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ERRE Rapport du Comité

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Opinions complémentaires du NPD et du Parti Vert : Un mandat fort pour la représentation proportionnelle

Servir au sein du Comité parlementaire spécial de la réforme électorale fut un énorme privilège. Ce groupe de 12 députés, en plus de plusieurs députés qui ont remplacé les membres permanents à l’occasion, a rendu un très grand service à la démocratie canadienne. Il a existé entre eux un formidable esprit de corps, ayant une grande équipe, notons la greffière et son équipe, les analystes parlementaires, le personnel de soutien technique, ainsi que les services de traduction, qui a dévoué de longues heures de travail dans un calendrier plus que complet. Notre président, Francis Scarpaleggia, mérite des remerciements spéciaux pour son expertise, pour le dialogue respectueux qu’il a entretenu avec les centaines de citoyens qui ont attendu des heures pour parler pendant deux minutes au séance de micro-ouvert, et pour la façon neutre et non partisane dont il a dirigé le comité.  

Le Nouveau Parti démocratique et le Parti Vert sont heureux que le Comité spécial sur la réforme électorale ait recommandé l’adoption d’un système de représentation proportionnelle dans son rapport. Le Canada se dotera finalement d’un système électoral adapté pour notre réalité du XXIe siècle. Nous demeurons l’une des rares démocraties modernes au monde qui emploie encore un système aussi désuet que le scrutin uninominal majoritaire à un tour.

L’appui du Comité pour système de représentation proportionnelle pour le Canada marque un tournant historique et une date déterminante pour le renforcement de la démocratie canadienne.

Le Comité a reçu un vaste mandat et avait un calendrier ambitieux, mais nous croyons que ce processus a été couronné de succès. Nous sommes fiers de ce qu’il a accompli, et de comment il l’a accompli.  

La réussite du Comité est intimement liée à sa composition, qui est d’ailleurs représentée dans sa recommandation finale en faveur de la représentation proportionnelle. Tous les partis présents à la Chambre des Communes ont eu leur place autour de la table et, comme aucun d’eux ne pouvait miser sur une majorité de voix, les membres ont recouru au compromis et à la coopération. Ils ont travaillé pour obtenir un consensus ou, à tout le moins, un soutien multipartite en faveur des différentes initiatives qu’ils ont examinées.

Comme la ministre Monsef l’a déclaré le 6 juillet 2016, « notre mode de scrutin actuel est désuet; il a été conçu dans le contexte des réalités canadiennes du XIXe siècle, et non dans celui de notre démocratie à partis multiples. Il nous faut un système électoral qui relie plus solidement la volonté des Canadiens aux résultats des élections ». Le gouvernement a fait deux promesses clés : abroger notre système électoral uninominal majoritaire à un tour, qui est inéquitable et désuet, et prendre ses décisions en fonction des faits.

Par conséquent, nous prions incessamment la ministre des Institutions démocratiques et le gouvernement d’examiner avec soin notre rapport et les éléments probants qu’il contient. Nos principales recommandations se répartissent en deux catégories : celles qui sont inspirées par les témoignages et les faits, et celles qui ont été guidées par la démarche consensuelle entreprise par les membres du comité. Comme M. Reid l’a écrit en octobre, chaque parti est arrivé à la table avec certaines conditions fermes qui, si elles étaient respectées, rendraient le consensus non seulement réalisable mais « inévitable ». Les libéraux se devaient de respecter leur promesse de changement d’ici 2019, les conservateurs et les bloquistes voulaient tenir un référendum sur ces changements, et nous voulions que les changements soient en faveur de la représentation proportionnelle. Le rapport majoritaire du Comité est parvenu à ce consensus.

Recommander la représentation proportionnelle

Les témoignages ont confirmé de façon écrasante que la démocratie canadienne serait revigorée et que sa qualité serait grandement améliorée, si le système désuet du scrutin uninominal majoritaire à un tour était rejeté. Comme plusieurs témoins l’ont confirmé durant leur présentation au comité, l’implantation d’un système de représentation proportionnel va assurer que, pour reprendre les mots du discours du Trône, « chaque vote compte ».

Le Comité a entendu les propos de politologues éminents, d’experts des systèmes électoraux, d’universitaires et d’analystes des affaires publiques du Canada et d’ailleurs dans le monde. Parmi les nombreuses opinions reçues par le Comité, la grande majorité des intervenants ont fait valoir que le système uninominal majoritaire à un tour est un système profondément imparfait, qui déforme la volonté de l’électorat et crée une culture politique caractérisée par des conflits hyperpartisans.

