INST Rapport du Comité
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CHAPITRE 3
DIVULGATION ET TRANSPARENCE
La plupart des témoins considèrent que les exigences actuelles de la Loi en matière de divulgation sont adéquates et représentent un bon équilibre par rapport aux principes fondamentaux. Toutefois, un bon nombre dentre eux ont exprimé lopinion que le système pourrait bénéficier dune meilleure transparence. Mais on ne sentendait guère sur ce en quoi elle devrait consister exactement.
Fait intéressant, les trois catégories de lobbyistes semblent considérer que leurs propres règles en matière de divulgation sont suffisantes, mais que le champ dapplication devrait être plus vaste pour les autres groupes. Les lobbyistes pour le compte dune organisation, représentés essentiellement par Démocratie en surveillance, font valoir que la transparence serait meilleure si la divulgation était élargie pour les lobbyistes-conseils et les lobbyistes salariés. Par contre, ces deux groupes estiment que les lobbyistes pour le compte dune organisation devraient divulguer davantage dactivités :
Les représentants de ces organismes devraient être enregistrés. On saurait alors doù vient leur argent. On saurait sils sont financés par le gouvernement dune façon ou dune autre et dans quelle proportion. Certains de leurs représentants ne senregistrent pas sous prétexte quils ne reçoivent pas de salaire officiel ou quils sont des bénévoles, mais je pense que cest très dangereux. Cest une échappatoire qui permettrait à ceux qui ont une fortune personnelle de se soustraire aux obligations quont dautres contribuables qui travaillent pour des honoraires ou un chèque de paie. [Peter Clark, 15:10:00]
Le Comité nignore pas le principe selon lequel seule linformation pertinente au regard de lobjectif de la Loi, autrement dit nécessaire à la transparence des activités des lobbyistes payés, devrait être divulguée. Exiger davantage de renseignements parce quils « pourraient » nous apprendre quelque chose risque de surcharger le système en créant lobligation de fournir des renseignements nayant guère dintérêt ou de valeur véritable pour ce qui est de déterminer létendue ou la nature des activités des lobbyistes. Le Comité est également conscient de la nécessité de protéger le caractère confidentiel des renseignements personnels ou commercialement sensibles qui ne sont pas pertinents du point de vue de la transparence.
Le conseiller en éthique est davis que les renseignements actuellement exigés sont suffisants :
[ ] Nous avons atteint un assez bon équilibre pour ce qui est de linformation. Nous recevons très peu de plaintes de personnes sinon que les informations figurant au registre ne sont pas suffisantes pour déterminer qui a été engagé et pourquoi. Dans la pratique, je constate quon a souvent tendance à considérer que si les informations sont utiles, plus il y en a, mieux cest. Je crois que le Comité devrait faire attention à toute proposition qui pourra être présentée en vue délargir considérablement la quantité dinformations requises, et quil devrait se servir du critère du préambule. On peut argumenter en faveur dune plus grande quantité dinformations, mais jestime personnellement quen 1995, le Comité a fait un excellent travail de refonte de la Loi. Cela ne veut pas dire quon ne peut pas peaufiner encore plus la Loi, mais je ne pense pas quune refonte se justifie. [Howard Wilson 5:16:55]
1. Un système de double divulgation
« [ ] un fardeau énorme pour notre fonction publique qui est déjà anorexique ». [Sean Moore, 14:16:05]
« [ ] Pour ce qui est des registres, je les consulte en permanence, et abondance ou pénurie pose le même problème. » [John Chenier, 14:16:00]
Une proposition a été considérablement débattue, soit la possibilité de créer un système de double divulgation en vertu duquel, outre les exigences actuelles denregistrement, les gens du gouvernement eux-mêmes devraient faire état de leurs contacts avec des lobbyistes. Lidée nest pas nouvelle :
La question a été débattue la dernière fois et elle comportait deux aspects. Dabord, la question de savoir si les titulaires de charge publique devraient être tenus de demander aux lobbyistes : êtes-vous lobbyistes, êtes-vous enregistrés? On a estimé quon ne devrait pas en faire une question dexécution, que cétait une obligation qui incombait aux lobbyistes et quil ne fallait pas demander aux titulaires de charge publique de servir dagents dexécution. [Howard Wilson, 5:17:10]
Comme solution de rechange, plusieurs témoins appuient lidée dun système limité de double divulgation, en vertu duquel seulement certains hauts fonctionnaires seraient obligés de mentionner leurs contacts avec des lobbyistes :
La divulgation [ ] doit être liée au pouvoir décisionnel du fonctionnaire. Il faut tracer la ligne quelque part. Nous croyons quil est possible de le faire et il nest pas nécessaire daller jusquà lemployé de première ligne parce que cet employé relève de quelquun qui a le pouvoir de prendre des décisions. [Duff Conacher, 8:16:25]
