Passer au contenu

FINA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Opinion dissidente

Réponse du Parti néo-démocrate au rapport prébudgétaire du Comité permanent des finances

Sécurité et interdépendance

Les événements du 11 septembre ont créé un sentiment d’incertitude à l’égard de l’économie mondiale qui ne cesse de croître. Le tassement qui s’était déjà amorcé s’est confirmé et pourrait bien être durable. En Amérique du Nord certes, mais aussi en Europe et au Japon le chômage monte et les économistes, qui révisent constamment à la baisse leurs prévisions, craignent une récession mondiale. Avec l’amenuisement de la confiance des consommateurs, il est devenu difficile de trouver un moyen de stimuler la demande pour revitaliser l’économie.

Au cours des cinq semaines qu’ont duré les audiences menées par le Comité un peu partout au Canada, il n’a pratiquement jamais été question de réduction d’impôt ou de remboursement de la dette. Ce qui préoccupe les Canadiens, c’est la sécurité –la sécurité de leur pays et de leurs frontières, la santé de l’économie et la sécurité économique de leur famille et de leur collectivité. Si les attentats du 11 septembre ont eu une signification économique pour les Canadiens, cela a été de leur rappeler que leur sécurité (économique et autre) dépend fortement de celle de leurs voisins. Et, dans le nouveau village planétaire, il ne suffit pas de se fier aux forces du marché pour résoudre tous les problèmes. Le gouvernement a de toute évidence un rôle à jouer. Et ce rôle va bien au-delà des impératifs évidents en matière de sécurité publique, de défense nationale et de services secrets, pour toucher à des questions plus larges de sécurité des personnes et de justice sociale sur notre territoire et ailleurs.

Dans l’immédiat, le gouvernement a pour fonction d’assurer la sécurité économique en établissant les moyens de relancer une croissance qui s’essouffle. Une de nos grandes préoccupations vient de ce que le sort de notre économie repose essentiellement sur la reprise chez nos voisins, où, selon tous les indicateurs, l’économie se détériore encore plus. Aux États-Unis, le chômage connaît son plus haut niveau des cinq dernières années et les pertes enregistrées en octobre à ce chapitre ont été les plus importantes jamais affichées en un mois. Au Canada, le chômage enregistre son taux le plus élevé des deux dernières années et de nouvelles mises à pied sont décidées chaque jour. Plusieurs provinces ont annoncé des compressions des dépenses pour protéger leurs finances publiques et d’autres, menottées par une législation exigeant l’équilibre budgétaire, leur emboîteront le pas, ce qui devrait aggraver le marasme. Les baisses des taux d’intérêt constituent un pas dans la bonne voie, mais, compte tenu des réductions de l’assurance-chômage et de l’aide sociale et de la rupture manifeste du lien entre les contributions du gouvernement fédéral et l’aide sociale, les stabilisateurs automatiques mis en place pour protéger citoyens et collectivités en cas de récession ne jouent plus.

Dans un tel contexte, il est tout simplement déplacé, du point de vue idéologique, d’insister sur l’équilibre budgétaire. Les néo-démocrates estiment qu’il serait beaucoup plus sain du point de vue budgétaire d’équilibrer le budget sur la durée d’un cycle économique;mais, après avoir enregistré plusieurs excédents cumulatifs depuis 1997, cela ne représente plus un problème économique majeur. Cette année, le gouvernement pourra sans doute s’accommoder du ralentissement économique, du fait de sa situation budgétaire, mais, comme le ministre des Finances l’a déclaré en mai « il ne sert à rien de […] dire [aux Canadiens]que le gouvernement se porte bien ».

En fait, cette année, le gouvernement devrait tirer parti de son confortable excédent budgétaire pour rebâtir l’économie de manière à éviter une récession demain.

La nécessité d’une relance budgétaire

Il incombe au gouvernement de faire ce qu’il peut pour adoucir l’effet d’une récession, pour ce qui est des coûts humains et des retombées sur les collectivités, et de veiller à ce qu’une économie qui s’essouffle fasse aussi peu de dommages que possible dans la population et dans les collectivités. Seule une relance budgétaire directe peut créer la croissance nécessaire aujourd’hui.

Le Canada a besoin d’un ensemble de mesures de relance immédiates, de manière à stimuler la demande à court terme pour prévenir une récession plus importante et plus prolongée, ainsi que d’une série de mesures importantes de réinvestissement dans l’infrastructure et les programmes publics, pour améliorer notre appareil de production à long terme. Comme plus d’une centaine d’imminents économistes canadiens l’ont signalé, pour être efficace, ce train de mesures doit représenter environ 1 % du PIB. Les mesures axées sur les ménages à revenu modeste sont les plus aptes à accroître rapidement la croissance et stimuleront bien plus l’économie qu’une accélération des baisses d’impôt. Les investissements dans l’infrastructure sont partagés pour ce qui est des coûts avec les autres ordres de gouvernement et créent beaucoup plus d’emplois que n’importe quelle mesure fiscale. Une hausse rapide des dépenses de l’État est la mesure la plus rentable, à financement égal, et préviendra la récession.

