu’il vise, le Règlement prévoit
qu’on en demandera l’approbation au cours de la prochaine période de subsides,
c’est-à-dire la première période de subsides de l’exercice subséquent. Dans ces
cas, trois jours sont ajoutés à la période de subsides se terminant au plus tard
le 23 juin pour étudier la motion d’adoption de ce dernier budget supplémentaire
de l’exercice précédent et adopter à toutes les étapes le projet de loi de
crédits y afférent [210] .
Les crédits d’un dollar
Les
Budgets supplémentaires comprennent souvent ce qu’on appelle des « crédits d’un
dollar » afin de demander de modifier la répartition des fonds autorisée dans le
Budget principal. Ces crédits d’un dollar ne visent pas à obtenir de fonds
nouveaux ou supplémentaires, mais plutôt à affecter différemment des crédits
déjà autorisés. Comme ces « crédits » sont des postes budgétaires, on doit leur
attribuer une valeur en dollar. Toutefois, étant donné qu’aucuns nouveaux fonds
ne sont requis, cette somme d’« un dollar » revêt uniquement une valeur
symbolique. Les crédits d’un dollar peuvent être utilisés pour réaffecter des
fonds d’un programme à un autre [211] ;
pour radier
des créances [212] ;
pour modifier
des garanties d’emprunt [213] ;
pour autoriser
des subventions [214] ;
ou encore pour
modifier des lois de crédits antérieures [215] .
L’inclusion de crédits d’un dollar dans le Budget des
dépenses a également posé la question de l’utilisation du Budget des dépenses
pour « légiférer » (c’est-à-dire non seulement pour affecter des fonds, mais
également pour tenter d’obtenir de nouvelles autorisations législatives qui
auraient normalement exigé l’adoption d’une loi habilitante distincte dans le
cadre du processus législatif habituel, à l’extérieur de la procédure des
subsides) [216] .
Avant
1968, les procédures relatives aux subsides donnaient amplement l’occasion à la
Chambre de débattre des divers postes du Budget des dépenses. Les postes de
nature législative (pratiquement toujours des « crédits d’un dollar ») étaient
régulièrement inclus dans les lois de crédits [217] .
Toutefois,
cette pratique n’était pas acceptée facilement par la Chambre et les députés
n’hésitaient pas à remettre en question la recevabilité de ces crédits [218] .
Les
changements apportés en 1968 aux règles régissant les subsides, qui entraînèrent
l’abolition du Comité des subsides et le renvoi du Budget des dépenses aux
comités permanents pour étude détaillée, eurent pour effet de réduire de manière
importante le temps que la Chambre consacre à l’étude du Budget supplémentaire
(où figurent la plupart des crédits d’un dollar). De plus, le Budget
supplémentaire étant souvent déposé assez tard au cours de la période de
subsides, cela laisse relativement peu de temps aux comités pour l’étudier. Par
conséquent, peu de temps après les changements de 1968, le Président fut de plus
en plus appelé à se prononcer sur la recevabilité des crédits d’un
dollar [219] .
Les décisions
des Présidents de la Chambre à l’égard des crédits d’un dollar ont donc clarifié
ce qui est acceptable sur le plan de la procédure et ce qui ne l’est
pas.
Les
Présidents ont souvent souligné aux députés qu’ils devraient prendre
l’initiative de porter à l’attention de la présidence toute irrégularité du
Budget des dépenses sur le plan de la procédure [220] .
Ils leur ont
également demandé à de nombreuses reprises de soulever le plus tôt possible ces
questions sur la recevabilité du Budget des dépenses de manière à ce que la
présidence ait le temps de rendre une décision « intelligente » [221] .
La
présidence a maintenu que les crédits ayant un objectif législatif direct et
spécifique (les crédits visant clairement à modifier une loi existante)
devraient être présentés à la Chambre au moyen d’un projet de loi
modificatif [222] .
Le Président
Jerome a déclaré dans une décision ce qui suit : « […] j’estime que le Parlement
autorise le gouvernement à agir en adoptant des lois et lui alloue l’argent pour
financer les programmes autorisés en adoptant une loi portant affectation de
crédits. À mon avis, il ne faudrait donc pas qu’un crédit serve à obtenir une
autorisation qui doit normalement faire l’objet d’une loi [223] ».
Dans une
décision subséquente, il a également déclaré : « […] les travaux des subsides se
déroulent strictement en fonction du but recherché, c’est-à-dire que le
gouvernement prévoit les sommes dont il a besoin, puis la Chambre lui vote ces
crédits […] les mesures législatives et les changements de fond d’ordre
législatif ne sont pas censés faire partie des subsides, mais relèvent plutôt du
processus législatif ordinaire qui comporte trois lectures, l’étape de l’étude
en comité, et qui offrent, autrement dit, aux députés toutes les occasions
voulues pour participer au débat et proposer des amendements [224] ».
L’étude du Budget des dépenses en comité
Lorsque le Budget des dépenses est déposé à la Chambre, il
est renvoyé aux comités permanents pour étude [225] .
Quand un
comité décide de se pencher sur le Budget des dépenses, chaque poste budgétaire
ou « crédit » est mis à l’étude, proposé et débattu sous forme de motion
distincte. Un crédit peut être adopté (le poste budgétaire est approuvé),
réduit [226]
(mais jamais
au-dessous du montant approuvé sous forme de crédit provisoire) ou
rejeté [227]
(le poste
budgétaire n’est pas approuvé) [228] .
Lorsqu’il
entreprend l’étude d’un crédit, le comité lance le débat sur les dépenses de
programmes auxquelles ce crédit s’applique. Les comités étudiant le Budget
peuvent convoquer des témoins; ainsi, ils entendent habituellement le témoignage
du ministre, de fonctionnaires du ministère ou de l’organisme concerné, ainsi
que de citoyens ou groupes intéressés.
Normalement, l’étude du crédit 1 du Budget des dépenses
(généralement les dépenses de fonctionnement ou l’administration du ministère)
donne lieu à une vaste discussion. Les questions sur la politique du ministère
sont habituellement posées au ministre responsable; ce dernier peut toutefois
renvoyer les questions plus techniques ou administratives aux fonctionnaires du
ministère. Les Présidents font normalement preuve d’une très grande souplesse
quant à la nature des questions permises lors de ces travaux [229].
Un
comité ne peut majorer le montant d’un crédit, changer la destination d’une
subvention ou modifier l’objectif d’un crédit puisque cette décision
outrepasserait la recommandation royale et empiéterait sur les pouvoirs de la
Couronne en matière d’initiative financière [230] .
Un comité peut
proposer de réduire un crédit d’un montant égal à celui prévu dans le Budget des
dépenses pour un programme ou une activité auquel il s’oppose [231] .
Les députés ne
peuvent cependant pas proposer une motion visant à réduire un crédit de son
montant total; il faut simplement voter contre la question : « Le crédit est-il
adopté? »
Les
dépenses législatives sont autorisées de manière permanente par d’autres lois
que la loi de crédits et ne figurent dans le Budget des dépenses qu’à titre
d’information [232] .
Les motions ou
recommandations concernant les dépenses législatives énumérées dans le Budget
principal ne sont donc pas autorisées, mais les demandes d’information le sont.
Les postes législatifs ne peuvent être modifiés que par une loi
modificative.
Rapport à la Chambre
Les
comités ne sont nullement tenus de faire rapport à la Chambre sur le Budget des
dépenses; toutefois, dans le cas du Budget principal des dépenses, les comités
qui ne font pas rapport sont réputés l’avoir fait le 31 mai et, dans le cas du
Budget supplémentaire des dépenses, ils sont réputés l’avoir fait le troisième
jour de séance avant le dernier jour désigné ou le dernier jour de séance de la
période de subsides [233] .
Lorsqu’un
comité choisit de faire rapport sur le Budget des dépenses, le président ou un
membre du comité agissant en son nom se lève durant les « Affaires courantes »,
lorsque le Président annonce la « Présentation de rapports de comités », afin de
présenter le rapport.
Pour
le Budget principal des dépenses, les règles prévoient une exception au délai du
31 mai. Le chef de l’Opposition peut, au plus tard le troisième jour de séance
avant le 31 mai, donner avis d’une motion visant à prolonger l’étude en comité
du Budget principal d’un ministère ou organisme précis [234] .
La motion est
réputée adoptée à l’appel des « Motions » durant les « Affaires courantes », lors du
dernier jour de séance avant le 31 mai [235] .
L’adoption de
la motion permet au comité de poursuivre l’étude du Budget principal de ce
ministère ou organisme et de retarder la présentation de son rapport d’une
période pouvant atteindre 10 jours de séance, mais sans dépasser l’heure
habituelle de l’ajournement quotidien du jour de séance précédant immédiatement
le dernier jour désigné de la période de subsides [236] .
Si le comité
n’a pas fait rapport à ce moment-là, il est réputé l’avoir fait. Lorsque le
comité choisit de faire rapport, le président ou un membre du comité agissant en
son nom peut invoquer le Règlement n’importe quand avant le délai prévu et la
Chambre reviendra immédiatement à la rubrique « Présentation de rapports de
comités » pour recevoir le rapport [237] .
