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NDDN Rapport du Comité

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Apporter une aide aux autorités civiles : la protection civile et les opérations intérieures des forces armées canadiennes

Introduction

Depuis les dernières années, le nombre de demandes de soutien des Forces armées canadiennes (FAC) aux autorités civiles lors de situations d’urgences nationales a augmenté. Cette augmentation est principalement attribuable au nombre accru de catastrophes liées au climat qui surviennent dans l’ensemble du Canada. L’opération LENTUS, qui vise à prêter main‑forte aux instances civiles en cas d’inondations, d’incendies de forêt, d’ouragans et d’autres catastrophes naturelles, a été déclenchée une cinquantaine de fois entre 2010 et 2023. En 2010, il y a eu un seul déploiement dans le cadre de l’opération LENTUS; en 2023, huit ont eu lieu[1]. Le ministère de la Défense nationale (MDN) assure que le nombre de déploiements des FAC dans le cadre de cette opération a « largement doublé tous les cinq ans depuis 2010[2] ». En outre, dans le cadre des opérations LASER et VECTOR, entre 2020 et 2022, les FAC ont répondu à 118 demandes d’aide des provinces et des territoires directement liées à la pandémie de COVID-19[3].

La croissance du nombre de demandes d’aide des FAC par les provinces et les territoires pour leur permettre de faire face aux urgences nationales a eu lieu parallèlement à une détérioration rapide du contexte international en matière de sécurité, en raison de nouvelles menaces mondiales, de guerres outre-mer et de tensions croissantes entre les pays, et ce, principalement causées par les actes agressifs de la République populaire de Chine (RPC), de la Russie et d’autres États antagonistes, autoritaires et révisionnistes. De plus, les déploiements nationaux des FAC se produisent à une époque où celles-ci font face à de graves pénuries de personnel et d’équipement, qui entraînent une forte sollicitation de leurs ressources ainsi que de leur préparation opérationnelle.

Dans ce contexte, le 31 janvier 2022, le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes (le Comité) a adopté la motion suivante :

Attendu que les changements climatiques sont à l’origine de phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents et plus graves, ce qui entraîne un recours accru au soutien en personnel et en équipement de la part des Forces armées canadiennes [FAC], et attendu que les demandes d’aide fédérale provenant des provinces et des territoires et visant à lutter contre la pandémie de COVID-19 augmentent fortement, entraînant des exigences sans précédent de la part des Services de santé des Forces canadiennes; que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité mène une étude, en y consacrant au moins quatre réunions, sur les difficultés que l’augmentation de la demande intérieure pose aux FAC, leur état de préparation à répondre aux futures demandes d’aide, ainsi que les possibilités d’améliorer la façon dont les FAC soutiennent les provinces et les territoires et s’acquittent de façon générale de leur rôle domestique, autre qu’un rôle de combat; que le Comité fasse rapport de ses recommandations à la Chambre et que, conformément à l’article 109 du Règlement, il demande au gouvernement de présenter une réponse détaillée au rapport.

Entre le 2 mai 2022 et le 23 novembre 2023, le Comité a consacré huit rencontres à la question de l’augmentation des déploiements opérationnels nationaux et des défis que cela représente pour les FAC. Son groupe de 29 témoins était composé de représentants des ministères fédéraux et des Forces armées, des universitaires et d’autres intervenants. En outre, le Comité a également reçu des mémoires.

Dans ce rapport sont résumés les commentaires que les témoins ont formulés lorsqu’ils ont comparu devant le Comité ou dans un mémoire, ainsi que les renseignements publics pertinents. À la première section, on retrace la mesure dans laquelle, au cours des dernières années, les changements climatiques et la fréquence croissante des catastrophes naturelles liées au climat au Canada ont influencé les opérations intérieures menées par les FAC. À la deuxième section, on fait état des possibilités d’amélioration de l’aide à la gestion des situations d’urgence du pays afin de s’assurer que les autorités civiles disposent des ressources et des capacités suffisantes pour intervenir dans les urgences nationales, et que les FAC possèdent les capacités nécessaires et demeurent une force de dernier recours lorsqu’elles sont appelées à se déployer pour venir en aide aux autorités civiles. La dernière section renferme les conclusions et les recommandations du Comité.

Les changements climatiques et leurs répercussions sur les opérations intérieures des forces armées canadiennes

Le Canada fait partie des pays qui ont adopté des mesures législatives visant à autoriser le gouvernement fédéral à déployer ses forces militaires au pays pour soutenir les autorités civiles en cas d’urgence nationale. En vertu de la Loi sur la défense nationale et des règlements connexes, et à la demande des autorités civiles, les FAC peuvent être déployées « pour accomplir des tâches de service public » et fournir une aide à ces dernières en cas d’émeutes ou de troubles. De même, dans le cadre de la Loi sur les mesures d’urgence, elles peuvent être déployées à l’échelle nationale pour appuyer les autorités civiles pendant les périodes de guerre ou de situation d’urgence nationale.

Les témoins ont exprimé des points de vue divers au sujet du déploiement des FAC pour ce qui est d’aider les autorités civiles dans des périodes d’urgences nationales, soulignant la fréquence croissante à laquelle les gouvernements provinciaux et territoriaux demandent une assistance militaire en cas de catastrophe naturelle dans leur région. En particulier, ils ont évoqué la responsabilité de la gestion des urgences, le nombre croissant de catastrophes naturelles liées aux changements climatiques au Canada, le nombre croissant de situations dans lesquelles les FAC prêtent main-forte aux autorités civiles, les capacités uniques des FAC en matière d’opérations nationales, les répercussions de l’augmentation du nombre d’opérations nationales sur les FAC, le coût élevé de leurs opérations nationales et le réexamen de leur rôle dans les opérations nationales.

La responsabilité de la gestion des urgences au Canada

Au Canada, ce sont les autorités locales, provinciales, territoriales et fédérales qui prennent en charge les interventions d’urgence. Les FAC sont censées aider les autorités civiles en étant une force de dernier recours, c’est-à-dire lorsque personne d’autre ne peut intervenir en cas de catastrophe. Selon Deryck Trehearne, directeur général du Centre des opérations du gouvernement de Sécurité publique Canada, les gouvernements provinciaux et territoriaux du Canada sont responsables de la sécurité civile sur leurs territoires respectifs. De plus, le gouvernement fédéral est responsable d’exercer un leadership au niveau national et international. Sécurité publique Canada est le principal service fédéral de coordination des mesures d’urgence.

Deryck Trehearne a expliqué qu’en cas d’urgence à l’échelle locale, les municipalités, les hôpitaux ainsi que les corps de pompiers et de policiers sont presque toujours les premiers à intervenir. Si les autorités locales ont besoin d’aide, elles doivent en faire la demande auprès de leur gouvernement provincial ou territorial. Chacun des gouvernements provinciaux et territoriaux dispose d’une organisation de gestion des urgences (OGU), qui est toujours prête à intervenir en cas d’urgence. Les activités de ces organisations comprennent la planification et la recherche, la formation, la mise en œuvre des opérations d’intervention, ainsi que l’administration et l’application des programmes d’aide financière en cas de catastrophe[4].

Si les interventions d’urgence excèdent les capacités des provinces et des territoires, leurs administrations peuvent demander de l’aide au gouvernement fédéral. Deryck Trehearne a précisé que, malgré que les instances locales gèrent principalement les situations d’urgence,

[c]’est lorsque des situations d’urgence se chevauchent ou nécessitent un soutien qui dépasse la capacité d’intervention d’une province ou d’une Première Nation, ou lorsqu’il y a un événement d’intérêt national, que le gouvernement fédéral est alors appelé à intervenir, en vertu des lois pertinentes du Parlement.

Les gouvernements provinciaux et territoriaux peuvent soumettre une demande d’aide fédérale (DAF) s’ils ont besoin de ressources, y compris de soutien des FAC, pour venir à bout d’une situation d’urgence. Selon Sécurité publique Canada,

[l]a province ou le territoire qui soumet une DAF indique les appuis dont il a besoin pour mieux intervenir à l’urgence. Une fois présentée, la demande est gérée par le Centre des opérations du gouvernement […] Un processus bien établi a été mis en place pour ces situations, comprenant des consultations provinciales et territoriales et une coordination interministérielle. Sécurité publique Canada fait la coordination des demandes d’aide fédérale en situation d’urgence. L’aide peut comprendre plusieurs formes, [dont l’]affectation des Forces armées canadiennes[5].

Le ministre de la Protection civile, Harjit S. Sajjan, a annoncé que « la Loi sur la défense nationale permet aux [FAC] de fournir de l’aide en cas d’urgence » et a fait valoir l’importance « de suivre un processus très strict avant tout déploiement ». Il a indiqué que,

[l]orsque le gouvernement reçoit une demande d’aide fédérale, son centre des opérations et les bureaux régionaux de ce dernier l’évaluent rigoureusement. Le Centre [des opérations du gouvernement] recommande ensuite une solution qui n’impliquerait les Forces armées canadiennes que lorsque les solutions régionales, provinciales, territoriales et même commerciales ont été épuisées. Le déploiement des FAC doit également être assorti d’un échéancier clairement défini et réalisable. Cet échéancier doit être limité dans le temps et être axé sur la phase de réponse plutôt que sur le rétablissement à long terme […L]es Forces armées canadiennes […] devraient toujours et uniquement être considérées comme une force de dernier recours.

En ce qui concerne les interactions des FAC avec les provinces et les territoires relatives aux interventions en cas de catastrophe, le brigadier-général Josh J. Major, commandant de la 4e Division du Canada de la Force opérationnelle interarmées (Centre) des FAC, a déclaré que les FAC coordonnaient leurs interventions avec les autorités locales, provinciales et territoriales afin de « déterminer quelle solution convient à une situation particulière ». Il a souligné que les FAC « sont toujours sous l’autorité des organismes de la société civile pour répondre à leurs besoins ».

Le nombre croissant de catastrophes naturelles liées aux changements climatiques au pays

Des témoins ont déclaré que les changements climatiques contribuaient à l’augmentation de la fréquence et de la gravité des catastrophes naturelles dans l’ensemble du Canada. Wilfrid Greaves, professeur agrégé au Département de sciences politiques de l’Université de Victoria, a décrit les changements climatiques comme « [constituant] la plus grande menace à moyen et à long terme pour la sécurité du Canada ». Sécurité publique Canada rapporte que plus de 195 catastrophes majeures sont survenues au Canada entre 2008 et 2018, lesquelles « ont coûté des dizaines de milliards de dollars en dommages et ont entraîné le déplacement de centaines de milliers de personnes[6] ». Le Ministère souligne aussi que « [l]es pertes liées aux catastrophes continueront vraisemblablement de croître dans un avenir proche » en raison de divers facteurs, comme les changements climatiques, les liens d’interdépendance entre les différentes infrastructures essentielles ainsi que l’évolution démographique[7].

Selon le ministre Sajjan, les catastrophes naturelles liées à des « phénomènes météorologiques extrêmes » ont coûté à la population canadienne 3,1 milliards de dollars en pertes assurées en 2022, et « [l]e Canada dépasse désormais régulièrement les 2 milliards de dollars par an en pertes assurées », vu le nombre grandissant d’urgences nationales liées au climat. De plus, le ministre Sajjan a déclaré que « [l]e gouvernement du Canada a versé 7,9 milliards de dollars dans toute son histoire dans le cadre de l’Accord d’aide financière en cas de catastrophe », un programme lancé en 1970 qui vise à fournir une aide financière fédérale aux gouvernements provinciaux et territoriaux en cas de catastrophes naturelles de grande envergure. Il a ajouté que « [l]a majeure partie de cette somme — 5,8 milliards de dollars — a été dépensée au cours des 10 dernières années seulement[8] ». Le ministre Sajjan a constaté que « [c]es coûts accrus montrent que les répercussions du changement climatique deviennent plus sévères et mettent davantage à l’épreuve le système de gestion des urgences du Canada, la population, l’économie, nos premiers répondants et tous les paliers de gouvernement ».

