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NDDN Rapport du Comité

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L’heure du changement a sonné : Réforme de l’approvisionnement en matière de défense au Canada

 

Introduction

Au Canada, l’approvisionnement en matière de défense est un processus complexe auquel participent plusieurs ministères et organismes fédéraux, notamment le ministère de la Défense nationale (MDN), Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE), ainsi que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada[1]. Collectivement, les ministères et organismes fédéraux qui s’engagent dans ce processus gèrent des projets évalués à des milliards de dollars qui portent sur l’acquisition et le soutien en service de divers systèmes d’armes et d’autres équipements militaires destinés aux Forces armées canadiennes (FAC).

Au fil des ans, les retards et les dépassements de coûts des principaux projets d’approvisionnement en matière défense, ainsi que les obstacles bureaucratiques et les autres problèmes auxquels ils font face ont fait naître des préoccupations au sujet de l’efficacité et de l’efficience globales du système canadien d’approvisionnement en matière de défense et de sa capacité à fournir aux FAC l’équipement militaire dont elles ont besoin de manière rentable et en temps opportun. Un certain nombre d’initiatives visant à réformer l’approvisionnement en matière de défense ont été mises en œuvre, notamment la Stratégie nationale de construction navale en 2010 et la Stratégie d’approvisionnement en matière de défense en 2014[2]. Toutefois, des problèmes continuent de ralentir la livraison d’importants systèmes d’armes et d’autres équipements militaires aux FAC.

Alors que le Canada entre dans une ère de changements technologiques rapides qui influent sur la conduite de la guerre et qu’il doit composer avec de nouvelles menaces et la montée de l’insécurité dans le monde, les FAC doivent pouvoir compter sur un système d’approvisionnement en matière de défense fiable et efficace – soutenu par une infrastructure industrielle de défense nationale forte – pour faire l’acquisition des technologies militaires les plus récentes et maintenir leur état de préparation opérationnelle et leur « avantage au combat » par rapport à leurs éventuels adversaires dans la guerre au XXIe siècle.

C’est dans ce contexte que le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes (le Comité) a adopté, le 21 avril 2023, une motion visant à étudier l’approvisionnement en matière de défense et l’état de préparation des industries canadiennes de défense. La motion exige notamment que le Comité examine « comment l’état de préparation des Forces armées canadiennes est affecté par les processus d’approvisionnement du Canada et les capacités de [l’]industrie de la défense pour s’assurer que les besoins de l’armée canadienne sont satisfaits ».

Du 9 juin au 7 novembre 2023, le Comité a tenu neuf réunions et entendu 36 témoins dans le cadre de cette étude. Parmi les témoins, on comptait entre autres des fonctionnaires fédéraux et des militaires canadiens, des représentants des industries canadiennes de l’aérospatiale et de la défense, des universitaires et d’autres intervenants. Le Comité a également reçu des mémoires de personnes qui n’ont pas comparu devant lui.

Le présent rapport résume les commentaires formulés par les témoins lors de leur comparution devant le Comité ou dans le mémoire qu’ils lui ont présenté, ainsi que les renseignements publics dignes d’intérêt. La première section décrit certains des problèmes de l’approvisionnement en matière de défense au Canada et leurs répercussions sur l’état de préparation des FAC. La deuxième section décrit les options qui sont sur la table pour réformer les processus d’approvisionnement en matière de défense du pays, ainsi que pour améliorer l’acquisition de systèmes d’armes et d’autres équipements militaires, et leur livraison aux FAC. La troisième section examine le rôle de l’infrastructure industrielle de défense du Canada dans les processus d’approvisionnement en matière de défense et traite des moyens de renforcer l’état de préparation des industries de défense du pays. Enfin, la dernière section comprend les réflexions et les recommandations du Comité.

Problèmes de l’approvisionnement en matière de défense

S’adressant au Comité au sujet des processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense, des témoins ont relevé quelques problèmes auxquels ils ont été confrontés jusqu’à maintenant. Il s’agit notamment des obstacles bureaucratiques et de la complexité des processus en question, des problèmes liés à l’aversion au risque et à la politisation, de la pénurie de spécialistes de l’approvisionnement en matière de défense, du manque de transparence et de responsabilisation, des retards touchant l’approvisionnement et des dépassements de coûts.

Obstacles bureaucratiques et complexité des processus d’approvisionnement en matière de défense

Des témoins ont décrit les obstacles bureaucratiques et la complexité des processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense. Richard Fadden, ancien conseiller à la sécurité nationale auprès du premier ministre du Canada, et Richard Foster, vice‑président de L3Harris Technologies Canada, ont convenu que les processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense sont « complexes », M. Foster allant jusqu’à dire qu’ils « coûte[nt] cher en temps et en argent ».

De même, Anne-Marie Thibaudeau, directrice des Programmes pour Bombardier Inc., a souligné que les processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense sont « inutilement compliqué[s] ». De son côté, Philippe Lagassé, Ph. D., professeur agrégé à l’Université Carleton, a affirmé que ces processus « sont trop rigides et [que les responsables sont] trop peu enclins à prendre des risques pour suivre l’évolution technologique », ajoutant que le « système d’acquisition est conçu pour minimiser les risques et garantir l’application de garanties et de contrôles solides », ce qui signifie qu’il « ne peut pas s’adapter facilement à l’évolution rapide des technologies ou à l’évolution des besoins opérationnels ».

Par ailleurs, Anessa Kimball, Ph. D., professeure à l’Université Laval, a qualifié « les étapes bureaucratiques à franchir en vue d’acquérir les équipements et les biens nécessaires pour équiper les FAC […] de labyrinthe multicouches de procédures et de processus gérés et mis en œuvre » par plusieurs organismes fédéraux. Christyn Cianfarani, présidente et cheffe de la direction de l’Association des industries canadiennes de défense et de sécurité (AICDS), a pour sa part attiré l’attention du Comité sur « les quelque 250 étapes [à suivre] pour faire passer un projet [d’approvisionnement en matière de défense] de la conception à l’analyse des besoins, à l’analyse des options, puis à l’approvisionnement proprement dit ». Enfin, Yana Lukasheh, vice‑présidente des Affaires gouvernementales et du Développement des affaires pour SAP Canada, a déclaré que « [l]’échelonnement et l’exécution des programmes [d’approvisionnement en matière de défense] sont très rigides ».

Bien qu’il ne remet pas en question la surveillance de certains processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, a laissé entendre que la participation du Secrétariat à de tels processus n’ajoutait pas « tant de valeur pour ce qui est de l’approvisionnement militaire ». Il a également avancé que les fonctionnaires du Secrétariat qui participent à ces processus n’ont pas « les meilleures compétences » pour répondre aux exigences du MDN et de SPAC en matière d’approvisionnement de défense et il a souligné que ces fonctionnaires ne sont pas des spécialistes militaires. Par ailleurs, David Perry, Ph. D., président de l’Institut canadien des affaires mondiales, a mentionné que la complexité et le manque de clarté des lignes directrices du Secrétariat sur l’approvisionnement en matière de défense contribuent à des interprétations divergentes.

Certains témoins ont abordé la question des « goulets d’étranglement ». Alan Williams, président du Williams Group et ancien sous-ministre adjoint (Matériels) du MDN, a soutenu que le chevauchement des rôles et des activités au sein du MDN et de SPAC contribue aux goulots d’étranglement dans les processus d’approvisionnement en matière de défense. Pour Christyn Cianfarani, sans une « description détaillée [et publique] du système d’approvisionnement », les entreprises canadiennes de défense ne peuvent « pas savoir où se situent les obstacles, les incohérences ou peut-être les chevauchements ». De plus, selon Alan Williams, l’absence de mesures de rendement publiques concernant le cycle de vie complet des projets d’approvisionnement en matière de défense fait en sorte que la plupart des législateurs canadiens ignorent les délais des projets ou la source des goulots d’étranglement au sein du système canadien d’approvisionnement en matière de défense.

Le lieutenant-général (à la retraite) Andrew Leslie, ancien député de la Chambre des communes, a souligné que le processus d’approvisionnement en matière de défense peut être « lent, compliqué et extrêmement bureaucratique », en particulier « [p]our les petites choses et les articles relativement simples ». Selon lui, « [l]e processus étouffe la capacité de faire avancer les choses » et provoque des retards inutiles qui sont coûteux et qui ont une incidence sur la hausse des coûts en raison de l’inflation ou de la fragilité de la chaîne d’approvisionnement. De son côté, Richard Fadden a déclaré que le développement économique régional, les acquisitions militaires et les autres objectifs fédéraux d’approvisionnement en matière de défense sont « bureaucratisés par la fonction publique, ce qui ajoute une complexité considérable pour toutes les parties concernées, y compris le secteur privé ».

En ce qui concerne les processus de soumission et d’appels d’offres des projets d’approvisionnement en matière de défense, Christyn Cianfarani a fait remarquer que la plupart des entreprises canadiennes de défense « compren[nent] en général comment le système fonctionne » au Canada. Cependant, selon Mike Mueller, président et chef de la direction de l’Association des industries aérospatiales du Canada (AIAC), l’industrie de la défense du pays perçoit le processus de soumission dans le cadre des projets d’approvisionnement en matière de défense comme étant « complexe [et prenant] beaucoup de [son] temps », notamment en raison des interactions avec le gouvernement fédéral.

Au sujet du rôle des petites et moyennes entreprises[3] dans l’approvisionnement en matière de défense, Michael Clark, gestionnaire pour FELLFAB Limited, a fait valoir que ces entreprises sont confrontées à un certain nombre de problèmes dans la préparation et la présentation d’une soumission pour un projet de défense. Selon lui, au nombre de ces problèmes figurent les différences dans les processus d’appel d’offres utilisés par le MDN et SPAC pour certains biens et services, la longueur et la complexité de ces processus, ainsi que l’approche décentralisée et pluriministérielle du Canada à l’égard de l’approvisionnement en matière de défense. Il a en outre souligné que les restrictions du MDN sur le montant qu’il est autorisé à dépenser sur les petites commandes sans avoir à passer par « un processus [d’approbation] plus officiel » nuisent à sa capacité d’obtenir rapidement certains biens et services à faible coût des petites et moyennes entreprises, surtout à un moment où le prix de certaines marchandises « grimpe en flèche ».

Enfin, Éric Martel, président et chef de la direction de Bombardier Inc., a comparé les pratiques d’approvisionnement du Canada en matière de défense à celles d’autres pays et a affirmé qu’au Canada, une demande de propositions (DP) compte « des centaines, voire des milliers de pages », tandis qu’elle en comprend beaucoup moins dans les autres pays.

Problèmes liés à l’aversion au risque et à la politisation

Des témoins ont indiqué que deux problèmes nuisent à l’efficience et à l’efficacité des processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense : l’aversion au risque des hauts fonctionnaires fédéraux et la politisation de ces processus. Par exemple, Mike Mueller a qualifié l’aversion au risque d’« énorme défi » et de facteur contribuant aux retards dans la réalisation des projets d’approvisionnement en matière de défense. De son côté, le lieutenant-général (à la retraite) Guy Thibault a mis en évidence l’« aversion au risque que l’on constate dans tout le système actuel [d’approvisionnement en matière de défense] », y compris en ce qui concerne le coût à long terme des projets. De même, selon Richard Fadden, « la fonction publique est devenue extrêmement réticente à prendre des mesures qui prêtent le flanc à des litiges », ce qui contribue à « paralyser » les processus d’approvisionnement.

Mettant l’accent sur la politisation des processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense, Richard Fadden a soutenu que la crainte d’une réaction négative de la part des hauts fonctionnaires fédéraux et des politiciens aux décisions sur l’approvisionnement en matière de défense et aux progrès accomplis dans le cadre des projets « pousse les fonctionnaires à suivre les règles à la lettre et à être très réfractaires aux risques », et les fait hésiter à contourner les règles et les règlements. Il a également laissé entendre que les fonctionnaires craignent que « la plus petite erreur » faite dans le cadre d’un projet d’approvisionnement en matière de défense embarrasse le gouvernement fédéral et ne fasse l’objet d’un débat politique houleux tant parmi les législateurs que dans les médias.

Par ailleurs, Alan Williams a soutenu que la politisation du système d’approvisionnement du Canada en matière de défense entrave la mise en œuvre de réformes qu’il juge essentielles. Il a attiré l’attention sur le « manque de volonté politique pour apporter les changements organisationnels », le manque de « budget pour faire ce que le gouvernement dit qu’il faut faire » pour réformer l’approvisionnement en matière de défense et le « manque de gens pour y arriver ».

Soutenant que les Canadiens « n’accordent pas la même priorité à la sécurité nationale que les autres pays », Christyn Cianfarani a fait valoir qu’il ne serait pas dans « l’intérêt public » de régler les problèmes qui touchent les FAC et le système d’approvisionnement du Canada en matière de défense. Pour sa part, Richard Fadden a prétendu que, parce que la population canadienne « en général » ne manifeste que peu d’intérêt pour les affaires militaires, certains fonctionnaires et législateurs fédéraux portent aussi relativement peu d’intérêt à la réforme des processus.

Par ailleurs, des témoins ont souligné l’influence du premier ministre du Canada sur le système d’approvisionnement du pays en matière de défense. David Perry a souligné que si le premier ministre « ne s’en soucie pas », « le reste du gouvernement réagira en conséquence ». Alan Williams et David Perry ont laissé entendre que la réforme du système d’approvisionnement du Canada en matière de défense n’était pas une priorité pour l’actuel premier ministre ni les précédents. Selon Alan William, au cours des dernières décennies, « personne au Cabinet ne [s’est] préoccupé » des grandes réformes du système d’approvisionnement en matière de défense. David Perry a ajouté qu’il n’y a pas « grand-chose qui prouve que c’est important pour le premier ministre actuel ».

Autrement, le lieutenant-général (à la retraite) Leslie a souligné le grand intérêt manifesté par les premiers ministres Jean Chrétien, Paul Martin et Stephen Harper, qui ont facilité et accéléré le processus d’acquisition de nouveaux systèmes d’armes et d’autres équipements militaires pour les FAC dans des situations d’urgence réelles, comme ce fut le cas après les attentats terroristes de septembre 2001 et pendant la guerre en Afghanistan de 2001 à 2014. Selon lui, ces exemples montrent que, « lorsque le premier ministre s’intéresse de près à une question, quand il pose des questions très pointues » sur les processus et les projets d’approvisionnement en matière de défense, le système peut fonctionner.

Des témoins ont également soulevé le manque de responsabilité ministérielle au sein du système d’approvisionnement pluriministériel du Canada en matière de défense. Au Canada, aucun ministre n’est responsable des processus et des projets d’approvisionnement en matière de défense. Les responsabilités sont plutôt partagées, et les décisions sont prises par quelques ministres[4]. Yves Giroux a fait remarquer que les résultats des processus d’approvisionnement en matière de défense « reposent en fin de compte sur des décisions politiques » prises par plusieurs ministres et hauts fonctionnaires fédéraux qui sont responsables des processus, en particulier les ministres du MDN, de SPAC et d’ISDE, ainsi que le président du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

Enfin, le lieutenant-général (à la retraite) Thibault a souligné que l’approvisionnement en matière de défense ne relève pas de la seule responsabilité de chaque ministre et a qualifié de problématique le « fait que l’approvisionnement en matière de défense ne soit pas centralisé » par les différents ministres y participant. Tout en donnant un exemple précis, il a reconnu les défis qu’ont à relever le ministre et le sous-ministre de la Défense nationale pour superviser les processus d’approvisionnement en matière de défense du MDN, les qualifiant d’« acteurs à temps partiel » qui « ont de gros portefeuilles et bien d’autres choses à faire ». En outre, il a fait observer que les fonctionnaires du MDN et des FAC ont de la difficulté à faire « comprendre les enjeux de l’heure » relativement à l’approvisionnement en matière de défense et « la façon de faire avancer [les projets liés à l’équipement] » aux nouveaux ministres de la Défense nationale. Le ministre responsable de SPAC, ainsi que les autres ministres participant aux processus d’approvisionnement en matière de défense sont confrontés à des problèmes semblables.

Pénurie de spécialistes de l’approvisionnement en matière de défense

Certains témoins ont constaté la pénurie de personnel qualifié et formé dans le domaine de l’approvisionnement en matière de défense dans la fonction publique fédérale. Yves Giroux a mentionné que les rapports du directeur parlementaire du budget font régulièrement état du « manque de personnel d’approvisionnement au MDN », qui est « un obstacle à l’efficacité du processus d’approvisionnement ». Pour sa part, Richard Fadden a affirmé qu’« [i]l n’y a pas suffisamment de personnes » dans la fonction publique qui travaillent à l’approvisionnement en matière de défense, ce qui « cause beaucoup de retard ». Enfin, Alan Williams a abondé dans le même sens, ajoutant qu’« [u]ne grande partie du travail ne se fait pas parce qu’il n’y a pas assez de gens pour mener à bien tous les projets [de défense] ».

Par ailleurs, M. Perry a déclaré « qu’il y a eu une augmentation marginale de quelques centaines de personnes dans l’effectif de l’approvisionnement [en matière de défense] », mais qu’elle n’a pas été suffisante pour répondre aux besoins découlant du nombre croissant de projets dans ce domaine. Il a de plus souligné que le Groupe des matériels du MDN compte environ 350 personnes de plus qu’il y a 20 ans, lorsque les dépenses dans l’approvisionnement en matière de défense – soit environ 2 milliards de dollars par année – étaient inférieures aux quelque 12 milliards de dollars dépensés aujourd’hui. M. Perry a soutenu que ce qu’on demande au personnel de ce groupe de faire aujourd’hui « est radicalement différent » de ce qu’on leur demandait il y a deux décennies.

Selon M. Lagassé, la pénurie de spécialistes nuit à l’achèvement des projets d’approvisionnement en matière de défense, les plus petits projets suscitant une préoccupation particulière parce qu’ils « ne reçoivent pas la même attention » que les grands projets, qui « ont de grandes équipes attitrées ». Il a en outre affirmé qu’il fallait déployer des efforts pour qu’un nombre suffisant de spécialistes aient le temps de « guider » ces petits projets tout au long du processus d’approvisionnement en matière de défense et s’y consacrent.

Toujours selon M. Lagassé l’important taux de roulement du personnel des FAC au sein du Groupe des matériels du MDN constitue un autre défi en matière de ressources humaines, surtout parce que le traitement et la livraison des grands projets d’approvisionnement en matière de défense prennent souvent plusieurs années, voire plus d’une décennie. Rappelant que le personnel des FAC a tendance à être muté environ tous les trois ans, ce qui entraîne un taux de roulement élevé et une instabilité dans les effectifs se concentrant sur les projets d’approvisionnement en matière de défense, M. Lagassé a précisé ce qui suit :

La rotation du personnel, compte tenu du système des FAC et de la façon dont les spécifications sont republiées après une certaine période de temps, efface la mémoire même de projets individuels et souvent, dans le passé, il s’est produit des situations où on n’arrivait même pas à saisir la façon dont le projet évolue au fil du temps.

M. Lagassé a laissé entendre que le système d’affectation militaire pouvait être une des causes des retards qu’accusent les projets d’approvisionnement en matière de défense, « car on change le personnel qui est chargé » de rédiger les exigences pour les biens à acheter.

Dans la réponse qu’elle a présentée par écrit au Comité, l’Union des employés de la Défense nationale (UEDN) – qui représente plus de 20 000 employés civils du MDN – a indiqué que selon les spécialistes de l’approvisionnement en matière de défense qui sont membres de l’UEDN, le « système de passation des marchés est défaillant[5] ». Ces membres ont attiré l’attention de l’UEDN sur les problèmes qui alourdissent le système d’approvisionnement en matière de défense, comme :

[L]e manque chronique de personnel, les problèmes éthiques liés à l’octroi de contrats, le gonflement incontrôlé des factures et les problèmes de contrôle de la qualité, l’érosion inutile de la capacité interne de la fonction publique d’assurer l’entretien des installations et les services de base, une pénurie de ressources, ainsi que les problèmes de mauvaise gestion et de charge de travail dans le secteur de l’approvisionnement à mesure que la capacité de surveillance du [MDN] ne peut plus s’adapter au taux accru de sous-traitance[6].

En outre, June Winger, présidente nationale de l’UEDN, a fait valoir que « [l]a sous‑traitance du travail de défense civile compromet le travail de nos membres et nuit grandement à la qualité des services que paient les contribuables canadiens », ajoutant ce qui suit : « Notre syndicat ne cesse de rappeler, notamment dans le rapport […] Uncover the Costs, que la sous-traitance des services de défense civile est moins efficiente et efficace que le travail effectué par les fonctionnaires. » Mme Winger a dit en plus qu’au MDN et dans les FAC, « [l]ampleur et la portée de la sous-traitance augmentent hors de proportion, sans justification, planification ni surveillance suffisantes ». Selon elle, « [le]s entrepreneurs ne sont pas tenus responsables de l’exactitude, de la qualité et de la rapidité de leur travail »; de plus, le MDN « continue de verser une prime aux entrepreneurs, et nous nous retrouvons avec des erreurs et des oublis dangereux et coûteux, du matériel défectueux qui traîne sans personne pour le réparer, et des milieux de travail dysfonctionnels ».

Manque de transparence et de reddition de comptes

Des témoins ont formulé des observations sur la transparence et la reddition de comptes des processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense. Alexander Jeglic, ombud de l’approvisionnement, a déclaré que le rapport Examen des pratiques d’approvisionnement du ministère de la Défense nationale publié en mai 2022 par son Bureau avait cerné plusieurs pratiques d’approvisionnement du MDN qui devaient être améliorées[7].

Attirant l’attention sur les principales conclusions de ce rapport, Alexander Jeglic a aussi fait observer qu’il y avait des incohérences dans certains processus d’évaluation des soumissions, y compris l’absence de lignes directrices et de résultats, et il a mentionné que certains contrats avaient été attribués indûment. Dans 10 cas, le Bureau de l’ombud de l’approvisionnement ne disposait pas « d’information suffisante pour déterminer si le contrat avait été dûment adjugé », ce que Troy Crosby, sous‑ministre adjoint (Matériels) du MDN, a confirmé. Alexander Jeglic a aussi rappelé que le MDN avait accepté les six recommandations formulées dans le rapport de mai 2022, qui visent à améliorer ses processus d’approvisionnement, et il a souligné que son Bureau entend tenir le MDN à l’œil pour déterminer s’il met en œuvre ses recommandations.

Par ailleurs, M. Jeglic a souligné que le Bureau de l’ombud de l’approvisionnement n’avait pas le pouvoir d’obliger les ministères fédéraux à produire des documents et que cela influait sur son examen des pratiques d’approvisionnement. À titre d’exemple, il a fait remarquer que, pour son examen des pratiques du MDN, le Bureau a reçu les documents qu’il a demandés au Ministère en retard, ce qui lui a nui. Il a aussi indiqué qu’à plusieurs reprises, le Bureau a dû présenter des demandes de suivi à plusieurs ministères fédéraux, y compris le MDN, pour obtenir des renseignements pertinents et exacts aux fins de ses examens.

Alexander Jeglic a souligné qu’un certain nombre de problèmes liés à la transparence et à la reddition de comptes touchaient le processus d’attribution des marchés d’approvisionnement en matière de défense du MDN. Selon lui, lors de l’examen des pratiques du MDN, l’accès du Bureau de l’ombud de l’approvisionnement à l’information dont il avait besoin sur les marchés attribués a posé « un problème important ». Il a aussi mentionné que l’« absence de […] matériel d’évaluation » pour certaines activités de passation de marchés avait empêché le MDN de « justifier la manière dont [il avait] pris les décisions liées à l’adjudication des contrats ». Plus précisément, M. Jeglic a déclaré que dans le cadre de l’examen fait par le Bureau des pratiques d’approvisionnement du MDN, le Bureau ne disposait pas, dans le cas de 10 contrats attribués par le MDN, « d’information suffisante pour déterminer si le contrat avait été dûment adjugé ».