Le
rapport d’un comité sur le Budget des dépenses doit correspondre, tant par sa
forme que par son contenu, aux pouvoirs dont le comité avait été
investi [238] .
Comme c’est le
Budget des dépenses qui avait été renvoyé au comité par la Chambre, c’est
également ce budget (tel qu’adopté, réduit ou rejeté) qui devrait faire l’objet
du rapport à la Chambre. Lorsqu’il présente d’autres recommandations de fond, le
comité dépasse nettement les limites de son ordre de renvoi, qui visait l’étude
du Budget des dépenses [239] .
Le Président a
exprimé de sérieuses réserves au sujet de l’inclusion de recommandations de fond
dans des rapports de comité sur le Budget des dépenses [240] .
Un comité
permanent souhaitant formuler des recommandations de fond sur le Budget des
dépenses qu’il a étudié peut le faire en vertu de son pouvoir permanent de mener
des études et de faire rapport sur toutes les questions relatives au mandat, à
l’administration et au fonctionnement des ministères ou organismes dont il a la
charge [241] .
Une motion
d’adoption du rapport d’un comité sur le Budget des dépenses ne peut être
examinée qu’un jour désigné pour les travaux des subsides [242] .
Un
comité peut également faire rapport sur les plans de dépenses et priorités
futurs des ministères et organismes dont il examine le Budget principal des
dépenses [243] .
Ces rapports
doivent toutefois être présentés à la Chambre au plus tard le dernier jour de
séance de juin, comme le prévoit le calendrier parlementaire, et toute motion
d’adoption ne peut être étudiée par la Chambre que durant un jour
désigné [244] .
Adoption du Budget des dépenses
Une
fois qu’il a fait l’objet d’un rapport ou qu’il est réputé avoir fait l’objet
d’un rapport par les comités permanents, le Budget des dépenses doit être adopté
par la Chambre pour que le gouvernement puisse présenter le projet de loi de
crédits autorisant les retraits nécessaires du Trésor. Toutes les motions
d’adoption du Budget des dépenses sont proposées lors du dernier jour désigné
d’une période de subsides, une fois qu’on a terminé les délibérations sur une
motion de l’opposition. Dans un cycle normal des subsides, les motions
d’adoption sont étudiées de la manière suivante [245] :
- Le dernier jour désigné de la période de subsides se terminant le 10 décembre, une
ou des motions d’adoption du Budget supplémentaire des dépenses sont étudiées si
le gouvernement en a déposé durant la période;
- Le dernier jour désigné de la période de subsides se terminant le 26 mars, une ou
des motions d’adoption du Budget supplémentaire des dépenses sont étudiées en
premier, si le gouvernement en a déposé durant la période, puis la Chambre se
penche sur une motion d’adoption des crédits provisoires pour le prochain
exercice;
- Le dernier jour désigné de la période de subsides se terminant le 23 juin, une ou
des motions d’adoption du Budget principal des dépenses sont examinées en
premier, suivies par une ou des motions d’adoption du dernier Budget
supplémentaire des dépenses de l’exercice précédent et une ou des motions
d’adoption du Budget supplémentaire des dépenses de l’exercice en cours, si le
gouvernement en a déposé durant la période.
Une
motion d’adoption du Budget principal ou supplémentaire des dépenses est une
motion visant à faire adopter le Budget des dépenses sur lequel les comités
permanents ont fait rapport ou sont réputés avoir fait rapport. Le gouvernement,
habituellement par l’entremise du président du Conseil du Trésor, donnera un
préavis écrit de 48 heures lorsqu’il souhaite présenter une ou plusieurs motions
d’adoption du Budget des dépenses [246] .
Si un comité a
réduit ou rejeté un ou plusieurs crédits du Budget des dépenses, le gouvernement
peut proposer leur rétablissement [247] .
Un préavis
écrit de 48 heures est aussi requis pour toutes les motions visant à rétablir
des crédits réduits ou rejetés en comité [248] .
De
plus, tout député peut donner avis de son intention de s’opposer à tout poste du
Budget des dépenses soumis à la Chambre : ces postes sont ensuite désignés comme
des « postes qui font l’objet d’opposition » dans le Budget. Le délai de préavis
pour les postes qui font l’objet d’opposition est de 24 heures pour les périodes
de subsides se terminant le 10 décembre et le 26 mars, et de 48 heures pour la
période de subsides se terminant le 23 juin [249] .
Les députés
présentent de tels avis afin de s’opposer au montant total d’un crédit [250]
ou à une
portion précise de ce montant [251] .
Un avis
d’opposition à un poste du Budget des dépenses ne constitue pas une
motion [252] .
Étant donné
que le gouvernement peut proposer dans une même motion l’adoption de tous les
crédits du Budget des dépenses [253] ,
l’avis
d’opposition à un poste constitue en fait un moyen pour les députés de forcer le
gouvernement à proposer une motion distincte pour l’adoption de chaque crédit
qui fait l’objet d’opposition en partie ou en totalité [254] .
Le texte de la
motion générale d’adoption est alors modifié afin d’exclure ces crédits [255] .
À une
occasion, des députés qui avaient signifié leur intention de s’opposer à des
postes du Budget ont informé le Greffier qu’ils ne souhaitaient pas y donner
suite. C’est ainsi que les motions distinctes n’ont pas été mises aux voix et
que les postes qui faisaient l’objet d’opposition ont été réintégrés dans la
motion d’adoption générale [256] .
Lors
du dernier jour désigné de chaque période de subsides, une fois les
délibérations sur la motion de l’opposition terminées, les motions visant à
rétablir les crédits du Budget des dépenses sont étudiées en premier, puis les
motions d’adoption de chacun des crédits pour lesquels un avis d’opposition a
été donné, et enfin la motion d’adoption de l’ensemble des crédits qui ne font
pas l’objet d’opposition [257] ;
la Chambre
passe ensuite au projet de loi de crédits fondé sur le Budget des dépenses. Pour
ces travaux, la Chambre peut siéger au-delà de l’heure habituelle
d’ajournement [258] .
En
principe, toutes les motions peuvent être débattues et amendées [259] .
Toutefois,
dans la pratique, lors du dernier jour désigné de chacune des périodes de
subsides se terminant le 10 décembre et le 26 mars, le débat sur la motion de
l’opposition, qui a priorité sur toutes les autres motions du gouvernement
visant à terminer les travaux des subsides, se poursuit toute la journée et est
interrompu par le Président 15 mi-nutes avant l’expiration de la période
réservée aux ordres émanant du gouvernement. À ce moment-là, toutes les motions,
en commençant par la motion de l’opposition, sont mises aux voix
consécutivement, sans autre débat ni amendement [260] .
Lors
du dernier jour désigné de la période de subsides se terminant le 23 juin, le
Président interrompt les délibérations sur la motion de l’opposition à 18 h 30 à
moins que la Chambre en ait terminé l’étude auparavant. Si la motion de
l’opposition n’est pas une motion à mettre aux voix, les délibérations sur la
motion se terminent à la fin du débat et la Chambre passe à l’étude de toute
motion relative au Budget principal des dépenses [261] .
Si la motion
de l’opposition est une motion à mettre aux voix, le Président met aux voix
sur-le-champ et sans autre débat ni amendement toute question nécessaire pour
mettre un terme aux délibérations et tout vote par appel nominal demandé est
reporté à la fin de l’étude de toute motion relative au Budget principal des
dépenses [262] .
À 22 heures,
le Président interrompt les délibérations, procède tout d’abord à tous les votes
reportés ou nécessaires pour trancher la motion de l’opposition [263] ,
s’il y a lieu,
et ensuite met immédiatement aux voix, sans autre débat ni amendement, toute
autre question nécessaire pour terminer l’étude de toute motion relative au
Budget principal des dépenses. Tout de suite après, le Président met aux voix
successivement et sans débat toute question nécessaire pour terminer l’étude des
affaires relatives au dernier Budget de l’exercice précédent ou à tout Budget
supplémentaire, au rétablissement de tout crédit du dernier Budget ou d’un
budget supplémentaire, ou à tout poste du dernier Budget ou d’un Budget
supplémentaire qui fait l’objet d’opposition.
Le projet de loi de crédits
Une
fois entérinée, la motion d’adoption du Budget des dépenses ou des crédits
provisoires devient un ordre de la Chambre de présenter un ou plusieurs projets
de loi de crédits pour donner suite à l’autorisation de dépenser (montants et
destinations) que la Chambre a approuvée [264] .
Cette mesure
législative vise à autoriser le gouvernement à puiser dans le Trésor des
montants pouvant atteindre mais non dépasser les sommes précisées dans le Budget
des dépenses pour poursuivre les objectifs spécifiés dans les crédits.
Les
projets de loi de crédits doivent être fondés sur le Budget des dépenses ou les
crédits provisoires adoptés par la Chambre [265] .
Ils portent
tous le titre suivant : Loi portant octroi à Sa Majesté
de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se
terminant le 31 mars (année) [266] .