Conrad Sauvé, président-directeur général de la Croix-Rouge canadienne, a déclaré qu’il y a plus d’une décennie, les opérations d’urgence de la Croix‑Rouge étaient presque entièrement internationales. Cependant, il a fait la remarque qu’aujourd’hui, « 90 % [des] efforts visent à aider les Canadiens au pays ». D’après lui, « le temps est venu de cesser de traiter ces événements d’envergure comme étant exceptionnels, et nous devons en faire plus maintenant pour nous préparer à une nouvelle normalité ». Josh Bowen, membre du personnel enseignant du programme de gestion des catastrophes et des urgences du Northern Alberta Institute of Technology, a soutenu que « [l]es changements climatiques ne feront qu’exacerber l’ampleur, la portée et la fréquence des catastrophes ici et dans le monde ».

Damien Burns, sous-ministre adjoint aux Services de protection du gouvernement du Yukon, a mentionné l’Organisation des mesures d’urgence du Yukon, qui est l’OGU du gouvernement. Il a indiqué que les changements climatiques et les catastrophes liées aux conditions météorologiques touchent les provinces et les territoires :

[N]ous constatons que les situations d’urgence s’aggravent et sollicitent de plus en plus nos ressources. Nous considérons que cette urgence climatique est une menace immédiate et accablante et nous voyons bien les effets du changement climatique sur notre environnement et dans l’ensemble [de nos] communautés […]

En outre, Damien Burns a signalé que l’augmentation du nombre de catastrophes météorologiques au cours des dernières années était source de « difficultés permanentes » et avait « mis à rude épreuve les équipes d’intervention d’urgence du Yukon ». Selon lui, le gouvernement du Yukon a eu à faire appel à l’appui des FAC à plusieurs reprises, qui s’avère « précieux » pendant les situations d’urgence.

Le ministre Sajjan a souligné que l’ampleur de l’intervention fédérale en cas d’urgence pour des catastrophes survenant au pays avait augmenté depuis le début de la pandémie de COVID-19, en 2020. Selon lui, avant cette date, le Centre des opérations du gouvernement coordonnait entre 5 et 12 demandes d’assistance par année. Cela dit, il a aussi fait remarquer que, entre janvier 2020 et août 2023, le Centre avait répondu à plus de 230 demandes. Des témoins ont indiqué que, depuis le début de la pandémie, le nombre de demandes d’aide des FAC de la part des provinces et des territoires avait augmenté. Deryck Trehearne a indiqué que le gouvernement fédéral avait reçu 200 demandes d’aide de mars 2020 à octobre 2022; sur ce nombre, les FAC avaient contribué à 157. Le major-général Paul Prévost, directeur de l’État-major interarmées stratégique du MDN, a mentionné que 118 des 157 demandes d’aide fédérale étaient directement liées à la pandémie; les autres touchaient à l’opération LENTUS ou à d’autres interventions nationales. De l’avis du ministre Sajjan, ces « chiffres montrent clairement que nous faisons face à une crise climatique ». Selon lui, avec les phénomènes climatiques qui devraient « augmenter en fréquence, en gravité et en intensité » au cours des prochaines années, il est improbable que le nombre de demandes d’aide des FAC « revienne au niveau prépandémique » et il « ne fera qu’augmenter » plutôt.

Figure 1 — Nombre de demandes d’aide fédérale, par type (de mars 2020 à octobre 2022)

La figure présente le nombre de demandes d’aide fédérale que le Centre des opérations du gouvernement de Sécurité publique Canada a reçues de la part des autorités civiles au cours de la période allant de mars 2020 à octobre 2022. Le nombre de demandes d’aide fédérale qui portaient sur des entités autres que les Forces armées canadiennes (FAC) est 43. Le nombre de demandes d’aide fédérale concernant les FAC en période de la pandémie du COVID-19 est 118. Le nombre de demandes d’aide qui ont mené au déploiement des FAC dans le cadre de l’opération LENTUS et d’autres interventions nationales est 39.

Remarques :   La figure présente le nombre de demandes d’aide fédérale (DAF) que le Centre des opérations du gouvernement de Sécurité publique Canada a reçues de la part des autorités civiles au cours de la période allant de mars 2020 à octobre 2022. Les données ont été fournies par des fonctionnaires fédéraux au Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes.

Les « demandes d’aide fédérale qui ne concernent pas les Forces armées canadiennes » font référence au nombre de demandes d’aide fédérale qui portaient sur des entités autres que les Forces armées canadiennes (FAC).

Les « demandes d’aide fédérale liées à la pandémie de COVID-19 et concernant les Forces armées canadiennes » correspondent au nombre de demandes d’aide fédérale concernant les FAC en période de pandémie. Ces demandes ont mené au déploiement des FAC dans le cadre des opérations LASER et VECTOR entre 2020 et 2022.

Les « autres demandes d’aide fédérale concernant les Forces armées canadiennes » correspondent quant à elles au nombre de demandes d’aide qui ont mené au déploiement des FAC dans le cadre de l’opération LENTUS et d’autres interventions nationales.

Sources :   Chambre des communes, Comité permanent de la défense nationale (NDDN), Témoignages, 27 septembre 2022 (major-général Paul Prévost, directeur d’état-major, État-major interarmées stratégique, Forces armées canadiennes); NDDN, Témoignages, 6 octobre 2022 (Deryck Trehearne, directeur général, Centre des opérations du gouvernement, Sécurité publique Canada); et ministère de la Défense nationale, « Opération LENTUS en 2023 », Sécurité intérieure et continentale.

La demande croissante d’aide apportée par les Forces armées canadiennes aux autorités civiles

Des témoins ont mentionné que, ces dernières années, les autorités civiles sollicitaient plus souvent la contribution des FAC lors des urgences nationales. Wilfrid Greaves a indiqué que l’un des résultats des changements environnementaux liés au climat était que les FAC devaient accroître le « rythme de leurs opérations nationales pour fournir une réponse d’urgence aux événements météorologiques extrêmes ». Il a déclaré que l’opération LENTUS avait été déclenchée « de plus en plus fréquemment au fil du temps » entre 2010 et 2021, soulignant qu’en 2021 seulement, « sept déploiements différents de l’opération Lentus ont eu lieu dans quatre provinces et deux territoires, contre un en 2020 et trois en 2019 ».

Josh Bowen a fait remarquer que, « [d]e 1990 à 2009, soit une période de 19 ans, les FAC ont participé à 33 opérations nationales d’intervention en cas de catastrophe, notamment des feux de forêt, des inondations, des tempêtes hivernales et des catastrophes aériennes majeures ». À titre de comparaison, il a fait remarquer que, « [d]e 2010 à 2021, soit une période de 11 ans, les FAC ont été déployées 38 fois, dont 8 en 2020 et 2021 », ajoutant que ces 38 déploiements étaient liés à des phénomènes météorologiques et n’incluaient pas le « soutien important apporté par les FAC pendant la pandémie ».

Michael Fejes, candidat au doctorat et professeur adjoint à la Norman Paterson School of International Affairs de l’Université Carleton, a déclaré que près de 50 % des déploiements opérationnels des FAC étaient nationaux. Il a indiqué que, « [r]écemment, il y a même eu de courtes périodes pendant lesquelles il y avait plus de membres des FAC déployés dans des opérations nationales que dans des opérations internationales ». Michael Fejes a expliqué que « [l]es déploiements nationaux, dont la fréquence était autrefois imprévue, sont maintenant presque devenus une activité annuelle ou se font selon un cycle annuel, et cela pose de nouveaux défis aux FAC ».

Des témoins ont également fait ressortir la saison des feux de forêt sans précédent de l’été 2023 et ses répercussions sur les opérations intérieures menées par les FAC. Le ministre Sajjan et Mike Flannigan, titulaire de la chaire de recherche de BC Innovation en services prédictifs, en gestion des urgences et en science des incendies à l’Université Thompson-Rivers, ont stipulé que les feux de forêt avaient détruit plus de 18 millions d’hectares au Canada, et forcé l’évacuation de plus de 300 collectivités et de plus de 230 000 Canadiens. M. Flannigan a noté que la superficie brûlée était « trois fois la superficie de la Nouvelle-Écosse » et « plus du double du record le plus récent de sept millions d’hectares [brûlés] en 1989 ». Le ministre Sajjan a fait remarquer que, de mai à octobre 2023, le gouvernement fédéral avait reçu 18 demandes d’aide qu’avaient présentées les provinces et les territoires pour pouvoir survivre à la dévastation causée par la « pire saison de feux de forêt de l’histoire du pays ».

Selon le MDN, « [e]n 2023, [les FAC ont] répondu à huit demandes d’aide pour des opérations de secours en cas de catastrophe émanant des provinces et des territoires », et toutes ces demandes étaient liées à des feux de forêt. Le MDN soutient que les huit déploiements représentent une augmentation, puisqu’ils étaient alors à « une moyenne de près de quatre demandes d’aide par an entre 2017 et 2021 et à deux par an entre 2010 et 2016[9] ». Attirant l’attention sur la « saison de feux de forêt sans précédent » au Canada à l’été 2023, le ministre de la Défense nationale, Bill Blair, a mentionné que les quelque 2 100 membres des FAC déployés dans le cadre de l’opération LENTUS avaient passé « plus de 130 jours consécutifs à combattre des incendies dans six provinces et territoires », ajoutant que « [l]es soldats ont soutenu le travail des pompiers en plus de participer aux opérations de recherche et de sauvetage » et ont aidé à évacuer des personnes dans des circonstances difficiles. De plus, le ministre Blair a déclaré que les bases militaires avaient servi à héberger et à nourrir les familles qui avaient été évacuées à cause des incendies.

Figure 2 — Déploiements effectués dans le cadre de l’opération LENTUS, 2010–2023

Le tableau indique, pour la période 2010 à 2023, le nombre annuel de déploiements des Forces armées canadiennes (FAC) au Canada dans le cadre de l'opération LENTUS. Le tableau illustre une augmentation du nombre annuel de déploiements dans le cadre de l'opération LENTUS, qui passe de un en 2010 à huit en 2023.

Le tableau indique, pour la période 2010 à 2023, le nombre annuel de déploiements des Forces armées canadiennes (FAC) au Canada dans le cadre de l'opération LENTUS. Le tableau illustre une augmentation du nombre annuel de déploiements dans le cadre de l'opération LENTUS, qui passe de un en 2010 à huit en 2023.

Remarque :     L’opération LENTUS a été créée en 2012. Chaque opération nationale menée avant 2012 portait un nom différent, comme les opérations FORGE, LUSTRE et LOTUS en 2011, et l’opération LAMA en 2010.

Sources :   Ministère de la Défense nationale (MDN), « Opération LENTUS »; et James D.H. Rock, The Canadian Armed Forces and Domestic Operations: Unbalanced and Overstretched?, Collège des Forces canadiennes, MDN, 2021, p. 102.

Les capacités uniques des Forces armées canadiennes dans le cadre des opérations nationales

Des témoins ont cerné un certain nombre de capacités uniques que les FAC peuvent offrir lorsqu’elles sont déployées dans le cadre d’opérations nationales. En ce qui concerne les capacités propres aux FAC pour ce qui est d’intervenir en cas de catastrophes naturelles, le major-général Prévost a indiqué que la prestation d’une aide aux autorités civiles pendant des crises ou des urgences majeures au Canada faisait partie de leurs principales missions. Celles-ci peuvent fournir plusieurs capacités uniques au besoin; en cas d’urgence, elles arrivent de façon organisée et possèdent un système de commandement et de contrôle qui constitue un atout. Toutefois, il a souligné que la demande de participation des FAC en cas de catastrophe naturelle avait « doublé tous les cinq ans depuis 2010 », et que cette augmentation des demandes d’aide militaire d’urgence auprès des FAC survenait alors qu’il est difficile de recruter de la main‑d’œuvre.

Le brigadier-général Major a souligné que le monde « devient de plus en plus dangereux » et a expliqué que, pour équilibrer leurs obligations internationales et nationales, les FAC utilisaient des systèmes de gestion de l’état de préparation pour s’assurer de disposer d’« une capacité d’intervention sur place, au Canada, prête à se porter dans les différentes régions du pays et, en même temps, » préparent simultanément ses forces à s’acquitter de leurs différents mandats. Il a indiqué que le soutien aux Canadiens était une priorité absolue.

