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INST Rapport du Comité

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Depuis un certain temps, les prix de l’essence à la pompe sont source de confusion et de préoccupation pour les Canadiens. Il y a de nombreuses raisons à cela, mais la plupart tiennent à des prix au détail qui fluctuent fréquemment, souvent de façon marquée, dans ce qui semble être une démarche presque trop systématique chez de nombreux détaillants et dans de nombreux marchés locaux. Il serait facile d’invoquer des raisons concurrentielles pour expliquer la situation : puisque les prix sont affichés sur de grandes pancartes à chaque station-service, bien à la vue des automobilistes, lesquels se sont montrés prêts à franchir de grandes distances pour obtenir ne fût-ce que d’infimes rabais, les changements de prix sont habituellement rapides et appliqués de façon générale (une pratique résultant de la crainte de perdre non seulement une part du marché, mais possiblement tout le marché) — un phénomène unique au marché de l’essence au détail. Par ailleurs, une fixation monopolistique des prix par les détaillants pourrait aussi expliquer les tendances observées dans les prix de détail (c.-à-d. des prix presque identiques chez tous les détaillants ou des écarts identiques de prix entre détaillants rivaux pour différents niveaux ou types de services dans chaque marché local, et des augmentations de prix entrant en vigueur à peu près au même moment). La principale différence se situerait au niveau des prix : les prix concurrentiels seraient beaucoup moins élevés que ceux fixés par suite d’une entente entre les fournisseurs. Par conséquent, la façon particulière de publiciser les prix au détail de l’essence au moyen d’affiches ainsi que le magasinage pratiquement sans frais des automobilistes dans ce secteur pourraient masquer une conspiration en vue de faire grimper les prix. Il n’est guère facile de distinguer entre les décisions indépendantes et interdépendantes touchant les prix — ceux-ci constituant le principal, et parfois le seul, élément pour lequel les détaillants se font concurrence.

Les facteurs qui influent sur les prix du pétrole brut et de l’essence à la rampe (prix du gros) et au détail sont également complexes. L’un de ces facteurs concerne l’état des stocks internationaux de brut, dont certains sont constitués et détenus dans des régions politiquement instables. L’incertitude récente face à d’éventuelles perturbations de l’offre causée par l’imminence d’une guerre en Irak ainsi que par les remous politiques et l’agitation ouvrière au Venezuela et au Nigéria a mis en relief la vulnérabilité des sources d’approvisionnement en brut de l’Ouest et son impact sur les prix du brut. Les températures et conditions climatiques anormales constituent un autre facteur important de fluctuation des prix. Un hiver beaucoup plus froid que ce qui avait été prévu (comme celui qu’ont connu la région centrale et l’Est du Canada et le Nord-Est des États-Unis en 2002-2003) entraînera une réduction des stocks de pétrole brut et un déséquilibre dans l’éventail des produits pétroliers raffinés (p. ex., l’huile de chauffage, l’essence, le carburant diesel, le kérosène, les lubrifiants, etc.) relativement à la demande. Cette situation suscitera des augmentations de prix pour toute la gamme des produits pétroliers, qui se répercuteront de la vente en gros jusqu’à la vente au détail. De telles augmentations jouent le rôle socialement désirable d’équilibrer l’offre et la demande — en stimulant à la fois une attitude plus conservatrice de l’énergie chez les consommateurs et une production accrue dans toute la chaîne d’approvisionnement énergétique — et permettent d’éviter les pénuries ou ruptures de stocks. Par contre, une croissance des profits de l’industrie attribuable à une perturbation imminente plutôt que réelle de l’offre (des augmentations de prix ayant pu résulter de prédictions extrêmement pessimistes qui ne se sont pas matérialisées) ou des hausses brusques et inattendues de la demande saisonnière font naître le soupçon au sein du public.

Enfin, la concentration d’entreprises qui est censée exister dans le secteur du pétrole et du gaz ainsi que le profil économique très varié des participants de l’industrie constituent une autre préoccupation majeure pour le public. Le secteur de la vente au détail se caractérise par un large éventail de fournisseurs qui comprend une poignée de grandes entreprises verticalement intégrées, un certain nombre de chaînes de taille moyenne à l’échelle nationale, une demi-douzaine de raffineurs-distributeurs régionaux, quelques grands marchands de masse et de nombreux petits détaillants indépendants (une seule station-service). Une panoplie aussi variée de protagonistes est propice à la concurrence du fait de différents aménagements organisationnels et de formules novatrices pour la vente au détail. Toutefois, il ne s’ensuit pas nécessairement que les prix seront compétitifs à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement car il est possible que des fournisseurs verticalement intégrés réduisent les marges dans les prix de détail afin de mettre au pas ou d’évincer de manière abusive des détaillants indépendants. Dans un tel cas, une forte concentration d’entreprises à l’étape du raffinage pourrait entraîner des prix excessifs à la rampe, de sorte qu’une part démesurée des profits de l’industrie serait prélevée à l’étape du raffinage et aux dépens des marges des détaillants indépendants.

Le Comité a décidé de présenter son rapport de la manière qui suit. Au chapitre 1, il examine les données sur les prix — prix de détail et à la rampe de l’essence et prix du brut — au Canada au cours des 10 derniers mois (la période critique où les prix ont monté en flèche), ainsi qu’à long terme et comparativement à ceux fixés aux États-Unis et ailleurs. Au chapitre 2, le Comité se penche sur la structure, le rendement et la rentabilité de l’industrie, en mettant l’accent sur le secteur «  aval  ». Il y étudie également les aspects concurrentiels des entreprises intégrées verticalement, des distributeurs régionaux et des détaillants indépendants. Au chapitre 3, le Comité examine les explications fournies pour les augmentations de prix récentes et d’autres questions liées à la fixation des prix. À la section Conclusion et Recommandation, le Comité résume ses constatations et présente au gouvernement une seule recommandation, celle de créer un organisme indépendant chargé de rassembler des données sur l’industrie, de les diffuser au public et de présenter chaque année au Parlement un rapport sur le rendement concurrentiel de l’industrie. Le Comité croit qu’un tel organisme contribuerait à dissiper la confusion et les idées fausses au sein de la population en ce qui concerne la fixation des prix de l’essence, tout en exerçant une supervision publique de tous les aspects de cette tarification.