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NRGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS

COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 mai 2000

• 1856

[Traduction]

Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): Mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte. Je constate que nous avons déjà le quorum autour de la table.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue à nos audiences sur le projet de loi C-11. Aux fins du compte rendu, permettez-moi de lire l'ordre du jour: projet de loi C-11, Loi autorisant l'aliénation des biens de la Société de développement du Cap-Breton et permettant sa dissolution, modifiant la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois.

Nous avons en quelque sorte une table ronde car nos témoins ce soir ont tous quelque chose en commun.

Nous recevons le représentant des United Mine Workers of America, Stephen Drake, qui est président du district 26.

Bienvenue, monsieur.

M. Stephen J. Drake (président, district 26, United Mineworkers of America): Merci.

Le président: Nous recevons le Syndicat canadien de la fonction publique qui est représenté par M. Leo Gracie, vice- président de la section locale 2046.

Je vous souhaite également la bienvenue.

M. Leo Gracie (vice-président, section locale 2046, Syndicat canadien de la fonction publique): Merci.

Le président: Nous recevons l'Association internationale des machinistes et travailleurs de l'aérospatiale au Canada, qui est représentée par M. Ricky Wiseman, président général, section locale 684.

Bienvenue, monsieur Wiseman.

M. Ricky Wiseman (président général, section locale 684, Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale au Canada): Merci.

Le président: Nous recevons les Travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile qui sont représentés par M. Kenneth Greene, vice-président de la section locale 4504.

Messieurs, bienvenue à nos audiences. Nous sommes impatients d'entendre votre témoignage.

Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de présenter un mémoire. Si c'est le cas, très bien. S'il est dans les deux langues officielles, nous le distribuerons très rapidement. S'il ne l'est pas, nous en laisserons des exemplaires de côté et les membres du comité pourront aller en chercher un s'ils le désirent. La greffière s'occupera ensuite d'obtenir les traductions appropriées de façon à ce que les mémoires soient versés au compte rendu dans les deux langues officielles.

L'habitude à notre comité est d'accorder 10 minutes aux témoins pour qu'ils nous présentent leur exposé. Les témoins ne sont pas interrompus au cours de leur exposé, sauf par le président. Nous passons ensuite à un dialogue avec les membres du comité autour de la table.

• 1900

Dix minutes, c'est le maximum. Nous préférons toujours que les témoins prennent moins de temps, car cela laisse ainsi aux membres du comité davantage de temps pour poser des questions; c'est là réellement la fonction de ce genre de comité. Vous pouvez donc utiliser tout le temps qui vous est alloué, mais si vous l'utilisez au complet pour faire un long discours comme je suis en train de le faire maintenant, il en restera moins pour les questions.

Je dirai la même chose aux députés, et je le dirai maintenant. Chaque intervenant dispose de cinq minutes à la fois. Si les membres du comité font un long préambule, il leur restera moins de temps pour la réponse et le président ne sera pas aussi généreux qu'il l'a été cet après-midi.

Je ne mentionnerai aucun nom, madame Dockrill.

Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or—Cape Breton, NPD): Vous serez tout simplement juste et équitable, n'est-ce pas, monsieur le président?

Le président: Non, je ne serai pas équitable. Je ne l'ai pas été la dernière fois; je ne vais pas en prendre l'habitude.

Très bien, messieurs. Je ne sais pas lequel d'entre vous veut prendre la parole en premier. Voulez-vous procéder par ordre alphabétique inversé?

M. Ricky Wiseman: En fait, monsieur le président, chaque représentant syndical voudrait faire une brève déclaration, et M. Drake voudrait vous présenter un exposé plus complet. Nous aimerions tout simplement prendre une minute ou deux pour aborder une question.

Le président: Très bien. Je préfère toujours commencer par ordre alphabétique inversé, pour des raisons plus ou moins évidentes, je pense.

M. Ricky Wiseman: J'aurais de bonnes raisons de vouloir faire la même chose également.

Le président: Oui, j'étais toujours content qu'il y ait quelqu'un dont le nom commençait par un W dans ma classe, je vous l'assure. Allez-y, soyez le premier à prendre la parole, monsieur Wiseman.

M. Ricky Wiseman: Je vais laisser M. Gracie du Syndicat canadien de la fonction publique prendre la parole en premier.

M. Leo Gracie: Bonsoir, mesdames et messieurs.

Je suis le vice-président de la section locale 2046 du Syndicat canadien de la fonction publique. Je tiens à remercier le comité de cette invitation à prendre la parole à ses audiences.

Tout d'abord, le Syndicat canadien de la fonction publique n'est pas en faveur de changements à la Loi sur la SDCB qui laisseront les employés qui travaillent dans le secteur houiller sans aucun recours ni protection dans l'éventualité d'une rationalisation future dans le secteur houiller.

Bien que Devco et le gouvernement fédéral aient annoncé que 519 emplois seraient maintenus dans la nouvelle entreprise, il n'existe aucune garantie écrite que ces emplois seront là à long terme. Par conséquent, les employés qui travailleront au sein de la nouvelle entreprise n'auront aucune protection, et le gouvernement fédéral n'assumera aucune responsabilité.

Monsieur le président, voilà essentiellement ce que pense le Syndicat canadien de la fonction publique. Je voudrais maintenant laisser le reste du temps qui m'est alloué à Steve Drake qui au cours de son exposé vous fera part des autres préoccupations des membres du Syndicat canadien de la fonction publique qui travaillent pour Devco.

Merci beaucoup.

Le président: Allez-y, Rick.

M. Ricky Wiseman: Je suis le président général de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale au Canada. Je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est donnée d'être ici. Pour être bref et étant donné les limites de temps que vous nous avez imposées, j'aimerais aller immédiatement au coeur du problème.

Une des questions que je veux aborder est celle de l'intention de la loi initiale sur la Société de développement du Cap-Breton. Comme vous l'avez fait, j'en suis certain, j'ai moi aussi lu le procès-verbal et le débat sur la question parlementaire—de sorte que vous comprendrez qu'à l'époque il s'agissait d'une entente unilatérale entre les trois parties et qu'il était dans l'intérêt du gouvernement fédéral et de l'île du Cap-Breton que cette loi soit promulguée.

Je suis certain que vous conviendrez avec moi que lorsque la loi a été promulguée, il s'agissait d'une loi éclairée d'une grande portée...

Le président: Selon le parti qui était au pouvoir, vous savez, mais...

M. Ricky Wiseman: Pardon?

Je crois que c'est votre parti qui l'a promulguée.

Est-il membre de ce parti?

Une voix: Oui, il l'est.

M. Ricky Wiseman: Quoi qu'il en soit, nous y arriverons dans une minute.

Le président: Vous n'avez pas à faire l'historique...

M. Ricky Wiseman: Vous êtes intervenu.

Des voix: Oh, oh!

M. Ricky Wiseman: À l'époque, la loi a été adoptée afin de protéger les travailleurs d'une région défavorisée sur le plan économique qui avait fourni un service de très grande valeur au reste du Canada lorsque ce dernier en avait besoin. L'intention de la loi n'était pas uniquement dans son libellé; la loi a été promulguée avec une intention spécifique.

Il n'est pas nécessaire que je cite le premier ministre Pearson ou la déclaration de M. Pepin sur le débat concernant cette loi pour que vous en compreniez l'intention, car je suis certain que vous êtes tous au courant du débat qui a eu lieu sur la question.

Si ce n'est pas le cas, alors de toute évidence vous ne devriez pas faire partie de ce comité et, plutôt que de dire que ce sont les travailleurs miniers du Cap-Breton qui sont un fardeau pour les contribuables, je dirais que c'est plutôt vous qui l'êtes si vous ne connaissez pas bien le débat sur la question et l'intention de la loi. Voilà ce que je veux dire.

• 1905

Tout changement ou toute modification au paragraphe 17(4) serait à mon avis un manquement à votre devoir et, en fait, un véritable affront pour nos ancêtres qui ont eu la clairvoyance et l'intégrité de promulguer une loi si importante.

Il importe que vous ne traitiez pas cette question à la légère. Votre comité a été saisi de la question et il est important que vous ne la traitiez pas à la légère. La loi n'a pas été adoptée à la légère à l'époque, et de toute évidence on lui avait accordé beaucoup d'importance étant donné la situation de la région dont nous venons. Il est important que vous traitiez cette question avec tout le sérieux qu'elle mérite.