Ils commencent par un préambule qui cite à la fois le
message du gouverneur général recommandant le Budget des dépenses à la Chambre,
et l’objet du Budget des dépenses, qui est de « couvrir certaines dépenses de
l’administration publique fédérale [pour un exercice donné] auxquelles il n’est
pas pourvu par ailleurs ». La présidence a déjà averti les députés qu’une loi de
crédits n’accorde des pouvoirs que pour une seule année et ne convient donc pas
pour les dépenses qui doivent se poursuivre pendant une période de temps plus
longue ou indéfiniment [267] .
À une
occasion, le Président Parent a exprimé de sérieuses réserves au sujet de la
mention de deux années financières dans le long titre d’un projet de loi de
crédits [268] .
Il a parlé
d’une mention « à la fois inutile et trompeuse ». Bien qu’une loi distincte puisse
autoriser un organisme gouvernemental à reporter la portion non dépensée d’un
crédit d’une année financière à la fin de l’année suivante [269] ,
le crédit est
et doit être accordé pour une seule année et ne doit pas être qualifié de crédit
pluriannuel.
Les
destinations et les montants attribués à chaque poste de dépenses ou crédit sont
précisés dans les annexes du projet de loi. Il s’agit en fait des conditions
régissant l’engagement des dépenses. Ces annexes présentent les crédits des
divers ministères classés par ordre alphabétique français ou anglais, selon la
version du projet de loi [270] .
Les
projets de loi de crédits sont étudiés le dernier jour désigné de chaque période
de subsides, à la fin de la journée, après que le Président a interrompu les
délibérations sur la motion de l’opposition ou sur le Budget principal des
dépenses, selon le cas, afin que la Chambre puisse franchir toutes les autres
étapes pour terminer les travaux des subsides pour cette période. La Chambre
doit alors se prononcer sur toutes les motions relatives au Budget des dépenses,
aux crédits provisoires et aux projets de loi de crédits sans autre débat ni
amendement [271] .
Comme tous les
projets de loi ne sont imprimés et distribués qu’après la première lecture, les
députés ne devraient normalement prendre connaissance du contenu des projets de
loi de crédits qu’à la toute fin de la journée, au moment où les délibérations
s’accélèrent à la Chambre. Pour éviter ce problème, on a pris l’habitude au
cours des dernières années de permettre la distribution aux députés de l’ébauche
de ces projets de loi dès le début des travaux des subsides de ce jour-là. La
Chambre donne toujours son consentement pour cette mesure spéciale [272] .
Comme
tous les projets de loi publics, les projets de loi de crédits sont « lus » deux
fois, étudiés en comité et lus une troisième fois avant d’être transmis au
Sénat [273].
Étant donné
que la motion d’adoption du Budget des dépenses ou des crédits provisoires
devient ensuite un ordre de la Chambre de présenter un projet de loi de crédits,
la première lecture s’effectue sur-le-champ, sans que le projet de loi ne doive
être présenté, et une motion est proposée afin qu’il soit lu une deuxième fois
et renvoyé à un comité plénier [274] .
En
théorie, un projet de loi de crédits peut faire l’objet d’un débat et donc
d’amendements, mais une fois la première lecture terminée, il franchit
habituellement toutes les autres étapes sans débat ni amendement, lors du
dernier jour désigné [275] .
Toutefois,
s’il reste du temps pour ce débat ce jour-là et qu’un débat est entrepris à
l’étape de la deuxième ou de la troisième lecture, les discours sont limités à
20 minutes et sont suivis par une période de questions et d’observations d’au
plus 10 minutes [276] .
En comité
plénier, le projet de loi est étudié article par article et il en est ensuite
fait rapport à la Chambre [277].
C’est
habituellement à l’étape de l’étude en comité plénier qu’un député de
l’opposition demande au président du Conseil du Trésor de lui fournir des
garanties que le projet de loi de crédits est dans la forme habituelle [278] .
Les projets de
loi dont un comité plénier a fait rapport sont adoptés sans débat ni
amendement [279] .
Une fois que
le projet de loi a été lu une troisième fois, il est envoyé au Sénat où il doit
franchir trois autres lectures avant de recevoir la sanction royale et de
devenir loi.
Normalement, les projets de loi adoptés dans les deux
chambres du Parlement sont conservés par le Greffier des Parlements (Greffier du
Sénat) jusqu’à ce que le gouverneur général (ou un suppléant) leur donne la
sanction royale. Toutefois, étant donné que l’autorisation des crédits est une
prérogative de la Chambre des communes, les projets de loi de crédits sont
toujours retournés à la Chambre pour que le Président puisse les apporter au
Sénat afin qu’ils reçoivent la sanction royale. Le Président, agissant à titre
de porte-parole de la Chambre, se rend avec des députés à la barre du Sénat et
s’adresse au représentant de la Couronne dans les termes suivants :
« Qu’il plaise à Votre Excellence (Honneur [280]) :
les Communes du Canada ont voté certains subsides nécessaires pour permettre au Gouvernement de faire face aux dépenses publiques. Au nom des Communes, je présente à Votre Excellence (Honneur) le projet de loi
suivant : (titre), Que je prie humblement Votre Excellence (Honneur) de sanctionner. »
Le
Président présente le projet de loi au Greffier du Sénat qui en lit le titre à
haute voix et le gouverneur général (ou un suppléant) donne son consentement
d’un signe de la tête. La sanction royale est ensuite prononcée par le Greffier
du Sénat dans les termes suivants :
« Au nom de Sa Majesté, Son Excellence le (la) Gouverneur(e)
général(e) (l’honorable Gouverneur général suppléant) remercie ses loyaux
sujets, accepte leur bienveillance et sanctionne ce projet de
loi. »
Les
Journaux de la Chambre des communes publient
l’adresse du Président et la réponse du représentant de la Couronne signifiant
la sanction royale, de même que le titre du projet de loi [281] .
Les dérogations au cycle des subsides
De
temps à autre, les circonstances peuvent exiger qu’on déroge aux processus et
cycle habituels. Par exemple, à la suite d’un ajournement imprévu, d’une
prorogation ou d’une dissolution du Parlement, il peut arriver que le Budget
principal des dépenses ne soit pas déposé et renvoyé aux comités permanents
avant la date limite du 1er mars, ou que les
crédits provisoires ou le Budget principal des dépenses ne soient pas adoptés
avant la date limite du 23 juin. Dans ces cas, les dispositions du Règlement
relatives aux travaux des subsides (comme celles sur l’échéancier pour le dépôt
du Budget des dépenses, son renvoi aux comités permanents, son retour à la
Chambre, les motions d’adoption et les projets de loi de crédits) ne
s’appliquent plus.
On
peut faire face à ces situations en suspendant temporairement les dispositions
pertinentes du Règlement. Une entente peut être conclue entre le gouvernement et
les partis d’opposition afin de terminer les travaux des subsides le plus
rapidement possible. Habituellement, il faut adopter un ordre spécial [282]
qui, selon le
cas, traite des aspects suivants : la durée de la période de subsides [283] ;
le nombre de
jours désignés dans la période de subsides [284] ;
le nombre de
motions de l’opposition votables [285] ;
le renvoi aux
comités du Budget principal ou supplémentaire des dépenses et la date des
rapports [286] ;
la date
d’adoption du Budget des dépenses [287] ;
et le temps
alloué pour le débat sur le projet de loi de crédits [288] .
Lorsque le gouvernement juge qu’il y a urgence et qu’il ne
peut attendre la fin de la période de subsides, il peut se servir du temps de la
Chambre mis à sa propre disposition pour étudier le Budget des dépenses. Le
Règlement prévoit un mécanisme spécifique permettant qu’une motion d’adoption du
Budget des dépenses et du projet de loi de crédits connexe soit présentée à
l’étape des « Ordres émanant du gouvernement » et non lors des jours désignés pour
les travaux des subsides [289] .
La motion
d’adoption et le projet de loi sont alors traités comme toute autre affaire
émanant du gouvernement et peuvent donc faire l’objet d’un débat. Ce débat n’est
assujetti à aucune limite et les jours utilisés à cette fin ne sont pas
considérés comme des jours désignés et ne peuvent être déduits du nombre de
jours désignés pour les travaux des subsides [290] .
Mis à part ces
deux exceptions, les règles régissant l’étude des crédits sous la rubrique des
Ordres émanant du gouvernement sont identiques à celles qui s’appliquent aux
délibérations lors d’un jour désigné [291] .
Le pouvoir d’emprunt
Le
gouvernement a besoin de pouvoir emprunter lorsque ses recettes n’arrivent pas à
couvrir ses dépenses. Il le fait principalement en émettant des bons du Trésor,
des obligations négociables et des obligations d’épargne du Canada sur les
marchés canadien et étranger. La Loi sur la gestion des
finances publiques précise ce qui suit : « Les emprunts de fonds et l’émission
de titres par Sa Majesté ou pour son compte sont subordonnés à l’autorisation du
Parlement [292] ».
Ce pouvoir
d’emprunter suffisamment de nouveaux fonds pour couvrir les besoins financiers
estimés et se réserver une marge de manœuvre en cas d’urgence est normalement
demandé et obtenu au début du cycle financier de chaque nouvel exercice [293] .