En ce qui concerne la recherche universitaire sur les projets d’approvisionnement en matière de défense menés au Canada, Anessa Kimball a attiré l’attention sur le manque de données publiques et d’autres renseignements. Selon elle, pour les universitaires qui font de la recherche sur plusieurs de ces projets, la difficulté d’accès à des données financières et à d’autres données influe sur leur capacité à trouver des solutions de rechange.

M. Lagassé a souligné que le manque de transparence, en particulier à l’égard des budgets des projets d’approvisionnement en matière de défense, nuit à la surveillance de ces projets par les parlementaires canadiens. Il s’est dit d’avis qu’une partie du problème au Canada est liée à la « culture du secret » qui règne au sein du gouvernement fédéral, où peu d’informations sont communiquées à la population et où cette dernière ne comprend pas vraiment la raison d’être des politiques et des décisions, et n’a « aucune idée de la manière dont les budgets sont dépensés ». Selon lui, le manque de transparence dans les processus et les projets d’approvisionnement en matière de défense au Canada est « ce qui engendre la méfiance, […] ce qui crée des retards sur le long terme » et « de la controverse politique et, au bout du compte, [ce qui] entraîne des retards ». À titre d’exemple, il a laissé entendre qu’il y avait eu un manque de transparence dans les processus d’attribution de contrats à fournisseur unique et les processus concurrentiels visant l’acquisition d’une nouvelle flotte de chasseurs à réaction en remplacement des CF‑18 vieillissants de l’ARC, qui a entraîné des controverses politiques et des retards importants au cours des 15 dernières années. Alexander Jeglic a fait valoir qu’« un manque général de transparence [et de responsabilisation] » pourrait influer sur le niveau de confiance de la population dans le système d’approvisionnement en matière de défense.

Par ailleurs, M. Lagassé et Anessa Kimball ont soutenu qu’une trop grande surveillance des processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense pourrait avoir des répercussions sur les délais d’acquisition et de livraison de certains projets de défense. M. Lagassé a fait remarquer que le Canada a ajouté « un si grand nombre de contrôles au processus qu’il est impossible de procéder rapidement », Anessa Kimball affirmant qu’il y a un « compromis » à faire entre la surveillance et la rapidité avec laquelle on procède aux approvisionnements en matière de défense. De plus, M. Lagassé a souligné que « [c]haque fois qu’un scandale ou un problème émerge » au sujet d’un projet d’approvisionnement en matière de défense, la solution du Canada « consiste toujours à accroître la surveillance et les contrôles ».

De son côté, Éric Martel s’est attardé à l’acquisition prévue par le gouvernement fédéral de l’aéronef P‑8A Poseidon de Boeing en remplacement de la flotte d’aéronefs CP‑140 Aurora de l’Aviation royale canadienne (ARC) dans le cadre du Projet d’aéronef multimissions canadien (AMC), affirmant qu’« il n’y a aucune transparence » dans le processus d’approvisionnement en matière de défense[8]. Selon lui, bien que Bombardier Inc. Ait répondu à la demande d’information (DI) qu’a fait parvenir SPAC à l’industrie en février 2022 relativement à ce projet, le gouvernement fédéral n’y a « pas donné suite ».

Estimant que le processus d’approvisionnement du Projet d’AMC « comporte de graves lacunes et manque de transparence », Éric Martel a fait remarquer que le gouvernement fédéral a « apporté des changements fondamentaux aux conditions de cet approvisionnement sans en aviser officiellement les entreprises »; il a notamment abandonné le projet de lancer un appel d’offres, devancé le « délai de livraison final, qui serait non plus 2040, mais le début des années 2030 », et cessé « de faire des produits militaires disponibles sur le marché un critère obligatoire ». Selon lui, ces changements ont été apportés délibérément pour obtenir « un résultat biaisé prédéterminé en faveur de Boeing » et de son P-8A Poseidon.

En mars 2023, SPAC a annoncé qu’« [a]près avoir consulté [l’industrie] et les plus proches alliés du Canada, le gouvernement a déterminé que le P-8A Poseidon était le seul appareil actuellement offert qui répon[d] à toutes les exigences opérationnelles concernant l’AMC, plus précisément en ce qui concerne la guerre anti-sous-marine ainsi que le commandement, le contrôle, les communications, l’informatique, le renseignement, la surveillance et la reconnaissance (C4ISR)[9] ». Le Ministère faisait également savoir que le gouvernement du Canada avait « récemment présenté, par le biais du programme de vente de matériel militaire à l’étranger des États-Unis, une lettre de demande (LD) dans laquelle il énonce ses besoins et demande une offre » pour le possible achat d’« un maximum de 16 avions P‑8A Poseidon[10] ».

Éric Martel a soutenu que le P-8A Poseidon n’est pas le seul aéronef qui répond à toutes les exigences opérationnelles du Projet d’AMC, laissant entendre qu’une version militarisée des avions d’affaires à réaction de la famille Global 6500 de Bombardier Inc. y arriverait aussi. Éric Martel a également mentionné que les coûts d’acquisition et de cycle de vie de l’aéronef Global 6500 seraient beaucoup moins élevés que ceux de l’aéronef P‑8A Poseidon.

Fort d’un point de vue différent, Simon Page, sous-ministre adjoint, Approvisionnement maritime et de défense, SPAC, a fait remarquer qu’après la publication de la DI par SPAC en février 2022, le gouvernement fédéral a réalisé une analyse et déterminé que « le P‑8 Poseidon de Boeing était le seul aéronef qui répondait à tous les besoins opérationnels de haut niveau du Canada [qui étaient décrits] dans la demande de renseignements ».

Le 24 novembre 2023, le Comité a déposé un rapport à la Chambre des communes sur l’« [a]pprovisionnement public du remplacement du CP-140 Aurora ». Il s’y disait d’avis que le gouvernement devait procéder par l’intermédiaire d’une demande de propositions officielle avant d’accorder tout contrat d’achat du nouvel aéronef multimissions canadien. Or, le 30 novembre 2023, le gouvernement fédéral a annoncé la conclusion d’une entente de gouvernement à gouvernement avec les États-Unis pour faire l’acquisition d’un maximum de 16 avions P-8A Poseidon en remplacement de la flotte d’aéronefs CP‑140 Aurora de l’ARC[11].

Retards dans l’approvisionnement

Mettant l’accent sur les projets d’immobilisations, le lieutenant-général (à la retraite) Leslie a estimé que le processus d’approvisionnement pour ces projets est « défaillant et en état de crise ». En outre, il a fait valoir que sa complexité « étouffe la capacité de faire avancer les choses », contribuant ainsi aux retards et aux dépassements de coûts. De même, Yana Lukasheh a souligné que les « processus d’approvisionnement complexes et à multiples facettes » contribuent à retarder « la mise en œuvre d’opérations essentielles aux missions ». Par ailleurs, Anessa Kimball a affirmé que les obstacles bureaucratiques au sein des organismes fédéraux intervenant dans les processus d’approvisionnement en matière de défense contribuent à retarder la mise en place et la réalisation de certains projets de défense, ce qui a des répercussions sur les capacités et les besoins opérationnels des FAC.

De plus, dans le mémoire qu’elle a présenté au Comité, l’entreprise Seaspan Shipyards a indiqué qu’elle avait « établi un partenariat de plus en plus efficace » avec les organismes fédéraux qui participent à la mise en œuvre de la Stratégie nationale de construction navale, tout en maintenant qu’un certain nombre de problèmes limitent la capacité du gouvernement fédéral d’accorder des contrats d’approvisionnement en matière de défense en temps opportun. En particulier, elle déclare dans son mémoire que « [c]ompte tenu des nombreuses étapes du processus décisionnel fédéral et de l’approche progressive d’approbation des dépenses des projets, l’attribution des contrats individuels n’est pas toujours aussi opportune qu’elle devrait l’être ». Elle y souligne également que les retards dans l’attribution des contrats d’approvisionnement en matière de défense peuvent nuire à la capacité des entreprises canadiennes de défense à retenir les employés qualifiés, contribuer à des dépassements de coûts et à des retards, et entraîner des « inefficacités ».

Des témoins ont souligné les retards importants qu’accusent certains projets clés d’approvisionnement en matière de défense. Selon Richard Shimooka, agrégé supérieur de l’Institut Macdonald-Laurier, « notre système d’approvisionnement est fondamentalement défaillant », et « [l]es livraisons de capacités majeures peuvent maintenant se compter en décennies, alors que les années devraient être la norme ». À titre d’exemple, Richard Shimooka et Alan Williams ont attiré l’attention sur le processus visant à remplacer la flotte vieillissante de chasseurs à réaction CF-18 Hornet du Canada, qui a duré une décennie.

En 2008, le gouvernement fédéral a annoncé son intention de remplacer les CF‑18 – qu’il avait acquis dans les années 1980 – par 65 avions de chasse de cinquième génération[12]. En juillet 2010, il a annoncé que les F-35 Lightning II – également connus sous le nom d’avions de combat interarmées – remplaceraient les CF-18 et seraient acquis auprès de Lockheed Martin par l’intermédiaire d’un contrat à fournisseur unique[13]. Cette décision a attiré l’attention de la classe politique, des médias et du public, les commentateurs remettant en question la nécessité d’acquérir des chasseurs furtifs de cinquième génération pour le Canada et critiquant le choix des F‑35, le manque d’appels d’offres concurrentiels, les capacités de ces avions et, en particulier, le coût estimé de leur acquisition. Les rapports publiés par le Bureau du directeur parlementaire du budget et le Bureau du vérificateur général du Canada en mars 2011 et en avril 2012, respectivement, ont permis de cerner les problèmes relatifs au processus d’acquisition et au coût estimé de l’acquisition des F‑35[14].

Dans sa réponse au rapport du vérificateur général du Canada, publiée en avril 2012, le gouvernement fédéral a interrompu le processus d’acquisition des F‑35 et, en décembre 2012, il a établi un comité d’examen indépendant chargé d’évaluer les options de remplacement des CF‑18[15]. Le groupe s’est penché sur le F/A‑18 Super Hornet, le Rafale, le Typhoon et le F‑35, entre autres avions de chasse. Il a publié son rapport final en décembre 2014[16]. Aucune décision concernant le remplacement des CF-18 n’a été prise avant l’élection générale fédérale d’octobre 2015.

En novembre 2015, le gouvernement fédéral a annoncé son intention de lancer un « appel d’offres ouvert et transparent pour le remplacement du chasseur CF-18[17] ». En décembre 2017, il a lancé un appel d’offres pour faire l’acquisition de 88 chasseurs à réaction de pointe dans le cadre du Projet de capacité des futurs chasseurs[18]. Le même mois, il a aussi annoncé qu’il allait acquérir 18 F/A‑18 Hornet d’occasion de l’Australie pour compléter la flotte de CF‑18, afin de combler l’écart de capacité en attendant la livraison d’un avion de chasse à réaction de remplacement permanent. Les avions australiens ont été transférés au Canada entre février 2019 et avril 2021[19].

À la suite de l’appel d’offres, le 28 mars 2022, le gouvernement fédéral a annoncé sa décision d’acquérir 88 F‑35 pour remplacer les CF‑18[20]. Le 9 janvier 2023, un accord a été conclu avec le gouvernement des États-Unis, Lockheed Martin et Pratt & Whitney pour l’acquisition de F‑35 pour l’ARC[21]. Le MDN s’attend à ce que le premier aéronef soit livré en 2026; les 88 aéronefs devraient être livrés et en service d’ici 2032-2034[22].

Alan Williams a souligné que le processus de remplacement des CF‑18 « dure » depuis plus de 13 ans. Comme il l’a expliqué :

En ce qui concerne les avions à réaction, en 2010, le gouvernement conservateur a tenté de les attribuer à un fournisseur unique sans aucune autorisation légale, et il a passé des années à induire la population canadienne en erreur quant aux raisons pour lesquelles il voulait le faire. Le gouvernement libéral, après avoir promis de ne pas acheter les F‑35, a dilué la politique des retombées industrielles et techniques pour permettre à Lockheed Martin de participer au processus, a déclaré la soumission de Boeing non conforme et, plus tôt cette année [janvier 2023], 12 ans et demi après le début de ce programme, il a attribué le contrat à Lockheed Martin.

Lorsque le premier F‑35 sera livré à l’ARC, le projet de remplacement du CF‑18 aura duré environ 18 ans (de 2008 à 2026); en comparaison, le premier CF‑18 a été livré dans un délai de cinq ans (de 1977 à 1982)[23].

Pour montrer un autre exemple des retards importants qu’accusent certains projets d’approvisionnement en matière de défense, Richard Shimooka a fait état du projet de Système d’aéronefs télépilotés – auparavant connu sous le nom de projet de Système interarmées d’acquisition d’objectif au moyen de véhicules aériens télépilotés de surveillance –, qui vise à faire l’acquisition d’une capacité de drone armé et de moyenne altitude pour l’ARC[24]. Il a fait observer que le projet « est sur le point d’entrer dans sa 17e année d’existence sans avoir offert de plateforme » et a mentionné que de nombreux alliés du Canada – comme la France, l’Allemagne et le Royaume‑Uni – « ont mis en service des systèmes équivalents en moins de quatre ans ». Il a également souligné que le projet a « commencé à l’aube de la guerre en Afghanistan » et qu’il a été différé pendant 17 ans en raison de l’évolution des « besoins » au chapitre des exigences, des coûts et de multiples autres facteurs. Selon lui, le projet de Système d’aéronefs télépilotés est une « une bonne étude de cas » pour illustrer les nombreux problèmes qui entraînent des retards dans les projets d’approvisionnement en matière de défense.

Selon Richard Shimooka, le Projet de capacité des futurs chasseurs et le projet de Système d’aéronefs télépilotés sont la preuve que le « système d’approvisionnement est fondamentalement défaillant [et] s’éloigne fondamentalement de l’objectif de livrer des biens de défense essentiels à nos soldats ». Il a affirmé que, depuis 40 ans, ce système « est devenu progressivement plus lent et moins en mesure de répondre à nos besoins en matière de défense nationale, et ce, pour plusieurs raisons », comme « la hausse des objectifs non liés à la défense dans le cadre de l’approvisionnement, notamment pour offrir des avantages économiques et sociaux à la société canadienne grâce à certains achats », ce qui a retardé les projets. De même, M. Shimooka a déclaré que les « lacunes perçues » dans les processus d’approvisionnement en matière de défense au fil du temps « ont donné lieu à des réformes inconsidérées » qui ont ajouté « des étapes inutiles, diluant la responsabilité individuelle et augmentant les coûts et les retards dans les programmes ».

Dépassements de coûts

Des témoins ont attiré l’attention sur l’escalade des coûts de certains grands projets d’approvisionnement en matière de défense en raison de retards et d’autres problèmes. Alan Williams s’est dit préoccupé par l’augmentation des coûts du Projet de capacité des futurs chasseurs au cours de la dernière décennie. Il a laissé entendre que les coûts d’acquisition des nouveaux chasseurs remplaçant les CF‑18 de l’ARC « sont passés d’une estimation initiale de 9 milliards de dollars pour l’acquisition et de 18 milliards de dollars pour l’entretien des avions à réaction à une prévision actuelle de 19 milliards de dollars pour l’achat des appareils et de plus de 70 milliards de dollars pour leur entretien ».

Alan Williams a également souligné la hausse du coût du projet de navire de combat de surface canadien, qui est le projet de défense en cours le plus coûteux du MDN. Le projet permettra le remplacement des destroyers et des frégates de la Marine royale canadienne par 15 nouveaux navires de guerre qui seront construits par Irving Shipbuilding à Halifax, en Nouvelle-Écosse. La construction du premier navire devrait commencer en 2024, et celui‑ci devrait être livré au début des années 2030[25]. M. Williams a affirmé qu’au cours de la dernière décennie, « [l]es coûts d’immobilisations des NCC sont passés d’environ 26 milliards de dollars à 85 milliards de dollars, et le coût du cycle de vie est maintenant estimé à plus de 300 milliards de dollars ».

Yves Giroux a également attiré l’attention sur la hausse des coûts des projets d’approvisionnement du Canada en matière de défense, soulignant que selon les rapports de son Bureau, l’escalade des coûts et l’accumulation des retards ont des répercussions opérationnelles sur plusieurs projets de la Stratégie nationale de construction navale, y compris les projets de navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique, de navires de combat de surface canadiens, de navires de soutien interarmées et de brise-glace polaire[26].

Par exemple, M. Giroux, dans un rapport publié en 2022 sur le projet des navires de combat canadiens, affirme que les coûts de développement et d’acquisition du projet devraient atteindre près de 85 milliards de dollars[27]. Or, le MDN et SPAC continuent de fournir une « estimation actuelle des coûts […] entre 56 et 60 milliards de dollars », tout en admettant que les coûts exacts seront déterminés à une date ultérieure[28]. Selon le directeur parlementaire du budget, le coût total du cycle de vie des navires de combat de surface canadiens est évalué à 306,0 milliards de dollars sur une période de 65 ans[29]. Il y a environ dix ans, le prédécesseur de SPAC, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, prévoyait un coût total du cycle de vie d’environ 90,2 milliards de dollars[30].

Options pour améliorer les processus d’approvisionnement en matière de défense

Des témoins ont souligné qu’il était nécessaire de réformer les processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense et d’accélérer la livraison de nouveaux systèmes d’armes et d’autres équipements militaires aux FAC. Selon eux, les processus sont trop compliqués, trop politisés, trop bureaucratiques et trop lents, ce qui empêche les FAC d’avoir accès aux technologies et aux outils de pointe dont elles ont besoin de toute urgence pour faire face aux menaces en constante évolution, maintenir un niveau élevé de préparation opérationnelle et continuer de s’adapter à un contexte de sécurité internationale en évolution rapide.

Cernant plusieurs des problèmes qui accablent les processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense, les témoins ont proposé des solutions : faire de l’approvisionnement en matière de défense une priorité nationale; créer un sentiment d’urgence dans le système d’approvisionnement en matière de défense; améliorer la collecte de données, l’analyse et les mesures de rendement de l’approvisionnement en matière de défense; centraliser les approvisionnements en matière de défense; augmenter les budgets d’approvisionnement en matière de défense; accélérer le rythme des approvisionnements en matière de défense; simplifier les processus d’approvisionnement en matière de défense; apprendre des enseignements tirés par les alliés relativement à l’approvisionnement en matière de défense; dépolitiser les approvisionnements en matière de défense et réduire l’aversion au risque; investir dans les effectifs spécialisés dans l’approvisionnement en matière de défense; et améliorer la transparence et la surveillance.

Faire de l’approvisionnement en matière de défense une priorité nationale

Pour résoudre les problèmes liés au système canadien d’approvisionnement en matière de défense, la plupart des témoins ont convenu que le système devait être revu et réformé. Certains ont indiqué qu’une telle réforme ne se fera pas facilement ni rapidement et qu’il faudra faire preuve de patience. M. Perry a déclaré qu’« il faudra beaucoup de temps pour apporter les changements radicaux nécessaires à nos systèmes d’approvisionnement [en matière de défense] ». Abondant dans le même sens, Christyn Cianfarani a affirmé qu’il n’y avait pas de « solution miracle » pour réformer l’approvisionnement en matière de défense au Canada et a dit ne pas croire « que des propositions apparemment simples et élégantes permettront de réformer l’une des fonctions les plus difficiles et les plus complexes de l’administration publique ». Selon elle, « [p]our que l’on puisse en arriver à une véritable réforme, [les divers ministères fédéraux responsables de l’approvisionnement en matière de défense, en collaboration avec l’industrie canadienne de la défense,] devront accomplir un travail laborieux et minutieux, procéder par étapes et collaborer ».

De l’avis des témoins, malgré les problèmes, il faut réformer les processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense afin que les FAC puissent acquérir les systèmes d’armes et autres équipements militaires dont elles ont besoin de manière rentable et en temps opportun, et ainsi éviter toute lacune future sur le plan des capacités. Des témoins ont proposé, à titre de première étape pour réformer le système d’approvisionnement en matière de défense, que le gouvernement fédéral en fasse une priorité nationale. M. Perry a affirmé qu’« il serait avantageux d’établir des priorités beaucoup plus importantes pour veiller à ce que les ressources très limitées et insuffisantes dont nous disposons actuellement puissent être concentrées sur les projets les plus prioritaires ». De même, Richard Fadden a laissé entendre que l’approvisionnement en matière de défense au Canada ne s’améliorera pas de façon importante tant que le gouvernement, le Parlement et la population canadienne n’accepteront pas de faire de la défense et de l’approvisionnement connexe des priorités nationales. Il a déclaré qu’on peut « parler d’approvisionnement en matière de défense jusqu’à en perdre la voix », mais il sera difficile de « vraiment réformer ce processus » tant qu’on n’accordera pas la priorité aux politiques de défense nationale.

Tout en faisant valoir que la complexité, l’aversion au risque, les obstacles bureaucratiques, les retards et les autres problèmes qui entravent les processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense « sont le reflet d’un manque de priorités à l’échelle nationale », Christyn Cianfarani a soutenu que ce manque de priorités « porte atteinte aux capacités, à l’efficacité et à la préparation des Forces armées canadiennes ». Selon elle, « [l]e moral et l’image publique des forces en souffrent ».

Mme Cianfarani a en outre soutenu que la priorisation de l’approvisionnement en matière de défense doit commencer tout en haut, le leadership du premier ministre du Canada étant impératif si l’on veut changer les choses. Selon elle, l’approvisionnement en matière de défense devrait être considéré comme « un instrument de politique étrangère, de politique industrielle et de sécurité nationale », et le premier ministre « doit faire de la réforme de l’approvisionnement en défense une priorité et demander aux ministres de rendre compte des améliorations ». Elle a mentionné que les lettres de mandat remises aux ministres devraient donner la priorité à cette réforme et que celles destinées aux ministres du MDN, de SPAC et d’ISDE devraient être sans équivoque quant à la nécessité d’« aller plus loin » et de prévoir une « réforme significative des processus d’approvisionnement afin de réduire le nombre d’étapes et le temps qu’il faut pour passer de la conception à l’acquisition ».

Créer un sentiment d’urgence dans le système d’approvisionnement en matière de défense

Des témoins ont souligné la nécessité de créer un sentiment d’urgence à l’égard de la réforme des processus d’approvisionnement en matière de défense. M. Perry a fait observer « qu’il n’y a aucun sentiment d’urgence détectable dans notre système d’approvisionnement, ce qui pose problème pour au moins deux raisons » : tout d’abord, dans « le contexte actuel des taux d’intérêt et d’inflation », les répercussions financières des retards dans l’approvisionnement sont désormais « beaucoup plus importantes qu’elles ne l’étaient » au cours des dernières années et entraînent une « perte de pouvoir d’achat »; ensuite, « l’environnement stratégique » s’est radicalement et rapidement détérioré ces dernières années à cause de l’apparition de nouvelles menaces dans le monde et de la prise de mesures brutales par les régimes autoritaires, agressifs et révisionnistes en place en Russie et dans la République populaire de Chine (RPC)[31]. Selon M. Perry, « [c]e qui ressemble en grande partie à un statu quo ne suffit tout simplement pas à équiper le Canada pour le retour de la concurrence entre grandes puissances [et] n’est tout simplement pas acceptable dans le contexte actuel ».

