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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 21 mars 2001

• 1527

[Traduction]

Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)): Nous avons une ou deux questions de régie interne pendant que nos invités s'installent.

Le plan pour aujourd'hui est tel que nous l'avions dit la dernière fois. Nous allons nous réunir cet après-midi de 15 h 15 à 16 h 15 avec le vérificateur général et ses collaborateurs. De 16 h 15 à 17 h 15, nous aurons les deux derniers témoins de la série de 60 ou 65 témoins que nous avons entendus. En passant, ils sont déjà ici. Je pense qu'au moins un d'entre eux est dans l'auditoire. Donc, ils sont ici.

À 17 h 15, si cela vous convient, je propose que nous passions à huis clos pour discuter de façon générale de l'étude article par article du projet de loi. Donc pendant environ une vingtaine ou une trentaine de minutes nous discuterons de ce que nous allons faire, nous discuterons du deuxième rapport ainsi que du premier rapport et de tout ce qui a trait au traitement final du projet de loi C-2.

Puis nous reviendrons en séance publique pour l'étude article par article du projet de loi. C'est ce que nous avons prévu. La séance doit se terminer à 21 heures ce soir. Si nous n'avons pas terminé nos travaux d'ici 21 heures, je crois comprendre que nous poursuivrons demain matin. Normalement ce serait à 11 heures, mais nous pourrons décider ce soir s'il sera nécessaire pour nous de nous réunir plus tôt.

Chers collègues, est-ce bien ce que tout le monde avait compris?

Je tiens à souhaiter la bienvenue au vérificateur général dans le cadre de sa tournée d'adieu. Je suppose que c'est ce dont il s'agit. Monsieur Desautels, nous sommes heureux de vous accueillir de nouveau. Votre dernière comparution devant nous avait été très intéressante.

En plus du vérificateur général du Canada, nous accueillons Nancy Cheng, directrice principale des opérations de vérification. Nous vous souhaitons la bienvenue, madame Cheng. Et nous accueillons également John Hodgins, directeur principal des opérations de vérification également. Nous avons aussi Anne Marie Smith, avocate-conseil auprès du vérificateur général. Nous sommes très heureux de vous accueillir.

Monsieur Desautels, je ne crois pas que je doive vous indiquer comment procéder ici. Nous avons hâte de vous entendre. Lorsque vous et vos collègues aurez terminé, nous serons heureux de vous poser des questions.

• 1530

M. L. Denis Desautels (vérificateur général du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je m'excuse de mon léger retard. Habituellement, je comparais devant le Comité des comptes publics à 15 h 30 et je partais du principe que cette séance se tenait aussi à 15 h 30. Donc toutes mes excuses. Je suis embarrassé.

Je vous remercie de me donner la possibilité de comparaître devant le comité pour discuter du projet de loi C-2 dans le contexte de notre observation de vérification sur le manque de clarté de la méthode d'établissement des taux de cotisation à l'assurance-emploi.

Vous avez présenté mes collègues. Mme Cheng a participé à la vérification des états financiers du compte d'assurance-emploi, elle en est donc responsable, et M. Hodgins a participé à la vérification des comptes publics du gouvernement du Canada, c'est-à-dire les états financiers généraux du gouvernement du Canada.

Le projet de loi C-2 contient plusieurs propositions. En particulier, l'article 9 propose de suspendre le processus actuel d'établissement des taux de cotisation à l'assurance-emploi. Le gouverneur en conseil aurait ainsi pleins pouvoirs pour fixer les taux pour 2002 et 2003, sur la recommandation des ministres du Développement des ressources humaines et des Finances.

L'observation de vérification que j'ai présentée au Parlement au début du mois dernier traite de l'établissement des taux de cotisation et du solde du CAE. Avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais discuter brièvement de trois points: la nature du solde du compte et le traitement comptable connexe; l'inquiétude formulée dans notre observation de vérification et enfin l'incidence du projet de loi C-2 sur notre observation.

Pour commencer, monsieur le président, il est important de clarifier la nature du solde du compte d'assurance-emploi. Nous avons utilisé des termes comme «compte théorique» et «compte de suivi» pour expliquer que le solde d'environ 35 milliards de dollars du CAE ne représente pas de l'argent qui peut être utilisé. Il n'y a pas de compte bancaire distinct.

La Loi sur l'assurance-emploi exige que l'on tienne la comptabilité des revenus et des dépenses de l'assurance-emploi. Le solde sert de point de référence pour gérer le compte, de sorte qu'au fil du temps, il soit en équilibre.

Il y a aussi la question de la consolidation. Comme vous le savez, monsieur le président, depuis 1986, les activités du compte d'assurance-emploi sont incluses dans les comptes du gouvernement, ou comme le disaient les comptables, elles sont consolidées avec les comptes généraux du gouvernement. À notre avis, c'est la méthode comptable appropriée et elle est conforme aux normes comptables de l'Institut canadien des comptables agréés.

Le compte d'assurance-emploi est une composante importante du périmètre comptable du gouvernement et il devrait être inclus dans les comptes du gouvernement. Ainsi, tout excédent du compte d'assurance-emploi serait ajouté à l'excédent annuel du gouvernement. Au fil du temps, si le compte devait atteindre l'équilibre comme l'envisage la Loi, son ajout dans les comptes du gouvernement aurait peu d'effet.

[Français]

Monsieur le président, au cours des derniers exercices, l'augmentation du surplus dans le compte a aidé à réduire la dette nette du gouvernement et a contribué à son excédent annuel. Pendant ce temps, le solde excédentaire de l'assurance-emploi a été crédité des revenus d'intérêt des comptes généraux du gouvernement.

Monsieur le président, cela m'amène à vous parler de l'inquiétude qui a été exprimée dans l'observation de vérification. La loi exige que les taux de cotisation à l'assurance-emploi soient fixés à un niveau qui permette d'assurer un apport de revenu suffisant pour couvrir les coûts du programme d'assurance-emploi tout en maintenant une certaine stabilité des taux au cours d'un cycle économique.

La loi ne fournit pas d'interprétation ni de définition particulière, mais le compte devrait être en équilibre au cours d'un cycle économique. Le solde cumulé du compte constituera un facteur pertinent et important pour établir les taux de cotisation.

Pour faciliter l'atteinte de ces objectifs, l'actuaire en chef du ministère prépare, chaque année, une analyse actuarielle appuyant le processus d'établissement des taux. La Commission de l'assurance-emploi du Canada, composée de représentants des employeurs, des employés et du gouvernement, fixe les taux. Ces taux doivent être approuvés par le gouverneur en conseil sur la recommandation des ministres du Développement des ressources humaines et des Finances.

Cependant, au cours des dernières années, le solde du compte a continué de croître au point d'avoir largement dépassé le montant considéré suffisant par l'actuaire en chef. J'ai commencé à attirer l'attention sur cette situation dans mon rapport de vérificateur des états financiers du compte d'assurance-emploi pour la première fois en 1999 et ensuite en 2000.

• 1535

Dans notre observation de vérification qui a été déposée récemment, j'ai signalé que le solde au 31 mars 2000 atteignait 28 milliards de dollars, soit beaucoup plus que le montant maximal jugé suffisant par l'actuaire en chef.

En effet, ce dernier a estimé qu'une réserve de 10 à 15 milliards de dollars, accumulés à la veille d'une récession économique, devrait suffire. L'actuaire en chef a estimé que le taux des cotisations des employés, fixé entre 1,70 $ et 2,20 $ par tranche de 100 $ de rémunération assurable, couvrirait les coûts à long terme. Néanmoins, le taux des cotisations des employés a été fixé à 2,40 $ pour l'an 2000.

Il est possible qu'on ait tenu compte d'autres facteurs ou hypothèses pour établir les taux de cotisation. Dans mes rapports de vérificateur et dans l'observation de vérification, j'ai fortement recommandé au gouvernement et à la commission de divulguer tous les facteurs dont ils ont tenu compte pour établir les taux. À mon avis, la transparence est nécessaire pour donner au Parlement l'assurance que l'esprit de la Loi sur l'assurance-emploi est respecté.

Entre-temps, le solde du compte d'assurance-emploi a poursuivi sa croissance et devrait dépasser 35 milliards de dollars d'ici la fin du mois de mars. À ce niveau, il serait très difficile de conclure que l'esprit de la loi est respecté.

[Traduction]

Monsieur le président, revenons au projet de loi C-2. Essentiellement, ce projet de loi réintroduit les modifications législatives proposées dans le projet de loi C-44 qui a été déposé en septembre 2000.

Nous avons mentionné le projet de loi C-44 dans notre observation de vérification. Ce projet de loi prévoyait que le gouverneur en conseil établirait le taux de cotisation des employés pour 2001 à 2,25 $ pour chaque tranche de 100 $ de rémunération assurable et qu'il établirait les taux pour 2002. Les notes explicatives du projet de loi précisaient que le gouvernement examinerait le processus d'établissement des taux de cotisation et que cet examen serait effectué d'ici 2003. Étant donné l'élection de l'automne, le projet de loi C-44 est mort au Feuilleton, et la Commission de l'assurance-emploi du Canada a fixé les taux de cotisation pour 2001, comme l'exigeait l'article 66 de la Loi sur l'assurance-emploi.

L'article 9 du projet de loi C-2 propose de suspendre le processus actuel d'établissement des taux et de demander au gouverneur en conseil de fixer les taux pour 2002 et 2003. Le dépôt du projet de loi n'a pas atténué notre inquiétude. Ce projet de loi ne contient aucune exigence visant à assurer une plus grande transparence du processus d'établissement des taux. Il ne fait pas mention non plus de quelque procédure établie obligatoire qui pourrait comprendre un avis de l'actuaire en chef et la consultation de la commission.

De plus, à l'encontre du dépôt du projet de loi C-44, il ne contient pas d'information sur un examen du processus d'établissement des taux, ou sur un engagement à cet égard, pendant la suspension du processus prévu à l'article 66. En d'autres mots, l'étendue et la nature de l'examen, le cas échéant, ne sont pas claires.

Bien que ce sujet ne concerne pas directement le projet de loi C-2, je voudrais attirer votre attention sur notre observation portant sur le traitement des abus et des fraudes soupçonnées dans le programme d'assurance-emploi. Je vous renvoie au chapitre 34 de notre rapport de décembre. Les abus sont commis par certains employeurs qui délivrent de faux formulaires de Relevé d'emploi aux employés ou à d'autres personnes, pour leur permettre d'obtenir des prestations d'assurance-emploi. Le ministère du Développement des ressources humaine du Canada et l'Agence des douanes et du revenu du Canada connaissaient depuis de nombreuses années l'existence de ce type d'abus et de fraude soupçonnée liés à l'utilisation de faux formulaires de Relevé d'emploi en Colombie-Britannique. Ces deux ministères doivent mettre en oeuvre un plan d'action pour régler ces problèmes qui touchent le programme d'assurance-emploi et ce plan pourrait inclure des modifications législatives. Ce point pourrait intéresser votre comité.

Monsieur le président, voilà qui conclut ma déclaration d'ouverture. Mes collègues et moi-même serons heureux de répondre aux questions que pourraient avoir les membres du comité.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Desautels.

J'ai une liste. Nous avons Val Meredith, Alan Tonks et Paul Crête.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, AC): Je vous remercie, monsieur le président, et je tiens à vous remercier, monsieur Desautels, de comparaître devant le comité.

J'aimerais vous poser une question générale à propos de la Loi sur l'assurance-emploi telle qu'elle existe. Je voudrais savoir si la loi actuelle a atteint les objectifs pour lesquels elle avait été conçue au départ et si le projet de loi, avec les amendements qui y sont proposés, permettra d'aider la population active en 2001 et dans les années à venir.

• 1540

M. Denis Desautels: Monsieur le président, j'hésite à faire des observations sur la Loi sur l'assurance-emploi dans son intégralité. Ce serait aborder une question qui n'est pas du ressort du vérificateur général. Je suis disposé à vous donner plus de détails sur les questions que nous avons soulevées ces dernières années dans le cadre de notre vérification, mais je respecte le droit des législateurs de déterminer l'intention d'une loi. Moi, je m'intéresse à la mise en oeuvre.

Mme Val Meredith: Permettez-moi de reformuler ma question. A-t-on tenté de déterminer si la Loi sur l'assurance-emploi atteint ses objectifs? A-t-on fait un contrôle ou une vérification à ce sujet?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, on me corrigera si je me trompe, mais je ne crois pas que cela ait été fait depuis qu'on a modifié la Loi, en 1996, je crois. Avant les dernières modifications législatives, des études et des évaluations de l'efficacité de la Loi d'alors ont été faites; on s'est aussi penché sur certains des problèmes de mise en oeuvre. Je ne sais pas ce qui a été fait depuis. Peut-être pourriez-vous poser cette question aux représentants du ministère; sinon, nous pourrions nous informer et vous transmettre notre réponse plus tard.

Mme Val Meredith: D'accord. Merci beaucoup.

J'aimerais maintenant vous parler de l'excédent de 35 milliards de dollars. Je comprends qu'il n'est pas dans un compte distinct et que ce n'est pas une grosse somme d'argent qu'il suffit maintenant de dépenser. D'autres témoins, surtout des gens d'affaires, voient cela comme un impôt additionnel. Ils jugent inacceptable qu'on demande aux employeurs d'assumer 60 p. 100 du fonds de l'assurance-emploi pour qu'il serve ensuite à autre chose. À leurs yeux, il s'agit davantage d'un impôt additionnel que d'une prime d'assurance. Qu'en pensez-vous?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, d'après mon interprétation de la loi, il existe un compte spécial où l'on consigne toutes les cotisations versées au fonds ainsi que les paiements et le coût de fonctionnement du programme. Cela laisse entendre que c'est un impôt spécialisé, un impôt perçu pour une fin précise et qui devrait donc servir à cette fin. Voilà pourquoi, je crois, le législateur a libellé la loi comme il l'a fait, bien que j'aurais préféré qu'elle soit un peu plus précise sur la fixation des taux de cotisations.

Lorsqu'il y a un excédent au compte d'assurance-emploi, il est évident que cet excédent s'ajoute à l'excédent général du gouvernement. Il réduit les déficits ailleurs et donne au gouvernement une plus grande marge de manoeuvre financière, de sorte que, au bout du compte, ce surplus permet de financer autre chose.

Mme Val Meredith: Mais ce qui les préoccupe...

Le président: Très brièvement, je vous prie.