Cette approche présente des difficultés dordre pratique, la plus évidente étant de déterminer où tracer la ligne de démarcation. En réalité, les décisions sont prises plus souvent par linstitution que par des individus :
Si vous tenez à viser les fonctionnaires qui font lobjet de représentations pour tenter dinfluencer les politiques, ce sont rarement vraiment de hauts fonctionnaires. Il faut voir comment la machine gouvernementale fonctionne. Il y a des gens, souvent des professionnels, qui colligent linformation, qui établissent les états de situation. [Pierre Morin, 15:09:55]
De même, de nombreux témoins font valoir quun tel système entraînerait des coûts dobservation beaucoup plus élevés, sans nécessairement créer une amélioration correspondante sur le plan de la transparence :
Nous pensons quen plus dimposer une lourde charge aux représentants gouvernementaux, une telle exigence serait fort peu pratique en raison de la nature du régime parlementaire canadien. Si le but recherché consiste à renforcer la conformité à la Loi, alors la solution la plus efficace serait non pas détablir un système de double divulgation, mais bien dexiger des fonctionnaires quils sassurent que les lobbyistes soient enregistrés et ce, avant toute rencontre ou contact avec ces derniers. [Jayson Myers, 7:09:15]
On peut offrir des arguments en faveur et à lencontre de la proposition, mais le Comité est davis quun système de double divulgation nest pas justifié, et quil serait certainement plus onéreux. À lheure actuelle, un lobbyiste doit indiquer avec quel ministère il a des contacts et lobjet des discussions. Les critiques affirment que cela ne suffit pas et que le public ne sait pas véritablement ce qui se passe, ni quels renseignements sont échangés et quelles politiques sont proposées. Mais cela ne tient pas compte des nombreuses autres sources où lon peut obtenir de linformation, y compris, par exemple, les sites Web et les demandes daccès à linformation. Hillwatch.com a utilisé lexemple du débat sur les aliments génétiquement modifiés pour illustrer de quelle façon Internet peut élargir le débat sur les questions dintérêt public :
En théorie, si vous voulez savoir qui dit quoi sur les questions qui vous intéressent et quelles questions font lobjet de débat au gouvernement ou ailleurs, vous pouvez aller sur Internet. Si vous organisez tous ces renseignements de façon utile, cela fournit un grand service au public. Pensez à ce que cela veut dire pour valoriser votre travail. Si vous voulez savoir ce qui se passe relativement aux aliments génétiquement modifiés, vous pouvez trouver tous les rapports qui ont été faits sur les aliments génétiquement modifiés depuis quelques années et trouver tous les points de vue divergents et convergents sur le sujet. [Michael Teeter, 15:10:10]
Scott Proudfoot a expliqué comment Internet avait forcé de nombreux organismes à rendre publics leurs principes directeurs :
Les militants anti-aliments génétiquement modifiés se servent dInternet pour critiquer les entreprises traditionnelles, qui ont été prises au dépourvu. Tout à coup, elles se sont rendu compte quelles devaient défendre leur position publiquement. Si vous visitez les sites des entreprises traditionnelles ou des associations qui les représentent, vous y trouverez toutes sortes de renseignements fiables, toutes sortes de renseignements intéressés, beaucoup de renseignements scientifiques et beaucoup de propagande visant à semer la peur. Vous pouvez trouver toutes sortes de choses sur cette question. Il y a quatre ou cinq ans, cela aurait été impossible. Maintenant, tous ces renseignements sont accessibles au public. Selon nous, à part la Loi sur lenregistrement des lobbyistes, lexistence dInternet incite lindustrie à fonctionner beaucoup plus au grand jour quauparavant. [Scott Proudfoot, 15:10:15]
De même, on peut obtenir des ministères une quantité considérable de renseignements simplement en les leur demandant :
[ ] Si jallais faire une représentation au ministère des Finances, tout le monde le saurait. Les médias peuvent prendre le téléphone et contacter le ministère pour demander : « M. Scott vient vous voir sur un sujet donné. Pourrions-nous avoir davantage de détails? » Interviennent alors des critères daccès à linformation qui régissent ce qui doit ou ne doit pas être divulgué, selon la nature du sujet. La même chose vaut pour les députés et les comités. Si [ ] quelquun du ministère des Finances comparaît ici, vous pouvez dire : « Je crois savoir que M. Scott a contacté votre ministère. Pouvez-vous nous éclairer sur les positions respectives? » [John Scott, 12:09:35]
On a mentionné sans lexaminer en détail une autre source potentielle dinformation, la Loi sur laccès à linformation. Par exemple, on pourrait demander à voir toute la correspondance adressée à un ministère au sujet dun contrat ou dun projet de loi particulier, une liste des réunions qui ont eu lieu, avec qui, etc. On peut obtenir quantité de renseignements sur des réunions auxquelles ont participé des responsables ministériels, bien que ces demandes daccès à linformation soient généralement étudiées cas par cas.