De plus, le brigadier-général Major a fait remarquer que, pour garantir une capacité de réagir à une grande variété de catastrophes naturelles, les FAC font en sorte que leurs vastes ressources soient bien formées. Selon lui, les forces maritimes, terrestres et aériennes sont transférées ou prépositionnées afin de pouvoir être déployées rapidement en réponse aux demandes d’assistance.

Le major-général Prévost a affirmé que « [l]es Forces armées canadiennes disposent de nombreuses capacités qui ne se trouvent pas nécessairement à l’heure actuelle dans la société civile » et qui peuvent s’avérer utiles en ce qui concerne l’aide humanitaire et le secours aux sinistrés. À son avis, ces capacités incluent la planification opérationnelle, les communications, le commandement et le contrôle, le renseignement, la logistique, l’ingénierie, la recherche et le sauvetage, les ressources médicales et sanitaires, les infrastructures, l’équipement ainsi que des membres du personnel disciplinés qui peuvent être déployés relativement rapidement pendant les urgences nationales et qui sont formés pour opérer de manière efficace et efficiente dans des contextes risqués et difficiles alors qu’ils sont soumis à d’intenses pressions.

En particulier, le major-général Prévost a souligné les nombreuses capacités de l’Armée de terre, de la Marine et des Forces aériennes que les FAC peuvent « mettre à contribution en cas de besoin », y compris des aéronefs, des navires et des véhicules spécialisés, et a indiqué que le niveau élevé de leur « état de préparation » leur permettait de « déployer rapidement » des troupes ainsi que de l’équipement en situation d’urgence. Il a également fait part du fait que la planification était l’une des « capacités uniques » des FAC pendant les opérations intérieures et a souligné à quel point les membres des FAC s’entraînaient à « planifier leurs campagnes » et passaient « beaucoup de temps à réfléchir aux imprévus possibles ». À son avis, la planification est une « capacité unique que [les FAC peuvent mettre] à contribution au début de toute intervention » en cas d’urgence nationale, ajoutant : « C’est pourquoi nous envoyons nos effectifs en première ligne pour aider les communautés locales à planifier leur intervention en situation d’urgence. »

En accord avec le major-général Prévost, le brigadier-général Major a précisé que :

[l]es compétences des FAC qui nous confèrent ces capacités uniques relèvent principalement de la planification, de la mobilité et de la logistique pour pouvoir intervenir de façon autonome, sans ajouter au fardeau local. Cela fait de nous une ressource flexible pour aider les autorités locales à fournir de l’aide aux Canadiens lorsque c’est nécessaire.

Deryck Trehearne a également parlé de la « planification et la coordination » comme d’une capacité propre aux FAC lors des opérations nationales, en disant :

Les FAC disposent […] d’une vaste gamme de capacités qu’elles peuvent déployer, l’une des meilleures étant la planification et la coordination à l’appui d’une municipalité. Souvent, [le gouvernement fédéral va envoyer un] groupe de planification, ce qui peut sembler anodin, mais lorsqu’une municipalité fait face à une situation inhabituelle, il est très avantageux pour elle de pouvoir compter sur des spécialistes de la planification et de la coordination supplémentaires qui savent y faire et sont en mesure de cibler une intervention. […] Il y a aussi […] la masse critique de personnel sur le terrain pour les désastres de grande ampleur lorsque cela est nécessaire pour le nettoyage.

Cela dit, Deryck Trehearne a proposé que le gouvernement dresse l’inventaire de toutes les ressources humaines et matérielles disponibles pour répondre aux urgences au Canada, question de déterminer l’état de préparation des provinces, des territoires et des municipalités. Comme il l’a expliqué :

Le gouvernement fédéral — Sécurité publique et d'autres ministères — envisage exactement ce genre d'exercice. C'est ce que nous appelons parfois la liste des capacités canadiennes de base ou ce que nous appelions au départ la liste des capacités fédérales. Il y a un besoin […] au Canada […] pour comprendre les capacités [à l'échelle nationale]. Je pense que l'un des membres du Comité a demandé que l'on dresse une liste des personnes à appeler et que l'on détermine exactement quelles sont les capacités au Canada. Nous sommes au courant de cela au niveau fédéral. Les FAC connaissent très bien leurs ressources. Cependant, je pense que la question qui se pose concerne la capacité totale à l'échelle du Canada, et si elle est adéquate, compte tenu des tendances que nous observons.

Les répercussions de la multiplication des opérations nationales sur les Forces armées canadiennes

Des témoins ont expliqué les répercussions des urgences nationales liées au climat sur la capacité des FAC de défendre le Canada et de se concentrer sur leurs principales fonctions militaires, et ont aussi mentionné que les opérations nationales avaient une incidence sur la préparation opérationnelle. Le ministre Blair a déclaré qu’« [a]u fur et à mesure que les changements climatiques rendront ces événements [naturels] plus fréquents et plus graves », il est probable que les « demandes d’aide adressées à nos forces armées ne fassent qu’augmenter » au cours des années à venir, alors que « [c]es déploiements dans le cadre d’opérations menées au pays [auront] des répercussions bien concrètes sur les [FAC] ».

Le ministre Blair a souligné les « pressions accrues pouvant résulter de ces déploiements pour ce qui est de l’état de préparation de nos forces », ainsi que sur les moyens humains et matériels des FAC. Le ministre Blair a indiqué que le nombre grandissant d’opérations nationales ces dernières années avait eu « un impact très considérable sur les capacités [des FAC de] s’acquitter de leurs autres missions au Canada et ailleurs dans le monde », ainsi que sur la formation. De plus, selon le ministre Blair, les opérations nationales ont touché « les hommes et les femmes en service ». Celui-ci a précisé qu’« [i]l peut en effet être vraiment difficile […] d’intervenir dans de telles situations très délicates et périlleuses » pour les membres des FAC, qui doivent être « séparés de leur famille et de leur collectivité » plus souvent en raison du plus grand nombre d’urgences nationales. Le ministre Blair a mentionné qu’il était important de ne « jamais perdre de vue les coûts d’une telle intervention pour les Forces armées canadiennes et leurs membres ».

Abondant dans le sens du ministre Blair, le général Wayne D. Eyre, chef d’état-major de la défense, a fait remarquer que le nombre grandissant d’opérations nationales était une « question très préoccupante » pour les FAC. D’après lui, ces « déploiements et les appels de plus en plus fréquents » ont des répercussions sur la préparation des FAC à remplir leur principale fonction première : défendre le Canada contre les menaces militaires. Le général Eyre a observé qu’il était nécessaire d’avoir « une capacité supplémentaire au niveau provincial et municipal pour réagir aux catastrophes naturelles », tout en ajoutant que « les Forces armées canadiennes doivent continuer d’être cette force de dernier recours » au lieu d’être appelées « à être la force de premier choix ».

Le général Eyre a souligné la mesure dans laquelle la demande croissante des autorités civiles pour que les FAC leur prêtent main-forte en cas de situations d’urgence au Canada avait une incidence sur leurs capacités et sur les militaires. Il a déclaré que « [l]es déploiements de ce genre ajoutent du stress au rythme personnel et opérationnel de l’individu » et a insisté sur le fait que chaque membre des FAC « passe plus de temps en campagne, et moins avec sa famille », ce qui « augmente le niveau de stress des familles, à cause des déploiements continuels » pour les opérations nationales et internationales.

Reconnaissant que la « fréquence et l’intensité des catastrophes naturelles sont à la hausse », que le nombre de demandes des autorités civiles d’intervention des FAC en cas d’urgences au pays « double tous les 5 ans » depuis 15 ans, et que la « demande augmente », le général Eyre a souligné que « [c]e qui manque, ce sont des ressources ». Il a affirmé qu’« une plus grande capacité est nécessaire » si les FAC veulent continuer à être appelées à intervenir lors de catastrophes naturelles plus intenses et plus fréquentes au cours des prochaines années. Il a expliqué que :

[L]es FAC doivent vraiment être considérées comme une solution de dernier recours. Les ressources intermédiaires des municipalités et des provinces doivent être mises à contribution en premier. Ce que [les FAC fournissent,] c’est une main-d’œuvre autonome et autosuffisante qui se déplace et se discipline par ses propres moyens et qui assure elle-même son commandement et contrôle. Les FAC s’occupent de tout, mais elles sont coûteuses. Nous sommes formés pour affronter les pires situations : les combats de grande envergure. Avoir recours à de telles capacités pour intervenir dans des situations de moindre envergure et de plus grande fréquence, ce n’est pas une solution viable sur le plan économique.

Le général Eyre a souligné que « [p]artout dans le monde, la situation en matière de sécurité se détériore », et mentionné que la « demande liée à nos responsabilités principales [c.-à-d. se préparer à combattre] augmente ». Toutefois, il a ajouté que « [l’]état de préparation [des FAC à s’acquitter de sa mission première] diminue, entre autres parce que nous sommes constamment appelés à répondre à des situations au pays ».

Johanu Botha, sous-ministre adjoint de l’Organisation des mesures d’urgence du Manitoba, a souligné l’incidence des opérations nationales sur le moral des membres des FAC. Ayant jugé nécessaire d’aider à soutenir le moral au sein des FAC, il a laissé entendre que ceux‑ci risquaient de ne pas avoir une grande motivation à répondre aux urgences nationales.

Le sergent (à la retraite) Christopher Banks, qui a participé à un certain nombre d’opérations nationales et internationales des FAC, dont un déploiement au Québec dans le cadre de l’opération LENTUS en 2017, a parlé des défis auxquels les FAC sont confrontés en raison du rythme élevé des opérations. Il a précisé que les « FAC ne peuvent pas […] gérer une augmentation des engagements liés aux opérations nationales » et qu’actuellement, elles « ne peuvent pas gérer beaucoup plus que [leur coopération aux opérations internationales] », parce que leur « équipement et notre personnel sont débordés » et « près des points de rupture ». Il a soutenu que les FAC « ont besoin d’investissements dans le logement, l’équipement, les munitions, le personnel et plus encore », et que « [d]emander aux FAC d'accroître leurs capacités sans augmenter de façon appropriée et permanente leurs ressources, c'est demander qu'on réduise davantage à la base ».

Certains témoins ont évoqué l’impact des opérations intérieures sur la santé mentale des membres des FAC, particulièrement les réservistes. À ce sujet, le ministre Blair a dit avoir trouvé « très utile » le rapport que l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes a publié en 2023 sous le titre Combats invisibles : Une enquête systémique sur l'identification des besoins en santé mentale et le soutien pour les membres de la Première réserve participant aux opérations nationales[10]. Le ministre a ajouté que le MDN et les FAC examinent « très attentivement non seulement le soutien en santé mentale, qui n'est pas négligeable pour les réservistes qui ont participé à des déploiements au pays, mais aussi d'autres mesures de soutien. Nous examinons très attentivement cet enjeu ».

Le coût élevé des opérations intérieures des Forces armées canadiennes

Des témoins ont souligné le coût élevé des déploiements des FAC dans le cadre d’opérations intérieures, déclarant qu’il revient beaucoup moins cher de déployer alors des ressources civiles. Josh Bowen a déclaré ceci : « De 2017 à 2019, les Forces armées canadiennes ont engagé 17,5 millions de dollars de coûts supplémentaires dans le cadre de l’opération LENTUS. La durée moyenne des déploiements est d’environ deux semaines, ce qui signifie des coûts supplémentaires d’environ 80 000 $ par jour[11]. » À titre de comparaison, il a souligné que les organismes non gouvernementaux (ONG) et les organismes provinciaux, territoriaux et municipaux « peuvent accomplir des tâches semblables pour moins de 5 000 ou de 3 000 $ par jour », ce qui représente une « réduction considérable[12] ». Josh Bowen a expliqué qu’en raison du coût élevé des déploiements militaires, certains alliés du Canada, comme l’Australie et les États‑Unis, « se sont éloignés d’un modèle où l’armée était principalement responsable des interventions en cas de catastrophe ».

Eva Cohen, présidente de Civil Protection Youth Canada, a convenu que l’utilisation d’équipement militaire pour l’intervention en cas de catastrophe était coûteuse. Elle a suggéré que diverses autorités et divers organismes de la société civile soient munis « d’excavatrices, de grues, de pompes à haute capacité et d’autres équipements — et de gens formés pour les utiliser — pour enlever les débris, fournir l’alimentation d’urgence et l’eau, et réparer les infrastructures endommagées ».

