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FINA Rapport du Comité

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OPINION COMPLÉMENTAIRE DU PARTI LIBÉRAL DU CANADA

Introduction

Le Parti libéral remercie ceux qui sont venus témoigner devant le Comité des finances. Les témoins entendus sont issus de divers horizons politiques et d’horizons professionnels encore plus divers. Il ressort clairement de leur témoignage d’experts que l’inégalité des revenus et l’égalité des chances sont des enjeux complexes et pressants qui transcendent les partis.

D’après l’OCDE, l’inégalité des revenus au Canada était supérieure à la moyenne de l’OCDE avant la récession de 2008 et elle l’est toujours. Miles Corak a fait remarquer que, même si notre mobilité économique intergénérationnelle reste élevée, il y a une forte corrélation entre inégalité des revenus et inégalité des chances. Si le Canada ne s’attaque pas à l’augmentation des niveaux d’inégalité, les conséquences économiques et sociales de son inaction risquent de lui coûter cher, entre autres, en termes de productivité et de santé publique. Le Parti libéral exhorte le gouvernement fédéral à collaborer avec les autres ordres de gouvernement sur le plan de l’éducation de la petite enfance, du système de transfert d’impôt et de la relation de la Couronne avec les peuples autochtones en vue de renforcer l’égalité des chances de tous les Canadiens.

Une éducation de la petite enfance accessible et de grande qualité

Une politique sur l’éducation et l’accueil de la petite enfance (EAPE) a un rôle clé à jouer dans toute stratégie de lutte contre l’inégalité des revenus et de promotion de l’égalité des chances. L’EAPE est un investissement à haut rendement : elle permet aux enfants de réaliser leur plein potentiel, donne aux parents la possibilité de retourner au travail et favorise la croissance économique.

Les estimations varient, mais on s’entend généralement pour dire que chaque dollar investi en EAPE rapporte beaucoup. Selon l’étude Ypsilanti/High Scope citée dans le rapport Mustard-McCain sur l’EAPE intitulé Inverser la véritable fuite des cerveaux, chaque dollar investi en EAPE pour les enfants à risque élevé rapporte le septuple. L’Association médicale canadienne situe le taux de rendement entre 1:6 et 1:8. L’économiste en chef de la Banque TD Craig Alexander cite d’autres estimations tout aussi impressionnantes :

Le taux de rendement des investissements dans l'éducation de la petite enfance est extrêmement élevé. Pour ce qui est du taux de rendement, pour chaque dollar investi, la plupart des études académiques réalisées là-dessus indiquent un rendement économique et social allant de 1,50 $ à 2,50 $ et si vous vous concentrez sur les personnes de milieux défavorisés, vous pouvez même atteindre un rendement à deux chiffres. Au sein de l'OCDE, le Canada se classe bon dernier pour les investissements dans ce domaine, avec seulement un quart de point de PIB.

Dans ces conditions, on peut déplorer que le Canada n’investisse pas autant qu’il devrait dans ce domaine. Selon les Services économiques TD, le Canada consacre à l’EAPE 3 à 4 milliards de dollars de moins que la moyenne des pays industrialisés.

En plus du manque d’investissement à l’échelle nationale, il y a d’énormes disparités interrégionales en termes de financement, d’accès et de qualité des services. La dernière étude de Mustard-McCain, intitulée Le point sur la petite enfance, fait ressortir plusieurs des disparités interprovinciales. En 2011-2012, le pourcentage des budgets provinciaux d’EAPE variait entre 4,67 % au Québec à 0,86 % à Terre-Neuve-et-Labrador; le pourcentage des 2 à 4 ans qui fréquentaient régulièrement un centre d’EAPE variait entre 31 % en Alberta et à Terre-Neuve-et-Labrador et 69 % au Québec; le nombre des éducateurs de la petite enfance par groupe d’enfants de trois ans était de 1:12 au Québec, en Ontario et au Manitoba, mais de 1:28 au Nouveau-Brunswick et de 1:32 en Alberta.