Le meilleur argument en faveur dun système de double divulgation est que, théoriquement, la comparaison des renseignements provenant des deux sources mettrait au jour les contacts de lobbying non enregistrés. Le Comité a entendu des témoignages en faveur et à lencontre dun tel système. Le principal argument contre est quil en résulterait un accroissement énorme de la quantité de renseignements dans le registre, ce qui pourrait se justifier sil en résultait une plus grande transparence. Tout dépend de ce quun tel système révélerait : certes, il permettrait de déceler les écarts entre les rapports provenant de lintérieur et ceux provenant de lextérieur de lappareil gouvernemental. Une partie des contradictions pourraient résulter dune intention délibérée de camoufler des faits, mais ces disparités pourraient tout aussi bien ? et peut-être plus fréquemment ? sexpliquer par des erreurs innocentes dans linterprétation des règles.
Tout bien considéré, le Comité estime que la création dun système de double divulgation serait peu susceptible dapporter un avantage réel au public ou à lindustrie du fait dune plus grande transparence. En même temps, lobligation de divulguer le nom de chaque personne (ou même des seules personnes ayant un « pouvoir décisionnel ») contactée augmenterait certainement de beaucoup le fardeau de lobservation et les pressions sur les ressources du registre. En outre, qui peut dire avec certitude où réside le « pouvoir décisionnel » au sein du gouvernement? Par exemple, de petits marchés dapprovisionnement peuvent être conclus sans quun cadre supérieur nexerce un droit de regard par la suite. Il serait difficile, voire impossible, de définir les lignes de démarcation dans lécheveau complexe de lappareil gouvernemental moderne, où une seule décision peut faire intervenir de nombreux responsables ou comités travaillant à différents échelons. Pour toutes ces raisons :
Recommandation 15 :
Le Comité est davis que létablissement dun système de double divulgation, cest-à-dire un système où les titulaires de charge publique seraient aussi tenus de faire une déclaration quand un lobbyiste communique avec eux, augmenterait sensiblement les coûts dobservation sans pour autant améliorer vraiment la transparence. Pour cette raison, le Comité ne recommande pas que la Loi soit modifiée pour créer un système de double divulgation.
2. Déclaration des contacts individuels
Une autre proposition dont on a discuté exigerait des lobbyistes quils indiquent non seulement le ministère, mais également les noms des personnes avec lesquelles ils se sont entretenus. Le conseiller en éthique a répondu ce qui suit :
Franchement, cest une proposition qui me dérange [ ] Je suis fermement convaincu que les fonctionnaires du Canada devraient être aussi ouverts que possible à leurs concitoyens qui veulent venir leur parler de leur responsabilité. Dans certains cas, il sagit de lobbyistes, qui doivent alors sinscrire, et dautres sont de simples citoyens. Je crois quil est très important que les fonctionnaires puissent être consultés sans aucune entrave dans lexercice de leurs responsabilités. Je crois que si lon exigeait que tous les hauts fonctionnaires déclarent exactement avec qui ils ont des entretiens, cela entraînerait une conséquence malencontreuse, à savoir quil y aurait moins de conversations quil ne le faudrait probablement. Cest une crainte, et je pense que le Comité voudra y réfléchir. [Howard Wilson, 5:17:00]
La pratique consistant à « donner des noms » pourrait aussi avoir un effet pervers, décrit par Linda Gervais :
Je pense que si nous dévoilions les noms de ces personnes qui reçoivent nos appels, elles ne seraient peut-être pas aussi ouvertes et hésiteraient à nous rappeler parce quelles auraient certaines craintes. On veut un processus ouvert. Je pense que les conséquences dune telle chose seraient tout à fait contraires à ce quon recherche. Je pense que cela inciterait certaines personnes à ne pas nous rappeler, à ne pas fournir de linformation et à ne pas être ouvertes [ ] Cest la nature humaine. [Linda Gervais, 15:09:25]
Le IRGC fait valoir quen braquant les projecteurs sur certaines personnes au sein de lappareil gouvernemental, on passe à côté du but visé par la Loi :
[La Loi] cerne très bien le travail des lobbyistes. Ne nous égarons pas en mettant laccent sur les divers niveaux dactivité dans un dossier des fonctionnaires individuels. Ce nest donc pas une question de coût, mais plutôt de faciliter et de traiter une situation, un projet pour lequel nos clients font appel à nous. [Tony Stikeman, 12:09:35]
John Scott souscrit à cette vision des choses :
[ ] Être obligé de déclarer le nom de chaque personne que nous pouvons rencontrer dans ladministration représenterait un fardeau administratif, alors que les dispositions actuelles me paraissent adéquates. [John Scott, 12:09:35]