Mme Val Meredith: Ils estiment qu'il ne devrait pas incomber aux gens d'affaires d'alimenter les surplus du gouvernement, et que les sommes qui ont été recueillies sont bien supérieures à ce qu'il faut en période de chômage élevé. Ils sont d'avis que ce n'est pas aux gens d'affaires de rembourser la dette et de financer les autres services gouvernementaux. Tous les contribuables du Canada devraient le faire.

• 1545

M. Denis Desautels: Monsieur le président, dès qu'il y a un excédent, des questions sont soulevées et certains groupes s'interrogent sur sa raison d'être. Les gens d'affaires ne sont pas les seuls à avoir cette préoccupation; les travailleurs aussi se posent des questions. On pourrait avancer des arguments en faveur d'une augmentation des prestations ou d'une baisse des cotisations. L'existence de l'excédent soulève manifestement la question de savoir si c'est une bonne chose et combien de temps cela devrait durer.

Pour notre part, nous jugeons que c'est un problème et, tant que nous ne connaîtrons pas exactement les facteurs qui déterminent les taux, nous ne pourrons affirmer que la situation actuelle est conforme à l'intention de la loi.

Le président: Alan Tonks, suivi de Paul Crête, M. McGuire et, s'il est prêt, Yvon Godin.

Alan Tonks.

M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci de votre déclaration. De mon point de vue de profane, j'aimerais tenter, en quelques mots...

En ce qui concerne le calcul des cotisations comparées sur une base actuarielle aux prestations qui devront être versées pendant un cycle économique normal, ce qui vous préoccupe le plus, c'est que les taux entraînent un excédent supérieur à ce qui serait raisonnable dans les circonstances actuarielles. C'est essentiellement ce que vous avez dit.

M. Denis Desautels: Monsieur le président, permettez-moi de reformuler cela à ma façon. Nous estimons que, actuellement, les taux sont fixés à un niveau qui entraîne un surplus au compte, surplus qui est supérieur à ce qui, selon nous, est prévu par la loi.

M. Alan Tonks: Mais vous ne remettez pas en question le principe selon lequel le gouvernement verse quelque excédent que ce soit aux recettes générales et au Trésor. Votre objection est quantitative et non pas qualitative.

M. Denis Desautels: Nous avons dit clairement, je crois, monsieur le président, que nous ne voyons pas d'objection à la méthode comptable employée par le gouvernement à ce chapitre.

M. Alan Tonks: Si j'ai bien compris, vous vous inquiétez de la façon dont les taux seront alors fixés. Vous avez dit être préoccupé par les consultations que mènent actuellement les membres de la commission. Cela vous préoccupe. J'en conclus donc que vous souhaitez que, pour le prochain cycle, les taux soient fixés à un niveau qui permette d'accumuler un surplus qui vous semblerait plus raisonnable. Vous vous demandez à quoi servent les consultations, n'est-ce pas?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, comme je l'ai dit dans mon exposé, je comprends qu'il y a d'autres facteurs dont il faille tenir compte au moment de fixer les taux. Mais ces facteurs, s'ils existent, n'ont été ni décrits ni expliqués au Parlement et au grand public.

M. Alan Tonks: Au point 10, vous dites:

    Pour faciliter l'atteinte de ces objectifs, l'actuaire en chef du ministère prépare chaque année une analyse actuarielle appuyant le processus d'établissement des taux. La Commission de l'assurance-emploi du Canada, composée de représentants des employeurs, des employés et du gouvernement, fixe les taux. Ces taux doivent être approuvés par le gouverneur en conseil [...] etc., etc.

Vous réclamez ensuite plus de transparence. Vous dites au point 19: «Ce projet ne contient aucune exigence visant à assurer une plus grande transparence du processus d'établissement des taux». Si nous pouvions préciser cela dans le projet de loi, cela apaiserait-il votre préoccupation concernant la transparence?

• 1550

M. Denis Desautels: Monsieur le président, je suis favorable à toute mesure qui clarifierait le processus d'établissement des taux.

M. Alan Tonks: Il suffirait simplement, à mon sens, de suivre votre suggestion.

Une dernière question, si vous le permettez.

Le président: Allez-y.

M. Alan Tonks: C'est une question qu'on a souvent soulevée. Nous avons un excédent. Cet excédent provient d'une charge sociale indirecte. C'est un excédent qui appartient aux cotisants, les employés. Il devrait donc servir à réduire le nombre d'heures de travail requises. Le critère d'admissibilité serait abaissé et, ainsi, davantage de gens auraient droit à l'assurance-emploi.

Seriez-vous d'accord avec l'idée d'une entité plus autonome? Est-ce une mesure que le gouvernement devrait envisager? Des organisations représentant autant des employeurs que des employés nous ont suggéré la création d'un fonds administré de façon plus autonome; les profits pourraient y être versés directement et servir à abaisser le critère d'admissibilité.

Le président: Alan, c'est une question plutôt longue. La réponse devra être courte. Je suis certain que nous pourrions y revenir. Je vous prierais d'être bref, monsieur Desautels, pour ne pas nuire au bon déroulement de la séance.

M. Denis Desautels: Je serai bref, monsieur le président.

Vous avez d'abord demandé ce que nous devrions faire du surplus. Nous n'avons pas exprimé d'opinions à ce sujet. Selon nous, c'est une décision politique qui incombe probablement aux parlementaires.

En ce qui a trait à une entité plus autonome, si j'ai bien compris la question, je ne crois pas que cela réglerait le problème fondamental que nous avons soulevé. Que les surplus soient versés aux recettes générales du Canada ou dans un fonds distinct, c'est l'équilibre entre les taux de cotisation et de prestation qui doit être amélioré. Je ne crois donc pas que cela réglerait le problème. D'ailleurs, ces entités qu'on dit autonomes ne sont pas une solution miracle. Elles font quand même partie du gouvernement.

Le président: Merci. Paul Crête, suivi de Joe McGuire.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président. Je remercie M. Desautels et toute sa délégation d'être ici aujourd'hui.

Vous avez mentionné à plusieurs reprises que vous vous inquiétiez de ce qu'on n'avait pas l'assurance que l'esprit de la loi avait été respecté au niveau du taux. Je comprends de votre déclaration d'aujourd'hui que le projet de loi C-2 n'a pas atténué votre inquiétude à cet égard.

J'aimerais savoir si vous croyez que l'article 9, tel qu'il apparaît, va épaissir le mystère plutôt que de le clarifier et de donner de la transparence à la situation. Il y a un délai de deux ans additionnel. Pendant ce temps, le gouvernement va déterminer le taux et suspendre les règles pour lesquelles il n'y a pas eu une transparence suffisante. Est-ce que cela ne va pas finalement aggraver le manque de transparence plutôt que d'améliorer la situation?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, comme je l'ai dit dans ma déclaration, le projet de loi C-2 n'élimine pas nos inquiétudes. Il n'est pas très clair quant à la façon d'établir les taux pendant la période où l'article 66 sera suspendu. Évidemment, en soi, cela ne nous aide pas beaucoup.

Par contre, j'ai cru comprendre que pendant la période de suspension de l'article 66, le gouvernement étudierait les différents modes d'établissement des taux de cotisation pour que plus tard, lorsqu'on reprendra l'article 66, on puisse faire les changements nécessaires pour refléter ce nouveau mode d'établissement des taux. Par contre, si j'en crois le gouvernement, qui dit que ce n'est que temporaire, j'imagine qu'on aura quelque chose de mieux.

• 1555

M. Paul Crête: Mais l'article 66 prévoit que les taux doivent être déterminés en fonction du cycle économique. On arrive justement à la fin d'un cycle économique. Si on fait l'hypothèse d'un ralentissement économique important, sans confirmer s'il a lieu ou pas, dans cette hypothèse, est-ce que l'action du gouvernement de suspendre pendant deux ans l'établissement du taux en fonction du cycle économique ne va pas faire que dans deux ans, lorsqu'on aura étudié la façon de déterminer le taux, il ne sera plus du tout possible de dire si, oui ou non, le gouvernement a respecté la loi puisque, pendant ces deux années, il n'aura pas eu à respecter l'article 66 et à tenir compte de la question du cycle économique et il aura possiblement déterminé un taux en fonction d'autres critères? Vous nous dites qu'il se peut que cela ait été fait dans le passé sans qu'on nous dévoile ces autres critères. Est-ce qu'on ne peut pas présumer qu'on va devoir vivre cette situation-là?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, si l'article 66 est suspendu, je ne sais pas quelle position nous adopterons. Nous avons critiqué le mode de fonctionnement du gouvernement dans ce cas-ci, alors qu'il s'appuyait sur l'article en question. Maintenant, évidemment, si l'article est suspendu, ça ne règle pas nécessairement le problème.

M. Paul Crête: Mais ce serait peut-être une belle façon de l'éluder.

M. Denis Desautels: J'espère qu'à la fin de la période du suspension, il y aura une méthode d'établissement des taux qui soit plus claire et qui tienne mieux compte des recommandations de l'actuaire.

Entre-temps, un des effets du projet de loi C-2 sera qu'il sera plus difficile d'établir la façon dont le gouvernement aura procédé pour établir les taux.

M. Paul Crête: Ce sera plus difficile.

Monsieur le président, j'aimerais savoir si le Bureau du vérificateur général a réfléchi sur la forme que devrait prendre l'article 9 pour qu'il réponde au critère de transparence dont ont réclame l'établissement depuis longtemps. Pour vous, serait-il préférable qu'il n'y ait tout simplement pas d'article 9 pour les prochaines années? C'est la première hypothèse. Donc, est-ce qu'on biffe l'article 9 du projet de loi, ou si vous avez réfléchi à une définition de l'article 9 qui assurerait la transparence qu'on n'y trouve pas présentement? Avez-vous une option privilégiée?

M. Denis Desautels: Une des options qui auraient pu être choisies aurait simplement été de laisser l'article 66 tel qu'il est tant qu'on n'aurait pas proposé une nouvelle façon d'établir les taux. Donc, on aurait pu laisser les chose telles quelles. On me dit que le gouvernement n'est pas prêt à proposer une nouvelle façon d'établir les taux et veut procéder à certaines études. Une option aurait été de laisser l'article 66 tel quel entre-temps.

M. Paul Crête: Monsieur le président, je voulais savoir si le vérificateur général préférerait qu'on biffe l'article 9 et qu'on en demeure à l'application de l'article 66 de la loi existante.

M. Denis Desautels: Malgré les failles de l'article 66 et son manque de clarté à certain égards, on pense que c'est quand même plus clair que le régime qu'on aurait en vertu du nouvel article 9.

M. Paul Crête: Merci.

Le président: Joe McGuire, puis Yvon Godin et Raymonde Folco. Joe.

[Traduction]

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai lu dans le journal d'aujourd'hui que vous avez déclaré vouloir attendre encore avant d'approuver le plan en six points de la ministre du Développement des ressources humaines. Dans vos consultations et vos recherches sur ce plan en six points et ses effets sur le ministère et ses clients, avez-vous constaté une détérioration des services?

D'après les appels que je reçois à mon bureau de circonscription, il semble que, si j'engage Yvon dans le cadre d'un programme de subventions salariales, je pourrais recevoir 1 500 ou 2 000 $ et cette petite transaction passerait entre bien des mains. Tout le monde veut tout vérifier et revérifier.

• 1600

Pour celui qui a demandé ce service, c'est très frustrant, au point où il y renoncera probablement. Il préférera renoncer à la subvention salariale plutôt que de se soumettre à toutes ces tracasseries.

À mon avis, cela découle de ce qui s'est passé au Parlement l'an dernier. Dans notre tentative de rendre des comptes sur chaque cent qui est dépensé, nous oublions que les services que nous sommes censés dispenser ne le sont plus.

Cela n'est peut-être pas strictement de votre ressort, mais cela devrait l'être. Il faut trouver une façon de permettre aux fonctionnaires de dispenser des programmes de façon à rendre des comptes sur l'argent, les services et les coûts, sans pour autant mettre des bâtons dans les roues des Canadiens qui veulent participer à ces programmes. Qu'en pensez-vous?

M. Denis Desautels: Justement, nous en avons discuté hier à une séance du Comité des comptes publics.

Je crois que M. McGuire fait allusion à un article qui a paru dans l'Ottawa Citizen. Je tiens à préciser que ce n'est pas ce que j'ai dit à cette réunion. Nous avons clairement dit, le ministère et notre bureau s'entendent là-dessus, qu'il faudrait trois ans au ministère pour mettre en oeuvre dans sa totalité le plan d'action en six points, ainsi que le ministère l'avait annoncé en janvier 2000. La mise en oeuvre du plan va bon train et nous appuyons le ministère dans cet effort. Nous voulions simplement rappeler au comité que tout ne sera pas fini d'ici une semaine; il faudra du temps pour mener cette entreprise à bien et de façon satisfaisante.

La détérioration des services est préoccupante. Pour notre part, nous croyons qu'il faut prendre garde de ne pas créer trop de tracasseries administratives et de ne pas faire la distinction entre les petites subventions et les dossiers plus importants et complexes. Il nous semble nécessaire pour le ministère d'adopter des lignes directrices pour une gestion du risque intelligente afin que toutes les demandes de contributions ne passent pas nécessairement par les mêmes étapes. Nous préconisons une approche équilibrée qui tienne compte des risques relatifs des différents genres de contributions.

Je crois que nous sommes tout à fait d'accord là-dessus au ministère; il y a moyen de fournir de bons services tout en respectant les exigences fondamentales de la Loi sur la gestion des finances publiques et les conditions auxquelles le ministère est assujetti par le gouvernement, et plus particulièrement par le Conseil du Trésor.

M. Joe McGuire: Vous avez donc fait certaines propositions au ministère ou au Comité des comptes publics?

M. Denis Desautels: Nous avons énoncé notre position on ne peut plus clairement, et nous avons mis les gens en garde contre le danger d'une réaction excessive qui entraînerait le genre de situation décrite par M. McGuire. Nous nous sommes également engagés à réexaminer plus tard cette année les progrès effectués par le ministère à cet égard et par rapport à l'ensemble du plan en six points.

M. Joe McGuire: En dernier lieu, nous savons que la saison des emplois d'été pour étudiants arrive, et d'après ce qu'on m'a dit, ce sera vraiment archicompliqué d'embaucher un jeune pendant ses vacances. J'espère que le ministère est à l'écoute du vérificateur général et qu'il mettra en place un système qui fonctionne bien cet été.

Le président: On m'a déjà dit—avant que Paul Crête l'affirme publiquement—que ce genre de question était peut-être irrecevable. Étant donné que le questionneur a d'abord parlé du programme de subventions salariales, programme lié à l'assurance-emploi, j'estime donc la question recevable. Nous nous efforçons d'être aussi larges que possible avec ces questions.