Le sergent (à la retraite) Banks, évoquant la création d’un « service national de lutte contre les incendies » et son coût potentiel, a proposé ce qui suit :

Prenez le temps de comparer ce qu'il en coûterait pour financer les forces armées afin qu'elles se dotent d'un tel centre et ce qu'il en coûterait par ailleurs de créer un tout nouvel organisme. Nous pourrions, je pense, beaucoup économiser en misant sur les forces armées qui disposent d'un réseau d'aérodromes et de dépôts. À la BFC Borden, [les FAC disposent] d'un excellent collège où s'enseignent les techniques de lutte contre les incendies. Les militaires ont déjà tout ce qu'il faut. Autrement, il faudrait créer ces ensembles de compétences et une installation pour se doter d'une nouvelle capacité et compter sur un nouvel organisme.

Le réexamen du rôle des Forces armées canadiennes dans les opérations intérieures

Des témoins ont souligné la nécessité de revoir le rôle des FAC dans les opérations intérieures. Peter Kikkert, professeur adjoint d’administration publique et de gouvernance au Brian Mulroney Institute of Government de l’Université St. Francis Xavier, a affirmé que, ces dernières années, il y avait eu une transformation des FAC, qui sont passées « d’une force de dernier recours pour les interventions en cas de catastrophe à une force de premier — ou de seul — recours ». Pour expliquer une telle évolution, il a cité des facteurs tels que les changements climatiques, la recrudescence des urgences nationales d’ordre météorologique, les investissements provinciaux et territoriaux limités dans la gestion des catastrophes, ainsi que le fait que l’on reconnaît de plus en plus les « capacités uniques » des FAC.

Adam MacDonald, candidat au doctorat au Département de science politique de l’Université Dalhousie, a déclaré qu’au « cours de la dernière décennie, on a constaté une augmentation considérable des demandes provinciales d’aide aux Forces armées canadiennes pour faire face à des urgences nationales […] en raison du nombre croissant et de la gravité des catastrophes naturelles causées par les changements climatiques dans tout le pays ». Il a souligné que les FAC « continuent de s’adapter à cette nouvelle réalité en augmentant leur capacité à répondre à ces demandes croissantes. […] Ces efforts répondent à un mandat clair et de longue date selon lequel les militaires doivent être prêts à offrir cette assistance, comme le rappelle la politique de défense actuelle. » Toutefois, Adam MacDonald a également noté que « ces demandes croissantes transforment ce mandat, qui passe d’une tâche ponctuelle à une tâche de base régularisée » qui fait concurrence aux autres exigences opérationnelles des FAC.

Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal du Canada et à l’Université Queen’s, a affirmé que les autorités provinciales et territoriales n’épuisaient pas leurs propres ressources en cas d’urgence avant de solliciter l’appui des FAC. Il a déclaré :

[N]ous parlons des Forces armées canadiennes comme d’une option de dernier recours, mais […] les gouvernements provinciaux et territoriaux font de plus en plus appel aux Forces armées canadiennes, même lorsque nous pouvons démontrer empiriquement qu’ils n’ont pas épuisé toutes leurs ressources. Les forces armées sont essentiellement considérées comme une organisation d’intervention pour des mesures semi-urgentes.

Faisant valoir que le rôle des FAC n’était pas de servir d’« organisation d’intervention pour des mesures semi-urgentes », M. Leuprecht a soutenu qu’il « est important que le gouvernement établisse de façon nettement plus claire qu’il est inacceptable d’utiliser les Forces armées canadiennes comme une organisation d’intervention pour des mesures d’urgence provinciales afin de compléter les capacités ». M. Leuprecht a souligné que les FAC « doivent être une option de dernier recours ».

Adam MacDonald a fait remarquer que le rôle des FAC dans les mesures d’urgence nationales devait être revu, indiquant que, « si les Forces armées canadiennes veulent continuer à répondre à ces demandes de soutien, elles devront créer davantage de capacités et peut-être même des capacités spécialisées pour le faire », et « [u]ne orientation et des directives politiques de haut niveau sont […] nécessaires » à cet égard.

Ainsi, Adam MacDonald a soutenu qu’il existait « de solides raisons de reconsidérer la dépendance croissante à l’égard des militaires dans les interventions d’urgence nationales ». Il a donné les trois raisons suivantes : la concurrence des demandes concernant les activités, les capacités opérationnelles et les ressources des FAC; les répercussions civilo-militaires possibles de l’évolution de l’« appropriation » des interventions d’urgence nationales; les mesures visant à dissuader les gouvernements provinciaux et territoriaux d’investir dans leurs propres services, d’où « des attentes sociétales croissantes en matière d’assistance militaire dans chaque situation d’urgence nationale, transformant ainsi la perception de l’armée comme un service de première ligne plutôt que comme une force de dernier recours à utiliser lorsque les organismes civils sont débordés ou ont épuisé leurs ressources ».

Selon Adam MacDonald, si les FAC ont pour mandat de « continuer à donner la priorité » aux demandes des autorités civiles lors des urgences nationales, « il faut examiner sérieusement la meilleure façon de structurer l’organisation et de lui fournir les ressources nécessaires pour qu’elle puisse le faire de façon durable ». Selon lui, dans le cadre de cet examen, on devrait se pencher sur la question de savoir si un nouveau commandement opérationnel est requis pour la planification, la formation, la coordination et la supervision du déploiement national des ressources militaires en cas d’urgence nationale, ainsi que chercher à déterminer si les capacités de soutien existantes, comme les soins de santé, la logistique et les techniques, doivent être « étendues au‑delà des besoins des [FAC], afin de répondre à des demandes d’intervention d’urgence plus larges ». En outre, Adam MacDonald a fait valoir qu’il y avait lieu que l’examen permette de vérifier si « des unités spécialisées devraient être formées » au sein des FAC, lesquelles seraient « entraînées et déployées exclusivement pour ce type de missions, ce qui permettrait aux autres éléments de l’armée de se concentrer sur d’autres missions et mandats », et que nous devrions nous demander si « ces unités et ces capacités [spécialisées] devraient faire partie de la Force régulière ou de la Force de réserve ».

En outre, de l’avis d’Adam MacDonald, « [l]a question n’est pas de savoir si les Forces armées canadiennes doivent ou non participer aux interventions d’urgence à l’échelle nationale », car « [e]lles ont et auront toujours un rôle à jouer à cet égard ». Il a affirmé que ce qu’il fallait, c’était déterminer « l’ampleur et la portée de l’engagement militaire, de même que son objectif et sa fonction » dans le cadre des initiatives élargies que l’on déploie dans l’ensemble du gouvernement et de la société pour répondre aux urgences nationales. Adam MacDonald a fait valoir que, pour ce faire, il fallait « des délibérations publiques et une orientation politique claire ».

Michael Fejes a affirmé que les FAC « doivent être disponibles et pouvoir agir de façon décisive au besoin » pour répondre aux urgences nationales. Cependant, il a souligné qu’elles ne devaient pas être les « responsables des interventions en cas de crise nationale ».

Certains témoins, comme M. Leuprecht, ont suggéré que les FAC créent une structure de forces ayant pour mandat de s’occuper des déploiements intérieurs pour venir en aide aux autorités civiles. Il a déclaré :

[I]l faut vraiment affecter une structure de forces spécifiquement à cette mission [de protection civile et d’intervention en cas de catastrophe]. J’ai […] proposé que ces forces soient formées de quelque 2 000 personnes provenant principalement de l’Aviation royale du Canada puisque c’est elle qui dispose de la plus grande capacité de transport. Des forces de réserve d’environ 1 000 personnes pouvant intervenir en cas de catastrophe pourraient y être ajoutées. Le reste du temps, elles pourraient appuyer le développement, en particulier dans les collectivités autochtones du Grand Nord.

En désaccord avec la proposition d’une structure de forces ayant pour mandat de s’occuper des déploiements intérieurs venant en aide aux autorités civiles, Peter Kikkert a affirmé que les FAC ne devraient pas accroître leurs capacités d’intervention en cas de catastrophe ou « établir une division ou un commandement opérationnel des FAC réservé exclusivement aux interventions en cas de catastrophe ou encore de conférer un double rôle complet aux FAC qui seraient formées et préparées autant pour les menaces de sécurité traditionnelles que les catastrophes naturelles ». À son avis, une telle approche risquerait de faire des FAC « des touche-à-tout n’excellant à rien ».

Notant que les FAC « subissent toutes sortes de pressions », Richard Fadden, conseiller national pour la sécurité auprès d’un ancien premier ministre du Canada, a fait valoir qu’« [a]jouter […] un plus grand rôle dans l’aide en cas de catastrophe naturelle » au portefeuille du MDN et des FAC « serait une véritable erreur ». Il a indiqué que, parmi les capacités des FAC en matière de catastrophes naturelles, à savoir « le soutien logistique, le soutien administratif et les effectifs », c’était le dernier de ces éléments qui était le plus souvent nécessaire. Il a ajouté que « les Forces [armées] canadiennes peuvent transporter des fournitures d’urgence d’un bout à l’autre du pays ». Cependant, il a également fait remarquer que, même si les FAC « peuvent être utiles en cas de catastrophe, ce n’est pas la meilleure utilisation des hélicoptères d’attaque, qui constituent une ressource très spécialisée, que de s’en servir pour transporter de la literie ». Selon lui, il serait utile d’examiner comment les capacités des FAC relèvent des capacités plus générales de planification d’urgence du gouvernement fédéral grâce à un « examen national de cette planification d’urgence », afin de recenser les ressources disponibles ou manquantes.

De l’avis de Peter Kikkert, « [d]’autres groupes et agences peuvent s’acquitter de la plupart des tâches d’intervention en cas de catastrophe exécutées par les FAC — et de façon beaucoup plus abordable de surcroît — mais l’inverse n’est pas vrai ». Il a laissé entendre que « [l]es FAC ont un rôle central qu’aucun autre organe gouvernemental ne peut exécuter : celui de dissuader et de vaincre des ennemis potentiels », ce qui « nécessite des compétences très spécialisées ». Il a aussi affirmé que les FAC devraient se concentrer sur leurs capacités de combat au lieu d’accroître leurs capacités d’intervention en cas de catastrophe, expliquant que le rôle d’intervention en cas de catastrophe devrait plutôt être confié à un organisme civil.

Johanu Botha a décrit le personnel sur le terrain comme répondant à la majeure partie, et de loin, « des besoins cernés par les administrations » qui reçoivent l’aide des FAC permettant de les soutenir en cas d’urgence nationale. Richard Fadden a affirmé que, même s’il s’avérait difficile de remplacer les membres du personnel que les FAC peuvent envoyer en cas de catastrophe naturelle, les organismes de la société civile disposaient de listes de bénévoles bien entraînés auxquels on peut faire appel, pour que les FAC ne servent qu’en dernier recours.

Les options pour améliorer la gestion des urgences ainsi que les interventions des Forces armées canadiennes en cas catastrophe

Des témoins ont mis en exergue la nécessité de renforcer la gestion des urgences au Canada et l’intervention des FAC compte tenu du nombre croissant de catastrophes naturelles liées au climat. Reconnaissant que les déploiements des FAC visant à venir en aide aux autorités civiles doivent rester une mesure de dernier recours, et qu’il y a un nombre grandissant d’urgences liées à des catastrophes au Canada, ils ont pu repérer un certain nombre d’options visant à améliorer les capacités civiles et militaires de secours en cas de catastrophe. Ils ont notamment mentionné : l’établissement d’un organisme civil national d’intervention en cas de catastrophe; l’amélioration des capacités civiles d’intervention du gouvernement en cas de catastrophe; la mise sur pied d’une « main-d’œuvre humanitaire » et de partenariats public-privé; l’investissement dans la formation, la préparation et les mesures d’atténuation; l’apprentissage des leçons tirées des pratiques de gestion des urgences d’autres pays; le renforcement des capacités d’intervention en cas de catastrophe des FAC; la reconnaissance des contributions des membres des FAC aux opérations nationales d’intervention en cas de catastrophe; le renforcement du rôle et des capacités de la Force de première réserve ainsi que des Rangers canadiens en matière d’intervention dans les situations d’urgence; la mise en place d’une force nationale de lutte contre les incendies composée de bombardiers à eau.

