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FAIT Rapport du Comité

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5 juin 2002

Opinion dissidente
Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux du CPAECI
Rapport sur le renforcement des liens économiques du Canada avec les Amériques

Svend J. Robinson, député

Le Nouveau Parti démocratique ne souscrit pas à ce rapport. Nous croyons que l’expérience de la ZLE et de l’ALENA a été préjudiciable à la population et à l’environnement du Canada, du Mexique et des États-Unis. Il serait terriblement mauvais d’élargir à l’ensemble des Amériques, en appuyant la ZLEA, le pouvoir des entreprises inscrit dans l’ALENA. En outre, nous observons que les Etats-Unis, qui sont le principal acteur économique de l’ALENA, ont démontré à maintes reprises qu’ils ne croient absolument pas au libre-échange. Dans les dossiers du bois d’œuvre, de l’acier, des subventions agricoles et de l’énergie, entre autres, les États-Unis font cavalier seul et agissent au mépris de leur argumentation sur le libre-échange. Un trop grand nombre de citoyens des Amériques souffrent de ces politiques et la ZLEA ne ferait qu’empirer les choses.

Mes collègues néo-démocrates et moi-même reconnaissons et louons le dévouement et le travail ardu des autres membres du Sous-comité, qui ont tenu un grand nombre d’audiences avec un large éventail de témoins importants sur les liens économiques du Canada au sein des Amériques. Nous ne pouvons cependant souscrire au rapport final du Sous-comité en ce qui concerne un certain nombre de points importants. Dans certains cas, nous contestons les conclusions tirées par la majorité, dans d’autres nous estimons que les conclusions du rapport ne traduisent pas exactement les témoignages entendus par le Sous-comité. À l’instar de mes collègues, je tiens à remercier tous les témoins qui ont comparu devant nous. Leurs témoignages nous ont été extrêmement précieux de par leur profondeur et l’éclairage qu’ils ont donné à la question.

Contrairement aux autres membres du Sous-comité, mes collègues néo-démocrates et moi-même ne sommes pas d’accord en principe avec des accords de libre-échange comme l’ALENA et l’ALEA, et nous ne pouvons donc recommander que le Canada cherche à intensifier sa participation au sein d’ententes aussi préjudiciables. Les ZLE sont antidémocratiques en ce sens qu’elles excluent délibérément le contrôle parlementaire de leurs opérations et n’offrent aucune possibilité aux citoyens concernés de se faire entendre, et que leurs décisions sont prises par des tribunaux secrets ayant le pouvoir de passer outre aux lois nationales. C’est peut être acceptable pour des entreprises soucieuses d’obtenir un accès illimité aux marchés mondiaux, mais c’est inacceptable pour ceux qui veulent maintenir la primauté de la souveraineté nationale comme mesure de protection contre un pouvoir corporatif débridé.

Dans son rapport, le Sous-comité a pris quelques mesures tièdes afin de répondre à certaines de ces préoccupations. Toutefois, il ne va pas assez loin. Voici dans quels secteurs clés nous croyons que le rapport de la majorité doit être modifié ou renforcé :

