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SPER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité sur la condition des personnes handicapées du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 16 avril 2002




¹ 1540
V         La présidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.))
V         M. Robin McLay (directeur, Division de la gouvernance et des politiques sociales, Agence canadienne de développement international)
V         La présidente
V         M. Robin McLay

¹ 1545

¹ 1550
V         La présidente
V         M. Robin McLay
V         La présidente
V         M. Adrian Norfolk (directeur par intérim, Affaires multilatérales, Direction des droits de la personne, affaires humanitaires, promotion internationale de la femme, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international)
V         La présidente
V         M. Adrian Norfolk

¹ 1555
V         La présidente

º 1600
V         M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.)
V         La présidente
V         Mme Diane Richler (vice-présidente exécutive, Association canadienne pour l'intégration communautaire)

º 1605

º 1610
V         La présidente
V         M. Laurie Beachell (coordonnateur national, Conseil des Canadiens avec déficiences)
V         M. David Shannon (membre, Conseil des Canadiens avec déficiences)

º 1615
V         M. Steve Estey (membre, Conseil des Canadiens avec déficiences)
V         M. David Shannon

º 1620
V         M. Steve Estey
V         M. David Shannon

º 1625
V         M. Steve Estey

º 1630
V         M. David Shannon

º 1635
V         M. Steve Estey
V         La présidente
V         Mme Joan Westland (témoignage à titre personnel)

º 1640

º 1645
V         La présidente
V         M. Michael Bach (vice-président, Association canadienne pour l'intégration communautaire)

º 1650

º 1655
V         La présidente
V         M. Tony Tirabassi
V         M. Laurie Beachell

» 1700
V         La présidente
V         Mme Joan Westland

» 1705
V         La présidente
V         M. Adrian Norfolk
V         Mme Diane Richler
V         La présidente

» 1710
V         M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ)

» 1715
V         La présidente
V         Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD)
V         La présidente
V         Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)

» 1720
V         La présidente
V         M. David Shannon

» 1725
V         La présidente
V         M. Laurie Beachell
V         Mme Diane Richler

» 1730
V         M. Steve Estey
V         M. Michael Bach

» 1735
V         La présidente
V         M. Joan Westland

» 1740
V         M. Michael Bach
V         M. Adrian Norfolk

» 1745
V         Mme Kirsten Mlacak (directrice adjointe, Droits de la personne et politiques sociales, Agence canadienne de développement international)
V         La présidente
V         M. Adrian Norfolk
V         La présidente










CANADA

Sous-comité sur la condition des personnes handicapées du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 020 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 avril 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1540)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)): La séance est ouverte.

    Nous accueillons nos amis et nos nouveaux amis de l'ACDI et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

    Comme vous le savez, nous voulons aujourd'hui parler du Canada et de la communauté internationale des personnes handicapées, ou de la communauté canadienne des personnes handicapées et des affaires internationales, et toutes ces sortes de choses.

    Nous accueillons Robin McLay, Donna Schwartzburg et Kirsten Mlacak de l'ACDI, ainsi qu'Adrienne Norfolk du MAECI.

    Monsieur McLay, nous vous écoutons.

+-

    M. Robin McLay (directeur, Division de la gouvernance et des politiques sociales, Agence canadienne de développement international): D'accord. Eh bien...

+-

    La présidente: Connaissez-vous tous ces gens extraordinaires? Peut-être devrais-je tout d'abord vous les présenter.

    Voici Tony Tirabassi et Robert Lanctôt. Mado Dalphond-Guiral est en voyage, de même qu'Anita Neville. Nous avons ici Michael Bach, de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, Laurie Beachell du Conseil des Canadiens avec déficiences, David Shannon et Steve Estey, même organisme, et Joan Westland, l'une de nos anciennes élèves favorites. Diane Richler, la vice-présidente exécutive de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, est également présente.

    Bien, allez-y.

+-

    M. Robin McLay: Bien.

    Je travaille pour l'ACDI, où je suis directeur de la Division de la gouvernance et des politiques sociales. Je suis aujourd'hui en compagnie de Donna Schwartzburg, analyste de programme principale auprès de la Division des organismes non gouvernementaux au sein de notre Direction générale du partenariat canadien, et de Kirsten Mlacak, directrice adjointe du Service des droits de la personne et de la politique sociale au sein de ma division à l'ACDI.

    L'Agence canadienne de développement international a pour principal objectif d'atténuer la pauvreté dans les pays en développement. L'aide publique au développement vise à favoriser le développement durable dans les pays en développement, de façon à atténuer la pauvreté et à favoriser un monde plus sûr, plus équitable et plus prospère. Le programme d'aide de l'ACDI se chiffre à environ 1,7 milliard de dollars pour l'exercice financier 2001-2002. L'ACDI vient en aide à plus de 120 pays grâce à toute une gamme d'instruments de programmes, parmi lesquels on compte plus de 3 000 projets.

    La méthode de l'ACDI pour atténuer la pauvreté, en particulier auprès de certains groupes comme les personnes handicapées, consiste à promouvoir des activités qui visent à assurer l'égalité et la pleine participation à la vie économique, politique, sociale et culturelle. Dans ces domaines, l'ACDI veut dénoncer les conditions de pauvreté et d'exclusion auxquelles se heurtent les personnes handicapées, elle veut assurer leur émancipation et leur proposer des services en participant aux activités d'éducation, de formation et de mise en valeur du potentiel que proposent les organismes de personnes handicapées.

    Les programmes de l'ACDI destinés aux personnes handicapées des pays en développement abordent divers domaines, comme les droits de la personne, l'égalité des chances, la mise en valeur du potentiel des individus, des familles et des organismes, les aménagements pour accès facile, la prévention et la réadaptation. L'ACDI contribue également à des initiatives qui visent à réduire l'incidence des handicaps évitables résultant d'une maladie ou d'une blessure, notamment d'une blessure causée par une mine antipersonnel. Ainsi, l'ACDI appuie le projet d'Inclusion International intitulé «Building Inclusive Futures» qui vise à renforcer le potentiel des personnes handicapées et à permettre à leurs familles de contribuer à l'élaboration de politiques favorables à leur inclusion, notamment à la mise en place d'un réseau mondial permettant le partage des connaissances sur les questions de handicap.

    En Inde, grâce à la participation de l'Institut Roeher et de la Spastic Society of India à Mumbai, nous avons créé le National Resource Centre for Inclusion. Ce centre comporte un service de recherche et de changement des politiques qui préconise l'insertion en éducation pour les enfants handicapés; il a également mis en place un centre de ressources et de démonstration consacré à l'étude et à l'amélioration des pratiques pédagogiques d'insertion, ainsi qu'un service d'éducation publique et de développement social et communautaire qui fait de la sensibilisation sur l'insertion et l'émancipation des personnes handicapées et de leurs familles.

    Le projet de réadaptation des personnes handicapées géré par le Centre international de promotion de la réadaptation en milieu communautaire de l'Université Queen's vise à promouvoir la formule de la réadaptation en milieu communautaire des personnes handicapées, en particulier dans les milieux médicaux et l'ensemble de la société en Slovaquie et en Lettonie. Il vise aussi à faire progresser le statut national de l'ensemble des questions concernant les personnes handicapées et à améliorer l'accès à une vaste gamme de services médicaux, sociaux et communautaires de qualité dans ces pays.

    Le projet de réadaptation des victimes des mines antipersonnel au Cambodge aide les personnes handicapées à se réinsérer dans la société grâce à l'emploi ou par la création d'entreprises qui favorise leur autonomie. Vision mondiale Canada propose une gamme complète de services de formation dans ces centres de réadaptation, notamment en matière de formation à l'agriculture communautaire, et consent des prêts à ceux qui ne peuvent pas quitter leur foyer pour étudier. L'ACDI a contribué à ce programme par une subvention de 500 000 $ couvrant les activités du projet pendant deux ans, jusqu'en septembre 2002.

    De façon globale, l'ACDI a débloqué 32 millions de dollars pour 511 projets concernant des personnes handicapées entre 1993 et 1997, puis 58,3 millions de dollars entre 1997 et 2001. Les chiffres les plus récents pour l'exercice 2001-2002 atteignent presque 4,5 millions de dollars. Ce financement de l'ACDI comprend l'appui à long terme accordé à des organisations non gouvernementales au Canada et sur la scène internationale.

    Grâce à un partenariat amorcé il y a plus de 20 ans, l'ACDI a consacré environ 8,5 millions de dollars à l'Organisation mondiale des personnes handicapées, ou OMPH. Ce montant comprend un financement de soutien institutionnel par l'intermédiaire du programme des ONG internationales, des jeunes stagiaires et de l'aide au déminage.

¹  +-(1545)  

    Le mécanisme de projets ONG de l'ACDI a consacré environ 1,4 million de dollars depuis 1996 aux activités de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire en Amérique centrale.

    En outre, le projet de mise en valeur du potentiel communautaire pour agir sur les sources de l'exclusion sociale des enfants handicapés, qui a débuté le 1er avril 2001 et doit se prolonger jusqu'au 31 mars 2004, vise à renforcer le potentiel des organismes familiaux en valorisant l'estime de soi des parents, il incite les organisations nationales à amorcer le dialogue politique avec leurs gouvernements, leurs institutions et leurs partenaires communautaires respectifs, et à dialoguer au niveau régional par l'intermédiaire d'institutions et d'organismes comme l'Organisation des États américains et l'Institut inter-américain de l'enfant.

    Grâce à ses priorités de développement social annoncées en septembre 2000, l'ACDI renforce sa programmation dans quatre secteurs prioritaires: l'éducation de base, la santé et l'alimentation de base, le VIH et le sida et la protection de l'enfance. Les plans d'action dans ces domaines prioritaires abordent les questions et les problèmes de handicaps, notamment la situation des enfants handicapés, l'éradication de la poliomyélite et le droit à l'éducation des groupes marginalisés, notamment des personnes handicapées.

    L'une des six priorités de programmation de l'ACDI énoncées dans le cadre de politique étrangère du Canada de 1995 intitulé «Le Canada dans le monde» concerne les droits de la personne, la démocratisation et la bonne gouvernance. L'ACDI participe à des programmes sur les droits de la personne depuis des années. Les programmes relevant de cette priorité comprennent environ 16 p. 100 de l'ensemble du financement de projets pour l'exercice 2000-2001, et ne sont précédés que par les programmes qui répondent aux besoins essentiels.

    En plus des programmes visant spécifiquement les droits de la personne, la communauté internationale des donateurs s'intéresse de plus en plus à l'intégration des droits de la personne dans des programmes de développement susceptibles d'atténuer la pauvreté, de favoriser le développement humain durable et d'assurer une plus grande efficacité des programmes. Cette nouvelle conception du développement axé sur les droits de la personne comporte la reconnaissance de l'individu en tant que détenteur de droits, et donc de sa dignité et de sa valeur inhérentes; elle offre la possibilité d'améliorer la coopération en matière de développement en mettant l'accent sur l'émancipation des groupes marginalisés, notamment des personnes handicapées. La participation, la non-discrimination, la responsabilité, la transparence et la durabilité sont des caractéristiques essentielles de cette approche.

    D'après notre expérience des 20 ou 30 dernières années en matière de développement, il est de plus en plus évident que nous devons poursuivre la recherche de formules qui nous permettront d'améliorer notre action. C'est précisément ce que vise notre exercice de renforcement de l'efficacité de l'aide; il s'agit de faire en sorte que nos contributions permettent à l'Agence de développement d'atteindre ses objectifs, qu'elles soient efficaces et durables.

    L'ACDI s'intéresse également à la poursuite du dialogue avec ses partenaires, notamment avec les organismes de personnes handicapées, sur les formules de coopération en matière de développement qui, parallèlement aux méthodes traditionnelles, mettent l'accent sur l'égalité des chances et l'inclusion pour assurer la reconnaissance des droits des personnes handicapées. À cet égard, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la condition des personnes handicapées, M. Bengt Lindquist, a été invité à prendre la parole lors d'un symposium présenté dans le cadre des journées de la coopération internationale de l'ACDI en juin 2001. L'ACDI a également organisé une table ronde sur le thème du défi de l'intégration et des problèmes des personnes handicapées abordés sous l'angle des droits de la personne, pour le personnel et les partenaires essentiels de l'ACDI, notamment les organismes de personnes handicapées, à laquelle participait le rapporteur spécial, et où il a été question de coopération en matière de développement au profit des personnes handicapées.

    Nous sommes en mesure de fournir d'autres exemples de notre participation à des programmes relevant du même domaine, et nous pourrons vous en soumettre si vous le souhaitez. Cependant, compte tenu des contraintes de temps, je vais conclure par l'énoncé suivant.

    L'ACDI reconnaît que les personnes handicapées sont parmi les plus pauvres des pauvres et que son mandat d'atténuation de la pauvreté l'oblige à aborder les questions d'émancipation, d'intégration et de protection des droits des personnes handicapées. La mise en oeuvre des politiques de l'ACDI sur les droits de la personne, la démocratisation et la bonne gouvernance, sur l'égalité entre les sexes et les priorités de développement social constitue le fondement même de la philosophie de l'ACDI, qui met l'accent sur l'égalité et la pleine participation, ainsi que sur la prévention. Notre objectif est de permettre aux personnes handicapées de contribuer pleinement à la vie sociale et d'en profiter dans un contexte propice à la pleine réalisation des droits de la personne. Nous sommes toujours prêts au dialogue et à l'action dans la perspective de contribuer efficacement à l'intégration et à la pleine participation des personnes handicapées. Nous nous efforçons également d'aider nos partenaires privés et gouvernementaux des pays en développement dans leurs efforts de promotion de l'intégration et de la pleine participation des personnes handicapées.