L’établissement d’un organisme civil national d’intervention en cas de catastrophe

Des témoins ont parlé de la possibilité de créer un organisme civil national d’intervention en cas de catastrophe afin d’améliorer les interventions civiles de gestion des urgences au Canada ainsi que de réduire la dépendance actuelle des provinces et des territoires à l’égard du soutien des FAC en cas de catastrophes naturelles liées au climat dans leur région. Le major-général Prévost a expliqué que la création, au Canada, d’un organisme civil ayant la capacité d’intervenir en cas de catastrophe naturelle présentait seulement des « avantages ». Josh Bowen a proposé que le gouvernement fédéral crée un organisme civil d’intervention en cas de catastrophe. Cet organisme national, financé par le gouvernement et fondé sur le volontariat, coordonnerait la capacité civile en étroite collaboration avec des ONG.

Josh Bowen et Peter Kikkert ont fait remarquer que l’Australie et l’Allemagne disposaient de capacités d’intervention en cas de catastrophes qui tirent parti des compétences de volontaires civils à qui on pouvait faire appel afin de réagir à une catastrophe en l’espace de quelques heures. D’après Josh Bowen,

[les] FAC sont notre force de dernier recours, mais nous avons tellement pris l’habitude de faire appel aux troupes que nous ne développons pas la capacité civile nécessaire pour intervenir. La communauté des ONG en cas de catastrophe au Canada est riche, et elle peut combler cette lacune. Le Canada doit développer des capacités civiles basées sur le volontariat afin de ne pas toujours compter sur notre solution de dernier recours. […] Si nous pouvions prévoir un certain financement et habiliter les organisations municipales et provinciales à assumer ce rôle, alors les Forces armées canadiennes représenteraient une aide de dernier recours.

De plus, Josh Bowen a affirmé qu’il était avantageux sur le plan financier de créer un organisme civil d’intervention en cas d’urgence. Celui-ci a indiqué que « la création de groupes de volontaires hyperlocalisés, formés et équipés partout au pays réduirait radicalement les délais et les coûts de mobilisation en cas de catastrophe ». Josh Bowen a laissé entendre que l’utilisation d’« organismes qui dépendent de volontaires non rémunérés [et] qui souhaitent soutenir leurs pairs canadiens est une option qui devrait être envisagée ».

Peter Kikkert a soutenu qu’il était grand temps « que le Canada envisage d’investir dans une main-d’œuvre professionnelle et permanente vouée à la gestion des sinistres ». Il a recommandé la création d’« une agence de résilience canadienne ou d’un corps de résilience canadien, c’est‑à‑dire une organisation de secouristes à temps plein et à temps partiel rémunérés qui seraient rapidement mobilisés et envoyés dans les zones sinistrées pour les efforts d’intervention et de reconstruction ».

En ce qui concerne une agence ou un corps de résilience, Peter Kikkert a insisté que, « [a]fin de justifier son statut permanent », l’organisme devrait « participer à chacune des étapes de gestion des sinistres ». À son avis, il ne pourrait pas se concentrer uniquement sur l’« intervention » et la « reconstruction », mais devrait aussi participer à « l’atténuation et la préparation, ce qui comprend la formation des équipes locales d’intervention ». Peter Kikkert a souligné que « les FAC ne font qu’intervenir et venir en aide à la population » et « ne travaillent pas à l’atténuation, à la préparation et à la reconstruction », ajoutant que « les FAC ne sont pas une panacée pour les lacunes actuelles en gestion des catastrophes au Canada, en particulier pour la pénurie de main-d’œuvre pouvant intervenir en cas de catastrophe ». Selon lui, une telle agence ou un tel corps « fournirait la main-d’œuvre dont le pays manque en ce moment et atténuerait la pression sur les Forces armées canadiennes ».

M. Leuprecht a reconnu qu’il « doit assurément y avoir plus de capacités au sein du secteur privé et de la société civile pour répondre aux exigences [d’intervention en cas de catastrophe] », mais il a recommandé une certaine prudence. Il a souligné deux difficultés liées à l’établissement d’un organisme civil national d’intervention en cas de catastrophe : cela prendrait du temps, soit environ 10 ans, pour que les organismes du secteur privé ainsi que de la société civile mettent en place un organisme qui pourrait réagir aux situations d’urgence, et cela soulèverait des questions sur le plan juridique. Élaborant sur ces préoccupations, M. Leuprecht a dit :

Certaines obligations légales existent. Si le gouvernement [fédéral] répond [aux urgences nationales] avec ses ressources et ses capacités [au lieu de se fier à celles des provinces et des territoires], cela signifie qu’il peut assumer ces obligations. Il faut donc considérer le contexte légal et déterminer la façon de le changer, puisque la situation actuelle n’encourage pas ce genre de collaboration.

Conrad Sauvé a déclaré que l’examen des options possibles devrait être axé sur la création d’un nouveau modèle d’intervention en cas d’urgence « conçu dans un but précis, en tenant compte des risques, des populations et de la géographie uniques de notre pays ».

Eva Cohen a soutenu que ce qui manquait au Canada, c’était une structure permettant au gouvernement fédéral « d’intervenir rapidement, d’être présent sur le terrain et de moduler sa réponse comme l’armée, mais avec une approche de protection civile ». Selon elle, la solution la plus abordable consisterait à établir « une organisation qui complétera et intégrera ce que nous avons déjà, et non pas qui ferait double emploi ou nous enlèverait ce que nous avons déjà ». On pourrait « mobiliser une ressource complètement inexploitée, à savoir les citoyens canadiens bénévoles ».

Dans un mémoire présenté au Comité, Eva Cohen a affirmé qu’une « agence canadienne de protection civile organisée et financée par l’État fédéral, avec des unités réparties dans tout le pays, dans les municipalités, les Premières Nations et les collectivités inuites éloignées », devait être mise sur pied, car cela « déchargerait grandement les Forces armées du fardeau des opérations nationales ». Selon son approche, le cadre opérationnel de l’agence serait le mandat et les directives du ministre fédéral de la Protection civile, et celle-ci dépendrait de citoyens volontaires qui seraient formés et non rémunérés, et qui offriraient « la gouvernance, la structure, l’expertise, les normes, la formation et l’équipement requis tout en déléguant le contrôle opérationnel des unités locales aux provinces, territoires, municipalités et Premières Nations ». Eva Cohen estime que les unités locales « répondraient directement et immédiatement aux demandes d’aide des municipalités et provinces », compléteraient « les capacités […] des premiers répondants », et fourniraient aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et aux administrations locales « un outil très abordable, précieux et prêt » à répondre à l’« augmentation des risques causés par les changements climatiques et d’autres causes imprévisibles ». Eva Cohen a affirmé qu’avec la création d’une agence canadienne de protection civile, « les FAC deviendraient véritablement la ressource de dernier recours ».

Améliorer les capacités civiles fédérales d’intervention en cas de catastrophe

Des témoins ont mentionné la nécessité que le gouvernement fédéral accroisse ses capacités civiles, c’est-à-dire non militaires, d’intervention en cas de catastrophes au cours des prochaines années. Deryck Trehearne a ajouté que sa viabilité et sa capacité de traiter le nombre croissant de phénomènes météorologiques extrêmes constituaient une préoccupation constante pour Sécurité publique Canada.

Wilfrid Greaves a mis en évidence quatre raisons qui font que le gouvernement fédéral devrait investir dans ses capacités civiles d’intervention en cas de catastrophe afin de réduire la mesure dans laquelle les provinces et les territoires ont recours à l’aide des FAC lors des urgences nationales. Comme première raison, Wilfrid Greaves a affirmé que les changements climatiques et les phénomènes météorologiques extrêmes faisaient augmenter la nécessité de « déploiements opérationnels et risquent donc de mettre à rude épreuve les ressources des FAC, qui seront nécessaires non seulement dans tout le pays, mais aussi pendant de plus longues périodes de l’année en raison des saisons moins prévisibles d’incendies, d’inondations et d’autres conditions météorologiques extrêmes ».

Comme deuxième raison, en ce qui concerne ces investissements, Wilfrid Greaves a fait remarquer que les répercussions des changements climatiques au Canada touchaient aussi les pays voisins et ses partenaires et ses alliés du monde entier, et que « [l]es pratiques établies de partage de ressources et de coopération seront donc mises à rude épreuve à cause de la demande de ressources limitées », notamment les programmes existants de mise en commun des pompiers avec des pays étrangers, comme le Mexique et les États-Unis. Selon lui, « la demande accrue de ressources civiles d’urgence d’ailleurs, qui entraînera ainsi une réduction de leur disponibilité, fera probablement augmenter la demande auprès des FAC afin qu’elles deviennent l’organisation intervenant en cas d’urgences au pays ».

Troisièmement, Wilfrid Greaves a fait valoir la nécessité d’investir à cause des risques que la « fréquence et la sévérité croissantes des phénomènes météorologiques extrêmes liés au climat » au Canada non seulement mettent à rude épreuve la capacité de réaction du gouvernement, mais réduisent également « considérablement l’efficacité des interventions des Forces armées canadiennes à l’avenir ».

En guise de raison finale de tels investissements, Wilfrid Greaves a notamment souligné que la « robustesse des FAC est essentielle à sa capacité à réagir efficacement dans ces situations ». Il a soutenu que, « [p]our que les FAC puissent intervenir efficacement dans ces situations, il est pertinent de discuter plus globalement de l’importance du respect et de l’estime voués à tous les membres, de la diversité et de l’inclusion au sein de l’organisation, du rôle des femmes et du besoin de dirigeants rigoureux et tournés vers l’avenir ».

La mise sur pied « d’effectifs humanitaires » et de partenariats public‑privé

Des témoins ont décrit les rôles d’intervention en cas de catastrophe des OGU et des ONG des provinces et des territoires, leur interaction entre elles et la collaboration avec les FAC ainsi que d’autres organismes fédéraux lors des urgences nationales. Perron Goodyear et Daniel Saugh, respectivement président et directeur stratégique de l’Emergency Management NGO Consortium of Canada (EMNCC), ont parlé du rôle des ONG et, plus précisément, des activités de l’EMNCC pour ce qui est d’intervenir lors d’urgences intérieures. Ils ont déclaré ceci : « [L]es […] organisations membres du Consortium […] seront en mesure d’apporter une expertise importante aux interventions nationales, ce qui permettra aux Forces armées canadiennes de se concentrer sur d’autres activités. Ces organisations pourront aussi appuyer les Forces armées canadiennes dans le cadre de leurs opérations nationales. » Ils ont indiqué que le Consortium comprenait la Croix-Rouge canadienne, l’Armée du Salut, l’Ambulance Saint‑Jean et l’Association canadienne des volontaires en recherche et sauvetage (ACVRS).

Conrad Sauvé a indiqué que la Croix-Rouge canadienne était toujours prête et était financée par le gouvernement fédéral ainsi qu’au moyen de dons, et qu’elle comptait des bénévoles et du personnel dans toutes les provinces et tous les territoires. Il a ajouté que la Croix‑Rouge canadienne avait conclu des accords avec les provinces et les municipalités pour offrir de l’aide aux autorités concernées en situation d’urgence intérieure.

Des témoins ont aussi attiré l’attention sur le rôle important que jouent les ONG dans les interventions en cas de catastrophe ainsi que la création de partenariats entre le gouvernement fédéral et d’autres organismes similaires. Le major-général Prévost a fait remarquer que la fréquence accrue des phénomènes météorologiques extrêmes avait « amené les autorités locales, provinciales et fédérales à chercher des outils et des façons de mieux travailler ensemble » ainsi qu’entre elles, et auprès des ONG.

Deryck Trehearne a indiqué que le gouvernement fédéral avait annoncé un financement de 100 millions de dollars au début de 2020 en vue de créer un « programme de main-d’œuvre humanitaire » qui comprend la Croix-Rouge canadienne, l’Ambulance Saint-Jean, l’Armée du Salut et l’ACVRS pour fournir des « renforts » lors des urgences intérieures, « afin d’alléger le fardeau des FAC ». Le ministre Blair a évoqué les origines du programme, créé alors qu’il était ministre de la Protection civile. Il a expliqué que celui-ci avait été créé « pour remplacer les militaires envoyés dans les établissements de soins de longue durée par des bénévoles ayant reçu une formation » pendant la pandémie.

