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HEAL Rapport du Comité

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DANS L’ARMOIRE À PHARMACIE :
PREMIER RAPPORT SUR LA DIMENSION SANTÉ
DES MÉDICAMENTS SUR ORDONNANCE

DÉMARCHE DU COMITÉ

En juin 2003, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a accepté d’étudier les médicaments sur ordonnance (brevetés et génériques) au Canada. S’intéressant d’abord à la dimension santé, il a entrepris un examen : des coûts; des mécanismes de contrôle des prix; du processus d’approbation des médicaments; des effets indésirables des médicaments; des pratiques de prescription; du lobbying des prescripteurs et des préparateurs et de la commercialisation des médicaments; de la publicité s’adressant directement au consommateur; de l’accès aux médicaments; du mauvais usage, de l’abus et de l’accoutumance dans la population en général.

À l’automne 2003, pendant plus de deux mois, le Comité a tenu des audiences à large portée sur la dimension santé des médicaments sur ordonnance. De nombreuses rencontres ont eu lieu à Ottawa, mais aussi dans l’Est et dans l’Ouest, où le Comité s’est rendu pour connaître l’avis des citoyens. Les nombreux éléments ainsi recueillis montrent que de multiples problèmes suscitent l’inquiétude générale.

Ce premier rapport porte sur trois questions clés touchant les médicaments sur ordonnance au Canada : les essais cliniques, la surveillance après commercialisation et la publicité s’adressant directement au consommateur. Dans le prolongement de l’information présentée par les témoins, il met l’accent sur la responsabilité fédérale dans chaque domaine. Le Comité entend produire un second rapport sur d’autres sujets de préoccupations signalés dans le cadre des audiences tenues partout au pays.

Il est essentiel au départ de comprendre que les médicaments font partie intégrante du système de soins de santé canadien et que leur bonne utilisation profite à tous les citoyens. Toutefois, le Comité reconnaît aussi qu’il est difficile d’assurer un accès équitable à des médicaments sûrs, efficaces et de bonne qualité, tout en contrôlant les coûts. Le présent rapport est la première étape de l’analyse de la dimension santé des nombreux problèmes entourant les médicaments sur ordonnance. Notre objectif est d’accroître l’accès du grand public aux renseignements concernant les médicaments sur ordonnance.

QUESTIONS IMPORTANTES POUR LES CANADIENS

Essais cliniques

Ce qu’on nous a dit

Dans l’élaboration des médicaments, les essais cliniques sont essentiels à l’obtention de données scientifiques sur l’innocuité, l’efficacité et la posologie optimale. Les essais cliniques supposent l’observation directe de sujets humains. Santé Canada se fonde sur les données ainsi obtenues pour évaluer les demandes des sociétés qui souhaitent commercialiser un produit pour usage humain.

Au Canada, les exigences réglementaires concernant les essais cliniques de médicaments ont été établies au cours des années 1960. En 2001, des changements ont été apportés à la réglementation dont les suivants : une insistance accrue sur l’importance des comités d’éthique de la recherche et l’établissement d’un nouveau programme d’inspection. Habituellement, le promoteur d’un médicament demande à Santé Canada l’autorisation de procéder à un essai clinique. Il doit accompagner sa demande de documents tels qu’une copie du protocole et une copie de la déclaration relative aux risques éventuels et aux avantages prévus, qui doit être énoncée dans chaque formulaire de consentement éclairé. L’approbation préalable d’un comité d’éthique de la recherche n’est pas nécessaire pour présenter une demande. Toutefois, avant le début d’un essai clinique, le promoteur doit choisir le comité d’éthique de la recherche et lui faire approuver le protocole d’essai clinique et le formulaire de consentement éclairé. Après que l’essai clinique est entrepris, Santé Canada procède à des inspections afin de s’assurer du respect des exigences réglementaires.

Une fois approuvés, les essais cliniques comportent normalement trois étapes. La première, qui met en jeu un petit nombre de volontaires adultes, vise à mesurer l’innocuité du médicament. La deuxième, qui fait appel à plusieurs centaines de personnes réparties de façon aléatoire en un groupe de traitement et un groupe de contrôle, porte sur l’efficacité du médicament. Quant à la troisième étape, qui est menée auprès d’un très grand groupe, pouvant compter des milliers de personnes, elle est à la fois aléatoire, en aveugle et de longue durée, et elle vise à évaluer l’efficacité, les avantages et les effets indésirables du médicament. Certains témoins ont demandé des exigences réglementaires fédérales concernant une quatrième étape qui vise à tenir une évaluation supplémentaire après la commercialisation.

