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CIIT Rapport du Comité

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OPINION COMPLÉMENTAIRE

NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE (NPD) DU CANADA

INTRODUCTION

Le NPD remercie les membres du Comité, le personnel, les analystes et les témoins ayant participé à l’étude sur les « priorités des intervenants canadiens ayant un intérêt dans le commerce bilatéral ou trilatéral en Amérique du Nord, entre le Canada, les États-Unis et le Mexique » et sur l’ALENA.

Le NPD appuie les relations commerciales équitables et progressistes avec des partenaires clés du continent américain qui amènent des débouchés pour les exportateurs canadiens et génèrent des emplois et de la croissance économique pour les travailleurs et les localités du Canada. À la signature de l’ALENA en 1994, le gouvernement fédéral a promis de créer des emplois, d’accroître la productivité et de garantir l’accès au plus grand marché du monde.

On ne peut déterminer les effets exacts de l’ALENA sur la création d’emplois et la croissance de la productivité au Canada. Trente-trois ans après l’entrée en vigueur de l’ALENA, l’idée de moderniser cet accord et de se demander si ce modèle est adapté aux priorités actuelles – réduire les inégalités, éliminer la pauvreté et atténuer, voire renverser, les effets destructeurs des changements climatiques – reçoit beaucoup d’appuis.

Le NPD a entendu de nombreux témoins dire que l’ALENA cause des difficultés aux travailleurs et suscite des questions sur les facteurs nuisibles à notre souveraineté, notamment notre liberté d’appliquer des politiques sociales, environnementales et culturelles. Selon plusieurs intervenants, le retrait de l’ALENA ne serait pas catastrophique puisque les droits de douane consolidés de l’OMC s’appliqueraient encore.

Les modalités de cet accord multilatéral sont loin de se limiter à la réduction des droits de douane. Comme le mentionne le rapport d’OpenMedia, « [l]es conséquences risquent cependant d’aller bien au-delà du commerce, exerçant un effet majeur sur les valeurs, les droits et les intérêts fondamentaux uniques au Canada parmi les trois parties prenantes à l’Accord ».

Conscients de l’importance de nos relations avec les États-Unis, notre principal partenaire commercial, les néo-démocrates estiment qu’améliorer l’ALENA permettrait d’accroître le bien-être de tous les Nord-Américains. Pour cela, l’accord doit être transparent, englobant et progressiste. Il doit traiter de questions importantes comme l’inégalité de revenu, la souveraineté, les changements climatiques et les droits de la personne. Nous pouvons modifier cet accord important pour qu’il améliore la vie de tous les Canadiens.

CONSULTATIONS ET TRANSPARENCE DU GOUVERNEMENT

Le gouvernement du Canada ne peut prétendre à la transparence sans informer les Canadiens des questions visées par les négociations, croit le NPD. Il doit lever le voile du secret qui entoure les négociations.

Malgré les efforts des libéraux pour consulter, le gouvernement n’a aucune obligation de mobiliser le public sur les accords commerciaux. Comme son prédécesseur, le gouvernement actuel négocie derrière des portes closes sans vraiment mobiliser le public ni faire preuve de transparence.

Comme le signale le rapport principal, Affaires mondiales Canada avait reçu en décembre 2017 plus de 22 500 mémoires et 43 000 soumissions électroniques. Toutefois, ces soumissions n’ont pas été rendues publiques ni diffusées auprès des députés.

Le niveau de consultation gouvernementale a souvent été discuté pendant l’étude. Bien des groupes du secteur privé se sont dits satisfaits de la consultation, mais beaucoup d’autres ont exprimé l’opinion inverse.

De plus, le gouvernement ne respecte toujours pas ses engagements au regard de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans les accords commerciaux, et c’est là un autre sujet de préoccupation sérieux. L’article 19 est clair : le Canada doit obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones avant d’adopter des mesures susceptibles de les concerner. L’ALENA est assurément une de ces mesures.

Le NPD croit aussi que, pour que le Canada honore ses obligations envers les peuples autochtones en vertu de la Déclaration des Nations Unies, ces derniers doivent être pleinement représentés à la table de négociation.

Dans les négociations futures, le gouvernement devrait consulter en bonne et due forme les députés de tous les partis qui représentent la population canadienne, en mobilisant des Canadiens de tous les secteurs, régions et horizons. Les résultats de ces consultations devraient être rendus publics.

Le NPD continuera de réclamer ce qu’il y a de mieux alors que le gouvernement entreprendra des négociations futures.