Je ne veux pas prendre trop de temps, car Steve a un long exposé à faire, mais j'aimerais également traiter des répercussions qu'ont ces modifications législatives sur les personnes qui cotisent à un régime de pension. Je ne sais pas si vous relevez tous de la Loi sur la pension de retraite dans la fonction publique, mais certains de nos membres qui travaillent à la Société de développement du Cap-Breton y sont assujettis. Dans cette loi, il est dit que si l'on n'est pas au service du gouvernement à l'âge de 50 ans, les prestations sont diminuées de 50 p. 100. Le gouvernement libéral, dans sa grande sagesse, a jugé bon d'adopter un texte de loi lui permettant de faire main basse sur l'excédent du fonds de pension de la fonction publique.

Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'il y a des gens qui ont passé plus de 20 ans à travailler dans les mines et qui ont cotisé à un régime de pension, dans le but de prendre leur retraite en vivant de façon honorable et en toute sécurité. Le gouvernement a jugé bon de puiser dans leur excédent, mais il a fixé une limite en disant que si ces personnes n'étaient pas au service du gouvernement à l'âge de 50 ans, leurs prestations de retraite seraient diminuées de moitié.

Il y a aussi un autre problème. J'ai écrit au Conseil du Trésor à ce sujet et n'ai pas obtenu de réponse—je ne sais pas si quelqu'un ici appartient au Conseil du Trésor. Il y a le problème de l'exemption de la réduction de pension visant les personnes qui proviennent de régions défavorisées ou qui font l'objet de compressions d'effectifs, et en vertu de ces dispositions il est possible de lever les limites en vigueur à un certain âge. J'ai écrit au Secrétariat du Conseil du Trésor qui m'a répondu que cette possibilité n'existe plus. S'il existe une situation qui justifie une telle possibilité, c'est bien celle-ci. Je demande donc à votre comité d'y réfléchir car je pense qu'il y a là un besoin particulier de faire exception.

Je m'en tiendrai là en attendant les questions. Je vais céder le temps qu'il me reste, s'il y en a—je ne pense pas avoir pris trop de temps—à M. Drake.

Le président: Monsieur Greene.

M. Kenneth Greene (vice-président, section locale 4504, Travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile): Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, merci de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.

Je suis le vice-président de la section locale 4504 du Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile, et je représente aujourd'hui la section.

La section locale 4504 de notre Syndicat et le bureau national s'opposent à l'article du projet de loi C-11 qui porte sur le déclenchement des procédures juridiques. Dans les paragraphes 3(1) et 3(2), on trouve des termes comme «procédures judiciaires», «obligations» et «engagements». Ces procédures judiciaires peuvent être intentées contre Sa Majesté (qui) «prend la suite de la Société, au même titre et dans les mêmes conditions que celle-ci».

Notre section locale et le bureau national des TCA-Canada estiment que, pour plus de clarté et par souci d'équité, cet article devrait prévoir également une «procédure d'arbitrage» et «des poursuites devant un tribunal». Ce sont là les principales options juridiques des groupes de travailleurs syndiqués. Si l'on exclut ces possibilités du projet de loi C-11, on viole les droits des travailleurs garantis par le Code du travail.

Les TCA estiment également que le projet de loi est prématuré et que sa proposition aurait dû être différée en attendant le résultat de l'arbitrage en cours.

Merci, monsieur le président. Je tiens moi aussi à céder le reste de mon temps à M. Drake.

Le président: D'accord, monsieur Drake. Vous êtes le porte- parole désigné de tout le monde.

M. Steve Drake: Merci beaucoup. C'était prévu.

Je suis le président du district 26 des United Mine Workers of America, dont les bureaux se trouvent en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick.

J'ai écouté plus tôt le ministre Goodale et M. Shannon, président du conseil d'administration de Devco. Ils ont fait certaines déclarations qui sont à mon avis contraires à toute logique et au bon sens.

Nous parlons ici du projet de loi C-11 et des modifications qui vont être apportées et qui auront, selon nous, une énorme incidence sur les travailleurs que nous représentons chez nous. M. Goodale a passé brièvement le projet de loi en revue en disant en quelques mots qu'il n'aura que des répercussions mineures. Le ministre Goodale a dit que ces changements d'ordre administratif s'imposaient.

Je tiens à vous dire d'emblée que rien ne saurait être plus loin de la vérité que cette déclaration. Les articles 17 et 18 de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton ont une très grande portée, et revêtent une grande importance pour ce qui est de la protection des employés à long terme.

• 1910

Les articles 17 et 18 ont été mentionnés dans un énoncé de principe du Premier ministre du Canada, Lester B. Pearson, le 29 décembre 1966. Si vous le permettez, j'aimerais vous en citer un extrait:

    Le gouvernement fédéral se rend compte que le problème des houillères du Cap-Breton est essentiellement d'ordre social. C'est parce qu'il est sensible au bien-être des travailleurs et de leurs collectivités, dont il se préoccupe, que le gouvernement fédéral est prêt à faciliter, sur une très grande échelle, la transition entre la dépendance à l'égard d'une ressource naturelle en voie d'épuisement et une solide base économique...

Puis il ajoute, un peu plus loin dans le même document, que, en conséquence,

    La société d'État sera tenue d'examiner de près toutes les mesures nécessaires pour une adaptation sans heurts, notamment la mise en oeuvre d'un programme généreux de départs anticipés...

Le président: Veuillez m'excuser, monsieur Drake. Je vous demanderais de ralentir car vous parlez trop vite pour nos interprètes.

M. Steve Drake: Je peux ralentir à condition d'avoir suffisamment de temps pour terminer ce que j'ai à vous dire, si vous le voulez bien.

Le président: Vous devrez me faire confiance sur ce point.

M. Steve Drake: D'accord.

Le président: En fait, si vos observations sont dignes d'intérêt, il faut leur donner le temps de...

M. Steve Drake: C'est la raison de notre présence, monsieur le président.

Le président: D'accord, mais il faut leur permettre de traduire vos observations pour que tous les membres du comité en profitent.

Très bien, monsieur Drake, veuillez m'excuser, nous vous écoutons.

M. Steve Drake: Il n'y a pas de problème, c'est compréhensible.

Revenons-en aux propos du Premier ministre de l'époque:

    La rationalisation des mines sera fonction du succès de la mise en place de nouveaux secteurs d'activité industrielle. La société d'État aura l'ordre d'examiner de près les mesures nécessaires pour faciliter une adaptation sans heurts, notamment la mise en oeuvre d'un régime généreux de départs anticipés à la retraite pour les mineurs...

comme le recommande M. Donald.

Or, pour ce qui est des articles 17 et 18 de la loi, Devco avait reçu un mandat du gouvernement fédéral, lequel était en deux volets: d'une part, diversifier l'économie du Cap-Breton et d'autre part, s'occuper des travailleurs.

En 1967, on a repris 6 500 travailleurs de la compagnie charbonnière privée Dosco qui sont passés chez Devco, relevant ainsi du gouvernement fédéral. Au cours des 33 ans d'existence de Devco, la compagnie a employé environ 9 000 personnes—et ces chiffres proviennent du rapport annuel de la Société, de sorte qu'ils sont assez exacts. En vertu des articles 17 et 18 de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton, les gouvernements fédéraux du Canada qui se sont succédé ont offert des prestations de retraite à plus de 7 500 personnes sur ce total de 9 000. Ceux qui restent sont les gens qui sont encore là aujourd'hui.

Ce matin, le ministre Goodale a dit qu'il y aurait environ 500 emplois disponibles. Il a dit qu'il ne pouvait pas citer de chiffre précis. Nous attendons maintenant une annonce du gouvernement fédéral relative à 340 pensions, 650 indemnités de cessation d'emploi, 68 millions de dollars en fonds de développement économique, et 8 000 $ d'allocation de formation, ce qui est tout à fait insuffisant et injuste, si l'on tient compte de ce que Devco a fait au cours des 33 dernières années.