Il semble quon ait limpression, au sein du public, que le but du lobbying est de viser haut et, à terme, dobtenir cette rencontre presque hors datteinte « avec le ministre ». Mais cette image paraît trop simple. Ce qui importe peut-être davantage pour un lobbyiste est dobtenir lattention des gens qui conseillent le ministre, même sil ne sagit que dun analyste des politiques rédigeant des notes de service internes aux fins des discussions sur les principes daction. On peut alors se demander ce qui arriverait si un conseiller de confiance était induit en erreur par un lobbyiste convaincant. Le ministre (ou tout autre décideur ou législateur) pourrait ne pas obtenir tous les renseignements voulus pour prendre de bonnes décisions. Mais ce point de vue ne rend certainement pas justice au jugement et à lintelligence des conseillers ministériels en matière de politiques. Le conseiller en éthique a répondu à cette préoccupation en sinspirant de sa propre expérience comme fonctionnaire :
Jai passé toute ma carrière à la fonction publique, principalement aux Affaires étrangères et dans le secteur de la politique commerciale. Jétais constamment contacté par des lobbyistes, et jestimais que cela faisait partie de mes responsabilités. Jestimais quil était extrêmement dangereux de ne présenter quun seul point de vue dans les conseils que je transmettais à mon ministre. Jessayais davoir le maximum douvertures possible, de parler au plus grand nombre de personnes possibles pour pouvoir donner les meilleurs conseils possibles au ministre qui prenait la décision finale. Jai donc toujours jugé essentiel de garder ouverts ces contacts. [Howard Wilson, 5:17:00]
Les témoins avaient des opinions partagées. Brian Grainger a résumé de cette façon le débat :
Je ne sais vraiment pas sil est dans lintérêt public de savoir ce genre de choses [ ] Quant à savoir si vous devez connaître le nom de quelques employés de première ligne [ ] qui a reçu la visite dun lobbyiste [ ] personnellement, je nen vois pas le besoin [ ] Ce qui pourrait toutefois être en cause [ ] cest la question de savoir sil est nécessaire que le renseignement en question soit du domaine public [ ] Le lobbyiste, la compagnie, le cabinet de lobbyiste, un lobbyiste à lemploi dune entreprise, etc., est déjà tenu de vous fournir des renseignements sur ce quil fait. Je crois quil y a déjà suffisamment de renseignements qui sont du domaine public dans ce domaine. [Brian Grainger, 8:16:25]
Le Comité est davis que le fait dexiger des lobbyistes quils divulguent lidentité des personnes avec lesquelles ils communiquent naméliorerait pas sensiblement la transparence et pourrait en fait entraver la communication entre les lobbyistes et les titulaires de charge publique. En outre, une telle exigence augmenterait sensiblement les coûts dobservation et dexécution de la Loi. En conséquence :
Recommandation 16 :
Le Comité ne recommande pas que la Loi soit modifiée afin dexiger des lobbyistes quils indiquent dans le registre les noms des personnes avec lesquelles ils communiquent.
3. Divulgation de la part des organisations
Comme il est mentionné ci-dessus, un certain nombre de témoins font valoir que la responsabilisation des lobbyistes pour le compte des organisations serait renforcée si lon exigeait davantage de renseignements sur leur structure de gouvernance et leurs sources de financement. Par exemple, les Manufacturiers et exportateurs du Canada (MEC) recommandent que les organisations soient obligées de divulguer leur statut juridique, la structure de leur capital social et de leur gouvernance, la raison de tout financement fédéral ainsi que la source et lobjet de tout financement étranger, quon leur impose dinscrire au registre les noms de tous les employés exerçant des activités de lobbying et que la base de données sur lenregistrement des lobbyistes permette une recherche des organisations à partir des noms demployés.
Pour les mêmes raisons qui font quil considère comme suffisantes les exigences actuelles en matière de divulgation, le Comité estime quil nest pas justifié dexiger une plus grande divulgation de la part des lobbyistes travaillant pour le compte dune organisation. Par conséquent,
Recommandation 17 :
Le Comité trouve suffisantes les exigences actuelles de divulgation qui sappliquent aux lobbyistes pour le compte dune organisation et il ne recommande aucune modification des exigences actuelles en la matière.
Bon nombre de gens ont limpression erronée que les lobbyistes arrivent à leurs fins simplement en dépensant de largent et que plus ils dépensent, meilleurs sont les résultats. Pour cette raison, certains témoins proposent quils soient obligés de divulguer le montant queux et leurs clients dépensent dans le cadre dune campagne de lobbying particulière.