INÉGALITÉS

Selon de récentes études présentées au Comité par le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA), le Réseau pour le commerce juste de l’Île-du-Prince-Édouard, le Congrès du travail du Canada (CTC), le Conseil des Canadiens et UNIFOR, les retombées globales de l’ALENA sont, au mieux, controversées. Dans un article qu’elle a écrit, Pamela Palmater mentionne que, « [d]ans les faits, la prospérité du Canada affiche un déclin réel de 0,06 %. Selon certains spécialistes, l’ALENA crée plus d’instabilité économique que de retombées réelles alors que des millions d’emplois disparaissent, que, globalement, les salaires stagnent, voire diminuent, au Mexique […] Certains définissent l’ALENA comme l’aboutissement de négociations entre de grandes sociétés transnationales motivées par leurs propres intérêts qui sont principalement à l’avantage des grandes sociétés – et non des citoyens ou de la planète. »

Selon les auteurs d’un article, Robert Scott, Jeff Faux et Carlos Salas, « si, comme le gouvernement canadien s’empresse de le signaler, le volume des échanges a énormément augmenté après la conclusion de l’ALENA, les inégalités se creusent et les salaires réels stagnent, voire reculent dans le cas du Mexique ».

Dans une entrevue avec Bloomberg Businessweek, même le premier ministre Justin Trudeau l’a admis : « Le commerce n’est pas à l’avantage de tous […] Parfois il ne sert les intérêts que du tiers supérieur des multinationales d’une économie, et non les petites entreprises. »

Fondamentalement, l’ALENA fait passer le pouvoir des gouvernements et des travailleurs aux grandes sociétés puisqu’il confère des droits exécutoires aux investisseurs et limite les pouvoirs des gouvernements actuels et futurs et des citoyens qui les élisent. Pour réellement améliorer l’ALENA et protéger les plus pauvres et les plus marginalisés, il faut le renégocier. Comme le souligne Oxfam Canada dans son mémoire à AMC, l’égalité est inatteignable dans les accords commerciaux si on ne se préoccupe pas de droits de la personne, d’égalité hommes-femmes et de croissance économique inclusive. Cela peut entraîner des conséquences défavorables comme abaisser les normes du travail et diminuer les services publics.

TRAVAIL

IL faut redéfinir les priorités et objectifs actuels de l’ALENA et faire passer les droits des travailleurs en premier.

La signature de l’ALENA a donné aux travailleurs des trois pays le faux espoir qu’on allait resserrer les normes du travail et améliorer le niveau de vie. Or, à ce jour, les travailleurs mexicains ne peuvent toujours pas négocier librement avec leur employeur, les syndicats indépendants ne peuvent souvent pas négocier au nom des travailleurs, les salaires stagnent, et les lois environnementales et du travail sont très inférieures aux normes canadiennes. Aux États-Unis, les lois du « droit au travail », en émergence dans divers États, découragent la syndicalisation, diminuent les salaires et restreignent les droits du travail.

L’Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail (ANACT), parallèle à l’ALENA, est inefficace. À la base, il s’agissait d’un mécanisme d’examen auquel les États membres pouvaient volontairement se soumettre. Or, comme son pouvoir de sanctionner des États en cas de violation est limité, il ne permet pas d’harmoniser les droits du travail entre les États membres. De plus, comme le souligne un rapport du Conseil des Canadiens, l’ANACT n’est pas un mécanisme efficace pour contester le non-respect des lois nationales du travail, non-respect qui est encouragé puisque les investisseurs, dans une course à la rentabilité à tout prix, transfèrent leur production là où les salaires sont inférieurs.

L’ALENA modernisé doit remédier aux limites de l’ANACT en incorporant un chapitre sur le travail dans le texte principal pour que la réglementation du travail soit contraignante et qu’elle prévoie des sanctions et des normes applicables aux trois pays.

Le Congrès du travail du Canada (CTC) a également dit clairement que, pour élever les droits et les normes du travail à un niveau égal dans l’ALENA, le chapitre sur le travail doit obliger les trois États membres à signer et à ratifier les huit conventions fondamentales de l’OIT, adhérer à son Agenda pour le travail décent et signer et ratifier la Convention 81 de l’OIT sur l’inspection du travail. Le chapitre doit aussi prévoir la création d’un secrétariat du travail indépendant chargé de superviser le processus de règlement des différends en cas de violation des droits du travail en l’absence de mécanisme adéquat pour lutter contre la violation généralisée des droits du travail.