 Le Rapport ne mentionne nulle part la  nécessité urgente pour les ZLE d’inclure des dispositions exigeant explicitement des États membres qu’ils défendent la primauté du droit international touchant les droits de la personne, en particulier dans les situations où les accords commerciaux eux-mêmes entrent en conflit avec des lois internes ou internationales visant à protéger les droits fondamentaux des citoyens. Comme l’a indiqué au Sous-comité Warren Allmand, alors président de Droits et Démocratie, il est essentiel de se rappeler que les droits humains universels inscrits dans les traités de l’ONU englobent le droit au travail, le droit à une juste rémunération, le droit à l’alimentation, le droit au logement ainsi que le droit aux soins de santé et à l’éducation. Trop souvent, ces droits inaliénables ont été négligés ou engloutis dans les ZLE. Comme l’a signalé M. Allmand au Sous-comité, en vertu du droit international tous les États membres des Nations Unies doivent s’assurer que « les droits de la personne prévaudront sur les accords commerciaux » en cas de conflit entre les deux. Mes collègues du NPD et moi-même appelons le gouvernement du Canada à faire passer en premier les gens et l’environnement plutôt que les profits globaux des entreprises.
 Le Rapport recommande que le Canada encourage les autres participants de l’ALEA à appuyer l’ajout, dans le préambule de l’accord, d’une exhortation des partenaires de l’ALEA à respecter les normes minimales du travail au sein de leur juridictions respectives. Nous croyons que cette recommandation est beaucoup trop faible. Le respect des normes internationales du travail doit figurer comme disposition obligatoire dans le corps de tout accord commercial international.
 Le Rapport envisage l’institution des ZLE dans l’hémisphère comme un moyen de promouvoir le développement économique et social et de réduire les écarts de revenus. Nous croyons qu’il s’agit là d’une simplification abusive et dangereuse des effets qu’a eu l’élargissement du commerce au sein des Amériques. D’après le rapport récent d’Oxfam International, intitulé Deux poids, deux mesures : commerce, globalisation et lutte contre la pauvreté, « en Amérique latine, la croissance rapide des exportations a été accompagnée par un chômage en augmentation et la stagnation des revenus. Les salaires minimums réels dans la région étaient plus bas à la fin des années 1990 qu’au début de la décennie. Les preuves […] montrent que les pauvres dans les régions rurales s’en tirent particulièrement mal. » Nous croyons que le commerce peut être efficace pour combattre la pauvreté, mais seulement lorsque les accords commerciaux renferment des dispositions adéquates à l’appui des droits fondamentaux et accordent un traitement favorable aux États membres pauvres. Le simple fait d’ouvrir les marchés de l’Amérique latine au libre-échange n’aurait d’autre résultat qu’une exploitation plus rapide et plus poussée des ressources par les entreprises nord-américaines, ce qui perpétuerait selon toute probabilité la pauvreté de nos voisins de l’hémisphère.
 Le Rapport recommande que le Canada envisage de recourir à des accords parallèles dans les dossiers de la main-d’œuvre et de l’environnement. Pourtant, nous avons pu constater avec l’ALENA que de tels accords annexes ne prévoient aucune mesure efficace d’exécution et ne sont donc que de pure forme. Nous croyons que ces questions doivent occuper une place centrale dans tout accord commercial international et devraient faire l’objet de véritables mesures exécutoires. Les accords environnementaux multilatéraux doivent avoir préséance sur les ententes commerciales.
 Le Rapport recommande que le Canada améliore la transparence des négociations sur le libre-échange ainsi que la participation de la société civile en encourageant activement les gouvernements des Amériques à mener de vastes consultations auprès de leur population et de la société civile. Mes collègues du NPD et moi-même souscrivons sans réserve à cette recommandation. Toutefois, nous observons qu’elle est quelque peu compromise par d’autres recommandations qui indiquent que le Canada devrait mener des campagnes de sensibilisation dans les pays d’Amérique latine et des Caraïbes afin de promouvoir les « mérites du libre-échange en général et de la ZLEA en particulier » et que le Canada « se fasse le champion de la ZLEA ». Nous croyons que le Canada et, de fait, tous les pays, doivent écouter attentivement les points de vue exprimés par la société civile relativement au commerce international plutôt que de simplement suivre les conseils d’entreprises qui ne cherchent qu’à hausser leurs bénéfices. Une campagne de propagande comme celle suggérée dans les recommandations du Rapport ne ferait que compromettre la réponse du gouvernement aux voix de la société civile, et cette recommandation devrait donc être abandonnée.
 Faisant écho au point de vue de nombreux témoins, le Rapport recommande que le Canada ne cherche pas à inclure dans l’ALEA ou tout autre accord futur sur la protection des investissements étrangers, des dispositions sur les différends investisseur-État comme le tristement célèbre chapitre 11 de l’ALENA. Mes collègues néo-démocrates et moi-même appuyons cette recommandation, ayant pu constater les effets dévastateurs des dispositions en question sur la souveraineté des trois pays partenaires de l’ALENA. Toutefois, même en l’absence de telles dispositions, les ZLE créent une menace sérieuse pour la souveraineté nationale et la démocratie. Nous croyons par conséquent qu’il est impératif d’inclure dans tout accord de commerce international des dispositions prévoyant un contrôle parlementaire véritable des opérations et des décisions de l’organe administratif chargé de l’accord.

Ce sont là les principaux points sur lesquels nous croyons que le rapport a besoin d’être renforcé. Notre préoccupation fondamentale a trait à l’érosion de la démocratie, cependant que le pouvoir est transféré des représentants élus qui ont l’obligation de rendre des comptes au public vers des conseils d’administration d’entreprises n’ayant de comptes à rendre qu’à leurs actionnaires.