Depuis 33 ans que la Société existe, si l'on pense à l'application de l'article 17... Je vais parler essentiellement des articles 17 et 18 car le projet de loi C-11 vise à les supprimer de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton et, contrairement à l'opinion exprimée par le ministre Goodale selon laquelle c'est une mesure purement administrative, il s'agit de la garantie du gagne-pain des travailleurs en vertu de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton.

En 1974, la Société a cessé ses compressions d'effectifs. Elle était censée réduire ses activités et se retirer du charbonnage d'ici 1981. En 1974, elle a officiellement mis fin à cela. Tom Kent, qui était président de la Société à l'époque, a déclaré ce qui suit dans un communiqué de presse de la Société de développement du Cap-Breton:

    La Société et les syndicats ont convenu que dans l'éventualité peu vraisemblable où un changement de circonstances nécessiterait de nouveau une compression des effectifs, le congé de préretraite soit rétabli. Par ailleurs, une prestation temporaire de congé de préretraite sera versée si, en raison de problèmes particuliers, il fallait licencier des travailleurs pendant une période supérieure à la durée des prestations d'assurance-chômage et de vacances payées.

• 1915

Encore une fois, même lorsque la Société recrutait, le mandat du gouvernement fédéral de 1967 a été maintenu. On disait: «S'il se passe quoi que ce soit à l'avenir, on réduira les effectifs par des retraites anticipées.» C'est ce que montre tout l'historique de Devco: chaque fois que Devco a réduit les effectifs, elle a procédé exclusivement par des retraites anticipées. Devco n'a pratiquement jamais fait ce qui a été annoncé le 28 janvier 1999. Par cette annonce, Devco a pris un virage à 180o, et nous considérons que c'est parfaitement injuste.

Le ministre Goodale—ou Bob Lomas—a fait une déclaration sur l'alinéa 17(4)b). Il a dit deux choses. Il a dit tout d'abord que la question était réglée dans la convention collective. J'ai participé à la négociation de cette convention collective. Ce n'est pas notre convention. Elle ne nous couvre pas dans l'éventualité où les paragraphes 17(4) et 18(2) seraient éliminés de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton par le projet de loi C-11.

Cela ne figure pas dans la convention collective. Le ministre Goodale se trompe; je ne sais pas s'il le fait délibérément ou non, mais ce sera au comité d'en décider.

Cela ne figure pas dans notre convention collective. Elle ne garantit rien à personne après la privatisation de Devco. Elle ne garantit pas un seul emploi. Elle garantit les droits du successeur de Devco, mais si celui-ci emploie 500 personnes de moins, il y aura 500 personnes sans travail.

La suppression de la division du développement industriel—c'est ce dont a parlé le ministre Goodale—qui avait un mandat de développement économique n'atténue en rien la responsabilité du gouvernement quant au bien-être des employés de la Société. Il est évident que l'alinéa 17(4)b) vise à prévenir les préjudices dont souffrent ou dont vont souffrir les employés de la Société. L'abrogation de l'article 17 va permettre au gouvernement d'éviter ses responsabilités législatives et sociales envers les employés de Devco qui ne pourront bénéficier d'une retraite anticipée dans le cadre de l'annonce de la fermeture du 28 janvier 1999. À défaut de l'alinéa 17(4)b), ces employés n'ont aucune protection.

Les gens dont nous parlons, les gens que le gouvernement et Devco essaient d'écarter ou de revendre à la nouvelle société, sont les employés qui ont le plus d'ancienneté. Les 500 ou 519 postes imaginaires de cette nouvelle société correspondent à des employés de longue date qui ont toujours travaillé pour cette Société. Ils ont plus d'ancienneté que la plupart des 7 500 employés qui ont déjà obtenu des prestations de retraite. À notre avis, c'est injustifiable. L'un des employés en question travaille pour la Société depuis 31 ans.

On n'insistera jamais assez sur l'importance de l'alinéa 17(4)b) et du paragraphe 18(2). Nous estimons que si le comité ne fait qu'une recommandation, elle devrait porter sur le maintien de l'alinéa 17(4)b) et du paragraphe 18(2) de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton pour protéger les employés.

M. Shannon et le ministre Goodale ont parlé avec éloquence des plans quinquennaux et des causes géologiques des échecs. En réalité, nous avons affaire à M. Shannon et à M. Goodale depuis des années et, si vous me le permettez, voici ce qu'a dit M. Shannon de la première période quinquennale de 1990 à 1995—tous ces chiffres figurent dans les documents, du reste. Il a dit que Devco avait un plan quinquennal approuvé par le gouvernement fédéral, que c'était le plan du gouvernement fédéral. Devco a fait en moyenne, sur les cinq ans compris entre 1990 et 1996, environ 235 millions de dollars de revenu par an. En 1993, elle a atteint un revenu de 266 millions de dollars.

Voici un extrait de l'un des rapports annuels de Devco que j'ai ici:

    Les états de la Société pour la période de cinq ans ont indiqué que celle-ci suivait un plan à long terme visant à maintenir ou à étendre la clientèle et les marchés d'exportation, à capitaliser les économies d'échelle et qu'ils envisageaient une expansion à la mine Donkin.

C'est ce que souhaitait faire la société en 1995. Dans son rapport annuel au Parlement, le président de la Société, Ernie Boutilier, déclarait en 1995:

    Le programme d'autonomie a remporté un très grand succès et nous sommes maintenant en mesure de nous passer des subventions du gouvernement fédéral.

• 1920

Le gouvernement a accepté cela. Ce rapport a été présenté au Parlement. Le Conseil du Trésor l'a accepté.

Pour ce qui est du plan quinquennal qui, d'après nous, est responsable de l'effondrement du charbonnage, le gouvernement fédéral a adopté un plan qui était, au départ, voué à l'échec. Cela fait partie du domaine public. On en trouve la trace dans les délibérations du Sénat; nous avons consulté les procès-verbaux du Sénat de 1996 et 1997. Le 12 avril 1995, le président de Devco, Ernie Boutilier, a déclaré ce qui suit:

    La Nova Scotia Power a unilatéralement fixé pour le charbon des prix qui ne tiennent pas compte des coûts de production de la Société de développement du Cap-Breton. Ce faisant, la Nova Scotia Power a mis la SDCB dans une situation très délicate. La Société n'a pas le pouvoir d'emprunter auprès du secteur privé et doit trouver à l'interne tout son financement. Nous dépendons donc entièrement des recettes de nos ventes pour payer nos dépenses courantes et, par conséquent, si la Nova Scotia Power maintient ses prix, la SDCB se trouvera sous peu dans une crise financière.

Sur la foi de cette déclaration et à cause des diminutions unilatérales des prix, la Société de développement du Cap-Breton a entamé, le 18 avril 1995, une poursuite judiciaire devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse. La principale allégation de cette poursuite était que pour accéder à l'exigence de la Nova Scotia Power, la Société de développement du Cap-Breton devrait modifier en profondeur ses opérations commerciales et encourir des frais importants de fermeture.

Premièrement, donc, la SDCB ne serait pas en mesure de respecter ses obligations financières; elle connaîtrait une crise financière. Deuxièmement, la Société devrait faire face à des coûts importants de fermeture si son recours devant les tribunaux ne produisait pas les résultats escomptés et si la Nova Scotia Power obtenait la réduction qu'elle demandait.

En septembre 1995, le conseil d'administration nouvellement formé de la SDCB et le gouvernement du Canada ont approuvé cette réduction: nous avons perdu 30 millions de dollars de revenu. La Société s'est trouvée dans une situation catastrophique qui correspondait à ce qui avait été allégué dans la poursuite judiciaire.

Le gouvernement fédéral a ensuite adopté un plan intitulé «Au- delà de l'an 2000». Nos employés et tous nos syndicats ont dit que ce plan était voué à l'échec et nous avons exercé des pressions pour qu'il ne soit pas mis en oeuvre. À la suite de ces pressions, la Société John T. Boyd, une éminente société d'ingénieurs américaine, a élaboré le plan pour le gouvernement du Canada. Il en a coûté 500 000 $ aux contribuables. Je viens de lire un extrait du rapport Boyd. J'en ai un sous les yeux et j'aimerais le donner à votre greffière, si vous me le permettez.