Le NPD convient également avec le CTC que le gouvernement du Canada doit « envisager l’idée d’une diligence raisonnable pour les entreprises et les organismes de financement canadiens […, et] songer à un cadre de négociation transnationale pour permettre aux syndicats de représenter les travailleurs dans bien des pays […] ». Il croit que les négociations entourant l’ALENA devraient reposer sur le principe de ne désavantager personne. Les travailleurs ne peuvent demeurer secondaires dans les accords commerciaux.

SECTEUR DE L’AUTOMOBILE ET DE LA FABRICATION

Le secteur nord-américain de l’automobile et de la fabrication extrêmement intégré est un moteur de production, d’innovation et de ventes, mais les règles du jeu sont très inégales. Depuis 2001, 44 000 emplois dans le secteur automobile canadien et au moins 400 000 emplois dans le secteur de la fabrication ont disparu. Selon un rapport d’UNIFOR, la moitié de la balance commerciale actuelle dans le secteur de la fabrication du Canada avec le Mexique est constituée d’automobiles et de pièces d’automobiles. Le déficit commercial global dans le secteur automobile entre le Mexique et le Canada est passé de 1,6 à 8,7 milliards de dollars dans le cadre de l’ALENA.

Soulignons qu’il faut moderniser les règles d’origine afin de tenir compte de l’évolution technologique et resserrer les règles régissant le contenu nord-américain (p. ex. la liste des composants soumis aux règles de provenance).

Cette intégration et la libéralisation du commerce procurent un avantage aux entreprises intéressées dont ne profitent pas les travailleurs ni les petites et moyennes entreprises du secteur automobile.

Le gouvernement canadien doit défendre les emplois de ce secteur, s’attaquer au partage inéquitable de la richesse et appliquer une stratégie nationale pour assurer la force de ce secteur.

RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS ENTRE INVESTISSEURS ET ÉTATS (RDIE) ET CHAPITRE 11

Le NPD estime que les dispositions sur le RDIE privilégiant les grandes sociétés allant à l’encontre de l’intérêt public n’ont pas leur place dans les accords commerciaux. C’est le cas des dispositions permettant aux investisseurs étrangers d’éviter le système des tribunaux nationaux et compromettant notre souveraineté. Les tribunaux d’arbitrage, qui n’ont pas à rendre de comptes, peuvent ordonner aux gouvernements de dédommager les investisseurs s’estimant floués par les politiques publiques ou les règlements du pays.

Le CCPA a souligné que le « [chapitre 11 a] été initialement qualifi[é] de recours exceptionne[l] à utiliser uniquement dans des circonstances exceptionnelles. […] Au contraire, les investisseurs étrangers ont ciblé une grande variété de mesures gouvernementales […] dans les secteurs de la protection de l’environnement et de la gestion des ressources naturelles […] Le Canada a perdu ou réglé huit dossiers, versant des dommages-intérêts de plus de 215 millions de dollars à des investisseurs étrangers. Dans neuf dossiers, les arbitres ont conclu que le Canada n’avait pas violé les droits des investisseurs plaignants aux termes de l’ALENA. Dans le cadre de ce processus, les gouvernements canadiens ont engagé des dizaines de millions de dollars en honoraires extrajudiciaires. »

La ministre des Affaires étrangères a dit qu’elle modifierait les dispositions sur le RDIE et s’emploierait à les harmoniser avec celles du système judiciaire appliqué aux investisseurs (SJI) négociées dans le cadre de l’AECG. Toutefois, selon Gus Van Harten, professeur de la faculté de droit Osgoode Hall, le SJI comporte des lacunes. Les membres qui rendent les décisions judiciaires sont rémunérés selon le nombre de demandes présentées devant les tribunaux, ce qui n’est pas sain pour la perception d’indépendance. Et comme le processus d’arbitrage n’est pas public, les membres n’ont jamais l’obligation de rendre des comptes.

Dans son rapport présenté au Comité, UNIFOR fait observer que les investisseurs canadiens ont accès à un système judiciaire national moderne, mais que le chapitre 11 accorde aux investisseurs étrangers des privilèges supplémentaires qui menacent de « freiner » l’adoption de règlements nationaux. Une poursuite au titre du RDIE n’est même pas nécessaire pour faire changer la position d’un gouvernement à l’égard de sa réglementation – la simple menace d’une poursuite aux termes du chapitre 11 suffit.