Des témoins ont attiré l’attention sur la détérioration rapide de la sécurité dans le monde au cours des dernières années et expliqué que cette détérioration était la principale raison pour laquelle il fallait créer un sentiment d’urgence dans le système canadien d’approvisionnement en matière de défense. Christyn Cianfarani a insisté sur la mesure dans laquelle le « monde a changé » depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, invasion qui a entraîné une intensification des tensions entre l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et la Russie. Selon elle, le « statu quo » dans l’approvisionnement en matière de défense et la lenteur des processus qui y sont associés constituent « désormais un risque réel pour la sécurité nationale du Canada et celle de nos alliés de l’OTAN », et rendent nécessaire l’adaptation des processus pour répondre à l’urgence de la situation actuelle en matière de sécurité internationale. De son côté, Richard Foster a souligné que « [l]e Canada a l’un des processus d’approvisionnement les plus complexes, qui coûte cher en temps et en argent ». Selon lui, « un approvisionnement plus rapide et plus efficace » est nécessaire pour s’assurer que les FAC demeurent prêtes et pertinentes sur le plan opérationnel dans le contexte géopolitique actuel.

Par ailleurs, Karen Hogan, vérificatrice générale du Canada, s’est demandé s’« il existe un sentiment d’urgence » au Canada pour fournir aux FAC les systèmes d’armes et l’équipement militaire dont elles ont besoin et si le Canada « comprend bien l’urgence d’équiper les [FAC] » dans le contexte actuel de la sécurité internationale. Elle s’est aussi demandé « pourquoi le Canada n’est pas plus proactif » et n’anticipe pas les exigences futures de l’approvisionnement en matière de défense. Selon elle, le Canada « doit avoir un sens de l’urgence » en ce qui concerne l’approvisionnement en matière de défense, et un tel sentiment d’urgence commence d’abord par un « consensus à l’égard des besoins des [FAC] », puis par l’achat du « nécessaire » et la planification des « besoins pour l’ensemble du cycle de vie des biens acquis » dans le cadre de chaque projet.

Améliorer la collecte de données, l’analyse et les mesures de rendement de l’approvisionnement en matière de défense

Pour certains témoins, avant d’entreprendre toute réforme du système d’approvisionnement en matière de défense, il faut améliorer la collecte de données, l’analyse et les mesures de rendement afin de mieux comprendre le fonctionnement du système et de déterminer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

M. Perry a laissé entendre que pour apporter « des changements spectaculaires et significatifs » aux processus, on a besoin « de bien meilleures données » sur les processus en question et sur « tous les types de projets [d’approvisionnement en matière de défense] », expliquant que ces données sont nécessaires pour savoir « où sont les pires problèmes, et chercher des exemples de pratiques exemplaires qui pourraient être reproduites et appliquées ailleurs ». Il a déclaré ce qui suit :

[N]ous n’avons pas vraiment d’idée de ce qui a fonctionné dans le passé et de l’incidence des efforts antérieurs. Toutes sortes de changements ont été apportés [à l’approvisionnement en matière de défense] au cours de la dernière décennie seulement. […] Toutefois […] je ne sais pas que quelqu’un a déjà recueilli des données pour voir si ces changements ont eu un impact, bon, mauvais ou autre.

Abondant dans le même sens que M. Perry, Christyn Cianfarani a fait valoir que le gouvernement fédéral devrait commencer un travail laborieux pour réformer les processus d’approvisionnement en matière de défense et éliminer les goulots d’étranglement; pour ce faire, il devrait d’abord analyser « le processus d’approvisionnement ». Au sujet des données, Mme Cianfarani a rappelé qu’« il n’y a pratiquement pas de données objectives sur le rendement du processus, ou du moins, pas de telles données connues du public » et a soutenu que l’absence de description détaillée du système d’approvisionnement « signifie que nous ne pouvons pas savoir où se situent les obstacles, les incohérences ou peut-être les chevauchements pour déterminer comment nous pourrions modifier le processus ». Selon elle, « si l’on veut accomplir la dure tâche qui consiste à éliminer les étapes qui rendent l’ensemble du processus extrêmement compliqué », il faut « connaître » les centaines d’étapes que suivent le MDN, SPAC et ISDE lorsqu’ils travaillent sur des projets d’approvisionnement en matière de défense.

Dans un document présenté au Comité, l’AICDS propose que l’on détermine, après avoir décrit de manière détaillée « l’ensemble du système d’approvisionnement », les « données et mesures objectives qui fournissent de l’information sur le rendement du système et qui en révèle les possibles goulots d’étranglement », et qu’ensuite, on s’emploie « à isoler et à supprimer les éléments redondants ou en double par l’intermédiaire d’un effort systématique soutenu déployé par tous les ministères concernés, y compris les organismes centraux ». L’AICDS a également appuyé la participation de l’industrie canadienne de la défense à la simplification des efforts parce que les entreprises de cette industrie « interagissent quotidiennement avec des parties du système[32] ».

June Winger s’est dite inquiète de la décision du MDN d’accorder des contrats à Deloitte et à d’autres sociétés de conseils du secteur privé « pour obtenir des recommandations sur la façon dont le [M]inistère devrait fournir ses services », notamment ceux de l’approvisionnement en matière de défense. Dans la réponse qu’elle a présentée par écrit au Comité, l’UEDN soutient qu’en 2021, les Opérations des biens immobiliers du MDN, qui « sont responsables de la gestion des installations des bases militaires du Canada » et qui relèvent du sous-ministre adjoint (Infrastructure et environnement), ont embauché Deloitte « pour évaluer [l]a gestion des installations au niveau national et pour formuler au [MDN] des recommandations sur la manière de moderniser [l]es opérations [de gestion de ces installations][33] ». Mme Winger a rappelé qu’« à la suite d’une recommandation formulée par Deloitte dans le rapport de novembre 2022 adressé [au MDN] selon laquelle il faudrait produire et analyser davantage de données », le Ministère « est en train d’accorder un autre contrat à Deloitte pour lui confier ce travail de collecte ».

Centraliser les approvisionnements en matière de défense

Des témoins ont souligné la nécessité d’accroître la responsabilité des ministres à l’égard des approvisionnements en matière de défense et ont fait valoir que le Canada devrait centraliser ces approvisionnements dans un seul ministère ou organisme fédéral. Selon Alan Williams, l’une des « principales lacunes du processus actuel » est « l’absence de responsabilité ministérielle ». Le lieutenant-général (à la retraite) Thibault a acquiescé et fait observer que « l’approvisionnement est complexe à dessein et personne n’en est responsable, et il convient de régler ce problème ».

Au Canada, plusieurs ministères et organismes fédéraux sont responsables de l’approvisionnement en matière de défense, notamment le MDN, SPAC, ISDE et le Secrétariat du Conseil du Trésor. Cette approche décentralisée et pluriministérielle, qui existe depuis 1969, est unique au pays. Auparavant, l’approvisionnement était centralisé dans un seul ministère fédéral, et un seul ministre en était responsable : le ministère des Munitions et des Approvisionnements de 1940 à 1945 et le ministère de la Production de défense de 1951 à 1969[34]. Dans d’autres pays, les approvisionnements en matière de défense relèvent des services armés, du ministère de la Défense, d’organisations de défense centralisées, d’organisations gouvernementales distinctes ou d’entreprises civiles indépendantes. Ces dernières années, une tendance s’est dessinée partout dans le monde, soit celle de centraliser les processus d’approvisionnement en matière de défense au sein d’une organisation unique et indépendante qui s’y consacre exclusivement[35]. Le débat sur la centralisation de l’approvisionnement en matière de défense dans un seul organisme fédéral a cours depuis 20 ans au Canada[36].

Alan Williams a souligné que, parmi ses alliés, « le Canada est le seul pays doté d’un système de reddition de comptes dispersé » et que « [l]es rôles et les responsabilités au chapitre de l’approvisionnement en matière de défense sont partagés entre les ministres de la Défense nationale et de Services publics et Approvisionnement Canada ». Selon lui, « [à] moins qu’un ministre ne soit chargé exclusivement de l’approvisionnement en matière de défense, celui‑ci ne sera jamais aussi efficient et efficace qu’il pourrait ou devrait l’être », et les avantages de la centralisation de l’approvisionnement en matière de défense dans une seule organisation « vont au‑delà du renforcement de la responsabilisation ». Il a expliqué ces avantages en déclarant ce qui suit :

Premièrement, le processus serait simplifié. Deuxièmement, des économies découleront de l’élimination des frais généraux et du dédoublement des fonctions. […] Troisièmement, sans un ministre responsable de l’approvisionnement en matière de défense, il est difficile, voire impossible, de mettre en place des mesures de rendement à l’échelle du système. […] L’approvisionnement en matière de défense est une entreprise. Commençons par l’administrer comme tel, avec un ministre responsable des résultats, une divulgation complète des coûts du cycle de vie, des plans et des rapports appropriés qui mesurent le rendement, et une surveillance rigoureuse et opportune.

M. Williams a rappelé qu’en décembre 2019, le gouvernement fédéral a annoncé son intention de créer Approvisionnement de défense Canada, un organisme d’approvisionnement centralisé. Le premier ministre Justin Trudeau a chargé les ministres du MDN et de SPAC de collaborer à « l’élaboration d’options et d’analyses par rapport à la création » de cette entité[37]. En juin 2020, le MDN a indiqué que les échéanciers pour la création d’Approvisionnement de défense Canada avaient été « déplacés en raison de la pandémie de COVID‑19 et de son incidence sur les opérations gouvernementales, mais [qu’ils seraient] révisés une fois que la situation sera[it] stabilisée[38] ». Les lettres remises à ces ministres en décembre 2021 ne font pas état de la possible création d’Approvisionnement de défense Canada[39].

Tout en donnant à entendre que le gouvernement fédéral devrait revoir la possibilité de centraliser les approvisionnements en matière de défense dans un seul organisme fédéral, Alan Williams a fait observer ce qui suit :

Le chevauchement et le double emploi entre [le MDN et SPAC] sont importants. Nous parlons ici de dizaines de millions de dollars et de personnes dont le travail est entravé parce que leurs tâches se chevauchent et font double emploi. […] Je n’ai aucune idée pourquoi on ne […] fait pas [la centralisation]. Il n’y a aucune raison de ne pas le faire, sauf si cela [indiffère les gens].

M. Williams a déclaré qu’une telle centralisation était un objectif personnel depuis plus de 20 ans, qui l’a conduit à rédiger un livre en 2006. Toujours selon lui, l’AICDS a également proposé cette centralisation en 2009[40].

Dans le même ordre d’idée, Yves Giroux a affirmé que plutôt qu’il y ait « au moins deuxministres dans deux ministères qui participent aux grands processus d’approvisionnement », « [l]e fait qu’un seul ministre et un seul haut fonctionnaire soient responsables contribuerait certainement à accélérer le processus d’approvisionnement et à le rendre plus efficace ». Selon lui, « la création d’une agence particulière » – l’« idéal » – pourrait « résoudre certains problèmes à condition que l’approvisionnement en matière de défense soit du ressort exclusif de cette agence », car « un point de contact unique » et un « un point de responsabilité unique » permettraient de simplifier les processus et de réduire les doubles emplois.

Toutefois, certains témoins ont soutenu qu’il n’est pas nécessaire de centraliser les approvisionnements en matière de défense dans un nouvel organisme fédéral parce que le système actuel fonctionne toujours et doit simplement être amélioré au moyen de réformes. Richard Fadden et le lieutenant-général (à la retraite) Leslie ont souligné la mesure dans laquelle les processus d’approvisionnement en matière de défense ont été accélérés pour acquérir d’importants équipements militaires pour les FAC en situation d’urgence, comme après les attentats terroristes du 11 septembre 2001 et pendant la guerre en Afghanistan.

Cela dit, selon Richard Fadden, afin que l’approvisionnement en matière de défense se fasse rapidement et aujourd’hui et qu’il soit « trait[é] sérieusement », le gouvernement fédéral, les fonctionnaires et la population canadienne doivent être convaincus que la guerre en Ukraine et la détérioration continue du contexte de sécurité internationale sont suffisamment graves pour que les investissements dans ce domaine deviennent une priorité. Toujours selon lui, les Canadiens ne sont pas « convaincus collectivement » que la sécurité de leur pays est menacée et que le Canada doit se réarmer rapidement et allouer des milliards de dollars pour acquérir des systèmes d’armes de pointe coûteux et d’autres équipements militaires pour les FAC.

Pour certains témoins, la création d’une nouvelle agence d’approvisionnement de défense pourrait conduire à une période d’ajustement et d’incertitude, ce qui pourrait causer des retards et d’autres problèmes à un moment où le contexte de sécurité internationale se détériore rapidement et où il est urgent de réarmer et de reconstruire les FAC. Selon M. Lagassé, la création d’une telle agence ne se traduirait pas par des processus d’approvisionnement en matière de défense plus rapides et plus efficaces, serait trop risquée à l’heure actuelle et « serait sans doute catastrophique » au moment où on renouvelle les actifs des FAC.

De même, Richard Fadden s’est opposé à l’idée de centraliser les approvisionnements en matière de défense dans un nouvel organisme fédéral, affirmant que selon les modèles mis en place dans d’autres pays, « il est clair qu’il n’y a pas de modèle parfait » et ajoutant que tous les modèles doivent « tenir compte du contexte politique, juridique et culturel ». Il a décrit la création d’un nouvel organisme d’approvisionnement de défense comme étant risquée et a soutenu qu’elle ne résoudrait pas nécessairement les problèmes systémiques et les processus inefficaces qui touchent actuellement le système canadien. Selon lui, l’approvisionnement en matière de défense doit rester « un exercice pangouvernemental », et le changement le plus important qu’il faut faire est « un changement de culture ».

Certains témoins ont soutenu qu’à l’heure actuelle, l’approvisionnement en matière de défense a besoin de l’orientation et du soutien du premier ministre, et non d’un nouvel organisme fédéral. Richard Fadden a laissé entendre que, pour que les importantes réformes de l’approvisionnement en matière de défense soient efficaces et réussies, « il nous faut un premier ministre intéressé qui dit qu’il faut que cela se fasse » et « une approche pangouvernementale, en commençant à son échelon ».

Selon un certain nombre de témoins, un secrétariat distinct devrait être créé au sein du Bureau du Conseil privé (BCP) pour gérer les approvisionnements en matière de défense. Yves Giroux a déclaré que, « chaque fois qu’un groupe ou qu’un groupe de travail […] relève du Bureau du Conseil privé — le ministère du premier ministre —, cela tend à attirer l’attention des membres de la fonction publique et à leur signaler qu’un certain enjeu est très important pour le premier ministre », ce qui « permet de faire avancer les choses le plus rapidement et le plus efficacement possible ». Selon lui, « le fait de créer un groupe de coordination ou un secrétariat responsable au sein du Bureau du Conseil privé » enverrait un message fort « à l’ensemble de la bureaucratie » que l’approvisionnement en matière de défense est « très important ».

M. Perry a appuyé l’établissement d’une sorte de structure d’approvisionnement de la défense au sein du BCP et a affirmé que « pour essayer de régler les problèmes systémiques dans la bureaucratie gouvernementale, l’adoption d’un mécanisme centralisé et piloté par le BCP a constitué une approche efficace dans le passé » et « permettrait d’essayer de cerner les problèmes à l’échelle du gouvernement, de mieux les coordonner et de les harmoniser avec les priorités du gouvernement ». Il a toutefois déclaré que, pour que cette approche apporte des changements efficaces, les approvisionnements en matière de défense doivent revêtir de l’importance pour le premier ministre afin que des « directives [soient] données aux fonctionnaires qui relèvent de lui et du Bureau du Conseil privé ».

Abondant dans le même sens, le lieutenant-général (à la retraite) Leslie a fait remarquer que le système d’approvisionnement en matière de défense a répondu « superbement bien » pendant la guerre en Afghanistan parce que les premiers ministres du Canada d’alors en ont fait une priorité et qu’il était impératif « que les choses avancent rapidement parce que des vies [étaient] en jeu ». Selon lui, les premiers ministres ont demandé aux FAC, dans le cadre de 20 à 30 grands projets d’approvisionnement, des listes d’équipements de défense et ont ensuite demandé à la bureaucratie de leur fournir régulièrement des mises à jour à leur sujet, ce qui a « stimul[é] le système en place ». Toujours selon lui, l’expérience de l’approvisionnement pendant la guerre en Afghanistan est la preuve que le système actuel « peut fonctionner » lorsque le premier ministre s’en occupe directement.

Augmenter les budgets de l’approvisionnement en matière de défense

Des témoins ont souligné la nécessité d’augmenter les dépenses dans la défense nationale et les approvisionnements en matière de défense, tout en attirant l’attention sur les actions belliqueuses de la Russie, de la République populaire de Chine (RPC) et d’autres États autoritaires et révisionnistes qui provoquent des guerres et de l’instabilité dans le monde, qui conduisent à une détérioration rapide du contexte de sécurité internationale et qui incitent les pays du monde entier à se réarmer et à effectuer des investissements substantiels dans leurs forces armées et leurs capacités de défense. Christyn Cianfarani a souligné que l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 « a bouleversé l’équilibre et l’architecture de sécurité de longue date » et a affirmé qu’« [a]ucun gouvernement des pays membres de l’OTAN, aucune armée ou entreprise de défense, n’était préparé […] à la guerre terrestre conventionnelle acharnée qui a suivi » ni à la fourniture rapide à l’Ukraine de « munitions et [de] technologies de défense […] dans des quantités qui n’avaient jamais été prévues ou planifiées depuis la Seconde Guerre mondiale ».

Rappelant qu’au Sommet de Vilnius organisé en juillet 2023, les pays de l’OTAN ont réaffirmé leur engagement de 2014 qui consistait à dépenser chaque année au moins 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) dans la défense et à consacrer au moins 20 % de leurs budgets annuels de défense aux biens d’équipement, y compris la recherche et le développement connexes, Christyn Cianfarani a indiqué que « [l]e Canada n’a pas réussi à atteindre ces deux objectifs depuis leur lancement en 2014 et n’a jamais établi de plan pour y parvenir[41] ». Selon elle, « le premier ministre a exprimé très clairement à nos alliés de l’OTAN que le Canada n’a pas l’intention de respecter les obligations auxquelles il a souscrit », ce qui nuit à la réputation du pays au sein de l’OTAN[42].

Certains témoins ont soutenu que le Canada devrait consacrer au moins 2 % de son PIB à la défense. Yves Giroux a déclaré que, même si la part du PIB du Canada consacrée aux dépenses de défense « a augmenté » ces dernières années, elle « n’attein[t] toujours pas l’objectif de 2 % » et « se tradui[t] par un manque à gagner de 13 à 18 milliards de dollars ».

M. Lagassé a déclaré qu’« il y a un décalage entre notre politique de défense et le financement de la défense », et que « [l]es gouvernements, qu’ils soient libéraux ou conservateurs, veulent que le Canada joue un rôle important sur la scène internationale, d’où l’adoption de politiques ambitieuses, mais ils ne sont pas disposés à dépenser à la hauteur de leurs ambitions ». Selon lui, les objectifs que les gouvernements fédéraux se sont fixés en matière de politique de défense au cours des 20 dernières années « sont considérables » et « nécessiteraient un niveau de dépenses supérieur à 2 % du PIB ». M. Lagassé a laissé entendre que parce que les dépenses du Canada en matière de défense « tendent à se rapprocher de 1,5 % du PIB », « [i]l en résulte un déficit structurel dans le développement de nos capacités » et la nécessité de mieux harmoniser la politique du Canada en matière de défense au financement connexe.

De même, selon Alan Williams, « [i]l est clair qu’il n’y a pas de budget pour faire ce que le gouvernement dit qu’il faut faire ». M. Williams a fourni des exemples de la hausse des coûts dans le cadre du Projet de capacité des futurs chasseurs et du projet des navires de combat canadiens au cours des 10 dernières années, mentionnant que les coûts d’immobilisations estimés combinés pour l’acquisition de 88 nouveaux chasseurs et de 15 nouveaux navires de guerre ont dépassé « 100 milliards de dollars sur une période de 10 ans » et, « [à] moins qu’il n’y ait une injection de nouveaux fonds, ces deux programmes à eux seuls entraîneront un manque à gagner annuel de 5 milliards de dollars en capital ».

Toutefois, des témoins ont fait valoir que l’engagement pris par les pays membres de l’OTAN de consacrer au moins 2 % de leur PIB à la défense n’est pas une mesure exacte. Selon Cesar Jaramillo, directeur exécutif du Projet Ploughshares, « des idées fausses circulent au sujet des objectifs de l’OTAN en matière de dépenses militaires fondées sur le PIB ». Il a expliqué que :

[S]ans nier la nécessité de corriger les lacunes structurelles des processus d’approvisionnement [i]l faut souligner que les perceptions selon lesquelles le Canada ne dépenserait pas suffisamment en défense sont trompeuses et méritent un examen plus approfondi. En effet, elles reposent souvent sur la mesure arbitraire des dépenses militaires en tant que pourcentage du PIB. Cela vaut pour les dépenses de défense du Canada prises isolément et comparativement à celles de ses alliés de l’OTAN. Même avant le conflit en Ukraine, les dépenses de défense du Canada s’élevaient à plus de 26 milliards de dollars américains en 2021, ce qui en fait le sixième contributeur en importance parmi les membres de l’OTAN. [L]e Canada faisait partie des 20 % des pays de l’OTAN qui consacrent le plus d’argent au domaine militaire. À l’échelle mondiale, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, le Canada s’est classé au 14e rang mondial au chapitre des dépenses militaires l’an dernier, de sorte qu’il fait assurément partie de la tranche supérieure de 10 % à ce chapitre.

Des témoins ont préconisé l’adoption d’un nouveau modèle d’établissement des coûts pour les projets d’approvisionnement en matière de défense. M. Lagassé a déclaré que l’évaluation des coûts des projets d’approvisionnement en matière de défense au Canada « est faussée par un optimisme omniprésent » et que les projets d’équipements sont évalués « trop tôt dans le processus d’acquisition, soit avant que les besoins n’aient été définis avec précision ». Selon lui, « [l]orsque les besoins sont définis et que des dispositions sont prises avec l’industrie, on constate trop souvent que les projets ne disposent pas d’un financement suffisant, ce qui peut entraîner des retards ou des compromis sur la quantité ou la qualité des capacités qui sont finalement acquises ». M. Lagassé s’est dit pour l’adoption « d’une méthode de calcul des coûts plus solide » et a exhorté le gouvernement fédéral à « accepter le fait que les coûts de certaines capacités ne peuvent être connus à l’avance et qu’ils ne peuvent être déterminés de manière réaliste qu’une fois l’analyse des options terminée ».

Par ailleurs, des témoins ont souligné qu’il était nécessaire d’améliorer la planification pour éviter des retards coûteux et l’inutilisation de fonds dans le cadre des projets d’approvisionnement en matière de défense[43]. Christopher Penney, conseiller-analyste au Bureau du directeur parlementaire du budget, a déclaré qu’en 2022‑2023, les retards ont entraîné un manque à gagner de près de 1,5 milliard de dollars en capital au MDN, ajoutant qu’en 2023‑2024, « le budget principal des dépenses laisse présager un manque à gagner d’environ 4 milliards de dollars ». Yves Giroux a expliqué les problèmes posés par les fonds « non utilisés » de la façon suivante :

Si on ne dépense pas l’argent maintenant, mais qu’on dépense le même montant dans les années à venir, l’inflation propre au secteur de la défense va réduire la valeur absolue de cet argent. Si on dépense 4 milliards de dollars aujourd’hui au lieu de 4 milliards de dollars dans cinq ans, on pourra acheter moins de matériel avec les mêmes milliards de dollars dans cinq ans en raison de l’inflation.