Ces demandes
visent de nouveaux pouvoirs d’emprunt puisque la Loi sur
la gestion des finances publiques autorise déjà le gouvernement à emprunter
de l’argent pour refinancer des titres de créance arrivant à échéance [294] .
Un pouvoir
d’emprunt inutilisé à la fin de l’exercice est périmé et une nouvelle requête
doit être présentée.
Le
gouvernement emprunte lorsque ses dépenses, qui sont autorisées par le Parlement
dans les Budgets principal et supplémentaire des dépenses et les crédits
provisoires, sont supérieures à ses recettes dont les niveaux prévus sont
également approuvés par le Parlement. Avant 1975, on avait l’habitude d’inclure
des demandes de pouvoir d’emprunt dans l’un des premiers projets de loi de
crédits du nouvel exercice. Lorsque les circonstances exigeaient un
accroissement de ce pouvoir d’emprunt, ces accroissements étaient demandés au
moyen des projets de loi de crédits subséquents comme par exemple ceux relatifs
aux Budgets supplémentaires des dépenses ou aux crédits provisoires. Pour
justifier cette inclusion de nouveaux pouvoirs d’emprunt dans une loi de
crédits, on soutenait que ces pouvoirs d’emprunt pour couvrir toute insuffisance
des recettes par rapport aux dépenses devaient être autorisés de manière assez
automatique étant donné que cette insuffisance, comme les besoins d’emprunt,
étaient la conséquence de mesures déjà approuvées par le Parlement.
Les
changements apportés en 1968 aux procédures sur les subsides ont rendu
problématique l’inclusion du pouvoir d’emprunt dans les projets de loi de
crédits [295] .
La nouvelle
procédure ne permettait habituellement pas aux députés de débattre des
dispositions sur le pouvoir d’emprunt; la clause sur les emprunts ne faisait pas
partie du Budget des dépenses examiné par les comités permanents et les projets
de loi de crédits contenant les dispositions sur les emprunts étaient
habituellement adoptés sans débat. En 1975, le Président a ordonné de rayer d’un
projet de loi de crédits relatif à un budget supplémentaire une disposition sur
le pouvoir d’emprunt parce que son inclusion dans ce projet de loi fondé sur un
budget supplémentaire empêcherait pratiquement toute discussion de cet article,
compte tenu des dispositions du Règlement [296] .
Quelques
années plus tard, en 1981, le Président ne voyait aucune objection à inclure une
demande de pouvoir d’emprunt dans un projet de loi fiscal fondé sur une motion
de voies et moyens, pourvu que le gouvernement ait également donné le préavis
habituel de 48 heures pour la présentation d’un projet de loi afin de viser les
dispositions sur le pouvoir d’emprunt [297] .
Le
pouvoir d’emprunt est maintenant demandé au moyen d’un projet de loi qui suit le
processus législatif normal, sauf que le débat en deuxième lecture est limité à
un maximum de deux jours de séance [298] .
Les derniers
gouvernements ont pris l’habitude de présenter les projets de loi portant
pouvoir d’emprunt lors de la présentation du Budget ou peu de temps
après [299] .
En théorie, si
d’autres emprunts se révélaient nécessaires afin de faire face à des
circonstances imprévues, un projet de loi attribuant un pouvoir d’emprunt
supplémentaire serait alors présenté.
Les mandats spéciaux du gouverneur général
Dans
des circonstances exceptionnelles, la Loi sur la gestion
des finances publiques autorise le gouverneur en conseil à demander au
gouverneur général de délivrer un mandat spécial [300]
pour autoriser
le gouvernement à effectuer des paiements sur le Trésor qui n’ont pas été
autorisés par le Parlement, pourvu que les conditions suivantes soient
remplies [301] :
- Le Parlement est dissous;
- Un ministre a remis un rapport attestant l’urgence du paiement et sa nécessité dans
l’intérêt public;
- Le président du Conseil du Trésor a remis un rapport attestant l’absence de tout
crédit pouvant autoriser le paiement.
Cette
disposition de la Loi permet au gouvernement de
poursuivre ses activités durant une période où le Parlement est dissous. Les
mandats spéciaux ne peuvent être utilisés que depuis la date de la dissolution
jusqu’au soixantième jour suivant la date fixée pour le retour des brefs après
une élection générale. De plus, aucun mandat spécial ne peut être établi durant
cette période si le Parlement est prorogé [302] .
La Loi sur la gestion des finances publiques exige que
tous les mandats spéciaux soient publiés dans la Gazette
du Canada dans les 30 jours suivant leur établissement. Un avis précisant le
montant autorisé en vertu d’un tel mandat doit également être déposé à la
Chambre dans les 15 jours suivant le début de la prochaine session du
Parlement [303]
et une
autorisation doit être rétroactivement incluse dans la première loi de crédits
adoptée au cours de cette session.
Les travaux des voies et moyens
Dans
le cadre des « voies et moyens », le gouvernement établit sa politique économique
en présentant un budget et obtient l’approbation du Parlement pour prélever les
fonds nécessaires grâce à des mesures fiscales. À cet égard, les lois les plus
importantes (c’est-à-dire celles qui permettent de regarnir le Trésor) sont la
Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d’accise, la Loi sur l’accise et le Tarif
des douanes.
L’un
des principes fondamentaux de la procédure des voies et moyens est que les
projets de loi d’imposition et de taxation doivent émaner de la Chambre des
communes. En vertu de la Loi constitutionnelle de 1867,
« tout bill ayant pour but l’appropriation d’une portion quelconque du revenu
public, ou la création de taxes ou d’impôts, devra originer dans la Chambre des
communes [304] »;
une exigence
de même nature est inscrite dans le Règlement de la Chambre [305] .
Les travaux des voies et moyens se répartissent en deux catégories :
- Le
débat sur une motion en vue d’approuver de façon générale la politique
budgétaire du gouvernement (la présentation du Budget suivie d’un débat de
quatre jours sur le sujet); et
- L’examen des mesures législatives (les projets de loi fondés sur les motions de
voies et moyens déjà approuvées par la Chambre) qui imposent une taxe, un impôt
ou d’autres charges aux contribuables.
Une
motion de voies et moyens propose que la Chambre examine une mesure financière
particulière. Pour le Budget, la motion vise l’approbation de la politique
budgétaire du gouvernement; pour les textes législatifs, elle fixe les modalités
des mesures proposées, notamment les taux et l’incidence de la taxation. Alors
qu’un budget est normalement suivi d’un projet de loi de voies et moyens, un tel
projet de loi n’a pas à être précédé d’un exposé budgétaire. En règle générale,
on peut présenter des mesures fiscales à n’importe quel moment d’une session, la
seule condition préalable étant l’adoption d’une motion de voies et
moyens.
La
Couronne, sur l’avis des ministres responsables, est à l’origine de toutes les
demandes visant à percevoir ou à augmenter une taxe ou un impôt, la Chambre
accordant ou refusant son consentement [306] .
Par
conséquent, seul un ministre peut présenter une motion de voies et moyens. Une
fois adoptée, une telle motion barre la voie à tout amendement qui
contreviendrait à l’initiative financière de la Couronne [307] .
La procédure des voies et moyens (de 1867 À 1968)
À
l’origine, les travaux des voies et moyens consistaient à étudier et à autoriser
des mesures visant à produire des recettes ainsi qu’à affecter ou à mettre de
côté, à même le Trésor, les fonds approuvés dans le Budget des dépenses par le
Comité des subsides [308] .
Pendant les
cent premières années qui suivirent la Confédération, les procédures des voies
et moyens demeurèrent pratiquement inchangées. Les mesures étaient proposées
sous forme de résolutions, chacune devant être débattue et adoptée
officiellement au sein du Comité des voies et moyens, puis on en faisait rapport
à la Chambre. Elles étaient ensuite lues une première et une seconde fois, puis
adoptées, avant d’être incorporées à un ou plusieurs projets de loi qui
franchissaient ensuite les mêmes étapes législatives que tous les autres projets
de loi [309] .
Au
fil des ans, la principale activité des voies et moyens devint l’examen et
l’adoption des résolutions découlant du discours du Budget. Toutefois, l’exposé
financier du ministre des Finances et les réactions de l’opposition pouvaient
difficilement être qualifiées de débat. Lors d’un jour désigné, le ministre des
Finances prenait la parole à la Chambre afin de décrire la « situation financière
du Dominion ». Après avoir entendu la réaction de l’opposition, la Chambre se
réunissait en comité des voies et moyens afin d’étudier les résolutions sur la
fiscalité ou les tarifs proposés par le ministre dans le Budget. Au départ,
l’examen du discours du Budget et des résolutions annexes des voies et moyens ne
représentait qu’une petite partie du travail du Comité; il consacrait la
majorité de son temps à imputer les fonds votés dans le cadre des travaux des
subsides. Toutefois, avec le temps, l’exposé financier se mua en événement
politique majeur. Le débat sur le Budget commença à occuper davantage de place
lorsque l’opposition se mit à l’utiliser pour contester la politique financière
du gouvernement et, grâce aux amendements, pour attirer l’attention sur des
mesures et programmes gouvernementaux particuliers.