L’élection d’une majorité de députés, malgré une minorité de voix obtenues est un phénomène uniquement produit par les systèmes majoritaires. Le professeur Peter Russell a utilisé le terme « fausse majorité » pour décrire ce phénomène, qui ouvre la porte à une série de dangers. Au cours de nos audiences, nous avons demandé au professeur Russell quel tort avait été engendré par les « fausses majorités », ce dernier a répondu sans hésiter que « le réchauffement de la planète » en étant un. En termes académiques, ce risque est appelé « va-et-vient politique ». Un gouvernement adopte une politique et un programme, par exemple un plan de lutte contre les changements climatiques. Le gouvernement suivant, ayant été dans l’opposition lors de la mise-sur-pied du programme, défait ce plan sans tarder. Tout cela a lieu en dépit que, depuis le début des années 1990, dans toutes les enquêtes menées, 80 p. 100 de la population canadienne a réclamé des mesures pour lutter contre les changements climatiques.

Parmi les témoignages les plus convaincants entendus par le Comité, citons celui du professeur Arendt Lijphart, professeur émérite à l’Université de la Californie à San Diego. Au cours des années où il a examiné 36 démocraties modernes, il a recueilli des données prouvant que la représentation proportionnelle sert les citoyens beaucoup mieux que les systèmes majoritaires, tels que le système uninominal majoritaire à un tour ou le scrutin préférentiel. Son livre marquant intitulé Patterns of Democracy montre clairement les tendances. Comparativement aux pays qui emploient le système uninominal susmentionné, les pays recourant à la représentation proportionnelle affichent un taux de participation plus élevé de l’électorat, élisent plus de femmes, se caractérisent par une plus grande diversité ethnique, ont des gouvernements aussi stables ou légèrement plus stables que les autres, affichent un rendement macroéconomique supérieur et adoptent des régimes de protection de l’environnement plus efficaces.

Le cas de l’Australie est particulièrement convaincant. La chambre basse australienne emploie le scrutin préférentiel, tandis que les membres de la chambre haute sont élus par un système proportionnel appelé « vote unique transférable » (VUT). À la fin de la plus récente élection, cette année, la proportion de femmes à la chambre basse a passé de 23 p. 100 à 29 p. 100. Entre-temps, au sénat élu au VUT, le pourcentage de femmes a atteint 39 p. 100.

Il n’y a pas à douter qu’en mettant l’accent sur les autres obstacles à la participation des femmes et d’autres groupes sous-représentés, on rendra plus percutants les effets d’une transformation de notre système électoral : il est clair que des obstacles d’envergure existent au stade des mises en candidature.

Par conséquent, nous sommes très heureux que le Comité ait recommandé au gouvernement de créer des stimulants financiers pour amener les partis à mettre plus de femmes en candidature. À l’heure actuelle, le Canada arrive au 64e rang mondial pour ce qui est de la parité hommes-femmes au gouvernement. Si les partis sont davantage encouragés à présenter des candidates, nous accroîtrons beaucoup nos chances d’élire un parlement plus représentatif.

Les faits montrent clairement que les systèmes à représentation proportionnelle renforcent chez l’électorat le sentiment qu’il a une capacité d’action. Les électeurs ont plus de choix, et le présent gouvernement a de nombreux choix viables pour remplacer le système électoral actuel.

Systèmes recommandés

Le Comité n’a adopté aucun système électoral particulier dans son rapport, mais il croit que le gouvernement aurait avantage à faire certains choix. Le Comité estime que le gouvernement devrait envisager d’adopter un des modèles suivants, qui résulteraient tous deux en un score Gallagher inférieur à quatre.