Toutefois, la plupart des témoins sont daccord pour dire que limage du lobbyiste qui « répand de largent sur la Colline » est une description beaucoup trop simple de la situation. Il ny a quà se rappeler les plans de fusion avortés des grandes banques pour comprendre que le fait de dépenser de largent ne garantit aucunement les résultats visés. Par contre, il est tout à fait possible de mener une campagne de lobbying très efficace avec un budget restreint, plus particulièrement à lère de lInternet.
Il convient de poser plusieurs questions en ce qui concerne la divulgation des fonds dépensés. Premièrement, cela va-t-il vraiment améliorer la transparence du système? Deuxièmement, quels seront les coûts dobservation? Quen coûtera-t-il pour administrer la mesure? Et quelle sera lincidence sur le plan de la confidentialité?
Tous les témoins sont daccord pour dire que les lobbyistes dépensent de largent de différentes façons, selon la nature de la tâche :
Au Canada, les services des avocats, lobbyistes et consultants varient dun cabinet à lautre et dune personne à lautre. Certains offrent principalement un service de représentation. Dautres se contentent dinformer leurs clients. Dautres encore offrent un service complet comprenant suivi, analyse et diverses autres choses, dont une petite partie seulement constitue du lobbying, cest-à-dire la prise de contact avec des titulaires de charge publique. [John Scott, 12:09:20]
Des représentants de Démocratie en surveillance ont expliqué comment des organisations comme la leur dépensaient leurs fonds :
Cela comprend le salaire du personnel, la préparation des documents, la rédaction des rapports de recherche, etc. [Duff Conacher, 8:16:35]
Bien que la plupart des témoins nappuient pas lidée dune divulgation des dépenses, le Comité est davis quil ne doit pas faire dépendre dun simple vote à main levée sa position sur cette importante question. De manière plus fondamentale, le Comité entrevoit des difficultés à ce chapitre pour la simple raison que lacte même de quantifier les dépenses de lobbying est un processus très incertain, et quil risque tout autant dinduire en erreur que dinformer. Comment calculer les chiffres en question? Par exemple, engloberait-on une partie proportionnelle des coûts administratifs de la firme, comme ceux liés aux services de secrétariat ou même de photocopie? Sean Moore a évoqué lexpérience américaine à cet égard :
[ ] Les choses sont devenues très vite ridicules car certaines associations industrielles devaient calculer le pourcentage de leurs frais déclairage, de chauffage et de stationnement ayant servis à des activités de lobbying. Bref, les chiffres ont très vite perdu toute signification. [Sean Moore, 14:17:00]
Le simple fait de divulguer des chiffres sans donner de détails sur la façon dont on les calcule a peu de chance de constituer une divulgation utile. En outre, les coûts dadministration et dobservation du système augmenteraient certainement.
Malgré tout, cela ne veut pas dire que la proposition na aucune valeur. Par exemple, on pourrait élaborer des lignes directrices précisant les dépenses de lobbying à divulguer. Donc :
Recommandation 18 :
Bien quon ait présenté au Comité des avis partagés à ce sujet, il est possible que le fait dexiger des lobbyistes quils divulguent les montants consacrés aux campagnes de lobbying entraîne une plus grande transparence. Pour cette raison, le Comité recommande que la proposition fasse lobjet dun examen plus approfondi par le Ministère, en consultation avec les parties prenantes.
Outre la divulgation des fonds consacrés aux campagnes de lobbying, certains témoins ont proposé que les lobbyistes soient obligés de divulguer leurs honoraires. Les lobbyistes-conseils et les lobbyistes salariés ont exprimé leur inquiétude à cet égard :
GPC ne voit pas en quoi cette divulgation contribue à lintérêt public et est fortement opposé à toute obligation pour les consultants et les lobbyistes de divulguer leurs honoraires. Les partisans de cette mesure invoquent parfois le précédent américain. Cependant, il ressort de nos discussions avec nos collègues américains et dun examen de la manière dont la divulgation fonctionne dans la pratique aux États-Unis que la divulgation des honoraires najoute rien à la transparence de leur système. [John Scott, 12:09:20]
Certains membres du Comité estimaient quil serait peut-être utile de connaître les honoraires. Il na cependant pas été possible, dans le cadre du débat, de définir précisément en quoi cette information serait utile. Le Comité est davis quavant de déroger de façon aussi marquée à la Loi adoptée initialement par le Parlement, il faudrait démontrer de façon plus convaincante que cela na été le cas au cours ses audiences la nécessité dune telle divulgation.