Il est clair que le Canada doit se montrer plus stratégique. Des témoins ont fait état des meilleures pratiques internationales. Diana Carney, de Canada 2020, par exemple, a cité les pays nordiques en exemple en matière de politique de la petite enfance. Par ailleurs, selon le rapport de l’OCDE intitulé Petite enfance, grands défis - III, une politique de la petite enfance repose sur cinq axes : établir les objectifs et les règles en matière de qualité; élaborer et mettre en oeuvre les programmes scolaires et les normes; améliorer les conditions de travail et le niveau de qualification et de formation du personnel; faire participer les familles et la collectivité; développer la collecte de données, la recherche et le suivi. Comme l’a fait observer Peggy Taillon, du Conseil canadien de développement social, les conflits de compétence ne doivent pas empêcher les décideurs de s’attaquer à ce défi.

Impôt sur le revenu des particuliers et soutiens du revenu

Selon l’OCDE, le système de transfert d’impôt du Canada, jadis parmi les plus efficaces contre l’inégalité, l’est devenu beaucoup moins au cours des vingt dernières années. Le gouvernement fédéral pourrait prendre des mesures pratiques et réalisables pour renverser cette tendance.

Le Parti libéral croit que le gouvernement doit rendre les crédits d’impôt sur le revenu des particuliers remboursables et renoncer à en créer de nouveaux jusqu’à ce que les crédits existants soient entièrement remboursables. Les crédits d’impôt mal ciblés et non remboursables ne changent guère les comportements et coûtent cher à l’État. Comme l’a noté Benjamin Eisen, « ceux qui en profitent, au bout du compte, ce sont les gens qui adoptent exactement le même comportement qu’auparavant ». En outre, le régime fiscal rend les Canadiens à faible revenu inadmissibles à plusieurs prestations fiscales comme le crédit d’impôt pour personnes handicapées et le crédit d’impôt pour aidants familiaux. Cette dégressivité fiscale constitue une véritable occasion manquée dans la lutte contre l’inégalité.

Par ailleurs, le Parti libéral croit que le gouvernement fédéral doit s’attaquer au « piège de l’aide sociale ». Lorsqu’il a témoigné devant le comité, Craig Alexander a parlé des difficultés auxquelles se heurtent les Canadiens quand ils veulent sortir de la pauvreté. Quand ils se mettent à gagner assez pour ne plus avoir droit au soutien du revenu, ils font face à un « énorme taux effectif marginal d’imposition sur le revenu » puisque « pour chaque dollar de revenu additionnel [qu’ils génèrent], [ils risquent] de perdre 50 cents pour chaque dollar de soutien au revenu que fournit le gouvernement ». Selon M. Alexander, « la transition est si difficile qu’elle agit comme un désincitatif et comme un obstacle qui empêche les gens de sortir de la pauvreté ». Il estime aussi que les limites à l’accumulation d’actifs par les Canadiens qui bénéficient de soutien du revenu sont trop sévères : « En bout de ligne, je crois que si vous donnez aux gens un peu plus la chance d’accumuler des actifs, cela aura un effet d’autorenforcement ». Le gouvernement fédéral doit permettre aux Canadiens de passer de l’aide sociale au travail sans subir de pénalités financières punitives.

Selon nombre de témoins, la prestation fiscale pour le revenu de travail (PFRT), annoncée par l’ancien gouvernement libéral à l’automne de 2005 et mise en oeuvre par l’actuel gouvernement en 2007, offre un bon moyen de réduire l’inégalité des revenus tout en stimulant la croissance économique. Dans sa contribution au rapport de Canada 2020 intitulé Réduction de la disparité et de la polarisation des revenus, Mark Cameron écrit que la PFRT « vient s’ajouter aux rentrées de ceux à revenu faible et contribue à éliminer les désincitatifs au travail rémunéré, et ainsi faire en sorte que les gens préfèrent le travail à l’aide sociale », ce qui facilite le retour au travail et contribue à l’économie nationale. Le gouvernement devrait prendre appui sur le succès de la PFRT qui, selon Miles Corak, « constitue une pratique exemplaire en matière de soutien du revenu ».

Premières Nations, Métis et Inuits

Dans l’économie moderne, l’accès à l’emploi passe par des études secondaires et postsecondaires, qu’il s’agisse d’un diplôme collégial, d’une accréditation de métier ou d’un diplôme universitaire.