Dans un rapport publié en février 2024 portant sur les dépenses en immobilisations prévues du MDN entre 2017‑2018 et 2022‑2023, le directeur parlementaire du budget a indiqué qu’« il y avait un écart déficitaire de près de 12 milliards de dollars entre ce qu’avait dépensé le MDN en immobilisations et ce qui était initialement prévu au titre de la politique » Protection, sécurité, engagement : la politique de défense du Canada, « ce qui indique des retards importants en matière d’approvisionnement militaire[44] ».

M. Perry a souligné que « près des deux tiers » des projets d’approvisionnement en matière de défense « sont retardés d’au moins un an et bon nombre d’entre eux, de beaucoup plus », avec pour résultat que le Canada dépense « des milliards de dollars de moins que prévu année après année ». Tout en attirant l’attention du Comité sur le contexte actuel des taux d’intérêt et d’inflation, M. Perry a affirmé que les répercussions financières des retards dans l’approvisionnement en matière de défense sont maintenant beaucoup plus importantes qu’elles ne l’étaient il y a seulement un an et demi et il a ajouté que « [l]e fait de ne pas bouger en temps opportun pour ce qui est des approvisionnements est beaucoup plus lourd de conséquences en termes de perte de pouvoir d’achat ».

Accélérer le rythme des approvisionnements en matière de défense

Des témoins ont indiqué qu’il fallait accélérer le rythme des approvisionnements en matière de défense au Canada. Richard Fadden a fait valoir que « dans certaines circonstances, pas systématiquement, mais pas rarement non plus », la fonction publique devrait être en mesure de recommander au gouvernement fédéral – et le gouvernement devrait accepter – de suspendre l’application de certaines règles, règlements et exigences sur l’approvisionnement en matière de défense si un projet en particulier est urgent.

Selon Richard Fadden, pour que les règles, les règlements et les exigences sur l’approvisionnement en matière de défense soient suspendus, le chef d’état-major de la défense doit garantir que « tout ce qui est nécessaire l’est maintenant dans un délai précis » et il doit « expliqu[er] clairement pourquoi une chose ne peut pas être faite avec les règles existantes. Pourquoi une règle a‑t‑elle été suspendue? À quel effet? Nous avons besoin de savoir clairement comment ce type de décision va accélérer les choses. » M. Fadden a fait valoir que le Parlement devrait participer à la décision de suspendre les règles, les règlements et les exigences sur l’approvisionnement en matière de défense pour favoriser les acquisitions urgentes.

Richard Fadden a également laissé entendre que les règles sur l’approvisionnement en matière de défense devraient être systématiquement revues, faisant remarquer que certaines d’entre elles sont désuètes, qu’elles n’ont pas été revues et qu’elles devraient probablement être mises à jour ou supprimées. Selon lui, parce que le MDN, SPAC, ISDE, le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé « ajoutent tous des règles à l’approvisionnement en matière de défense », mais qu’ils « n’en retirent pas beaucoup […] au fil des ans », un examen régulier des règles existantes serait utile et pourrait contribuer à simplifier et à accélérer les processus d’approvisionnement en matière de défense.

Par ailleurs, Richard Foster a mentionné que le lancement de nouveaux projets d’approvisionnement en matière de défense ne devrait pas se traduire automatiquement par des appels d’offres, et les achats effectués auprès d’un fournisseur unique devraient être autorisés plus souvent. Il a préconisé le recours à un appel d’offres uniquement lorsque cette approche est nécessaire, et non pas pour le simple plaisir de favoriser la concurrence. Selon lui, « [l]a concurrence est saine et devrait aller de soi lorsque deux produits ou capacités constituent des offres comparables », mais « [s]’il n’y a qu’un seul produit ou une seule capacité qui répond aux exigences des FAC et que le Canada n’est pas prêt à financer adéquatement un programme de développement associé à une autre offre en vue de créer de la concurrence, alors il ne devrait pas y avoir d’appel d’offres ». Il a aussi déclaré que, pour les achats effectués auprès d’un fournisseur unique, le Canada devrait choisir des technologies militaires et des produits éprouvés et offerts sur le marché.

De son côté, Alexander Jeglic a affirmé que les processus concurrentiels ne donnent pas toujours les résultats escomptés; ainsi, pour 34 % d’entre eux, il n’y a qu’« un seul soumissionnaire », ce qui fait que le pays ne bénéficie pas de « solutions diversifiées et de prix compétitifs [et] que toute cette énergie [ne sert] à rien » et qu’un achat effectué auprès d’un fournisseur unique accélérerait l’approvisionnement. Cela dit, concernant de tels achats, il a souligné la nécessité « de disposer de justifications solides » quant à la raison pour laquelle un seul fournisseur est prêt à fournir cette capacité aux FAC et de « rendre [ces justifications] transparentes » pour la population. Enfin, il a exhorté le gouvernement fédéral à accélérer davantage les approvisionnements en matière de défense en utilisant « les exceptions à la concurrence légitime lorsque c’est pertinent » et en s’inspirant « de ce qui a fonctionné pendant les périodes d’approvisionnement d’urgence », comme lors de la pandémie de COVID-19.

Certains témoins ont souligné que l’équipement militaire peut être acheté rapidement pour répondre à des besoins opérationnels essentiels, comme en situation d’urgence. Troy Crosby a indiqué que le système canadien d’approvisionnement en matière de défense réagit « assez rapidement » en situation d’urgence ou de crise grâce au processus lié aux besoins opérationnels non planifiés. À titre d’exemple, il a mentionné que, depuis le début de la guerre en Ukraine, les FAC ont commandé un certain nombre d’équipements – notamment des systèmes de défense contre les aéronefs sans pilote et des systèmes de défense antiaérienne – grâce au processus lié aux besoins opérationnels non planifiés.

Le lieutenant-général (à la retraite) Leslie a fourni un autre exemple d’approvisionnement accéléré en matière de défense : pendant la guerre en Afghanistan, le processus lié aux besoins opérationnels non planifiés a permis au Canada de se procurer de l’équipement, comme des armes à feu, des radars, des dispositifs de combat de nuit, des véhicules de déminage blindés, des armes pour tireurs d’élite, des hélicoptères de transport moyen à lourd Chinook et des aéronefs de transport lourd C‑ 17, en cinq à six mois environ. Selon lui, cette expérience « prouve » que le système canadien d’approvisionnement en matière de défense peut fonctionner.

Toutefois, des témoins ont souligné que ce ne sont pas tous les projets d’approvisionnement en matière de défense qui peuvent passer par le processus lié aux besoins opérationnels non planifiés. Le lieutenant-général (à la retraite) Thibault a reconnu qu’en situation de crise, le système d’approvisionnement en matière de défense peut certes bien fonctionner, mais il a laissé entendre qu’il pouvait être lent en dehors de ces situations. Par ailleurs, M. Lagassé a fait valoir qu’« au moins 75 % des projets d’approvisionnement » sont menés à bien sans problèmes, bien que les « gros projets difficiles », soit les navires de guerre, les aéronefs militaires et les autres grands projets d’équipements majeurs, connaissent souvent des retards et d’autres défis, ce qui suscite « beaucoup de controverse et [attire] l’attention », les petits projets étant moins complexes, plus faciles à gérer et souvent exécutés dans les délais et les limites du budget.

Au sujet du processus lié aux besoins opérationnels non planifiés, Simon Page a déclaré que le processus « dépend beaucoup des produits » et ne se prête pas bien à tous les projets d’approvisionnement en matière de défense. Selon lui, il y a une « énorme différence » entre l’achat accéléré de munitions pour armes légères, et la conception et la construction d’un nouveau navire de guerre, qui s’échelonnent sur des années.

Tout en soulignant qu’il est nécessaire de prendre des décisions plus rapidement pour accélérer les processus d’approvisionnement en matière de défense, Karen Hogan a fait observer que, lorsqu’il « faut beaucoup de temps » aux décideurs pour prendre une décision dans le cadre des projets, la technologie évolue, et ils doivent réexaminer les décisions initiales, ce qui ralentit davantage les processus. Selon elle, « [u]ne prise de décision plus rapide et une meilleure connaissance du résultat escompté permettraient de limiter les retards dans la passation des marchés » et accéléreraient les processus. Elle a déclaré que, dans chaque audit réalisé par le Bureau du vérificateur général au sujet des projets d’approvisionnement en matière de défense, les retards les plus importants observés sont liés au moment de la prise de décisions. M. Lagassé a affirmé que « la seule façon […] d’accélérer » la prise de décisions dans le cadre de tels projets consiste à « déléguer certains pouvoirs décisionnels à des personnes de niveau inférieur dans le processus d’approvisionnement », ce qui permettrait ainsi d’éliminer certains niveaux d’approbation.

Simplifier les processus d’approvisionnement en matière de défense

Les témoins ont généralement convenu qu’il faudrait simplifier les processus d’approvisionnement en matière de défense. Estimant que le système canadien « est lourd, complexe et long », Mike Mueller a dit préconiser sa transformation en « un système d’approvisionnement qui fonctionne efficacement et qui [peut] répondre aux menaces à la sécurité internationale qui évoluent rapidement et aux nouveaux besoins sur le plan des capacités ». Il a donc fait valoir qu’il faudrait simplifier les processus d’approvisionnement en matière de défense. De son côté, M. Lagassé a soutenu que SPAC et « le MDN [doivent] être autorisé[s] à prendre davantage de risques et à agir plus rapidement » à l’égard de tels processus afin de s’assurer que les FAC ont accès aux dernières technologies offertes.

Cela dit, Trevor Taylor, directeur du Defence, Industries and Society Programme du Royal United Services Institute, a fait observer que les processus d’approvisionnement en matière de défense permettent de s’assurer que l’argent sert à acheter les bons produits et que « les parties concernées ont un comportement irréprochable ». Il a également déclaré que les processus complexes, comme ceux du Canada, ont souvent des répercussions négatives sur la rapidité avec laquelle on peut faire des acquisitions, ce qui a pour effet de souvent retarder la livraison d’équipement militaire et de rendre ce dernier obsolète avant même qu’il soit pleinement fonctionnel. M. Taylor a notamment attiré l’attention sur les problèmes qui peuvent surgir lors de l’acquisition de technologies qui évoluent rapidement, comme des logiciels, des systèmes de cybersécurité et d’autres technologies de l’information.

Pour sa part, Simon Page a mentionné qu’un « effort pangouvernemental » auquelparticipent tous les ministères et organismes fédéraux concernés par l’approvisionnement en matière de défense est en cours, notamment dans le but d’examiner « l’ensemble de l’approvisionnement en matière de défense » et de simplifier le processus. Selon M. Page, les ministères et organismes se penchent sur les « activités préalables à l’approvisionnement » afin de mieux comprendre les besoins des FAC du point de vue de la planification des capacités avant le lancement d’un processus d’approvisionnement. Il a en outre fait remarquer que les ministères et organismes intervenant dans le processus d’approvisionnement en matière de défense se penchent également sur les « activités d’approvisionnement pures », qui sont axées sur les DI, les DP et l’évaluation des soumissions menant à l’attribution d’un contrat, ainsi que sur les « activités postérieures à la passation de marché et à l’attribution du contrat », qui traitent du soutien du cycle de vie des navires, des aéronefs et d’autres biens militaires ayant été acquis.

Les témoins ont reconnu les efforts en cours visant à simplifier les processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense, mais ils ont réclamé des mesures plus vigoureuses. Richard Fadden a soutenu qu’il est nécessaire de réduire le nombre de règles sur l’approvisionnement en matière de défense, ajoutant que les ministres et les fonctionnaires appliquent ces règles « en tout temps, peu importe la taille ou la complexité des acquisitions ». Soutenant que cette approche devrait être revue, il a proposé que le gouvernement fédéral apporte des changements aux pouvoirs de délégation et « assoupli[sse] les règles » à suivre lorsque les projets d’approvisionnement en matière de défense « ne sont pas particulièrement complexes ou […] ne nécessitent pas d’énormes investissements ».

Alexander Jeglic a décrit un certain nombre d’options pour améliorer les processus d’approvisionnement en matière de défense, faisant valoir que le gouvernement fédéral devrait prendre les neuf mesures suivantes :

  • publier une liste précise et transparente de projets non visés par l’exception relative à la sécurité nationale, c’est-à-dire une version actualisée du Plan d’investissement de la Défense à laquelle l’industrie peut se fier;
  • inclure la planification du cycle de vie complet dans les appels d’offres et les contrats, en tenant compte de l’obsolescence et de l’interopérabilité;
  • adopter une approche fondée sur le risque pour tous les projets de défense, en augmentant les délégations;
  • intégrer un analyste du Conseil du Trésor (CT) dans les équipes responsables de l’approvisionnement pour les grands projets, afin de soulever les enjeux en temps réel et de réduire le nombre d’exigences secondaires du CT;
  • préciser les responsabilités de chaque partie prenante respective de la défense;
  • réduire le nombre de critères obligatoires à ceux qui sont essentiels;
  • utiliser les exceptions à la concurrence légitime, le cas échéant, et laisser les mécanismes de règlement des différends jouer leur rôle. S’inspirer de ce qui a fonctionné pendant les périodes d’approvisionnement d’urgence;
  • augmenter les délégations;
  • donner la priorité à la création d’un régime de rendement des fournisseurs dans l’ensemble de l’appareil d’État qui récompensera les bons employés et non les mauvais employés.

Certains témoins ont traité de la « canadianisation » des produits d’approvisionnement en matière de défense, en particulier ceux acquis de sources étrangères, et ils ont donné à entendre que cette « canadianisation » cause souvent des retards et devrait être réduite. Le terme « canadianisation » fait référence au processus par lequel des modifications importantes sont apportées aux nouveaux systèmes d’armes et à d’autres équipements militaires afin de les personnaliser et de respecter des normes et des règles canadiennes particulières[45]. Selon Alan Williams, le gouvernement fédéral et les militaires perdent « beaucoup de temps » et dépensent « des milliards de dollars pour essayer de […] canadianiser » les produits de défense. Il est d’avis qu’ils devraient plutôt faire l’acquisition d’« actifs hautement développés » seulement et du « meilleur produit » sur le marché, ce qui ne devrait pas exiger « beaucoup de temps et d’efforts » et se traduirait à la fois par une réduction du « risque d’intégration » et une livraison rapide. De même, M. Lagassé a déclaré que si le gouvernement fédéral et les militaires essayaient « d’avoir moins recours à la canadianisation des équipements, cela pourrait effectivement accélérer les choses ».

Yana Lukasheh a souligné que l’« introduction des technologies numériques » dans les approvisionnements en matière de défense devrait faire partie des efforts de simplification, précisant qu’à l’heure actuelle, les technologies numériques sont « presque exclusivement réservée[s] aux grands entrepreneurs de la défense ». Selon elle, le gouvernement fédéral devrait normaliser ses processus d’approvisionnement en matière de défense sur une « plateforme de technologie numérique » qui permettrait à tous les membres de « l’écosystème » d’évoluer et d’innover dans un « cadre de gouvernance bien géré » et qui permettrait au MDN et aux FAC « de mieux gérer les portefeuilles […] en éliminant les risques liés aux grands projets, en améliorant la transparence et la responsabilisation, en circonscrivant les possibilités de réduction des coûts par l’analyse des habitudes de dépenses, en optimisant les stocks et, en fin de compte, en négociant de meilleurs contrats ».

Mme Lukasheh a de plus indiqué que les technologies numériques permettraient au MDN « de s’intégrer à d’autres systèmes de défense et sources de données, en offrant une vue d’ensemble des opérations d’approvisionnement et de la chaîne d’approvisionnement; de surveiller et d’évaluer l’efficacité de ces processus; et, enfin, de tirer parti des services de formation et de soutien et veiller ainsi à ce que le personnel de la défense puisse utiliser efficacement la technologie pour favoriser la réforme de l’approvisionnement et dégager une valeur supplémentaire ». En outre, elle a soutenu que l’« adoption de technologies numériques » permettrait au MDN, à SPAC et aux fournisseurs de la défense d’établir les paramètres des processus d’approvisionnement en matière de défense et de mesurer le succès de ces processus.

Apprendre des enseignements tirés par les alliés relativement à l’approvisionnement en matière de défense

Des témoins ont souligné que le Canada devrait analyser les réformes de l’approvisionnement en matière de défense de ses alliés, y compris celles des États‑Unis et du Royaume‑Uni, et en tirer des enseignements. Alexander Jeglic a fait remarquer que plusieurs alliés du Canada « s’emploient avec diligence » à faire en sorte que les approvisionnements en matière de défense se déroulent aussi efficacement que possible et il a encouragé le gouvernement fédéral à obtenir « des renseignements opportuns » de la part de ses alliés sur leurs « pratiques exemplaires » en la matière.

Alexis Ross, Ph. D., présidente d’APEX Defence Strategies, a mis l’accent sur l’expérience des États-Unis en matière d’acquisition d’armes et a attiré l’attention du Comité sur leurs dizaines de tentatives de réforme des politiques, des processus et des structures organisationnelles en matière d’approvisionnement de la défense au cours des 50 dernières années. Soulignant certains des « écueils » du système américain d’approvisionnement en matière de défense, Mme Ross a fait observer que « la mise en service d’un système d’armement majeur peut prendre dix ans ou plus » et elle a ajouté que « les procédures d’acquisition du [département de la Défense des États‑Unis] ne suivent généralement pas rapidement les nouvelles menaces ou l’évolution des technologies ».

Mme Ross a en outre déclaré que, depuis 2015, le système américain d’approvisionnement en matière de défense a subi des « changements structurels », notamment un « réalignement de l’autorité décisionnelle, afin d’accélérer l’avancement des programmes dans le processus »; « des changements procéduraux, notamment en créant dans le processus de nouvelles voies qui ont éliminé certaines exigences procédurales pour les programmes et accéléré leur progression »; l’accroissement de « l’utilisation de méthodes contractuelles plus souples et, par conséquent, plus rapides »; la prise de « mesures pour attirer des fournisseurs non traditionnels sur le marché de la défense ».

En se fondant sur l’expérience américaine, Mme Ross a proposé qu’un certain nombre de facteurs soient pris en considération lors de la mise en œuvre des réformes de l’approvisionnement en matière de défense, déclarant ce qui suit :

[T]out effort de réforme majeur doit être soutenu par un plan de mise en œuvre solide. [C]ela entend des changements dans la culture de l’organisation, ce qui prend […] beaucoup de temps […] Ensuite, l’étendue du succès de la réforme des acquisitions est intrinsèquement limitée par les défauts des systèmes adjacents qui ont un impact sur les résultats des acquisitions. [L]es acquisitions ne [peuvent] pas aller plus vite si l’on ne modifi[e] pas le processus de budgétisation, qui est lui aussi un processus rigide, lent et excessivement réglementé. Enfin, il faut s’attendre à un changement d’orientation dans un avenir proche. Au moment où […] les changements précédents se mettent en place, il se produit inévitablement quelque chose — comme la participation soudaine à des opérations militaires ou un changement du parti politique au pouvoir — qui modifie les priorités. [D]ans le domaine des acquisitions, cela signifie généralement un changement de priorité entre l’optimisation des coûts, celle du calendrier ou encore celle de la performance.

Mme Ross a de plus exhorté le Canada à tirer des enseignements des efforts de réforme de l’approvisionnement en matière de défense des États‑Unis, notamment celui consistant à éviter de trop légaliser le processus, ce qui le rend « très technique et difficile pour la main‑d’œuvre de s’y adapter et de le suivre » et ce qui rend également « très difficiles la créativité, le dynamisme et l’agilité ». Elle a expliqué ce qui suit :

[Le système d’approvisionnement en matière de défense des États‑Unis] est basé sur des lois. Il est très technique. De nombreuses règles sont fondées sur le droit des marchés publics. Chaque fois que quelque chose ne va pas, le Congrès produit une nouvelle loi. On pourrait comparer cela à des barnacles sur un navire. Ils s’ajoutent sans cesse et ne sont jamais enlevés. Si vous regardez le code des États‑Unis, vous verrez que c’est un cimetière d’erreurs commises dans le passé en matière d’acquisition.

Selon Mme Ross, le Canada devrait tirer des enseignements de l’expérience américaine en rationalisant et en simplifiant le processus décisionnel en matière d’approvisionnement de la défense. Elle a mentionné que lors de la « dernière série de réformes des acquisitions » aux États‑Unis, des mesures ont été prises afin « de simplifier ces couches et de déléguer aux niveaux immédiatement inférieurs une partie du pouvoir décisionnel actuellement dévolu aux plus hauts paliers du Pentagone »; ainsi, « [p]our certains programmes, les décisions qui relevaient jusqu’à maintenant du Secrétaire à la Défense [ont été] déléguées aux Secrétaires des branches militaires, à savoir l’armée de terre, la marine et l’armée de l’air », ce qui a « permis de réduire les délais et d’alléger les fardeaux ».

M. Taylor a tiré quelques enseignements de l’étude du système d’approvisionnement en matière de défense du Royaume-Uni. Selon lui, « différentes choses doivent être achetées ou fournies de différentes manières et il faut différentes stratégies d’acquisition pour les traiter ». Il a déclaré qu’acheter des fournitures de bureau, ce n’est pas la même chose qu’acheter un aéronef de combat complexe et à la fine pointe de la technologie, et il a laissé entendre que l’approvisionnement en matière de défense nécessite de la souplesse et de l’adaptation, ce qui signifie qu’il ne peut pas y avoir une seule approche.

Dans ce contexte, M. Taylor a affirmé qu’il fallait mieux gérer les attentes dans le domaine de l’approvisionnement en matière de défense, soulignant que « les gens s’attendent, extraordinairement, [que les systèmes d’armes et autres équipements miliaires soient livrés] dix ans plus tard, avec des performances particulières et pour un montant donné ». Selon lui, les gens ne comprennent pas la complexité et la difficulté de l’acquisition de ces produits de défense, ni la rapidité avec laquelle la technologie et la politique mondiale évoluent, ce qui exige des forces armées qu’elles adaptent continuellement leurs capacités, modifient leurs besoins en équipements et apportent des changements aux contrats de défense.

Tout en mettant l’accent sur les technologies en évolution rapide et les menaces émergentes, M. Taylor a souligné que certains systèmes d’armes et autres équipements militaires « nécessitent des mises à jour régulières et constantes » pour pouvoir rester opérationnels. Pour faciliter ce processus de mise à jour, il préconise l’adoption d’une approche modulaire de « système ouvert » à l’égard de l’approvisionnement en matière de défense, qui permettrait d’améliorer l’équipement tout au long de son cycle de vie par un « processus relativement simple » et « sans démonter l’ensemble de la machine ». Reconnaissant qu’il est beaucoup plus facile de modifier un logiciel que d’intégrer de nouvelles armes dans un navire de guerre ou un aéronef de combat, M. Taylor a soutenu que les gouvernements ont besoin d’un « système ouvert » souple pour pouvoir acquérir l’équipement militaire qui permettrait à leurs forces armées de répondre aux menaces existantes et de répondre aux besoins opérationnels en évolution tout au long du cycle de vie de l’équipement.