Fait important, l’Équateur, le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Indonésie, l’Inde et le Japon ont tous déclaré qu’ils n’accepteraient plus ou n’accepteraient jamais d’accords commerciaux prévoyant de telles dispositions.

PROTECTIONS DE L’ENVIRONNEMENT, DE L’ÉNERGIE ET DE L’EAU

Le NPD croit que l’ANACE doit être incorporé au texte principal de l’accord afin de nous protéger des conséquences désastreuses des changements climatiques et de la détérioration continue de notre environnement.

L’ANACE est assorti d’un budget limité, et son processus de règlement des différends n’est pas concurrentiel compte tenu de la force et de l’appui qu’offrent les dispositions sur le RDIE dans le chapitre 11. 

Les dispositions régressives sur la proportionnalité dans le secteur de l’énergie doivent être retirées de l’ALENA puisqu’elles interdisent au Canada de réduire ses exportations de pétrole et de gaz vers les États-Unis, même en cas de pénurie, de réduire sa production afin de respecter ses obligations en matière de réduction des gaz à effet de serre ou de favoriser la production nationale à valeur ajoutée.

Aux termes de l’ALENA, l’eau est un bien marchand ou commercialisable plutôt qu’un droit. En vertu du chapitre 11, le Canada a déjà été poursuivi pour ses lois protégeant l’eau, et la capacité de notre gouvernement de protéger notre eau est compromise chaque fois que de grandes sociétés contestent nos lois.

Selon David Suzuki, de la Fondation Suzuki : « Il ne devrait pas y avoir de commerce de l’eau tant et aussi longtemps que nous n’arrivons pas à respecter et à protéger ce liquide sacré d’une façon qui soit véritablement durable. »

Il ne fait aucun doute pour le NPD qu’il faut éliminer les dispositions sur le RDIE du chapitre 11 puisqu’elles ont la plus grande incidence sur les règlements concernant l’environnement, l’énergie et l’eau et menacent de freiner l’adoption de règlements, comme il en a été question plus haut.

DROITS EN MATIÈRE D’ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES

Le NPD est déçu que le Comité se soit contenté de refléter de vagues énoncés sur les droits en matière d’égalité entre les sexes dans ses recommandations plutôt que les témoignages exhaustifs et importants des témoins sur le chapitre concernant de tels droits.

Le NPD répète qu’Oxfam Canada a réclamé l’intégration des droits en matière d’égalité entre les sexes dans la totalité du texte de l’ALENA. Ces droits ne devraient pas se limiter à un seul chapitre, et l’égalité entre les sexes ne concerne pas que les difficultés vécues par les entrepreneures. Le droit du travail doit également remédier aux injustices que vivent les femmes, comme l’iniquité salariale, le travail des enfants et les piètres conditions de travail. Le NPD croit que, pour être réellement progressiste à cet égard, un accord doit mettre fin aux inégalités systémiques que vivent toutes les femmes. Le NPD croit également qu’une analyse sexospécifique et une évaluation des effets sexospécifiques doivent être appliquées à tous les accords commerciaux.

DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

Comme on l’a dit plus haut, le NPD croit que le gouvernement doit se conformer à l’article 19 de la Déclaration des Nations Unies et obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones avant d’adopter des mesures susceptibles de les concerner.

Une autre grande question soulevée lors des témoignages par l’International Inter-Tribal Trade and Investment Organization, le Conseil national de développement économique des Autochtones, et l’Aboriginal Business Council concernait la protection des « connaissances traditionnelles » et les droits des communautés autochtones relatifs à leur patrimoine culturel comme droit de propriété intellectuelle. Le gouvernement du Canada doit reconnaître cette préoccupation et y répondre.

DROITS DE PI, NUMÉRIQUES ET DE PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

Au chapitre des droits de propriété intellectuelle (PI) et numériques, qui, selon les témoins, ont été difficiles à négocier dans les accords commerciaux, on craint que le gouvernement canadien ne soit pas prêt à défendre et à faire avancer le Canada. Des témoins ont émis des craintes quant aux modifications majeures aux droits de PI sur le plan du droit d’auteur, des brevets et des marques de commerce dans l’ALENA qui pourraient avantager injustement les grandes sociétés américaines au détriment des consommateurs et des innovateurs canadiens.