Qui plus est, cette exigence pourrait avoir des répercussions assez sérieuses sur les pratiques de facturation de certaines firmes de lobbying. Sean Moore explique :
Personnellement, et je sais que mes collègues qui soccupent de relations avec le gouvernement se fichent de moi quand je dis cela, jai limpression que la plupart du temps quand ils sopposent à déclarer cela, cest quils ne veulent pas quon sache à quel point certains clients les paient peu. Pour attirer les clients, ils peuvent leur demander 2 000 $ ou 3 000 $ par mois, mais pour faire plus ou moins la même chose, ils peuvent demander à quelquun dautre 9 000 $ par mois. Cest une excellente raison de ne pas vouloir faire de déclaration, mais cest exactement linverse de ce quon pourrait penser. [Sean Moore, 14:17:00]
Le Comité nignore pas que lindustrie des services-conseils en matière de politiques publiques et de relations gouvernementales opère dans un marché très compétitif, comme beaucoup dautres industries de services au Canada aujourdhui. Le lobbying demeure une activité légitime et constitue un instrument important pour assurer la circulation efficace de linformation dans le processus décisionnel public. Le Comité est davis que la divulgation des honoraires nest pas une option souhaitable pour un certain nombre de raisons :
Assujettir une seule industrie à la divulgation de ses honoraires constituerait de la discrimination, laquelle pourrait se justifier si lon envisageait datteindre un objectif important sur le plan des politiques. Toutefois, il est loin dapparaître clairement quil en résulterait une plus grande transparence;
Les coûts dadministration et dobservation seraient plus élevés;
Exiger la divulgation des honoraires pourrait être incompatible avec larticle 20 de la Loi sur laccès à linformation, qui interdit au gouvernement de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité, ou encore dentraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à dautres fins.
Recommandation 19 :
En conséquence, le Comité estime que les exigences de divulgation actuelles sont satisfaisantes et il ne recommande donc pas que lon modifie la Loi pour exiger des lobbyistes quils divulguent leurs honoraires.
À lheure actuelle, les ententes dhonoraires conditionnels ne sont pas interdites en vertu de la LEL. Les lobbyistes peuvent agir sous cette base sauf lorsquil sagit dachats ou doctroi de fonds par le gouvernement du Canada, c.-à-d. lorsquun client obtient un bénéfice quelconque du gouvernement relativement à des achats ou à loctroi de fonds. Lalinéa 5(2)g) de la LEL exige que les lobbyistes indiquent dans leur déclaration sils reçoivent des honoraires conditionnels.
Pour des raisons semblables à celles exprimées ci-dessus quant à la divulgation des honoraires :
Recommandation 20 :
Le Comité considère que les exigences de divulgation actuelles sont adéquates et il ne recommande donc pas que lon modifie les dispositions de la Loi relatives aux honoraires conditionnels.
Il a également été question de la déduction fiscale des honoraires de lobbying. Le Comité estime que la politique dimposition est un sujet qui relève de la compétence du ministre des Finances. Certains témoins ont proposé déliminer la déduction pour dépenses de lobbying car, sous un certain angle, il sagit d« une subvention publique à de riches groupes dintérêts spéciaux pour les aider à influencer le processus démocratique ». [Démocratie en surveillance, 8:15:45]. Les lobbyistes-conseils ne sont pas daccord :
[ ] cest une façon indirecte de dire que les honoraires de lobbying ne sont pas des frais dentreprise légitimes au même titre que les services juridiques, comptables ou de conseils en gestion. Dans la mesure où tout le monde adhère véritablement aux quatre principes directeurs de la Loi, et particulièrement à celui voulant que le lobbying auprès des titulaires de charge publique constitue une activité légitime, cette initiative est carrément malvenue. En outre, si lon supprimait la déduction, cela alourdirait le coût des conseils professionnels en politique publique, de lintervention raisonnée auprès des autorités sur de nombreux sujets complexes tout cela serait compromis. Et, à mon sens, cela ne serait pas dans lintérêt ni des parlementaires ni de la fonction publique et constituerait indéniablement une mesure rétrograde dans un processus qui a évolué de manière positive au cours des 15 dernières années. [John Scott, 12:09:30]
Le Comité est davis que la politique fédérale en matière dimposition des frais professionnels est une question traitée dans la Loi de limpôt sur le revenu et qui ressort du mandat du ministre des Finances. Même sil sagit dune question ayant certainement une incidence sur le lobbying, il est clair que lexamen par le Comité de la Loi sur lenregistrement des lobbyistes ne sétend pas à la Loi de limpôt sur le revenu. Pour ces raisons :
Recommandation 21 :
Le Comité estime que la question de la déduction fiscale des honoraires de lobbying outrepasse son mandat et il ne fait donc aucune recommandation à ce sujet.