Dépolitiser les approvisionnements en matière de défense et réduire l’aversion au risque

Des témoins ont indiqué que les processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense seraient plus efficaces s’ils étaient dépolitisés. C’est pour cette raison qu’ils ont proposé des mesures visant à dépolitiser l’approvisionnement en matière de défense et à donner aux fonctionnaires plus d’autonomie et de souplesse à cet égard. Yves Giroux a soutenu que si les processus de prise de décisions relatifs aux grands projets d’approvisionnement du Canada en matière de défense devaient être dépolitisés, l’approche du Canada deviendrait « beaucoup plus neutre », et l’aversion au risque au sein de la fonction publique serait réduite.

M. Lagassé a exhorté les parlementaires et les partis politiques à « parvenir à un accord commun » concernant l’approvisionnement en matière de défense et a précisé que cet accord doit reposer « sur le fait que chaque échec ou erreur ne doit pas être exploité à des fins partisanes ». Selon lui, un « consensus bipartisan » sur cette question est essentiel pour réduire l’aversion au risque au sein de la bureaucratie, concevoir et promouvoir des moyens novateurs de simplifier et d’accélérer les processus d’approvisionnement en matière de défense, adapter le système canadien d’approvisionnement en matière de défense afin qu’il puisse suivre l’évolution rapide de la technologie et s’assurer que les FAC sont équipées en temps opportun pour répondre aux menaces en constante évolution. Dans sa réponse à une question posée par un membre du Comité au sujet de l’influence du premier ministre du Canada sur l’attribution des contrats d’approvisionnement en matière de défense, Alexander Jeglic a réclamé la « séparation entre le pouvoir politique et le processus d’approvisionnement », soutenant qu’« [i]l ne devrait y avoir aucune intervention des élus dans les décisions en matière d’approvisionnement ».

Richard Fadden a pour sa part affirmé que la culture de l’aversion au risque qui règne dans la fonction publique est devenue « la culture dominante parmi les fonctionnaires ayant quelque rôle à jouer dans l’approvisionnement en matière de défense » et qu’il faut la changer. Tout en ne préconisant pas de « mesures irresponsables », il prône « l’acceptation d’une certaine part de risque et de la possibilité de faire une erreur pour favoriser des acquisitions plus efficaces », ce qui aurait pour conséquence un environnement de travail « dans lequel il est possible de demander des exceptions aux règles en faveur d’arrangements spéciaux, sans que cela ne nuise à la carrière ».

La première étape pour changer la culture dans la fonction publique, selon M. Fadden, consiste à publier une déclaration à l’échelle du gouvernement pour informer les fonctionnaires qu’ils devraient tenir « compte de l’efficacité et des approches fondées sur les règles » et pour leur faire savoir clairement que les erreurs n’auront pas de conséquences négatives sur leur carrière. Selon lui, l’aversion au risque comportementale existante peut être modifiée au fil du temps en favorisant une culture du travail plus souple, plus ouverte d’esprit et plus tolérante aux erreurs.

Selon M. Taylor, réduire l’aversion au risque dans la fonction publique commence par l’établissement de « la confiance entre les intervenants — la confiance envers leur jugement et leur intégrité ». M. Taylor a déclaré que si les politiciens et les représentants du gouvernement cherchent quelqu’un à blâmer quand des erreurs se produisent, « alors les gens s’abstiendront évidemment de s’exprimer avec exactitude, pour éviter de produire des informations qui pourraient leur attirer des blâmes ». Il s’est dit d’avis que la « reddition de comptes » consiste à demander aux gens ce qu’ils ont fait, quand ils l’ont fait et pourquoi ils l’ont fait de la manière dont ils l’ont fait, et à comprendre « sur quels motifs ils se basent » pour faire les choses d’une certaine manière.

Mme Ross a pour sa part souligné que « les hauts dirigeants » ont un rôle clé à jouer en encourageant leurs employés à avoir moins de réticence à l’égard des risques et à moins hésiter à communiquer, et en leur prouvant qu’ils ne subiront pas de conséquences négatives s’ils font des erreurs lorsqu’ils essaient une approche différente en matière d’approvisionnement.

Investir dans les effectifs spécialisés dans l’approvisionnement en matière de défense

Des témoins ont souligné la nécessité d’embaucher plus de spécialistes de l’approvisionnement en matière de défense qualifiés et formés. Selon Yves Giroux, pour améliorer les processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense, il est essentiel que « le MDN — ou quiconque est responsable du processus d’approvisionnement s’il devait y avoir des changements — dispose du nombre approprié d’employés possédant l’ensemble de compétences nécessaires ». Abondant dans le même sens, Karen Hogan a ajouté qu’il « y a un manque de capacité et d’expertise dans l’ensemble de la fonction publique, en général » et que cette capacité doit être accrue.

Selon M. Lagassé, l’approvisionnement en matière de défense exige un effectif stable, spécialisé, qualifié, bien formé et chevronné, et le manque actuel d’un tel effectif pose des problèmes au Groupe des matériels du MDN, qui devrait identifier les « gens qui sont des experts » dans le domaine de l’approvisionnement en matière de défense et « en embaucher davantage ». Faisant observer que les FAC « font face à d’importants problèmes de capacité » en raison de la crise continue du personnel (à l’heure actuelle, il manque environ 16 000 employés au sein des FAC), M. Lagassé a laissé entendre que « le renforcement de la capacité du MDN et des FAC à gérer les achats — l’aspect humain de l’équation — ne peut être ignoré et doit être mieux pris en compte » et il a affirmé que le MDN demande « trop à trop peu de personnes », ce qui « n’est pas la meilleure formule pour réussir ». Il a aussi souligné que les spécialistes de l’approvisionnement en matière de défense « ne sont pas des gens que l’on peut prendre sur une tablette et mettre en poste » et qu’« il faut des années pour les former ». Anessa Kimball a acquiescé, insistant sur la nécessité de recruter des spécialistes de l’approvisionnement en matière de défense et de les retenir, et sur l’importance « de la formation et du perfectionnement » de ces personnes.

Des témoins ont présenté des propositions afin d’améliorer l’éducation, la formation et les compétences des spécialistes canadiens de l’approvisionnement en matière de défense. Karen Hogan a fait observer que parce que l’approvisionnement en matière de défense est complexe et nécessite des personnes ayant une « expertise spécialisée » et une formation appropriée, « [c]e qui est crucial […], c’est de pouvoir compter sur les compétences nécessaires ». Elle a de plus attiré l’attention du Comité sur les vérifications effectuées par son Bureau, qui ont révélé des retards dans l’approvisionnement en matière de défense en raison de la pénurie de spécialistes de l’approvisionnement. Selon elle, à long terme, il y aurait lieu de constituer une « équipe spécialisée » stable, qualifiée et bien formée, qui se spécialiserait dans l’approvisionnement en matière de défense. Dans un document présenté au Comité, l’AICDS a exhorté le gouvernement à « accroître les effectifs chargés de l’approvisionnement en matière de défense et à en augmenter le professionnalisme » et à « continuer de former ces effectifs pour mieux comprendre l’industrie [de la défense] et la façon d’interagir avec elle[46] ».

Reconnaissant l’importance « de recruter des diplômés [du Collège militaire royal du Canada ou CMR] et d’investir du temps dans ces recrues », Alexander Jeglic a recommandé l’élaboration de plusieurs cours sur l’approvisionnement pour les étudiants du CMR, de sorte que « chaque diplômé […] ait suivi non seulement un cours d’initiation à l’approvisionnement, mais ait acquis aussi des connaissances avancées en la matière », ce qui les aidera tout au long de leur carrière militaire. M. Jeglic a également préconisé la création d’un plus grand nombre de programmes universitaires axés sur l’approvisionnement en matière de défense, donnant à entendre que ces programmes « pourraient être axés sur l’approvisionnement sophistiqué, complexe et lié à la défense, comme domaine d’études » et qu’ils pourraient amener plus d’effectifs qualifiés et formés à travailler dans le domaine.

De plus, des témoins ont encouragé les spécialistes de l’approvisionnement en matière de défense à réfléchir davantage aux répercussions des décisions prises dans ce domaine sur le personnel des FAC qui utilisera l’équipement acheté. Anessa Kimball a soutenu qu’il faudrait en faire davantage pour tenir compte des besoins distincts des femmes dans les FAC, y compris celles qui sont enceintes, lors de la conception d’uniformes, de casques, de trousses et d’équipement personnels. Elle a constaté qu’au Danemark et dans certains autres pays, les spécialistes de l’approvisionnement investissent « dans le développement de ressources pour les femmes d’une manière beaucoup plus impressionnante » qu’au Canada. Abondant dans le même sens, Alan Williams a souligné à la fois « l’absence d’analyse comparative entre les sexes » dans l’approvisionnement en matière de défense et la mesure dans laquelle la diversité doit en être « un élément essentiel ». De même, il a préconisé une approche sexospécifique de l’approvisionnement en matière de défense dont « la mise en œuvre […] devrait être simple » et « pas trop compliqué[e] ». Selon lui, les uniformes, ainsi que la trousse et l’équipement personnels qui sont achetés devraient convenir à chaque membre des FAC.

Améliorer la transparence et la surveillance de l’approvisionnement en matière de défense

Des témoins ont souligné qu’il était nécessaire d’accroître la transparence et la surveillance de l’approvisionnement en matière de défense et ont qualifié les examens et les rapports du directeur parlementaire du budget, de la vérificatrice générale du Canada et de l’ombud de l’approvisionnement sur les politiques et les projets liés aux approvisionnements en matière de défense de précieux. Par ailleurs, Karen Hogan et Yves Giroux ont attiré l’attention du Comité sur certains rapports publiés récemment par leur bureau respectif sur le coût et l’avancement des processus et des projets d’approvisionnement en matière de défense[47].

Par exemple, au cours des dernières années, la vérificatrice générale du Canada et le directeur parlementaire du budget ont produit des rapports sur le remplacement de la flotte de CF‑18 par 88 nouveaux chasseurs[48]. Ils y ont mis l’accent sur l’importance d’informer le gouvernement fédéral des retards, de l’escalade des coûts et d’autres défis liés aux processus et aux projets d’approvisionnement en matière de défense. Faisant plus particulièrement référence au rapport sur La Stratégie nationale de construction navale de février 2021 et au rapport sur La surveillance des eaux arctiques de novembre 2022, Karen Hogan a mentionné qu’elle avait relevé dans de récents rapports les lacunes en matière de capacités qui découlent des retards dans la réalisation de certains projets d’approvisionnement en matière de défense[49].

Alexander Jeglic a décrit les rôles et les responsabilités du Bureau de l’ombud de l’approvisionnement, notamment l’examen des plaintes des fournisseurs canadiens et l’examen systémique des « pratiques d’approvisionnement des ministères fédéraux afin d’en évaluer l’équité, l’ouverture, la transparence et la cohérence avec les lois, les politiques et les lignes directrices ». Selon lui, en 2018, le Bureau a conçu un plan quinquennal d’examen des pratiques d’approvisionnement dans lequel ont été cernés et décrits les examens systémiques qui seraient effectués. Dans le cadre des 17 examens effectués au titre de ce plan, le Bureau a effectué un examen du MDN et présenté ses résultats dans le rapport de mai 2022 intitulé Examen des pratiques d’approvisionnement du ministère de la Défense nationale[50].

S’appuyant sur les examens systémiques des ministères, M. Jeglic a laissé entendre que ces examens avaient deux fonctions importantes :

[D]’une part, ils cernent les domaines dans lesquels les ministères peuvent prendre des mesures concrètes pour améliorer l’équité, l’ouverture et la transparence de leurs pratiques d’approvisionnement. D’autre part, ils mettent en évidence les bonnes pratiques dont d’autres ministères peuvent s’inspirer. Les recommandations formulées à l’issue de ces examens visent à améliorer les pratiques et ne ciblent pas les différents plaignants ou soumissionnaires gagnants et perdants, contrairement aux examens de plaintes précises.

M. Jeglic a également décrit les efforts déployés pour surveiller les « enjeux liés aux fournisseurs autochtones », soulignant que « [l]a directive sur la gestion des approvisionnements prévoit de nouvelles exigences selon lesquelles 5 % des contrats fédéraux doivent être attribués à des fournisseurs autochtones ». Selon lui, une partie du rôle du Bureau de l’ombud de l’approvisionnement consiste « à veiller à ce que cette exigence soit effectivement respectée » dans le cadre des contrats d’approvisionnement en matière de défense.

Des témoins ont reconnu les fonctions de surveillance actuellement exercées par le directeur parlementaire du budget, la vérificatrice générale du Canada et l’ombud de l’approvisionnement, mais certains ont soutenu qu’il faudrait en faire davantage pour améliorer la transparence et la surveillance de l’approvisionnement en matière de défense. M. Perry a affirmé que « [b]eaucoup trop de discussions sur l’approvisionnement en matière de défense au Canada se déroulent dans un quasi‑vide d’information, et ce travail est trop important pour être fait en silence, à huis clos ». Selon lui, le gouvernement fédéral a la responsabilité de faire preuve de transparence envers la population canadienne au sujet des décisions liées à l’approvisionnement en matière de défense et d’expliquer les grands achats en justifiant ces dépenses financières importantes. Faisant valoir que les communications du gouvernement fédéral à cet égard « se sont […] détériorées » au cours des dernières années, M. Perry a recommandé la production de rapports annuels sur l’approvisionnement en matière de défense, dans lesquels on pourrait analyser les progrès réalisés à l’égard de processus et de projets particuliers, et fournir des mises à jour sur « les 10, 20 ou 30 dossiers les plus importants ».

Selon M. Lagassé, le gouvernement fédéral doit « prioriser la transparence des processus d’approvisionnement de la Défense ». Reconnaissant que le MDN a récemment accompli des progrès importants à cet égard, il a souligné, par exemple, que le Programme des capacités de la Défense du MDN « fournit maintenant des informations facilement accessibles sur la situation des projets au sein du système d’approvisionnement et sur les capacités qu’ils fournissent[51] ».

M. Lagassé a toutefois ajouté que « le Canada est encore en retard sur ses alliés […] pour ce qui est de fournir des informations détaillées sur la situation financière de l’ensemble du portefeuille d’investissements et les risques qui l’entourent, ainsi que sur les projets individuels » et qu’il devrait imiter l’Australie et le Royaume‑Uni en publiant un rapport annuel sur l’approvisionnement en matière de défense. Selon lui, ces rapports font « un survol des risques, des coûts et des mises à jour du portefeuille » et amènent les pays à être beaucoup plus transparents envers leur population et leurs parlements « sur les raisons pour lesquelles ils font ce qu’ils font et sur la façon dont ils essaient de le faire ». M. Lagassé a soutenu que de nombreuses controverses politiques et de nombreux retards dans les projets d’approvisionnement en matière de défense pourraient être évités si le gouvernement fédéral était plus transparent envers la population, notamment en justifiant à l’avance certaines décisions et en en fournissant les preuves connexes.

M. Lagassé a de plus déclaré qu’il devrait y avoir plus de transparence envers les parlementaires, affirmant que le travail des comités parlementaires « est constamment entravé par un manque d’information » sur les décisions, les politiques et les budgets du gouvernement fédéral. Faisant valoir que ces comités devraient « tous avoir accès à des renseignements classifiés dans le cadre de [leur] travail », en particulier pour analyser les processus et les projets d’approvisionnement en matière de défense, M. Lagassé a porté son attention sur les membres du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes, soulignant qu’ils devraient « pouvoir accéder à de l’information classifiée pour savoir exactement où en sont les projets, ce qui est fait et où l’argent est dépensé ». De même, le lieutenant-général (à la retraite) Leslie a fait observer que le fait de fournir aux parlementaires canadiens des autorisations de sécurité leur permettrait d’avoir accès à des renseignements classifiés sur l’approvisionnement en matière de défense et de « faire des choix éclairés ».

Par ailleurs, Alan Williams a souligné que « l’absence de mesures du rendement » et « l’absence de rapports adéquats » sont parmi les « principales lacunes » des processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense, tout en mentionnant qu’il devrait y avoir des indicateurs « qui, au minimum, permettent de mesurer les délais et les coûts », car il est « impossible d’apporter des améliorations si nous ne comprenons pas clairement où se situent les problèmes ». Formulant des propositions destinées à résoudre ces problèmes, il a préconisé un « plan d’immobilisations » décrivant « le coût du cycle de vie complet de chaque projet [d’approvisionnement en matière défense] sur une période de 30 ans, en fonction des fonds prévus d’une année à l’autre ». M. Williams a fait remarquer que le coût d’acquisition d’un projet représente environ 30 % du coût du cycle de vie complet de ce projet et qu’il est donc important de tenir compte du coût global du cycle de vie.

De même, Karen Hogan a fait observer que parce que la planification du cycle de vie concernant les approvisionnements du Canada en matière de défense n’est « pas très bonne », le pays devrait tenir compte des coûts du cycle de vie au moment où il lance un projet. Selon elle, si un équipement donné a une durée de vie de 20 ans, « on devrait se dire qu’après une dizaine d’années, on déterminera s’il est temps de commencer le processus d’octroi de contrats pour prévoir son remplacement ».

Investir dans l’état de préparation des industries de défense

Pour les témoins, l’investissement qu’il faut absolument effectuer dans l’état de préparation des industries de défense est lié à la réforme du système canadien d’approvisionnement en matière de défense. Ils soutiennent qu’il est nécessaire de compter davantage sur les entreprises nationales et que la guerre en Ukraine a montré dans quelle mesure l’autosuffisance en matière de production de défense peut être essentielle en situation d’urgence. Pour eux, il est impératif d’investir dans l’état de préparation des industries de défense. Il devrait y avoir une plus grande coopération et confiance entre le gouvernement fédéral et l’industrie de la défense : les deux devraient travailler ensemble pour améliorer l’approvisionnement du Canada en matière de défense et pour fournir aux FAC l’équipement militaire dont elles ont besoin pour demeurer technologiquement prêtes à opérer sur les champs de bataille du XXIe siècle.

Dans ce contexte, les témoins ont souligné l’importance de construire une infrastructure industrielle de défense forte; de créer une stratégie industrielle de défense; de renforcer la coopération entre le gouvernement fédéral et l’industrie canadienne de la défense; de simplifier les DP; de placer l’industrie canadienne de la défense sur un pied de guerre; de favoriser les technologies et les produits fabriqués au Canada; d’investir dans de nouvelles capacités industrielles de défense; d’examiner la Politique des retombées industrielles et technologiques (RIT); de développer des marchés d’exportation liés à la défense.

Construire une infrastructure industrielle de défense forte

Les témoins ont attiré l’attention du Comité sur l’importante contribution des entreprises canadiennes de défense et de sécurité à l’infrastructure industrielle de défense du pays. Christyn Cianfarani a fait remarquer que l’AICDS représente plus de 700 de ces entreprises, qui ensemble emploient au moins 100 000 Canadiens et contribuent annuellement à l’économie du pays à hauteur de 12,4 milliards de dollars[52].

Mike Mueller a quant à lui brossé le portrait de la contribution des entreprises aérospatiales canadiennes à l’infrastructure industrielle de défense du pays, indiquant que l’Association des industries aérospatiales du Canada « représente plus de 90 % de l’industrie aérospatiale canadienne ». Il a en outre affirmé que les entreprises aérospatiales emploient plus de 200 000 travailleurs dans tout le pays et qu’elles « sont présentes dans presque toutes les circonscriptions [fédérales] canadiennes ».

Au sujet de Bombardier Inc., Éric Martel, Anne-Marie Thibaudeau et Pierre Seïn Pyun, vice-président des Affaires gouvernementales et industrielles de Bombardier Inc., ont souligné la contribution de l’entreprise à l’infrastructure industrielle de défense du Canada. Selon eux, Bombardier Inc. emploie 33 000 Canadiens, contribue à hauteur de 5,7 milliards de dollars au PIB du Canada – notamment par la conception, la fabrication et l’entretien d’avions à réaction d’affaires de renommée mondiale qui sont convertibles pour diverses activités de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, et d’autres utilisations militaires multimissions – et « a plus de 550 avions de mission spéciale et de défense en service dans le monde, notamment dans l’armée de l’air et dans l’armée de terre des États-Unis », ainsi que dans les armées de l’Allemagne, de la Suède, des Émirats arabes unis, du Royaume-Uni et d’autres pays.

Dans les mémoires qu’ils ont présentés au Comité, Irving Shipbuilding, Seaspan Shipyards et le Chantier Davie Canada Inc. (ci‑après Davie) ont souligné l’importance du secteur canadien de la construction navale dans l’infrastructure industrielle de défense du pays. David Lincourt, expert en chef, Sécurité et défense, SAP Canada Inc., et Yana Lukasheh ont déclaré qu’en date du 7 novembre 2023, le logiciel d’application d’entreprise de SAP Canada Inc. avait été « adopt[é] à divers degrés par plus de 40 % des armées dans le monde et par 70 % des alliés de l’OTAN et de tous les pays du Groupe des cinq », ajoutant que l’entreprise compte « plus de 300 clients du secteur de la défense et de la sécurité » dans le monde entier. Richard Foster a quant à lui souligné la contribution de L3Harris Technologies Canada à l’infrastructure industrielle de défense du pays en soulignant le « succès en matière d’exportation » des caméras de surveillance et de reconnaissance aérienne de la série MX de WESCAM de l’entreprise, succès qui « a commencé il y a plus de 50 ans grâce à la recherche et au développement menés par le gouvernement et l’industrie ».

Des témoins ont également mentionné la contribution des petites et moyennes entreprises à l’infrastructure industrielle de défense du Canada. Michael Clark a fait remarquer que FELLFAB – une entreprise dont la création remonte à 72 ans et qui se spécialise dans l’« offre de solutions novatrices en matière de textiles » – emploie 125 personnes et est un exemple de petite et moyenne entreprise qui joue un rôle dans l’infrastructure industrielle de défense du Canada. M. Clark a attiré l’attention du Comité sur un rapport de 2022 d’ISDE indiquant « que les entreprises comptant moins de 250 employés représentent près de 90 % des entreprises du secteur canadien de la défense ».

De plus, des témoins ont formulé des observations sur la portée dans laquelle les entreprises canadiennes profitent des contrats d’approvisionnement de la défense. Par exemple, divers contrats ont été attribués à l’industrie canadienne de la défense à la suite de la participation du gouvernement fédéral à l’élaboration du Programme d’avions de combat interarmées F-35 dirigé par les États-Unis depuis 1997[53]. Selon Lockheed Martin, au cours des 25 dernières années, plus de 110 entreprises canadiennes « se sont vu accorder des contrats et […] ont contribué à la conception et à la production des F‑35 »; jusqu’à maintenant, elles ont « investi environ 120 millions de dollars dans des immobilisations pour améliorer les installations afin de remporter [les contrats] des F‑35 et de maintenir des équipements de production modernes[54] ». De plus, Lockheed Martin affirme que « les entreprises canadiennes se sont vu accorder, dans le cadre de la chaîne d’approvisionnement mondiale des F‑35, des contrats de grande valeur, soit d’un montant de 2,8 milliards de dollars américains, grâce au partenariat du Canada dans le cadre du programme des F‑35 ». Lockheed Martin indique également qu’« au cours de la durée du programme [des F‑35] », la participation du Canada devrait contribuer à hauteur de plus de 16,9 milliards de dollars à l’économie du pays[55]. Troy Crosby et Mary Gregory, sous-ministre adjointe déléguée d’ISDE, Secteur de l’industrie, laissent entendre que la participation du Canada au programme des F‑35 a généré une activité économique évaluée à 3,5 milliards de dollars au pays.