Des témoins ont mentionné des normes inégales et des activités contradictoires parmi les comités d’éthique de la recherche du Canada. Pour l’instant, ces comités ne sont assujettis à aucune réglementation fédérale. Des témoins ont exprimé leur préoccupation relative à l’absence d’un système d’accréditation normalisé et de vérifications régulières des comités d’éthique de la recherche. Actuellement, les Instituts de recherche en santé du Canada s’attendent que les bénéficiaires d’une aide financière respectent l’Énoncé de politique des trois Conseils sur l’éthique de la recherche avec des êtres humains. De plus, le Conseil national d’éthique en recherche chez l’humain, organisme bénévole composé de particuliers et de représentants des principales organisations intéressées par la recherche clinique, prête son concours aux comités d’éthique de la recherche pour l’interprétation et l’application des lignes directrices sur l’éthique de la recherche avec des êtres humaines. Toutefois, aucun organisme national n’est chargé d’assurer la surveillance de l’éthique de la recherche avec des êtres humains dans le secteur public ou privé.

Certains témoins ont protesté avec véhémence contre le manque de transparence des essais cliniques. Les réserves exprimées concernent surtout le fait que, même si les données obtenues au cours des diverses étapes sont mises à la disposition de Santé Canada et parfois publiées dans des rapports cliniques et scientifiques, elles demeurent la plupart du temps confidentielles et indisponibles aux personnes qui utilisent les produits. Les sociétés pharmaceutiques soutiennent que la confidentialité est indispensable pour empêcher la concurrence de connaître leurs travaux. Aussi demandent-elles parfois aux chercheurs, aux coordonnateurs et à d’autres personnes qui participent aux essais de signer des accords de confidentialité. Plusieurs témoins pensaient qu’en raison des exigences en matière de confidentialité, des activités discutables ne sont pas signalées par crainte de représailles. Ils ont demandé instamment que Santé Canada améliore son processus d’inspection et étudie des moyens pour offrir une protection juridique aux chercheurs et au personnel des essais cliniques qui divulguent de l’information jugée confidentielle. Des témoins ont fait remarquer que les exigences en matière de confidentialité empêchent le public d’évaluer l’exhaustivité des données utilisées par l’organe de réglementation, la fiabilité des renseignements soumis ou encore le processus de décision qui a débouché sur la diffusion du produit. Les personnes qui utilisent un médicament dans sa forme finale et qui peuvent en subir des effets indésirables et les médecins prescripteurs ont de la difficulté à obtenir de l’information pertinente découlant des essais cliniques.

Des témoins ont également exprimé des réserves à propos du nombre croissant de partenariats entre l’industrie pharmaceutique et les centres de recherche des universités, ainsi que de l’absence d’indépendance des chercheurs individuels. Certains témoins ont dit être préoccupés par la tendance à faire appel à des organismes de recherche axés sur la commercialisation qui ne font pas partie d’un centre universitaire. D’autres ont souligné que les sociétés qui mettent un produit au point et qui financent les essais jouent un rôle prépondérant dans l’établissement des protocoles et le choix des enquêteurs, de même que dans le choix des volontaires et dans la compilation et l’interprétation des données. Outre de graves conflits d’intérêts potentiels à cet égard, les sociétés ont le dernier mot en ce qui concerne la publication et elles cherchent habituellement à ce que les grands périodiques médicaux fassent paraître des articles bienveillants, afin de promouvoir leurs produits et d’en encourager l’utilisation.

L’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé et des aliments a récemment procédé à des inspections dans le but de valider les données recueillies dans le cadre d’essais cliniques et d’assurer une meilleure protection aux sujets humains. Publié en juillet 2003, le rapport à cet égard, intitulé Rapport sommaire des inspections d’essais cliniques de la phase de participation volontaire, relève un certain nombre de déficiences en ce qui touche les registres, la précision, l’intégralité et le maintien des données de base, les systèmes et les procédures régissant les processus, ainsi que les formulaires de consentement éclairé pour les sujets participant aux essais cliniques.