  • Représentation proportionnelle mixte (RPM) : les deux tiers des membres de la Chambre des communes sont élus pour représenter directement des circonscriptions, et le dernier tiers est constitué de députés régionaux de compensation. Ces derniers peuvent être élus à partir d’une liste ouverte et souple, selon la recommandation de la Commission de réforme du droit, ou ils peuvent être élus à titre de « meilleurs deuxièmes », comme dans le système du Bade-Wurtemberg. Les listes ouvertes et souples offrent l’avantage de laisser le choix aux électeurs. En vertu de l’option de Baden-Württemberg, tous les candidats doivent faire l’objet d’un examen et mériter l’appui de l’électorat à chaque élection s’ils veulent gagner leur siège. Les sièges de compensation proviendraient des territoires, des provinces ou des sous‑régions à l’intérieur des provinces. Comme cette façon de faire ne changerait rien aux limites actuelles des circonscriptions, une redistribution complète de celles-ci ne serait pas nécessaire. Le gouvernement pourrait décider d’adopter une approche graduelle en ajoutant des députés régionaux de compensation par groupes de 30 à 45 au cours des trois ou quatre prochaines élections.
  • Représentation proportionnelle rurale-urbaine (PRU), telle qu’elle a été d’abord proposée par l’ancien directeur général des élections, Jean‑Pierre Kingsley; en vertu de ce système, les limites actuelles des circonscriptions sont conservées, mais les circonscriptions urbaines sont groupées en circonscriptions plurinominales de trois à cinq députés chacune. Afin de réduire au minimum le degré de distorsion entre la volonté populaire de l’électorat et la répartition des sièges en résultant au Parlement, le gouvernement devrait, en 2019, ajouter 50  sièges de députés régionaux de compensation. Répétons que ces députés peuvent être élus à partir d’une liste ouverte et souple, ou en tant que « meilleurs deuxièmes » conformément au système du Bade-Wurtemberg. Comme dans notre modèle proposé de RPM, les sièges de compensation proviendraient des territoires, des provinces ou de sous‑­régions des provinces. De la sorte, aucune redistribution complète des circonscriptions ne serait nécessaire.

Validation et participation

Nous prenons très au sérieux la question de la validation par le public et de sa participation. Nous croyons qu’il faut organiser d’importantes initiatives supplémentaires d’éducation et de consultation du public sur la réforme électorale. La tenue d’un référendum sur la réforme électorale est certes possible, mais nous avons de sérieuses préoccupations à cet égard. Les témoignages confirment la nécessité d’un changement, mais non celle d’un référendum.

Si le gouvernement décide qu’il doit tenir un référendum sur la réforme électorale, la RPM et le système de représentation PRU devraient figurer tous deux sur le bulletin de vote, et les Canadiens âgés de 16 ans et plus devraient être autorisés à voter.

Tenir ses promesses

Nous appuyons fortement la campagne du gouvernement et nous souscrivons aux promesses qu’il a faites dans le discours du Trône en ce qui concerne l’abrogation du système uninominal majoritaire à un tour, qui est inéquitable et désuet, pour le remplacer par un autre régime où chaque vote compte. Maintenant que le Comité publie son rapport, celui-ci passe dans une autre sphère de la realpolitik.

En cela, nous appelons la ministre des Institutions démocratiques, le premier ministre et le Cabinet à répondre aux objectifs formulés par le Comité, sur le fondement des données probantes qu’il a réunies.

La population canadienne est prête à opérer la réforme : près de 90 % des experts et des citoyens ordinaires qui ont pris la parole devant le Comité spécial ont exhorté le gouvernement à adopter la représentation proportionnelle pour que chaque vote compte. En outre, plusieurs sondages récents montrent qu’une majorité considérable des Canadiens s’attendent à ce que le gouvernement respecte la promesse qu’il a faite de réformer le système électoral.

Selon nous, il existe un soutien clair en faveur de l’action, et un plan tout aussi clair est tracé pour opérer la réforme – étant donné que les approches définies plus haut ne nécessiteraient aucune modification des limites des circonscriptions. Nous croyons que le gouvernement – fort d’un solide mandat électoral donné par près des deux tiers de la population canadienne en 2015 et, après une consultation nationale de cinq mois, de la recommandation formulée par un comité multipartite en faveur de la représentation proportionnelle – dispose maintenant du mandat, du plan et des outils nécessaires pour faire de l’élection de 2015 la dernière à avoir lieu avec un système uninominal majoritaire à un tour, et qu’il a l’obligation d’agir en ce sens.

Il est certain que d’entreprendre des travaux plus approfondis pour sensibiliser davantage le public à la réforme électorale. Cependant, nous disposons de deux ans pour mettre en place un système d’ici 2017 et l’utiliser ensuite en 2019. Ce créneau de deux ans offre la possibilité de susciter la participation complète de la population canadienne. Le premier ministre Trudeau a déclaré, en d’innombrables occasions, tant avant qu’après l’élection, que la campagne de 2015 serait la dernière à se tenir en vertu du système uninominal majoritaire à un tour. Avec la ministre des Institutions démocratiques, il a promis, noir sur blanc, de faire en sorte que chaque vote compte. Le gouvernement ne doit pas laisser filer cette occasion qui se présente dans notre génération d’opérer une réforme qui influera énormément sur la qualité de la démocratie canadienne.