Pendant un bon nombre d’années après la Confédération, le
ministre des Finances ne suivit aucune procédure établie pour la présentation de
son Budget. Parfois, l’exposé avait lieu sur motion de la Chambre en vue de se
constituer en comité des subsides [310]
et, à d’autres
occasions, lorsque la Chambre siégeait en tant que comité des voies et
moyens [311] .
De 1912 à
1968, l’exposé budgétaire était présenté sur la motion portant que la Chambre se
constitue en comité des voies et moyens. Comme dans le cas des subsides, la
motion portant que le Président quitte le fauteuil et que la Chambre se
constitue en comité des voies et moyens était sujette à débat, modifiable et non
assujettie à une limite de temps. Par conséquent, les propositions budgétaires
étaient d’abord débattues sur la motion portant formation de la Chambre en
comité des voies et moyens, débattues sous forme de résolutions au sein du
Comité, débattues lorsque celles-ci étaient rapportées et lues à la Chambre,
puis débattues de nouveau lorsque les projets de loi passaient par les étapes
normales du processus législatif. Cette pratique demeura inchangée jusqu’en
1913, date où la Chambre décida que, sur lecture de l’ordre visant les voies et
moyens un jeudi ou un vendredi, la motion portant que le Président quitte le
fauteuil ferait l’objet d’une décision sans débat ni amendement.
Par
suite de modifications apportées au Règlement en 1955 [312] ,
il n’y eut
plus aucun débat sur la motion portant que le Président quitte le fauteuil et
que la Chambre se constitue en comité des voies et moyens, sauf lors de la
présentation d’un budget. À ces occasions, la motion et tous les amendements
connexes pouvaient être débattus pendant huit jours de séance au total. On se
prononçait sur le sous-amendement au cinquième jour du débat, et sur
l’amendement au septième [313] .
Au début des
années 1960, la Chambre limita de nouveau le débat sur le Budget, cette fois à
six jours [314] ,
le
sous-amendement et l’amendement devant être réglés le deuxième et le quatrième
jour respectivement. À l’exception de ceux prononcés par le ministre des
Finances, le premier ministre, le chef de l’Opposition et le député qui
s’exprimait le premier au nom de l’opposition, les discours étaient limités à 30
minutes; le député proposant le sous-amendement pouvait s’exprimer pendant 40
minutes [315] .
Avant
les modifications apportées au Règlement en 1968, les modifications au régime
fiscal devaient obligatoirement être présentées dans le cadre d’un exposé
budgétaire. La plupart des observateurs jugeaient que cette procédure était mal
adaptée au contexte moderne, dans lequel le gouvernement considérait la
politique fiscale comme son principal moyen d’influer sur l’activité économique
et devait avoir les coudées franches pour réagir rapidement à l’évolution de la
conjoncture [316] .
La procédure des voies et moyens (de 1968 À ce jour)
En
1968, la Chambre décida d’abolir le Comité des voies et moyens [317]
afin de
supprimer le rôle de ce dernier dans l’examen des résolutions autorisant des
prélèvements sur le Trésor par suite de l’adoption des crédits, et afin
d’éliminer le processus répétitif des débats sur les propositions budgétaires,
lesquels avaient lieu d’abord sur la motion portant
formation du Comité des voies et moyens, et ensuite au sein du Comité des voies et moyens, puis de nouveau
aux diverses étapes des projets de loi connexes [318] .
Néanmoins, les
projets de loi des voies et moyens continuèrent d’être examinés au sein d’un
comité plénier jusqu’en 1985 [319] .
À la
suite de ces modifications, le débat sur le Budget porte sur une motion très
générale concernant la politique budgétaire du gouvernement. Les motions des
voies et moyens (des propositions visant à modifier les recettes du
gouvernement) résultant du Budget sont présentées à la Chambre, après que le
débat sur le Budget est terminé, et sont réglées sans débat ni amendement.
L’examen détaillé des mesures de voies et moyens a lieu uniquement dans le cadre
du débat sur les projets de loi ayant pour objet de les concrétiser [320] .
En
1982, on réduisait de 30 à 20 minutes la limite imposée aux discours de tous les
députés sur la motion relative au Budget, sauf pour le ministre des Finances, le
député s’exprimant le premier au nom de l’Opposition, le premier ministre et le
chef de l’Opposition, et on réservait une période de 10 minutes pour les
questions et observations après chaque intervention de 20 minutes [321] .
En 1991, on
réduisait de six à quatre le nombre total de jours de séance consacrés au débat
sur le Budget [322] .
Le Budget
Le
mot anglais « budget » vient de l’ancien français bougette, diminutif de bouge, désignant un petit sac. Dans un pamphlet paru en
1733, intitulé The Budget Opened, on montre sir
Robert Walpole, alors premier ministre britannique et chancelier de l’Échiquier,
en train d’ouvrir son sac ou sa bourse comme un charlatan ouvrant une besace de
remèdes miraculeux et d’attrape-nigauds [323] .
Le mot — au
sens actuel — serait passé dans l’usage anglais aux environs de cette époque, et
immédiatement après en français.
Selon
la tradition, le ministre des Finances présente chaque année un exposé
budgétaire officiel dans lequel il fait une évaluation détaillée de la position
financière du gouvernement tout en donnant un aperçu de la situation économique
du pays [324] .
Le ministre
précise alors en quoi le fardeau fiscal du contribuable sera augmenté ou
réduit.
Le discours du Budget
Lorsque le gouvernement désire présenter un exposé
budgétaire, un ministre [325]
intervient à la
Chambre pour demander qu’un ordre du jour soit désigné à cette fin; le ministre
précise également la date et l’heure de l’exposé [326] .
Normalement,
le ministre des Finances fait l’annonce pendant les « Questions orales », en
réponse à une question d’un député de l’Opposition officielle [327] .
Toutefois,
l’annonce peut avoir lieu à n’importe quel moment où la Chambre siège. Elle est
considérée comme la demande portant qu’une journée soit désignée conformément au
Règlement, et aucun avis n’est nécessaire. L’ordre du jour est aussi réputé être
un ordre de la Chambre portant que celle-ci siégera, au besoin, au-delà de
l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien [328] .
Au
moment prévu du jour désigné, normalement à la fin de l’après-midi après la
fermeture des marchés financiers, le Président interrompt les travaux en cours,
qui sont réputés ajournés [329] ,
et la Chambre
passe à l’examen de l’ordre du jour visant la présentation de l’exposé
budgétaire. Le ministre des Finances se lève alors pour proposer une motion de
voies et moyens portant « que la Chambre approuve la politique budgétaire
générale du gouvernement » [330]
et pour
présenter le discours du Budget. Le ministre peut également déposer des avis de
motions de voies et moyens établissant les différentes mesures fiscales et
autres qui seront nécessaires pour donner suite au Budget, et demander qu’on
désigne un ordre du jour pour l’examen de chaque motion. Toutefois, on ne peut
proposer d’adopter l’une ou l’autre de ces motions, ou des motions de voies et
moyens présentées à tout autre moment pendant la session, avant que les
délibérations des voies et moyens sur le Budget lui-même ne soient terminées. La
Chambre se prononce donc sur la politique budgétaire du gouvernement avant de
passer à l’étude des mesures fiscales [331] .
Par
convention, les propositions fiscales entrent en vigueur dès que le ministre
dépose un avis d’une motion de voies et moyens, et ce même si les plans fiscaux
du gouvernement n’ont pas encore été adoptés officiellement en vertu d’un texte
de loi [332] .
Le secret budgétaire
En
vertu d’une longue tradition, le contenu du Budget est gardé secret jusqu’à ce
que le ministre des Finances le présente officiellement à la Chambre. Dans les
cas de « fuites », on a souvent invoqué l’incidence du Budget sur les marchés
financiers pour soulever une question de privilège ou pour contester la validité
des délibérations au moyen d’un rappel au Règlement [333] .
Toutefois, les
Présidents des Communes canadiennes ont jugé que le secret tenait davantage à
une convention parlementaire qu’au privilège [334] .
Le Président
Sauvé a fait observer qu’une violation du secret budgétaire « […] peut avoir
des répercussions néfastes sur les affaires ou la bourse [et] peut rapporter à
des gens des revenus qu’ils n’auraient pas obtenus autrement [mais cela n’a]
cependant aucune incidence sur les privilèges des députés. [Ces conséquences]
peuvent causer un tort parfois irréparable, à des personnes ou à des
établissements, mais elles ne concernent en rien les privilèges. Elles
concernent la conduite d’un ministre dans l’exercice de ses fonctions
parlementaires [335] . »
Afin que les
députés et journalistes puissent réagir au discours du Budget, des représentants
du ministère des Finances tiennent habituellement à leur intention une séance
d’information à huis clos plusieurs heures avant que l’exposé budgétaire comme
tel n’ait lieu à la Chambre [336] .
Bien qu’on ait
invoqué le privilège relativement à ces séances à huis clos, le Président a
décidé qu’il ne lui revenait pas de statuer sur leur nature ni sur l’admission
dans la salle [337] .