Ce que nous pensons

Le Comité croit que la santé et la sécurité des personnes qui participent à des essais cliniques revêtent la plus grande importance. Même s’il appuie l’actuel cadre de réglementation, il souhaite l’adoption de nouvelles mesures pour faire en sorte que les Canadiens ne soient pas exposés à des risques inconsidérés pendant les essais cliniques de médicaments. Il recommande un examen plus minutieux des demandes d’essai clinique et des inspections plus nombreuses.

Le Comité n’est pas en faveur d’un système d’essais cliniques qui décourage la transparence au profit des intérêts commerciaux. Selon le Comité, les particuliers risquent de subir des préjudices à cause de l’insuffisance des vérifications faites par des experts autonomes et de la rareté des renseignements ayant fait l’objet d’une évaluation indépendante. Il réclame une transparence accrue pour les Canadiens et une plus grande responsabilité de Santé Canada. À cette fin, il appuie l’élaboration de mécanismes permettant la divulgation de renseignements concernant les essais cliniques sans compromettre les droits de propriété intellectuelle des sociétés pharmaceutiques et la protection des renseignements personnels de ceux qui participent aux essais cliniques.

Le Comité appuie fermement l’élaboration d’un processus d’accréditation et de surveillance des comités d’éthique de la recherche responsables de l’évaluation des essais cliniques. Il souhaite également un débat public franc et ouvert sur les accords de confidentialité qui empêchent actuellement la divulgation de renseignements concernant les résultats négatifs d’essais cliniques. En particulier, le Comité estime que la population devrait avoir accès à l’information relative à de graves effets indésirables de médicaments observés pendant des essais cliniques et signalés à Santé Canada.

C’est pourquoi le Comité de la santé recommande :

RECOMMANDATION 1

  Que Santé Canada augmente considérablement le nombre d’inspections effectuées annuellement pour chaque étape des essais cliniques en cours qui portent sur des médicaments sur ordonnance et auxquels participent des sujets humains, et qu’il présente des rapports annuels publics de ses conclusions;
  Que Santé Canada adopte des mesures pour que la population ait confiance dans le processus d’essai clinique, en commençant par une base de données publique permettant d’obtenir de l’information sur les essais en cours, les essais auxquels on a mis fin et les essais menés à terme;
  Que Santé Canada élabore des normes qui établissent un processus d’accréditation à l’intention des comités d’éthique de la recherche qui évaluent des essais cliniques;
  Que Santé Canada mène des consultations visant à décourager ou à tout le moins à limiter l’utilisation d’accords de confidentialité dans le cadre d’essais cliniques.

Surveillance après commercialisation

Ce qu’on nous a dit

La Direction des produits de santé commercialisés de la Direction générale des produits de santé et des aliments est responsable de l’évaluation et de la surveillance après commercialisation des produits de santé thérapeutiques (médicaments et instruments médicaux). Cette surveillance comprend un ensemble complexe d’activités qui ont pour objet de déterminer ou de clarifier les risques et l’efficacité thérapeutique des produits une fois qu’ils sont offerts sur le marché canadien. Ces activités de surveillance après commercialisation relèvent de la responsabilité commune des fabricants, des professionnels de la santé, des chercheurs et des organismes de réglementation, et nécessitent la consultation et la collaboration continues des diverses parties prenantes.

En ce qui concerne les effets indésirables de médicaments, Santé Canada s’en remet actuellement aux déclarations volontaires des médecins, des pharmaciens ou des patients et aux déclarations obligatoires des fabricants. Le Ministère administre cinq centres régionaux des effets indésirables (situés en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, en Ontario, au Québec et en Nouvelle-Écosse), de même qu’un centre national à Ottawa. Ce dernier compte huit spécialistes de l’information sur les effets indésirables et chaque centre régional a un coordonnateur professionnel. En 2002, le Ministère a reçu plus de 8 500 déclarations d’effets indésirables provenant du Canada et plus de 106 600 provenant de l’étranger. Au cours de cette même année, il y a eu 169 rappels de médicaments pour usage humain. Santé Canada a estimé que l’on décèle de graves effets secondaires dans l’utilisation de la moitié des nouveaux produits de santé thérapeutiques seulement après leur approbation et leur commercialisation en raison de l’exposition de la population à ces produits.