Le ministre Sajjan a déclaré que le gouvernement fédéral avait « travaillé de concert avec les provinces, les territoires et les partenaires autochtones sur le Plan fédéral d’intervention d’urgence — le PFIU — afin d’instaurer une approche pansociétale face aux urgences ». Il a ajouté que, « pour aider davantage les provinces », le gouvernement avait mis en place le Programme de la main-d’œuvre humanitaire, qui visait « à créer une main-d’œuvre civile modulable pouvant être rapidement déployée en cas d’urgence ». Le ministre Sajjan a fait savoir que, depuis 2020, le gouvernement avait fourni plus de 166,9 millions de dollars à la Croix-Rouge canadienne, à l’Ambulance Saint-Jean, à l’Armée du Salut et à l’ACVRS dans le cadre de ce programme. Selon lui, le « financement a permis à ces organisations de développer la capacité nécessaire pour se mobiliser plus rapidement lors d’événements météorologiques extrêmes et déployer un soutien essentiel aux gouvernements locaux sur le terrain ».

Investir dans la formation, la préparation et les mesures d’atténuation

Des témoins ont souligné la nécessité d’investir dans la formation, la préparation et les mesures d’atténuation des catastrophes visant à améliorer la planification des urgences nationales et à permettre de mieux intervenir en cas de besoin. De l’avis de Josh Bowen, de tels investissements permettraient de réaliser d’importantes économies : « [P]our chaque dollar investi dans les activités d’atténuation et de préparation, nous en économisons six à huit sur la réponse et douze de plus sur le rétablissement après la catastrophe. Par conséquent, si nous cherchons un retour sur investissement de 20:1, il est absolument essentiel de mettre l’accent sur les mesures d’atténuation[13]. » Mettant l’accent sur la préparation, Josh Bowen a ajouté que la formation, la planification ainsi que l’encouragement de la coordination entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les municipalités, les premiers intervenants et les autres ONG qui participent aux interventions lors des interventions en cas de catastrophe seraient « également la façon la plus rentable d’utiliser nos ressources ».

Le major-général Prévost a expliqué qu’au cours des dernières années, une attention particulière avait été portée à l’augmentation de la résilience à l’échelle locale, municipale, provinciale et territoriale, notamment par l’amélioration de la formation, de la coordination ainsi que des capacités. D’après Derek Trehearne, il existe un grand nombre « d’exercices de petite, de moyenne et de grande envergure qui se déroulent chaque année au Canada » et qui visent à renforcer les mesures d’intervention d’urgence du pays.

Johanu Botha a ciblé la nécessité de dresser « des plans de plus haut niveau fondés sur une bien plus grande expérience pratique » des ordres de gouvernement municipaux, provinciaux ainsi que territoriaux, et a ajouté qu’il s’avérait nécessaire de tester de tels plans. Conrad Sauvé a déclaré qu’en général, les organismes de la société civile ne « compren[aient] pas les risques » liés aux catastrophes naturelles, que, souvent, ils ne préparaient pas leur « capacité d’intervention en fonction de ces risques » et qu’ils ne faisaient pas de tests, de sorte qu’ils ne maintenaient pas leur « capacité d’un événement à l’autre ». Selon lui, le résultat, c’est qu’ils ne sont « pas préparés » en cas de catastrophe.

Eva Cohen a laissé entendre que la fourniture de matériel et de formation aux provinces, aux territoires et aux municipalités ainsi qu’aux organismes de la société civile pourrait entraîner la réduction de la nécessité de recourir aux FAC pour certaines interventions d’urgence. À son avis, au lieu de « notre système entièrement réactif », nous pourrions alors passer à « un système de préparation et [à une approche] de résilience proactif reposant sur les citoyens ».

Le ministre Blair a déclaré qu’il était possible d’améliorer la coopération ainsi que l’échange d’enseignements tirés avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, tout comme avec ses organismes autochtones nationaux. Il a fait remarquer que les FAC rédigeaient « d’excellents rapports publics » sur les opérations nationales, lesquels sont « d’une grande utilité à nos partenaires provinciaux pour cerner les problèmes importants qui existaient » en cas d’urgence nationale. De plus, le ministre Blair a constaté que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ou territoriaux concernés avaient « beaucoup de communication et de leçons à tirer » après des activités d’intervention en cas de catastrophe. Il a indiqué que les discussions « se sont avérées très efficaces » et a prié de maintenir la collaboration entre les FAC, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux afin de promouvoir l’amélioration de l’intervention pangouvernementale en cas de catastrophe au pays.

Mettant l’accent sur des mesures d’atténuation, le lieutenant-colonel (à la retraite) David Redman, ancien chef de la gestion des urgences de l’Alberta, a déclaré que « [l]e principal volet de financement qui fait défaut dans notre pays, c’est pour l’atténuation des risques », un élément qui joue un rôle crucial dans la gestion des urgences. Mike Ellis, vice-premier ministre et ministre de la Sécurité publique et des Services d'urgence de l’Alberta, a ajouté :

[Les provinces et les territoires pourraient], entre autres choses, avoir besoin de l'aide du gouvernement fédéral au titre des mesures d'atténuation, comme pour l'élargissement des corridors pare-feu et la réduction des impacts dus aux inondations. [...] Je pense que le budget consacré aux mesures d'atténuation est d'environ 1,2 milliard de dollars pour l'ensemble du Canada. Cela semble beaucoup d'argent, mais quand on pense à la taille de notre territoire, ce n'est en fait pas grand-chose. Il est certain que, si l'on […] aidait [les provinces et les territoires] dans ce genre de choses, nous réduirions notre dépendance à l'égard de nos forces armées.

Tirer des leçons des pratiques de gestion des urgences des autres pays

Des témoins ont affirmé que le Canada pouvait s’inspirer des pratiques de gestion des urgences des autres pays. Dans un mémoire remis au Comité, John A. Lohr, ministre des Affaires municipales et de l’Habitation de la Nouvelle-Écosse, a proposé que le Canada examine « le soutien fédéral fourni aux États-Unis en situation d’urgence », soulignant que « [l]es États américains ont accès à un groupe de personnes formées en gestion des urgences, la Federal Emergency Management Agency (FEMA) ». Le ministre Lohr a souligné qu’« [i]l n’y a pas au Canada de telle capacité fédérale de gestion des urgences, ce qui a conduit à une dépendance excessive aux Forces armées canadiennes ». Selon lui, l’absence au Canada d’un organisme équivalent à la FEMA démontre l’existence de « lacunes dans notre propre préparation nationale aux catastrophes naturelles ».

Déclarant que les changements climatiques entraînent l’augmentation du risque de catastrophes naturelles plus fréquentes et plus graves, et que les Canadiens peuvent s’attendre « à ce que les besoins dépassent rapidement les ressources et les capacités des provinces et des territoires lorsque des interventions d’urgence sont nécessaires », le ministre Lohr suggère dans son mémoire au gouvernement fédéral « d’amorcer des discussions avec ses partenaires provinciaux et territoriaux » en ce qui concerne la création éventuelle d’un « organisme fédéral de gestion des urgences au Canada fondé sur le modèle de la FEMA aux États-Unis ».

De même, M. Flannigan s’est dit en faveur de la création d’« une agence fédérale de gestion des urgences, comme la FEMA, aux États-Unis ». M. Flannigan a en fait indiqué que le nombre de catastrophes liées au climat augmentait, et que les « municipalités, les provinces et les territoires [étaient souvent] débordés » et avaient « besoin d’une aide extérieure » lors des urgences nationales. Il a laissé entendre qu’un « organisme de gestion des urgences comme FEMA » se traduirait par un « commandement unifié » pour faire face aux situations d’urgence. Selon lui, « au Canada, nous n’avons pas un commandement unifié comme nous le devrions ». Cependant, Richard Fadden a affirmé que, même si certains croient que le Canada devrait s’inspirer des États-Unis et établir un organisme fédéral à l’instar de la FEMA, « beaucoup d’Américains vous diront que ce n’est pas la réussite que certains pensent ». Cela dit, lorsqu’il a demandé la tenue d’un examen national des capacités de gestion des urgences, Richard Fadden a fait valoir qu’un tel examen devrait porter sur les pratiques exemplaires internationales en ce qui concerne l’intervention en cas de catastrophes naturelles et sur la possibilité de les appliquer dans le contexte canadien.

Conrad Sauvé a indiqué que la Croix-Rouge canadienne avait récemment étudié les modèles internationaux de gestion des urgences. Selon lui, il y a des avantages à élaborer une stratégie fédérale d’urgence qui expose clairement les rôles et les responsabilités de chacune des entités assurant l’intervention d’urgence, une telle stratégie étant assortie de structures de financement et coordination adéquates.

Eva Cohen a encouragé le Canada à faire en sorte que nous « unissions nos forces à celles de nos partenaires internationaux, l’Allemagne et l’Union européenne, et que nous comparions les risques et les capacités ». Plus particulièrement, elle a signalé l’Agence fédérale allemande pour le secours technique (THW) comme un modèle international réussi de gestion des urgences dont le Canada pourrait s’inspirer. Eva Cohen a laissé entendre que le modèle de protection civile en Allemagne fonctionnait bien parce que « le gouvernement a la capacité de tirer parti de l’expertise du secteur privé sur une base volontaire ».

Klaus Buchmüller, qui est à la tête de la division internationale de la THW, a donné un aperçu de la THW et de ses activités. Il a expliqué que, si le « gouvernement allemand s’est doté d’un mécanisme de secours en cas de catastrophe en vertu duquel les forces armées allemandes sont une ressource de dernier recours », il s’appuie sur la THW en tant que mesure de premier recours. Décrivant la « structure unique de la THW comme entité gouvernementale reposant sur la participation de citoyens bénévoles non rémunérés », Klaus Buchmüller a déclaré :

Les 700 détachements [de l’Allemagne] regroupent 85 000 bénévoles dûment formés, dont environ 15 000 jeunes; de ce nombre, seulement 2 % sont des employés rémunérés […] La plupart des bénévoles sont disséminés dans les régions. Le service d’incendie compte 1,1 million de pompiers bénévoles, dont seulement 20 000 sont rémunérés. Les services paramédicaux comptent quelque 400 000 bénévoles et 40 000 travailleurs rémunérés.

Cependant, M. Flannigan a recommandé de ne pas mettre en œuvre le modèle THW au Canada, affirmant que le pays était « 30 fois plus grand et nous avons une population qui est la moitié » de l’Allemagne, et que sa situation différait. Selon lui, « ce qui [fonctionne] en Allemagne ne fonctionnera pas ici ». Cela dit, M. Flannigan a reconnu que l’on pouvait tirer des enseignements des pratiques d’intervention d’urgence qui sont utilisées en Allemagne et ailleurs.

Renforcer les capacités de réaction des Forces armées canadiennes en cas de catastrophe

Des témoins ont indiqué que, s’il est probable que les autorités civiles continuent à demander l’assistance des FAC en cas d’urgences nationales, et si le nombre d’opérations intérieures continuait d’augmenter au cours des prochaines années, le gouvernement fédéral devrait renforcer les capacités d’intervention des FAC en cas de catastrophe. Dans un mémoire remis au Comité, le sergent (à la retraite) Banks a laissé entendre que la structure de commandement des FAC pour les opérations nationales, leur expertise en matière d’intervention en cas de catastrophes et le soutien que celles-ci offrent à leurs membres qui participent aux opérations intérieures pourraient être améliorés.

Dans son mémoire, il a proposé de créer un poste de commandement axé sur les opérations nationales qui se concentrerait uniquement sur l’intervention en cas de catastrophe et sur d’autres types d’opérations nationales. Il a fait valoir que la décision prise en 2012 de fusionner le Commandement de la Force expéditionnaire du Canada, le Commandement Canada ainsi que le Commandement du soutien opérationnel en un seul commandement opérationnel, le Commandement des opérations interarmées du Canada afin « d’économiser des milliards de dollars dans l’administration des divers commandements » avait « créé des inefficacités dans le commandement et le contrôle des opérations nationales ». Le sergent (à la retraite) Banks a soutenu que les FAC nécessitaient un commandement opérationnel distinct et réservé, « doté d’un personnel permanent et d’un équipement spécialisé pour le contrôle des opérations nationales », pour assurer « des interventions rapides et efficaces pendant les déploiements nationaux ».