Le prochain sur la liste est Yvon Godin, puis viennent Raymonde Folco et Greg Thompson.

• 1605

[Français]

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, monsieur le président.

J'aimerais vous souhaiter la bienvenue.

Je lis le point numéro 21. Vous y parlez de fraude et d'abus. Vous mentionnez la Colombie-Britannique, mais nulle part, dans votre enquête, vous ne parlez de fraude de la part du ministère du Développement des ressources humaines. Je veux parler en fait de la façon dont le ministère traite les gens. Je vais vous donner un exemple, mais je ne sais pas si c'est de votre ressort. Des gens liés à des entreprises familiales font des demandes pour recevoir des prestations d'assurance-emploi. À chaque année, leur demande est transmise à Revenu Canada afin qu'on vérifie s'il y a eu fraude ou s'il y a une erreur quelque part pour que le gouvernement puisse s'emparer d'une somme d'argent de 10 000 $ ou 15 000 $. Puis on fait une vérification des trois années précédentes.

Prenons l'exemple de quelqu'un qui possède une entreprise, dont la conjointe s'occupe de la comptabilité et dont l'entreprise ferme au mois de septembre ou octobre. On envoie leurs dossiers, comme c'est très fréquent dans de tels cas, à Revenu Canada. Supposons qu'ils aient effectué un dépôt en novembre parce que quelqu'un a fait des paiements à l'entreprise. Je vais vous citer un cas précis pour vous prouver que cela arrive et que cela est fréquent dans les régions. Le mari a demandé à sa femme de faire un dépôt à la banque puisqu'elle allait en ville. Dès qu'elle a fait le dépôt et qu'un reçu du dépôt a été émis, on a considéré qu'il s'agissait de son dépôt à elle et...[Note de la rédaction: inaudible]. Elle n'a pas été traitée de la même façon que si elle n'avait pas eu de lien de parenté.

Le gouvernement a alors réclamé 10 000 $, après avoir vérifié les trois ou quatre dernières années. Je considère qu'il s'agit de fraude de la part du gouvernement. Il semble qu'on croie que seuls les employeurs ou les employés peuvent frauder un système qui leur appartient, car le gouvernement n'y cotise pas. Ce sont uniquement les employeurs et les employés qui cotisent. Mais il y a des enquêteurs qui ne font que tâcher de trouver de la fraude.

Quand j'ai fait une tournée nationale et que je me trouvais à l'Île-du-Prince-Édouard, une lettre m'a été remise par des employés de Développement des ressources humaines. On y lisait qu'on leur demandait de rencontrer des objectifs de coupures à atteindre; il n'était plus question de simplement s'assurer qu'il n'y ait pas de fraude. Il était maintenant question de combien d'argent on pouvait récupérer, de combien d'économies on pouvait faire. Si on regarde ce qu'est devenu le programme d'assurance-emploi, il semble que ce soit devenu la vache à lait des libéraux d'Ottawa. Cela me semble inacceptable et j'aimerais que vous, le vérificateur général, nous fassiez part de vos commentaires sur ce que je viens de dire.

Le président: Il reste deux minutes.

M. Denis Desautels: La note dont on parle ici parle d'un cas particulier assez précis, dans deux industries, dans une province en particulier. Il y avait vraiment un problème important et nous pensions qu'il était de notre devoir de le rapporter, non seulement pour le corriger, mais également pour corriger des problèmes semblables qui peuvent survenir ailleurs.

Cela ne veut pas dire que ce sont les seules choses que nous relevons. Nous faisons d'autres vérifications du ministère. Nous faisons des vérifications du niveau de qualité des services rendus aux cotisants et à ceux qui retirent des prestations. S'il y a abus dans certains cas, comme vous le soulevez, je pense que l'un n'excuse pas l'autre. Éventuellement, j'imagine que ces autres cas d'abus vont faire partie d'une vérification que nous allons effectuer. Le genre de situations que vous décrivez n'est pas exclus de nos vérifications futures.

M. Yvon Godin: Peut-être pourrais-je obtenir une réponse plus tard. Je pense qu'il y a un problème quand quelqu'un fait une demande pour recevoir des prestations d'assurance-emploi et que son dossier est envoyé à Revenu Canada à chaque année, et qu'on envoie automatiquement le dossier de toutes les personnes qui travaillent dans des entreprises familiales à Revenu Canada, pour enquête.

M. Denis Desautels: J'en prends bonne note et il est possible que le Bureau du vérificateur général jette un coup d'oeil sur cet aspect des opérations dans une vérification future.

M. Yvon Godin: Merci.

Le président: Raymonde Folco, Greg Thompson, Anita Neville.

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président. Bonjour, monsieur Desautels.

• 1610

Je voudrais citer, non pas des paroles que vous avez prononcées, mais des textes que vous avez écrits sur le compte d'assurance-emploi que nous avons trouvés dans les témoignages du Comité sur les Comptes publics du Canada 1998-1999. Vous avez écrit ceci:

    ...lorsque nous parlons d'un excédent de 21 milliards de dollars, cela signifie simplement que le gouvernement a perçu pour 21 milliards de dollars de plus qu'il en a versé sur une base cumulative. Cette opération ne crée aucun engagement financier envers quiconque.

Je voudrais vous poser deux questions. Premièrement, êtes-vous toujours d'avis que la réserve du compte d'assurance-emploi ne constitue pas une obligation légale de la part du gouvernement fédéral à l'égard des cotisants à l'assurance-emploi? Deuxièmement, si le gouvernement fédéral n'est pas légalement obligé d'utiliser cette réserve pour financer les dépenses en vertu du programme d'assurance-emploi, pourquoi verse-t-il de l'intérêt sur l'excédent?

M. Denis Desautels: En réponse à la première question, je suis en effet toujours du même avis.

Pourquoi le gouvernement verse-t-il ou crédite-t-il de l'intérêt au compte d'assurance-emploi? Parce que la Loi sur l'assurance-emploi le prévoit et exige qu'il y ait un intérêt versé sur les surplus de l'assurance-emploi. De même, lorsqu'il y a un déficit et que celui-ci est financé par le fonds général, un intérêt doit être débité à ce moment-là au compte d'assurance-emploi.

[Traduction]

Le président: En l'occurrence, la loi ne sous-entend-elle pas qu'il s'agit d'une dette? Est-ce qu'on doit payer des intérêts sur quelque chose qui n'est pas une dette?

Excusez-moi, Raymonde, c'est que cela apporte une précision.

M. Denis Desautels: Eh bien, c'est ainsi que le compte de l'assurance-emploi est conçu.

[Français]

Le président: [Note de la rédaction: inaudible].

M. Denis Desautels: Oui. La structure du compte d'assurance-emploi est ainsi faite qu'il sert à tenir compte des entrées et des sorties, et du solde du compte. Si le compte est en surplus, la loi prévoit que le fonds général crédite un intérêt au compte en surplus de l'assurance-emploi. Il s'agit de la structure prévue par la loi. On peut remettre en question la logique d'une telle structure, mais elle implique aussi que les bénéficiaires de l'assurance-emploi devront au moins obtenir le crédit pour le financement qu'ils ont fait des autres opérations gouvernementales. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il y a automatiquement un engagement légal...

Mme Raymonde Folco: C'est la question que j'allais vous poser.

M. Denis Desautels: ...du gouvernement envers un groupe de contribuables. Voilà ce que voulait dire la note que vous avez citée plus tôt.

[Traduction]

Le président: Raymonde, excusez-moi de vous interrompre, mais je croyais...

Mme Raymonde Folco: Ça va; cela précisait...

Le président: Bien.

Greg Thompson, Anita Neville, Carol Skelton, Georges Farrah.

M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC): Merci de votre générosité, monsieur le président, et de me permettre de poser des questions malgré mon retard.

Monsieur le vérificateur général, j'aimerais me reporter à la section 34 du rapport du vérificateur général, qui porte sur la difficulté qu'on a à dépister les cas d'abus et à obtenir des condamnations de la part des tribunaux sur la côte Ouest.

Je vais m'efforcer de résumer vos propos de mémoire. Je n'ai pas le texte du rapport en main, mais si je ne m'abuse vous avez mentionné que les agents de l'Agence des douanes et du revenu du Canada et de Développement des ressources humaines Canada manquaient de formation et donc de compétence pour que leurs actions en justice portent fruit. Vous mentionnez bien cela.

Sur le même sujet, dans votre texte d'aujourd'hui, rédigé en 22 points, vous recommandez qu'on mette en oeuvre un plan d'action qui résoudrait cette difficulté à dépister les cas de fraude. Vous précisez aussi que ce qui manque, c'est la formation et le temps nécessaire à l'étude de causes précises.

• 1615

Là où je veux en venir, c'est que l'absence de formation et de compétences poussées est une arme à double tranchant lorsqu'on lutte contre la fraude. Je pense à une situation survenue à l'Île-du-Prince-Édouard, et dont M. McGuire a sans doute entendu parler, et à une autre qui se passe dans le sud du Nouveau-Brunswick en ce moment même. Dans ces deux cas, je pense à l'approche peu rigoureuse adoptée par les fonctionnaires de l'Agence et de Développement des ressources humaines, à leur façon d'enquêter et à la violation même des droits les plus fondamentaux reconnus par la charte quand ils procèdent à ces enquêtes.

En plus de tout ce que j'ai dit là-dessus, j'aimerais savoir si vous êtes au courant de certains des documents à usage interne de DRHC—des lignes directrices ou des documents qui énoncent le plan d'action des fonctionnaires. Je songe précisément aux enquêteurs-contrôleurs. Par exemple, il y a une mise en garde qui précise que lorsqu'un fonctionnaire du ministère interroge une personne, il est tenu de lui lire ses droits. J'ai en ma possession ces documents internes du ministère et ils ont en réalité donné une dérogation—ce qu'ils appellent un pouvoir discrétionnaire régional—à utiliser quand ils lisent à une personne les droits que lui confère la charte.

Le président: Le président est ici.

M. Greg Thompson: Mes excuses, monsieur le président, après tous ces compliments que je vous ai faits.

Le président: C'est bien.

M. Greg Thompson: Monsieur le président, ils disaient à leurs fonctionnaires de renoncer aux droits conférés en vertu de la charte, parce que dans le document interne on précise que l'objet de l'interrogatoire est de mettre les gens à l'aise pour qu'ils avouent, qu'ils se mettent à table. On demande donc de prendre les moyens qu'il faut pour obtenir une confession, et en vérité, très peu de ces cas se retrouvent devant la Cour canadienne de l'impôt, comme vous le savez sans doute. De fait, les deux cas que j'ai évoqués et qui se sont passés dans la province de M. McGuire ont abouti devant la Cour canadienne de l'impôt, et le juge y a vertement reproché aux fonctionnaires de DRHC leur abus des droits de la personne. Rappelons que bon nombre de ces gens sont peu instruits, communiquent avec difficulté et sont peu sociables.

C'est de toute évidence une violation des droits de la personne à un très haut niveau—à un niveau très avancé d'incompétence et d'abus même des droits reconnus par la charte et la part de ces fonctionnaires. C'est à cela que je faisais référence lorsque je disais que l'absence de formation et de compétence des fonctionnaires est une arme à double tranchant.

Connaissez-vous l'existence de ces documents internes? Vous a-t-il été possible d'examiner certaines des lignes directrices internes de DRHC, qui enfreignent vraiment les droits accordés par la charte?

Le président: Monsieur Desautels, encore une fois la question est très longue, je vous demanderais d'y donner une brève réponse, s'il vous plaît.

M. Denis Desautels: D'abord, très brièvement, la situation observée en Colombie-Britannique et décrite dans notre chapitre 34 ne portait pas vraiment sur la même chose. Il s'agissait de la formation des enquêteurs, mais aussi du partage des responsabilités entre deux ministères, afin que l'on sache comment procéder dans les cas où l'on soupçonne une fraude ou d'autres délits.

Pour ce qui est de la dernière question posée par M. Thompson, nous avons accès à tous les documents ministériels, et dans tous les ministères. Nous pouvons donc demander qu'on nous communique les renseignements que vous avez mentionnés, et on doit nous fournir les documents relatifs aux processus suivis ou aux lignes directrices données aux employés. Cela dit, nous n'avons pas effectué de vérification très récente des processus d'exécution que vous évoquez, je ne peux donc pas vous dire dans quelle mesure on trouve la situation que vous avez décrite est généralisée.

Monsieur le président, je crois que c'est tout ce que je puis dire pour le moment. Il faudra qu'un jour ce sujet fasse l'objet d'une autre vérification.

Le président: Merci.

M. Greg Thompson: Je vous serais reconnaissant d'étudier cette question, car on a abusé des droits de gens qui se trouvent dans des situations extrêmement pénibles. Des fonctionnaires ont abusé des droits de citoyens peu instruits, peu sociables, et le reste. C'est inadmissible, et j'espère que vous allez faire enquête.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Thompson.

Nous venons de terminer une première ronde de questions, et vous n'ignorez pas que d'autres témoins attendent leur tour. Je vais donc vous demander d'accélérer quelque peu.

Les prochains à intervenir sont Anita Neville, Carol Skelton, Georges Farrah, Monique Guay et Jeannot Castonguay. Quoi qu'il arrive, je devrai vous interrompre vers 16 h 30.

Anita.

Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

• 1620

J'aimerais revenir, monsieur le président, sur certains des points soulevés dans les documents présentés. Ma question porte plus précisément sur le processus de réexamen des taux. Je dois vous dire que je suis novice en la matière, car je n'étais pas ici lorsqu'on a discuté du projet de loi C-44. Cela dit, vous ne voyez pas du tout d'un bon oeil le processus en vigueur en matière de fixation des taux de cotisation, c'est-à-dire le fait qu'on procède par décret.

Compte tenu de cela, quel processus recommandez-vous qu'on adopte à cet égard. Qui devrait-on consulter? Qui devrait effectuer le réexamen? Qui devrait avoir voix au chapitre? C'est l'élaboration d'un nouveau processus qui m'intéresse. Ensuite, si nous en avons le temps, j'aimerais savoir quelle structure organisationnelle permanente vous envisageriez.

M. Denis Desautels: Monsieur le président, ce qui nous préoccupe le plus en ce moment pour ce qui est de la fixation des taux de cotisations, c'est l'absence de clarté et de transparence. Le processus devrait exiger plus clairement la participation ou la consultation de l'actuaire en chef et il devrait tenir compte de son analyse.