Afin de faciliter la surveillance et la déclaration d’effets indésirables des médicaments, Santé Canada exécute le Programme canadien de surveillance des effets indésirables des médicaments (PCSEIM). La base de données du PCSEIM contient de l’information provenant des déclarations individuelles fondées sur des soupçons, des opinions ou des observations. De plus, le Ministère publie et diffuse sur une base trimestrielle le Bulletin canadien sur les effets indésirables des médicaments. Il donne accès par téléphone (sans frais), par télécopieur et par Internet à de l’information sur les effets indésirables. Pour donner accès à des professionnels de la santé, il a adopté d’autres mesures allant de la sensibilisation générale au moyen de lignes directrices et de conférences à l’accès individuel à des données électroniques.

Malgré les efforts déployés par Santé Canada, des témoins ont demandé une surveillance plus efficace après commercialisation au Canada. Des professionnels de la santé ont signalé qu’ils prennent rarement le temps de remplir les déclarations et que les formulaires eux-mêmes sont difficiles à trouver et à utiliser. De nombreux consommateurs n’étaient pas au courant du numéro sans frais et de la possibilité de signaler les effets indésirables des médicaments. De façon générale, les consommateurs croient que leur rôle se résume à mentionner les effets indésirables d’un médicament à un professionnel de la santé, à un médecin ou à un pharmacien.

Faute de système de déclaration efficace, certains consommateurs ont établi leurs propres bases de données pour relater leurs expériences personnelles concernant les médicaments sur ordonnance. Des professionnels de la santé ont mis en place dans les hôpitaux des mécanismes pour déceler les effets indésirables des médicaments et mener des enquêtes à cet égard. Des témoins ont présenté diverses estimations de la portée du problème. On a laissé entendre que jusqu’à 50 % des patients hospitalisés ressentent des effets indésirables qui ont contribué à leur hospitalisation ou qui se manifestent pendant leur séjour à l’hôpital. Selon une étude, jusqu’à 10 000 décès au Canada sont dus annuellement aux effets indésirables de médicaments administrés à l’hôpital. Les effets indésirables signalés pouvaient comprendre non seulement ceux qui se rattachent à un médicament particulier soupçonné, mais encore les réactions négatives dues à une mauvaise posologie, à des problèmes de santé sous-jacents, à une distribution incorrecte et à l’utilisation simultanée d’autres médicaments. De nombreux témoins ont soutenu que les effets indésirables des médicaments occasionnent une augmentation du nombre de visites chez le médecin ou à la salle d’urgence et du nombre d’hospitalisations et, par le fait même, entraînent une hausse importante de l’ensemble des frais de santé au Canada.

Tant les professionnels de la santé que les consommateurs ont demandé que Santé Canada surveille de plus près les déclarations d’effets indésirables, qu’il en compile les données et qu’il diffuse l’information à cet égard. De nombreux témoins ont déclaré que l’actuelle surveillance des effets indésirables des médicaments par Santé Canada, les professionnels de la santé et les fabricants est inadéquate. Certains ont signalé qu’il importe que Santé Canada améliore sa stratégie de communication afin de mieux informer les professionnels de la santé de la façon la moins complexe de présenter des déclarations d’effets indésirables. Ils ont demandé des moyens électroniques plus simples pour transmettre l’information entre le Ministère et les professionnels de la santé et ils ont engagé Santé Canada à travailler en collaboration avec l’Association médicale canadienne et l’Association des pharmaciens du Canada pour atteindre cet objectif. Plusieurs témoins ont insisté sur la nécessité pour Santé Canada d’adopter une optique plus prévoyante en ce qui a trait à la présentation de rapports publics sur les effets indésirables des médicaments.

D’autres témoins ont demandé des changements plus radicaux. Ils ont soutenu que les déclarations complètes d’effets indésirables ne seraient présentées que si les médecins et les pharmaciens étaient obligés de le faire. Ils ont affirmé que l’industrie des produits pharmaceutiques devrait être assujettie à plus d’exigences en matière de déclaration obligatoire et être tenue d’investir dans la surveillance après commercialisation et dans le processus de déclaration des effets indésirables des médicaments. Ils ont proposé l’établissement d’un organisme indépendant, semblable au Bureau de la sécurité aérienne, qui enquêterait sur l’innocuité des médicaments.