Selon ce qu’il écrit dans son mémoire, il faut aussi que les FAC aient des « experts en la matière à leur disposition » en ce qui concerne l’intervention en cas de catastrophes. Ces experts aideraient les commandants déployés dans le cadre d’opérations nationales. M. Banks a laissé entendre que les membres des FAC devraient être formés comme des « experts en la matière dans la lutte contre les incendies, l’atténuation des inondations, les opérations hivernales, la prestation d’aide humanitaire et la gestion des urgences ».

De plus, dans son mémoire, il favorise l’amélioration de l’administration et de l’appui aux membres des FAC déployés dans le cadre d’opérations nationales, de façon à ce qu’il soit possible d’accomplir davantage de choses pour les soins liés à « la santé et au bien-être ». Par exemple, il a expliqué que « [l’]exposition à des éléments toxiques est un risque réel pendant les opérations de lutte contre les inondations », et que « l’inhalation de fumée est fréquente dans les opérations de lutte contre les incendies, tout comme les lésions dues au froid pendant les opérations hivernales ». Le sergent (à la retraite) Banks a ajouté que « des traumatismes mentaux peuvent survenir lorsqu’une personne est confrontée à la souffrance humaine, à des morts ou des blessures, ou à des dangers ». Il a souligné, évoquant le rapport que l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes a publié en 2023 sous le titre Combats invisibles : Une enquête systémique sur l'identification des besoins en santé mentale et le soutien pour les membres de la Première réserve participant aux opérations nationales[14], que, contrairement à ce qui est le cas pour les membres des FAC qui reviennent d’une mission à l’étranger, il n’est pas obligatoire de s’assurer que ceux déployés à l’intérieur du pays jouissent, après leur déploiement, des mêmes soins et des mêmes évaluations, ce qui est « particulièrement vrai pour les réservistes » déployés dans le cadre d’opérations nationales.

Reconnaître les contributions des membres des Forces armées canadiennes aux opérations nationales d’intervention en cas de catastrophe

Des témoins ont souligné que les précieuses contributions des membres des FAC aux opérations nationales d’intervention en cas de catastrophe devraient être mieux reconnues. Le ministre Blair a affirmé qu’il était nécessaire de « reconnaître et récompenser les membres qui répondent à cet appel au devoir ». Mentionnant que les militaires ne reçoivent pas de médailles lorsqu’ils sont déployés dans le cadre d’opérations nationales, il a expliqué que :

[L]es militaires reçoivent des médailles et des rubans de service lorsqu’ils sont déployés à l’étranger, mais leurs missions au pays peuvent être tout aussi ardues. Elles exigent autant de temps passé loin de la famille. Dans certaines circonstances, les déploiements au Canada peuvent s’avérer assez difficiles et traumatisants. Ils mettent vraiment à l’épreuve leur capacité de réagir, et ont de lourdes répercussions sur eux. […] je suis convaincu que nous devons faire mieux pour trouver des façons de reconnaître ce service.

D’accord avec le ministre Blair, le sergent (à la retraite) Banks a suggéré qu’une médaille pour les opérations nationales soit créée pour contribuer à reconnaître le service du personnel des FAC affecté à l’opération LENTUS et à d’autres opérations en territoire canadien. Dans son mémoire, le sergent (à la retraite) Banks a indiqué qu’une telle médaille permettrait « d’harmoniser les opérations nationales avec les opérations [internationales] », de « reconnaître qu’il y a des risques et des difficultés associés aux déploiements nationaux » ainsi que de stimuler les membres et de leur donner un esprit de corps lors des opérations nationales, et « améliorerait le maintien en poste ».

Renforcer le rôle et les capacités de la Force de première réserve et des Rangers canadiens pour les interventions lors d’urgences intérieures

Des témoins ont reconnu que les membres de la Première réserve des FAC et des Rangers canadiens jouaient un rôle essentiel dans les interventions des FAC en cas d’urgence nationale, mais ils ont affirmé que leurs rôles et leurs capacités pourraient être améliorés. Damien Burns a appuyé le déploiement de la Force de première réserve en cas de catastrophe, expliquant que « le besoin en ressources de ce genre est énorme » pour permettre d’aider les autorités provinciales et territoriales lors des situations d’urgence intérieures. Traitant des contributions de la Force de première réserve à l’aide aux autorités civiles, Michael Fejes a déclaré que, malgré que l’on ait tenté à plusieurs reprises d’augmenter l’effectif des FAC, « la taille des Forces armées canadiennes […] diminue », ce qui fait qu’« on fait appel de plus en plus, et de manière constante, à l’effectif de la Première réserve ». Selon lui, « [a]ujourd’hui, les FAC sont plus petites et doivent être prêtes à répondre à des urgences multiples et de plus en plus exigeantes simultanément avec leurs soldats à temps partiel ».

Le brigadier-général Major a indiqué que les FAC disposaient d’unités d’intervention rapide composées de membres de la Première réserve, et que ceux-ci suivaient actuellement un entraînement pour exécuter les tâches des membres de la Force régulière, ce qui facilite l’intégration au Canada ou à l’étranger. Il a ajouté que les FAC n’étaient pas destinées à créer une capacité spécialisée d’intervention en cas de catastrophe pour la Première réserve. Toutefois, le brigadier‑général Major a fait remarquer que les FAC examinaient actuellement le rôle global que joue la Première réserve au sein des FAC.

Michael Fejes a indiqué qu’il fallait s’assurer que « le personnel de la Réserve des Forces canadiennes est soutenu et qu’il est en mesure de réagir de façon décisive » au besoin. Il faut aussi « examiner notre stratégie globale de préparation ». Il a proposé deux façons d’améliorer l’appui de la Première réserve aux opérations nationales : réévaluer ses « conditions de service actuelles » et examiner comment celle-ci est « gérée sur le plan institutionnel et sur la façon dont elle peut répondre rapidement et efficacement lorsqu’elle est sollicitée ». Michael Fejes a insisté sur le fait que l’on devrait moderniser les quartiers généraux et les politiques relatives au personnel « pour créer des conditions d’emploi plus durables qui [sont] nécessaire[s] pour mieux tirer parti de la contribution de la Force de réserve ».

De l’avis de Michael Fejes, la Première réserve est sous-exploitée et devrait participer plus activement aux interventions d’urgence à l’échelle nationale. Selon lui, « les Canadiens devraient pouvoir faire appel aux militaires à temps partiel en vue d’intervenir de manière décisive sur une longue période lorsque les autres recours font défaut ». Attirant l’attention sur le coût du déploiement de la Force de première réserve, Michael Fejes a expliqué que les soldats de la Réserve « coûtent moins cher que les professionnels ou les soldats de la Force régulière ».

Michael Fejes a également indiqué que les réservistes possédaient un vaste éventail de compétences issues de leur vie civile lorsqu’ils participent à des opérations nationales, ainsi qu’une connaissance des collectivités civiles locales que la plupart des membres de la Force régulière n’ont pas. Selon lui, ces caractéristiques font des réservistes des ressources précieuses « sur le terrain » lors des urgences nationales.

Cela dit, Michael Fejes n’appuyait pas l’idée de « créer des unités spécialisées chez les réservistes » ou de « consacrer des ressources uniquement à l’intervention à l’échelle nationale ». Selon lui, créer « des unités de réserve d’intervention à l’échelle nationale » composées de réservistes possédant des « compétences et une formation spécialisées » limiterait l’utilisation de la Première réserve pour d’autres types d’opérations. À son avis, il est nécessaire de « garder une liste importante de réservistes, […] [et d’]être en mesure de faire appel à [ces réservistes] […] quand une crise survient ».

Au lieu de cela, Michael Fejes a encouragé la « recapitalisation » ou l’« opérationnalisation » de la Force de première réserve, afin que les réservistes puissent être affectés à n’importe quelle opération nationale ou internationale. Soulignant que la participation à la Première réserve est « volontaire » et que les exigences imposées aux réservistes « sont extrêmement variées », Michael Fejes a affirmé que les FAC devraient envisager d’« élargir les conditions de service des réservistes afin que l’on puisse faire appel à eux en cas de besoin ».

M. Leuprecht a souligné certaines limitations liées au recours aux réservistes pour les interventions en cas d’urgences nationales. Selon lui, le déploiement de réservistes « présente des défis particuliers », puisque la Première réserve est aux prises avec un « taux de roulement élevé et leur incapacité à atteindre certaines normes de formation. En outre, elles ne sont disponibles qu’au cas par cas, sur une base volontaire. » Il a ajouté qu’une « structure de force permanente » était nécessaire.

Des témoins ont également souligné que les Rangers canadiens avaient davantage de rôles et de capacités en cas de catastrophe. Expliquant qu’ils « sont très actifs dans les interventions en situation d’urgence », Peter Kikkert a fait remarquer qu’ils intervenaient quand il y a des feux de forêt, des inondations, des avalanches ou d’autres catastrophes qui se produisent dans le Nord canadien. À son avis, le renforcement des capacités d’intervention des Rangers canadiens en cas d’urgence serait « extrêmement bénéfique pour leurs collectivités et celles des environs ».

Peter Kikkert a également indiqué que, si les Rangers canadiens se voyaient confier « un rôle plus large de force d’intervention en cas de catastrophe dans le Nord », il faudrait prendre en compte la capacité du personnel de leur quartier général de soutenir et de faciliter ce nouveau rôle. De plus, selon lui, il faudrait aussi « [a]ccroître le personnel administratif affecté aux différents Groupes de patrouilles des Rangers canadiens afin de faciliter ces opérations ».

Wilfrid Greaves a déclaré de son côté que « les Rangers canadiens constituent en quelque sorte une ressource sous-exploitée ». Il a soutenu qu’ils pourraient fournir aux collectivités du Nord du Canada frappées par des situations d’urgence « des services et du soutien tout aussi estimables ». D’accord avec Wilfrid Greaves, M. Leuprecht a affirmé que le recours aux Rangers canadiens en cas de catastrophe dans le Nord du pays serait une mesure économique qui favoriserait aussi le développement des collectivités nordiques.

Mettre en place une force nationale de lutte contre les incendies composée de bombardiers à eau

Des témoins ont attiré l’attention sur la nécessité de moderniser le parc de bombardiers à eau du Canada, certains croyant que l’Aviation royale canadienne (ARC) devrait en acquérir pour compléter les parcs civils et contribuer aux opérations aériennes de lutte contre les incendies au Canada. Selon M. Flannigan, le gouvernement fédéral devrait « fournir plus de financement aux provinces et aux territoires pour les activités de gestion des incendies », des fonds pouvant être utilisés pour l’achat d’aéronefs « pour aider à renouveler et à augmenter [une] flotte vieillissante [d’avions bombardiers à eau] ».

Plus particulièrement, M. Flannigan était d’avis que le gouvernement fédéral devrait « mettre sur pied une force de lutte contre les incendies de forêt à déploiement rapide, qui travaillerait main dans la main avec les organismes de gestion des incendies existants » dans chaque province et territoire, et qui « pourrait comprendre une flotte aérienne nationale de lutte contre les incendies, ainsi que des équipes de lutte contre les incendies au sol ». Selon lui, « [i]l serait effectivement très utile de pouvoir compter sur un[e flotte aérienne nationale] apte à se rendre aux endroits où nous nous attendons à voir des feux extrêmes afin de nous attaquer tout de suite aux foyers d’incendie ». Le major-général Prévost a affirmé que les FAC n’étaient pas bien équipées actuellement pour lutter contre les incendies de forêt, soulignant que les autorités provinciales étaient les expertes en la matière.