Des témoins ont mentionné qu’il était nécessaire pour les entreprises canadiennes de défense de continuer à offrir à leurs employés une formation axée sur les compétences et financée par le gouvernement afin de disposer d’effectifs chevronnés, compétents et qualifiés, surtout en cette époque de changement technologique rapide. Dans les mémoires qu’ils ont présentés, Irving Shipbuilding et Seaspan Shipyards ont mis en évidence les initiatives de formation et de perfectionnement des compétences qu’ils offrent à leurs employés.

Dans son mémoire, Irving Shipbuilding décrit son programme Pathways to Shipbuilding, qui est offert en partenariat avec le Nova Scotia Community College. Le programme « est conçu pour recruter, former et maintenir en poste des personnes issues de groupes traditionnellement sous-représentés dans l’industrie de la construction navale au Canada », dont les femmes, les peuples autochtones et les Canadiens noirs[56]. De son côté, Seaspan Shipyards insiste, dans son mémoire, sur sa « mobilisation active auprès des communautés autochtones » et les possibilités qu’elle offre aux membres de ces communautés, « notamment en soutenant les PME autochtones et en les intégrant à sa chaîne d’approvisionnement ». L’entreprise y indique aussi qu’elle a « adopté une stratégie à plusieurs volets axée sur l’établissement de relations, l’éducation, l’investissement, l’approvisionnement et l’emploi ». Elle décrit le programme d’éducation et de formation pour les jeunes Autochtones au chantier naval de Vancouver, qui est offert en partenariat avec les Nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh, et elle souligne le partenariat qu’elle a conclu avec la Aboriginal Community Career Employment Services Society afin d’offrir de la formation à la communauté autochtone urbaine de Vancouver.

Créer une stratégie industrielle de défense

Des témoins ont demandé au Canada de mettre au point une stratégie industrielle de défense, à l’instar d’autres pays. Ces dernières années, l’Australie[57], le Danemark[58], le Royaume‑Uni[59], les États‑Unis[60] et d’autres pays alliés ont conçu des stratégies pour renforcer leur infrastructure industrielle de défense. De plus, en mars 2024, la Commission européenne a lancé une stratégie industrielle de défense à l’échelle de l’Europe afin de « parfaire la préparation de l’industrie de la défense dans l’Union européenne » et de répondre à « la guerre d’agression injustifiée déclenchée […] par la Russie contre l’Ukraine[61] ».

Tout en attirant l’attention sur l’absence de stratégie industrielle de défense au Canada, Alan Williams a indiqué que « nous n’avons pas au pays d’usine industrielle de défense du XXIe siècle » pour soutenir l’infrastructure industrielle de défense, mais « nous [en] avons besoin […] pour appuyer le genre d’industries qui, selon nous, devraient être mises de l’avant au Canada ». Selon lui, le Canada aurait déjà dû avoir mis au point une telle stratégie.

Par ailleurs, M. Perry a mentionné que l’élaboration d’une stratégie à long terme pour l’infrastructure industrielle de défense du Canada aurait des avantages. Il a déclaré ce qui suit :

Je pense qu’il y aurait un avantage important pour le Canada, de plusieurs façons, ainsi qu’une contribution à la base industrielle de défense plus vaste des alliés de l’OTAN. Le conflit en Ukraine prouve à maints égards que toute la capacité industrielle de l’OTAN en matière de défense nationale est insuffisante. Si le Canada augmentait sa contribution, cela profiterait non seulement à notre propre pays, mais aussi à nos alliés en général.

Mike Mueller a exhorté le gouvernement fédéral à concevoir une stratégie industrielle de défense qui créera un « environnement commercial » national qui favorisera des niveaux élevés d’investissement, « la création d’emplois de qualité » et l’amélioration du système de licences d’exportation actuel. Selon lui, dans le cadre de l’élaboration d’une telle stratégie, le gouvernement devrait envisager d’« établir de meilleures relations stratégiques avec l’industrie »; de « faire en sorte que les exigences correspondent mieux aux besoins »; d’« adapter les approches d’approvisionnement à la nature de l’acquisition »; « d’adopter une approche d’approvisionnement fondée sur les risques »; de « travailler ensemble [avec l’industrie] pour accroître la capacité d’approvisionnement du gouvernement ». En outre, il a affirmé qu’il faut établir de « nouveaux rapports » entre le gouvernement et l’industrie pour deux raisons : « améliorer la capacité d’approvisionnement » et « élaborer des mécanismes de mise en commun concernant les compétences, les talents et les approches de gestion des risques ».

Renforcer la coopération entre le gouvernement fédéral et l’industrie canadienne de la défense

Des témoins ont affirmé que les processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense pourraient être améliorés si le gouvernement fédéral et l’industrie canadienne de la défense discutaient et coopéraient plus souvent et plus tôt dans les processus. Éric Martel a préconisé un engagement proactif du gouvernement auprès de l’industrie, et, abondant dans le même sens, Richard Fadden a encouragé un « dialogue plus ouvert entre la fonction publique — en particulier — et le secteur privé ».

Par ailleurs, Mike Mueller a fait valoir que l’approvisionnement en matière de défense « devrait permettre une meilleure collaboration entre le gouvernement et l’industrie » de la défense du Canada, et qu’il devrait leur permettre « de se positionner par rapport aux besoins à venir sur le plan du travail, de l’innovation et de la défense ». Selon lui, le gouvernement et l’industrie devraient « mieux planifier » les processus d’approvisionnement en matière de défense; « une occasion unique » leur est offerte d’accroître leur collaboration « afin de peaufiner [les] approches et [les] processus d’approvisionnement ». M. Mueller a laissé entendre qu’une telle collaboration permettrait au gouvernement « de tirer parti [des] innovations et [des] forces [du Canada] sur le plan industriel pour répondre à ses besoins de plus en plus importants en matière de défense et de sécurité ».

Selon M. Taylor, le gouvernement fédéral et l’industrie canadienne de la défense ne devraient pas entretenir de « relation d’adversité ». Il a proposé que l’on établisse « un dialogue plus étroit » et un meilleur partenariat entre le gouvernement et l’industrie, affirmant que le gouvernement « connaît mieux les besoins » et que l’industrie « connaît mieux la technologie ». Dans le même ordre d’idée, Mme Ross a souscrit au resserrement de la relation entre le MDN et l’infrastructure industrielle de défense du Canada, décrivant cette relation comme étant essentielle « [p]our maintenir un juste équilibre entre le coût, les échéanciers et le rendement ». De plus, selon elle, les interactions devraient avoir lieu « aux premières étapes » des projets de défense, de sorte que l’industrie puisse avoir une idée claire de l’évolution des besoins, conseiller « ce qui est possible », fournir de l’information sur les capacités technologiques et, avant la rédaction des exigences, aider le gouvernement à envisager l’approvisionnement « sous un angle qui ne [lui] était pas venu à l’esprit ».

Étant du même avis, Richard Foster a affirmé que si on réunissait « suffisamment de chefs de l’industrie afin de tenir une discussion transparente [avec le gouvernement fédéral] avant un appel d’offres », on pourrait éviter de nombreux problèmes. Selon lui, le gouvernement a « tendance à délimiter les choses dès le départ, puis [à lancer] des demandes d’information » et à demander à l’industrie si elle est en mesure de satisfaire aux exigences, ce qui conduit à un processus de va-et-vient. M. Foster a également déclaré qu’il est d’une importance capitale que le gouvernement et l’industrie maintiennent une communication continue au sujet des processus et des projets d’approvisionnement en matière de défense.

Par ailleurs, Christyn Cianfarani a soutenu que l’industrie canadienne de la défense devrait participer aux efforts du gouvernement fédéral visant à réformer les processus d’approvisionnement en matière de défense. Selon elle, l’industrie comprend généralement bien comment fonctionne le système d’approvisionnement en matière de défense, et les entreprises qui soumissionnent des contrats sont bien placées pour faire des suggestions sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Alexander Jeglic a abondé dans le même sens, tout en laissant entendre que le gouvernement fédéral devrait lancer des discussions franches avec l’industrie, notamment au sujet de la capacité industrielle actuelle et future du Canada. Selon lui, l’établissement d’« une liste de projets fiable » par le gouvernement et l’industrie favoriserait de bonnes relations de travail et permettrait de trouver rapidement des solutions à certains problèmes liés aux processus et aux projets d’approvisionnement.

Simplifier les demandes de propositions

Des témoins ont souligné la nécessité de simplifier les DP pour les entreprises souhaitant soumissionner des contrats d’approvisionnement en matière de défense au Canada. Ils ont porté une attention particulière à la rigidité des exigences, au manque de souplesse des processus et au grand nombre de documents à soumettre. Michael Clark a souligné la nature complexe des exigences, précisant que si certaines sont « assez simples », d’autres sont assez complexes et se caractérisent par de nombreux « éléments mobiles ».

Dans le même ordre d’idées, Anne-Marie Thibaudeau a décrit le processus d’appel d’offres du Canada pour les contrats de défense comme étant « trop complexe et inutilement compliqué », ce qui fait que les entreprises doivent consacrer beaucoup de temps et d’argent à la préparation des soumissions. Selon elle, le gouvernement fédéral pourrait simplifier le processus en étant plus souple quant aux DP et en faisant en sorte « que l’industrie ait la responsabilité de montrer ce qu’elle peut faire dans le cadre d’un processus concurrentiel juste et ouvert ».

Par ailleurs, Éric Martel a déclaré que les DP sont beaucoup plus simples dans d’autres pays et a fourni l’exemple d’une DP remplie par Bombardier Inc. qui comptait 35 pages dans un autre pays et qui en aurait probablement compté « des centaines, voire des milliers » au Canada. Selon lui, des DP plus courtes permettent à l’entreprise d’entamer des discussions constructives avec le client au sujet du produit, ce qui lui « donne un peu de latitude et probablement la capacité d’offrir une solution à moindre coût ». En ce qui concerne les exigences plus détaillées se trouvant dans les DP liées à la défense au Canada, M. Martel a déclaré que les exigences dans de nombreux autres pays « ne s’appliquent pas aux moindres détails » et ne portent pas sur « la couleur du fil à un endroit donné, ni [sur] l’entreprise à laquelle nous achetons les boulons ». À son avis, ces autres pays veulent surtout que l’aéronef possède les capacités qu’ils recherchent et puisse effectuer les missions prévues.

Éric Martel a également affirmé que la conception de devis complexes, longs, détaillés et onéreux n’est pas un moyen efficace et efficient de faire des affaires. Selon lui, « s’il faut trois ou quatre ans [au gouvernement fédéral] pour élaborer un devis, il y a quelque chose qui ne va pas ». Il a soutenu que le gouvernement devrait simplifier les DP, donner à l’industrie une certaine souplesse et réduire le nombre de documents à soumettre dans le cadre d’un processus d’approvisionnement en matière de défense.

De son côté, Richard Fadden a fait valoir que le gouvernement fédéral « devrait de plus en plus se départir des documents d’exigences de 1 500 pages envoyés aux entreprises [et] devrait plutôt leur envoyer un document de 100 pages sur l’exigence de résultats ». Tout en constatant que certains alliés du Canada ont réduit le nombre d’exigences qu’ils imposent à l’industrie, M. Fadden a laissé entendre que le gouvernement continue de croire « qu’il faut énoncer chaque exigence détaillée à laquelle l’entreprise doit répondre ». À son avis, si le gouvernement « donne plus de flexibilité aux entreprises tout en leur indiquant clairement ce [qu’il] veut en fin de compte, [il] les incite à trouver des gains d’efficacité et des économies tout en obtenant le produit final ». De même, Alexander Jeglic a soutenu qu’il faudrait réduire le nombre de critères obligatoires dans les DP et se contenter de ceux qui sont essentiels, car des critères « trop restrictifs » dissuadent les entreprises de soumissionner.

Enfin, Yana Lukasheh a fait remarquer que les discussions entre le gouvernement fédéral et l’industrie au sujet des exigences devraient avoir lieu à l’étape préalable à la DP ou à l’étape préalable à l’approvisionnement, lorsque les exigences sont encore en train d’être définies. Selon elle, grâce à l’échange d’informations sur l’innovation, la recherche et le développement, les technologies émergentes et les pratiques exemplaires, une telle discussion « accélère presque fortuitement […] le processus d’approvisionnement, parce qu’une grande partie » des détails sur les produits et les solutions de l’industrie ont déjà fait l’objet de discussions avant la publication officielle de la DP.

Placer l’industrie canadienne de la défense sur un pied de guerre

Dans le contexte de la détérioration rapide de la situation en matière de sécurité internationale et des tensions croissantes entre l’OTAN et la Russie au sujet de l’invasion par cette dernière de l’Ukraine et de la guerre qui y fait toujours rage, des témoins ont proposé que l’on conçoive des plans pour préparer l’industrie de la défense du pays à la guerre et pour s’assurer que les entreprises canadiennes peuvent fabriquer rapidement et en grandes quantités une vaste gamme de produits de défense pour les FAC et les militaires des pays alliés en cas de guerre, d’urgence nationale ou de toute autre crise. Ils ont donc exhorté le gouvernement fédéral à réaliser des investissements importants dans l’état de préparation des industries de défense et à renforcer les capacités de production de l’infrastructure industrielle de défense du Canada.

Depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, le chef d’état-major de la défense du Canada et le président de l’AICDS ont vivement recommandé au gouvernement fédéral d’envisager de placer l’industrie de la défense du pays sur un pied de guerre et d’accroître la production canadienne d’équipement militaire[62]. Or, Christyn Cianfarani a fait observer que, depuis le début de la guerre, le gouvernement n’a pas agi en ce sens, alors qu’il pourrait et devrait le faire « au moyen de contrats fermes soutenus » pour une large gamme de produits de défense. Selon elle, en raison à la fois de la détérioration du contexte de sécurité internationale ces dernières années et des progrès rapides des technologies militaires, il est urgent de reconstituer les FAC. Aussi, le fait que les pays de l’OTAN ont de plus en plus besoin d’armes et d’équipements militaires pour approvisionner l’Ukraine et reconstruire leurs propres forces armées est, « [p]our le Canada, […] le moment — ce que nous n’avons pas vu depuis des décennies — d’aller de l’avant et de faire des investissements de longue durée dans sa propre capacité à assumer sa part du fardeau collectif ».

De même, dans un document présenté au Comité, l’AICDS soutient que « l’invasion de l’Ukraine par la Russie a changé la donne en ce qui concerne les besoins de production de la défense des alliés ». L’AICDS a également fait valoir que « le retour d’un conflit de grande intensité a entraîné une préférence pour la quantité et la portée de certains équipements et systèmes de défense, et un éloignement de celle pour l’efficacité, que l’on avait depuis la fin de la guerre froide[63] ».

De plus, Christyn Cianfarani a laissé entendre que le gouvernement fédéral et les Canadiens doivent « commencer à considérer notre industrie de défense de la même façon que nos alliés considèrent la leur — c’est-à-dire comme une composante fondamentale de la sécurité nationale et un outil collectif de dissuasion ». Dans ce contexte, elle a soutenu que la « négligence » dont souffre l’industrie de la défense du pays « doit être remplacée par une nouvelle approche et un nouvel engagement » si le Canada veut continuer d’« apporter une contribution significative à l’Ukraine, à l’OTAN et à [ses] alliés » et s’assurer « que nous sommes partie prenante dans les occasions économiques qui se présentent ». Abondant dans le même sens, Richard Foster a souligné que la situation de guerre actuelle exige « un approvisionnement plus rapide et plus efficace ».

Selon M. Perry, le Canada sous-utilise son infrastructure industrielle de défense, et des investissements plus importants sont nécessaires dans les capacités industrielles de défense si l’on veut acquérir des systèmes d’armes et d’autres équipements militaires pour les FAC et les forces armées de nos alliés de l’OTAN, surtout parce que les pays de l’OTAN, individuellement et collectivement, n’ont pas une capacité de production suffisante « pour répondre aux demandes de l’Ukraine et nous rééquiper, nous et nos alliés ». En particulier, la guerre que mène la Russie contre l’Ukraine et le soutien de l’OTAN à l’Ukraine ont accru la demande pour des systèmes d’armes et d’autres équipements militaires dans les pays de l’OTAN, dont le Canada[64]. Selon M. Perry, il est possible de « mieux utiliser notre propre capacité de production nationale ».

M. Lagassé, Mme Ross et M. Taylor ont souligné l’importance pour le Canada de l’état de préparation des industries de défense et du développement de capacités adéquates pour produire rapidement et en grande quantité des produits liés à la défense. Ils ont fait remarquer qu’en France, au Royaume‑Uni, aux États‑Unis et dans d’autres pays du monde, l’état de préparation des industries de défense fait partie intégrante des processus d’approvisionnement en matière de défense, les investissements dans l’infrastructure industrielle de défense du pays revêtant de l’importance pour des raisons de sécurité nationale et économiques.

M. Lagassé a attiré l’attention sur le « système nationalisé d’approvisionnement en matière de défense » de la France et la mesure dans laquelle ce pays « investit massivement dans le maintien de son industrie nationale de la défense, et ce, à grands frais ». L’infrastructure industrielle de défense bien établie de la France tend à favoriser la conception, le développement et la production de la plupart des navires de guerre de surface, des sous‑marins, des aéronefs de combat, des chars, des véhicules blindés et automobiles, des armes à feu, des missiles et d’autres équipements militaires dont les forces armées du pays ont besoin. L’industrie de la défense du pays est l’une des plus importantes du monde et exporte des produits de défense. Les entreprises qui en font partie sont en mesure de fabriquer au pays presque tous les types de systèmes d’armes nécessaires, quelle que soit leur complexité. Selon la Direction générale de l’armement, qui est l’agence française centrale d’approvisionnement de la défense, l’industrie de la défense du pays est considérée comme étant une « industrie stratégique » dont la mission première est de fournir à la France une « autonomie industrielle » et la « souveraineté » pour équiper ses forces armées[65].

Selon M. Lagassé, pour maintenir son infrastructure industrielle de défense forte et prête à répondre aux besoins urgents, le gouvernement de la France a depuis des décennies réalisé d’importants investissements dans les capacités des entreprises de défense du pays. À titre d’exemple, il a indiqué que le gouvernement de la France avait récemment commandé à Dassault Aviation « quelques avions Rafale » seulement pour « maintenir la chaîne de production », car il est « important de maintenir cette industrie à l’échelle nationale » pour des raisons de sécurité nationale et économiques. En outre, M. Lagassé a soutenu que le gouvernement de la France fait activement la promotion des produits de défense fabriqués sur le sol français dans le monde entier, dans un effort pour garantir des ventes à l’exportation, ce qui permet à l’infrastructure industrielle de défense de poursuivre ses opérations.

De son côté, M. Taylor a souligné que l’autonomie dans la production industrielle de défense revêt de l’importance pour le gouvernement du Royaume-Uni, et son industrie de la défense, puisque celui‑ci « veut se présenter comme une grande puissance internationale indépendante sur le plan opérationnel », ce qui exige de lui qu’il ne dépende pas « entièrement ou outre mesure d’un fournisseur étranger ». Selon M. Taylor, la guerre en Ukraine « a mis en évidence l’importance des chaînes d’approvisionnement dans la capacité de défense » du Royaume‑Uni et la nécessité pour ce dernier de pouvoir compter sur une solide infrastructure industrielle de défense pour veiller à ce que ses forces armées puissent être le plus autonomes possible sur le plan militaire, en particulier en temps de crise.

Mettant l’accent sur l’état de préparation des industries de défense aux États‑Unis, Mme Ross a mentionné que le pays accorde « une grande importance » à ses « installations et capacités de production » pour soutenir ses forces armées.

Reconnaissant la détérioration rapide du contexte de la sécurité internationale, Mme Ross a encouragé le Canada et ses alliés à compter davantage sur leur infrastructure industrielle de défense et à favoriser « l’innovation à l’échelle nationale ». Elle a déclaré ce qui suit :

[L]’une de nos plus grandes forces dans le monde occidental est que nous disposons d’une incroyable innovation dans le domaine de l’ingénierie et d’un grand nombre de scientifiques et de talents technologiques dont nous devons tirer parti. […] Lorsque nous regardons nos adversaires proches, nous constatons qu’ils ne disposent pas d’autant de talents. Il nous faut donc nous assurer que nous tirons parti de ces talents tant que nous le pouvons, avant que ces autres forces ne nous rattrapent.

Favoriser les technologies et les produits fabriqués au Canada

Tout en proposant que le MDN et les FAC accroissent leur dépendance à l’égard de l’infrastructure industrielle de défense du Canada, les témoins les ont encouragés à favoriser les produits de défense fabriqués au pays et à promouvoir les technologies de défense nationales. Mike Mueller et Christyn Cianfarani, ainsi qu’Irving Shipbuilding, Seaspan Shipyards et Davie, dans les mémoires qu’ils ont présentés au Comité, ont souligné l’importance stratégique et économique de l’achat de produits de défense nationaux afin de favoriser une infrastructure industrielle de défense canadienne forte en mesure de fournir aux FAC l’équipement dont elles ont besoin sans dépendre entièrement de fournisseurs étrangers.

En particulier, Seaspan Shipyards souligne, dans son mémoire, la mesure dans laquelle la Stratégie nationale de construction navale a permis d’établir des capacités stratégiques de construction, de réparation et de remise en état de navires sur les côtes est et ouest du Canada, et a indiqué que ces capacités sont « importantes pour notre pays » d’un point de vue stratégique et économique. L’entreprise y mentionne également que la Stratégie nationale de construction navale a facilité la mise en place d’un « chantier naval et [d’]un écosystème maritime à la fine pointe de la technologie » qui ont la capacité de construire des navires au Canada afin de répondre aux besoins actuels et futurs de la Marine royale canadienne et de la Garde côtière canadienne.

De plus, Seaspan Shipyards y met en évidence les avantages économiques pour le Canada de la production de navires au pays, soulignant, par exemple, que la Stratégie nationale de construction navale lui a permis d’apporter une contribution de 3,9 milliards de dollars au PIB du Canada en 11 ans et de maintenir ou de créer « 5 300 emplois par année ». Elle ajoute que, grâce au travail qu’elle accomplit dans le cadre de cette Stratégie, elle a attribué « des contrats d’une valeur de 2,4 milliards de dollars à plus de 700 fournisseurs canadiens dans toutes les régions du Canada », dont plus des deux tiers sont des petites ou moyennes entreprises. Elle prévoit enfin que sa « contribution continue » au PIB du Canada s’élèvera à 16,5 milliards de dollars au cours des 12 prochaines années grâce aux contrats qu’elle obtiendra au titre de la Stratégie nationale de construction navale.

De même, Irving Shipbuilding et Davie ont aussi souligné dans leur mémoire respectif leur contribution au PIB du Canada dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale. Selon SPAC, de 2012 à 2022, le gouvernement fédéral a accordé des contrats d’une valeur de près de 24,83 milliards de dollars dans le cadre de cette Stratégie au secteur canadien de la construction navale[66].

Dans un document présenté au Comité, l’AICDS exhorte le gouvernement fédéral à tirer plus efficacement parti des « outils d’approvisionnement » afin de favoriser l’acquisition de technologies de défense fabriquées au Canada par rapport à des options étrangères similaires. Elle y soutient qu’il existe « de nombreux instruments de politique » qui pourraient « assurément être utilisés » pour les achats de produits de défense pour les FAC, ce qui permettrait au gouvernement d’accélérer les approvisionnements et/ou d’accroître ou de privilégier la participation des industries canadiennes tout en respectant les obligations commerciales internationales du pays[67]. L’AICDS fournit des exemples de tels instruments de politique dans son document.