Or, chez les Premières Nations, seulement un jeune vivant en réserve sur trois termine l’école secondaire. Dans son rapport de 2011, la vérificatrice générale du Canada a constaté que, dans ses efforts pour réduire l’écart de scolarisation, le gouvernement « n’avait pas gardé une approche uniforme et qu’il ne pouvait pas démontrer qu’il y avait eu amélioration jusqu’ici ». Chose consternante, les jeunes qui fréquentent l’école en réserve sont financés en moyenne aux deux tiers des élèves des écoles provinciales. En niant ce déficit de financement et en refusant de le résorber, le gouvernement prive l’économie de talents dont elle a désespérément besoin et les peuples autochtones d’un avenir prospère. Le gouvernement doit s’engager immédiatement à collaborer avec les collectivités des Premières Nations pour remédier au déficit de financement de la maternelle à la 12e année sur la base de ce qu’il en coûte réellement pour assurer à tous les jeunes des Premières Nations une éducation de qualité et respectueuse des particularités culturelles dirigée par les Premières Nations.

Chez les Premières Nations, les Inuits et les Métis, les jeunes sont aussi sensiblement sous-représentés au niveau postsecondaire. Par exemple, 23 % des non-Autochtones sont titulaires d’un diplôme universitaire contre 8 % seulement pour les Autochtones. Le gouvernement doit collaborer avec les collectivités autochtones pour augmenter le taux de fréquentation et d’achèvement des études postsecondaires en commençant par augmenter le budget du Programme d’aide aux étudiants autochtones de niveau postsecondaire. Ce programme reçoit tous les ans plus de demandes d’étudiants qualifiés qu’il ne peut en accepter et l’argent que les étudiants reçoivent ne suffit pas à payer les frais de leur éducation.

Conclusion

L’inégalité des revenus est un enjeu qui transcende les partis. L’augmentation de l’inégalité nous affecte tous, quel que soit notre âge, notre revenu ou notre affiliation politique. Les conséquences d’un excès d’inégalité sont sérieuses et de large portée : économie affaiblie, santé publique en baisse, collectivités plus vulnérables et qualité de vie amoindrie. Le gouvernement se doit de relever ce défi en appliquant des solutions concrètes et en tâchant réellement de renforcer l’égalité des chances pour tous les Canadiens.

Recommandations

Le Parti libéral du Canada recommande :

1.     Que le gouvernement fasse d’importants investissements dans les programmes abordables d’éducation et d’accueil de la petite enfance (EAPE).

2.     Que le gouvernement augmente la valeur de la prestation fiscale pour le revenu de travail (PFRT) et prenne les dispositions voulues pour élargir l’admissibilité à la PFRT dans le but d’inclure tous les ménages dont le revenu gagné est sous le seuil de faible revenu (SFR) après impôt.

3.     Que le gouvernement fasse le nécessaire pour rendre entièrement remboursables le crédit d’impôt pour personnes handicapées et le crédit d’impôt pour aidants familiaux, de manière à ne pas exclure de ces programmes les Canadiens à faible revenu.

4.     Que le gouvernement renonce à accorder de nouveaux crédits d’impôt aux particuliers jusqu’à ce que ceux qui sont en vigueur — notamment le crédit d’impôt pour personnes handicapées, le crédit d’impôt pour aidants familiaux, le crédit d’impôt pour pompiers volontaires, le crédit d’impôt pour les activités artistiques des enfants, le crédit d’impôt pour la condition physique des enfants, le crédit d’impôt pour le transport en commun et les crédits d’impôt pour études — soient entièrement remboursables, afin que les Canadiens à faible revenu puissent également en bénéficier.

5.     Que le gouvernement abaisse les taux effectifs marginaux d’imposition élevés des travailleurs à faible revenu en réduisant la récupération de revenu dans les programmes fédéraux de soutien du revenu.

6.     Que le gouvernement élève le seuil des actifs admissibles dans les programmes fédéraux de soutien du revenu.

7.     Que le gouvernement élabore et mette en oeuvre un plan fédéral de réduction de la pauvreté.

8.     Que le gouvernement revienne sur sa décision de repousser l’âge d’admissibilité aux prestations de la Sécurité de la vieillesse.

9.     Que le gouvernement du Canada reconnaisse la nécessité impérieuse d’améliorer les résultats socioéconomiques des Autochtones en bonifiant sensiblement l’aide à l’éducation, notamment en remédiant au déficit de financement de la maternelle à la 12e année et en supprimant le plafonnement à 2 % des majorations du budget du Programme d’aide aux étudiants autochtones de niveau postsecondaire.