¹  +-(1550)  

    L'ACDI s'engage à maintenir son appui à la création de sociétés inclusives proposant l'égalité des chances aux hommes, aux femmes, aux filles et aux garçons handicapés pour leur permettre de vivre dans la dignité, de décider de leur sort et de participer et contribuer pleinement à l'évolution de leurs collectivités.

    Merci beaucoup.

+-

    La présidente: Merci, Robin. Vous avez dit que vous interveniez au nom de l'ensemble du groupe et que vous nous aideriez ensuite en répondant à nos questions.

+-

    M. Robin McLay: J'ai toute mon équipe avec moi.

+-

    La présidente: Voilà l'équipe.

    Adrian, c'est à vous.

+-

    M. Adrian Norfolk (directeur par intérim, Affaires multilatérales, Direction des droits de la personne, affaires humanitaires, promotion internationale de la femme, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Moi, j'attends toujours l'arrivée de mon équipe.

+-

    La présidente: En voici une qui arrive.

+-

    M. Adrian Norfolk: Ah! C'est parfait.

    Je suis directeur par intérim, en remplacement de la directrice de la Division qui est à Genève. Elle participe notamment à la négociation de la résolution sur les droits des personnes handicapées, qui se déroule cette semaine à Genève et qui fera sans doute l'objet d'un vote à la fin de cette semaine ou de la semaine prochaine. Cette résolution devrait déboucher sur des actions concrètes.

    Le rôle du MAECI en matière de promotion et de protection des droits des personnes handicapées a porté essentiellement sur la coordination des négociations à l'Assemblée générale et à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies lorsqu'elles portent sur des résolutions concernant les personnes handicapées. Jusqu'à maintenant, ces négociations avaient lieu tous les deux ans, mais je suppose que comme on l'a vu cette année dans le cas de la résolution du Haut-Commissariat aux réfugiés, elles vont revenir chaque année à l'ordre du jour de l'Assemblée générale à l'automne et à celui de la Commission au printemps.

    Avant la réunion de la Commission des droits de l'homme, le ministère tient chaque année des consultations auprès des ONG en février, notamment auprès des groupes représentatifs des personnes handicapées. Nous profitons de leur contribution avant de nous rendre aux négociations de Genève. Les ONG participent aussi aux consultations que nous organisons en préparation des sessions extraordinaires consacrées aux conférence des Nations Unies et aux conférences mondiales. En collaboration avec les ministères compétents, le MAECI veille à ce que les questions concernant les personnes handicapées soient inscrites à notre ordre du jour lors de ces conférences, dont les minutes traduisent effectivement une prise de conscience des préoccupations et des besoins des personnes handicapées.

    Ces conférences ont par ailleurs recommandé que l'on corrige certains usages discriminatoires qui prévalaient autrefois, et que l'on protège les droits des personnes handicapées pour qu'elles participent à tous les aspects de la vie sociale en tant que citoyens à part entière. Plus récemment, à la Conférence mondiale contre le racisme tenue à Durban, plusieurs paragraphes du document final concernaient les personnes handicapées. J'ai particulièrement porté mon attention sur le paragraphe 180 du programme d'action, qui invite l'Assemblée générale des Nations Unies à envisager la préparation d'une convention internationale intégrale et complète visant à protéger et à promouvoir les droits et la dignité des personnes handicapées, où il serait notamment question des pratiques discriminatoires et des solutions à y apporter.

    Pour en revenir à la Commission des droits de l'homme, la dernière résolution de cet organisme, qui date de l'an 2000, préconisait des mesures visant à renforcer la protection et le contrôle des droits des personnes handicapées et invitait le service du haut-commissaire à entreprendre une étude qui a été confiée au Centre de recherche sur les droits de la personne et le statut des personnes handicapées de l'Université de Galway, en Irlande. Cette étude a pour objet d'évaluer les normes et les mécanismes actuels dans le domaine des droits des personnes handicapées et de proposer des solutions d'avenir. Un résumé de l'étude a été distribué à Genève en début d'année, mais le document proprement dit n'a pas encore été officiellement présenté à la Commission des droits de l'homme, à moins qu'il ne l'ait été hier soir. La présentation du texte intégral devrait intervenir cette semaine. L'étude s'accompagne d'un rapport du haut-commissaire aux droits de l'homme sur cette question.

    Le résumé nous apprend que parallèlement aux règles normatives de 1993 des Nations Unies sur l'égalité des chances pour les personnes handicapées, l'étude reprend les six grands traités des Nations Unies sur les droits de la personne, qui présentent un potentiel considérable mais qui, généralement, ont été trop peu invoqués en faveur du respect des droits des personnes handicapées. Je ne vous énumérerai pas ces six traités, je suis certain que vous les connaissez. Selon le thème principal de l'étude, on pourrait améliorer et accélérer considérablement les réformes dont les personnes handicapées ont besoin en recourant davantage et de façon plus ciblée à ces six conventions internationales. Par ailleurs, les auteurs de l'étude recommandent également l'adoption d'un nouveau texte international qui adapterait les normes en matière de droits de la personne à la situation particulière des personnes handicapées. Ils affirment qu'une convention doit servir à étayer les textes existants, et non à les saper. Une telle convention aurait pour avantage pratique d'indiquer clairement aux États signataires la portée exacte de leurs obligations vis-à-vis des personnes handicapées, et de permettre à la société civile de concentrer son attention sur un ensemble cohérent de normes, plutôt que sur six ensembles différents.

¹  +-(1555)  

    Bien sûr, nous avons bien vu avec la convention sur le droit des enfants et la convention sur l'élimination de toutes formes de discrimination contre les femmes que ce genre de convention visant des groupes précis recouvre certainement les conventions sur les droits culturels, sociaux, économiques, politiques et civils et les renforce.

    Sur un autre sujet mais qui s'y rattache, le Mexique, à l'étonnement d'un bon nombre, a proposé à l'assemblée générale, en octobre et novembre, une résolution qui a été adoptée en décembre. Elle proposait la création d'un comité spécial, auquel pouvaient participer les États membres de l'ONU et des observateurs à l'ONU, pour examiner des propositions de conventions internationales visant à protéger les droits et la dignité des personnes handicapées et à en faire la promotion. La première réunion de ce comité spécial est prévue pour le mois d'août, et il devrait présenter un rapport à l'assemblée générale à l'automne.

    Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international estime qu'il est important de s'assurer, naturellement, qu'on protège les droits des personnes handicapées et qu'on en fait la promotion. De façon générale, par principe, pour ce qui est des nouveaux instruments internationaux, nous estimons qu'il vaut mieux se concentrer sur le respect des obligations existantes—et il existe six engagements et conventions—plutôt que de créer de nouveaux instruments qui risquent de se regrouper. Comme on envisage une nouvelle convention, nous voudrons avoir l'occasion d'examiner à fond le rapport du haut-commissaire dans sa totalité cette semaine dans le cadre de nos délibérations en vue de trouver le moyen le plus approprié de progresser. À cet égard, bien sûr, il devra y avoir des consultations interministérielles avec les ministères clés intéressés, notamment avec DRHC, qui à l'échelle nationale est le premier à s'occuper des questions concernant les personnes handicapées, des consultations entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires de même qu'avec des ONG.

    Très brièvement, le secrétaire général des Nations Unies a effectivement nommé un rapporteur spécial sur la condition des personnes handicapées, qui relève de la Commission des Nations Unies pour le développement social. Ses fonctions consistent à contribuer à la surveillance de la mise en oeuvre des normes d'égalisation. Comme vous le savez, les normes d'égalisation des chances pour les personnes handicapées ont été adoptées en 1993. Sans être juridiquement contraignantes, elles constituent un solide engagement moral et politique des gouvernements à prendre des mesures pour assurer l'égalité des chances pour les personnes handicapées. À la dernière réunion de la commission, le mandat du rapporteur spécial a été prolongé jusqu'en 2005. Plus tôt cet après-midi, j'ai reçu la plus récente ébauche de la résolution négociée à Genève. On y demande que le rapporteur spécial prenne la parole devant la Commission des droits de l'homme des Nations Unies à sa 59e session, soit l'an prochain, pour parler des droits de l'homme et de son travail. Nous commençons donc manifestement à voir un lien plus net et systémique entre le travail du rapporteur spécial et celui de la Commission des droits de l'homme.

    Je crois avoir terminé, mais je me ferai un plaisir de répondre à vos questions concernant mon ministère, avec l'aide de mon équipe.

    Je vous remercie.

+-

    La présidente: Que souhaite faire le comité? Préférez-vous entendre d'abord les représentants de la communauté ou poser toute de suite des questions aux hauts fonctionnaires?

º  +-(1600)  

+-

    M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Je pense que nous pourrions entendre les membres de la communauté.

+-

    La présidente: Nous pourrions commencer avec Diane et Laurie, qui ont coprésidé le dernier congrès international qui a eu lieu ici. Puis nous poursuivrons. Quel chemin avons-nous parcouru en 11 ans environ?

+-

    Mme Diane Richler (vice-présidente exécutive, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Merci.

    J'essaie de remplir un rôle un peu différent maintenant, puisque je consacre une grande partie de mes efforts au poste de présidente désignée de l'organisation internationale dont fait partie l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. La dernière fois que j'ai comparu devant vous, c'était sans doute pour représenter cette association, qui est maintenant très bien représentée ici.

    J'ai apporté beaucoup de documents, que je vais vous remettre. Je n'en ai malheureusement pas pour tout le monde, et je vais vous les laisser ici. Après avoir entendu les exposés, j'aimerais me concentrer sur certains. Il est assez intéressant de constater que l'exposé de l'ACDI portait largement sur ce que la communauté fait et les subventions que l'ACDI a versées et qui ont rendu possibles certaines activités. Ce que j'aimerais faire, c'est parler un peu de ce que le gouvernement fait, des quelques exemples très encourageants dont nous pouvons nous inspirer et des perspectives.

    Je pense qu'il est tout à fait significatif que cette séance ait lieu la semaine même où nous célébrons le 20e anniversaire de la Charte des droits et libertés, parce que l'adoption de la Charte au Canada et l'inclusion des dispositions protégeant les droits à l'égalité pour les personnes handicapées ont eu un grand effet non seulement au Canada, mais partout dans le monde. Nous ne sommes certainement pas le seul pays à considérer la situation des personnes handicapées comme une question de droit humain, mais je pense que le fait que les dispositions sur les droits à l'égalité soient présentées comme une question de non-discrimination se révèle très important. C'est très différent de l'approche des droits humains dans beaucoup d'autres pays.

    Il y a deux semaines, je me trouvais à une réunion aux États-Unis avec des représentants de grandes organisations nationales américaines. Leur modèle, bien sûr, c'est l'Americans with Disabilities Act, et ils envisageaient une convention qui constituera un document très précis qui permettra aux personnes handicapées d'obtenir certains avantages en raison de leur déficience, ce qui à mon sens va tout à fait à l'encontre de la façon dont nous avons tendance à voir les choses ici au Canada, à savoir qu'on ne peut exercer de discrimination contre quelqu'un parce que cette personne a une déficience.

    Je pense que beaucoup de gens examinent le modèle canadien parce qu'il offre une approche beaucoup plus holistique et beaucoup plus profondément enracinée, comme les deux exposés l'ont montré, dans un concept élargi de démocratie, de démocratisation et de participation citoyenne. Un important rapport rédigé sous le présent gouvernement et portant sur la situation des personnes handicapées s'intitulait A matter of Citizenship. Je considère comme très importante cette optique canadienne qui fait que la déficience est perçue comme un état qui n'altère pas le statut de la personne handicapée en tant que citoyen, mais qui incite plutôt la société civile et le gouvernement à faire des efforts pour s'assurer qu'on n'empiète pas sur les droits des citoyens que sont les personnes handicapées. Quand on songe au rôle que jouent les organisations de la société civile canadienne et le gouvernement dans d'autres contextes, c'est vraiment important.

    En bref, j'espère ne pas voler la vedette à l'ACIC à ce propos, mais l'une des analyses qu'a faites cette association sur cette question des affaires étrangères conclut qu'il faut tenir compte de la situation des personnes handicapées, que l'on songe à l'aide accordée, au commerce ou à la diplomatie, et qu'il y a un rôle à jouer dans tous ces domaines. Je pense que s'il y a une tâche qui nous attend en tant que pays, c'est de remédier au fait que nos efforts sont un peu clairsemés.

º  +-(1605)  

    En ce qui concerne l'aide, il y a bien sûr des projets et j'ai été encouragée d'apprendre combien de projets financés appuient les personnes handicapées ou leurs associations. Toutefois, je considère qu'il n'y a toujours pas, à l'ACDI, un effort conscient dans tous les projets de développement de traiter la question des déficiences comme une question horizontale, c'est-à-dire que dans le cas de l'éducation par exemple, il faut constamment songer à inclure des enfants handicapés.

    J'aimerais mentionner une initiative actuelle très précise dont le potentiel est incroyable, mais pour l'instant ce n'est qu'un potentiel. Il s'agit de l'initiative africaine dont une des principales composantes est l'éducation. Évidemment, les dirigeants africains ont reconnu qu'il fallait promouvoir l'éducation de tous, en priorité pour le continent, mais jusqu'à présent, d'après l'information que j'ai obtenue, la question de savoir comment s'assurer que les enfants et les jeunes handicapés sont inclus n'est pas vraiment une préoccupation principale dans le contexte de l'évolution de l'éducation en Afrique. Le document rédigé par les dirigeants des pays du G-8 sur l'éducation a été préparé aux États-Unis et bien que je ne l'aie pas vu—c'est un document interne—d'après ce qu'on me dit jusqu'à présent, il n'y est fait nulle mention des personnes handicapées.