Ce que nous pensons

Le Comité est d’avis qu’il faut apporter d’importants changements au système actuel afin d’assurer l’efficacité de la surveillance après commercialisation des médicaments sur ordonnance. Il reconnaît que Santé Canada s’efforce de simplifier les méthodes de déclaration et d’améliorer ses communications et ses relations publiques en ce qui concerne la surveillance après commercialisation. Il faut toutefois prendre d’autres mesures pour faire en sorte que les professionnels de la santé aient facilement accès à un système de déclaration des effets indésirables qui soutient leurs efforts en ce sens plutôt que de les décourager. Le Comité est très préoccupé par le manque de ressources en personnel pouvant s’occuper au sein de Santé Canada des rapports d’effets indésirables de médicaments et il recommande des ressources supplémentaires pour évaluer les déclarations et communiquer les constatations aux professionnels de la santé et aux consommateurs.

Le Comité veut s’assurer que les observations des consommateurs au sujet des effets indésirables des médicaments sont prises au sérieux, qu’elles sont déclarées, enregistrées, examinées et diffusées à la population. Il convient que le système actuel de déclaration volontaire des professionnels de la santé et des consommateurs et de déclaration obligatoire des fabricants de médicaments est insatisfaisant. Il estime nécessaire d’imposer aux fabricants un système de déclaration obligatoire plus large et d’étendre la déclaration obligatoire aux professionnels de la santé. Il croit que moins de Canadiens seraient touchés par les effets indésirables des médicaments si les fabricants et les professionnels de la santé étaient tenus de signaler à Santé Canada tous les effets indésirables graves des médicaments dans les 48 heures suivant l’observation de réactions nocives.

Comme mesure supplémentaire pour contrôler les effets indésirables, le Comité est favorable à une surveillance accrue à la suite de la mise en marché d’un médicament. Il estime nécessaire d’imposer une période d’essai du médicament après son approbation et sa mise en marché. Cette mesure pourrait donner des résultats semblables à ceux de la quatrième étape d’un essai clinique.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 2

  Que Santé Canada accorde des licences de mise en marché de nouveaux médicaments assorties d’une période d’essai afin de s’assurer que la surveillance après commercialisation des effets indésirables se fasse consciencieusement pendant une période précise après l’approbation de la mise en marché du médicament;
  Que Santé Canada augmente les ressources affectées à la surveillance après commercialisation de sorte que l’infrastructure ait la capacité de recevoir, d’analyser et de répondre aux déclarations et aux plaintes des consommateurs et des professionnels de la santé concernant les effets indésirables de médicaments;
  Que Santé Canada augmente les ressources affectées à la divulgation des rapports sur les effets indésirables des médicaments;
  Que Santé Canada facilite la déclaration des professionnels de la santé en adoptant des formules plus simples et des technologies informatiques intégrées permettant aux fournisseurs de soins de santé de présenter des déclarations en ligne sur les effets indésirables des médicaments;
  Que Santé Canada facilite la déclaration des consommateurs au sujet des effets indésirables des médicaments, notamment en reconnaissant la valeur des renseignements non scientifiques.
  Que Santé Canada amorce des travaux avec ses pendants provinciaux et territoriaux afin d’établir un système de déclaration obligatoire efficace pour les professionnels de la santé.

Publicité s’adressant directement au consommateur

Ce qu’on nous a dit

Au sein de Santé Canada, la Direction générale des produits de santé et des aliments administre le cadre de réglementation actuel qui régit toute la publicité sur les produits de santé. La Loi sur les aliments et drogues et ses règlements stipulent que la publicité s’adressant directement au consommateur est essentiellement interdite; celle qui s’adresse aux professionnels de la santé est toutefois autorisée.