Tout en attirant l’attention sur ces instruments de politique, l’AICDS souligne les exceptions relatives à la sécurité nationale, qui permettent au Canada « de soustraire un achat d’une partie ou de la totalité des obligations prévues dans un accord commercial, lorsqu’il est jugé nécessaire de protéger les intérêts de sécurité nationale ». Selon le document qu’elle a présenté au Comité, les exceptions relatives à la sécurité nationale donnent « plus de souplesse pour privilégier les fournisseurs canadiens[68] ». Le document fait aussi état de la Politique sur le contenu canadien, « une politique autorisée par le Cabinet » qui « encourage le développement des entreprises canadiennes en limitant, dans des circonstances particulières, la concurrence pour les marchés publics aux fournisseurs de biens et services canadiens ». L’AICDS y affirme que « si deux entreprises canadiennes ou plus peuvent fournir le bien en question, la concurrence peut se limiter aux entreprises canadiennes[69] ».

Investir dans de nouvelles capacités industrielles de défense

Des témoins ont souligné la nécessité de développer de nouvelles capacités industrielles de défense au Canada, notamment par l’innovation et l’investissement dans la recherche et le développement en défense. Richard Foster a proposé que le gouvernement fédéral investisse davantage dans la recherche et le développement en défense et qu’il travaille avec l’industrie, d’une manière plus intégrée, à l’élaboration de nouvelles capacités industrielles de défense et de nouveaux produits de défense au Canada. Il a en outre souligné que ces investissements en recherche et développement au Canada « devraient être plus ciblés et à plus long terme et ils devraient soutenir les capacités qui ont les meilleures chances de réussir dans un marché mondial concurrentiel ». Selon Anessa Kimball, une chose que le Canada ne fait pas suffisamment bien est de penser à la façon dont le pays peut faire plus de recherche et de développement en défense.

Or, reconnaissant que le Canada pourrait mieux utiliser ses capacités industrielles de défense, Karen Hogan a fait valoir que « [t]out ce dont les [FAC] ont besoin ne peut pas être construit au Canada ». Elle a ainsi rappelé qu’il faudrait accorder la priorité à ce qui, d’un point de vue stratégique, « devrait être construit au Canada et [à] ce qui devrait être acheté à l’extérieur du Canada » et, à la suite de consultations entre le gouvernement fédéral et l’industrie, au choix stratégique des capacités industrielles de défense qui devraient exister au pays.

Cela dit, Mme Ross a fait observer qu’il faut du temps pour développer de nouvelles capacités industrielles de défense et que « l’industrie ne peut pas tourner en un clin d’œil ». Selon elle, il ne faut ménager aucun effort pour maintenir et soutenir les capacités de production de défense actuelles du Canada, car il peut être très difficile d’accélérer la production d’un bien qui a été interrompue ou qui a été ralentie, et le démarrage d’une capacité de production ou d’une installation peut prendre de 18 mois à deux ans et peut-être même plus pour des systèmes d’armes aussi complexes que les chasseurs, les navires de guerre et les sous‑marins. Dans les mémoires qu’ils ont présentés, Irving Shipbuilding, Seaspan Shipyards et Davie ont fait remarquer que, dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale, le Canada a mis plus d’une décennie à reconstruire complètement ses capacités de construction navale en éliminant le cycle « d’expansion et de ralentissement » de la construction navale au pays et en reconstituant les flottes de la Marine royale canadienne et de la Garde côtière canadienne.

M. Lagassé a qualifié la Stratégie nationale de construction navale de bon exemple du type de décision, d’orientation et de financement stratégiques que le gouvernement fédéral peut prendre, fournir et accorder pour favoriser le développement de nouvelles capacités industrielles de défense au Canada. Selon lui :

[La Stratégie nationale de construction navale s’accompagne d’une] pression politique […] pour maintenir les chaînes de production. Dans certains cas, les coûts augmentent et la capacité est réduite, mais au bout du compte, les navires sont construits au Canada; le Canada a l’expertise et sait qu’il peut se fier au constructeur naval. Tout cela se résume à des compromis.

Christyn Cianfarani a pour sa part souligné que les décisions stratégiques du gouvernement fédéral concernant la production de défense devraient toujours être prises en consultation avec l’industrie. Tout en faisant remarquer que « [l]es entreprises auront besoin de temps pour accroître la production », elle a fait valoir que si le gouvernement souhaite vraiment développer de nouvelles capacités industrielles de défense au Canada, il doit conclure des « contrats fermes, exécutoires et signés » avec l’industrie. M. Perry a donné un exemple du temps qu’il faut pour développer de nouvelles capacités au Canada, attirant l’attention sur la « pénurie chronique » qui sévit actuellement dans la production de munitions au Canada. Reconnaissant que les États‑Unis et d’autres alliés de l’OTAN « se mobilisent » pour produire des munitions, il a soutenu que la « capacité de production de munitions » du Canada demeure « sous-utilisée » et qu’elle pourrait et devrait être augmentée.

Le général Wayne D. Eyre, chef d’état-major de la défense, a déclaré qu’en date du 28 septembre 2023, le Canada produisait 3 000 obus d’artillerie M107 de 155 millimètres tous les mois, un nombre insuffisant pour répondre à la demande et inchangé depuis le début de la guerre en Ukraine. Troy Crosby a indiqué que le MDN a « travaillé » avec les entreprises canadiennes de défense à « mettre en place une capacité de production supplémentaire » pour les obus M107 et a également conclu un contrat pour « effectuer le travail de conception [et de génie] détaillé[s] requis afin que les entreprises puissent établir [une] capacité de fabrication au Canada » pour un nouveau type d’obus de 155 millimètres plus avancé : le M795. Il a souligné que le M795 n’est pas produit au pays à l’heure actuelle, bien que des travaux sont « en cours » pour préparer l’industrie à sa fabrication. Le général Eyre a expliqué que l’obus M107 est plus ancien et moins exact que l’obus M795, qui a une portée plus longue de cinq kilomètres, est plus précis et a un « rayon de destruction » plus grand. Selon lui, l’obus « M107 fonctionnera toujours, mais pas aussi bien que [l’obus] M795 ». Il a ajouté que le M795 est considéré comme une « munition opérationnelle » et que les FAC préfèrent l’« utiliser dans les opérations ».

De l’avis des témoins, comme la demande d’obus M795 ne cesse d’augmenter à cause de la guerre en Ukraine, il est urgent d’en commencer la production au Canada. Toutefois, Troy Crosby a averti que le développement d’une capacité nationale de production d’obus M795 prendra du temps et qu’une fois le travail d’ingénierie détaillé terminé, l’industrie devra fournir au MDN « des estimations de coûts et des calendriers substantiels » avant que les contrats de production puissent être signés et que les entreprises puissent établir les chaînes de montage. Il a ajouté que, d’après les « renseignements que l’industrie […] a fournis au départ » au MDN, le délai entre la signature des contrats et l’établissement de la capacité de production est de l’ordre de trois ans.

Examiner la Politique des retombées industrielles et technologiques (RIT)

Des témoins ont parlé de la Politique des retombées industrielles et technologiques (RIT), qui a été annoncée dans le cadre de la Stratégie fédérale d’approvisionnement en matière de défense de 2014 et qui visait à remplacer la Politique des retombées industrielles et régionales (RIR), qui continue de s’appliquer aux contrats de défense signés avant l’introduction de la Stratégie d’approvisionnement en matière de défense. Ce qui distingue la Politique des RIR de la Politique des RIT, c’est que les investissements effectués au titre de la première sont axés sur les régions, et ceux effectués au titre de la deuxième sont axés sur les technologies qui revêtent une importance stratégique pour le Canada et son industrie de la défense. ISDE coordonne et gère la Politique des RIT[70].

À l’instar de la Politique des RIR, la Politique des RIT permet au gouvernement fédéral d’utiliser les contrats d’approvisionnement en matière de défense pour optimiser les retombées économiques, industrielles et technologiques dans le pays. Les entrepreneurs sont toujours tenus d’investir un montant égal à 100 % de la valeur du contrat au Canada. Les entreprises qui soumissionnent des contrats de défense sont maintenant cotées et évaluées en fonction de la valeur des retombées économiques, industrielles et technologiques attendues, ou de leur « proposition de valeur ». La Politique des RIT s’applique à tous les projets d’approvisionnement en matière de défense de plus de 100 millions de dollars, bien que les projets de 20 à 100 millions de dollars fassent l’objet d’un examen afin de déterminer si une évaluation de la proposition de valeur devrait également s’y appliquer[71]. Lancé pour la première fois en 2014, le Guide sur la proposition de valeur fournit des conseils sur l’approche fédérale visant à optimiser les retombées économiques, industrielles et technologiques dans le cadre de la Politique des RIT. La dernière version du Guide a été publiée en mai 2022[72].

Selon ISDE, en 2022, on comptait 99 projets de RIT en cours dont les obligations économiques de RIT s’élevaient au total à près de 48,1 milliards de dollars. ISDE estime que la Politique des RIT crée près de 44 700 emplois au pays et contribue annuellement à hauteur de plus de 5,0 milliards de dollars au PIB du Canada. Plus de 730 entreprises canadiennes ont obtenu des contrats dans le cadre de projets de RIT, dont près de 65 % sont des petites et moyennes entreprises[73].

Christyn Cianfarani a décrit la Politique des RIT comme étant un instrument fédéral « qui est utilisé pour obtenir un contenu canadien ou une participation canadienne dans le cadre du processus d’approvisionnement » et a laissé entendre qu’il « devrait plutôt représenter un moyen d’encourager et de renforcer la production nationale ». Elle a aussi parlé des capacités industrielles clés (CIC) de la Politique des RIT, un outil permettant d’établir les priorités dans lesquelles l’industrie canadienne devrait se spécialiser et dans lesquelles le gouvernement fédéral pourrait privilégier plus fermement l’offre souveraine nationale[74]. Mme Cianfarani a expliqué que pour « garantir une production adéquate et durable », de nombreux gouvernements étrangers concluent des « accords d’approvisionnement stratégiques » avec leurs entreprises nationales qui investissent dans des CIC jugées importantes du point de vue économique et sécuritaire. Selon elle, le Canada devrait adopter la même approche concernant les CIC de la Politique des RIT[75].

Certains témoins ont salué les retombées économiques, industrielles et technologiques de la Politique des RIT, mais d’autres ont mis en doute la nécessité d’appliquer la politique à la plupart des grands contrats d’approvisionnement en matière de défense au Canada. Richard Fadden a soutenu que, dans certains cas, les exigences liées aux RIT ne devraient pas être prises en considération, par exemple lorsque les FAC ont besoin de systèmes d’armes et d’autres équipements militaires de toute urgence. Selon lui, même s’il ne faut pas « dissocier l’approvisionnement » des exigences liées aux RIT « dans chaque cas », il « faut commencer en acceptant le fait que, dans certains cas, l’acquisition de matériel de défense est plus importante que le développement économique régional ». M. Fadden s’est dit pour l’élaboration de « critères qui permettraient de ne pas tenir compte des questions liées au développement régional » et a soutenu que ces critères devraient être examinés de manière ouverte, transparente et publique.

Anessa Kimball a quant à elle fait valoir qu’on accélérerait les processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense si on n’avait pas la Politique des RIT. Elle a affirmé que l’obligation pour les fournisseurs d’investir une partie de la valeur de leurs contrats d’approvisionnement de défense dans l’économie nationale par l’intermédiaire de programmes de compensation – comme la Politique des RIT – rend « plus complexe la production des biens dont la Défense a besoin » et crée des « retards » dans la livraison de produits de défense essentiels aux FAC, ce qui influe sur leur état de préparation. Pour Anessa Kimball, la Politique des RIT fait en sorte que « le Canada gaspille du temps et des ressources ».

Les témoins ont fait état de leurs préoccupations quant à l’application de la Politique des RIT. Le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, a rappelé certaines constatations figurant dans son rapport de mai 2022 sur la Politique des RIT[76], notamment celle selon laquelle bon nombre des retombées « profit[ent] à des domaines n’étant pas directement reliés à la politique de défense », ce qui « suggère que les dépenses ou les investissements qui remplissent les critères des retombées industrielles seraient probablement faits de toute façon, ou ne s’ajouteraient pas à ce qui se ferait en l’absence de cette politique ». Selon lui, « [l]a majorité de ces retombées industrielles et technologiques concern[e] de grandes entreprises », et « [u]ne proportion de moins de 20 % des retombées industrielles et technologiques [va] aux petites et moyennes entreprises ».

M. Giroux a également déclaré dans son rapport de mai 2022 que même si on accorde des « crédits » aux entreprises « si elles dépensent dans des catégories à valeur élevée, comme l’enseignement postsecondaire et la recherche et le développement », « une proportion d’environ 5 % [des transactions de RIT] a été effectivement dépensée dans ces catégories ». Selon lui, « la [P]olitique des RIT ne fonctionne peut-être pas entièrement comme prévu » dans les « secteurs de grande valeur ».

Certains témoins ont mentionné que d’autres examens de la Politique des RIT devraient avoir lieu à l’avenir. Alexander Jeglic fait observer que le Bureau de l’ombud de l’approvisionnement ne s’est pas encore penché sur la Politique.

Développer des marchés d’exportation liés à la défense

Les témoins ont encouragé le gouvernement fédéral à intensifier et à favoriser les exportations de l’industrie canadienne de la défense, tout en mentionnant que le marché intérieur est trop petit pour que les entreprises justifient les investissements importants nécessaires à la conception et/ou à la production de systèmes d’armes et d’autres équipements militaires au Canada. Ils ont laissé entendre que pour que la production nationale soit économiquement viable, l’industrie de la défense du pays doit pouvoir compter sur les ventes intérieures et à l’exportation. M. Lagassé a précisé que « [c]’est une bonne chose d’acheter au Canada lorsque la situation le permet », tout en faisant observer que le Canada ne produit pas tous les types de systèmes d’armes et d’équipements militaires dont les FAC ont besoin.

M. Lagassé a supposé que si le gouvernement fédéral souhaite respecter les priorités stratégiques et nationales en matière de sécurité en développant de nouvelles capacités de production pour certains types de produits de défense et s’il souhaite demander aux entreprises de l’industrie canadienne de la défense de fabriquer ces produits au pays pour les FAC, il peut difficilement les convaincre « de consentir des investissements pour un produit que [les FAC ne vont] acquérir qu’en quantité très limitée ». Selon lui, pour rendre ces investissements rentables, ces entreprises doivent aussi « écouler ces biens sur les marchés étrangers » afin de compléter les commandes des FAC.

Depuis des décennies, les entreprises canadiennes de défense exportent vers les États‑Unis, d’autres alliés de l’OTAN et d’autres pays. Le plus récent rapport d’Affaires mondiales Canada sur les exportations de biens militaires indique que « la valeur des exportations canadiennes de marchandises et de technologies militaires contrôlées vers des destinations autres que les États‑Unis » s’est élevée à plus de 2,12 milliards de dollars en 2022. L’Europe a été la principale destination de ces produits[77]. En outre, les exportations de produits de défense canadiens vers les États‑Unis ont été considérables, en partie à cause des accords de coopération en matière d’approvisionnement de la défense entre le Canada et les États‑Unis, qui intègrent les infrastructures industrielles de défense des deux pays[78].

M. Lagassé a souligné l’appui que la Corporation commerciale canadienne (CCC), une société d’État fédérale, fournit aux entreprises canadiennes de défense pour l’exportation de leurs produits. Établie en 1946, la CCC aide les entreprises canadiennes à obtenir des contrats de défense évalués à des milliards de dollars avec des gouvernements étrangers[79].

Des témoins ont dit que le gouvernement fédéral pourrait faire de plus grands efforts pour favoriser les exportations de produits de défense canadiens, en particulier ceux qui ont trait à la construction navale. Dans le mémoire qu’elle a présenté au Comité, la Davie décrit la Stratégie nationale de construction navale comme étant « un programme hautement louable, nécessaire et générationnel » pour reconstruire les flottes de la Marine royale canadienne et de la Garde côtière canadienne. Elle y affirme aussi toutefois que la Stratégie « ne doit pas être perçu[e] comme la “solution miracleˮ » et que « ce type de projet est essentiel pour briser le cycle “d’expansion et de ralentissementˮ [de la construction navale] au Canada » et y développer « une industrie d’exportation ». Elle y soutient en outre que « pour être efficaces, les projets de construction navale nationaux doivent être considérés comme une charge de travail de base afin de créer la stabilité nécessaire pour développer le genre de possibilités d’exportation durable et concurrentielle qui font prospérer les chantiers navals européens ».

De plus, dans son mémoire, la Davie propose que le Canada s’inspire du Royaume‑Uni, qui a récemment revu sa stratégie nationale de construction navale de manière à mettre « fortement l’accent sur la création d’un “plan de sortieˮ pour l’industrie [de la construction navale britannique] afin d’assurer la poursuite des travaux sur les chantiers navals une fois que tous les navires requis au pays auront été construits », notamment par la construction de « navires à des prix concurrentiels dès maintenant afin de mettre au point un produit exportable plus tard[80] ».

Toutefois, certains témoins ont appelé à la prudence dans la conquête de nouveaux marchés d’exportation pour les produits de défense canadiens, soulignant les inconvénients de ces exportations. M. Lagassé a déclaré que les ventes d’équipement militaire à l’étranger peuvent être risquées, en particulier lorsque les produits de défense sont exportés vers des pays où un régime dictatorial est en place ou où l’on porte atteinte aux droits de la personne, ou lorsqu’ils sont réexportés vers des zones de guerre ou des États sous embargo.

Selon Cesar Jaramillo, il faut maintenir un équilibre entre une infrastructure industrielle de défense « saine » et « des exportations d’armes responsables », ainsi qu’entre le soutien des industries nationales et le respect des obligations juridiques et éthiques. Reconnaissant qu’il « faut absolument préserver la fiabilité de l’industrie », M. Jaramillo a encouragé le Canada à « faire preuve de prudence s’il dépend d’exportations douteuses d’armes pour arriver à cet objectif, que ce soit en raison d’une stratégie, d’un règlement sur le contrôle des exportations mal appliqué, d’une inertie ou d’une combinaison de ces facteurs ». Selon lui, la volonté du Canada à favoriser un commerce responsable des armes et des contrôles à l’exportation efficaces « doit demeurer inébranlable », et le pays doit « veiller à ce que [ses] exportations ne contribuent pas par inadvertance à l’instabilité mondiale ou aux violations des droits de la personne ». M. Jaramillo a fait observer que le Canada est partie au Traité sur le commerce des armes et a des obligations juridiques à cet égard, tout en indiquant qu’« il existe aussi des contrôles d’exportation nationaux [qu’il] doit respecter lorsqu’il prend des décisions en matière d’exportation ».

De plus, Cesar Jaramillo a soutenu qu’à une époque où les progrès technologiques sont rapides, le Canada devrait établir de manière proactive des « balises normatives à l’égard des nouvelles technologies » afin d’empêcher de possibles violations des droits de la personne et des utilisations abusives. Reconnaissant que l’innovation technologique sera un « élément de plus en plus crucial » de l’approvisionnement des FAC en matière de défense dans les années à venir, il a affirmé qu’il était « tout aussi important » d’établir un « cadre réglementaire qui respecte les droits des Canadiens, les normes internationales et la reddition de comptes ». Enfin, M. Jaramillo a soutenu qu’« [i]l est tout à fait nécessaire de maintenir une base industrielle saine et fiable ici au Canada », mais il a également affirmé que les armes canadiennes ont récemment été exportées vers « des régimes autoritaires et à des utilisateurs louches » et a laissé entendre que les produits de défense fabriqués au Canada sont « utilisés à mauvais escient » par certains pays.

Conclusions et recommandations du Comité

Au cours des dernières décennies, un certain nombre de ministères et d’organismes fédéraux ayant des rôles et des responsabilités précis ont participé à l’approvisionnement du Canada en matière de défense. Au départ, cette approche visait à tirer le maximum des ressources, à réaliser d’importantes économies de coûts et à gagner en efficacité sur le plan administratif. Toutefois, les processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense ont été confrontés à de plus en plus de problèmes au fil du temps. Parmi ces problèmes figurent les obstacles bureaucratiques, leur complexité croissante, l’aversion au risque au sein de la fonction publique, les pénuries de personnel, la politisation de l’approvisionnement en matière de défense, le manque de transparence et de reddition de comptes, ainsi que les retards et les dépassements de coûts liés aux principaux projets d’approvisionnement en matière de défense.

Pour résoudre les problèmes qui nuisent à l’approvisionnement en matière de défense au Canada, il faudra trouver toute une gamme de solutions. Le Comité souligne qu’il faut choisir et mettre en œuvre des solutions en portant une attention particulière à la satisfaction des besoins opérationnels des FAC – de manière rapide et rentable, ainsi qu’avec des moyens militaires de la plus haute qualité possible – dans un contexte où la sécurité internationale évolue et se détériore rapidement. Le Canada a besoin d’un système d’approvisionnement en matière de défense efficace au titre duquel les principaux projets d’approvisionnement en matière de défense sont exécutés en temps opportun grâce à des effectifs de défense stables, hautement qualifiés et chevronnés. Le pays a également besoin d’une solide infrastructure industrielle de défense, ainsi que de capacités de défense améliorées en mesure de s’adapter rapidement aux menaces nouvelles et émergentes.

La complexité des processus d’approvisionnement du Canada en matière de défense influe non seulement sur l’exécution des projets de défense dans le respect des délais et les limites du budget, mais aussi sur la transparence et la surveillance à leur égard. Le Comité a découvert les avantages d’une meilleure transparence et d’une meilleure surveillance de ces processus, de la conception à la mise en œuvre, et se dit pour un meilleur accès à l’information sur les décisions, les politiques et les budgets fédéraux relatifs aux projets de défense. Les parlementaires, les entreprises canadiennes de défense, le public et les autres intervenants devraient avoir une compréhension claire des dizaines, voire des centaines de mesures que les divers ministères et organismes fédéraux prennent relativement à ces projets, et l’information sur leur état, y compris leurs coûts et leurs échéanciers, devrait être facilement accessible. Cela dit, une plus grande transparence et une plus grande surveillance ne devraient pas compromettre la capacité des FAC à acquérir les biens militaires dont elles ont besoin, au moment où elles en ont besoin.

Au Canada, un des rôles du pouvoir législatif est d’examiner les décisions prises par le pouvoir exécutif, notamment en ce qui concerne les processus et les projets d’approvisionnement en matière de défense. En tant que parlementaires, les membres du Comité sont conscients des limites de leur accès à l’information dont ils ont besoin pour s’acquitter de leurs responsabilités envers ceux qu’ils représentent. Par exemple, la plupart des parlementaires canadiens n’ont pas d’habilitation de sécurité de haut niveau, ce qui rend accroît la difficulté de leur travail en ce qui concerne l’approvisionnement en matière de défense.

Enfin, la guerre en Ukraine et la détérioration continue du contexte de la sécurité internationale ont amené le Canada et ses alliés à avoir besoin de plus de biens militaires pour faire face aux menaces existantes, nouvelles et émergentes. Le Comité reconnaît que les FAC ont des obligations nationales et internationales – y compris au sein de l’OTAN – dont il faut tenir compte dans la prise de décisions à l’égard des budgets et de l’approvisionnement, et d’autres décisions. Un système d’approvisionnement en matière de défense fiable, adapté et simplifié est nécessaire pour appuyer la capacité des FAC de remplir leurs obligations, d’assurer leur état de préparation opérationnelle et d’améliorer leur interopérabilité avec les forces armées des alliés, en particulier les autres pays de l’OTAN.