    Les responsables de notre pendant en Afrique nous disent que si l'on n'inclut pas les jeunes handicapés dans les efforts pour promouvoir l'éducation pour tous, les pays d'Afrique n'atteindront jamais leurs objectifs à cause du si grand nombre de jeunes handicapés sur le continent. Je pense que notre approche d'inclure tout le monde offre la possibilité d'une réforme réelle de l'éducation d'une façon qui réponde beaucoup mieux aux besoins particuliers de tous les enfants de sorte que tous les enfants défavorisés puissent profiter du programme. Il ne s'agit pas de faire la promotion d'un programme parallèle pour les étudiants handicapés, mais plutôt de reconnaître qu'il faut inclure les enfants handicapés dans le contexte global du système d'éducation.

    Ainsi, bien qu'il y ait peut-être des initiatives très précises d'aide aux personnes handicapées, et même axées sur le fait d'être handicapé et sur l'éducation, et tel que déjà mentionné, l'une des principales initiatives dont nous avons parlé est une excellente initiative sur l'éducation, ce n'est toujours pas primordial dans les politiques de l'ACDI de s'assurer que tous les efforts en matière d'éducation tiennent compte de l'incidence de ces programmes sur les enfants handicapés.

    Dans le cas du commerce, qui semble peut-être un peu plus difficile, en fait, il y a quelques très bons exemples. Le premier ministre a inclu des représentants d'organisations de personnes handicapées dans les missions d'Équipe Canada, ce qui a été très important, pas uniquement du point de vue de la possibilité d'exporter l'expertise canadienne, mais aussi de donner une place aux organisations qui représentent les personnes handicapées dans les pays en question grâce à la présence de personnes handicapées dans la mission. Les exportateurs canadiens comptent sur toutes les institutions financières internationales, la Banque mondiale, la Banque inter-américaine de développement pour générer des affaires et les occasions existent, mais d'après ce qu'on peut voir, on n'a pas vraiment suffisamment joué sur notre compétence dans ce secteur.

    Enfin, il y a la diplomatie et là encore, très souvent, c'est dans un contexte très général que la diplomatie peut servir. Il faut saisir les occasions lorsqu'elles se présentent, mais parfois, celles-ci sont extrêmement importantes. Je peux peut-être faire mention du sommet à Québec il y a deux ans. Dans la déclaration de Québec, il y avait une très bonne référence au fait que les chefs d'État s'engageaient à promouvoir les droits des personnes handicapées et de dire dans une déclaration, en termes forts que les personnes handicapées seraient inclues dans toutes les activités des Amériques. Parfois, les paroles ne semblent pas très révélatrices, mais dans le cas de ces institutions de notre hémisphère, comme l'Organisation des États américains et la Banque inter-américaine de développement, il y a reddition de comptes sur la mise en oeuvre des résolutions adoptées au sommet de Québec. Pour la première fois donc, nous commençons à voir à l'Organisation des États américains se créer un intérêt pour les personnes handicapées, et à l'heure actuelle, pour la première fois, son service de l'éducation met l'accent sur la nécessité d'inclure les étudiants handicapés.

º  +-(1610)  

    Essentiellement, les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international savaient où étaient les possibilités et ont mis au point un libellé qui semble, à première vue, inoffensif—ce n'est pas aussi agressif qu'une convention—mais cela a eu une grande portée. Le personnel au sein de la direction des Amériques était très sensible à la question des déficiences parce que certaines personnes du ministère qui avaient été en poste précédemment dans des pays où il y a de nombreuses activités pour aider les personnes handicapées étaient rentrées au pays et étaient en mesure d'aider les organismes communautaires à trouver des moyens de faire la promotion de certaines activités. Au sein de la direction de l'Afrique il n'y a pas eu cette même tradition de participation. Dans l'évolution de l'initiative africaine, il n'y a pas eu cette participation d'employés du ministère qui avaient nécessairement des contacts ou qui cherchaient vraiment ce genre d'occasions.

    D'après notre expérience, c'est vraiment très facile de trouver des alliés au sein du ministère une fois qu'on connaît des gens. Le problème, c'est que les ONG canadiens ne savent pas nécessairement où se tiendront les prochains principaux sommets diplomatiques ni quelles sont les possibilités. Il nous faut donc voir, et au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et de l'ACDI, je pense, une approche beaucoup plus agressive et il nous faut surveiller les activités des deux ministères pour nous assurer qu'il y a respect de la Charte, non seulement au Canada, mais dans notre politique étrangère.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, Diane.

    Laurie.

+-

    M. Laurie Beachell (coordonnateur national, Conseil des Canadiens avec déficiences): Je suis ici aujourd'hui essentiellement pour appuyer nos bénévoles du comité international, Steve Estey et David Shannon, et je vais leur céder la parole dans un instant.

    J'aimerais simplement dire, madame la présidente, pourquoi nous sommes venus. Nos activités sont sporadiques. Il n'y a aucun centre de responsabilité ou de coordination clair au gouvernement pour ce domaine. Lorsque le Conseil des Canadiens avec déficiences s'est lancé dans le développement international, nous étions l'une des premières organisations à le faire, au début des années 80. À l'heure actuelle, nous n'avons aucun financement, aucun projet, et nous nous intéressons plutôt à l'aspect politique.

    Le leadership du Canada dans tous ces domaines de développement international et de déficience est reconnu et l'a été encore aussi récemment qu'en 1998, lorsque le premier ministre s'est rendu à New York et a reçu le prix Franklin Delano Roosevelt pour le leadership dont le Canada avait fait preuve dans le domaine des questions qui touchent les personnes handicapées. Toutefois, je dois dire que le Canada n'est plus à l'avant-garde comme il l'était à ce moment-là et doit réinvestir et lancer de nouvelles initiatives en partenariat avec les ONG.

    Je vais maintenant céder la parole à Steve Estey et Dave Shannon pour qu'ils continuent.

+-

    M. David Shannon (membre, Conseil des Canadiens avec déficiences): Merci, Laurie.

    Madame la présidente, je tiens à vous remercier, vous et Bill Young, de nous avoir, à si court préavis, invités nous et notre organisation, ici aujourd'hui. C'est un grand plaisir que d'être ici devant vous. Je tiens à dire, à titre personnel, que je suis très heureux de comparaître devant une députée de la ville où j'ai grandi, je parle de Wendy Lill. Les Maritimes sont représentées ici en ma personne et en celle de Steve Estey.

    Je suis très heureux de parler du sujet de la protection internationale des droits de la personne et de l'avancement des personnes handicapées. Je pense que tous autour de cette table conviendront que c'est notre objectif commun. Nous pouvons nous contredire aujourd'hui sur les résultats et les possibilités à ce moment-ci, mais nous convenons tous, comme c'est très Canadien de le faire, que nous pouvons contribuer sur ce front à l'échelle internationale.

    Steve.

º  +-(1615)  

+-

    M. Steve Estey (membre, Conseil des Canadiens avec déficiences): C'est un véritable privilège pour moi d'être ici. Comme vous l'avez fait remarquer, bon nombre des personnes réunies autour de cette table ont comparu souvent devant le comité. Comme c'est la première fois que je le fais, je dois dire que je trouve l'expérience très stimulante.

    Lorsque Dave et moi avons discuté de cette présentation devant porter notamment sur les droits de la personne et la convention sur les personnes handicapées, nous avons réfléchi à la façon dont les instruments des Nations Unies et les activités menées à ce niveau ont tendance à être ésotériques. Il est très difficile aux personnes handicapées de comprendre quelle est leur nature et leur valeur ainsi que leur incidence dans leurs vies quotidiennes. Je faisais part ce matin à Dave et Laurie d'une histoire qui me vient souvent à l'esprit lorsque je pense aux droits de la personne et aux personnes handicapées.

    Il y a deux ans, je me suis rendu au Cambodge pour travailler à un projet avec des survivants des mines terrestres. Nous nous sommes rendus un jour dans un petit village situé à quelques heures de route de Phnom Penh au milieu des rizières et de la forêt pluviale. Ce petit village était très loin de tout. Nous y sommes allés avec des membres d'une organisation non gouvernementale britannique appelée Action on Disability and Development. À notre arrivée dans ce village, nous avons rencontré un certain nombre de personnes, dont une dont le visage me revient à l'esprit chaque fois que nous discutons de la question des droits de la personne et des personnes handicapées. C'était une femme de 24 ans gravement atteinte d'infirmité motrice cérébrale. Elle ne pouvait pas parler ni se déplacer, mais elle faisait vraiment partie de sa collectivité. Ces personnes discutaient entre elles dans la rue. J'ai parlé avec cette jeune femme et sa famille. J'ai appris que jusqu'à l'âge de 22 ans, elle avait vécu dans la cour de la maison de sa famille, enchaînée avec les porcs et les poulets. Les membres de sa famille ne savaient pas quel était son problème et pourquoi elle ne pouvait ni parler ni marcher. Ils ne savaient pas comment l'aider. Cette jeune femme n'a été accueillie au sein de sa famille que lorsqu'une personne ayant certaines connaissances médicales leur a expliqué quel était son problème médical.

    Lorsque nous parlons des droits de la personne et des déficiences, il ne s'agit pas simplement de financer la mise en oeuvre de projets. Ces projets sont certes importants, mais il n'en demeure pas moins que les personnes handicapées font souvent face à des problèmes fondamentaux. Les conventions sur les droits de la personne peuvent contribuer à résoudre ces problèmes.

    Notre organisme, le CCD, continue de mettre en oeuvre des projets sur le terrain, mais il oeuvre aussi aux plans de l'élaboration des politiques. Dave et moi voulons donc vous parler de notre participation à des projets de l'ACDI et de notre expérience des conventions des Nations Unies et d'autres mécanismes semblables. Je demande votre indulgence parce que nous allons nous partager la présentation.

+-

    M. David Shannon: Nous espérons ne pas vous donner l'impression d'avoir devant vous Laurel et Hardy.

    Le nombre des personnes handicapées dans le monde s'élève à 600 millions. Environ 80 p. 100 de ces 600 millions de personnes vivent dans des pays en développement où elles comptent pour une partie importante de la population. Ce qui est choquant, ce n'est pas tant le nombre de personnes handicapées dans le monde, mais les terribles conditions dans lesquelles certaines d'entre elles vivent comme Steve vient de le faire remarquer. Voici ce que constatait le premier rapporteur des Nations Unies sur les personnes handicapées en 1991:

les personnes handicapées vivent fréquemment dans des conditions déplorables en raison des obstacles physiques et sociaux qui empêchent leur intégration et leur pleine participation à la collectivité. En raison de ces obstacles, des millions d'enfants et d'adultes dans le monde entier vivent dans l'isolation et sont privés de presque tous leurs droits. Ils vivent par conséquent une vie misérable en marge de la société.

    Les droits à des soins de santé, à un logement, à une éducation et à un emploi constituent des droits fondamentaux pour toutes les personnes humaines, y compris les personnes handicapées. Or, des millions de personnes handicapées dans le monde n'ont pas accès aux ressources voulues pour répondre à leurs besoins fondamentaux et n'exercent pas non plus d'influence sur les décisions de politique qui touchent leur lutte quotidienne pour survivre. Fort heureusement, nous exerçons ici une influence sur l'élaboration des politiques.

    De par le monde entier, madame la présidente, les personnes handicapées font l'objet de discrimination. On leur refuse des emplois, on les exclut des écoles, on les considère indignes de se marier ou d'établir des partenariats et on les empêche même de s'adonner à certaines pratiques religieuses. L'attitude sous-jacente voulant que les personnes handicapées aient une valeur intrinsèque moindre que les personnes non handicapées a des conséquences dévastatrices pour elles dans le monde entier. L'oppression dont font l'objet les personnes handicapées dans le monde ressort clairement de leurs témoignages personnels.

    Nous sommes d'avis, madame la présidente, que l'habilitation des personnes handicapées passe par l'élimination des préjugés qui existent dans la société et parmi les personnes handicapées elles-mêmes quant à ce qu'elles peuvent faire et ne peuvent pas faire ainsi que par le remplacement de ces préjugés par un cadre qui permettra aux personnes handicapées de prendre pleinement leur place dans la société.

º  +-(1620)  

+-

    M. Steve Estey: Parlons pour un instant des conséquences économiques du fait d'avoir une déficience. Il y a quelques années, un organisme britannique d'aide au développement a mené une étude au terme de laquelle on a estimé le nombre de personnes handicapées en Inde à 32 millions. Cette étude a aussi estimé que quatre fois plus de gens, soit 130 millions de personnes, étaient directement touchées par les déficiences. Les auteurs de l'étude ont parlé de la question avec les membres de la famille des personnes handicapées ainsi qu'avec des représentants de leur collectivité. Le fait pour moi d'être une personne handicapée entraîne certaines conséquences, mais cela entraîne aussi des conséquences pour ma famille et en particulier s'il n'existe pas de programmes de soutien à leur intention dans la collectivité. Ma mère, par exemple, ne pourra peut-être pas travailler parce qu'elle doit m'aider, ce qui a une incidence économique sur toute la famille. Il importe de se souvenir que d'autres personnes que la personne handicapée elle-même ressentent les effets de sa déficience.

    Une autre étude menée par le même organisme en Tanzanie a révélé que les ménages comptant une personne handicapée avaient un taux de consommation de 40 p. 100 inférieur à celui du taux moyen national alors que ces ménages comptaient en moyenne 20 p. 100 de plus de personnes. Malgré le fait qu'ils comptaient 20 p. 100 de plus de personnes, leur taux de consommation était de 40 p. 100 inférieur au taux moyen national. On voit donc que le fait pour une famille de compter une personne handicapée a un impact net important sur la famille. L'étude menée en Tanzanie concluait que «la condition de personne handicapée est la face cachée de la pauvreté en Afrique».