L'étude d'ingénierie Boyd a été commanditée par le gouvernement fédéral. Cette étude a coûté 500 000 $ et visait à évaluer la viabilité à long terme du secteur du charbonnage au Cap- Breton. L'équipe Boyd recommandait une réduction de 34 p. 100 de l'effectif, des systèmes d'exploitation à entrée multiple, le boulonnage du toit et la mise en place d'une bonne structure de gestion de l'entreprise de charbonnage. Le rapport Boyd insistait sur ce qui suit:

    ... le fait que la mine soit exploitée sous la mer impose des limites particulières, et il y a certaines anomalies géologiques, mais rien n'empêche les mines de Prince ou de Phalen...

Je répète: «rien n'empêche les mines de Prince ou de Phalen».

    ... d'être exploitées de façon moderne et très productive.

Au titre du total des coûts, la Société de développement du Cap-Breton devait être rentable dès 1999-2000, c'est-à-dire durant le dernier exercice financier. Cela se trouve dans le document à l'endos de notre document bleu. Il s'agit de l'estimation des coûts de production dans le scénario commercial 3 de la Société de développement du Cap-Breton, que ni M. Shannon ni M. Goodale ont mentionné ce matin, pour une raison quelconque.

Tout au bas de ce document, on donne des calculs très détaillés—faits par les meilleurs spécialistes du monde—quant aux pertes et profits. Si vous allez à la colonne de l'exercice 1999- 2000, vous constaterez que malgré tous les problèmes que nous avons connus à la houillère Phalen et même si cette exploitation se trouvait à cinq milles et demi ou six milles sous l'océan Atlantique, malgré les anomalies géologiques, malgré les dégagements de pierres, de légères infiltrations d'eau et des problèmes de contrôle du toit, malgré tout cela, la Société John T. Boyd offrait au gouvernement du Canada les outils dont il avait besoin pour rétablir notre industrie.

Ce plan montrait au gouvernement du Canada que nous pouvions faire un profit de quelque 26 millions de dollars en 1999-2000, de 54 millions de dollars en 2000-2001, soit l'exercice en cours, et de 64 millions de dollars l'année d'après.

• 1925

C'est pourquoi je dois vous dire que ce que M. Shannon et M. Goodale ont dit ce matin était hautement étrange et inexact—et le gouvernement fédéral a rendu public ce document.

Si vous regardez à la page 14—je ne suis pas sûr qui a le document—, vous verrez que les responsables de la SDCB, sur l'avis du conseil d'administration actuel, ont témoigné à des audiences sénatoriales pour défendre leur plan. À leur comparution, ils ont étalé de nombreuses statistiques sur la table et ils ont annoncé qu'en 1999-2000 ils allaient faire un profit. Lors des audiences sénatoriales, M. Shannon a dit, et je cite:

    Nous devions élaborer un plan qui soit suffisamment modeste et crédible aux yeux des responsables à Ottawa; il fallait qu'il soit réalisable et soutenable, mais il fallait aussi qu'il ait suffisamment de mordant pour nous permettre de continuer à exploiter les mines de charbon.

C'était une citation de Joe Shannon, qui parlait d'un plan sur un horizon de cinq ans après l'an 2000. Il l'a dit et répété à trois ou quatre reprises. Pour sa part, le sénateur Ghitter a dit:

    Il me semble que vos propos s'appuient sur des postulats non vérifiés. Je ne vois rien dans les documents que j'ai lus jusqu'à présent qui les étayent. À moins que quelque chose ne m'échappe dans ce contexte, j'ai l'impression qu'on prend ses rêves pour des réalités.

Le syndicat des United Mines Workers of America, partageant son scepticisme évident, a exhorté le gouvernement du Canada à nommer un organisme de vigilance indépendant pour tenir la Société en laisse. Nous croyions que ce plan ne marcherait pas; il était voué à l'échec depuis le début. La réponse du gouvernement fédéral a été très condescendante. Le gouvernement fédéral ne nous a pas écouté et ne nous a pas donné un organisme de vigilance, et c'est pourquoi nous nous retrouvons aujourd'hui avec un plan qui est un lamentable échec.

Les résultats qui ont découlé du plan de Devco sont la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. La Société avait les outils nécessaires, le gouvernement fédéral avait le plan qu'il fallait, et on disposait du personnel nécessaire. Nous exploitons des mines de charbon depuis trois siècles et personne au monde ne peut le faire mieux que nous. Les résultats que je vais vous citer proviennent des rapports annuels de la Société, de ses documents internes et de ses effectifs qui sont encore en fonction aujourd'hui, et ces renseignements couvrent la période entre 1996 et 2000, période pour laquelle la Société avait fait toutes ces belles projections.

Recettes provenant de la vente du charbon: les recettes ont atteint pendant une année 188 millions de dollars. L'année dernière, soit 1999-2000, la Société a produit 638 000 tonnes de charbon—ni plus, ni moins. C'est ce qu'on a extrait de deux mines de charbon. La mine de Phalen a été opérationnelle et celle de Prince l'a été pour une partie de cet exercice: 638 000 tonnes. Le document secret provenant de Nesbitt Burns que personne n'est autorisé à voir, c'est-à-dire le document de vente, montre qu'en 1998-1999, le prix moyen du charbon que la Société a reçu de la Nova Scotia Power était de 66,69 $ la tonne. Si on multiple ce 66,69 $ la tonne par les 638 000 tonnes que la Société a produites l'année dernière, on obtient le total des recettes réalisées l'année dernière, soit 41,6 millions de dollars—en soustrayant tout stock de l'année précédente que la Société aurait pu reporter pour je ne sais quelle raison. C'est de loin le pire rendement dans l'histoire de cette Société. On est arrivé à 158 millions de dollars en deçà des projections faites par les responsables de la SDCB qui sont allés voir le gouvernement fédéral pour dire qu'ils avaient un plan qui allait marcher. C'est ce qu'ils ont dit au Sénat. Ils ont clairement dit qu'ils étaient en mesure de mettre sur pied une équipe de gestion qui pouvait concrétiser ce plan.

Pourtant, ils ont raté la cible de 158 millions de dollars. Si cette erreur ne mérite pas l'attention du comité et me mérite pas mieux que ce qu'on a entendu M. Goodale et M. Shannon dire ce matin, c'est qu'il y a vraiment quelque chose qui cloche.

Si vous regardez la page suivante, la page 15, vous trouverez—je ne sais pas si tout le monde a une copie de ce document—le sommaire des recettes, qui est très clair. Ces recettes représentent ce que la Société produira cette année, soit en 1999-2000. Le total sera peut-être plus élevé, si l'on tient compte des stocks dont la Société dispose déjà. Or la production réelle de charbon n'atteindra même pas 42 millions de dollars. C'est horrible. Nous sommes tous des Canadiens, et nous avons fait tout ce qu'il nous était possible de faire pour sauver ce secteur; nous avons notamment prévenu le gouvernement fédéral en 1995 et 1996 que ce plan ne marcherait pas.

Il est facile de nous pointer du doigt et de dire que nous sommes en train de pleurer sur notre sort. Mais il s'est passé quelque chose au sein de cette Société, et nous croyons que cela mérite une enquête publique. Nous avons fait tout ce qu'il nous était possible de faire. Contrairement à ce que certains ont laissé entendre ici ce matin, à savoir qu'il n'y avait pas de risque... Allez donc le dire à un mineur—ou à sa famille—qui doit aller sous terre dans la mine de Phalen pour réparer les dégâts causés par les éboulements de toit. Ces éboulements de toit qu'on aurait pu absolument éviter, puisque le rapport du conseil d'administration et les pratiques minières établies à l'échelle mondiale donnaient à la Société les outils nécessaires pour les arrêter, produire suffisamment de tonnage par année pour être rentable cette année, l'année prochaine et celle d'après.

• 1930

Nous croyons que le projet de loi C-11 sonne le glas de la responsabilité du gouvernement. Le gouvernement veut se laver les mains de notre secteur, pour aucune raison apparente si ce n'est qu'il veut se retirer. Quelqu'un se demandait ce matin pourquoi agir si vite—je pense que la personne en question n'est plus là. «Pourquoi cherche-t-on à faire adopter ce projet de loi à toute vitesse?», a-t-il demandé.

Pourquoi une telle hâte? Je vous le demande.