Toute mesure susceptible de rendre le processus général plus transparent tout en reconnaissant un rôle quelconque à l'actuaire en chef et tenant compte de ses recommandations, serait un progrès souhaitable.

Mme Anita Neville: Mais encore? La consultation inhérente au processus de réexamen devrait-elle être vaste? C'est le ministère des Finances qui en sera chargé. Avez-vous des observations à faire là-dessus? Ce processus me préoccupe.

M. Denis Desautels: Monsieur le président, je ne vois pas d'objection particulière à tenir des consultations. Il me semble d'ailleurs que la loi précédente prévoyait que l'on sonde diverses parties et qu'on tienne compte de leur apport lorsqu'on fixait les taux de cotisations. Ce qui nous préoccupait davantage, c'était ce qui se passait une fois qu'on avait obtenu les renseignements, c'est-à-dire comment on s'y prenait ensuite pour choisir un taux précis.

Le président: Val.

Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président.

J'aimerais vous poser des questions au sujet du paragraphe 21 de votre exposé où vous évoquez des fraudes soupçonnées dans la vallée du Fraser. Deux choses retiennent mon attention. Vous avez mentionné qu'il y avait deux ministères—l'ADRC et DRHC. J'aimerais savoir si on n'a vraiment pas voulu s'occuper du problème ou si c'est un groupe de communication—ou la capacité de communiquer—entre les deux ministères qui auraient causé ou exacerbé le problème.

M. Denis Desautels: Monsieur le président, mis assez simplement, il s'agit davantage d'un problème causé par le partage des responsabilités entre les deux ministères. L'ADRC analyse assez bien les demandes qui lui sont présentées, mais elle doit ensuite acheminer ces renseignements ailleurs pour qu'on se prononce sur l'assurabilité... Excusez-moi, c'est d'abord DRHC qui effectue la première analyse, puis qui doit communiquer les demandes ou les formulaires de demande à l'ADRC qui doit se prononcer sur l'assurabilité.

Or, chaque fois que DRHC fait par d'un problème ou de ses doutes au sujet de la validité d'une demande, l'ADRC répond qu'il ne lui revient pas de faire enquête. Elle dit ne pas disposer des ressources suffisantes pour effectuer ce travail et que ses employés sont avant tout des arbitres sur l'aspect de l'assurabilité. Il y a donc un vide. Si vous voulez, il y a un intervalle entre le moment où le dossier ne relève plus du ministère et celui où il commence à relever de l'Agence.

• 1625

Mme Val Meredith: En ce cas, la loi devrait-elle préciser qu'un seul ministère doit se prononcer sur l'assurabilité? Pourquoi l'ADRC devrait-elle trancher qui est ou n'est pas assurable?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, le libellé actuel de la loi a été choisi pour des raisons valides. Je n'essaie pas non plus de dire que la seule solution en cette matière doit passer par un changement d'ordre législatif. On peut envisager des modifications administratives ou des protocoles qui pourraient atténuer le problème. Par exemple, on pourrait permettre à DRHC de faire appel d'une décision s'il est en net désaccord. On peut donc procéder autrement pour résoudre la question sans modifier la loi, mais on peut aussi envisager cette solution.

Mme Val Meredith: Merci.

Le président: Nous allons entendre Georges Farrah, suivi de Mme Monique Guay et de Jeannot Castonguay. Ce sera tout, donc soyez assez brefs, s'il vous plaît. Georges.

[Français]

M. Georges Farrah (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, Lib.): Merci, monsieur le président. Bonjour à vous tous.

Monsieur le vérificateur, plusieurs témoins venus témoigner lors des audiences sur le projet de loi C-2 ont manifesté le désir de voir le gouvernement fédéral se retirer de l'assurance-emploi. Ils ont dit que cela appartenait aux employeurs et aux employés, aux cotisants, et que c'était un régime qui devait s'administrer un peu de façon autonome, si vous me permettez l'expression. Alors, je voudrais avoir vos commentaires là-dessus. Est-ce que vous êtes d'accord avec eux? Si vous l'êtes, quelle structure, selon vous, devrait être mise en place pour faire en sorte qu'on ait une administration de ce genre?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, la question soulevée par M. Farrah a fait l'objet de bien des débats au cours des quelques dernières années. Est-ce que ça devrait être un compte distinct administré par une entité complètement en dehors du gouvernement ou non? Tout ça, je pense, relève d'une décision politique qui doit être prise par les parlementaires. À l'heure actuelle, il serait difficile de considérer le compte d'assurance-emploi comme une entité distincte parce que c'est le gouvernement qui contrôle toute l'administration du programme d'un bout à l'autre, qu'il s'agisse de l'établissement des taux de cotisation, de l'établissement des prestations ou de la perception des cotisations. Donc, il faudrait qu'il y ait un changement draconien pour que nous puissions dire que ce n'est plus un programme gouvernemental, que c'est une chose qui est administrée complètement à l'extérieur du gouvernement.

[Traduction]

Le président: S'il vous plaît, Georges, soyez très bref.

[Français]

M. Georges Farrah: J'aimerais connaître votre point de vue. Est-ce que ça serait plus efficace de le sortir du gouvernement ou de le modifier de sorte que le gouvernement ait un certain contrôle, puisque c'est peut-être plus facile pour lui d'établir des règles interrégionales, comme un arbitre, ou est-ce que, selon votre point de vue, ça pourrait être plus efficace si c'était quelque chose qui s'administre en dehors des instances gouvernementales?

Le président: Votre réponse doit être très brève.

M. Denis Desautels: Monsieur le président, de façon générale, je ne suis pas en faveur de situer à l'extérieur du gouvernement des activités qui sont d'intérêt public, qui relèvent de la responsabilité du gouvernement et du Parlement.

[Traduction]

Le président: Merci. Monique Guay et M. Jeannot.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Merci, monsieur Desautels, d'être parmi nous.

On parlait de la caisse autonome. C'est un sujet qui a été soulevé à plusieurs reprises. Vous dites que vous ne voyez pas l'administration du régime à l'extérieur, mais si c'était administré par une entité qui ne soit pas nécessairement sans aucun lien avec le gouvernement, mais qui ait quand même une certaine autonomie, ça éviterait qu'on vienne piger dans la caisse d'assurance-emploi pour payer la dette entre autres. N'êtes-vous pas d'accord sur ça, monsieur Desautels?

• 1630

M. Denis Desautels: Monsieur le président, si on met sur pied une entité dont on dit qu'elle est à l'extérieur du gouvernement, mais que c'est le gouvernement qui en nomme les membres du conseil et qui établit toutes les règles, en bout de ligne, je pense qu'on devrait conclure que cela fait quand même partie du gouvernement, et s'il y a des surplus, ces surplus font partie de l'entité gouvernementale comme telle. Ce n'est pas une garantie que ça réglerait le problème auquel vous faites allusion.

Mme Monique Guay: Non, mais si on dit que cette caisse, qu'on voudrait autonome, fait rapport au gouvernement régulièrement, sans nécessairement que les nominations relèvent du gouvernement, ça laisserait une image beaucoup plus claire et ça permettrait d'éviter que ces surplus soient investis ailleurs que dans l'emploi, que dans la caisse d'assurance-emploi. Cela permettrait à plus de gens d'y avoir accès, parce que ce serait vraiment une caisse d'assurance-emploi. Présentement, un grand pourcentage des gens n'y ont pas accès. Nous avons entendu des témoins qui voulaient que les travailleurs autonomes soient assurés. Les travailleurs autonomes comptent maintenant pour 18 p. 100 de notre population. C'est une réalité canadienne et québécoise. Il faut absolument qu'on soit capable de faire face à cela. Si on ne peut pas le faire par le biais de l'assurance-emploi, peut-être qu'avec une caisse autonome, on pourrait prendre cela plus en considération et vraiment investir au niveau de l'assurance-emploi.

J'ai un dernier point, très rapidement. Il y a des gens qui sont venus nous faire part de quelque chose d'inquiétant—et je suis contente que vous soyez là—, entre autres pour les petites entreprises familiales. Quand c'est une famille, qu'il y a des membres de la famille, qu'il s'agisse de cousins ou de la famille assez éloignée, aussitôt qu'il y a une demande d'assurance-emploi, il y a enquête. Ces gens-là sont en quelque sorte reconnus coupables au départ. Ils doivent faire preuve de leur non-culpabilité pour pouvoir toucher des prestations d'assurance-emploi. C'est peut-être un secteur où le vérificateur général pourrait faire une petite enquête afin de savoir comment on peut remédier à cela et si ça se produit vraiment à une échelle importante.

M. Denis Desautels: Monsieur le président, je peux prendre bonne note des commentaires de Mme Guay, qui rejoignent d'une certaine façon ceux que M. Godin a faits un peu plus tôt.

[Traduction]

Le président: Merci. Jeannot Castonguay.

[Français]

M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, monsieur le président. Je remercie M. Desautels et son équipe d'être là.

On a entendu souvent dans les témoignages que l'accès au régime d'assurance-emploi n'était pas facile. Si cet accès-là était amélioré et qu'on envisageait de diminuer les taux de cotisations à la fois des employeurs et des employés, est-ce que le surplus qu'on connaît présentement pourrait baisser rapidement? C'est ma première question.

Ma deuxième question porte sur un déficit. On parle maintenant d'une situation où il y a des surplus, mais si, à un moment donné, il y avait un déficit, qui en serait responsable? Est-ce que ce serait le gouvernement ou les employeurs et les employés?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, M. Castonguay a posé deux questions. La première était: est-ce qu'on pourrait diminuer le surplus accumulé dans le compte d'assurance-emploi? Oui, c'est possible. Mais il faut savoir qu'en diminuant le surplus dans le compte d'assurance-emploi, il faudrait créer un déficit annuel dans les opérations du compte d'assurance-emploi, ce qui viendrait gruger dans les autres opérations du gouvernement. Donc, il faut être conscients de cela.

La deuxième question était: s'il y a déficit, qui en est responsable? Effectivement, le gouvernement canadien doit financer tout déficit de la caisse d'assurance-emploi. On a connu cette situation jusque dans les années 1990, où il y avait, effectivement, des déficits assez importants, et c'est le Fonds du revenu consolidé qui prêtait l'argent, si on peut s'exprimer ainsi de façon rationnelle, au compte d'assurance-emploi. Le compte d'assurance-emploi payait de l'intérêt sur ce prêt.

[Traduction]

Le président: Monsieur Desautels, et vos collègues, Nancy Cheng, John Hodgins et Anne-Marie Smith, nous vous remercions de votre participation à nos travaux aujourd'hui.

Monsieur Desautels, nous vous remercions de votre témoignage, naturellement, et de vos témoignages précédents devant notre comité et d'autres. Nous vous souhaitons bonne chance puisque la fin de votre mandat approche. Je ne sais pas exactement ce que vous allez faire, mais j'espère que cela se passera bien pour vous. Nous vous remercions. Merci encore une fois d'être venu nous rencontrer.

M. Denis Desautels: Merci, monsieur le président.

Des voix: Bravo, bravo!

• 1635

Le président: Chers collègues, dans un moment je vais suspendre la séance pendant cinq minutes. Comme vous le savez, nous poursuivons. Nous avons deux témoins. Je sais que le professeur Nakamura est ici. Je n'ai pas rencontré

[Français]

M. Ronald Drisdelle, mais il est peut-être ici.

[Traduction]

Nous reprendrons dans cinq minutes, et nous poursuivrons pendant une heure. Nous siégerons ensuite jusqu'à 21 heures.

• 1636




• 1646

Le président: Chers collègues, pouvons-nous reprendre la séance?

Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos deux témoins, que j'ai maintenant rencontrés. Nous avons

[Français]

M. Ronald Drisdelle, directeur général du Conseil économique du Nouveau-Brunswick. Je vous souhaite la bienvenue. Il y a aussi le

[Traduction]

Le professeur Alice Nakamura de l'Université de l'Alberta. Professeur Nakamura, nous vous souhaitons la bienvenue également, et nous vous remercions de votre patience. Nous sommes désolés de commencer avec un peu de retard, mais je pense que vous comprenez les circonstances.

À mes collègues et à vous, je dois dire—vous en avez sans doute entendu parler—que nous siégerons au moins jusqu'à 21 heures ce soir. Nous allons donc commencer, et je ferai de mon mieux pour que les délibérations se déroulent bien.

On vous a proposé à tous les deux de faire un court exposé, peut-être de cinq minutes chacun. Vous avez remarqué que je tente de limiter à cinq minutes également les questions des députés et les réponses. Je ne fais donc pas de discrimination à votre égard, mais nous procéderons le plus rapidement possible.

Je voulais dire à mes collègues que nous avons prévu une heure pour cette séance. Nous prendrons donc une heure ou peut-être un peu moins, si nous constatons que c'est possible. Ainsi, nous pourrons passer à l'étude article par article ce soir.

Je remarque que M. Ronald Drisdelle est le premier à l'ordre du jour. Nous allons donc commencer par vous, monsieur Drisdelle, puis nous donnerons la parole au professeur Nakamura.

[Français]

M. Ronald Drisdelle (directeur exécutif, Conseil économique du Nouveau-Brunswick): Monsieur le président, mesdames et messieurs et plus particulièrement monsieur Godin du Nouveau-Brunswick, permettez-moi, premièrement, de déclarer que notre association appuie cette initiative du gouvernement fédéral de revoir les réformes apportées au régime d'assurance-emploi.

La réforme a eu, dans certaines régions du Nouveau-Brunswick, des conséquences négatives sérieuses. La diminution du montant des prestations, l'augmentation du nombre d'heures nécessaires pour se qualifier et la diminution du nombre de semaines assurées ont eu un effet non seulement sur les gens recevant des prestations, mais aussi sur toute l'économie des régions habitées par un grand nombre de prestataires. En effet, la somme totale d'argent reçue par les prestataires au Nouveau-Brunswick a diminué de 237,5 millions de dollars entre 1993 et 1998. Cet argent n'a pas été réinvesti dans l'économie de la province.

Nous sommes particulièrement heureux de voir les modifications proposées aux articles 4 et 5 du projet de loi C-2. Les caractéristiques du programme ayant trait aux antécédents des prestataires n'ont pas eu l'effet que l'on avait souhaité en les imposant, soit l'élimination de la récidive. Plutôt, elles ont puni les travailleurs saisonniers et les gens réintégrant le marché du travail à la fin de congés parentaux. Nous appuyons donc sans réserves les modifications visant à éliminer l'injustice.