8. Confidentialité procureur-client
Le dernier témoin à comparaître devant le Comité a été lAssociation du Barreau canadien (ABC). LABC a recommandé quon prenne certaines mesures pour éviter un éventuel conflit entre les exigences de divulgation en vertu de la Loi et le devoir de confidentialité de lavocat envers ses clients. LABC a souligné quelle ne cherchait pas à obtenir une exemption de la divulgation pour les avocats, sauf lorsque cela compromet lobligation professionnelle de confidentialité. LAssociation a recommandé de modifier de la façon suivante le paragraphe 4(2) de la Loi :
4.(2) La présente Loi ne sapplique pas dans les cas suivants :
[
]
c) présentation davis ou dobservations oralement ou par écrit à un
titulaire dune charge publique au nom dune personne ou dune
organisation, lorsque la confidentialité est exigée par la Loi.
LABC avance quil ne peut y avoir aucune objection sérieuse à la modification proposée. Toute objection peut facilement être écartée par lexigence que les avocats refusant de divulguer des renseignements pour des considérations déontologiques fassent plutôt mention de la non-divulgation pour ces motifs dans leur déclaration auprès du directeur de lenregistrement.
M. Simon Potter (deuxième vice-président, Association du Barreau canadien) reconnaît que le conflit ne risque guère de se présenter souvent :
Je crois qu'il ne se posera que très peu fréquemment, mais on peut facilement imaginer des situations où des avocats pourraient être placés devant le dilemme. Le cas échéant, je crois que la Loi devrait confirmer aux avocats que leur obligation fondamentale consiste à protéger le secret professionnel, comme l'exige le serment qu'ils ont prêté. [Simon V. Potter, 21:15:40]
Afin de comprendre de quelle manière un conflit pourrait surgir, il importe dabord de comprendre la nature du privilège du secret professionnel de lavocat :
[ ] pas toute communication avec le client mais toute communication permettant d'obtenir un avis juridique d'un avocat, ou une représentation juridique par l'avocat. [ ] Je ne peux divulguer ce que j'apprends de mon client que s'il m'en donne instruction. Même si une loi m'ordonne de divulguer ces renseignements, je suis tenu de ne pas le faire. [Simon V. Potter, 21:15:50]
Il sagit là dun point important : seul le client peut donner à lavocat linstruction de divulguer les communications privilégiées. Sil demande à lavocat de ne pas les divulguer, ce dernier doit respecter les instructions de son client et maintenir la confidentialité des renseignements.
Comment donc un conflit surgit-il entre lobligation de divulguer lidentité dun client aux fins du registre et le devoir de ne pas divulguer de renseignements confidentiels? M. Potter donne un exemple :
Je peux m'imaginer devant un tribunal faisant valoir qu'une loi particulière ? disons une loi fiscale ? signifie ceci plutôt que cela. Je représente quelqu'un qui a une très grande responsabilité en jeu, dépendant si c'est ceci ou cela que signifie cette Loi, et la Loi est ambiguë. En même temps, je fais du lobbying pour obtenir qu'une précision législative soit apportée à cette Loi. Ce pourrait être très nuisible pour mon client dans cette affaire s'il était connu que le client cherche en fait à obtenir que ce changement législatif soit apporté de façon permanente [ ] Cela pourrait être interprété comme un aveu que la Loi signifie vraiment cela plutôt que ceci. Je peux imaginer que cela nuirait à mon client. [Simon V. Potter, 21:16:00]
M. Potter offre une seconde illustration :
Imaginons une situation de droit familial où il y a une dispute, par exemple au sujet de la garde d'un enfant. Quelqu'un voudra peut-être exercer des pressions pour faire modifier la Loi ou une politique ou un règlement régissant la façon dont la pension alimentaire est calculée, et cette personne plaide en fait au tribunal au même moment. Elle se trouve privée du droit de faire du lobbying si elle sexpose à ce quon sache quà son avis la Loi est ambiguë au point de la désavantager dans la position qu'elle est en train de défendre devant le tribunal. [Simon V. Potter, 21:16:00]
Le Comité ne partage pas le point de vue de lABC pour plusieurs raisons : premièrement, les lobbyistes ne sont pas obligés de déclarer aux fins du registre le contenu des observations du client; il ny a donc pas de risque que celles-ci soient utilisées en cour comme preuves contre lui. En outre, même si la position du client était connue, le Comité est davis que les tribunaux canadiens sont suffisamment intelligents pour reconnaître quune partie peut utiliser différents arguments dans différentes circonstances. De fait, les parties à une poursuite avancent fréquemment de fait, habituellement des arguments « subsidiaires » dans leurs allégations, et lavocat qui les présente signifie clairement quil sagit darguments subsidiaires. Pour leur part, les tribunaux les considèrent exactement pour ce quils sont des variantes et non comme excluant ou contredisant lautre position.