À l'heure actuelle, on exploite une seule mine de charbon, et le document que j'ai ici, le document de vente strictement secret et confidentiel que Nesbitt Burns a rédigé, contient, à la page 68, un sommaire des projections financières des opérations. On peut y lire que pour les années 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004, la mine de Prince produira entre 1,1 million et 1,2 million de tonnes de charbon. L'année dernière, cette même mine produisait 468 000 tonnes de charbon, ni plus, ni moins, soit le tiers. Devco fait des projections à l'intention d'une entreprise étrangère qu'elle veut inciter à venir acheter une mine de charbon qui, en principe, devrait produire 1,2 million de tonnes par année.

S'il faut employer 500 personnes—et M. Shannon a indiqué ce matin qu'il faut compter 50 000 $ par personne—, le coût de la main-d'oeuvre sera extrêmement élevé. Si la mine en question se heurte à une difficulté quelconque, quelque chose qui l'empêche de maintenir sa production... La mine de Prince a une capacité de production maximale d'environ 1,2 million de tonnes, et non de 1,5 million de tonnes comme l'a laissé entendre M. Shannon ce matin. S'il y a un problème quelconque, ces 500 mineurs imaginaires se retrouveront dans la rue. Ils n'auront plus d'emploi. Si cela devait arriver et que le projet de loi C-11 est adopté tel quel, c'est-à-dire sans changement, ni amendement...

Une voix: Sans contestation.

M. Steve Drake: ... sans contestation, et que les articles 17 et 18 sont supprimés de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton, ces mineurs n'auront plus du tout de protection.

Je mets M. Shannon, M. Buchanan, Bob Lomas—est-ce qu'il me manque quelqu'un d'autre?—et le ministre Goodale au défi de trouver dans notre convention collective ou dans n'importe quelle autre convention collective une protection comme celle dont on jouit les 7 500 travailleurs qui ont pris leur retraite anticipée au cours des 33 dernières années. Nous n'avons rien de tel. Dès que cette mine sera privatisée, qu'importe s'il y a une obligation du successeur, nous n'aurons plus la protection que nous garantissait la loi.

Le président: En attendant que vous repreniez votre souffle, monsieur Drake, je vous demanderais de remettre au comité la convention collective et le document que vous avez cité...? Notre attaché de recherche...

M. Steve Drake: Je peux vous donner cette copie. Vous pouvez la garder.

Le président: Qu'en est-il de l'autre que vous lisiez tout à l'heure?

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Monsieur le président, je pense que cela...

Le président: Non, le document secret.

M. Steve Drake: Ah, le document secret...? Je ne peux pas vous donner cette copie, mais vous pouvez en faire une photocopie.

Le président: En fait, c'est ce que j'entendais par en faire une copie. Vous pouvez nous la remettre, et nous en ferons une copie...

M. Steve Drake: Ça ne vous dérangera pas si c'est Michelle qui vous la remet?

Le président: En fait, oui, car ce sont souvent les gens qui viennent témoigner devant le comité qui nous remettent les documents.

M. Steve Drake: Étant donné que je n'ai qu'une seule copie... Je ferai en sorte que le comité en reçoive une.

Le président: Si vous nous donnez le document, nous vous le rendrons. À moins que vous ne vouliez le citer maintenant...?

M. Steve Drake: Oh, vous le voulez maintenant?

M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Monsieur le président, j'invoque le Règlement...

M. Steve Drake: En fait, j'en ai encore besoin pour deux secondes.

Le président: Pas de problème.

Monsieur St. Denis.

M. Brent St. Denis: J'invoque le Règlement. Sauf erreur, ce document n'appartient pas vraiment au témoin. C'est un document sur les transactions entre la Société et des acheteurs potentiels, n'est-ce pas? Si tel est le cas, je ne sais quelle procédure nous permet de demander à un témoin de déposer un document confidentiel.

Le président: Là n'est pas la question, monsieur St. Denis. Votre argument est tout à fait pertinent, mais il reste que le témoin cite un document dont il est le seul à avoir une copie. À part Mme Dockrill, les autres membres du comité ne semblent pas pouvoir se référer à ce document, et nous avons pour habitude de verser au dossier toutes les pièces citées. Si M. Drake a ce document personnel en sa possession et qu'il ne veut pas nous le communiquer...

M. Steve Drake: Je vais vous donner celui-là. Je peux m'en procurer un autre.

Le président: ... cela le regarde, mais ce n'est pas à lui...

M. Steve Drake: Monsieur le président, je peux vous donner celui-là.

Mme Michelle Dockrill: Monsieur le président, j'invoque le Règlement...

Le président: Sur le même point?

M. Brent St. Denis: Monsieur le président, je crois que nous pourrions nous retrouver en terrain très dangereux. Je ne suis pas sûr... Pourrais-je demander au témoin s'il est sous le coup d'un accord de confidentialité concernant ce document? A-t-il signé...?

• 1935

C'est un peu comme si... Je ne prétends pas... Je pèse avec soin les mots que j'utilise. Si le document en question a été acquis par des moyens officieux et que c'est un document confidentiel concernant des personnes qui ne sont pas présentes, n'est-il pas pour le moins, très délicat, de verser ce document...? Nous sommes peut-être protégés par une certaine immunité, mais je ne suis pas certain qu'il en aille de même pour les témoins. Je crois qu'il faudrait agir avec la plus grande prudence. C'est tout.

Le président: Avant de vous répondre, je crois que Mme Dockrill a aussi invoqué le Règlement.

Mme Michelle Dockrill: Je crois que notre comité devrait demander ce document au ministre, puisqu'il concerne la vente de la Société, et que ce document est actuellement entre les mains du conseil d'administration et du ministre fédéral. Je dois dire que je suis d'accord avec M. St. Denis. Notre comité devrait le demander au ministre.

M. Brent St. Denis: Monsieur le président...

Le président: Un instant.

M. Peter Mancini: Monsieur le président, je vous remercie de votre indulgence.

Je crois que c'est très important et je crois que vous avez tout à fait raison de dire que les membres du comité devraient avoir une copie de ce document, puisqu'il a été cité. Je ne sais si, juridiquement, M. Drake peut nous le communiquer. Je crois que nous devrions faire le nécessaire pour nous assurer qu'il est protégé, mais notre comité a certainement—je peux me tromper—mais je crois que notre comité a le pouvoir de demander au ministre de déposer ce document, ce qui éviterait tout problème et garantirait aux membres de notre comité chargés, en fin de compte, d'examiner cette question d'avoir en main tous les documents pertinents.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Mancini.

Je vais me renseigner. Si je suis intervenu, monsieur St. Denis, c'est pour la simple raison que lorsqu'un témoin présente des informations auxquelles il est le seul à avoir accès et que le reste des participants est privé du contexte, alors... Notre comité ne peut examiner ces informations que dans leur contexte global. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé le dépôt de ce document.

Or, vous avez parfaitement raison. Si ce document est celui qui a été cité lors d'une autre réunion de ce comité consacrée à l'entente de confidentialité, j'estime que nous serions fort avisés d'agir en conséquence.

M. Drake a cité un passage précis de la page 68, et je crois que nous pouvons faire une copie de cette page pour pouvoir nous y référer. Nous réglerons ensuite le reste de la question en temps opportun.

Cela n'invalide en rien votre excellente suggestion, monsieur Mancini.

Monsieur Cardin, sur le même rappel au Règlement.

[Français]

M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Vous savez que les règles du comité exigent que les documents soient dans les deux langues officielles. D'ailleurs, je pense qu'il y a des documents qui circulent. Je suis arrivé en retard, mais...

[Traduction]

Le président: J'en ai déjà parlé.

[Français]

M. Serge Cardin: ...je suppose qu'ils sont complètement en anglais.

[Traduction]

Le président: J'en ai déjà parlé, monsieur Cardin—merci beaucoup—avant votre arrivée. Nous avons eu le même problème l'autre jour avec un document qui n'était qu'en français. C'est un problème récurrent. J'en parle au début de chaque réunion. Vous avez parfaitement raison: il n'y avait aucune excuse pour celui qui n'avait été préparé qu'en français et quand c'est un document qui n'est préparé qu'en anglais... C'est la raison pour laquelle ce genre de document est à la disposition des députés qui veulent l'avoir mais qu'il n'est pas distribué puisque aucun document n'étant pas dans les deux langues officielles ne peut être distribué lors de ces réunions. Vous avez tout à fait raison et je ne cesse de le rappeler—nous avons réglé le problème.