À la lumière de ce qui précède, le Comité recommande :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada passe en revue et schématise à l’interne le processus d’approvisionnement en matière de défense du début à la fin, dans tous les ministères et organismes concernés, afin de simplifier les lignes directrices du Secrétariat du Conseil du Trésor et de supprimer les points de chevauchement.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada crée un secrétariat au sein du Bureau du Conseil privé où travailleront tous les fonctionnaires concernés par les approvisionnements en matière de défense et qu’il s’assure que ces approvisionnements demeurent une priorité absolue pour le Cabinet du premier ministre.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada dépolitise les décisions en matière d’approvisionnement et accroisse les chances qu’elles survivent aux changements de gouvernement en restructurant le processus d’approvisionnement de manière à permettre aux spécialistes d’établir une politique d’approvisionnement qui fera l’objet d’un examen périodique par le Parlement.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada augmente le financement de la défense pour qu’il corresponde aux priorités de défense prévues et énoncées dans les politiques de défense du Canada.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada honore ses engagements envers ses alliés de l’OTAN et respecte l’objectif que s’est fixé cette dernière de porter les dépenses en matière de défense à 2 % du PIB.

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada accorde la priorité aux initiatives visant à maintenir un investissement minimal de 20 % dans les projets d’immobilisations, tels qu’ils sont définis au titre des obligations minimales de l’OTAN énoncées dans l’engagement pris par les États membres au pays de Galles en 2014.

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada examine l’établissement des coûts du cycle de vie de l’approvisionnement afin de s’assurer que le processus pour les soumissionnaires étrangers tient compte des conclusions pertinentes des organismes de vérification internationaux.

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada reconnaisse le danger posé par les nouvelles menaces géopolitiques, l’urgence connexe de remplacer les plateformes vieillissantes et/ou obsolètes, comme les navires pour la surveillance et la sécurité dans l’Arctique, et la nécessité de suivre sans tarder l’évolution de la technologie et des nouvelles plateformes, comme les drones, et qu’il prenne des mesures concrètes pour accélérer les approvisionnements.

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada passe d’un modèle transactionnel d’approvisionnement pour les grandes plateformes, comme les navires et les aéronefs, à un modèle de remplacement continu dans le cadre duquel les nouvelles générations de plateformes sont conçues et prêtes à être livrées avant que les modèles actuels n’arrivent à la fin de leur vie utile.

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada signe des contrats fermes avec l’industrie canadienne de la défense pour la production de l’équipement lié au conflit en Ukraine et le rééquipement des Forces armées canadiennes.

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada ordonne au ministère de la Défense nationale d’examiner le processus d’attribution des contrats d’entretien et de service des bases afin de s’assurer que le ministère peut effectuer une analyse adéquate de l’optimisation des ressources.

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada demande au ministère de la Défense nationale d’établir un système électronique qui suit et contrôle avec précision ses activités de passation de marchés, et en rend compte, y compris la documentation relative à tout projet d’approvisionnement en cours et terminé, et qu’il s’assure que tous les contrats qui doivent être divulgués de manière proactive le sont.

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada étudie l’utilisation d’un logiciel de suivi des marchés publics afin d’accroître la responsabilité entre les ministères, de réduire les retards et de suivre les mesures de rendement internes.

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada envisage d’adopter une plateforme technologique numérique qui contribuerait à normaliser les processus d’approvisionnement de défense, à améliorer la gestion des projets d’approvisionnement de défense, à accroître la transparence et la reddition de comptes, et à mettre en évidence les possibilités d’économies.

Recommandation 15

Que le gouvernement du Canada délègue, lorsqu’il convient de le faire, certaines responsabilités décisionnelles en matière d’approvisionnement de défense à des gestionnaires fédéraux de niveau inférieur dans le but, d’une part, de réduire le nombre d’approbations requises et, d’autre part, d’accélérer la prise de décisions dans le cadre de tels projets.

Recommandation 16

Que le gouvernement du Canada rende le processus d’approvisionnement canadien plus stratégique et efficace en simplifiant les critères et en se concentrant sur des critères fondés sur le rendement qui aideront à réaliser la mission plutôt que sur des critères prescriptifs et axés sur les détails, afin de produire plus rapidement de meilleurs résultats qui répondent à l’évolution rapide des menaces à la sécurité internationale et aux nouveaux besoins en capacités.

Recommandation 17

Que le gouvernement du Canada envisage d’adopter une approche d’approvisionnement fondée sur les risques et d’accroître le recours aux approbations de contrats fondées sur les risques afin de rationaliser l’approvisionnement en matière de défense et de réduire les exigences inutiles en matière de processus.

Recommandation 18

Que le gouvernement du Canada mette à jour le processus d’approvisionnement en matière de défense afin de s’assurer que le recours à l’Exception relative à la sécurité nationale déclenche automatiquement une surveillance supplémentaire de la part d’organismes indépendants.

Recommandation 19

Que le gouvernement du Canada réexamine la structure d’affectation du personnel afin d’améliorer le maintien en poste, la continuité et la mémoire institutionnelle dans l’approvisionnement en matière de défense, et qu’il s’assure qu’un nombre suffisant de spécialistes de l’approvisionnement qualifiés et formés sont embauchés pour effectuer toutes les tâches d’approvisionnement nécessaires.

Recommandation 20

Que le gouvernement du Canada reconnaisse les besoins distincts des femmes dans les Forces armées canadiennes en menant une ACS Plus et en la rendant publique.

Recommandation 21

Que le gouvernement du Canada déploie plus d’efforts pour mieux faire connaître, en toute transparence, les grands projets d’approvisionnement, de manière à expliquer les risques de dépassements de coûts et les autres problèmes.

Recommandation 22

Que le gouvernement du Canada adopte les six recommandations formulées par le Bureau de l’ombud de l’approvisionnement dans son rapport intitulé « Examen des pratiques d’approvisionnement du ministère de la Défense nationale ».

Recommandation 23

Que le gouvernement du Canada donne à l’ombud de l’approvisionnement le pouvoir d’exiger des documents des ministères fédéraux.

Recommandation 24

Que le gouvernement du Canada crée une stratégie de l’industrie de la défense pour maintenir et développer la base industrielle de défense du Canada.

Recommandation 25

Que le gouvernement du Canada crée un cadre pour l’établissement d’une stratégie aérospatiale nationale à long terme axée sur la collaboration entre le gouvernement et l’industrie afin d’assurer la planification et de positionner le Canada et l’industrie aérospatiale pour qu’ils puissent répondre aux besoins de défense de l’avenir.

Recommandation 26

Que le gouvernement du Canada rende le processus d’approvisionnement plus ouvert, impartial et transparent en appliquant des critères de sélection objectifs et réalistes de manière à acquérir le meilleur équipement possible, et qu’il accorde la priorité aux entreprises canadiennes avant de donner à la concurrence étrangère l’accès au processus d’approvisionnement, particulièrement dans le cas des industries qui sont bien développées, compétitives à l’échelle mondiale et où le Canada est un chef de file, comme l’industrie aérospatiale canadienne.

Recommandation 27

Que le gouvernement du Canada défende l’industrie canadienne au sein de l’OTAN et auprès de tous nos alliés pour s’assurer que les entreprises canadiennes tirent parti des exigences en matière d’interopérabilité.

Recommandation 28

Que le gouvernement du Canada recommande que l’OTAN développe une base de données sur les équipements et les fournitures de défense que des pays membres de l’OTAN peuvent vendre à d’autres pays membres de l’Alliance.

Recommandation 29

Que le gouvernement du Canada appuie l’industrie nationale de la défense en améliorant les communications en dehors de projets d’approvisionnement particuliers, en l’aidant à saisir les occasions de ventes internationales et en lui fournissant des prévisions annuelles sur les approvisionnements en matière de défense qui seront nécessaires à court, moyen et long terme.

Recommandation 30

Que le gouvernement du Canada collabore de manière proactive avec l’industrie et les universités dès le début pour déterminer les capacités actuelles et proposer une solution conçue au Canada en tirant profit de notre force d’innovation et de nos atouts industriels, de manière à répondre à nos besoins croissants en matière de défense et de sécurité et à travailler en collaboration au développement des outils et de la technologie dont les Forces armées canadiennes auront besoin dans les années à venir.

Recommandation 31

Que le gouvernement du Canada établisse, au moyen d’une collaboration soutenue, des relations stratégiques fortes avec l’industrie et le milieu universitaire, et qu’il accroisse ses capacités en matière d’approvisionnement en faisant appel à la formation collaborative et au développement des compétences, ce qu’il pourra faire en élaborant des mécanismes pour la mise en commun d’approches de gestion des compétences, des talents et des risques.

Recommandation 32

Que le gouvernement du Canada prenne des mesures complètes pour intégrer l’industrie et le milieu universitaire au processus d’approvisionnement.

Recommandation 33

Que le gouvernement du Canada veille à harmoniser les exigences relatives aux demandes d’information (DI) et aux demandes de propositions (DP) avec celles de ses alliés afin de réduire le nombre impressionnant de pages que comptent les demandes.

Recommandation 34

Que le gouvernement du Canada attende qu’une DP ait été publiée et que les entreprises canadiennes de la défense aient eu la possibilité de présenter une proposition et d’être évaluées par un ingénieur qualifié en défense avant de tirer des conclusions sur les capacités de l’industrie canadienne de la défense.

Recommandation 35

Que le gouvernement du Canada, par l’intermédiaire de Recherche et développement pour la défense Canada, facilite la tenue de plus de recherches pour que le Canada puisse rester à la fine pointe de l’innovation en défense et en sécurité.

Recommandation 36

Que le gouvernement du Canada procède à un examen de l’efficacité du programme des retombées industrielles et technologiques (RIT) et de son incidence sur la croissance de l’industrie canadienne de la défense, et qu’il en fasse rapport à la Chambre des communes.


[1]              Pour plus d’information sur le système canadien d’approvisionnement en matière de défense, voir Martin Auger, L’évolution de l’approvisionnement en matière de défense au Canada : Une histoire centenaire, publication no 2020‑54-F, Bibliothèque du Parlement, 14 décembre 2020, p. 1 à 34.

[2]              Pour plus d’information, voir Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), Stratégie nationale de construction navale et Stratégie d’approvisionnement en matière de défense.

[3]              Innovation, Sciences et développement économique Canada (ISDE) définit les petites et moyennes entreprises comme étant des entreprises qui comptent entre 1 et 499 employés. Voir ISDE, Principales statistiques relatives aux petites entreprises 2022.

[4]              Pour plus d’information sur le système canadien pluriministériel d’approvisionnement en matière de défense, voir Martin Auger, L’évolution de l’approvisionnement en matière de défense au Canada : Une histoire centenaire, publication no 2020‑54-F, Bibliothèque du Parlement, 14 décembre 2020, p. 1 à 34.

[5]              Union des employés de la Défense nationale (UEDN), « Réponse de l’UEDN aux questions de suivi du Comité permanent de la défense nationale (7 novembre 2023) », document présenté au Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes (NDDN) le 18 décembre 2023.

[6]              Ibid.

[7]              Pour plus d’information, voir Bureau de l’ombud de l’approvisionnement, Examen des pratiques d’approvisionnement du ministère de la Défense nationale, mai 2022.

[8]              Pour plus d’information sur le Projet d’aéronef multimissions canadien (AMC), voir Ministère de la Défense nationale (MDN), Projet d’aéronef multimissions canadien.

[10]            Ibid.

[12]            MDN, Stratégie de défense Le Canada d’abord, 2008, p. 17.

[14]            Voir Bureau du directeur parlementaire du budget (DPB), Estimation de l’impact financier du projet d’achat d’avions de combat interarmées F-35 Lightning II, 10 mars 2011; Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), « Le remplacement des avions de combat du Canada », Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, printemps 2012.

[17]            Premier ministre du Canada, Lettre de mandat du ministre de la Défense nationale, 13 novembre 2015.

[19]            MDN, Agrandissement de la flotte de CF‑18.

[23]            La décision du gouvernement fédéral de remplacer la flotte de chasseurs à réaction de l’Aviation royale canadienne (ARC) a été annoncée en mars 1977. À la suite d’une évaluation approfondie de divers modèles de chasseurs, le gouvernement a choisi le F/A‑18 Hornet en avril 1980 et a passé une commande auprès de McDonnell Douglas, établi aux États-Unis, pour 138 aéronefs connus sous le nom de CF‑18. Les CF‑18 ont été livrés à l’ARC entre octobre 1982 et septembre 1988. Voir René J. Francillon, McDonnell Douglas Aircraft since 1920: Volume II, Londres, Putnam, 1990, p. 350 à 352; et États-Unis, Office of Management and Budget, « F/A-18 Aircraft Sales to Canada, Australia, and Spain: A case Study of Offsets », DISAM Journal, vol. 13, no 1, automne 1990, p. 33.

[24]            Pour plus d’information, voir MDN, Projet de Système d’aéronefs télépilotés (SATP).

[25]            Pour plus d’information, voir MDN, Navire de combat de surface canadien; et SPAC, Navire de combat canadien.

[28]            Voir MDN, Navire de combat de surface canadien; et SPAC, Navire de combat canadien.

[29]            Ce montant comprend 4,3 milliards de dollars pour l’étape de « Développement », 80,2 milliards de dollars pour l’étape d’« Acquisition », 219,8 milliards de dollars pour l’étape d’« Exploitation et maintien en service » et 1,7 milliard de dollars pour l’étape de « Démantèlement ». Voir DPB, Le coût du cycle de vie des navires de combat de surface canadiens — Analyse financière, 27 octobre 2022.

[30]            Ce montant comprend des coûts estimatifs d’acquisition de 26,2 milliards de dollars pour les 15 navires et des coûts supplémentaires liés au personnel, à l’exploitation, ainsi qu’au soutien en service et à l’entretien de 64,0 milliards de dollars pour une période de 25 ans. Voir Martin Auger, Stratégie nationale d’approvisionnement en matière de construction navale : Évaluation quinquennale, publication no 2015‑35‑F, Bibliothèque du Parlement, 15 juin 2015, p. 11.

[31]            NDDN, Témoignages, 1re session, 44e législature, 16 juin 2023.

[32]            Association des industries canadiennes de défense et de sécurité (AICDS), Dans le feu de l’action : Le point de vue des intervenants de l’industrie sur l’amélioration de l’approvisionnement de la Défense, document présenté aux membres du Comité NDDN le 3 octobre 2023.

[33]            UEDN, « Réponse de l’UEDN aux questions de suivi du Comité permanent de la défense nationale (7 novembre 2023) », document présenté aux membres du Comité NDDN le 18 décembre 2023.

[34]            Le ministère de la Production de défense était responsable de l’approvisionnement en matière de défense, de l’état de préparation des industries de défense, des exportations du secteur de la défense, ainsi que de la recherche et du développement en matière de défense. Il gérait aussi sept sociétés d’État, dont la Corporation commerciale canadienne. Voir Martin Auger, L’évolution de l’approvisionnement en matière de défense au Canada : Une histoire centenaire, publication no 2020‑54-F, Bibliothèque du Parlement, 14 décembre 2020, p. 4 à 9.

[35]            Martin Auger, Les organismes d’approvisionnement en matière de défense dans le monde : comparaison, publication no 2019-52-F, Bibliothèque du Parlement, 28 avril 2020, p. 1 à 30.

[37]            Voir Premier ministre du Canada, Lettre de mandat du ministre de la Défense nationale, 13 décembre 2019; et Premier ministre du Canada, Lettre de mandat de la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, 13 décembre 2019.

[39]            Voir Premier ministre du Canada, Lettre de mandat de la ministre de la Défense nationale, 16 décembre 2021; et Premier ministre du Canada, Lettre de mandat de la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, 16 décembre 2021.

[40]            Pour plus d’information, voir Alan S. Williams, Reinventing Canadian Defence Procurement: A View from the Inside, McGill-Queen’s University Press, Montréal (Québec) et Kingston (Ontario), 2006; et ACDSI, L’industrie canadienne de défense : un partenaire essentiel dans le maintien de la stabilité économique et des intérêts nationaux du Canada – Engagement de l’industrie : Saisir les occasions et relever les défis auxquels elle est confrontée, dans le domaine de la défense et des achats militaires, décembre 2009, p. vi, 15 et 18 [disponible en anglais seulement].

[41]            Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), Communiqué du Sommet de Vilnius, 11 juillet 2023.

[42]            Selon l’OTAN, en 2023, les dépenses du Canada en défense ont totalisé 1,33 % de son produit intérieur brut (PIB), et 14,4 % de ses dépenses en matière de défense ont été consacrées à l’équipement de défense. Voir OTAN, Les dépenses de défense des pays de l’OTAN (2014-2023), mars 2024, p. 3 et 8.

[43]            Le terme « fonds non utilisés » désigne des dépenses moins importantes que celles demandées et autorisées par le Parlement dans le budget des dépenses. Voir Bureau du directeur parlementaire du budget, Dépenses en capital prévues au titre de la politique de défense du Canada : Mise à jour de 2024, 28 février 2024, p. 7.

[44]            Ibid., p. 7; et MDN, Protection, sécurité, engagement : la politique de défense du Canada, 2017.

[45]            Par exemple, en ce qui concerne la « canadianisation » des navires de guerre, l’Association navale du Canada soutient que « le Canada a des règles législatives et des circonstances géographiques et démographiques uniques qui influent sur ses navires de guerre », notamment des « éléments à l’intérieur comme à l’extérieur du navire » qui peuvent différer d’autres pays. Par exemple, « le Canada a établi certaines normes et certains paramètres d’alimentation électrique », ainsi que « des règles sur l’espace réservé aux membres d’équipage et des politiques sur l’hébergement des femmes à bord des navires ». Il a aussi des « règles strictes concernant la sécurité des armes à bord des navires » et des « règles sur la façon dont les eaux usées doivent être traitées ». De plus, « il doit y avoir à la fois de la chaleur et de la climatisation dans les navires canadiens ». La canadianisation peut aussi signifier « adapter » l’extérieur des navires « pour qu’ils puissent fonctionner dans un climat froid et impitoyable ». Voir Association navale du Canada, Naval Shipbuilding in Canada: Why Does It Take So Long and Cost So Much?, novembre 2020, p. 3 et 4 [traduction].

[46]            AICDS, Dans le feu de l’action : Le point de vue des intervenants de l’industrie sur l’amélioration de l’approvisionnement de la Défense, document présenté aux membres du comité NDDN le 3 octobre 2023.

[50]            Bureau de l’ombud de l’approvisionnement, Examen des pratiques d’approvisionnement du ministère de la Défense nationale, mai 2022.

[51]            Pour plus d’information, voir MDN, Programme des capacités de la Défense.

[52]            AICDS, Dans le feu de l’action : Le point de vue des intervenants de l’industrie sur l’amélioration de l’approvisionnement de la Défense, document présenté aux membres du comité NDDN le 3 octobre 2023.

[54]            Lockheed Martin, F-35: The Right Choice for Canada [traduction].

[55]            Ibid. [traduction].

[56]            Irving Shipbuilding, Pathways to Shipbuilding [disponible en anglais seulement].

[57]            Gouvernement de l’Australie, ministère de la Défense, Defence Industrial Capability Plan, avril 2018.

[58]            Gouvernement du Danemark, National Defence Industrial Strategy of the Danish Government, août 2021.

[59]            Gouvernement du Royaume-Uni, ministère de la Défense, Defence and Security Industrial Strategy, mars 2021. [disponible en anglais seulement]

[60]            Voir Gouvernement des États-Unis, département de la Défense (DOD), DOD Releases First Defense Industrial Strategy, 12 janvier 2024; DOD, National Defense Industrial Strategy, 16 novembre 2003; et National Defense Industrial Association, Vital Signs 2023: Posturing the U.S. Defense Industrial Base for Great Power Competition, 2023.

[62]            Par exemple, voir David Pugliese, « Canadian Generals Push for Industry to Go to ‘War Footing,’ But Hurdles Remain », Ottawa Citizen, 17 octobre 2022; et Christyn Cianfarani, Getting Canada to a Wartime Footing: Clear Parameters are Required, Institut canadien des affaires mondiales, janvier 2023. [disponible en anglais seulement]

[63]            AICDS, Dans le feu de l’action : Le point de vue des intervenants de l’industrie sur l’amélioration de l’approvisionnement de la Défense, document présenté aux membres du comité NDDN le 3 octobre 2023.

[64]            Voir Pieter D. Wezerman et al., Trends in International Arms Transfers, 2022, Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), mars 2023; SIPRI, Surge in Arms Imports to Europe, while U.S. Dominance of the Global Arms Trade Increases, 13 mars 2023; et « War in Ukraine has Triggered a Boom in Europe’s Defence Industry », The Economist, 17 août 2023. [disponible en anglais seulement]

[65]            Voir Gouvernement de la France, Direction générale de l’armement (DGA), Orienter et soutenir la base industrielle de défense; DGA, Informations aux entreprises : Je m’informe sur le lien entre la DGA et l’industrie; et DGA, Equiper et soutenir.

[66]            Ce nombre comprend les montants des contrats suivants liés aux trois piliers de la Stratégie nationale de construction navale : 12,63 milliards de dollars (1,52 milliard de dollars par année) pour le pilier de la construction de grands navires; 389,4 millions de dollars (34,2 millions de dollars par année) pour le pilier de la construction de petits navires; 11,81 milliards de dollars (984,3 millions de dollars par année) pour le pilier des projets de réparation, de radoub et d’entretien des navires. Voir SPAC, Bilan de 2022 : Stratégie nationale de construction navale.

[67]            AICDS, Dans le feu de l’action : Le point de vue des intervenants de l’industrie sur l’amélioration de l’approvisionnement de la Défense, document présenté aux membres du comité NDDN le 3 octobre 2023.

[68]            Ibid.

[69]            Ibid.

[70]            Pour plus d’information, voir ISDE, Retombées industrielles et technologiques.

[71]            Ibid.

[73]            Aux fins de la Politique des RIT, les petites et moyennes entreprises sont des entreprises qui comptent moins de 249 employés. Voir ISDE, Rapport annuel sur la Politique des RIT – Automne 2023.

[74]            Il existe 17 capacités industrielles clés (CIC). Six CIC sont classées dans la catégorie « technologies émergentes » : Matériaux de pointe; Intelligence artificielle; Technologie propre; Cyberrésilience; Systèmes télépilotés et technologies autonomes; Systèmes spaciaux. Les 11 autres CIC sont classées dans la catégorie « Principales compétences et services industriels essentiels » : Systèmes et composantes aérospatiaux; Blindage; Intégration des systèmes de défense; Systèmes électro-optiques/infrarouges; Solutions en matière de véhicules terrestres; Soutien en service; Systèmes de mission et systèmes de plateformes navales; Munitions; Services de construction navale, de conception et d’ingénierie; Sonars et systèmes acoustiques; Formation et simulation. Voir ISDE, Politique des retombées industrielles et technologiques : Guide sur la proposition de valeur, mai 2022, p. 21 à 25.

[75]            AICDS, Dans le feu de l’action : Le point de vue des intervenants de l’industrie sur l’amélioration de l’approvisionnement de la Défense, document présenté aux membres du comité NDDN le 3 octobre 2023.

[77]            Affaires mondiales Canada (AMC), 2022 – Exportations des marchandises militaires, p. 4.

[78]            Coopération commerciale canadienne (CCC), Government to Government Contracting Made Easy.

[80]            Ibid. Pour plus d’information sur la Stratégie de construction navale du Royaume-Uni, voir Royaume‑Uni, National Shipbuilding Office, National Shipbuilding Strategy: A refreshed strategy for a globally successful, innovative and sustainable shipbuilding enterprise, mars 2022. [disponible en anglais seulement]