Le travail saisonnier contribue grandement à l'économie du Nouveau-Brunswick et il est un ingrédient important pour le bon fonctionnement et la bonne gestion de maintes entreprises. Nous soutenons donc que tout projet de modification devrait mettre en place un mécanisme pour empêcher la disparition de cette main-d'oeuvre. Nous sommes d'avis qu'une identification des secteurs en déclin devrait être effectuée. Le régime d'assurance-emploi pourrait ensuite être élaboré de façon à ne pas encourager un grand nombre de nouveaux entrants dans ces secteurs, tout en assurant que les autres secteurs ne seront pas dépouillés des travailleurs nécessaires à leur productivité. Par exemple, l'industrie de la pêche fait présentement face à des problèmes de diminution des ressources, mais alors que le ministère des Pêches et Océans rachète des permis pour tenter de régler ce problème, le régime d'assurance-emploi en place encourage les gens à entreprendre le métier.

• 1650

En effet, alors que moins de jeunes gens ont choisi d'entreprendre une occupation saisonnière depuis la réforme du régime d'assurance-emploi, le nombre de nouveaux venus de moins de 25 ans dans le secteur de la pêche continue de grandir. Alors que dans certains secteurs, comme celui de l'agriculture, on en est arrivé à dépendre de moins en moins du travail manuel au cours des années, le nombre de travailleurs dans l'industrie de la pêche continue d'augmenter. Cette situation doit être étudiée et des mécanismes doivent être mis en place pour solutionner le problème.

Nous ne sommes pas prêts à adopter la position que tous les aspects de la réforme ont eu des conséquences négatives. Les modifications au régime ont réussi, à certains égards, à créer certains des effets positifs attendus. Une étude effectuée au Canada Atlantique par deux professeurs de l'Université du Nouveau-Brunswick démontre que le taux de participation à l'éducation soit secondaire, soit postsecondaire, chez les gens âgés de 18 à 29 ans a connu une augmentation de 50 p. 100 entre 1987 et 1997 et que le nombre de gens de ce groupe d'âge recevant des prestations d'assurance-emploi a diminué de 18 p. 100 au cours de cette même période.

Nous soutenons que, mises à part quelques modifications nécessaires telles que celles qui ont été proposées aux articles 4 et 5 du projet de loi C-2, la Loi sur l'assurance-emploi, comme elle existe aujourd'hui, est appropriée aux besoins de la nouvelle génération de travailleurs. Un retour à l'ancien système ne serait qu'un encouragement pour nos jeunes à continuer de choisir des occupations les forçant à avoir recours au régime.

Si la réforme a eu tant de répercussions négatives et si les conséquences positives ne sont presque pas reconnues aujourd'hui, c'est à cause de la façon dont les changements ont été implantés. Beaucoup de gens n'ont pas pu s'y adapter pour plusieurs raisons: la situation économique dans leur région, leur niveau d'éducation et de formation, leur âge, leurs obligations familiales, etc. Pour ces gens, la réforme ne pouvait avoir les effets souhaités, et les résultats ont été, dans certaines régions, désastreux. Les jeunes, cependant, ont pu se préparer en fonction des changements et faire leur choix de carrière en tenant compte des modifications apportées au régime. Nous ne proposons donc pas le rétablissement du niveau des prestations, la réduction du nombre d'heures par rapport à l'admissibilité ou l'augmentation de l'échelle de durée des prestations pour la nouvelle génération de travailleurs ou pour les gens présentement sur le marché du travail qui font peu ou pas appel au régime. Nous favorisons toutefois la mise en place d'initiatives qui appuieraient le groupe de gens ayant été le plus durement touché par les modifications au régime.

Outre les sommes nécessaires à l'application de telles initiatives, nous soutenons que les surplus accumulés dans la caisse de l'assurance-emploi doivent être retournés aux travailleurs et employeurs qui en paient les cotisations, soit sous forme de réduction des cotisations, soit sous forme de mesures d'appui à l'entreprise.

L'immensité des surplus est une indication claire, selon nous, que les cotisations sont trop élevées pour les besoins du régime. Les montants amassés en vertu de celui-ci ne peuvent être utilisés pour combler d'autres budgets moins bien munis. Nous comprenons mal l'objectif de l'article 9 du projet de loi. Nous souhaitons que le gouvernement utilise cette nouvelle responsabilité pour fixer des taux de cotisation justes et adaptés aux exigences du régime.

L'un des objectifs de la réforme était d'accroître la stabilité de l'emploi. Nous soutenons que cet objectif serait plutôt atteint en facilitant le développement de l'entreprise, la vraie créatrice d'emplois, par la création d'un climat plus favorable à celle-ci. La modification de la structure d'imposition pour encourager l'investissement dans les entreprises nouvelles et pour favoriser la recherche et le développement chez les entreprises existantes est un exemple d'un moyen que pourrait prendre le gouvernement pour promouvoir l'entrepreneuriat et favoriser, en conséquence, l'embauche de même que la réduction d'impôt et l'investissement dans l'infrastructure. La réduction des prestations d'assurance-emploi serait aussi un autre moyen.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie beaucoup, Ronald.

[Traduction]

Nous vous remercions tous les deux de nous avoir fourni des mémoires écrits. Tout le contenu des mémoires écrits est incorporé à nos délibérations.

Alice Nakamura, de l'Université de l'Alberta.

Mme Alice Nakamura (professeur, Université de l'Alberta): Merci beaucoup de m'avoir invitée ici aujourd'hui.

Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que membre du groupe de travail Axworthy sur la réforme de la sécurité sociale. J'ai participé à l'effort de réforme. J'ai présidé le comité qui était chargé de réunir les mesures parallèles de réforme de l'assurance-emploi. J'ai moi-même présenté bon nombre de ces mesures.

Je suis professeure d'université. Je fais de la recherche dans les domaines de l'emploi et de la rémunération, de la productivité et des mesures de soutien du revenu destinées à venir en aide aux travailleurs et aux familles dans le besoin. J'ai commencé ma vie professionnelle comme adjointe de recherche à la commission qui prodiguait des conseils au président des États-Unis sur un projet d'impôt négatif sur le revenu, une façon de tenter de faciliter les choses pour les assistés sociaux.

• 1655

Je m'adresse à vous à titre de chercheuse ayant participé à la plupart des efforts de réforme précédents du programme canadien d'assurance-emploi.

Il y a un problème systémique de longue date au Canada depuis 1971 alors que le nombre de cas et les dépenses d'assurance-emploi ont commencé à croître très rapidement par rapport à ce qui se passait aux États-Unis, et il était très facile d'en déterminer les raisons, qui étaient liées aux changements qui avaient été apportés au début des années 70.

Je m'adresse à vous aujourd'hui pour vous exhorter à modifier le projet de loi C-2. Je vous recommande vivement de réformer, plutôt que d'éliminer, les taux particuliers de la règle de l'intensité et du recouvrement fiscal de l'assurance-emploi. Je voudrais souligner que le recouvrement fiscal ne s'applique qu'à ceux qui sont au-dessus d'un certain seuil de revenu, et vous pouvez changer ce seuil. Si vous pensez que le seuil actuel auquel une personne n'est plus dans le besoin ne convient plus, alors vous n'avez qu'à augmenter le maximum de la rémunération assurable.

Je suis venue ici aujourd'hui pour exprimer mon vif désaccord vis-à-vis de la position selon laquelle ces dispositions se sont avérées inefficaces et ne servent qu'à pénaliser ceux qui ont déjà du mal à rester sur le marché du travail. Ces mesures ont été efficaces pour réduire les dépenses d'assurance-emploi, particulièrement en ce qui concerne les travailleurs à revenu plus élevé qui font des recours répétés à l'assurance-emploi.

Il est tout à fait vrai de dire que bon nombre de ceux qui ont recours à répétition à l'assurance-emploi sont des gens qui sont dans le besoin. Cependant, la récupération fiscale ne s'applique pas à tous ceux qui sont en dessous du maximum assurable. Ni la récupération ni la règle de l'intensité n'ont quoi que ce soit à voir avec le fait qu'une personne soit ou non admissible à l'assurance-emploi. En fait, si on épargnait de l'argent de ce côté, on pourrait réduire le nombre d'heures de travail qui est très élevé (950 heures) et qui constitue un obstacle pour les nouveaux travailleurs et ceux qui réintègrent le marché du travail. Cette mesure n'était pas bonne lorsque le projet de loi a été adopté en 1996, et elle ne l'est toujours pas.

Si on regarde le budget du Canada, on s'aperçoit que la récupération et la règle de l'intensité permettent de faire des économies; mais si vous pensez que certains travailleurs visés par ces dispositions sont à faible revenu et que vous voulez faire quelque chose pour y remédier, alors il faut modifier la disposition. N'éliminez pas la règle.

Si on élimine les taux particuliers de la récupération et la règle de l'intensité, on se retrouvera avec un déséquilibre fondamental du programme d'assurance-emploi. Le programme d'assurance-emploi a été mis en place afin de trouver un juste équilibre entre les besoins et la situation de différents groupes au Canada—les hommes par rapport aux femmes, différentes régions du pays, différents emplois, pour examiner l'interchangeabilité entre les industries et les emplois. Lorsque ce projet de loi a été élaboré, on a fait de nombreuses simulations—qu'arriverait-il si l'on faisait ceci, qu'arriverait-il si l'on faisait cela. Chacune de ces mesures a un impact négatif sur certains groupes et aide d'autres groupes.

Il y a biens des choses que nous aimerions faire et qui sont bonnes, mais il est impossible de le faire sans que cela ne touche quelqu'un que nous aurions voulu épargner. On a donc tenté dans ce projet de loi de trouver un juste équilibre. L'idée à la base de son adoption était de faire un continu, de sorte que s'il y avait déséquilibre, il pourrait être corrigé. Aucune étude n'a été publiée ni discutée depuis que le projet de loi a été adopté, comme on le faisait avant la réforme de 1996. Je pense que ce n'est pas une bonne chose.

À l'ère de l'information, alors que tous les pays se font concurrence sur le plan des fonds investis et des idées, que s'est-il produit depuis que le projet de loi C-12 a été adopté? Qui a profité du travail que moi-même et mon collègue Erwin Diewert avons fait sur le projet de loi? Bon nombre de pays dans le monde viennent nous voir et nous demander d'écrire et de parler à ce sujet. Il y a une publication de l'OCDE à ce sujet. Il y a maintenant un chapitre dans un livre important qui été publié aux États-Unis, les dix autres chapitres ayant tous été commandés par la commission américaine qui examine les questions d'assurance-chômage. Nous en profiterons donc, que le Canada en profite ou non.

Aux États-Unis, l'assurance-chômage est un programme qui relève de chaque État. Il existe cinquante programmes. Chacun de ces cinquante programmes prévoit la fixation de taux particuliers de cotisation. Nous n'avons jamais eu le même type de fixation de taux particuliers qu'aux États-Unis, car aux États-Unis les cotisations sont payées entièrement par l'employeur. Ici, elles sont payées par l'employeur et par l'employé. Les commissions n'ont cessé de se demander l'une après l'autre ce qu'il fallait faire dans une telle situation, et ont finalement trouvé une façon de régler le problème.

Les charges sociales doivent être payées par les entreprises dès le jour où elles embauchent les travailleurs. On dit que les nouvelles entreprises sont le moteur de la croissance de l'emploi, mais une nouvelle entreprise doit payer des charges sociales dès qu'elle commence à embaucher du personnel, bien avant qu'elle réalise ses premiers bénéfices. Les charges sociales sont régressives. Elles sont régressives parce qu'elles sont plafonnées. Je ne paie presque aucune charge sociale. Nous payons jusqu'à concurrence de 750 $ par mois. Ce sont les travailleurs à plein temps qui gagnent le salaire minimum qui sont les plus durement touchés.

• 1700

Si vous regardez le témoignage qui vous a déjà été présenté, Mme Joyce Reynolds de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires vous a dit et je cite:

    Vous dites essentiellement, dans les dispositions de recouvrement fiscal contenues dans ce projet de loi, qu'il devrait y avoir un transfert des employés de notre secteur—des employés qui ne gagnent peut-être que quelques milliers de dollars... ceux-ci doivent verser une cotisation sur chaque dollar qu'ils gagnent au travail et cet argent est transféré aux employés qui gagnent sur une base saisonnière de quatre à cinq fois plus que ce que gagnent les employés de notre secteur.

Je n'ai rien contre les travailleurs saisonniers. L'une des raisons pour lesquelles j'ai insisté pour la conversion en heures de travail plutôt qu'en semaines de travail, c'est parce que bon nombre de travailleurs saisonniers, même s'ils travaillent de très longues heures pendant les semaines où ils travaillent, n'ont pas été admissibles à des prestations sous l'ancien programme d'assurance-chômage. Nous avons donc fait en sorte que les travailleurs saisonniers puissent être admissibles. Au moment de l'entrée en vigueur graduelle du projet de loi, nous n'avons pas introduit immédiatement la récupération fiscale et les taux particuliers. Si on regarde les données pour cette première partie, avant que l'instauration de ces mesures soit complète, cela nuisait davantage aux femmes qu'aux hommes. Nous reviendrons à cette situation si nous éliminons ces mesures.

Le président: Merci. Encore une fois, je vous remercie de nous avoir fourni un mémoire écrit.

J'ai sur ma liste Val Meredith, suivie de Jeannot Castonguay, Paul Crête et Joe McGuire.

Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie tous les deux de comparaître devant notre comité. J'ai insisté depuis le début pour que nous ayons des exposés équilibrés, et je pense que vous avez contribué à cet équilibre.

Ce que vous dites, madame Nakamura, c'est que certains changements qui ont été apportés en 1996 ont été bons, mais qu'il y en a qui doivent être changées. Il ne faudrait pas jeter le bon grain avec l'ivraie. À votre avis, est-ce que les 910 heures requises pour les nouveaux travailleurs et ceux qui réintègrent le marché du travail sont une mauvaise chose?

Mme Alice Nakamura: Oui.

Mme Val Meredith: Comment pouvons-nous corriger quelque chose qui a été modifié à répétition? Certains autour de cette table disent qu'une refonte de toute la loi serait nécessaire, que la loi ne semble pas fonctionner pour la main-d'oeuvre d'aujourd'hui. Est-ce à votre avis nécessaire?