    Pour renforcer ce que Diane disait au sujet de l'inclusion et de l'incidence économique de la condition de personne handicapée, je pense qu'il importe pour le comité, madame la présidente, de comprendre que ce n'est pas seulement la personne handicapée qui ressent les effets de sa condition, mais aussi ses proches.

+-

    M. David Shannon: Le besoin profond rattaché aux personnes handicapées à l'échelle mondiale avait été reconnu par le Canada il y a 20 ou 25 ans. Les Canadiens et le gouvernement du Canada s'étaient rendu compte qu'on avait commencé à passer d'une société où l'on insistait sur le côté médical ou la réintégration sociale, où l'on considérait la déficience comme un problème et la personne handicapée comme définie par sa déficience, c'est-à-dire une blessure ou une maladie, à une société axée sur les droits de la personne, à un modèle de droits de la personne et de citoyenneté. Il y a 20 ans, la société canadienne et le gouvernement du Canada avaient pris l'initiative. Il y a eu, par exemple, la fondation du CCD, la participation à la fondation de Disabled Persons International, la rédaction du rapport Obstacles, l'inclusion des personnes handicapées dans la Charte des droits et libertés—dont nous célébrons le 20e anniversaire cette semaine—le programme d'action mondiale concernant les personnes handicapées et enfin la décennie des personnes handicapées des Nations Unies. Ce sont des choses auxquelles le Canada a non seulement participé, mais pour lesquelles il a aussi pris l'initiative. Ce leadership a contribué pendant cette période à la création de plusieurs ONG et a permis de mettre de l'avant les intérêts des personnes handicapées sur la scène internationale. Depuis, les ONG ont pu prendre de l'expansion. Plusieurs autres nations États se sont jointes au mouvement des droits des personnes handicapées et ont aussi accompli des progrès.

    Au Canada, nous avons accompli énormément de progrès grâce aux articles 7 et 15 de la Charte, surtout relativement à l'obligation de prendre des mesures d'adaptation. Notre jurisprudence canadienne est tout à fait brillante et reste un modèle pour le reste du monde. Cependant, les autres pays du monde accomplissent des progrès et le rôle de leadership du Canada est en train de s'éroder. Nous voudrions vous parler aujourd'hui de façons pour le Canada de reprendre son rôle de chef de file mondial relativement aux personnes handicapées et aux droits de la personne.

º  +-(1625)  

+-

    M. Steve Estey: Je voudrais parler un instant d'une politique de l'ACDI. Je ne répéterai pas tout ce qu'on a dit jusqu'ici. On vous a donné un aperçu très clair de la politique de l'ACDI, de sa politique relative aux besoins fondamentaux de l'être humain, à la gouvernance, et ainsi de suite et de la façon dont ces politiques peuvent toucher les personnes handicapées. Vous avez aussi entendu parler de divers projets financés par l'ACDI depuis quelques années. Ce que nous avons fait au CCD à l'égard de la politique relative aux personnes handicapées et au développement, c'est voir ce qui se fait dans d'autres pays. Nous essayons de voir ce que d'autres pays donateurs font relativement aux personnes handicapées et de comparer à ce que fait le gouvernement du Canada pour voir si ses politiques sont semblables ou s'il y a des différences.

    Ce que nous avons constaté, c'est que les pays que l'on décrit souvent comme les pays nordiques, c'est-à-dire le Danemark, la Suède et la Norvège, par exemple, ont établi des rapports véritables avec les personnes handicapées. Dans ces pays, on se sert d'un modèle de groupe de référence, ce qui veut dire que les organismes de personnes handicapées travaillent de concert avec une agence d'aide bilatérale pour établir des paramètres ou des structures de politique pour les divers types d'interventions jugées appropriées pour le milieu des personnes handicapées. Aux États-Unis, on a récemment mis de l'avant une politique particulière pour les personnes handicapées et le développement. On a établi à USAID un service qui surveille l'application de cette politique et qui dépose des rapports annuels. Au Royaume-Uni, on a récemment publié une déclaration de politique relativement aux personnes handicapées et au développement où il est question de choses de ce genre et des problèmes de la pauvreté, de la réduction de la pauvreté, et ainsi de suite.

    Nous avons donc constaté que d'autres pays ont adopté une approche peut-être plus concentrée relativement aux mesures pour les personnes handicapées et le développement. Bien entendu, l'ACDI fait énormément de choses dans ce domaine, mais ce qui est ressorti de notre analyse des mesures prises dans d'autres pays, c'est que les groupes de personnes handicapées considèrent que, si l'on peut avoir une approche plus cohésive, on pourra obtenir de meilleurs résultats que si l'on a des activités disparates dans plusieurs ministères. C'est une chose que nous voudrions certainement examiner de concert avec l'ACDI et que nous appuierions volontiers.

    L'autre chose que je voulais ajouter relativement aux personnes handicapées et au développement, c'est que, même s'il y a des violations des droits de la personne, même si certaines des personnes handicapées sont les plus pauvres parmi les pauvres, le fait est qu'il y a 600 millions de personnes qui veulent vivre leur vie et contribuer à leur famille et à leur société. Cela représente une source de recettes et d'énergie énorme et l'on devrait vraiment en tenir compte quand on élabore une politique relative au développement et l'on devrait considérer les personnes handicapées comme une nouvelle source d'énergie capable de contribuer au développement de la société.

º  +-(1630)  

+-

    M. David Shannon: En plus de cette recommandation de politique, nous sommes heureux et pas mal emballés d'apprendre que le Canada appuie, avec quelques réserves, la convention des Nations Unies sur les personnes handicapées. Nous appuyons cette convention de tout coeur. Selon nous, le Canada doit jouer un rôle intégré et un rôle de chef de file relativement à l'élaboration de cette convention et, tout particulièrement maintenant, participer pleinement au comité spécial mentionné par M. Norfolk.

    L'un des reproches qu'on fait à cette convention, c'est qu'elle crée une structure supplémentaire, ce qui entraîne des coûts. J'espère avoir démontré les coûts insurmontables qu'il y aurait sur les plans social et économique à ne rien faire. Selon nous, les avantages de la convention des Nations Unies l'emportent, et de loin, sur ces coûts.

    En outre, nous considérons que la convention des Nations Unies sur les personnes handicapées constituera un énoncé immédiat de la responsabilité internationale au plan juridique en ce qui concerne les droits des personnes handicapées, qu'elle éclaircira les principes relatifs aux droits de la personne et leur application aux personnes handicapées, qu'elle constituera un point de référence mondial qui fera autorité pour le droit national et les initiatives en matière de politiques et qu'elle fournira des mécanismes pour effectuer un contrôle plus efficace, notamment pour les rapports relatifs à l'application de la convention par les gouvernements et les ONG, la surveillance par un groupe d'experts créé aux termes de la convention, et peut-être aussi l'examen des plaintes individuelles ou collectives selon un mécanisme qui sera établi dans le cadre de la convention. Nous sommes ravis de l'évolution quasi-judiciaire de cette convention.

    La convention créera aussi une structure utile pour la collaboration internationale. Elle établira une norme équitable et commune d'évaluation et de réalisation applicable à toutes les cultures et à tous les niveaux de développement économique. La convention procurera aussi des avantages sur le plan de l'éducation à tous ceux qui participeront aux étapes préliminaires et officielles de négociation, de même qu'au public des pays qui envisageront de ratifier la convention. Enfin, elle contribuera à la masse critique de jurisprudence sur les droits des personnes handicapées et la protection internationale des droits de la personne. En ajoutant à cette masse critique, on pourra rendre les droits des personnes handicapées de plus en plus normatifs, et donc plus intégrés à la communauté internationale.

    Je vais conclure en parlant des recommandations, madame la présidente. Il y aura bientôt des forums de discussion et des demandes d'engagement et de participation du Canada en vue de réaffirmer son leadership sur la scène internationale relativement aux droits des personnes handicapées, à la convention des Nations Unies et au comité spécial. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a garanti qu'il y aura participation des ONG, et participation à la décennie africaine des personnes handicapées qui commence cette année. À notre avis, il s'agit d'une occasion tout à fait unique de faire le lien avec la récente tournée du premier ministre en Afrique. En octobre prochain, Disabled Persons International tiendra son congrès mondial à Sapporo, au Japon. Nous invitons les députés à assister à ce congrès et à y participer.

º  +-(1635)  

+-

    M. Steve Estey: Nous invitons aussi le comité à préconiser l'élaboration d'une politique intégrée sur l'invalidité et le développement au sein de l'ACDI, comparable aux politiques des pays nordiques, des États-Unis et du Royaume-Uni dont j'ai parlé.

    Nous nous faisons aussi l'écho des recommandations formulées récemment par le rapporteur spécial des Nations Unies à la commission sociale à Genève. Il a demandé à l'ONU de lancer ou de poursuivre des initiatives relatives aux droits de la personne qui seraient plus efficaces et plus inclusives des personnes handicapées. Il a préconisé l'élaboration d'une convention sur les personnes handicapées. J'ai aussi noté avec intérêt aujourd'hui qu'il a réclamé la prorogation du mandat du rapporteur spécial. J'ai été ravi d'apprendre que c'est fait. Enfin, il a demandé le rétablissement d'un mécanisme inter-agences créé pendant la décennie internationale des personnes handicapées afin de favoriser la mise en commun d'expériences et d'idées entre les organismes des Nations Unies et les organisations qui travaillent pour les personnes handicapées.

    Merci.

+-

    La présidente: Joan.

+-

    Mme Joan Westland (témoignage à titre personnel): En écoutant David parler de la convention et de tous les fruits qu'elle porterait, j'étais tentée de savoir si elle laverait aussi les vitres.

    Étant donné mon expérience personnelle, je suis moins enchantée que lui de l'accent que l'on met sur les conventions et autres instruments des Nations Unies. En effet, j'ai participé à l'élaboration de l'ensemble de règles minima des Nations Unies, à la déclaration et au programme d'action de Vienne, au programme d'action mondial et j'ai présenté de nombreux exposés à la troisième commission des Nations Unies en plus de participer comme déléguée à l'Assemblée générale des Nations Unies. On y dépense énormément d'énergie. On peut délibérer pendant des jours sur la question de savoir s'il faut éradiquer la pauvreté ou éliminer la pauvreté. Bien que j'apprécie l'importance relative de ces conventions et instruments par rapport à la palette d'initiatives—et Diane nous en donné une très bonne idée—je suis très inquiète à l'idée que nos efforts n'aillent pas au-delà de ces activités qui exigent énormément de temps et accaparent tant de ressources.

    J'en viens maintenant aux exposés entendus jusqu'à maintenant. J'aimerais vraiment une discussion ouverte au lieu d'avoir à taper sur le pupitre. Le financement de projet me semble désorganisé et sporadique. Je ne suis pas convaincue que l'on fasse autant d'analyses des évaluations de besoins dans les pays mêmes avant que ne soient prises les décisions quant aux projets qui méritent d'être financés ou réalisés. Je souhaiterais une meilleure communication et davantage de coopération entre les États membres des Nations Unies sur les initiatives qu'ils vont entreprendre. Dans des pays que j'ai visités dans le cadre de certains de ces projets, j'ai été étonnée de voir que certains pouvaient donner des résultats concrets puisque les intervenants dans ces pays semblent passer tout leur temps à transporter les membres des délégations des pays donateurs d'aide au développement entre les hôtels et les aéroports. Il me semble qu'il leur reste très peu de temps pour veiller à la réalisation des projets.

    Il me semble que les États membres n'ont pas une très bonne idée de la situation qui prévaut dans les régions bénéficiaires ou des problèmes auxquels on cherche des solutions. Il ne s'agit pas de mieux coordonner les efforts ici au Canada, mais bien de resserrer la planification stratégique au niveau international.

    Quelqu'un a parlé de développement durable. Quand je parcours les documents de l'ACDI, le texte reflète certainement l'importance des enjeux dont nous avons parlé. La documentation publiée par le ministère des Affaires étrangères reprend bon nombre des arguments que nous avons avancés en faveur de l'inclusion. J'aimerais toutefois que les discussions aillent un peu plus loin. Je crois que nous devons approfondir le sens du terme inclusion. Je souhaiterais que la situation des personnes handicapées soit prise en compte dans toutes vos politiques et tous vos programmes, et dans les discussions au sein de votre ministère, mais pas si cela signifie que l'inclusion sera elle abandonnée. Quand je dis que les programmes doivent être inclusifs, c'est que nous voulons participer pleinement à la société tout en étant conscients du fait que certaines questions nécessiteront une attention particulière et des actions précises qui ne se feront pas en parallèle, mais plutôt en filigrane de toutes nos réflexions et de toutes nos initiatives.

º  +-(1640)  

    J'aimerais aborder une autre question d'ordre pratique avant de laisser la parole à Michael, puisque notre temps s'épuise.

    Quand nous parlons de renforcement des capacités et de projets qui visent au renforcement des capacités des ONG au niveau local et communautaire, nous devons veiller à inclure la collectivité au sens large. L'expérience nous a enseigné ici au Canada que nous devons prendre en compte le renforcement des capacités et la reconnaissance de la citoyenneté des personnes handicapées. Mais nous ne vivons pas en vase clos et nous devons nous assurer d'avoir en main les outils et les instruments voulus pour influencer nos gouvernements locaux pour qu'ils veillent à ce que les infrastructures communautaires soient effectivement inclusives et accessibles.

    Dans certains pays, il existe des mécanismes, qu'il s'agisse d'associations de maires ou de réseaux d'administrations municipales qui rendent possible cette discussion. Nous devons aussi mobiliser d'autres membres de la collectivité qui peuvent infléchir les décisions sur le démantèlement des obstacles, et notamment les enseignants et les professionnels de la santé. Ainsi, quand nous analysons les besoins et les solutions, nous devons veiller à ce que ces partenaires sociaux participent pleinement au processus décisionnel.