La relance budgétaire devrait se composer des mesures suivantes :

1) Assurance-chômage : Avec la hausse du chômage, de nombreux Canadiens n’auront bientôt plus droit aux prestations, ayant épuisé celles auxquelles ils sont admissibles avant de trouver un autre emploi, ou vivront de prestations de remplacement du revenu tout à fait insuffisantes. Le gouvernement fédéral touche toujours des milliards de dollars de plus en cotisations des travailleurs qu’il ne verse en prestations chaque année. Il faut veiller immédiatement à assouplir les critères d’admissibilité, à allonger les périodes de prestation et à faire en sorte que les formules de partage de poste au sein du système soient plus adaptables et plus répandues.

2) Investissements dans le renouvellement de l’infrastructure : La productivité et la santé à long terme de notre économie dépendent de façon cruciale du renversement de deux décennies de négligence à l’égard de notre infrastructure physique.

Il est prioritaire d’investir massivement dans une Stratégie nationale de logement abordable qui non seulement accroîtrait la sécurité économique et créerait des dizaines de milliers d’emplois, mais remédierait à une grave crise du logement, puisque 2 millions de Canadiens sont sans abri et dans la misère, ou littéralement à un chèque de paye de la misère complète, leur loyer étant si élevé qu’ils ne peuvent se nourrir. Cet investissement s’assortirait d’avantages considérables, puisque la construction résidentielle est un secteur à fort coefficient de main-d’œuvre et crée beaucoup d’emplois en aval en raison de son utilisation intensive de produits et de matériaux canadiens (bois d’œuvre par exemple).

Il faudrait créer un Programme national d’infrastructure écologique pour améliorer les usines municipales de traitement des eaux usées, nettoyer les sites contaminés, moderniser et agrandir les systèmes de transport en commun et rénover les bâtiments municipaux et publics pour qu’ils répondent aux normes plus élevées d’efficience énergétique. Il est essentiel d’appuyer de façon permanente les programmes d’infrastructure et d’accroître les investissements à cet égard si l’on veut assurer aux Canadiens un approvisionnement sûr en eau potable, atténuer le smog dans les villes canadiennes, créer un réseau de transport abordable et orienter l’économie vers des modes plus économes en énergie. Le financement de l’infrastructure annoncé dans le dernier budget était un début, mais il répondait de façon très limitée aux besoins et comportait une vision à trop court terme pour permettre une véritable planification d’un développement soutenable dans nos collectivités. Cette poussée des investissements doit également être appliquée dans le domaine des soins de santé, de la médecine préventive aux soins communautaires et à domicile. Il faut aussi investir davantage pour attirer et conserver infirmières et médecins dans notre pays.

3) Agriculture – À cause de la crise agricole dans les Prairies, les cultivateurs doivent quitter leur terre, les petites agglomérations se détériorent et tout un mode de vie disparaît, de même que la capacité pour la nation d’assurer son propre approvisionnement en alimentation. Cet état de fait est présenté comme le corollaire inéluctable de la mondialisation. Or, en France et aux États-Unis, les agriculteurs reçoivent une aide qui est six fois et quatre fois, respectivement, supérieure à celle qu’obtiennent les cultivateurs canadiens. Les experts, y compris les représentants du ministère de l’Agriculture, ont dit au Comité qu’il était possible, tout en respectant les règles de l’OMC, d’accroître considérablement l’aide aux agriculteurs. Une hausse immédiate de cette aide par l’entremise du CSRN, de sorte que le gouvernement fédéral assumerait les deux tiers des cotisations, représenterait une stabilisation du revenu – fort nécessaire – pour les cultivateurs et consoliderait ce secteur essentiel en ces temps difficiles.

4) Sécurité dans les aéroports – Après les attentats du 11 septembre, les citoyens de toute l’Amérique du Nord s’inquiètent de l’efficacité des mesures de sécurité dans les aéroports et exigent que l’État en assume la responsabilité. Cela contribuerait à rétablir la confiance dans les compagnies aériennes et dans le secteur des voyages, qui sont mis à dure épreuve actuellement. Le gouvernement fédéral devrait investir dans de nouveaux équipements de sécurité, la formation, l’équipement et la rémunération des personnes chargées de la sécurité dans les aéroports.

5) Aide publique au développement (APD)- L’essoufflement de l’économie mondiale nous rappelle cruellement notre interdépendance économique et environnementale. S’il y a des enseignements à tirer des attentats du 11 septembre, il se pourrait bien que ce soit que notre prospérité et notre santé seront sapées si une forte proportion de la population mondiale souffre de pauvreté, de maladie et de désespoir chroniques. Parce qu’il compte parmi les pays les plus riches, le Canada devrait faire plus pour aider le monde en développement. Or, nos niveaux d’aide publique au développement sont les plus faibles jamais enregistrés, puisque nous dépensons à peine 0,25 % de notre PIB à ce titre, alors que depuis des années l’objectif est de 0,7 %. Dans son budget, le gouvernement devrait renouveler son engagement de s’orienter véritablement vers cet objectif.

Les attentats du 11 septembre ont changé notre perception du globe, de l’économie mondiale et de notre sécurité. Que cette prise de conscience nous amène à travailler à un avenir plus égalitaire et plus sûr pour les citoyens du Canada et de la planète tout entière.

Lorne Nystrom

NPD – Porte-parole pour les questions financières

Ottawa, 22 novembre 2001