Mme Alice Nakamura: Je suis d'avis que la loi dans son ensemble fonctionne assez bien. Je suis d'avis que l'assurance-emploi est d'une importance fondamentale pour notre pays. Si on regarde les macroéconomies des États-Unis et du Canada, avant la grande dépression nous avions des fluctuations beaucoup plus grandes qu'après l'introduction de l'assurance-chômage au Canada et aux États-Unis. Je pense que le programme est très important. J'estime qu'en maintenant cet énorme surplus et avec d'autres choses qui se passent, c'est l'appui du public à l'égard du programme dans son ensemble qui est menacé.

Je pense que les 950 heures constituent un obstacle énorme. Ça n'a rien à voir avec les modifications structurelles de la réforme de 1996. Vous pourriez éliminer cela en une minute. Avec les taux particuliers, il n'y a aucune raison d'avoir un obstacle aussi élevé à l'admissibilité à l'assurance-emploi qui s'applique aux nouveaux travailleurs et à ceux qui retournent sur le marché du travail à qui on doit plus qu'à toute autre chose le faible taux de participation.

Mme Val Meredith: Qu'entendez-vous par taux particulier? Comment définissez-vous cette expression?

Mme Alice Nakamura: Cela veut dire que si une personne utilise un programme davantage ou constitue davantage un risque au niveau de l'assurance, alors elle obtient une couverture moins élevée, ou doit payer des primes plus élevées.

Il y a essentiellement deux façons d'assurer le soutien du revenu social. L'une est un programme d'assurance et l'autre une sorte de transfert ou de subvention, comme pour l'aide social et aussi les régimes de pensions. C'est un genre de subvention s'il s'agit d'un programme de pensions publiques qui n'a pas été payé par le particulier.

Dans les deux cas, il faut un mécanisme de contrôle afin de s'assurer que les gens ne commencent pas à puiser dans ces programmes sans tenir compte de qui paie. Dans le cas d'un programme d'assurance, la raison pour laquelle il est si important que le programme d'assurance-chômage reste un programme d'assurance, c'est que lorsque c'est une assurance, plutôt qu'un programme où l'on fait une vérification des moyens, l'argent commence à sortir dès qu'il y a un ralentissement économique. Cela empêche une spirale qui fait en sorte que beaucoup d'autres personnes sont mises à pied.

Par ailleurs, il faut être en mesure de contrôler la situation dans le cas de ceux qui ont besoin d'un soutien du revenu à long terme. Il y a beaucoup de gens qui ont besoin d'un soutien du revenu à long terme, et pour de nombreuses raisons. L'avantage de la réforme de 1996, c'est qu'elle permet que l'argent soit versé immédiatement à ceux qui en ont besoin. Cela donne ensuite la chance à ceux qui ont besoin de plus que ce que le système verse d'être pris en charge par d'autres programmes. Un même programme ne peut pas faire les deux... on a besoin à la fois du soutien continu et du programme d'assurance.

• 1705

Mme Val Meredith: Merci.

Le président: Jeannot Castonguay, suivi de Paul Crête, de Joe McGuire et d'Yvon Godin.

[Français]

M. Jeannot Castonguay: Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie aussi nos invités.

Lorsque vous parlez de la règle d'intensité, je suis très sensible à cela parce que je viens d'une région où il y a beaucoup de travail saisonnier et où il n'y a pas de travailleurs saisonniers. Le travail est saisonnier, mais les travailleurs ne le sont pas. Ce que l'on essaie de faire, idéalement, dans ma communauté, monsieur le président, c'est d'avoir différentes saisons pendant lesquelles le travailleur peut travailler pour augmenter ses heures d'activités productrices en faisant un travail rémunérateur.

Je demeure convaincu du fait que ce n'est pas parce que quelqu'un doit, année après année, retourner à l'assurance-emploi, à 55 ou 50 p. 100 d'un salaire qui est très souvent très minimal au Nouveau-Brunswick, qu'il a un intérêt à s'inscrire à un tel programme.

Vous parlez, madame Alice, de réformer plutôt que d'éliminer. J'aimerais savoir ce que vous vous voulez dire par réformer cette approche plutôt que de l'éliminer.

[Traduction]

Mme Alice Nakamura: Tout d'abord, la récupération est beaucoup plus importante que la règle de l'intensité. La plupart des témoignages que vous avez entendus concernaient la règle de l'intensité.

La récupération fiscale ne s'applique qu'à ceux qui sont au-dessus du seuil établi. Si vous pensez que le maximum de la rémunération assurable est trop bas, il faut l'augmenter. Mais il y a certainement un point auquel vous pensez qu'une personne ne devrait pas puiser dans le programme année après année. Nous avons constaté qu'il y a des gens qui gagnent plus de 100 000 $ et qui puisent dans le programme année après année.

Il y a des familles qui ont un bon revenu et qui puisent dans le programme année après année. Ce ne sont pas des criminels. C'est permis.

Je pense qu'il est facile d'apporter des réformes à la mesure de récupération fiscale en disant tout simplement que vous maintenez cette mesure, mais que vous voulez qu'elle ne s'applique qu'au-dessus d'un certain seuil. Cela permettrait alors d'avoir plus d'argent pour aider les gens dont vous parlez. On pourrait les aider soit grâce à un traitement plus généreux aux termes du programme d'assurance-emploi, notamment en réduisant le nombre d'heures pour que les nouveaux travailleurs et ceux qui réintègrent le marché du travail puissent être admissibles.

Prenons par exemple un travailleur qui a travaillé pendant 20 ans dans une aciérie et qui a payé des cotisations d'assurance-chômage et ensuite des cotisations d'assurance-emploi année après année. L'usine ferme et il perd son emploi. Il est plus âgé, il a du mal à trouver un autre emploi et il se retrouve peut-être plus d'un an sans travailler. Il revient sur le marché du travail et vous lui imposez un seuil très élevé.

Avec les taux particuliers, nous n'avons pas besoin de ces seuils élevés. Si on a déjà des contrôles adéquats au sein du programme pour ceux qui ont recours à l'assurance-emploi à répétition et qui ne devraient pas y avoir recours, alors il n'est pas nécessaire d'avoir des seuils aussi élevés.

M. Jeannot Castonguay: Oui, mais je parle de la règle de l'intensité. Après quatre ans, il y a environ 40 p. 100 des travailleurs qui ont recours à répétition à l'assurance-emploi. Ce n'est pas parce qu'ils le veulent, car on ne vit pas de l'assurance-emploi, entre vous et moi.

Mme Alice Nakamura: C'est exact.

M. Jeannot Castonguay: Je ne sais pas comment ils peuvent vivre de l'assurance-chômage. Pourquoi songez-vous à vous débarrasser d'eux?

Mme Alice Nakamura: Dans le cas de la règle de l'intensité, pensez tout d'abord à un programme d'assurance-invalidité. Presque tous les programmes d'assurance-invalidité que je connais comportent un taux de remplacement élevé pour l'invalidité à court terme, un taux de remplacement quelque peu moins élevé pour l'invalidité à plus long terme. Ce n'est pas parce que nous voulons punir une personne qui est invalide, qui a eu un accident ou une maladie. C'est pour que le programme demeure plus abordable.

Si l'on peut investir davantage dans le programme, on pourra ensuite relever le taux de remplacement. Si l'on augmente le taux de remplacement à 60 p. 100 et qu'on le réduit ensuite légèrement dans le cas des personnes qui font appel au programme plus souvent, ce serait une possibilité. La deuxième possibilité, ce serait de dire que certaines personnes, comme vous l'avez déclaré, se trouvent année après année dans une situation où il leur est tout simplement impossible de trouver suffisamment de travail. Dans ce cas-là, ces personnes devraient peut-être faire une demande dans le cadre d'un programme où l'on applique au moins le critère des ressources, de sorte que si une famille dispose d'un revenu, comme la mienne, elle ne sera pas admissible à ces prestations même s'il lui est impossible de trouver du travail.

Lorsqu'il existe un programme dans le cadre duquel certains travailleurs subventionnent continuellement les autres, il faut effectuer une sorte de contrôle pour voir qui en profite année après année. Les données indiquent clairement que bon nombre de ceux qui touchent des prestations tous les ans sont dans une meilleure situation financière que bon nombre de ceux qui sont imposés pour constituer ce fonds.

• 1710

En ce qui concerne la fiscalité, il existe également dans votre région des entreprises en difficulté. Tout comme bon nombre d'entre vous l'avaient fait remarquer, dans le cas des particuliers en difficulté financière, ce que certains appellent des petites sommes d'argent qui ont été grugées à cause de la règle de l'intensité, ces sommes changent totalement la situation de cette personne; il en va de même pour une entreprise qui bat de l'aile. Si l'on possède une entreprise en difficulté, ces impôts changent tout pour sa situation financière.

En vertu de la règle de l'intensité, plusieurs choses sont possibles. Si l'on pense qu'il est trop radical de réduire d'un point le pourcentage pour chaque tranche de 20 semaines d'emploi, on peut prévoir une période plus longue. On pourrait dire que, pour chaque période de 50 semaines où les gens ont touché l'assurance-emploi, il y aura une réduction des prestations. On pourrait aussi décider que la réduction sera inférieure à un point de pourcentage. On pourrait établir un taux minime. Toutefois, je pense que ce sera néanmoins utile en vue de réduire le coût de tout le programme et d'espérer en revenir au jour où nous limitons l'application du programme à ceux qui ne sont pas des réitérants. Cela renforcera notre économie et nous pourrons alors avoir un meilleur taux de remplacement. Je conviens sans réserve que 55 p. 100 ne constitue un bon taux de remplacement du revenu.

Le président: Jeannot, je dois donner la parole à quelqu'un d'autre, j'en ai peur. La discussion a été intéressante.

Nous passons à Paul Crête, suivi de Joe McGuire, Yvon Godin et Diane St-Jacques.

[Français]

M. Paul Crête: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de venir témoigner aujourd'hui, particulièrement madame Nakamura, parce que ça faisait longtemps que je voulais voir quelqu'un qui symbolise cette façon de voir selon laquelle on devrait améliorer la situation des pauvres en pénalisant ceux qui sont encore plus pauvres. Quant à moi, la règle d'intensité est à peu près la règle la plus régressive que j'aie vue au XXe siècle en matière d'exploitation de l'homme par l'homme. Je trouve très étonnante cette phrase de votre conclusion:

    Si vous préservez au moins les taux particuliers de cotisation au régime d'assurance-emploi... dont la règle d'intensité,

    ...vous permettrez également aux membres du Parlement d'apporter, maintenant ou dans l'avenir, d'autres réformes importantes, telles que l'élimination des seuils punitifs d'admissibilité à l'assurance-emploi qui s'appliquent aux nouveaux travailleurs et à ceux qui retournent sur le marché du travail.

Est-ce que vous êtes consciente, madame, que cette année, l'année passée et l'année prochaine, on aura collecté à peu près 18 milliards de dollars de cotisations à l'assurance-emploi et qu'on va en redistribuer pour à peu près 12 milliards de dollars? Est-ce que la solution ne serait pas dans la répartition d'un montant raisonnable de ces 6 milliards de dollars pour, justement, corriger les choses, la discrimination envers les nouveaux travailleurs et ceux qui retournent sur le marché du travail, plutôt que d'essayer de les financer avec l'argent de ceux qui sont les plus mal en point dans la société?

[Traduction]

Mme Alice Nakamura: L'élément clé en l'occurrence, c'est que si les gens pensaient avoir besoin de ces taux élevés, et les souhaitaient pour les nouveaux travailleurs, c'était en raison de la tendance établie de longue date aux recours répétés à l'assurance-emploi, lesquels étaient de plus en plus fréquents. Cela ne s'appliquait pas simplement aux personnes sans la moindre possibilité d'emploi; il s'agissait également des travailleurs du pétrole de l'Alberta, de divers groupes de femmes instruites, de toutes sortes de gens. Si l'on applique un programme qui ne prévoit aucune évaluation des ressources, il est inévitable qu'un grand nombre de personnes qui ne sont pas pauvres se prévalent du programme.

Il va s'en dire qu'il est extrêmement important de faire quelque chose pour les pauvres, et ce qui est très regrettable, c'est qu'il y a quelques années, vous avez modifié les règles de l'aide sociale dans notre pays de sorte qu'il n'y a plus de partage des frais de ce programme. Le partage des frais n'est pas aussi équitable que lorsque le programme était administré par le gouvernement fédéral. On pourrait revenir à l'ancien système.

En appliquant un programme d'assurance-chômage, on ne contribue guère à résoudre les problèmes des gens qui sont vraiment dans la misère.

[Français]

Le président: Paul Crête.

M. Paul Crête: Monsieur le président, est-ce que notre témoin n'est pas consciente aussi du fait que c'est la même règle qui est à la base de cette question-là? La règle d'intensité, les 910 heures requises pour que quelqu'un qui arrive sur le marché du travail puisse se qualifier, c'est le même principe qu'à la base. Il aura fallu quatre ans pour convaincre le gouvernement d'abolir la règle d'intensité, et je suis prêt à vous faire la prédiction que d'ici deux ans, il va falloir qu'il abolisse l'autre règle concernant les 910 heures, parce qu'on va faire la preuve dans les études, comme on l'a fait pour le règle d'intensité, que ça n'a pas l'effet souhaité. Pour le 910 heures, on va vivre la même réalité, mais pendant tout ce temps, pendant toutes ces années, des gens auront été pénalisés de façon systématique, parce qu'on les traite comme des cobayes économiques plutôt que de les traiter comme des citoyens.

[Traduction]

Mme Alice Nakamura: Si vous souhaitez assouplir la règle de l'intensité, faites-le mais comprenez bien que cela n'a rien à voir avec les personnes qui touchent l'assurance-emploi au départ. Cela n'a rien à voir avec l'admissibilité aux prestations. Je ne comprends pas que l'on se concentre là-dessus alors que le véritable obstacle à l'accès, ce sont les 950 heures prévues.

• 1715

Ensuite, si vous n'aimez pas la règle de l'intensité, laissez-la tomber. Supprimez-la, mais ne supprimez pas la fixation de taux particuliers pour la disposition de récupération. Les personnes que vous prenez, ce sont les réitérants à revenu élevé.

Le président: C'est 910 heures.

Mme Alice Nakamura: Oui, vous avez raison.

[Français]

M. Paul Crête: Je voudrais juste vous répéter que pour moi, le principe de base qui a servi pour établir la règle d'intensité est le même que celui qui a servi pour établir les 910 heures de travail. C'est ce dont il faut se rendre compte. On a établi la règle d'intensité en se disant qu'en pénalisant les travailleurs, ils iraient travailler davantage. On nous dit qu'il faut exiger 910 heures des jeunes, sinon ils vont quitter leurs études plus rapidement et on va les perdre.