    Je crois que vous pourriez aussi aider vos collègues dans d'autres gouvernements à acquérir les connaissances qui leur permettraient non seulement d'élaborer, mais aussi de mettre en oeuvre des politiques sociales et économiques stratégiques qui soient inclusives et qui viendraient étayer vos initiatives à tous les autres niveaux. Pour atteindre l'objectif de durabilité dont vous avez parlé, j'estime qu'il faut adopter une telle approche holistique. Faute de cela, vous allez continuer de lancer des fléchettes pour choisir des projets ici et là—tous valables, j'en suis convaincue—mais ce sera extrêmement difficile de voir des résultats durables si les autres partenaires sociaux ne sont pas amenés à participer pleinement au programme.

    En juin dernier, nous avons eu à Montréal une conférence—à laquelle ont participé la présidente et Wendy Lill—dont le thème était «Une société inclusive—c'est le monde sans obstacles». Cette table ronde s'est tenue avant une conférence internationale à laquelle nous devions tenter d'assurer une représentation multisectorielle, des urbanistes aux décideurs en passant par des gens qui conçoivent des produits d'utilisation quotidienne, afin d'engager la réflexion sur la façon de mobiliser tous ces secteurs au sein de notre collectivité. On ne peut pas agir en vase clos pour trouver des solutions aux problèmes des personnes handicapées.

    Si vous ne retenez qu'une chose, je vous en prie, quand vous parlez de la participation des personnes handicapées dans le contexte de l'élaboration et de la réalisation de projets, veillez à ce que ces projets soient dotés des ressources qui permettront aux gens d'être des participants à part entière. Il faut pour cela satisfaire aux besoins d'intégration. Dans tous les programmes auxquels j'ai participé, les besoins d'intégration n'étaient jamais pris en compte. Par exemple, il n'y a pas d'interprétation pour les malentendants et les documents ne sont pas disponibles autrement que sur support papier. Dans de nombreux pays, les coûts de transport sont un problème, mais ils sont tout à fait inabordables pour les personnes handicapées. J'estime réellement qu'il ne suffit pas de dire que les personnes handicapées doivent faire partie de votre groupe de clients ou participer au groupe décisionnel. Il faut aussi démontrer que cette participation sera réelle et que les ressources voulues sont disponibles. Voila mon petit commentaire d'ordre pratique.

    Merci, madame la présidente.

º  +-(1645)  

+-

    La présidente: Merci.

    Michael.

+-

    M. Michael Bach (vice-président, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Merci, madame la présidente. Je suis d'accord avec un certain nombre de choses qui ont été dites. J'ai déposé une copie papier de mon exposé auprès du greffier qui pourra vous être distribuée plus tard. Je vais m'en tenir aux éléments essentiels de cet exposé plutôt que de le faire en entier.

    D'abord, chers membres du comité, je crois qu'au sein de la communauté et du gouvernement, nous reconnaissons tous que le Canada a fait de grands progrès dans le domaine des droits et libertés des personnes handicapées et qu'il a joué un rôle important dans le soutien du développement des droits et libertés de la personne à l'échelle internationale. Puisque j'ai travaillé dans le domaine, la déficience et le développement international, dans le cadre de mes fonctions à l'Institut Roeher et depuis peu à l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, je suis certainement conscient du véritable poids qu'a un cadre de réglementation des droits et libertés de la personne puisque j'ai vu son incidence dans diverses régions des Caraïbes, d'Amérique centrale et du Sud ainsi que dans le sud de l'Asie. Il redonne de l'espoir aux gens, leur donne l'impression d'ouvrir de nouvelles possibilités et, dans bien des cas, lorsque les gens prennent conscience des conséquences des conventions et des engagements internationaux relatifs aux droits de la personne, ils ressentent une véritable énergie et voient s'ouvrir de nouveaux horizons.

    Dans notre réflexion sur une nouvelle convention sur les personnes handicapées, il faut prendre bien soin de ne pas perdre nos acquis de vue et se demander si effectivement nous avons besoin d'un nouveau cadre de respect des droits de la personne. Que cela nous apportera-t-il ou quels nouveaux outils cela nous procurera-t-il? A-t-on besoin de plus de gaieté et d'espoir? Il faut être certains que si nous obtenons de nouveaux engagements relatifs aux droits de la personne, ils auront vraiment des répercussions.

    Je crois que les gens des différents pays où j'ai travaillé ressentent une véritable frustration lorsque cinq à dix ans après avoir entendu parler des engagements sur les droits de la personne, ils ne perçoivent aucun changement et commencent d'ailleurs à les revendiquer. Je crois que Diane et d'autres intervenants ont déjà dit que le défi serait de mettre au point un cadre stratégique pour s'assurer que ces engagements sont respectés. C'est ce qu'a proposé le Conseil des Canadiens avec déficiences dans le cadre d'une nouvelle convention qui ferait la promotion d'un système de surveillance, d'une stratégie de coopération internationale et de sensibilisation du public. Je ne suis pas sûr que cela soit possible. Il le faudrait. Si ce l'était, ce serait fantastique, mais il faudrait tirer des leçons du passé et remettre en question la possibilité que cela fonctionne.

    Puisque notre défi est de mettre au point un cadre stratégique cohérent pour s'assurer du respect des engagements internationaux déjà pris, je crois qu'il faut garder une image d'ensemble en tête. Je connais les objectifs de lutte contre la pauvreté de l'ACDI et je crois qu'ils sont fort louables. Mais en vérité, entre 1961 et 1997, période de mondialisation économique importante, l'écart entre les pays à revenu élevé, les pays à revenu intermédiaire et les pays à faible revenu s'est creusé pour passer de 10 billions de dollars US à plus de 25 billions de dollars. La vérité, c'est que la mondialisation économique entraîne la pauvreté et la polarisation. Il faut se le dire. Je ne crois pas que cette réalité puisse être remise en question et nécessite un débat. Bien que nous ayons des objectifs d'allégement de la pauvreté et que nous y consacrions des ressources importantes, notre incidence est très minime. Le plus important problème des personnes handicapées est la pauvreté. À moins de résoudre le problème de la mondialisation de l'économie, on n'arrivera pas à résoudre les problèmes des personnes handicapées.

    Si l'on reconnaît cette situation, cela entraîne un certain nombre de conséquences directes. La mondialisation économique est importante puisqu'elle comporte des avantages. Le véritable problème, c'est que nos institutions économiques ont connu un essor pour permettre la mondialisation à cette échelle au cours des 40 dernières années, mais nos institutions sociales n'ont pas suivi. Pierre Pettigrew, l'actuel ministre, et George Soros, le financier américain avec sa Foundation for the Open Society, faisait valoir le même point dans un récent livre, On Globalization. Nous avons les institutions économiques pour la mondialisation, et elles sont très avancées, mais nous n'avons pas les institutions sociales, et à moins d'avoir les biens publics mondiaux pour la santé, l'éducation, le soutien social, à moins d'avoir les institutions sociales pour faire avancer ce programme, nous allons continuer à voir cet écart entre les pays à revenu élevé, les pays à revenu intermédiaire et les pays à faible revenu, et nous allons continuer à voir l'exclusion des personnes handicapées prendre de l'ampleur dans cette polarisation croissante. Au moment où nous pensons à intégrer nos droits des personnes handicapées pour rendre possible un véritable changement de politique, nous devons garder à l'esprit ce portrait d'ensemble.

º  +-(1650)  

    Nous aimerions proposer quelques grandes lignes pour les objectifs centraux en matière de politiques et de rôles pour le Canada. Lorsque nous parlons de rôles pour le Canada, nous sous-entendons ceux de l'ACDI et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et nous voulons souligner la nécessité de mettre au point un programme d'élaboration de politiques coordonné entre ces deux entités du gouvernement fédéral.

    Soit dit en passant, Michael Ignatieff, un des grands philosophes du Canada, a souligné dans ses récents ouvrages sur la révolution des droits que le Canada était un leader de l'institutionnalisation nationale et internationale. Il a soutenu que la progression des droits de la personne devrait s'assortir de la reconnaissance des besoins de la personne, de la valeur et du respect des gens, mais en fait, la réalité est bien différente. Nous assistons effectivement à des progrès en matière de reconnaissance des droits de la personne, mais l'exclusion persiste. Encore une fois, je crois que le Canada doit s'enorgueillir de son rôle de leader, mais il faut absolument régler la question de ce vide de politiques.

    Certains objectifs clés permettront de coordonner le programme entre le MAECI et notre aide officielle au développement. Il faut d'abord prendre la direction d'un cadre juridique des droits de la personne et le faire progresser. De plus, comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises, il y a un besoin criant d'un programme d'élaboration de politiques inclusives. Il faut mettre au point un programme de politiques inclusives et le faire dans le contexte d'une approche horizontale. Ensuite, il nous faut des objectifs de politique clairs pour assurer la démocratisation des États et de leurs gouvernements, mais aussi du marché. Il faut assurer l'accès au marché aux personnes handicapées, non seulement en matière de consommation, mais aussi en matière de participation à la population active. Nous devons démocratiser la société civile. Notre programme de démocratisation doit donc couvrir les marchés d'État et la société civile. Un autre objectif de politique devrait être le renforcement des capacités des organisations de société civile. Ce ne sont pas là de nouveaux objectifs, mais je crois qu'il faut les énoncer clairement et assurer leur coordination dans tous les secteurs du gouvernement fédéral.

    Ce sont les rôles clés, à mon avis, des Affaires étrangères et de l'aide publique au développement. Nous devons assumer un rôle de leader en matière de droits de la personne et d'engagements aux objectifs de démocratisation. Nous avons pris ces engagements et nous avons assumé un rôle de leader dans leur promotion, mais nous ne nous en sommes pas vraiment acquitté. Le rôle du Canada en matière de surveillance et de perfectionnement des ressources pour la surveillance nationale et l'appui à la surveillance sur le plan bilatéral et dans les institutions multilatérales n'a pas été très efficace, à mon avis. Nous pouvons en discuter davantage.

    Dans certains domaines, étant donné les problèmes vécus par les personnes handicapées à l'échelle mondiale, que nous devons d'ailleurs tenter d'alléger, comme avec le génome humain et les droits de la personne, il faut tenir compte de la déclaration de l'UNESCO. Comme Margaret Sommerville, une de nos éthiciennes les plus respectées, l'a souligné, la génétique se traduit maintenant par l'eugénique au Canada comme partout dans le monde. Le Canada doit donc assumer un rôle de leader dans la surveillance de ce phénomène.

    Il faut se pencher sur la question du développement institutionnel bilatéral et multilatéral. L'élaboration de projets, en dehors d'un cadre de politiques pour créer la capacité des institutions sociales, à l'échelle régionale et mondiale, ne nous aidera en rien à réaliser notre programme. George Soros a certaines idées fort novatrices pour y parvenir avec certains des outils que nous fournit la Banque mondiale.

    Non seulement faut-il se pencher sur la question d'élaboration de politiques sociales inclusives sous l'angle national et bilatéral, mais il faut aussi se tourner vers des initiatives régionales et communautaires. L'initiative de l'ACDI avec l'Association canadienne en Amérique centrale en est un excellent exemple. Nous créons une capacité au niveau régional en Amérique centrale pour faciliter la sensibilisation à l'inclusion, l'engagement auprès de l'OEA, l'engagement auprès de l'OCDE et la promotion de la sensibilisation à l'inclusion.

    Il faut mettre au point une stratégie d'engagement en matière de politiques pour les organisations de personnes handicapées de la société civile. Il faut investir dans les ONG et les partenariats avec la société civile. Il faudrait aussi réexaminer nos pratiques actuelles de financement des ONG canadiennes dans le cadre de nos partenariats de développement et d'aide. Compte tenu du financement actuel de nos associations de personnes handicapées est assuré par des ONG canadiennes, de l'exigence voulant que le tiers des ONG canadiennes participent, nous allons assister à une diminution de la capacité et de moins en moins d'ONG pourront participer parce qu'elles n'auront tout simplement plus les ressources financières de le faire. En raison des régimes de reddition de comptes qui relèvent maintenant de DRHC, nous ne pouvons plus dégager d'excédents de nos projets, donc notre capacité de générer cette marge de manoeuvre pour mettre en oeuvre d'autres initiatives est disparue. Ce n'est plus possible et pourtant, nous avons développé une expertise importante au Canada qui est respectée par les ONG, mais nous ne pourrons plus la mettre à profit dans quelques années puisque les principes directeurs actuels de financement ne nous le permettront pas.

º  +-(1655)  

    De plus, je pense que dans les directives du service des projets des ONG à l'ACDI, il faut reconnaître que les ONG des pays partenaires souhaitent un partenariat. Ils ne veulent pas simplement une infusion de fonds, ils veulent un partenariat. Nous apprenons autant de ces engagements que nos ONG dans d'autres pays.

    Enfin, comme je l'ai dit, nous devons mettre sur pied une stratégie globale de surveillance permettant au Canada non seulement de surveiller ses engagements internationaux dans notre propre pays, mais aussi de fournir des ressources et des modèles pour agir au plan international.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Tony, vous voulez commencer?

+-

    M. Tony Tirabassi: Merci.

    Je remercie tous les témoins qui sont venus comparaître cet après-midi. Nous avons entendu énormément de choses et j'essaie de digérer tout cela et de m'y retrouver dans tous vos divers domaines d'intérêt.