Pour constituer une flotte aérienne nationale de bombardiers à eau, M. Flannigan a exhorté le gouvernement fédéral à commander de tels aéronefs le plus tôt possible. Il a souligné que plusieurs pays d’Europe avaient commandé le nouveau bombardier à eau DHC‑515 Firefighter de De Havilland Canada, qui est une version modernisée de la famille emblématique des bombardiers à eau CL-215 et CL-415 de Canadair, conçus et construits au Canada depuis les années 1960 par Canadair et Bombardier[15]. M. Flannigan a fait remarquer que De Havilland Canada avait reçu des commandes pour une production jusqu’en 2029, ajoutant que, si le Canada voulait avoir de tels aéronefs, il faudrait que l’entreprise « accroisse sa capacité de production, sinon nous devrons attendre jusque dans les années 2030 ».

Cela dit, dans son mémoire, le sergent (à la retraite) Banks a laissé entendre que, si une force nationale de lutte contre les incendies était créée, les FAC, plutôt qu’un nouvel organisme fédéral, devraient en être responsables. À son avis, une telle force « ne remplacerait pas les responsabilités provinciales, mais renforcerait la capacité du gouvernement fédéral de renforcer les interventions visant à préserver la vie et les biens ». De plus, il a fait valoir que l’ARC devrait jouer un rôle clé dans cette force, ajoutant que « [l]e Canada a besoin de ressources aériennes qui lui permettent de transporter l’équipement et le personnel dans des endroits souvent isolés du pays, il a besoin de la capacité de déployer rapidement des pompiers et il a besoin de capacités aériennes de lutte contre les incendies ». Le sergent (à la retraite) Banks a donc proposé que l’ARC crée une « Escadre de lutte aérienne contre les incendies » et qu’elle fasse l’acquisition « d’avions et/ou d’hélicoptères pour le largage d’eau », expliquant qu’une telle approche serait « plus économique que de créer un nouvel organisme fédéral ». Il a déclaré que l’ARC possédait déjà des aérodromes et des installations d’entraînement, ainsi que des capacités de commandement et de logistique. Avec une nouvelle agence fédérale, cet ensemble de ressources devra être recréé. Toutefois, le sergent (à la retraite) Banks a constaté que le budget affecté à l’ARC devrait être augmenté afin de couvrir les coûts des nouvelles capacités de combat aérien.

Conclusions et recommandations du Comité

Au cours des dernières années, le nombre de déploiements des FAC dans le cadre de l’opération LENTUS visant à aider les autorités civiles canadiennes pendant des inondations, des feux de forêt, des ouragans et d’autres catastrophes naturelles a augmenté. Même si l’aide des FAC aux autorités civiles devrait être un dernier recours, les effets dévastateurs des phénomènes climatiques extrêmes sur les personnes ainsi que sur les communautés partout au pays incitent les gouvernements provinciaux et territoriaux à demander aux FAC de leur prêter main-forte plus souvent que ce n’était le cas auparavant. Comme on s’attend à ce que l’intensité ainsi que la fréquence des urgences nationales liées au climat augmentent, le nombre de demandes d’aide des FAC de la part des provinces et des territoires devrait augmenter.

Les opérations nationales de plus en plus nombreuses mettent à l’épreuve les ressources des FAC et ont des répercussions sur leur disponibilité; or, de nouvelles menaces mondiales se dessinent, et le contexte de sécurité international se détériore rapidement en raison des mesures prises par la République populaire de Chine (RPC), la Russie et d’autres pays autoritaires, révisionnistes et antagonistes. En particulier, les tensions accrues entre les États membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et la Russie à cause de l’invasion de l’Ukraine par cette dernière en février 2022 et de la guerre qui se poursuit contre ce pays poussent le Canada et d’autres États membres de l’OTAN à investir dans les capacités de combat de leurs forces armées, à déployer des contingents non négligeables en Europe centrale et en Europe de l’Est pour contribuer à renforcer et à protéger le flanc est de l’Alliance, ainsi qu’à aider l’Ukraine. Dans ce contexte, les interventions des FAC en cas de catastrophes au pays nuisent au rythme de leurs opérations internes, contribuent à la baisse de leurs effectifs et de leurs ressources matérielles, et entraînent une diminution de l’attention qu’elles accordent à l’entraînement ainsi qu’au maintien de leur préparation à combattre, comme l’exige leur premier devoir militaire : défendre le Canada.

Le Comité reconnaît la contribution exceptionnelle et précieuse des FAC pendant les opérations intérieures, ainsi que le professionnalisme et le dévouement de leurs membres à aider leurs concitoyens lors des catastrophes naturelles liées au climat. Cela dit, la gestion des situations d’urgence relève avant tout de la compétence des gouvernements provinciaux et territoriaux, et les FAC devraient rester, sur le plan théorique, mais aussi, et plus particulièrement, dans la pratique, un recours ultime.

Dans la perspective d’une telle responsabilité, le Comité reconnaît qu’il faudrait entreprendre un examen de la dépendance actuelle des gouvernements provinciaux et territoriaux à l’égard des FAC lors des catastrophes climatiques qui touchent leur région. L’objectif devrait être de s’assurer que toutes les options civiles sont épuisées avant de leur demander de l’aide. En outre, on devrait renforcer davantage les capacités civiles de gestion des urgences afin que les autorités civiles soient mieux préparées et mieux équipées pour offrir de l’aide humanitaire ainsi que toute autre forme d’assistance lors de catastrophes, et qu’elles diminuent ainsi leur dépendance à l’égard des FAC.

Le Comité sait que les déploiements des FAC visant à offrir de l’aide aux autorités civiles sont d’une importance cruciale dans certaines circonstances. Puisque ces déploiements vont continuer, il convient de veiller à ce que les FAC possèdent toutes les ressources et les capacités dont elles ont besoin pour continuer à fournir de l’aide aux autorités civiles en tant que force de dernier recours.

Enfin, le Comité sait que le Canada et ses alliés doivent s’adapter aux nouvelles menaces militaires mondiales ainsi qu’à un contexte international de sécurité qui continue de se dégrader rapidement. C’est pourquoi la responsabilité des FAC de défendre le Canada ne doit jamais être oubliée. La sécurité individuelle et collective des Canadiens dépend de FAC solides ainsi que prêtes au combat. Dans ce contexte, le plus possible, la gestion des situations d’urgence en cas de catastrophe naturelle au Canada devrait se limiter à ceux qui assument la responsabilité première des interventions en cas de catastrophe : les provinces et les territoires.

À la lumière de ce qui précède, le Comité recommande:

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada aborde les enjeux relatifs à la crise actuelle de recrutement et de maintien en poste pour voir à ce que les Forces armées canadiennes soient en mesure d’assumer leur responsabilité de fournir de l’aide aux autorités civiles sur demande.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada crée une base de données de bénévoles, conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels, en se fondant sur leur métier et leur expérience, en ayant pour objectif particulier de permettre à ces bénévoles de se porter volontaires avec efficacité pour aider aux opérations d’intervention en cas de catastrophe.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada entreprenne une étude approfondie de l’établissement d’un corps d’ingénierie civil au sein de ces dernières, avec une structure et une mission semblables à celles de l’Army Corps of Engineers des États-Unis, ainsi que d’un groupe mixte de spécialistes de la planification et de la coordination.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada se concerte rigoureusement avec les provinces et les territoires et travaille avec ceux-ci afin d’établir un programme de formation national normalisé comprenant des capacités et des compétences de base normalisées qui peuvent être reconnues à l’échelle nationale, ainsi qu’une accréditation pour les programmes de gestion des urgences enseignés dans les établissements d’enseignement supérieur.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada accorde la priorité aux initiatives visant à accroître les exercices de préparation aux catastrophes et aux situations d’urgence entre les ministères et les organismes fédéraux compétents ainsi que les autorités provinciales et locales, dont les organismes civils et non gouvernementaux concernés.

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada collabore avec les provinces et les territoires pour investir dans la gestion des urgences, l’atténuation des effets des catastrophes et l’aide à l’intervention, afin que ceux-ci comptent seulement sur les Forces armées canadiennes en dernier recours.

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada fasse l’inventaire de tous les biens de tous les ministères qui peuvent être utilisés pour l’aide en cas de catastrophe, et qu’il réalise, avec les provinces et les territoires, un examen national de la capacité en matière de gestion et d’intervention en cas d’urgence.

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada évalue s’il doit acheter ou louer de l’équipement supplémentaire, y compris des bombardiers à eau.

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada crée une médaille pour services au pays afin de souligner l’ensemble des déploiements militaires dans nos collectivités (opération LENTUS, opération LASER, évènements internationaux majeurs, etc.), et que, pour cette médaille, il tienne compte du temps cumulatif des déploiements afin d’encourager les militaires à répondre présents pour des déploiements de courte durée.

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada augmente la participation des jeunes à la lutte contre les changements climatiques et contre les catastrophes liées au climat en incitant des milliers de jeunes adultes à œuvrer dans le secteur humanitaire.

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada mette sur pied une stratégie d’adaptation nationale afin de renforcer la résilience face aux catastrophes liées au climat.

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada donne suite à toutes les recommandations formulées dans le rapport de l’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes intitulé Combats invisibles : une enquête systémique sur l’identification des besoins en santé mentale et le soutien pur les membres de la Première réserve participant aux opérations nationales.

Recommandation 13

Que le Comité permanent de la défense nationale mène une étude plus approfondie sur la modernisation du système d’avancement professionnel et de remise de médailles de service des Forces armées canadiennes.

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada envisage d’investir dans un effectif professionnel et permanent de gestion des catastrophes, comme un corps canadien de résilience, qui pourrait être rapidement mobilisé et déployé dans les zones sinistrées pour entreprendre des initiatives d’intervention et de rétablissement.

Recommandation 15

Que le gouvernement du Canada renforce les capacités d’intervention d’urgence et la capacité des Rangers canadiens, et leur confie le rôle d’intervenir en cas de catastrophes dans le Nord, au profit de leur collectivité et des collectivités adjacentes.

Recommandation 16

Que le gouvernement du Canada tire parti des organismes en les regroupant au sein d’un consortium d’ONG qui travaille comme auxiliaire du gouvernement pour pouvoir mieux coordonner et cerner les capacités que ces organismes apportent à la table ainsi que leur capacité d’intervention


[1]              Voir Ministère de la Défense nationale (MDN), Opération LENTUS.

[2]              Ibid.

[3]              Voir Ibid.; MDN, Opération LASER; et MDN, Opération VECTOR.

[4]              Sécurité publique Canada, Organisations de gestion des urgences.

[5]              Sécurité publique Canada, Demandes d’aide fédérale.

[6]              Sécurité publique Canada, Vers un 2030 marqué par la résilience : Stratégie de sécurité civile pour le Canada, 2019, p. 1.

[7]              Ibid.

[8]              Pour plus d’informations, voir Sécurité publique Canada, Accords d’aide financière en cas de catastrophe (AAFCC).

[9]              MDN, Opération LENTUS.

[11]            Selon le MDN, les coûts différentiels de l’opération LENTUS se sont chiffrés approximativement à 14,4 millions de dollars en 2017–2018; à 3,8 millions de dollars en 2018–2019; et à 4,7 millions de dollars en 2019–2020. Voir MDN, « Coûts différentiels pour les principales opérations des Forces armées canadiennes », Rapport sur les résultats ministériels 2017–2018; MDN, « Coûts différentiels pour les principales opérations des Forces armées canadiennes », Rapport sur les résultats ministériels 20182019; MDN, « Coûts différentiels pour les principales opérations des Forces armées canadiennes », Rapport sur les résultats ministériels 2019–2020.

[12]            Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes (NDDN), Témoignages, 2 mai 2022 (Josh Bowen).

[13]            Pour de plus amples renseignements, voir Sécurité publique Canada, Stratégie de sécurité civile pour le Canada : Vers un 2030 marqué par la résilience, 2019, p. 18; Bureau de la vérificatrice générale du Canada, Rapport 8—La gestion des urgences dans les collectivités des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada, 2022, p. 7.

[15]            En 2016, De Havilland Canada a racheté le programme de CL-415 à Bombardier et a mis au point des aéronefs modernisés appelés DHC-515 Firefighter. En 2022, l’entreprise a indiqué que des « clients européens » avaient déjà signé des « lettres d’intention pour l’achat des 22 premiers avions » produits. Voir De Havilland Canada, De Havilland Aircraft of Canada Limited Launches DHC-515 Firefighter, 31 mars 2022. [disponible en anglais seulement]