Dans les deux cas, on a appliqué un principe en vertu duquel les citoyens et les citoyennes qui travaillent sont des gens qui ne veulent pas travailler. On a fait la preuve en noir sur blanc dans des études que ça ne s'appliquait pas dans le cas de la règle d'intensité, et je suis convaincu qu'on va établir la même règle de l'autre côté pour les jeunes. Je vais terminer là-dessus.

Je suis très heureux de voir aujourd'hui quelqu'un qui a participé aux études ayant mené à l'établissement de la règle d'intensité et de la voir le jour où on a des chances de voir cette règle abolie, aujourd'hui, demain ou la semaine prochaine.

[Traduction]

Mme Alice Nakamura: Tout d'abord, il n'y a aucun rapport entre les 910 heures et la règle de l'intensité. J'ai soumis à ce comité la proposition visant la règle de l'intensité, et je sais donc exactement d'où elle venait.

Je l'ai suggérée au comité parce que le Canada n'avait aucun moyen de mettre en place le système de fixation de taux particuliers. Grâce à cette règle, on peut avoir un système de taux particuliers et une certaine mesure de contrôle sans pénaliser les gens au départ. Ce critère des 910 heures a été proposé à la dernière minute, lors des délibérations du groupe de travail, uniquement sur l'initiative du ministère des Finances qui trouvait que la facture était trop élevée. On aurait pu proposer n'importe quelle durée, à la place des 910 heures; cela n'a aucune incidence sur la règle de l'intensité. Toutefois, si vous n'aimez pas cette règle, supprimez-la. Ce n'est pas l'élément le plus important de la fixation de taux particuliers. C'est une chose qui peut être utile, selon moi.

J'étais debout devant mes étudiants avant le début du cours, et un étudiant était en train de dire à un autre: tu sais, j'ai un boulot maintenant; j'ai envisagé de ne pas commencer à travailler avant deux ou trois mois parce que je peux encore toucher des prestations d'assurance-emploi à cause de mon emploi précédent, mais je crains que cela n'influe sur ma capacité de toucher des prestations ultérieurement.

Je pense que cette mesure est utile. Il faudra de nombreuses années pour que son effet se fasse sentir. Il nous a fallu de nombreuses années pour en arriver à la situation où nous nous trouvions avec les réitérants.

Le président: Même si ces discussions m'intéressent au plus haut point, j'essaie d'accélérer les choses et de respecter notre horaire.

Joe McGuire.

M. Joe McGuire: Merci, monsieur le président.

À la page 1 de votre mémoire, vous nous demandez de transformer le vilain canard qu'est le projet de loi C-2 en superbe cygne.

Je suppose que vous recevez certains des mémoires qui ont été présentés à notre comité au cours du dernier mois. La plupart des témoins considèrent que le projet de loi C-12 était le vilain petit canard et que le projet de loi C-2 vise à le rendre un petit peu moins vilain. Ces témoins voudraient aller beaucoup plus loin que nous ne sommes prêts à le faire, du moins pour le moment, pour améliorer le projet de loi C-12.

Vous avez dit que le système fondé sur les heures de travail, qui était à mon avis un bon système, était une idée de vous, au même titre que la règle de l'intensité...

Mme Alice Nakamura: Oui.

M. Joe McGuire: ... et que même si les personnes auxquelles s'applique la règle de l'intensité en pâtissent... Ce sont des réitérants parce que les emplois qu'ils occupent sont les mêmes tous les ans mais ne durent que pendant une certaine période de l'année.

Je ne comprends pas bien pourquoi vous souhaitez ce genre de chose. Je peux comprendre la clause de récupération, car à l'époque des modifications, certaines personnes qui gagnaient plus de 64 000 $ par an, continuaient à avoir droit à l'assurance-emploi, ou plutôt à l'assurance-chômage à l'époque.

Mme Alice Nakamura: C'est exact.

M. Joe McGuire: Je ne pense pas que l'assurance-emploi ait jamais été conçue pour aider les gens qui gagnent autant d'argent à pouvoir toucher des prestations de chômage. Comme vous le dites, ces gens n'étaient pas des bandits; le système était là et ils en profitaient. C'était tout à fait légal.

À votre avis, faut-il renoncer à la récupération si le revenu est inférieur à 39 000 $? D'où vient ce chiffre?

Mme Alice Nakamura: C'est ce qui a été établi. Ce chiffre se fonde sur deux éléments: on a voulu proposer un projet de loi qui soit compatible avec les exigences du ministère des Finances pour l'ensemble du programme, et on a voulu faciliter autant que possible la transition pour les régions, de façon à lorsqu'elles changeaient de structure, il ne leur faille pas tout recommencer à zéro d'un seul coup.

• 1720

Pour répondre à votre question sur la règle de l'intensité, c'est parce que j'avais travaillé comme conseillère technique auprès de New Brunswick Works, j'avais été conseillère technique dans le cadre du projet d'autonomie et j'ai alors compris d'où venaient les fonds pour ces programmes. En fait, les gouvernements provinciaux prenaient les assistés sociaux, leur donnaient un emploi chez des employeurs, qui en fait devaient se plier à toutes les demandes du gouvernement provincial, et les laissaient assez longtemps pour avoir droit à l'assurance-emploi, de sorte que les fonds pouvaient être payés à même la caisse de l'assurance-emploi.

C'est mal, parce que les cotisations d'assurance-emploi représentent un impôt plafonné. Une personne comme moi paie très peu. Nous devrions aider ces personnes, mais il faudrait les aider à partir de mon impôt sur le revenu. Faites-moi payer plus d'impôt et n'imposez pas davantage celui qui travaille au salaire minimum.

M. Joe McGuire: Et l'idée du dénominateur, elle est de vous également?

Mme Alice Nakamura: Non. Le problème du dénominateur, c'est que lorsqu'on modifie le projet de loi pour passer d'un programme fondé sur les semaines de travail à un système fondé sur les heures de travail... Au départ, il existait dans tous les pays un système en vertu duquel les calculs se faisaient chez l'employeur. Nous ne disposions pas de ces énormes ordinateurs et il fallait donc se fier aux dossiers tenus par les employeurs. Lorsque nous sommes entrés dans un monde où de nombreuses personnes occupaient des emplois multiples, le système n'était plus valable. Pour aider les gens qui occupent des emplois à temps partiel, etc., il a fallu passer au système de calcul des heures. Toutefois, on n'a pas su comment changer immédiatement le système de paiement, de sorte qu'il a continué à être effectué en fonction des semaines de travail tandis que le calcul se fondait sur les heures. La situation était loin d'être parfaite. Le ministère et plusieurs personnes se sont penchés sur cette question, mais pas moi.

C'est le meilleur système auquel on ait pu en arriver. Il n'était pas parfait.

M. Joe McGuire: C'est à cela qu'on impute le fameux trou noir...

Mme Alice Nakamura: Oui, c'est exact.

M. Joe McGuire: ... à cause duquel les gens ne peuvent pas vraiment traverser l'hiver. Si l'on est admissible qu'aux prestations minimales, on ne peut pas s'en sortir. On est obligé de faire une demande d'aide sociale avant de pouvoir commencer à travailler à nouveau.

Mme Alice Nakamura: Oui, il faut combler cette lacune, et le principe du dénominateur comporte certains éléments qui ne sont pas bons.

Il y a en outre le problème des régions où il n'y a pas suffisamment d'emplois.

Il n'y a rien de pire que de prendre une mesure quand on constate qu'elle fait du tort aux gens. J'ai fait de nombreux voyages dans les Maritimes, et en outre, je me suis occupée de certains dossiers de l'aide sociale. Avant d'entreprendre ce projet, je m'occupais essentiellement des dossiers de l'aide sociale.

Le Canada a un énorme avantage par rapport aux États-Unis, parce que les programmes d'assurance sociale dans notre pays sont ouverts à tous, et pas simplement aux mères célibataires. Dans une province comme la Colombie-Britannique, la moitié des assistés sociaux sont des jeunes hommes.

Le président: Je vais donner la parole à Yvon Godin, suivi de Diane St-Jacques, Greg Thompson et Alan Tonks.

Soit dit en passant, si vous le permettez, je vais essayer d'en tirer une conclusion.

[Français]

M. Yvon Godin: Je souhaite que vous n'alliez pas trop vite à la fin, parce que quand on arrive à la fin, c'est toujours moi qui pose des questions et vous allez plus vite.

[Traduction]

Le président: Non, Yvon, je n'ai pas dit qu'il fallait accélérer. J'ai dit que j'allais clore cette discussion. Ça va?

M. Yvon Godin: Non. J'en reviens à la première déclaration que vous avez faite avant.

Le président: D'accord.

M. Yvon Godin: Vous avez dit qu'il fallait maintenant aller un peu plus vite. À toutes les réunions auxquelles j'ai assisté, vous commencez à vouloir aller plus vite quand c'est mon tour.

Le président: Écoutez, Yvon. Vous posez toujours les questions les plus longues, de toute façon.

M. Paul Crête: Il reste quatre minutes.

Le président: D'accord. Yvon Godin.

[Français]

M. Yvon Godin: Merci, monsieur le président.

Monsieur Drisdelle, premièrement, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue et vous aussi, madame Nakamura, même si vous êtes peut-être l'auteure de bien des problèmes qui sont survenus au pays en rapport avec l'assurance-emploi. Vous faites partie de ces problèmes que je qualifierai plus tard.

Monsieur Drisdelle, quand vous parlez des sommes d'argent qui ont été dépensées depuis 1993, je ne sais pas où vous avez obtenu vos chiffres, mais peut-être qu'il y a eu une erreur. Seulement pour la région d'Acadie—Bathurst, on a perdu environ 483 millions de dollars. Selon Statistique Canada, les bénéfices d'assurance-emploi dans Acadie—Bathurst seulement sont de 69 millions de dollars par année.

Maintenant, puisque vous représentez le Conseil économique du Nouveau-Brunswick, je vous dirai qu'on parle d'une somme de près de 275 millions de dollars par année pour le Nouveau-Brunswick. Alors, je pense que c'est mettre la charrue devant le boeuf. Je l'ai dit à plusieurs réunions: les petites et moyennes entreprises ont souffert. Ça leur a vraiment été enlevé. Quand les gens ne peuvent pas dépenser, c'est comme si on leur enlevait cet argent. Ces gens allaient dans les petites et moyennes entreprises dépenser de l'argent.

• 1725

La vraie solution, c'est plutôt la création d'emplois. Automatiquement, lorsqu'il y a création d'emplois, ça diminue le nombre de bénéficiaires de l'assurance-emploi. C'est ça, le vrai résultat recherché, et non de punir les plus pauvres, comme mon collègue le disait plus tôt. Ce sont les plus pauvres de la société qui ont été vraiment frappés par ces changements à l'assurance-emploi.

M. Ronald Drisdelle: Je comprends vos commentaires. Je les apprécie également. Je pense que vous avez peut-être mal compris la présentation. Tant mieux si les chiffres sont plus hauts pour Bathurst et la péninsule parce que ça vient également appuyer mes dires. Ce que je voulais souligner, c'est que de façon générale, le Nouveau-Brunswick a énormément souffert de ces changements. Maintenant, le Conseil économique du Nouveau-Brunswick, dans sa présentation de cinq minutes, n'a pas choisi de prendre l'approche de parler de régions spécifiques.

Les choses que vous dites sont exactes: quand les gens n'ont pas d'argent dans leurs poches, ils ne peuvent pas magasiner ni appuyer les petites et moyennes entreprises. Le point soulevé par le Conseil économique, c'est qu'il y a toujours eu des fluctuations et des changements. On ne serait pas nécessairement assis devant ce comité-ci si on n'avait pas appris qu'il y a des surplus et qu'on n'avait pas l'impression qu'il y a un manque de transparence au niveau du gouvernement. C'est ce qui nous amène ici, aujourd'hui.

Le Conseil économique est soucieux de ça. Vu que les entreprises, les petites et moyennes entreprises surtout, font l'embauche de plusieurs travailleurs saisonniers, on veut qu'elles aient accès à cette ressource-là. On n'est pas de l'avis de madame, qui semble vouloir pénaliser les gens qui veulent y avoir recours fréquemment. Au Nouveau-Brunswick, dans votre communauté, monsieur Godin, vous savez qu'il y a du travail. C'est le travail qui est saisonnier; ce n'est pas l'employé qui choisit de travailler de façon saisonnière.

Alors, vos commentaires ne me posent pas de problème. Je pense qu'ils se marient très bien avec la présentation qu'on a faite.

M. Yvon Godin: Non, j'ai juste parlé des chiffres.

[Traduction]

J'ai une question que j'aimerais poser à la professeure de l'Université de l'Alberta. Elle a dit qu'elle est d'accord et qu'elle comprend le problème des travailleurs saisonniers. J'aimerais lui demander si elle le comprend vraiment. Savez-vous que—j'en suis convaincu—on ne peut pas prendre de homard dans les rues de l'Alberta, et qu'on ne peut pas prendre de morue? Dans les Maritimes et en Colombie-Britannique, ces emplois saisonniers existent.

Pour les bûcherons, c'est très difficile s'ils n'ont pas de quota de coupe de bois. Dans les régions où il y a des touristes... Cela pourrait être au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique ou n'importe où dans le pays.

La solution n'est pas l'aide sociale, parce que chaque province... Je commence à m'inquiéter, parce que vous avez dit que vous avez travaillé pour l'assurance-emploi et l'aide sociale également. Même en Ontario, on a réduit le nombre d'assistés sociaux à tel point qu'il n'est même plus possible de posséder une maison ou une voiture. Est-ce à dire que nos bûcherons, nos pêcheurs et tous ceux qui travaillent dans le tourisme n'ont aucun droit dans notre pays? Ils sont les ressources dont nous avons besoin. Où sont toutes ces études?

Ce qu'on a fait en 1996 était une erreur, une énorme erreur. Nous habitons dans l'un des plus beaux pays du monde et, pour ma part, j'estime que nous sommes en train de le perdre parce que nous n'arrivons pas à travailler main dans la main.

Le président: Alice, je crains qu'il n'y ait du temps que pour une brève réponse.

Mme Alice Nakamura: Supprimez la règle des 910 heures. Conservez la fixation des taux particuliers, mais ramenez cette règle au même niveau que pour tous les autres travailleurs, de façon à ce que l'admissibilité soit plus facile.

M. Yvon Godin: Et le dénominateur?

Mme Alice Nakamura: Pour ce qui est du dénominateur, changez-le. Je ne vois pas ce changement dans le projet de loi C-2.