    J'aimerais des précisions supplémentaires. Vous avez beaucoup parlé de la contribution du Canada à l'élaboration de programmes internationaux. Quelle note donneriez-vous à la contribution passée du Canada à l'élaboration de programmes et politiques internationaux en matière de déficiences, et est-ce que la situation a évolué?

    J'ai eu l'occasion d'aller aux Nations Unies en tant qu'observateur l'automne dernier. Quand j'ai rencontré les représentants de divers services et organismes, nous avons entendu parler de l'évolution du rôle du Canada, mais c'est une évolution qui est aussi le résultat des changements sur la scène internationale. Donc, même si dans certains domaines notre contribution semble avoir diminué, nous avons en réalité accru notre responsabilité grâce à la sensibilisation, en tout cas dans le domaine du maintien de la paix.

    Pourriez-vous répondre à ces questions? Je serais très intéressé de savoir ce que vous avez à dire, Michael, sur le rôle fondamental de la pauvreté dans la question des déficiences.

+-

    M. Laurie Beachell: Nous avons participé au début à l'élaboration d'activités éducatives en éduquant d'autres ONG canadiennes comme Oxfam, Suco et Inter Pares, pour qu'elles intègrent les déficiences et qu'elles essaient de trouver une façon d'amener les groupes qui s'occupent de développement à avoir une démarche plus inclusive. Il y avait un peu d'argent à l'époque pour ce genre d'activités. Toutefois, cette cagnotte à l'ACDI s'est épuisée et a disparu. Tout l'aspect éducation au développement, les vieux programmes de participation publique du milieu des années 80, tout cela a disparu.

    Nous avons ensuite suivi l'initiative de l'ACDI en essayant d'organiser des projets directs de développement. Bien franchement, nous nous sommes rendu compte que nous ne pouvions pas les soutenir et que nous créions des attentes chez nos partenaires des pays en développement que nous ne pouvions pas respecter parce que le cycle de financement était de huit mois, qu'il fallait dépenser tout l'argent en huit mois et qu'on n'avait aucune garantie que le financement serait ensuite prolongé. Ensuite, l'ACDI a examiné nos projets de développement et nous a dit que nous faisions du bon travail, qu'il y avait quelques domaines dans lesquels nous pouvions renforcer notre action et qu'il aurait bien fallu pouvoir nous donner de l'argent pour nous permettre de respecter nos engagements à long terme mais que l'agence n'avait malheureusement pas d'argent à nous donner.

    Donc, non seulement le potentiel des projets de développement avait disparu, mais en plus nous avons été obligés de dire à nos partenaires que nous ne pouvions plus continuer notre travail. Nous avons eu des projets au Zimbabwe, à la Trinité, au Salvador, au Nicaragua, en Guyanne et Jamaïque pendant plusieurs années, mais nous les avons tous abandonnés. Nous ne pouvons pas maintenir ces activités ni répondre aux besoins de nos partenaires dans ces pays. En réalité, nous avions créé des attentes alors que les structures de financement ne nous permettaient pas d'y répondre.

    L'initiative de l'ACDI dans ce domaine a donc été très sporadique et nous avons été de moins en mesure d'y participer en tant qu'ONG. Voilà pourquoi nous revenons vous dire qu'il faut absolument coordonner ces activités sporadiques. Il faut qu'il y ait un cadre politique pour nous permettre d'aller de l'avant avec des initiatives qui, comme l'a dit Joan, peuvent contribuer à long terme à consolider la société civile et à répondre aux profondes inégalités entre riches et pauvres dans ces pays où nous avons des organisations membres.

    Je ne sais pas si je suis assez direct, mais je pense que sur toute la question de la coordination, il y a des outils comme la convention, comme le rapport Obstacles, comme le comité parlementaire, qui pourraient nous permettre de faire démarrer les choses et de concentrer l'attention sur certains problèmes. Mais si nous n'avons pas l'élément de coordination politique, nous allons aboutir à des résultats très inégaux et imprévisibles.

»  +-(1700)  

+-

    La présidente: Joan.

+-

    Mme Joan Westland: J'aimerais aussi répondre à votre question sur le leadership du Canada et sa situation actuelle. N'oublions pas la situation à l'époque où notre pays était un leader. Il y avait une décennie internationale et les pays membres des Nations Unies donnaient un caractère prioritaire aux questions des déficiences. Il existait donc un contexte international qui encourageait le gouvernement canadien à assumer un rôle de leadership. Il y avait un ministre qui organisait toutes sortes de réunions de ministres d'autres pays pour discuter avec eux de leurs programmes, de leurs stratégies en matière de déficiences. À la fin de cette décennie, les choses ont commencé à s'estomper. Nous n'avons pas réussi durant cette décennie à affirmer l'argument de l'inclusion avec autant de force qu'aujourd'hui, et par conséquent les déficiences ont été traitées comme quelque chose de distinct et il est devenu très difficile de continuer à leur donner un caractère prioritaire dans les activités du gouvernement.

    Il y avait donc un contexte international qui a permis au gouvernement canadien d'avoir une démarche très progressiste, mais il y avait aussi un niveau de discussion sans précédent sur la planification horizontale des politiques de manière à ce que les problèmes de déficiences ne soient plus conçus comme des problèmes de personnes handicapées et comme des problèmes de la collectivité à laquelle appartenaient ces personnes. Je crois que ce sont les deux choses dont il faut se souvenir quand on repense à l'enthousiasme avec lequel le Canada a pris un rôle de leader dans ce domaine.

»  +-(1705)  

+-

    La présidente: Adrian, puis Diane.

+-

    M. Adrian Norfolk: Je voudrais remercier Joan car elle a mentionné un argument très important ici, celui de l'attention internationale, du profil international du problème. Je pense que nous abordons une nouvelle période de mise en évidence de ce problème grâce à cette initiative menée par le Mexique à l'Assemblée générale. Cela ne diminue d'ailleurs en rien ce qui aurait pu se faire de toute façon dans le courant de l'année prochaine par suite de cette étude irlandaise et de la résolution de la commission qui était dirigée par les Irlandais.

    Je pense que nous entrons dans une période au cours de laquelle toute cette question des droits humains des personnes handicapées va de nouveau recevoir beaucoup plus de publicité et que le Canada va donc avoir son rôle à jouer. Ce n'est peut-être pas toujours un avantage d'avoir un rôle de leader sur la scène internationale. Comme vous l'avez dit, nous avons été les leaders la première fois. La première résolution de la commission était appelée la résolution d'initiative canadienne. Je ne sais pas combien de temps nous avons continué, mais à un moment donné nous avons passé le relais aux Irlandais.

    On pourrait dire que l'initiative mexicaine est très encourageante car à l'échelle internationale, les initiatives lancées par des pays occidentaux ou qui semblent l'être ne vont pas toujours aussi loin que celles qui ont un appui inter-régional. Mais bien qu'il ne soit peut-être pas souhaitable que nous reprenions un rôle de leader, nous avons toujours la possibilité d'avoir une participation active en coulisse pour faire fonctionner les choses.

    Je crois que David a dit que les avantages l'emportaient largement sur les coûts, et Michael y a fait allusion. Pour reprendre les remarques de Michael, je dirais que les avantages nets potentiels l'emportent de très loin sur les coûts nets, mais que l'on parle de potentiel ici. La Conférence mondiale contre le racisme avait suscité énormément d'espoir mais du point de vue du gouvernement canadien, elle a été loin de remplir ses promesses. Je sais bien qu'il s'agit ici d'un contexte et d'une question complètement différents, mais quand on parle de négociations internationales, il y a une grosse inconnue concernant le potentiel, surtout les ressources potentielles qui pourront être mises à la disposition d'un comité qui serait chargé par exemple de surveiller l'application d'une telle convention, et c'est un problème qui dépasse de loin nos capacités individuelles.

    Merci.

+-

    Mme Diane Richler: J'aimerais faire une remarque à titre purement personnel, pas au nom d'une organisation, sur les situations dans lesquelles le Canada a fait preuve de leadership. Je crois qu'il a vraiment fait preuve de leadership quand il s'est saisi d'un problème qui n'était peut-être pas au coeur des préoccupations de l'ONU, mais sur lequel il pouvait faire vraiment la différence, et je vais vous en mentionner deux.

    Il y a tout d'abord son investissement dans l'OMPH. Je ne fais pas et je ne faisais pas partie des organisations qui ont créé l'OMPH, mais en voyageant à travers le monde, j'ai pu voir les retombées de la création de la première organisation de personnes handicapées dans divers pays. Cela a constitué une aide énorme pour les membres d'Inclusion International, parce que les parents de garçons et de filles ayant des déficiences intellectuelles ont vu des personnes handicapées prendre la parole et ont commencé à avoir une vision différente des déficiences. Je pense que l'investissement du Canada dans l'OMPH et dans sa création a été crucial car elle a sensibilisé les gens aux droits et aux compétences des personnes handicapées.

    L'autre exemple, c'est le processus d'Ottawa sur la question des mines terrestres, et dans ce cas je pense que ce n'est pas seulement le résultat qui a été important, mais le fait que le gouvernement du Canada a accepté de collaborer avec les ONG en pulvérisant le cadre traditionnel de la diplomatie internationale. Cette initiative de partager les informations avec de simples mortels a été révolutionnaire et a eu des retombées énormes.

    Je pense donc que ce n'est pas nécessairement dans le cadre des grandes institutions multilatérales et des structures existantes que le Canada a fait preuve de leadership sur la question des personnes handicapées, mais que c'est plutôt quand il a su détecter une ouverture et qu'il a pris résolument l'initiative en investissant et en assurant le suivi de cette initiative.

+-

    La présidente: Nous devrions peut-être passer aux questions des autres membres du comité car il y en a beaucoup.

    Avant que Nancy pose sa question, j'aimerais préciser quelque chose. Nancy, qui est la députée du Nunavut, est notre conscience dans ce dossier. Elle a beaucoup de mal à faire admettre l'aide étrangère dans sa circonscription—il lui est quelquefois difficile de le dire.

    Avant que vous ne partiez, j'aimerais savoir comment une convention sur les personnes handicapées et un régime interne de contrôle pourraient nous aider dans notre lutte pour établir des cadres de responsabilité à l'égard des personnes handicapées. J'ai assisté à l'une des réunions de rapport du comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et j'ai pu constater que dans certains pays, il y avait eu un rôle positif et pas dans d'autres. En quoi l'existence d'un cadre international aide-t-elle le pays à suivre ce qui se passe et à agir dans le cadre des tribunaux?

    Robert.

»  +-(1710)  

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Je ne poserai pas de questions parce que je n'ai pas assez de temps. J'espère que vous allez revenir. Je vais plutôt faire des commentaires, parce qu'il y a eu trop de questions. Je suis arrivé avec un mal de tête et il est maintenant plus gros parce que j'ai entendu des énormités.

    Je comprends bien qu'on veuille avoir bonne presse et dire que le Canada est merveilleux encore une fois. On a parlé de conventions sur les droits humains. En ce qui concerne l'aide humanitaire, le Canada est rendu à seulement 0,25 p. 100 du PIB, alors qu'il a signé une convention par laquelle il s'engageait à y consacrer 0,7 p. 100. Le Canada n'est pas le seul à ne pas respecter cette convention, mais pour quelle raison la Norvège et la Suède respectent-elles leur convention, elles?

    J'espère qu'on aura une convention sur les personnes handicapées à l'ONU et que vous allez mettre les efforts et l'argent nécessaires pour arriver à cela. Est-ce que cela doit se faire par délégation? Ce serait un bel exemple que vous pourriez donner pour dire que le Canada fait belle figure et revient enfin à ce qu'il était. Je pense qu'il faudrait commencer à l'intérieur ici.

    Je faisais partie de ce sous-comité auparavant. Malheureusement, j'ai d'autres dossiers et je ne peux pas tout faire, mais c'est un sous-comité qui me plaît. J'aime être présent ici. Lorsqu'on me demande de remplacer des membres du comité, j'accepte à chaque occasion.

    C'est un sous-comité qu'on est obligé de recréer à chaque fois. Ce n'est même pas un comité permanent. On devrait peut-être commencer par travailler ici même si on veut démontrer qu'on est si bon à l'extérieur.

    On parle d'intégration, de ressources et même de travail horizontal. Je pense qu'on va avoir de la difficulté à aller chercher quelque chose sur le plan horizontal, même si l'idéal serait qu'on puisse parler à chacun de ces ministères. Je trouve ça illusoire et un peu aberrant. Je vous dis que je n'ai pas assez de temps parce que j'en aurais beaucoup à vous dire. Il faut peut-être moins s'écarter. On parle d'une convention de l'ONU. Au moins, ce serait quelque chose de précis.

    Il faut arrêter de vouloir tout avoir alors que les personnes handicapées n'ont encore rien, même ici, au Canada, et même au Québec. Vous me disiez qu'il y avait ici quelqu'un de votre circonscription. Non seulement il n'y a ici personne de ma circonscription, mais il n'y a personne de ma province. Excusez-moi.

    C'est beau, des cadres et c'est beau d'utiliser l'ACDI, mais ce n'est pas vrai qu'on peut tout faire sans ressources et sans argent. Je reprends ce que vous me dites. Oui, on peut faire des choses, mais sans argent, sans ressources et sans prise de position politique, on ne pourra pas y arriver. Ce tour de table est intéressant, et on pourrait parler pendant deux ou trois heures de ce dont chaque personne a parlé. C'est pour ça que je ne peux pas vous poser une question. Je pourrais poser des questions à chaque personne, non pas pour vous rendre mal à l'aise, mais pour vous parler des énormités qu'on constate dans cette société-ci.