L’interdiction relative à la publicité s’adressant directement au consommateur s’applique aux médicaments visés par l’annexe A et l’annexe F de la Loi. L’annexe A contient une liste de 40 états pathologiques et maladies pour lesquels il est interdit d’annoncer au grand public des traitements, des mesures préventives ou des moyens de guérison, tandis que l’annexe F énonce des produits chimiques ou des catégories de médicaments qui ne peuvent, en vertu des dispositions réglementaires, être vendus sans ordonnance.

Selon Santé Canada, l’interdiction complète de faire de la publicité s’adressant directement au consommateur a été intégrée à la réglementation en 1949 dans le but de protéger le consommateur contre les dommages à sa santé et contre les tromperies. Depuis 1978, par suite d’une modification permettant aux consommateurs de comparer plus facilement les prix, les renseignements concernant les médicaments sur ordonnance à l’intention du public peuvent comprendre le nom, le prix et la quantité.

Les témoins ont mentionné deux types de messages publicitaires sur les médicaments sur ordonnance qui peuvent être diffusés : les annonces de rappel et les invitations lancées à des patients. Les annonces de rappel peuvent contenir le nom, le prix et la quantité d’un médicament particulier, mais ne peuvent mentionner la maladie ou le malaise que ce médicament est censé traiter. En pratique, les annonces de rappel ont tendance à uniquement associer le nom du médicament à un certain style de vie, et le prix et la quantité peuvent être mentionnés. Les invitations lancées à des patients décrivent certains malaises ou problèmes de santé et encouragent les consommateurs à parler avec leur médecin ou leurs professionnels de la santé des différents traitements possibles. Les invitations lancées à des patients ne peuvent mentionner le nom du médicament que l’annonceur aimerait voir le médecin recommander. Par conséquent, seules les annonces de rappel peuvent contenir des renseignements au sujet d’un médicament sur ordonnance particulier.

Des témoins ont mentionné des études ayant révélé que la publicité s’adressant directement au consommateur avait donné lieu à une plus grande utilisation des médicaments sur ordonnance et à une tendance accrue des médecins à prescrire ce que demandent les patients. De plus, des témoins ont laissé entendre que la publicité axée sur de nouveaux médicaments plus coûteux entraîne une hausse des coûts des soins de santé. Ils ont fait remarquer qu’il ne fallait pas confondre l’information sur la santé et l’information sur les médicaments avec l’information publicitaire visant la vente d’un produit. Ils ont reconnu que le public canadien pouvait se servir de données comparatives précises et à jour sur les options thérapeutiques disponibles (médicamenteuses ou autres) pour soigner diverses maladies. Les témoins ont toutefois insisté sur le fait que l’information devrait être produite, financée et diffusée par l’État parce que les Canadiens veulent être sûrs d’obtenir de l’information préparée indépendamment des intérêts commerciaux.

Actuellement, il incombe à Santé Canada d’appliquer la réglementation et de donner suite aux plaintes relatives à l’information et à la publicité sur les médicaments sur ordonnance destinées au consommateur canadien. Deux organisations à but non lucratif reçoivent en outre l’appui du Ministère pour examiner d’autre matériel publicitaire concernant les médicaments. Le Conseil consultatif de publicité pharmaceutique supervise les messages publicitaires sur des médicaments sur ordonnance s’adressant aux professionnels de la santé, et Les normes canadiennes de la publicité surveille les annonces publicitaires de médicaments vendus sans ordonnance qui s’adressent au consommateur. Malgré la ligne sans frais et d’autres mécanismes que Santé Canada met à la disposition de la population, ces deux organisations non gouvernementales reçoivent à l’occasion des plaintes au sujet d’annonces de médicaments sur ordonnance s’adressant directement au consommateur. Des témoins ont mentionné qu’après que leurs plaintes ont été transmises à Santé Canada, le Ministère n’a pas communiqué avec eux pour les informer des mesures prises à ce sujet.

En ce qui concerne l’application de la réglementation et des politiques actuelles concernant la publicité s’adressant directement au consommateur, Santé Canada a mentionné que les mesures prises à cet égard vont de la sensibilisation et du respect volontaire à des lettres d’avertissement et à des poursuites pouvant entraîner une amende, une injonction ou l’incarcération. Lorsqu’il fait enquête sur des plaintes concernant certaines annonces, l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé et des aliments n’y donne pas suite s’il ne peut prouver que l’annonce est fallacieuse ou qu’elle crée un risque important pour la santé des Canadiens. Des témoins ont laissé entendre qu’aucune sanction n’avait été imposée depuis 1978.