Les consultations prébudgétaires
L’accent étant mis de plus en plus sur la consultation, bon
nombre des dispositions financières du Budget ont déjà fait l’objet de
discussions publiques avant le début de la rédaction du document [338] .
Depuis 1994,
le Comité permanent des finances est officiellement habilité à tenir des
consultations « prébudgétaires » [339] .
Auparavant,
seuls le ministre et le ministère des Finances consultaient les partenaires
économiques et sociaux du gouvernement pendant le processus préparatoire. Le
Comité des finances était déjà habilité à réaliser ce genre d’études
consultatives [340] ,
mais l’ajout
d’un article précis au Règlement signale que la Chambre tient à recevoir et à
examiner un rapport sur le sujet. Conformément au Règlement, le Comité peut
soumettre un rapport à la Chambre au plus tard 10 jours de séance avant le
dernier jour ordinaire de séance, en décembre, tel que stipulé dans le
calendrier parlementaire [341] .
Même si elle
n’a aucune obligation à cet égard, la Chambre a, chaque fois qu’on lui a soumis
un rapport, tenu un débat soit sur le rapport comme tel soit sur l’objet des
consultations. Il s’agit d’un débat « exploratoire » spécial tenu sous la rubrique
des Ordres émanant du gouvernement quelque temps avant la présentation du
Budget [342] .
L’exposé économique
À
l’occasion, le ministre des Finances présente aussi à la Chambre un exposé
économique qu’on appelle généralement un « mini-budget ». Contrairement à ce qui
se passe dans le cas du Budget, ces exposés sont présentés sans avis et ne sont
pas suivis d’un débat sur le Budget. Des avis de motions des voies et moyens
sont également déposés en pareilles occasions. Jusqu’ici, le ministre a présenté
de tels exposés pendant l’examen de l’Adresse en réponse au discours du
Trône [343] ,
sur une motion
portant ajournement de la Chambre afin de tenir un débat d’urgence [344] ,
pendant les
Affaires courantes sous les « Déclarations de ministres » [345]
et au moment de
présenter la motion pour la deuxième lecture d’un projet de loi portant pouvoir
d’emprunt [346] .
Les règles du
débat applicables à chaque situation ont été respectées [347] .
Le débat sur le Budget
À la
fin de l’exposé budgétaire [348] ,
le Président
donne la parole à un représentant de l’Opposition officielle, habituellement le
porte-parole en matière de finances, lequel, après une brève intervention,
propose une motion d’ajournement du débat qui est alors réputée adoptée. Ce
faisant, le député se réserve le droit d’intervenir le premier à la reprise du
débat sur la motion, lors de la prochaine séance. Le Président ajourne ensuite
la Chambre jusqu’au prochain jour de séance [349] .
Durée du débat
Une
fois le Budget présenté, le Règlement prévoit que les délibérations sur la
motion afférente et sur tout amendement ne doivent pas dépasser quatre jours de
séance additionnels [350] .
Il n’est pas
nécessaire que les quatre jours de débat soient consécutifs [351]
et, si un petit
nombre de députés désirent prendre la parole, le débat peut durer moins de
quatre jours. Si la Chambre en convient, les jours non utilisés peuvent être
ajoutés au nombre des jours de l’opposition de la même période de subsides,
comme le stipule le Règlement [352] .
Depuis les modifications apportées en 1955, il s’est
produit sept occasions où le débat sur le Budget n’a pas occupé tout le temps
prévu dans le Règlement [353].
En 1962, le
Budget a été présenté, mais on a dissous le Parlement avant que n’ait lieu le
débat sur le Budget [354] .
En 1966 et
1969, la Chambre a adopté des ordres spéciaux réduisant le nombre de jours de
débat [355] .
Dans deux
autres cas (en 1974 et 1979), on a coupé court au débat lorsque le premier
ministre a demandé et obtenu la dissolution du Parlement après l’adoption des
sous-amendements [356] .
Au début de
1991, alors que six jours de débat étaient prévus au Règlement, le débat sur le
Budget présenté le 26 février n’a duré que quatre jours; tant l’amendement que
le sous-amendement ont été rejetés, et le débat sur la motion principale n’a pas
repris avant la prorogation, en mai [357] .
En 1993, il
n’y a eu que deux jours de débat sur le Budget présenté le 26 avril; on a rejeté
le sous-amendement, et le débat sur l’amendement et la motion principale n’a pas
repris avant la dissolution de septembre 1993 [358] .
Priorité du débat
En
1955, la Chambre a décidé que le débat sur la motion sur le Budget devait avoir
préséance sur tous les autres ordres émanant du gouvernement [359] .
Conformément
au Règlement, lorsqu’un ordre du jour portant reprise du débat sur le Budget est
appelé, il devient le premier ordre du jour de la séance et aucun autre ordre
émanant du gouvernement ne peut être étudié pendant cette séance, à moins que
les délibérations sur la motion sur le Budget ne soient terminées [360] .
Durée des discours
Le
ministre des Finances, le premier ministre, le premier député qui prend la
parole au nom de l’Opposition et le chef de l’Opposition disposent d’une période
illimitée et leurs discours ne sont pas suivis d’une période de questions et
d’observations de 10 minutes [361] .
Tous les
autres députés peuvent s’exprimer pendant au plus 20 minutes, leurs discours
pouvant être suivis d’une période d’au plus 10 minutes pour des questions et
observations. La motion sur le Budget étant de nature générale, il en va de même
pour le débat, pendant lequel on relâche normalement la règle de
pertinence.
Mise aux voix des amendements et fin du débat
Un
seul amendement et un seul sous-amendement peuvent être proposés à la motion sur
le Budget [362] .
Cela est
contraire aux règles habituelles du débat, qui permettent aux députés de
proposer un nombre illimité d’amendements et de sous-amendements à condition que
chacun soit réglé avant qu’on ne passe au suivant. Le premier jour de la reprise
du débat sur la motion sur le Budget, le député de l’Opposition qui a proposé
l’ajournement du débat sur le Budget poursuit son discours et, habituellement,
propose un amendement avant de reprendre son siège. Le prochain intervenant, un
député du deuxième parti d’opposition, propose normalement un sous-amendement à
la fin de son intervention. Il arrive qu’aucun sous-amendement ne soit
proposé [363].
Aucune règle
n’interdit qu’on propose l’amendement ou le sous-amendement après le premier
jour de la reprise du débat (même si cela ne s’est pas produit depuis qu’on a
réduit à quatre, en 1991, le nombre de jours consacrés à la poursuite du
débat) [364] .
Le
Règlement définit l’exacte procédure à suivre en ce qui touche l’amendement et
le sous-amendement. Le deuxième jour de la reprise du débat, si on a proposé un
sous-amendement, le Président interrompt les délibérations 15 minutes avant
l’expiration du temps prévu pour les affaires émanant du gouvernement et met aux
voix ledit sous-amendement [365] .
Le troisième
jour de la reprise du débat, le Président interrompt les délibérations de la
même manière qu’au deuxième jour et met aux voix l’amendement à l’étude [366] .
Enfin, le
quatrième jour, à moins que le débat n’ait pris fin antérieurement, le Président
interrompt de la même manière les délibérations et met aux voix la motion
principale [367] .
Pendant les
années 1970, la motion principale a souvent été adoptée avec dissidence [368] ,
mais depuis
les années 1980, sauf une exception [369] ,
les députés
ont demandé un vote par appel nominal.
Le Budget : Présentation et débat
Présentation du Budget |
Déebat sur le Budget Maximum de 4 jours |
1re journée |
2e journée |
3e journée |
4e journée |
Normalement, le ministre des Finances présente son budget à la fin de l’après-midi.
|
Normalement, un amendement et un sous-amendement sont proposés.
|
Le sous-amendement est mis aux voix 15 min. avant la fin des Ordres émanant du gouvernement.
|
L’amendement est mis aux voix 15 min. avant la fin des Ordres émanant du gouvernement.
|
La motion principale est mise aux voix 15 min. avant la fin des Ordres émanant du gouvernement.
|
Comme
pour les amendements à l’Adresse en réponse au discours du Trône, les
amendements proposés à la motion sur le Budget constituent des occasions de
faire valoir que le gouvernement a perdu la confiance de la Chambre. À plusieurs
reprises depuis 1930, les amendements proposés à la motion sur le Budget ont été
explicitement libellés comme des blâmes à l’endroit du gouvernement [370] .
Dans les
années 1970, le premier ministre a demandé à deux occasions la dissolution du
Parlement après l’adoption des amendements [371] .
L’étape législative
Le
texte de loi nécessaire pour mettre en vigueur les propositions fiscales,
qu’elles soient énoncées dans un budget ou présentées indépendamment du
processus budgétaire en cours de session, doit franchir une étape préliminaire
unique dans le processus législatif. La Chambre doit d’abord adopter une motion
de voies et moyens avant qu’on puisse déposer un projet de loi obligeant le
contribuable à assumer une charge fiscale. Dans ce contexte, la motion vise à
imposer une nouvelle taxe ou un nouvel impôt, à maintenir une taxe ou un impôt
qui expire, à augmenter le taux d’une taxe ou d’un impôt existant ou à élargir à
une nouvelle catégorie de contribuables le champ d’application d’une taxe ou
d’un impôt. Les prélèvements sur une industrie et les frais administratifs
exigés par des ministères ne constituent pas des charges imposées aux
contribuables dans le contexte des voies et moyens [372] .