Il ne faut pas sacrifier la politique canadienne sur le droit d’auteur au nom du libre-échange. Il est particulièrement important de maintenir une politique équilibrée et sensée vu le lien fondamental entre la loi sur le droit d’auteur et la capacité de s’exprimer librement en ligne – par l’échange de connaissances, de recherches et d’art; la participation au débat public et politique; la contribution au patrimoine culturel; et l’inspiration et la mise à profit de la créativité. Le NPD insiste sur le fait que le régime d’avis et avis est efficace et permet l’atteinte d’objectifs en matière de violation du droit d’auteur, tout en atténuant (bien que pas complètement) les torts associés au régime d’avis et retrait.

Le gouvernement canadien doit rejeter toute proposition visant à prolonger la durée actuelle du droit d’auteur au-delà de 50 ans après le décès de l’auteur, puisque la durée d’application au Canada est déjà conforme aux traités internationaux sur le droit d’auteur.

Le Canada se classant déjà au deuxième rang pour le prix des médicaments, le gouvernement ne doit pas accorder d’autres prolongations de brevet qui feront augmenter encore plus le prix des médicaments, en s’assurant que l’ALENA n’empêche pas la création d’un régime d’assurance-médicaments au pays.

Comme l’a dit le CCPA, « [h]armoniser entièrement notre système de protection des brevets des médicaments au modèle américain serait extrêmement dispendieux pour les consommateurs canadiens et pour la santé de notre système de soins […] [Nous ne pouvons] entrave[r] l’accès à des médicaments abordables au Mexique, un pays en voie de développement dont de nombreux citoyens sont tout simplement incapables d’assumer ces frais supplémentaires ».

Le représentant américain au commerce a réclamé des modifications à l’ALENA et demandé aux pays membres de créer des sanctions pénales pour les personnes qui contournent les « verrous numériques » et l’information sur le régime des droits, par exemple en se servant de logiciels pour copier des DVD dans un ordinateur. Les modifications au stockage des données ne doivent pas empêcher les gouvernements d’exiger leur stockage sur des serveurs locaux canadiens.

Il existe déjà des lois, notamment en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse, pour protéger la vie privée des Canadiens. Elles exigent que les données nationales soient stockées localement. De plus, comme en fait état un rapport de la BC Freedom of Information and Privacy Association, il est essentiel que l’ALENA ou d’autres accords commerciaux ne mettent pas en péril la souveraineté législative actuelle et future du Canada.

Le NPD croit que le Canada doit préserver son approche de longue date, soit exempter la culture de l’ALENA et autre accord commercial. La politique culturelle doit être établie au pays par le gouvernement canadien. Les accords commerciaux ne doivent pas nous dicter notre politique culturelle.

AGRICULTURE

Les organisations agricoles ont souligné la profonde intégration des politiques agricoles et des pratiques commerciales pour les producteurs et vendeurs d’aliments ainsi que l’augmentation des exportations canadiennes. Le NPD craint que l’ALENA compromette la disposition sur l’approvisionnement alimentaire national sûr ou la souveraineté alimentaire. Il incombe au gouvernement canadien d’établir sa propre politique agricole et de s’assurer que la population a la capacité et le droit de savoir ce que contiennent les aliments ainsi que leur provenance et les méthodes de culture. Il faut renforcer l’étiquetage indiquant le pays d’origine de même que resserrer les normes sur les pesticides et la salubrité des aliments et les harmoniser.

Le NPD estime également que, pour protéger davantage les producteurs agricoles, des protections en cas de faillite, comme il en existe aux États-Unis en vertu de la Perishable Agricultural Commodities Act, devraient être prévues dans l’ALENA pour mieux protéger les entreprises dans le domaine des fruits et légumes frais et congelés en établissant un code de pratiques commerciales équitables et en aidant les agriculteurs et les entreprises à régler leurs différends commerciaux.

GESTION DE L’OFFRE

Le gouvernement doit protéger la gestion de l’offre des récentes tentatives des États-Unis pour la démanteler. Ainsi, il pourra assurer aux Canadiens l’accès à des aliments produits localement et de grande qualité, tout en appuyant les petites exploitations agricoles familiales et les localités rurales. Le secteur soumis à la gestion de l’offre, qui génère plus de 26 milliards de dollars et 310 000 emplois, contribue grandement à l’économie. 

La gestion de l’offre ne doit pas continuer de s’affaiblir dans les accords commerciaux, comme cela s’est passé avec l’AECG et le PTP. Aucun accès accru au marché ne doit être accordé aux États-Unis dans le cadre des renégociations entourant l’ALENA.