[Français]

M. Serge Cardin: Cela revient au même, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Je comprends.

[Français]

M. Serge Cardin: [Note de la rédaction: Inaudible].

[Traduction]

Le président: Je comprends tout à fait, monsieur Cardin. Comme je viens de le dire, il arrive que nous ayons ce problème dans l'autre langue officielle. Le mieux que je puisse faire c'est d'informer les témoins que ces documents, pour commencer, ne peuvent être distribués, et que, deuxièmement, ils ne seront pas distribués tant que nos traducteurs ne les auront pas traduits. Entre temps, ils sont à la disposition des membres du comité qui les veulent sans être pour autant distribués.

Monsieur Drake, je m'excuse, nous avons empiété de quelques minutes sur votre temps. Je vous les rendrai. Allez-y.

• 1940

M. Steve Drake: Nous avons trois études d'experts, elles sont dans les documents.

La première est celle qui a été réalisée par Michael Gardner de Gardner Pinfold Consulting Economists Ltd, de Halifax. M. Gardner est très respecté. Il est économiste. Nous avons demandé à M. Gardner d'analyser l'impact économique d'une fermeture de Devco. Il conclut entre autres à une chute du revenu pour les résidents frisant le milliard de dollars pendant la période d'impact, c'est-à-dire pendant une période de 14 ans. Il fonde son calcul sur le cas de figure où les mineurs bénéficieraient des prestations de retraite anticipée sur une période de 14 ans.

Il conclut entre autres—je répète—à une chute pour les foyers touchés frisant le milliard de dollars pendant la période d'impact, fondée sur la fermeture de la mine Phalen et la privatisation de la mine Prince, si tout marche comme prévu. Au cas où les deux mines seraient fermées, la chute de revenus est de 1,5 milliard pendant la période d'impact.

Dans ce document très détaillé, M. Gardner poursuit en disant:

    Par contre il est difficile de prédire si cette dépression économique perdurera. Il est cependant évident que la fermeture de Devco, couplée à la fermeture possible de Sysco, ne pourra que contribuer à une telle perspective.

Il y a un problème très sérieux. En 1995, le conseil d'administration de la Société de développement du Cap-Breton a publié un communiqué de presse indiquant que l'impact économique direct et indirect de la Société de développement au niveau de la province de Nouvelle-Écosse était de 1 milliard de dollars par an. Le gouvernement fédéral, en approuvant le plan de la Société de développement, supprime cette activité économique représentant 1 milliard de dollars par an—1,5 milliard de revenus en moins pris dans la poche de contribuables canadiens sur une période de 14 ans. Il le remplace par un fonds de 68 millions de dollars. Cela fait 17 millions de dollars par an.

Je ne suis pas mathématicien, mais je peux compter. Il nous semble illogique que le gouvernement fédéral écarte de la main 1 milliard de dollars de recettes économiques et prétende que cela ne posera pas de problème puisqu'il nous donnera 17 millions de dollars. C'est absurde. L'île du Cap-Breton risque de subir une énorme crise économique et seule une enquête publique peut permettre de l'éviter.

Le deuxième document a été exécuté sur demande de l'UMWA. Il s'agit d'une évaluation entreprise par le professeur James Bickerton des conséquences de la fermeture de la Devco pour le développement régional. Le professeur Bickerton enseigne les sciences politiques à l'université St. François-Xavier et est spécialiste du développement régional.

Ce qu'il faut retenir du document du professeur Bickerton—et je vais abréger, car c'est très long—c'est la conclusion qu'il tire des mesures annoncées par le gouvernement: il conclut que le train de mesures de 68 millions de dollars proposées ne compensera en rien la fermeture de l'exploitation de charbon de la Devco. Voici comment il résume son point de vue:

    D'abord, le modeste fonds de développement économique qui accompagne les mesures touchant la pension et les départs ne suffit clairement pas à contrebalancer le dur coup économique que l'annonce de la fermeture de la mine a sur l'économie locale...

    En second lieu, les anciennes mesures de développement régional n'ont pas atteint le but proposé, celui de créer une base économique nouvelle et plus diversifiée pour le Cap-Breton, comme l'envisage l'article 17 de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton.

    En troisième lieu, d'après ce que l'on a vu dans des situations comparables ailleurs au Canada, le gouvernement du Canada, en collaboration avec ses partenaires provinciaux, peut être en mesure de compenser de façon significative les effets négatifs sur l'économie de la fermeture d'une grande industrie locale.

    Enfin, on a fait valoir que l'évolution économique et technologique découlant de la mondialisation ouvre de nouvelles perspectives pour les régions anciennement handicapées par la distance qui les sépare du centre des économies nationales. Ces régions, comme celle du Cap-Breton, peuvent aujourd'hui aspirer à une croissance et à un développement économiques indigènes, grâce à leur participation à une économie mondiale que les frontières retiennent de moins en moins.

Ce que nous essayons de vous faire comprendre, c'est que même si l'on ne tient pas compte des gros chiffres, dès lors que l'on comprend que l'économie du Cap-Breton génère beaucoup d'argent... Peu importe que l'on parle de 1 milliard ou de 1,5 milliard de dollars. Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'on retire beaucoup d'argent et que l'on n'y réinjecte qu'une petite somme. D'après l'étude Gardner Pinfold et l'évaluation du professeur Bickerton, le fonds de développement régional de 68 millions de dollars inclus dans l'annonce du gouvernement fédéral a peu de chance de permettre aux mineurs déplacés de l'île du Cap-Breton de rebondir économiquement.

Notre troisième étude est un document plus ambitieux.

Si vous arrivez à croire que... Je sais que vous avez du mal à croire que nous avons réuni toute cette information-ci depuis vendredi dernier, à 17 heures, lorsque nous avons reçu votre appel.

• 1945

La troisième étude a été effectuée par les professeurs Peter Warrian et Rick Williams. M. Warrian est un spécialiste de la rationalisation et de la restructuration et il a travaillé en étroite collaboration avec l'Algoma Steel dans le cadre de ce projet. Quant au professeur Williams, il est spécialiste du développement régional et est basé à Halifax.

D'après eux,

    les preuves sont accablantes: la fermeture de Devco et les pertes économiques pour les mineurs et pour leur collectivité auront de graves effets sur l'économie du Cap-Breton.

Nous avons examiné de près l'étude longitudinale extrêmement détaillée effectuée autour du cas d'Elliot Lake. M. St. Denis en parlait justement ce matin. On sait ce qu'il est advenu des mineurs d'Elliot Lake. Ils ont été...

M. Brent St. Denis: Il s'agissait d'uranium.

Mme Michelle Dockrill: D'or.

M. Steve Drake: Pardon, mais que l'on exploite de l'uranium ou de l'or, cela reste des mineurs. Dès que des gens travaillent sous terre, ce sont des mineurs et ce sont nos frères et nos soeurs. L'effet a été dévastateur pour les mineurs d'Elliot Lake. Cette ville est devenue aujourd'hui une ville de retraités, très jolie, comme je l'ai vue à la télévision. C'est très joli comme endroit, mais les jeunes n'y trouvent pas leur place, et ils quittent la région. Or, c'est la même chose exactement qui se produit au Cap- Breton.

Les mineurs d'Elliot Lake ont été frappés de la même façon que les mineurs anglais, tout comme les mineurs de la région des Appalaches aux États-Unis. Le document l'explique en détail, et je cite:

    Le même mode de vie qui se répète depuis des générations, l'omniprésence de certains problèmes de santé spécifiques, le peu d'instruction, des obstacles psychologiques majeurs empêchant de se rajuster dans d'autres secteurs industriels, la crainte du recyclage et la résistance à la relocalisation—voilà les mêmes caractéristiques que l'on retrouve d'une collectivité houillère à l'autre. Par conséquent, dès qu'une mine de charbon ferme, les problèmes d'ajustement se révèlent énormes.

Le gouvernement fédéral exige beaucoup des mineurs de chez nous, là-bas. D'ailleurs, Devco avait justement été créée en 1967 pour atténuer ces problèmes, pour les faire cesser. Et les deux mesures principales de la loi créant Devco sont les articles 17 et 18 que le projet de loi C-11 détruit et anéantit complètement. Si le projet de loi est adopté tel quel et n'est pas contesté, nous n'aurons plus de protection.