Il n’est pas
nécessaire de faire précéder d’une motion de voies et moyens les propositions
législatives qui ne visent pas à prélever des fonds, mais plutôt à réduire les
charges fiscales [373] .
Les motions de voies et moyens
Avant
qu’un projet de loi fiscale ne puisse être lu une première fois, un ministre
doit d’abord déposer à la Chambre un avis de motion de voies et moyens, ce qu’il
peut faire à n’importe quel moment pendant une séance [374] .
Le jour du
dépôt de l’avis ou à un autre moment pendant la session, un ministre peut
demander au Président qu’on désigne un ordre du jour pour l’examen de la motion
à une séance ultérieure, c’est-à-dire pour qu’on l’inscrive au Feuilleton [375] .
Bien qu’il n’y
ait pratiquement aucune restriction quant au moment où l’avis peut être déposé,
on ne peut présenter la motion pendant la même séance [376] ,
ni avant que
le débat sur le Budget ne soit terminé [377] .
Lorsque
l’ordre du jour est appelé, un ministre propose que la motion soit adoptée. La
motion d’adoption doit alors faire l’objet d’une décision immédiate, sans débat
ni amendement [378] .
L’adoption
d’une motion de voies et moyens constitue un ordre de la Chambre en vue du dépôt
d’un ou de plusieurs projets de loi fondés sur les dispositions de cette motion,
ou du dépôt d’un ou de plusieurs amendements à un projet de loi déjà soumis à la
Chambre [379] .
On
peut libeller les motions de voies et moyens en termes très généraux [380]
ou de façon
très précise, par exemple sous forme d’avant-projet de loi [381] .
Dans l’un ou
l’autre cas, elles fixent des limites à la portée — plus précisément, les taux
d’imposition et leur application — des mesures législatives qu’elles proposent.
Ni le projet de loi de voies et moyens ni les amendements proposés par la suite
ne peuvent dépasser les limites fixées dans la motion de voies et moyens. En
particulier, ils ne peuvent accroître le montant d’un impôt ni élargir
l’incidence fiscale ou l’assiette de l’impôt applicable [382] .
Si cela se
produisait, on devrait soit adopter une nouvelle motion de voies et moyens
autorisant les exceptions avant que ces dispositions ne puissent être étudiées
en comité, soit modifier les dispositions fautives pour qu’elles concordent avec
la résolution sur laquelle le projet de loi est fondé [383] .
En procédant
différemment, on contreviendrait à l’initiative financière de la Couronne sur le
plan fiscal. « Les termes de la motion de voies et moyens sont l’expression
soigneusement établie de l’initiative financière de la Couronne et de fréquentes
déviations ne pourraient que conduire à la détérioration de ce très important
pouvoir [384] . »
Lorsqu’une
nouvelle motion de voies et moyens est requise, elle doit également être adoptée
et non simplement déposée [385] .
Si on constate
qu’un projet de loi n’est pas conforme à la motion de voies et moyens
pertinente, une nouvelle motion est requise avant qu’on puisse examiner les
dispositions fautives et prendre une décision à cet égard [386] .
Une
motion de voies et moyens se rapporte souvent à plus d’une proposition
législative; elle peut s’appliquer à plus d’une disposition d’un projet de loi
et peut viser la présentation de plus d’un projet de loi ou d’un projet de loi
modifiant plus d’une loi. Essentiellement, aucune restriction ne s’applique au
libellé ou au contenu de la motion [387] .
Les projets de loi de voies et moyens
L’adoption d’une motion de voies et moyens constitue un
ordre en vue du dépôt d’un ou de plusieurs projets de loi fondés sur les
dispositions de la motion [388] .
Un projet de
loi de voies et moyens doit être « fondé sur » les dispositions de la motion
connexe, mais son libellé n’a pas à être « identique » [389] .
Le projet de
loi peut alors franchir l’étape de la première lecture et être envoyé à
l’impression immédiatement après l’adoption de la motion ou lors d’une séance
ultérieure de la Chambre [390] .
À partir de
là, les étapes du projet de loi de voies et moyens sont exactement les mêmes que
celles suivies pour d’autres projets de loi d’intérêt public [391].
Comme toutes
les mesures fiscales, les projets de loi qui imposent une charge au
contribuable, et qui par conséquent nécessitent une motion de voies et moyens,
doivent émaner de la Chambre des communes [392] .
Les amendements en comité et à l’étape du rapport
On ne
peut proposer aucun amendement au libellé d’un projet de loi avant que le comité
n’en soit saisi. Les amendements aux projets de loi de voies et moyens sont
assujettis aux règles normales touchant les mesures législatives [393].
Un amendement
qui dépasse la portée de la motion sur laquelle le projet de loi est fondé est
irrecevable, sauf si on adopte une nouvelle motion de voies et moyens avant de
le présenter [394] .
Étant donné
que seul un ministre peut proposer une motion de voies et moyens et que,
normalement, les ministres ne siègent pas aux comités, tout amendement dépassant
la portée de la motion de voies et moyens habilitante ne peut être proposé et
étudié qu’à l’étape du rapport. Si la Chambre a adopté la motion de voies et
moyens requise avant que le projet de loi n’atteigne l’étape du rapport, le
ministre peut donner avis d’amendements qui seront étudiés avec les autres
amendements de l’étape du rapport. Si le débat à l’étape du rapport a commencé
avant l’adoption de la motion de voies et moyens requise, le ministre a besoin
du consentement de la Chambre pour mettre en délibération la motion de voies et
moyens et passer à l’étude des amendements.
Les projets de loi de voies et moyens qui exigent une recommandation royale
Un
projet de loi fondé sur une motion de voies et moyens et qui renferme des
dispositions visant des dépenses publiques exige en outre une recommandation
royale [395] .
Dans ces cas,
avant de passer à la première lecture du projet de loi, la Chambre doit adopter
la motion de voies et moyens autorisant le gouvernement à aller de l’avant avec
les mesures fiscales et, après la période d’avis normale de 48 heures, accorder
l’autorisation de présenter les dispositions de dépenses nécessitant la
recommandation royale [396] .
Si
l’avis requis n’est pas donné pour un projet de loi exigeant la recommandation
royale, ce dernier doit être retiré et l’ordre tendant à sa deuxième lecture
doit être révoqué et rayé du Feuilleton; cela ne
compromet pas la validité de toute motion de voies et moyens déjà adoptée par la
Chambre [397] .
Les comptes du Canada
Le
rôle financier de la Chambre des communes ne se termine pas avec le vote de
crédits ou de mesures autorisant la création de recettes. La Chambre veille
également à ce que les fonds fédéraux soient dépensés selon les montants et les
fins autorisés par le Parlement [398] .
Cette fonction
de contrôle (souvent appelée « boucler la boucle ») est essentiellement assurée
par le Comité permanent des comptes publics, qui examine les Comptes publics du Canada, ainsi que tous les rapports
du vérificateur général du Canada, et qui fait rapport de ses
constatations [399] .
Les comptes publics du Canada
En
vertu de la Loi sur la gestion des finances
publiques, le receveur général [400]
doit s’assurer
que des comptes sont tenus pour chaque ministère et organisme du gouvernement.
Ces comptes doivent indiquer toutes les dépenses effectuées au titre de chaque
crédit, les recettes de l’État et les autres versements portés au crédit ou au
débit du Trésor [401] ,
ainsi que les
ressources, les charges et les réserves correspondantes qui sont jugées
nécessaires à une présentation fidèle de la situation financière du
Canada [402] .
Les comptes de
chaque ministère et organisme sont consolidés dans les comptes du
Canada.
Chaque année, le président du Conseil du Trésor dépose un
rapport détaillé des opérations financières de tous les ministères et
organismes, qui s’intitule les Comptes publics du
Canada. Le rapport doit être déposé [403]
au plus tard le
31 décembre suivant la fin de l’exercice visé par les comptes; ou si la Chambre
ne siège pas, dans les 15 premiers jours de séance de la Chambre [404] .
Par pure
tradition, les Comptes publics sont adressés au gouverneur général.
La
raison d’être des Comptes publics du Canada est de
fournir au Parlement — et partant au public — l’information qui lui permettra de
comprendre et d’évaluer la position financière et les activités du gouvernement.
Deux principes constitutionnels sont à la base du système de comptabilité
publique : tous les droits et recettes qui échoient au gouvernement forment le
Trésor et le solde de celui-ci, après diverses imputations préalables, est
approprié par le Parlement du Canada pour les services publics [405] .
La
forme et le contenu des Comptes publics sont la
responsabilité du président du Conseil du Trésor [406]
et du ministre
des Finances [407] .
Les états
financiers sont établis sous la direction commune du président du Conseil, du
ministre des Finances et du receveur général du Canada [408] .