Ce que nous pensons

Le Comité de la santé est préoccupé par l’augmentation des coûts des soins de santé au Canada et par le fait que le coût des médicaments sont un facteur important de cette augmentation. Il est convaincu de la véracité des données de recherche indiquant que la publicité de médicaments sur ordonnance s’adressant directement au consommateur contribue à l’augmentation de ces coûts.

Le Comité a appris que, dans le cadre de son examen de la législation sur la protection de la santé, Santé Canada envisage actuellement des modifications législatives afin d’autoriser plus d’annonces de médicaments sur ordonnance s’adressant au consommateur. Il reconnaît que la population canadienne peut se servir d’une information objective et de qualité pour l’aider à faire des choix éclairés quant à l’utilisation de médicaments sur ordonnance. Il veut toutefois que cette information provienne de sources qui ne tirent pas profit des ventes de produits pharmaceutiques. L’information pourrait provenir du gouvernement et de divers organismes de santé. Le Comité est fermement convaincu que Santé Canada doit jouer un rôle actif dans l’examen préalable, la surveillance et l’application de la loi en ce qui a trait à l’information sur des médicaments sur ordonnance destinée au grand public.

Le Comité est d’accord avec le principe qui sous-tend l’interdiction de la publicité de médicaments sur ordonnance s’adressant directement au consommateur, à savoir la protection contre les dommages à la santé. Il est d’avis que la publicité de médicaments pourrait mettre les consommateurs en danger plutôt que de renforcer leur autonomie du fait qu’elle minimise les renseignements relatifs aux risques et gonfle les avantages. Il soutient que toute publicité s’adressant directement au consommateur, y compris les annonces de rappel, pourrait favoriser la consommation accrue ou inadéquate de médicaments. De plus, le Comité croit que la justification de la modification apportée à l’interdiction en 1978 n’est plus valable. La comparaison des prix n’a plus la même importance pour les consommateurs étant donné que la plupart cotisent à un régime d’assurance-médicaments public ou privé.

Le Comité craint que le système volontaire d’autorisation préalable de la publicité de médicaments sur ordonnance, qui fait porter au consommateur le fardeau de déposer des plaintes, ne soit un mécanisme faible. Enfin, il est très insatisfait de l’attitude passive de Santé Canada en ce qui a trait à l’application de la réglementation actuelle concernant la publicité s’adressant directement au consommateur. Il estime que le Ministère a renoncé à exercer sa responsabilité quant à l’application des règles établies.

Le Comité a de nombreuses préoccupations au sujet de la publicité de médicaments sur ordonnance s’adressant directement au consommateur. Il croit que cette sorte de publicité contribue à l’augmentation des coûts des soins de santé, qu’elle ne présente pas de renseignements objectifs et nuancés, qu’elle pourrait être dommageable aux consommateurs, et qu’elle ne fait pas l’objet d’une surveillance permanente. Il demande donc l’adoption de mesures strictes pour faire en sorte que l’interdiction actuelle concernant la publicité s’adressant directement au consommateur soit scrupuleusement respectée.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 3

  Que Santé Canada applique immédiatement l’interdiction existante concernant les annonces de l’industrie des médicaments sur ordonnance destinées au consommateur;
  Que Santé Canada fournisse aux Canadiens des renseignements indépendants, objectifs et financés par l’État concernant les médicaments sur ordonnance;
  Que Santé Canada affecte des ressources particulières à l’Inspectorat de la Direction générale des produits de santé et des aliments pour qu’il applique scrupuleusement les dispositions réglementaires concernant la publicité de médicaments sur ordonnance s’adressant directement au consommateur, y compris par une surveillance active de tous les médias pertinents, la détection d’éventuelles infractions, la prise de mesures correctives appropriées et la production de rapports publics annuels;
  Que Santé Canada veille à ce que toutes les plaintes de publicité s’adressant directement au consommateur reçues par Les normes canadiennes de la publicité ou le Conseil consultatif de publicité pharmaceutique au sujet de médicaments sur ordonnance soient acheminées au Ministère pour enquête et intervention.