Cela va beaucoup plus loin, mais MM. Warrian et Williams concluent que tout démontre que les propositions actuelles de Devco et du gouvernement du Canada ne suffiront pas à éviter les problèmes généralisés, à la fois pour les mineurs déplacés et pour la collectivité en général.

J'aimerais terminer en abordant la privatisation, et ses tenants et ses aboutissants. À notre avis, ce que l'on fait ici, c'est de la privatisation dans la plus haute discrétion. Les employés sont des actionnaires, et parmi les plus importants, et pourtant ils ne savent pas ce qui se passe. Nous ne savons même pas qui est l'acheteur. On pense qu'il s'agit peut-être d'une entreprise américaine appelée Oxbow, car cette compagnie était la seule à s'intéresser sérieusement à nous et à poser des questions, mais nous n'en savons vraiment rien. Nous ne savons même pas combien de gens sont visés. Le gouvernement et son ministre, M. Goodale, parlent de 500. Joe Shannon, pour sa part, parle de 520, mais la convention collective et le projet de loi qui nous donnent des droits de successeur ne nous garantissent pas 500 emplois. Le projet de loi ne nous en garantit même pas 250. Il nous garantit uniquement les droits du successeur.

M. Kenneth Greene: Oxbow dit ne s'être engagée à rien.

M. Steve Drake: Supposons que, comme l'a rappelé mon collègue, la compagnie Oxbow ne s'engage à rien quant au maintien d'un nombre donné d'emplois, et supposons que l'information qu'elle aurait trouvée dans un document secret lui permette de conclure qu'il lui faut extraire 1,2 million de tonnes de charbon par année de la seule houillère du Cap-Breton pour pouvoir être rentable mais qu'elle ne peut se le permettre. Il lui faudra couper dans les emplois si, à son avis, c'est sa main-d'oeuvre qui lui coûte le plus cher: qu'adviendra-t-il de ces 500 gars? Qu'arrivera-t-il aux autres si Oxbow n'en garde que 100? Qu'arrivera-t-il aux 400 autres? Vous voulez savoir ce qu'il adviendra de ces mineurs...? Ils se retrouveront à la rue, et le gouvernement fédéral pourra s'en laver les mains, parce qu'il aura anéanti les articles 17 et 18.

M. Kenneth Greene: Et il s'agira des employés les plus anciens.

M. Steve Drake: Quant aux 500 mineurs... Monsieur le président, je vais faire vite, car je sais qu'il ne me reste sans doute plus de temps. Je m'excuse de m'attarder là-dessus, mais tout cela est très très important, et c'est sans doute la dernière fois que nous viendrons à Ottawa pour vous en parler.

Le président: Ne vous excusez pas et dites ce que vous avez à dire.

M. Steve Drake: Nous croyons que si le gouvernement fédéral réussit à faire ce qu'il entend faire et laisse aller les 650 employés les plus jeunes, ce qui laisserait au service de la Société les 500 employés les plus anciens, ce sont ceux-là mêmes, qui ont en moyenne 46 ou 47 ans et qui ont travaillé 24 ans sous terre ou dans cette industrie minière, qui seront remis entre les mains de la nouvelle société sans aucune protection, quelle qu'elle soit.

• 1950

Je sais que je me répète, mais c'est important: la plupart de ces gens, dont le gouvernement se lavera les mains, et qu'il remettra entre les mains de la nouvelle entreprise, ce sont des employés qui ont plus d'années de service que la plupart des 7 500 autres qui ont obtenu des pensions au cours des 33 dernières années grâce à la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton.

En mars 1996, le sénateur Allan J. MacEachen affirmait éloquemment ce qui suit à la Chambre haute, et je le cite:

    Je précise [...] que si les considérations sociales n'entrent pas dans l'examen du plan d'entreprise de la Société de développement du Cap-Breton, il manquera un élément important du problème. Lorsqu'on a légiféré pour créer la Société de développement du Cap- Breton, on a délaissé la privatisation pour opter pour la régie publique, car le secteur privé était incapable de faire face aux problèmes communautaires et sociaux qu'aurait entraînés l'interruption soudaine de la production dans ce secteur d'activité.

Ce que nous disons aujourd'hui, il le disait déjà, et c'est exactement ce que nous répétons depuis cinq ans: il y a un problème au Cap-Breton. Le problème du charbon n'est pas résolu, et les gens ne veulent pas s'y attaquer. Et savez-vous ce qui se produit quand les gens refusent de s'attaquer à un problème comme celui-là? Je me souviens de ce qui s'est produit à la mine de Westray. Personne ne voulait écouter ces mineurs, il a fallu une catastrophe. J'ai suivi ce qui s'est passé en Somalie, j'ai lu tous les articles de journaux sur l'affaire, et personne ne voulait reconnaître que «les hauts échelons étaient responsables». Le film sur l'Avro Arrow, je l'ai regardé cinq fois, et j'ai lu le livre deux fois. Je sais ce qui s'est produit.

Dans ce cas, c'est en haut de l'échelle qu'il faut chercher les responsables de ces décisions. Ces décisions, si l'on considère les résultats des cinq dernières années, il faut conclure qu'elles témoignent d'une incompétence totale, absolument totale. Depuis cinq ans, on n'a rien fait qui ressemble de près ou de loin à des pratiques acceptées dans le secteur minier, des pratiques dont la validité est reconnue d'un bout à l'autre du pays, aux États-Unis et en Australie. On a totalement ignoré des principes universellement reconnus en matière d'exploitation minière, on a abordé les choses au petit bonheur, avec un plan qui ne risquait pas de réussir, un plan échafaudé sur des sables mouvants et dont les nôtres subissaient les conséquences.

Le document que Mme Dockrill a cité ce matin est une lettre que le ministre Goodale m'a envoyée le 28 janvier 1999. Je l'ai reçue le matin où il a annoncé la décision. Nous avons préparé cela ensemble, et ces idées sont seulement quelques-unes parmi d'autres. En 1996, nous avions préparé notre propre livre rouge, Pour la création d'emplois et la relance économique en nous disant que le gouvernement fédéral prendrait peut-être ces documents au sérieux. Personne ne l'a jamais fait. Il y avait dans ce document des idées qui auraient rendu Devco un peu plus rentable, et l'année dernière, nous avons préparé d'autres suggestions, très modestes, mais elles ont été rejetées.

Cela dit, le ministre Goodale... Lorsque nous avons préparé notre plan, c'était sur la base de principes d'exploitation minière qui sont universellement acceptés, et nous savions que cela pouvait fonctionner. Une des idées, c'était d'exploiter les sections supérieures à la mine de Phalen. Voilà ce que le ministre Goodale m'a répondu dans sa lettre:

    Devco a déjà envisagé d'exploiter six blocs de charbon dans la section supérieure de la mine de Phalen dont vous parlez dans votre proposition. D'après Devco, ces blocs contiennent 5,2 millions de tonnes de charbon qui, techniquement, sont exploitables. Toutefois, une bonne part de ce charbon contient une proportion importante de cendres et doit être lavée pour respecter les conditions du contrat avec le client. Après lavage, la quantité de charbon vendable n'est plus que de 4 millions de tonnes, ce qui représente un coût supplémentaire.

Il continue ensuite, et à la fin il dit:

    Malheureusement, d'après cette analyse, il n'est pas rentable d'exploiter les sections supérieures de la mine.

Je vais maintenant citer un document préparé par Nesbitt Burns au sujet de la mine de Phalen, et à la page 19, je lis:

    On note que la partie supérieure du secteur 1 est de la mine offre des possibilités d'exploitation...

M. Brent St. Denis: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.

M. Steve Drake: C'est justement ce dont je parle.

M. Brent St. Denis: Monsieur le président, j'invoque le Règlement...

M. Steve Drake: Je n'ai pas besoin de le lire, mais permettez- moi de vous dire ce que le rapport contient.

M. Brent St. Denis: Non.

Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je veux simplement faire observer que le document qu'on vient de citer ou de paraphraser fait partie d'une entente de non-divulgation signée par plusieurs parties. Je crois comprendre que M. Drake n'est pas l'une de ces parties, mais le document lui a probablement été communiqué par un ou plusieurs signataires. Dans ces conditions, je pense qu'il est lié par la même confidentialité. Je tiens donc à préciser que ce document fait partie d'une entente de non- divulgation.