Deuxièmement, et bien que lABC ne lait pas signalé, le Comité est conscient du fait que les règles qui régissent la confidentialité ne sont pas absolues. Il y a certaines exceptions, par exemple dans les règles de déontologie ontariennes :
Lavocat a lobligation de tenir strictement confidentiels tous les renseignements concernant les affaires du client obtenus dans le cadre de la relation professionnelle, et il ne doit pas divulguer ces renseignements sans y être expressément ou implicitement autorisé par le client, ou y être obligé en vertu de la Loi.
Lorsque la divulgation est exigée en vertu de la Loi ou dune ordonnance dun tribunal compétent, lavocat doit toujours prendre soin de ne pas divulguer plus de renseignements que ce qui est nécessaire.
Comme lindiquent clairement ces règles, un avocat peut divulguer de linformation lorsque la Loi lexige. Il y a aussi des situations où, en vertu de la législation fédérale, les avocats doivent divulguer de linformation, par exemple en vertu des modifications apportées récemment à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité. Dans de tels cas, un avocat qui ferait face à des mesures disciplinaires pour avoir révélé des renseignements confidentiels pourrait faire reposer sa défense sur le fait quil navait pas le choix à cause de la Loi.
LABC propose que, au lieu de lenregistrement du client, lavocat mentionne simplement la non-divulgation pour motif de confidentialité dans sa déclaration au directeur de lenregistrement. Le Comité considère que cette solution nest pas satisfaisante. Permettre aux avocats de dire simplement « je moppose à la divulgation de lidentité de mon client en raison du privilège des communications » au lieu de procéder à linscription comme telle aurait au moins deux effets négatifs. Le plus évident est quil irait à lencontre de lobjectif du registre, qui est didentifier les clients à lintention du public. La deuxième conséquence est la possibilité quon abuse du privilège, lequel appartient au client. Lavocat peut affirmer le privilège au nom de son client, soit de sa propre initiative, soit sur les instructions du client, mais dans chaque cas il est obligé de le faire. Sil ne peut en toute conscience suivre ces instructions, lavocat doit cesser de représenter le client et transmettre le dossier à un collègue.
Il est incontestable que si le client ne veut pas donner à l'avocat le droit de divulguer son nom, en pareil cas l'avocat, en vertu de la Loi actuelle, ne devrait pas faire de lobbying. [Simon V. Potter, 21:16:10]
Le Comité craint que, si lon adoptait la modification proposée par lABC, rien nempêcherait un client ou, de fait, tous les clients, de protéger leur identité simplement en faisant valoir le privilège des communications entre client et avocat.
Le Comité tient compte de la préoccupation exprimée par lABC selon laquelle lobligation de divulguer lidentité dun client peut créer pour lavocat un conflit dintérêts, et quen de rares occasions, le client pourrait être obligé dengager un autre avocat :
[ ] au cas où cela ferait du tort au client de divulguer son identité ou telle information [et où] le client ne peut pas se résoudre à renoncer à cette obligation de privilège [lavocat] devrait-il absolument refuser de représenter ce client? [ ] Un avocat a une obligation déontologique de ne pas simplement abandonner un client. [Simon V. Potter, 21:16:05]
La situation de conflit décrite par M. Potter se produit très rarement. Il a indiqué que cela ne lui était jamais arrivé même sil a représenté plus de 10 000 clients tout au long de sa carrière. La réponse du Comité à cette recommandation doit mettre en balance lurgence du problème et les risques liés à la solution. Dans lensemble, le Comité est davis que la divulgation exigée par la Loi ne risque guère de porter sérieusement préjudice à des parties en litige devant les tribunaux. Par contre, la modification proposée pourrait être utilisée à mauvais escient pour contrer lobjectif du registre. Il pourrait effectivement arriver quen de rares occasions, un client/plaideur doive assumer les frais additionnels liés aux services dun autre avocat pour représenter ses intérêts dans lune des deux instances. En conséquence,
Recommandation 22 :
Le Comité estime que, bien que lobligation de divulguer lidentité dun client puisse, dans de rares cas, causer un certain préjudice à des parties en litige devant les tribunaux, le maintien de lintégrité du registre des lobbyistes est un objectif dintérêt public plus pressant, de sorte quil ne propose pas de modifier la Loi pour y prévoir une exception aux exigences générales de lenregistrement pour des raisons de confidentialité des communications entre un avocat et son client.
En conclusion, pour ce qui est des exigences en matière de divulgation, le Comité considère que les modalités de lactuel régime sont adéquates au regard des principes fondamentaux de la Loi et, en conséquence, il ne recommande aucune modification des exigences actuelles en matière de divulgation pour les lobbyistes.