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CIIT Rapport du Comité

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Opinion dissidente du Bloc Québécois

CONSIDÉRATIONS TECHNIQUES

Simon-Pierre Savard-Tremblay, porte-parole en commerce international du Bloc Québécois, et vice-président du Comité permanent du commerce international, souligne quelques manquements dans le processus de rédaction et d’adoption du rapport.

D’abord, à plusieurs reprises dans le texte, le vocabulaire utilisé ne reflète pas la réalité des témoignages contribue à amoindrir les affirmations des témoins, notamment par l’utilisation du verbe « laisser entendre » pour introduire un élément clairement affirmé. Nous citerons les 2 exemples suivants :

  • Au paragraphe 23, on peut lire que le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises a « laissé entendre que les études menées par le Justice and Corporate Accountability Project et le Centre de ressources sur les entreprises et les droits de l’homme portant sur les activités des entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières en Amérique latine et dans d’autres pays permettaient de conclure que, comparativement à leurs homologues étrangères, ces entreprises ne respectaient pas des normes plus strictes en matière de droits de la personne ou de milieux naturels. »
  • Lors de leur témoignage du 13 février 2023, ils ont affirmé que « Les statistiques ne démontrent pas que les compagnies minières canadiennes sont meilleures que les autres à l'échelle internationale. […] Par exemple, une étude menée en Amérique latine par le Justice and Corporate Accountability Project a démontré que 28 compagnies minières canadiennes étaient liées à 44 décès et à plus de 400 blessés, entre 2000 et 2015. En outre, des études réalisées par le Centre de ressources sur les entreprises et les droits de l'homme ont aussi révélé que les attaques contre les défenseurs des droits de la personne et les défenseurs environnementaux sont certainement plus dangereuses dans le secteur minier. […] Selon moi, les statistiques répondent à cette question. »

  • Au paragraphe 26, on peut lire que « Dans son mémoire, le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises a laissé entendre que certaines entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minières faisaient l’objet d’ “allégations bien documentées” de violations des droits de la personne liées à leurs activités au Guatemala, en Papouasie–Nouvelle-Guinée et en Tanzanie ». En consultant le mémoire, on constate que le RCRCE affirme clairement que « Les sociétés minières canadiennes exerçant leurs activités à l’étranger sont liées à de graves violations des droits de la personne et à des dommages environnementaux commis dans le monde entier. Par exemple, il existe des allégations bien documentées de lésions corporelles graves, de décès et de viols collectifs liés au personnel de sécurité ou à la police dans des mines canadiennes de la Tanzanie, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et du Guatemala »

De plus, des informations cruciales à la compréhension de l’enjeu à l’étude ont été demandées sans être reçues. En effet, lors du témoignage de la ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise et du Développement économique, Mary Ng, le 27 mars 2023, le Bloc Québécois a demandé quelles étaient les exigences permettant à une entreprise d'être légalement reconnue comme une société minière canadienne. La ministre n'ayant pas la réponse, la présidence lui a demandé de faire parvenir les informations par écrit, ce qui n’a pas été fait.

Soulignons également l’adoption précipitée du rapport final : après avoir débattu des recommandations, l’heure prévue pour l’étude du rapport étant presque terminée, la présidence a pris la décision pas faire l’habituelle lecture paragraphe par paragraphe, et de procéder directement à son adoption. Le tout s’est fait extrêmement rapidement, laissant peu de temps aux membres désirant revoir des extraits de réagir pour le manifester. Cet empressement est d’autant plus problématique que les changements étaient nombreux par rapport à la version précédente.