La loi dispose
que les comptes doivent comporter, pour l’exercice visé, les états de toutes les
opérations financières du gouvernement, les états de toutes les dépenses et
recettes; les états des ressources et charges directes ou éventuelles du Canada;
l’avis du vérificateur général sur les comptes, conformément à la Loi sur le vérificateur général; et tout compte et
toute information que le président du Conseil et le ministre des Finances jugent
nécessaires à une présentation fidèle de la situation financière du Canada à la
fin de l’exercice [409] .
Les
Comptes publics se divisent en deux volumes, publiés
sous forme de trois documents distincts. Le Volume I
renferme l’avis du vérificateur général; les états financiers sur lesquels il
donne son avis; un résumé des opérations financières du Canada depuis 10 ans;
une analyse des recettes et dépenses, et des ressources et des charges; et
divers résumés de recettes, dépenses, prêts et investissements à l’échelle du
gouvernement. Le Volume II se divise en deux
parties : la première donne le détail des opérations financières du gouvernement,
réparties par ministère; la seconde fournit des informations et des analyses
complémentaires, comme les états financiers des fonds renouvelables, des
paiements de transfert et des frais de la dette publique [410] .
Jusqu’en 1993, les Comptes publics comprenaient un
troisième volume renfermant des informations financières sur les sociétés
d’État. Le Volume III a été remplacé par le Rapport annuel au Parlement : les sociétés d’État et les
autres sociétés dans lesquelles le Canada détient des intérêts; il s’agit
d’un rapport consolidé des activités et des opérations de toutes les sociétés
d’État et de celles dans lesquelles le gouvernement du Canada a des
intérêts [411] .
Le rapport
annuel est établi par le Secrétariat du Conseil du Trésor pour le président du
Conseil du Trésor, qui le dépose à la Chambre [412] .
Le vérificateur général du Canada
Le
vérificateur général du Canada est un mandataire du Parlement, nommé par le
gouverneur en conseil en vertu de la Loi sur le
vérificateur général, pour vérifier les comptes du Canada et enquêter sur
les activités financières du gouvernement fédéral [413] .
Il est nommé
pour un mandat de 10 ans ou jusqu’à l’âge de 65 ans, selon le cas. Le mandat
n’est pas renouvelable. Le poste a été créé par l’Acte
des comptes publics de 1878 [414] .
Cette loi a
été remplacée en 1886 et en 1931 par l’Acte du revenu
consolidé et de l’audition [415]
qui a été
remplacé à son tour par la Loi sur l’administration
financière [416]
en 1951. À l’origine, le vérificateur n’était
responsable que de la vérification des dépenses, avant qu’elles ne soient faites
(vérification avant paiement) et une fois qu’elles l’étaient (vérification après
paiement). En 1977, le Parlement a adopté l’actuelle Loi
sur le vérificateur général, qui élargit le mandat du vérificateur au-delà
du simple contrôle de l’exactitude des états financiers du gouvernement,
l’autorisant à vérifier si le gouvernement gère bien ses activités
financières [417] .
En
tant que vérificateur des Comptes du Canada, le vérificateur général examine les
états financiers du gouvernement afin de s’assurer que l’information est
présentée fidèlement, conformément aux conventions comptables énoncées et de
façon cohérente par rapport à l’année comptable précédente. La Loi sur la gestion des finances publiques [418]
établit des
responsabilités additionnelles dans le cas d’examens spéciaux concernant les
sociétés d’État. Le vérificateur général a le pouvoir d’entreprendre les examens
et enquêtes qui lui paraissent nécessaires pour lui permettre de faire rapport
comme il est prévu par la Loi sur le vérificateur
général [419] .
Le
Bureau du vérificateur général effectue trois types de vérifications — soit
d’attestation, de conformité et d’optimisation des ressources. La vérification
d’attestation a pour but de vérifier que le gouvernement tient les dossiers
nécessaires et qu’il présente fidèlement sa situation financière
globale [420] .
Les
vérifications de conformité examinent si le gouvernement perçoit et dépense
seulement les crédits autorisés par le Parlement et aux seules fins approuvées
par celui-ci. Enfin, les vérifications de l’optimisation des ressources
vérifient si les programmes du gouvernement ont été exécutés de manière
économique et avec le souci de leurs effets sur l’environnement. Elles
confirment aussi au Parlement que le gouvernement dispose des moyens voulus pour
mesurer l’efficacité de ses programmes [421] .
Depuis 1995,
il est aussi chargé de vérifier dans quelle mesure les activités des ministères
atteignent les objectifs en matière d’environnement et de développement
durable [422] .
Si
cela ne fait pas entrave aux attributions principales du Bureau, le gouverneur
en conseil peut demander au vérificateur général de faire enquête et rapport sur
toute question liée aux affaires financières du Canada ou aux biens publics,
ainsi que sur toute personne ou organisation qui a reçu ou sollicite l’aide
financière du gouvernement [423] .
Le Rapport annuel
Chaque année, le vérificateur doit remettre un rapport à la
Chambre des communes dans lequel il porte à son attention les cas où il a
constaté que :
- les
comptes n’ont pas été tenus d’une manière régulière ou qu’il n’a pas été
correctement rendu compte des deniers publics;
- les
procédures comptables appliquées ont été insuffisantes pour assurer un contrôle
efficace du recouvrement et de la dépense des deniers publics;
- des
sommes ont été dépensées sans souci d’économie ou d’efficience ou à d’autres
fins que celles approuvées par le Parlement;
- des
procédures adéquates pour mesurer et faire rapport sur l’efficacité des
programmes n’ont pas été mises en place [424] .
La Loi sur le vérificateur général dispose que le rapport
annuel doit être remis au Président de la Chambre des communes au plus tard le
31 décembre de l’année à laquelle il se rapporte et que, dès réception du
rapport, le Président le dépose sans délai. Si la Chambre ne siège pas, le
rapport est déposé dans les 15 jours de séance qui suivent sa réception [425] .
À la demande
du vérificateur général, le Président a souvent accepté de déposer le rapport à
une heure précise, soit juste avant les « Déclarations de députés », mais il
n’existe aucune obligation à cet égard [426] .
Une fois
déposé, le rapport est automatiquement renvoyé au Comité permanent des comptes
publics [427] .
Avant le dépôt
du rapport à la Chambre, le vérificateur donne habituellement une séance
d’information, à huis clos, sur le contenu du rapport aux membres du Comité des
comptes publics. En outre, le président du Comité invite habituellement les
députés à un huis clos [428] ,
qui leur
permet d’examiner le rapport qui sera déposé plus tard ce jour-là et d’obtenir
des explications des responsables. Normalement, il se tient aussi un huis clos
semblable pour les médias.
La
Loi a été révisée en 1994 pour autoriser le vérificateur général à présenter
jusqu’à trois rapports par année en sus de son rapport annuel, de tout rapport
spécial sur une affaire très importante ou urgente ou de tout rapport spécial
sur le financement du Bureau du vérificateur général [429] .
Avant le dépôt
d’un rapport supplémentaire, le Président doit être informé par écrit du sujet
du rapport, et le rapport lui-même est remis au Président le trentième jour
suivant le préavis ou à l’expiration d’un délai plus long, indiqué dans
l’avis [430] .
Le Président
doit déposer le rapport sans délai ou, si la Chambre ne siège pas, dans les 15
jours de séance suivant la réception du rapport.
Depuis l’entrée en vigueur des dispositions de 1994, le
rapport annuel du vérificateur général est déposé en plusieurs volumes, le
premier étant déposé au printemps, le second à l’automne et le dernier en
novembre ou décembre [431] .
Le dernier
volume déposé, qui est toujours désigné comme le rapport « annuel », renferme les
parties portant sur les « Questions d’une importance particulière », ainsi qu’un
suivi des rapports précédents. Chaque volume comprend un avant-propos du
vérificateur général, ainsi que des chapitres, numérotés
individuellement [432],
sur les
diverses études effectuées et les vérifications d’optimisation des ressources
des ministères et organismes. Au besoin, des notes de vérification peuvent être
incluses dans l’un ou l’autre volume.
Le Comité permanent des comptes publics
Aux
termes du Règlement, tous les rapports du vérificateur général, ainsi que les Comptes publics du Canada, sont automatiquement
renvoyés au Comité permanent des comptes publics dès qu’ils sont déposés à la
Chambre [433] .
Depuis 1987,
le Comité est également chargé de l’examen du budget annuel du Bureau du
vérificateur général.
Depuis 1958, le Comité est présidé par un député de
l’Opposition officielle, les partis y étant représentés proportionnellement à
leur nombre à la Chambre [434] .
Le Comité a
comme fonctions principales de s’assurer que les deniers publics sont dépensés
aux fins approuvées par le Parlement, que les dépenses de luxe et le gaspillage
sont strictement limités et que de saines méthodes de gestion sont appliquées
dans les prévisions, les contrats et l’administration en général. Le Comité ne
s’interroge pas sur le bien-fondé de la politique du gouvernement, mais il se
préoccupe plutôt des aspects économiques et efficaces de son administration. Le
Comité fait régulièrement part de ses constatations à la Chambre. Ses rapports
renferment habituellement des conclusions et des recommandations sur des
questions visant l’amélioration des méthodes et contrôles financiers et de
gestion des ministères, des organismes et des sociétés d’État.