M. Yvon Godin: Il faut le supprimer.

Le président: Nous passons à Diane St-Jacques, Greg Thompson et enfin Alan Tonks.

[Français]

Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.): Merci, monsieur le président.

Ma première question s'adresse à vous, monsieur Drisdelle. Vous avez mentionné dans votre présentation des initiatives pour favoriser le retour au travail. Je me demandais de quel genre d'initiatives vous vouliez parler.

M. Ronald Drisdelle: Je parlais surtout d'initiatives qui favorisent la formation. On a parlé de la population âgée de 25 à 40 ans. On a dit que c'étaient les gens qui sont peut-être les plus aptes à recevoir de la formation, mais qu'il y avait d'autres catégories de gens.

Je pense que les initiatives dont on veut parler, ce sont celles qui ont un lien direct avec le travail qui plafonne de façon saisonnière. Pour ce qui est de donner des exemples, je ne vais pas faire cela cet après-midi, mais je pense que c'est quelque chose que le comité devrait examiner, parce qu'on pénalise les gens. C'est ce que les modifications ont fait, surtout dans des régions comme la nôtre, au Nouveau-Brunswick. On a pénalisé des gens.

Chez nous, au Nouveau-Brunswick, il y a des régions où il n'y a pas de travail. La question n'est pas de savoir si les gens veulent abuser du système; c'est le travail qui n'est pas là. Il reste que les petites et moyennes entreprises, dans ces régions-là, ont besoin d'avoir accès à ces gens-là.

• 1730

Il y a toute la nouvelle technologie et le domaine de la recherche et du développement où on peut intéresser les gens et où on peut aussi offrir une certaine formation. Ce sont des exemples que je donne en passant.

Mme Diane St-Jacques: Merci.

J'ai deux petites questions pour Mme Nakamura. La première porte sur ce qui est écrit à la page 1 de votre présentation. Vous dites que vous avez prodigué des conseils au président des États-Unis sur un projet d'impôt négatif sur le revenu. Je me demandais quel président était là à ce moment-là.

[Traduction]

Mme Alice Nakamura: Paradoxalement, c'était Richard Nixon. C'était un gouvernement républicain qui a presque fait adopter une règle sur l'impôt négatif aux États-Unis.

[Français]

Mme Diane St-Jacques: Comme plusieurs de mes collègues, je ne suis pas d'accord sur une grande partie de votre présentation, mais ce qui m'a encore plus frappée, c'est une phrase que vous avez écrite à la page 3 de votre rapport: «Au Canada, les charges sociales sont régressives». Est-ce que je dois comprendre que vous seriez en faveur d'éliminer les charges sociales? Est-ce que c'est ce que vous voulez dire ou est-ce que vous pouvez nuancer un peu ce que vous mentionnez là?

[Traduction]

Mme Alice Nakamura: Ce que j'ai voulu dire, c'est que les charges sociales sont régressives au Canada. Si elles le sont, c'est parce que toutes les charges sociales sont plafonnées. On ne peut percevoir ces impôts que jusqu'à un certain plafond du revenu du particulier. Dans mon cas, ma part des charges sociales est très faible.

Voyons dans quel secteur les emplois disparaissent. On perd les emplois pour les personnes qui n'ont guère d'instruction, surtout les hommes. Voyons les divers impôts qui sont prélevés. Il y a l'assurance-emploi, que l'on paie sur chaque heure de travail. Mais il y a également le RPC ou le RRQ, que l'on paie sur chaque heure de travail. Puis il y a l'indemnisation des accidents du travail. Ces taux sont faibles pour les gens qui ont un travail de bureau, mais pour les hommes qui occupent des emplois essentiellement manuels, ils sont très élevés.

Il y a donc une énorme ponction fiscale, ce qui fait disparaître ce genre d'emplois. Je travaille avec des ingénieurs. Il coûte moins cher d'engager une machine en raison de l'énorme ponction fiscale.

Mme Diane St-Jacques: Très bien. Je vous remercie.

Le président: Nous passons maintenant à Greg Thompson, suivi de Alan Tonks.

M. Greg Thompson: Merci, monsieur le président.

La discussion a été intéressante. Ma question s'adresse à vous, madame Nakamura. Quel est le maximum de prestations qu'on peut toucher aujourd'hui dans le cadre de l'assurance-emploi?

Mme Alice Nakamura: Ce montant est très faible étant donné que le taux de remplacement du revenu a été fixé à seulement 55 p. 100, et que...

M. Greg Thompson: Mais quel est le montant?

Mme Alice Nakamura: Le maximum qu'on peut toucher dans le cadre de l'assurance-emploi, c'est 55 p. 100 du maximum de la rémunération assurable.

M. Greg Thompson: Mais qu'est-ce que cela représente?

Mme Alice Nakamura: Sauf erreur, le maximum de la rémunération assurable est établi à 39 000 $. Ce serait donc à peine plus de la moitié de cette somme, environ.

M. Greg Thompson: Qu'est-ce cela représente comme prestation hebdomadaire?

Mme Alice Nakamura: C'est très peu. Je ne comprends pas où vous voulez en venir.

M. Greg Thompson: Ce que j'essaie de dire, c'est que si je suis votre logique—ce que j'essaie désespérément de faire, et quelque chose m'a peut-être échappé—je crois comprendre que vous dites que certains travailleurs dans la tranche supérieure de revenu sont à l'origine du problème parce que le système leur permet de se prévaloir de l'assurance-emploi.

Mme Alice Nakamura: Le problème, c'est que...

M. Greg Thompson: Laissez-moi terminer. Je sais que c'est une question tendancieuse, mais ce que je veux dire, c'est que si les prestations maximales sont de 412 $, en toute logique, combien de travailleurs à revenu élevé quitteront ce confortable salaire pour se contenter d'un maximum de 412 $ par semaine?

Mme Alice Nakamura: Quand j'ai appris cela, j'ai été bien étonnée. J'ai travaillé pour les recensements américains et canadiens de 1971, puis pour les recensements américains et canadiens de 1981. Les taux pour les femmes ayant de petits enfants ont toujours été un peu inférieurs au Canada qu'aux États-Unis. À partir de 1980 et 1981, ils étaient nettement supérieurs.

Il y a beaucoup de gens qui, pour des raisons que j'ignore, préfèrent travailler la première partie de l'année.

M. Greg Thompson: Je ne pense pas que votre logique s'impose, et nous ne serons pas d'accord, là-dessus.

Le président: Greg, il faut passer par la présidence.

M. Greg Thompson: Je suis désolé, monsieur le président. Vous avez pourtant été si bon avec moi, et moi...

Le président: Je sais. Je ne comprends pas.

M. Greg Thompson: Veuillez me pardonner.

Le président: Mais je vous en prie. Je rappelais simplement...

M. Greg Thompson: Dans votre exposé, je vois le titre Insurance to the Unemployed: Canadian Reforms and the Relevance for the United States. Vous avez écrit cet article en collaboration avec Erwin Diewert, n'est-ce pas?

Mme Alice Nakamura: Oui.

M. Greg Thompson: Est-ce vous qui avez trouvé l'idée des taux particuliers de cotisation?

Mme Alice Nakamura: Seulement la façon de l'appliquer au Canada. Cette méthode existe déjà dans tous les États américains.

M. Greg Thompson: Là où je veux en venir, c'est que c'est un modèle néo-zélandais, que vous avez adopté, n'est-ce pas?

• 1735

Mme Alice Nakamura: Pas du tout. C'est faux. Aucun autre pays du monde n'a eu de taux particuliers de cotisation en fonction des autres expériences du travailleur.

M. Greg Thompson: Les 50 États américains ont chacun leur régime.

Mme Alice Nakamura: Oui.

M. Greg Thompson: Nous direz-vous que ces 50 États américains ont un régime supérieur à celui du Canada, ou parlez-vous uniquement des plus grands États? Je sais par exemple que dans certains États, le régime d'assurance-emploi, si c'est ainsi qu'on l'appelle, est mesquin d'une part et dont on abuse de l'autre. Le problème, c'est que certains travailleurs recourent à d'autres programmes, auxquels ils s'attachent parce qu'ils sont plus lucratifs pour eux.

Ainsi, je sais que dans l'État du Maine, on abuse couramment du programme d'indemnisation des accidents du travail, parce que les prestations sont 10 fois plus élevées que dans la plupart des administrations canadiennes. Ils ont donc, d'un côté, un programme mesquin, et de l'autre, un régime dont on abuse. On parle essentiellement d'Américains disposant d'un faible revenu, qui feront à peu près n'importe quoi pour avoir un revenu. Vous êtes-vous penchée sur certains de ces problèmes?

Mme Alice Nakamura: Oui. Pour le Canada comme pour les États-Unis, j'ai examiné beaucoup de données sur le mouvement des prestataires entre l'assurance-emploi, ou l'assurance-chômage, et l'aide sociale et l'indemnisation des accidents du travail. Dans les deux pays, on passe beaucoup de l'un à l'autre. Chaque fois qu'on voit une règle d'un de ces programmes, il y a un mouvement vers les autres programmes.

Mais pour revenir à la mesquinerie, je préfère de loin le taux de remplacement supérieur au Canada, ainsi que le long terme. On n'en aurait toutefois pas les moyens sans taxer quelqu'un. Les jeunes enfants ont de la sympathie pour autrui et sont prêts à donner à quiconque vit dans le besoin. Ils ne savent toutefois pas nécessairement comment payer pour cela.

Je crois qu'il devrait y avoir des prestations bonifiées pour les gens qui vivent dans des régions du pays où il n'y a pas de travail. J'ai été déçue que notre pays décide de ne plus puiser dans ses recettes générales pour partager les coûts des programmes d'aide sociale et comme d'autres, je pense qu'il ne convient pas d'enlever sa maison à quelqu'un avant de lui accorder de l'aide sociale.

Le président: Vous pouvez encore formuler un commentaire.

M. Greg Thompson: Monsieur le président, cette discussion est très intéressante et j'aimerais que nos témoins puissent rester plus longtemps.

Je suis impressionné par la recherche. J'ai constaté à la lecture de votre curriculum vitae que vous avez étudié surtout aux États-Unis.

Mme Alice Nakamura: Oui.

M. Greg Thompson: Je constate aussi que vous présentez nombre des études que vous avez entreprises et que vous avez pris le temps d'examiner la situation au Canada. Votre compétence ne fait pas de doute pour moi.

Mais je dois dire que pour certaines de ces questions, nous ne sommes pas d'accord, monsieur le président. Merci.

Le président: Alan Tonks.

M. Alan Tonks: Merci, monsieur le président, et merci aussi aux témoins.

Notre comité a des problèmes en raison de la transition entre l'admissibilité en fonction du nombre de semaines et l'admissibilité en fonction du nombre d'heures, et le problème des prestataires qui font une première demande mais qui se trouvent sous le seuil, et qui ne peuvent donc recevoir de prestations. Le comité a déployé quantité d'efforts pour fixer un seuil, et il a bien du mal. Nous avons utilisé les 910 heures. Nous avons examiné les statistiques fournies par les témoins, qui indiquent que le nombre de premiers prestataires est à peine à 37 p. 100 du nombre qui auraient été admissibles dans le passé, ou du nombre qui auraient besoin de prestations, parce qu'ils se retrouvent sous le seuil de la pauvreté, par exemple. Pourriez-vous aider le comité en recommandant une méthode de calcul d'un seuil équitable dans le cas d'un régime fondé sur le nombre d'heures de travail?

Mme Alice Nakamura: Je crois que c'est très simple: fixez-le au seuil utilisé pour tous les autres. Pour les travailleurs ordinaires, le seuil varie entre 450 et 700 heures. Il y a deux extrêmes.

Le président: C'est 420 heures.

Mme Alice Nakamura: Merci. J'ai du mal à me souvenir des chiffres.

Qu'il soit le même pour tout le monde, tout en tenant compte des taux particuliers de cotisation. De cette manière, les cotisations sont raisonnables et le régime est juste. Avec l'assurance-chômage, la barre a toujours été plus haute, et la situation n'a pas été corrigée quand on a instauré les taux particuliers de cotisation. On aurait pourtant pu le faire.

• 1740

M. Alan Tonks: Quand le projet de loi C-12 a été examiné, ces questions et cette méthode ont-elles été envisagées?

Mme Alice Nakamura: Oui. Presque jusqu'à la fin. Ce nombre si élevé n'a été proposé qu'à la fin, et seulement parce que l'ensemble du projet de loi allait coûter trop cher. C'était une solution facile.

Le congé de maternité n'aurait pas non plus dû être aussi élevé. Il n'y a pas de raison de laisser cela à 700 $. On s'est retrouvé dans la situation délicate où des gens sont imposés, pour payer pour quelque chose qu'ils ne peuvent percevoir.

M. Alan Tonks: Puis-je en conclure que les calculs actuariels du seuil étaient trop élevés, dans l'ensemble?

Mme Alice Nakamura: On n'a pas du tout tenu compte des calculs actuariels. Quand le projet de loi a été adopté, on a dit au groupe de travail—et c'est ce qu'on m'a demandé de dire aux parlementaires et à d'autres, dans mon témoignage—que le taux d'imposition ne serait pas réduit à ce moment-là, parce qu'on voulait mettre au point un régime qui puisse traverser une récession. Il créerait un excédent. Le gouvernement semble avoir ensuite complètement oublié qu'il s'est servi de personnes comme moi pour en convaincre d'autres.

Le président: Bien.

Chers collègues, en votre nom,

[Français]

je veux remercier Ronald Drisdelle du Conseil économique du Nouveau-Brunswick. Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

Ainsi que Alice Nakamura, de l'Université de l'Alberta, que nous remercions pour sa participation.

Compte tenu du nombre de témoins que nous avons reçus, soit près de 60, vous pouvez comprendre que les membres du comité s'intéressent encore de près à la question. Nous vous sommes très reconnaissants de vos témoignages écrits et oraux, ainsi que de vos réponses à nos questions. Merci beaucoup.

Je vais maintenant expliquer ce que nous allons faire à mes collègues et aux autres personnes, ici présentes.

Quand la séance sera levée, nous ferons une pause de 10 minutes et nous commencerons une autre réunion. Je vais vous demander de quitter la salle. Nous travaillerons à huis clos pendant 20 ou 30 minutes, je suppose, sans vraiment savoir. Tout dépend de la discussion.

À la fin de cette discussion, nous reprendrons la séance publique, ici même. Nous passerons alors à l'examen article par article du projet de loi.

La séance est levée.

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