CONSIDÉRATIONS POLITIQUES

À ces considérations techniques sur les errements constatés dans le processus de rédaction du rapport s’ajoutent des préoccupations politiques. Le Bloc québécois, à l’origine de l’étude en question, ne voudrait pas que se voient dilués ou mis de côté les voix qui se lèvent pour nous mettre en garde contre les dérives de l’industrie minière à l’étranger. Il y a plus de 10 ans, le Bloc québécois avait déposé un projet de loi créant une Commission d’enquête sur les activités minières à l’étranger, indépendante du pouvoir politique, et détenant le pouvoir de mener ses propres enquêtes. Celui avait été défait, mais était une option beaucoup plus intéressante que cet ombudsman symbolique que le gouvernement Trudeau a créé afin de faire mine de donner suite aux revendications des organisations de la société civile. Cet ombudsman n’est qu’un bureau des plaintes n’ayant aucun effet concret. Il était par ailleurs ironique d’entendre l’ombudsman parler du projet de loi S-211 comme un premier pas en avant pour renforcer les droits de la personne par les entreprises canadiennes d’exploitation et d’exploration minière. Ne devrait-il pas considérer sa création comme ce premier pas ? N’est-ce pas là un aveu d’inutilité ?

D’autres questions fâcheuses ont également été abordées, mais le Comité a, de façon déplorable, refusé d’adopter les recommandations qui s’imposent. L’une d’elles a trait à l’origine des minières. Plusieurs organisations ont pointé du doigt que le Canada était un véritable pavillon de complaisance, et qu’il suffisait de s’enregistrer au Canada pour se présenter comme canadienne, et ainsi jouir d’avantages fiscaux et spéculatifs (garantis par la Bourse de Toronto), de même que du laxisme juridique en vigueur à Ottawa.

Nous pourrions également penser au financement octroyé par Exportation et Développement Canada aux entreprises minières prétendument canadiennes à l’étranger. Il est rapidement devenu clair qu’aucune véritable vérification sur l’emploi des sommes n’était effectuée, et que des entreprises violant les droits humains, sociaux et environnementaux pouvaient effectivement recevoir de l’argent d’EDC. Même son de cloche du côté de la diplomatie canadienne : alors que nous avons pu entendre de nombreux témoignages sur la complicité et l’appui sans limites des ambassades canadiennes à l’étranger, une véritable enquête pourrait assurément être mise en place.

Abordons également, en dernier chef, la question du cadre législatif. La loi S-211, mentionnée par plusieurs intervenants de la cadre des audiences du Comité, n’offre qu’une obligation de faire rapport. S-211 n’oblige en rien les entreprises à respecter les droits humains, ni à prévenir les dommages, ni à prendre des mesures de diligence raisonnable. Elle n’impose aucune conséquence en cas de manquement de la part d’une entreprise, ne met en place aucune vérification quant aux rapports déposés annuellement, ne se penche pas sur le droit des individus lésés à obtenir réparation ou justice pour les préjudices subis. Elle ne s’applique qu’aux entreprises de plus de 250 employés, avec des revenus ou des actifs significatifs, et se limite à la question du travail forcé et à celle du travail des enfants. Il y a également fort à parier que le gouvernement s’appuiera sur cette mesure symbolique pour s’asseoir sur ses lauriers et abandonner toute vigilance.

Le Bloc québécois est favorable à l’adoption d’une loi de diligence raisonnable qui ait des dents, en matière de droits (humains, sociaux, environnementaux ou sanitaires), vis-à-vis des entreprises canadiennes. Une telle loi : 1) exigerait que les entreprises préviennent les impacts négatifs sur les droits humains et l’environnement tout au long de leurs opérations et chaînes d’approvisionnement mondiales ; 2) exigerait que les entreprises fassent preuve de diligence raisonnable, y compris en évaluant soigneusement la manière dont elles pourraient contribuer à des atteintes aux droits humains ou à l’environnement à l’étranger et en garantissant l’accès à des voies de recours en cas de préjudice ; 3) entraînerait des conséquences significatives pour les entreprises qui omettent de faire preuve de diligence raisonnable adéquate et d’en faire rapport ; 4) établirait un droit statutaire pour les personnes lésées de demander justice devant les tribunaux canadiens. À ce titre, le projet de loi C-262, déposé par le NPD et coparrainé par le député du Bloc québécois de Saint-Hyacinthe—Bagot et porte-parole en commerce international, est tout à fait à la hauteur de ce qu’est un véritable cadre légal de diligence raisonnable.