    Ce sont les commentaires que je voulais vous faire. Je veux permettre aux autres députés de parler aussi, mais j'espère que les membres de ce sous-comité prendront les choses au sérieux. Il ne s'agit pas de penser à des programmes, que ce soit à l'ACDI ou même ici. Ces programmes, même ici, ne sont jamais durables. Ce sont toujours des programmes faits pour plaire. Mais combien de personnes handicapées, même ici, n'ont pas de travail permanent et combien de personnes handicapées ne peuvent pas bénéficier d'une volonté de les intégrer? On dit qu'on veut les intégrer, mais sont-elles vraiment intégrées ici?

    Prenons un petit morceau à la fois. Faisons un tour de table. Excusez-moi, mais je suis bien pragmatique. Je fais la même chose à chaque fois. Qu'est-ce qui est prioritaire pour faire les premiers pas afin qu'on puisse arriver à faire quelque chose de concret au lieu de se contenter de dire à l'extérieur qu'on est très beaux et très fins?

»  +-(1715)  

    En tout cas, je vous laisse là-dessus.

[Traduction]

+-

    La présidente: Vous n'avez pas le droit de répondre tout de suite à cette question. Ce sera une question parfaite pour votre conclusion collective.

    Wendy et Nancy ont toutes les deux des questions. Nous allons les laisser les poser et ensuite vous pourrez conclure. Après cela, nous aurons cette fantastique motion sur notre site Web qu'il faudra adopter avant que tout le monde disparaisse.

+-

    Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci beaucoup.

    Je trouve fascinant de vous entendre, car vous parlez à la fois d'un point de vue personnel et collectif. Vous savez de quoi vous parlez, ce qui est toujours un plaisir.

    Je pense encore à une réunion que nous avons eue il y a un mois environ et à laquelle des travailleurs de la santé autochtones sont venus nous parler de la situation des enfants autochtones vivant dans les réserves et les villes et du fait que les personnes qui vivent dans la pauvreté ont tellement de déficiences à surmonter. C'était bouleversant. Cela me ramène à ce que Michael Bach a dit quant au fait que l'écart se creuse entre riches et pauvres. La pauvreté est certainement le principal problème. C'est un très sérieux handicap. Je voudrais vous poser une ou deux questions à ce sujet.

    Plus précisément, nous avons un rôle à jouer. Notre gouvernement fédéral a joué un rôle important sur la scène internationale, et nous en sommes fiers, en ce qui concerne les mines terrestres. Et c'est un bon exemple. Je suis heureuse que vous l'ayez soulevé, car je crois que nous avons l'occasion de jouer un rôle de premier plan à l'égard de plusieurs problèmes. J'aimerais savoir où nous en sommes sur certaines questions très précises. Sommes-nous des chefs de file sur la scène mondiale en ce qui concerne le travail des enfants? Dans quelle mesure nous dressons-nous devant les compagnies pharmaceutiques en ce qui concerne les médicaments contre le VIH et le sida en Afrique?

    Je me préoccupe beaucoup de notre politique d'immigration. Nous avons une politique d'immigration discriminatoire et nous ne donnons pas l'exemple en ouvrant nos portes aux personnes handicapées. Nous voyons des familles qui ne peuvent jamais être réunies parce que nous ne laissons pas entrer les membres de la famille qui ont une déficience. Ce sont donc des questions pour lesquelles nous pourrions être des chefs de file. Je voudrais savoir si, à votre avis, nous sommes en bonne voie de rendre notre politique d'immigration moins discriminatoire.

+-

    La présidente: Nancy.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci, madame la présidente.

    J'ai été frappée par ce que M. Steve Estey a dit à propos des répercussions que les événements qui se passent aux Nations Unies ont sur notre vie quotidienne. Comment concilier ce qui se passe chez nous avec ce qui est fait au niveau international par l'entremise des Nations Unies et des autres groupes qui défendent les intérêts des personnes handicapées? Comment communiquer ces renseignements aux personnes visées? Comment les faire participer? Je représente une circonscription où, en raison de l'isolement, les personnes handicapées ont beaucoup de difficulté à communiquer ne serait-ce qu'avec d'autres personnes handicapées et encore plus savoir quels sont leurs droits. Je trouve très décourageant qu'il faille pratiquement s'occuper de ces personnes cas par cas.

    Vous parlez de surveiller l'application des conventions, de voir si les lois sont appliquées. Comment évaluer ce qui se fait dans les provinces et les territoires? Comment savoir dans quelle mesure chaque territoire ou chaque province applique les programmes qu'il est censé mettre en oeuvre? Surtout dans mon cas où notre territoire reçoit la majeure partie de son argent du gouvernement fédéral, existe-t-il un mécanisme? Y a-t-il un organisme de surveillance, peut-être une des ONG pour superviser ce qui se passe?

    Comme vous l'avez dit, il est très difficile pour le Canada de se présenter comme l'un des meilleurs pays au monde quand les gens qui vivent dans les communautés autochtones sont encore très en-dessous du seuil de la pauvreté. Je suppose que c'est encore pire pour les Autochtones handicapés, même si c'est déjà difficile pour toute personne ayant une déficience. Quand j'essaie d'évaluer la situation des personnes de ma région, je me demande parfois comment leur venir en aide. Comment cela peut-il se répercuter sur leur vie quotidienne si elles ne peuvent même pas obtenir de simples services dans leur collectivité?

»  +-(1720)  

+-

    La présidente: Pendant que vous réfléchissez aux réponses que vous allez pouvoir donner en cinq minutes, il nous faut adopter cette brève motion qui autorise le personnel du sous-comité à commencer l'élaboration de la version améliorée du site Web informatif du sous-comité dans le cadre de l'étude sur les questions relatives aux prestations d'invalidité du RPC que doit entreprendre sous peu le sous-comité.

    (La motion est adoptée—Voir le Procès-verbal)

    La présidente: À vous, David.

+-

    M. David Shannon: Je réfléchis à la question relative au lien qu'il faut faire entre les ressources ou la pauvreté et l'invalidité, ainsi qu'à celle des personnes autochtones handicapées, avec lesquelles il faut communiquer. J'enseigne les droits humains internationaux au collège Negahneewin à Thunder Bay, et mes étudiants posent souvent cette question précise: en notre qualité d'Autochtones, comment pouvons-nous participer au débat sur les droits de la personne et les questions touchant l'invalidité, et faire en sorte que cela s'inscrive dans un débat à l'échelle internationale?

    Pour ce qui est des droits de la personne, nous avons un long continuum. À une extrémité se trouvent les droits économiques et la pauvreté. À mon avis, ce n'est pas simplement une question de pauvreté, mais cela touche aussi l'invalidité, les droits de la personne. Il y a également les droits sociaux, les droits personnels, le droit à avoir une famille et à voter de façon démocratique. Cela fait partie du continuum. Comme le comité le sait sans doute, 17 p. 100 des Canadiens en général, mais 40 p. 100 des Autochtones sont handicapés. Ces chiffres s'expliquent par la pauvreté et d'autres problèmes.

    Ce qui m'a tout particulièrement fasciné avec mes étudiants, c'est comprendre l'isolement et les autres questions qui touchent les collectivités autochtones. Il existe certains modèles très intéressants et stimulants, bien sûr, en Nouvelle-Zélande, en Afrique et ailleurs, auxquels s'intéressent beaucoup mes étudiants lorsqu'ils discutent de la situation au Canada et de la façon dont notre pays pourrait promouvoir ces modèles.

    Par conséquent, il existe des possibilités passionnantes d'établir des rapports réciproques avec les droits humains internationaux, l'invalidité et le développement, et comme nous sommes à la première année de la décennie des personnes handicapées en Afrique, il existe une possibilité très intéressante de créer des partenariats, voire des échanges, pour les Premières nations et l'ensemble des Canadiens.

»  +-(1725)  

+-

    La présidente: Laurie.

+-

    M. Laurie Beachell: On a posé une question au sujet des priorités, et elles sont nombreuses. Notre collectivité a cerné de nombreux problèmes, car ils sont nombreux. Nous ne demandons pas que le gouvernement débloque d'importantes nouvelles ressources dans ce domaine, nos ressources étant dépensées par l'ACDI et les initiatives étant prises par le ministère des Affaires étrangères dans ce domaine. Ce que nous voulons, c'est une plus grande participation de la collectivité à ces discussions, et plus de coordination.

    Diane a parlé de l'incidence de l'appui à l'Année internationale des personnes handicapées et ce que cela a représenté, sur une très grande échelle, pour donner voix au chapitre aux personnes handicapées; je répondrai à la députée du Nunavut que c'est justement le fait de permettre aux personnes handicapées d'exprimer leurs préoccupations et leurs problèmes qui a produit d'excellents résultats dans bon nombre de pays. Cela a été le modèle d'entraide des personnes handicapées qui se sont réunies pour déterminer leurs besoins et leurs priorités. Nous n'avons pas besoin d'un projet relatif à cette acquisition de compétences précises, mais bien d'une aide pour bâtir une société civile, et représenter ceux qui jusqu'ici ont été poussés à la pauvreté et mal représentés.

    Pour répondre à la question de Wendy Lill sur l'immigration, nous demandons instamment qu'on modifie la Loi sur l'immigration. Il y a eu certaines modifications relatives à la réunion des familles en vertu desquelles la disposition de la demande excessive ne s'applique plus à l'égard des réfugiés et des membres de la famille immédiate, mais cette disposition est plutôt limitative. Elle ne vous permettra pas de faire venir au Canada votre grand-père ou votre cousin. Il s'agira des membres de la famille immédiate, et le gouvernement est contre nous lorsque nous nous battons devant les tribunaux en disant que la Loi sur l'immigration fait de la discrimination fondée sur l'invalidité. Nous intervenons dans divers cas, mais nous nous trouvons opposés au gouvernement du Canada qui défend la position selon laquelle les personnes handicapées vont créer une demande excessive, et qu'il faut donc refuser les demandes d'immigration de ces personnes parce qu'elles sont handicapées et qu'elles risquent d'entraîner des dépenses énormes pour nos systèmes de santé et d'éducation, etc.

+-

    Mme Diane Richler: J'aimerais répondre principalement à la question de la députée du Nunavut, car toute la question de la participation des Canadiens est également liée, à mon avis, à ce que nous avons à offrir au reste du monde à l'heure actuelle, c'est-à-dire le lien existant entre la lutte pour les droits humains des personnes handicapées, soit leur inclusion, et l'importance que la société canadienne accorde à l'inclusion.

    Je ne suis allée qu'une seule fois au Nunavut, mais j'y ai été frappée par la diversité des gens qui ont choisi de s'établir dans cette région, laquelle est vraiment représentative de la diversité de la société canadienne. Lorsque d'autres peuples tournent les yeux vers le Canada, ils voient que nous avons essayé de développer nos collectivités de façon à y inclure un vaste éventail de personnes, que nous n'avons pas défini de norme canadienne en demandant à tous de rentrer dans le moule. Nous avons essayé de concevoir nos collectivités pour faire de la place à tous, et si votre caractéristique propre est votre patrimoine religieux ou ethnique, ou encore votre langue maternelle ou votre tenue vestimentaire, c'est très bien.

    Nos écoles sont donc en général des endroits où le multiculturalisme est valorisé. Les choses ont changé à l'heure actuelle dans nos écoles, où l'on respecte diverses traditions. Le plus jeune membre de notre famille, qui a un an et demi, apprend le langage gestuel à la garderie, car tout le monde apprend cela en garderie. Cela fait partie intégrante de l'éducation de nos jours. Même s'il n'y a pas d'enfant sourd parmi eux pour le moment, les travailleurs de garderie savent que ces enfants vont un jour être en présence d'enfants ou de collègues sourds.

    C'est pourquoi je pense que le Canada est un pays où tout le monde a sa place, et de telles valeurs contribuent également à mieux comprendre la sécurité humaine. C'est là qu'il existe à mon avis des liens entre ce que les personnes handicapées ont à offrir grâce à la promotion de l'inclusion et un programme mondial beaucoup plus vaste d'édification de la paix. Les membres de nos collectivités comprennent qu'ils veulent que celles-ci soient accueillantes et ils se retrouvent eux-mêmes dans les pays dont nombre de leurs membres sont originaires et dans la diversité qui y existe. C'est sans doute la vision la plus caractéristique que le Canada a à offrir au reste du monde, à savoir que les droits humains signifient l'inclusion, l'inclusion respecte la diversité et la diversité contribue à la paix. C'est, à mon avis, un point de départ pour l'avenir.

»  +-(1730)  

+-

    M. Steve Estey: Je voudrais faire une brève remarque. Tout le monde semble s'intéresser au Nunavut à l'heure actuelle, et pendant que nous discutions, je pensais à un organisme avec lequel CCD a collaboré et qui s'occupe des personnes handicapées en Afrique et en Asie, lesquelles sont peut-être confrontées aux mêmes problèmes d'isolement que celles du Nunavut et du Grand Nord. J'ai été à Yellowknife l'an dernier et j'ai parlé à des gens de la situation des personnes handicapées, et on a soulevé les mêmes questions. Je voulais simplement signaler cet organisme, qui s'appelle Action on Disability and Development (action handicaps et développement) et je serais ravi de vous en parler davantage une fois la réunion terminée. Cet organisme a élaboré des outils, des programmes, des cours et des services d'extension précis pour des programmes d'entraide à l'intention des personnes handicapées; il s'agit principalement d'inciter les personnes handicapées à sortir de chez elles et à trouver d'autres personnes handicapées, au lieu de se contenter d'ouvrir un bureau ou un immeuble dans l'espoir que les gens viendront les rencontrer.

    Merci.

+-

    M. Michael Bach: J'ai deux observations à faire en réponse aux questions sur la façon d'être pragmatique, de donner l'exemple en matière d'immigration, et sur la façon dont cette question nous touche dans notre quotidien au Canada.