RECOMMANDATIONS DU NPD AU GOUVERNEMENT CANADIEN

  1. Faire preuve d’une transparence accrue durant les négociations commerciales en consultant directement les Canadiens et en informant régulièrement les parlementaires à chaque série de négociation.
  2. Protéger la possibilité, pour les différents ordres de gouvernement, d’adopter des politiques destinées à étendre les services publics ou à renationaliser des secteurs privatisés sans s’exposer à des poursuites.
  3. S’engager à prendre des mesures rigoureuses et exécutoires relatives à la monnaie dans tous les accords commerciaux.  
  4. Avant la conclusion ou la signature de tout accord commercial future, y compris l’ALENA, commander une étude indépendante des coûts et des avantages attendus, et s’assurer de l’application d’une analyse sexospécifique et de la réalisation d’une évaluation des effets sexospécifiques.
  5. Éliminer les dispositions sur le RDIE du chapitre 11 de l’ALENA et s’assurer que tout accord commercial futur ne contienne pas de dispositions sur l’arbitrage des différends entre les investisseurs et l’État.
  6. Divulguer rapidement les hausses éventuelles estimées des coûts des médicaments d’ordonnance pour les provinces et les territoires ainsi que pour les particuliers et les employeurs canadiens à la suite des modifications proposées aux lois sur les brevets dans l’ALENA renégocié d’une part, et les détails de la compensation financière à verser aux provinces, territoires, particuliers et employeurs d’autre part.
  7. Dans le cadre de toutes les négociations d’accords commerciaux et d’investissement futurs, défendre les droits de PI qui profitent aux consommateurs et aux innovateurs canadiens, et s’engager à maintenir le régime canadien actuel de droit d’auteur, notamment en ce qui a trait à (a) l’atteinte d’un équilibre grâce à une approche proprement canadienne; (b) l’avis et avis; et (c) la durée actuelle du droit d’auteur (.c.-à-d. rejeter toutes les propositions de prolongation de la durée).
  8. Veiller à ce que toute disposition concernant la localisation des données préserve la capacité du Canada à mettre en place un droit national substantiel protégeant les données personnelles et le droit à la vie privée des Canadiens.
  9. Conserver le solide régime de neutralité de l’Internet et rejeter toute tentative d’affaiblissement de cette neutralité au pays ou « d’harmonisation » avec les États‑Unis.
  10. Demander à incorporer l’ANACT à l’ALENA au cours de sa renégociation. Le gouvernement doit également négocier des dispositions qui renforceraient l’application des normes environnementales.
  11. Demander à éliminer totalement les articles 315 et 605 de l’ALENA (proportionnalité dans le secteur de l’énergie) ainsi que les dispositions qui exposent l’eau au risque d’exportation et de privatisation au cours de la renégociation de l’accord.
  12. Demander à mettre en œuvre des normes de travail rigoureuses et exécutoires en Amérique du Nord au cours de la renégociation de l’ALENA. Plus particulièrement, le gouvernement devrait chercher à inclure un chapitre sur le travail qui nécessiterait la ratification et l’application des huit conventions fondamentales de l’OIT et l’adhésion à son Agenda pour le travail décent. Le gouvernement devrait également veiller à la création d’un secrétariat du travail indépendant habilité à superviser le processus de règlement des différends en cas de violation des droits du travail et à imposer des sanctions aux contrevenants.
  13. Collaborer avec les États-Unis et le Mexique afin de faire respecter les droits des peuples autochtones, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le gouvernement devrait également, avant d’approuver toute disposition de l’ALENA susceptible de toucher les peuples autochtones, obtenir leur consentement inconditionnel préalable, donné librement et en connaissance de cause.
  14. Protéger la souveraineté alimentaire, les mécanismes de production et la gestion de l’offre, les modes de subsistance en milieu rural et le droit de savoir ce que contiennent les aliments, leur provenance et les méthodes de culture employées.
  15. Que le gouvernement du Canada, s’il négocie un accord bilatéral de rechange avec les États Unis d’Amérique ou le Mexique, mène de vastes consultations publiques et concrètes auprès des Canadiens, notamment auprès de l’industrie, des syndicats et de la société civile; des provinces, des territoires et des municipalités; ainsi que des communautés des Premières Nations, Inuites et métisses.
  16. Que le gouvernement du Canada renforce la Loi sur Investissement Canada afin de protéger les emplois canadiens et de faire en sorte que les prises de contrôle d’entreprises canadiennes par des intérêts étrangers procurent un avantage net au Canada.