    Certains penseurs et analystes politiques se demandent pourquoi les États n'ont pas adopté une politique gouvernementale progressiste compatible avec nos engagements en matière de droits humains, dans le cas de l'Italie, du Japon, ou en Inde face à la violence terrible qui existe au sein des communautés et envers d'autres pays. Ils en arrivent à une conclusion très simple: il faut consolider et enraciner davantage les organismes et la capacité de la société civile. C'est là que tous les intérêts peuvent se faire entendre, et que l'on acquiert des connaissances, c'est là que les sociétés peuvent obliger les gouvernements à rendre des comptes. Quant aux mesures pragmatiques, je ne pense pas que nous ayons suffisamment examiné, au Canada, le leadership et le fruit de nos investissements dans la société civile et les ONG présentes sur la scène internationale. Nous n'avons pas réussi à comprendre le modèle de renforcement des capacités qui est en train de voir le jour. Nous devrions le faire sans tarder, avant de perdre la capacité des organismes de la société civile, et il ne restera plus que l'archivage.

    M. Laurie Beachell: J'ai déjà d'importantes archives.

    M. Michael Bach: Nous ne voulons pas que vous disparaissiez dans les archives, toutefois, Laurie.

    En second lieu, en ce qui concerne le leadership dans le domaine de l'immigration, les observations de Laurie au sujet des dispositions relatives à la demande excessive sont pertinentes. Le problème c'est qu'il nous est impossible de remettre en cause les limites de notre politique dans le domaine de l'immigration. Il est intéressant de voir que nous avons inclus dans les règlements une optique femmes/hommes. Il serait peut-être souhaitable d'envisager d'inclure dans ces règlements une optique pour personnes handicapées.

    Quant à savoir ce que cela représente dans le contexte canadien, il s'agit précisément d'éducation et de contrôle en matière des droits de la personne et nous n'avons en fait ni modèle valable ni capacité. Si nous examinons l'entente sur le développement de la petite enfance, la stratégie prévoyait qu'on laisse le soin aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d'élaborer un cadre de contrôle. Cela n'a pas porté fruit et nous constatons aujourd'hui que les groupes consultatifs comptent en fait sur les ONG, les enfants, la famille et les groupes de personnes handicapées pour en arriver à un cadre de résultats, en disant: les ONG pourront peut-être nous demander des comptes lorsqu'elles présenteront le cadre, car nous ne savons pas exactement ce qu'il faut faire, si ce n'est évidemment combien nous dépensons. Si nous voulons vraiment progresser vers une politique avant-gardiste en matière d'invalidité dans notre pays, la collectivité des personnes handicapées pourrait très rapidement proposer un cadre de résultats qui soit clair et solide, avant qu'une entente ne soit négociée entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires.

    On assiste actuellement au renforcement des capacités. Au Nunavut, notre organisme affilié territorial vient d'être officiellement constitué le mois dernier: il s'agit de la Pamiqsaiji Association—vous avez rencontré ses représentants, c'est bien. Nous serons prêts à discuter avec vous et d'autres responsables au cours des deux prochains mois. Il y a donc une nouvelle capacité dans les diverses régions du pays qui, comme l'a dit Diane, partagent un cadre commun d'inclusion, sur lequel nous pouvons vraiment miser, je pense.

    Merci.

»  +-(1735)  

+-

    La présidente: Merci. C'est selon nous un meilleur système que les discussions à huis clos où personne n'a voix au chapitre.

    Je donne la parole à Joan, et nous verrons ensuite si les fonctionnaires ont un mot d'encouragement à vous dire.

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    M. Joan Westland: Pour répéter ce que Michael et d'autres ont dit, il faut une meilleure coordination et une planification réfléchie, à mon avis, relativement à la conception et à l'exécution de la politique et des programmes, ce qui fait partie intégrante de la coordination, mais pas seulement pour que toutes les mesures soient reliées entre elles, mais aussi pour que l'ensemble forme un tout logique; il faut même se demander si ces activités sont intégrées aux priorités du gouvernement du pays où elles sont mises en oeuvre, et si tout le monde est au diapason. Dans les cas où il y a un projet visant les survivants des mines antipersonnel et que le ministère responsable de l'inclusion et de l'emploi de ces personnes est l'une des parties prenantes qui ne participe pas au programme, je prendrais le temps de réfléchir en me disant qu'il y a incompatibilité avec les activités menées dans le pays hôte.

    Il ne s'agit pas simplement de coordonner les initiatives pour s'assurer que nous savons qui est responsable de quoi, ni d'établir des liens grâce à l'information, mais en fait de se demander si ces mesures sont réfléchies et stratégiques dans un plus vaste contexte et si elles respectent certains principes auxquels prétend souscrire le Canada. Est-ce que tout cela est compatible ou s'agit-il encore une fois d'intervenir dans un secteur isolé? C'est ce genre de coordination qui est utile, en plus d'être logique et de s'inscrire dans un processus. Il faut commencer par une demande de planification stratégique dans le cadre de notre politique nationale, ce qui se traduirait tout naturellement par des initiatives internationales. Il faut commencer par notre propre pays pour être efficace, au risque de voir les initiatives prises dans le cadre d'une stratégie internationale aller à l'encontre de ce que nous appuyons ou encourageons au sein de nos organismes et de nos collectivités.

    Quant aux grandes disparités qui existent entre nos régions, surtout entre le Nord et le Sud et les régions rurales et urbaines, la solution doit être systématique. Il s'agit d'un investissement à long terme. C'est l'une des sources de frustration continuelle pour nous, l'investissement sporadique à court terme qui est censé résoudre des problèmes qui perdurent depuis de nombreuses années. Là encore, il est absurde de fixer des délais précis, ou de prévoir huit mois pour essayer de résoudre un problème lié à une tradition vieille de 200 ans. Certaines de ces mesures sont incompatibles.

    Nous disposons d'outils pour nous attaquer à certains problèmes dont vous avez parlé dans votre région. Les règles normalisées étaient censées fournir un mécanisme grâce auquel les pays et les régions, ainsi que leurs collectivités, pourraient s'attaquer à certains problèmes qu'on ne peut pas résoudre grâce à l'intervention de délégations imposantes qui discutent avec vous pendant quatre ans pour essayer de vous aider à créer une collectivité englobante et libre d'entraves. Certains instruments ont été mis en place. Lorsque nous les avons conçus, nous pensions qu'ils seraient utiles aux niveaux local, régional, provincial et national. Ils n'ont pas été conçus uniquement pour servir à ce que nous appelions le monde en développement. Nous avons essayé d'élaborer des mécanismes qui pourraient s'appliquer de façon plus générale. C'est une chose sur laquelle vous devriez peut-être vous pencher.

»  +-(1740)  

+-

    M. Michael Bach: Je tiens à m'assurer que ce débat nous tient en haleine, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Si nous nous concentrons uniquement sur notre pays, nous ne ferons aucun progrès, car le Canada est gravement à la traîne en matière de politique relative à l'invalidité. Nous avons du retard non seulement par rapport aux pays nordiques, mais également aux États-Unis, à l'Australie et au Royaume-Uni. Dans la mesure où nous pensons pouvoir trouver les solutions ici même, nous allons continuer à connaître l'échec. C'est pourquoi il nous faut rassembler tout notre courage et nous lancer. Même si nous sommes des chefs de file en ce qui concerne les stratégies relatives aux droits de la personne, nous n'avons aucune politique concernant les personnes handicapées.

    Dans le cadre du rapport remis récemment au Président de l'Union européenne sur la question de savoir pourquoi l'Union européenne ne progresse pas dans l'élaboration d'une politique à la lumière des traités entre les pays d'Europe, on s'entend généralement à dire que c'est précisément parce qu'on n'a pas tiré la leçon du passé. Il n'y a pas d'échanges entre les divers pays en matière de modèle et d'élaboration d'une politique sociale. Le Canada doit en fait voir ce qui se passe au-delà de ses frontières, car nous sommes en train de prendre de plus en plus de retard.

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    M. Adrian Norfolk: J'aimerais répondre à la question que vous avez posée, madame Bennett, sur la façon dont une convention peut avoir un impact au Canada. Je dois avouer que nous ne sommes toujours pas convaincus qu'il s'agit là de la façon la plus efficace d'agir, mais le fait demeure, évidemment, que s'il existe une convention assortie d'un comité, comme David l'a signalé, il existera un cadre assurant une forme d'évaluation systématique du rendement du Canada à cet égard. Comme c'est le cas pour la Convention relative aux droits économiques, sociaux et culturels, pour le CEDAW et pour le CEDR, la société civile jouera un rôle important et, entre autres choses, nous demandera de rendre des comptes.

    Ceci revient également à la question qu'a posée Mme Karetak-Lindell sur les mécanismes qui visent à assurer que les territoires et les provinces agissent dans ce dossier et qui permettent également d'évaluer les progrès effectués. Comme c'est le cas pour la convention qui existe déjà, le gouvernement fédéral et les provinces et territoires devraient tous rédiger un chapitre dans ce rapport. Il est clair que c'est ce qui se passerait. Puis les ONG auraient l'occasion d'avoir voix au chapitre et de faire des commentaires sur les rapports présentés. De plus, les ONG ont un accès direct à ces comités. Ça serait le cas pour une autre convention, j'en suis convaincu. C'est la façon dont les choses se dérouleraient et j'y vois certains avantages. Encore une fois, il s'agit ici d'une théorie, et Dieu seul sait combien il faudra d'années encore avant que l'on parle de faits et de réalités.

    Je vois que Mme Lill a quitté la salle, ce qui est une bonne chose parce que ses questions étaient trop difficiles pour moi en tout cas. Quant à la main-d'oeuvre enfantine, le leadership qu'avait assumé notre ministère dans ce dossier a quelque peu diminué depuis l'adoption de la convention de l'OIT sur les pires formes de main-d'oeuvre enfantine, il y a deux ans. Je demanderai à mes collègues de l'ACDI de vous en dire plus long là-dessus, parce que je crois qu'ils travaillent dans ce dossier. Je ne peux pas non plus faire de commentaires sur les politiques en matière d'immigration.

»  -(1745)  

+-

    Mme Kirsten Mlacak (directrice adjointe, Droits de la personne et politiques sociales, Agence canadienne de développement international): Je suis toujours fort impressionnée par les connaissances que certains intervenants qui ne travaillent pas pour l'ACDI ont sur cette organisation; j'en ai encore une fois été témoin aujourd'hui.

    Il se passe beaucoup de choses à l'ACDI: des discussions sur les récents développements, sur une façon de faire de l'ACDI une association fondée sur le savoir et dotée d'une orientation prédéterminée qui, à mon avis, nous rapproche de ses orientations fondées sur les droits de la personne, comme nous l'avons signalé dans nos commentaires liminaires. Je crois que tout cela nous permettra d'adopter une orientation plus cohérente qui nous permettra d'établir un lien entre le développement et le sort des personnes handicapées.

    Cela dit,

[Français]

je suis très sensible à ce qu'a dit le député Lanctôt: procédons un petit morceau à la fois.

[Traduction]

    Je crois que cela n'est réaliste que dans notre propre contexte quoique, pour en revenir à l'exemple de l'inscription des préoccupations des femmes dans le courant dominant, j'aimerais signaler que même si l'ACDI depuis 30 ans fait de très petits pas dans le domaine de l'intégration des rapports sociaux entre les sexes, nous avons quand même été témoins de progrès extraordinaires à cet égard, qui ont eu des impacts marqués sur le développement. Nous sommes fort conscients de la façon dont ces approches analytiques peuvent avoir une incidence positive sur la façon de penser et sur les interventions sur le terrain, dans le domaine du développement. Comme le savent nombre de ceux qui sont dans cette salle, nous avons participé à des discussions à cet égard, et nous dépendrons largement des travaux qui ont déjà été effectués et nous nous inspirerons des leçons tirées par les autres organismes qui oeuvrent dans le domaine du développement. Nous savons pertinemment que nous avons beaucoup à apprendre à l'extérieur de l'ACDI.

    Quant à la main-d'oeuvre enfantine, je ne peux pas vraiment vous en parler en détail, mais j'ai pu remettre à Mme Lill une copie de notre plan d'action pour la protection des enfants lorsqu'elle a quitté la salle; ce document donne de plus amples détails sur notre lutte contre la main-d'oeuvre enfantine. Tous nos plans d'action qui font partie de nos priorités de développement social sont présentés au site web de l'ACDI. Je n'ai pas apporté suffisamment de copies aujourd'hui pour en distribuer à tout le monde.

+-

    La présidente: Adrian.

+-

    M. Adrian Norfolk: Je désire signaler que le rapport qui doit sous peu être rendu public comporte un chapitre sur les instruments en place, les six conventions, et explique en détail pourquoi on devrait y avoir recours plus souvent. À mon avis, les ONG devraient étudier de près les résolutions qui font actuellement l'objet de discussions ainsi que ce que le Canada coparraine et accepte dans ces résolutions. Nul besoin d'attendre une autre convention avant de demander au gouvernement de joindre le geste à la parole après ses interventions aux réunions internationales.

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    La présidente: Merci beaucoup. Je crois que nous avons tous appris beaucoup cet après-midi. Dans l'année suivant la création de ce comité, nous avons demandé à 12 ministres de comparaître, mais nous n'avions pas invité le ministre des Affaires étrangères ou le ministre responsable de l'ACDI. Je vous promets que cela ne se produira plus. Je crois que nous avons appris clairement aujourd'hui que pour que le Canada ait une politique cohérente touchant les personnes handicapées, il nous faut mieux comprendre comment nous percevons les choses, quelles leçons nous tirons, et cela a un impact sur tout ce que nous faisons sur cette petite planète.

    Merci à vous d'être venus et à bientôt. La séance est levée.