Le président: Merci.

M. Steve Drake: Je ne ferai pas d'autre citation, mais...

Le président: Merci, monsieur Drake.

M. Steve Drake: ... me permettez-vous de terminer ce que j'étais en train de dire?

En ce qui concerne l'opinion de M. Goodale sur ce plan que nous avions préparé pour l'exploitation des sections supérieures de la mine de Phalen, d'après des informations que nous possédons aujourd'hui, ces sections étaient parfaitement exploitables, la qualité du charbon était très uniforme et il aurait été tout à fait possible de le vendre à des compagnies d'électricité qui n'auraient pas demandé mieux.

• 1955

Autrement dit, le gouvernement du Canada a approuvé la fermeture d'une mine de charbon parfaitement viable, une mine qui contient, dans cette partie supérieure, plus de 10 millions de tonnes d'une ressource naturelle non renouvelable. Le gouvernement a tout simplement fermé la mine, alors qu'elle était parfaitement exploitable. À mon avis, c'est illégal. Cela n'aurait pas dû être permis, et nous pensons que la fermeture devrait faire l'objet d'une enquête. Avant que le projet de loi C-11 ne passe en troisième lecture, il faudrait lancer une enquête publique sur les événements à Devco.

Le président: Monsieur Drake, vous avez parfaitement raison: nous avons dépassé le temps que nous avions. Vous avez terminé, je crois?

M. Steve Drake: Dans deux minutes, si vous le voulez bien. Si vous voulez bien m'accorder deux minutes de plus, j'aurai terminé.

Le président: D'accord, monsieur Drake, vous avez deux minutes.

M. Steve Drake: Merci.

Nous pensons que les décisions qui ont provoqué la crise financière et opérationnelle à la Société de développement du Cap-Breton n'étaient pas conformes aux pratiques universellement acceptées dans le secteur minier. La UMWA, les syndicats de Devco et les employés considèrent qu'en ignorant les préoccupations des employés, le gouvernement s'est mal acquitté de ses obligations en vertu de sa discrétion gouvernementale et n'a pas agi avec la diligence appropriée. C'est une situation dont souffriront immanquablement les membres de nos syndicats et les employés de Devco. Le projet de loi C-11 imposera la privatisation et les employés ne seront plus protégés par les articles 17 et 18 de la loi.

Nous faisons confiance au Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales et nous le prions instamment de recommander les mesures suivantes: premièrement, une enquête publique exhaustive sur la crise financière et opérationnelle et le projet de privatisation de la Société de développement du Cap-Breton; deuxièmement, que le paragraphe 17(4)b) de la Loi sur la Société reste en vigueur et, troisièmement, que le paragraphe 18(2) de la Loi sur la Société reste en vigueur.

En conclusion, en ignorant les préoccupations des employés, en rejetant des propositions parfaitement raisonnables pour l'exploitation de la mine, le gouvernement a montré ses véritables couleurs. En dernière analyse, c'est à cette inaction qu'on pourra mesurer les véritables intentions du gouvernement. Il reste beaucoup de questions sans réponse dans cette affaire qui est aujourd'hui considérée comme le désastre minier le plus tragique de l'histoire du Canada, mais une chose est certaine: le problème du charbon au Cap-Breton existe toujours.

Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie pour votre patience.

Le président: Monsieur Drake, je vous remercie infiniment.

Pour ma part, je considère que vous nous avez fait un exposé tout à fait exhaustif; je ne pense pas que vous ayez oublié quoi que ce soit.

Nous allons maintenant laisser les membres du comité poser des questions, mais auparavant, pour ceux qui auraient quelque chose à faire, je vais suspendre la séance pendant deux minutes.

M. Steve Drake: Merci, monsieur le président.

• 1959




• 2004

Le président: Mesdames et messieurs, nous reprenons nos travaux.

Nous allons commencer tout de suite avec M. David Chatters.

M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Avant de commencer, j'aimerais dire que ce document secret m'inquiète un peu, et j'espère que vous en tiendrez compte dans vos délibérations. À mon avis, il n'est pas du tout acceptable que certains membres du comité aient accès à ce document quand d'autres n'ont pas ce privilège. Si certains membres du comité possèdent le document, nous devrions tous y avoir accès. Reste à savoir dans quelle mesure ce document reste confidentiel à partir de maintenant, mais je tenais à dire cela.

Le président: Merci.

M. David Chatters: Je veux moi aussi souhaiter la bienvenue aux représentants des syndicats.

Je voudrais revenir à ce que vous avez dit: Qu'il y a suffisamment d'éléments de preuve quant à la façon dont la Devco est gérée et au sujet des gens qui gèrent la Société pour justifier une enquête publique approfondie. C'est une accusation assez grave qui doit être prise au sérieux. Je voudrais que vous nous parliez de cela un peu plus longuement.

• 2005

Par ailleurs, à ma connaissance, au moins trois offres d'achat de Devco ont été faites. Au moins l'une d'entre elles—j'en ai parlé il y a un instant—met en cause l'un des syndicats représentés parmi les effectifs miniers. Ces trois offres ont été faites à Nesbitt Burns, étant entendu qu'il ne serait pas nécessaire de recourir à l'aide gouvernementale pour l'exploitation de Devco, que la compagnie pourrait fonctionner avec succès, pourrait extraire du charbon de façon rentable et pourrait répondre à tous les besoins des centrales électriques de la Nouvelle-Écosse à même les mines du Cap-Breton.

Je crois savoir, et je vous demande votre opinion là-dessus, que Nesbitt Burns, de concert avec Joe Shannon, qui analyse ces offres avec Nesbitt Burns au fur et à mesure qu'elles arrivent, a refusé d'accepter ces offres locales, les a rejetées au profit d'une offre qui, d'après la rumeur, émane des États-Unis.

Je voudrais que vous commentiez tout cela.

M. Steve Drake: Sur la dernière question, au sujet des trois offres, nous n'avons pas beaucoup d'information sur le processus de privatisation mené par Nesbitt Burns. En fait, nous n'avons pas du tout été mis au courant. Nous n'avons eu qu'une ou deux rencontres très superficielles avec Nesbitt Burns; de notre point de vue, c'était purement un exercice de relations publiques. On nous a communiqué très peu de renseignements. Depuis ce temps, le processus a été très secret et j'ignore donc ce qui se passe, je ne connais que les rumeurs qui circulent.

Pour ce qui est de ces trois offres, à notre connaissance, ces trois offres locales ont été rejetées par quelqu'un, par celui ou celle qui a le dernier mot. Nesbitt Burns et, je le suppose, le conseil d'administration de Devco, d'après le ministre Goodale, ont quasiment le dernier mot, sauf pour le gouvernement, et je suppose donc que ce sont ces parties-là qui ont rejeté ces offres. Mais vous avez raison: Ces trois offres ont été tout simplement rejetées par Nesbitt Burns. Je ne peux pas en dire plus long parce que c'est tout ce que je sais.

Sur le deuxième point, au sujet de l'enquête publique, nous avons une société d'État qui a été créée en 1967 par une loi fédérale dans l'intérêt du Canada. Il a été décidé de faire intervenir les pouvoirs publics pour traiter équitablement et justement les travailleurs et pour assurer la survie de l'entreprise le plus longtemps possible, aussi longtemps que les mines seraient rentables.

Nous croyons que le gouvernement fédéral a des renseignements et des documents de compagnies comme la John T. Boyd Engineering Compagny. M. Tom Mucho, expert en soutènement des toits de mines, a été embauché par Devco pour leur montrer comment contourner les toits effondrés dans les galeries 7 est et 8 est, qui font problème. Le syndicat a embauché M. Christopher Mark, de l'Institut national de santé et de sécurité au travail des États-Unis. Il a les mêmes titres et qualités. Il a un doctorat en mécanique des sols, je crois. Il est venu et il a montré à Devco comment surmonter ces problèmes de soutien des toits. Devco a écarté la plupart des recommandations et a fait courir des risques inutiles à nos travailleurs pour récupérer ces toits effondrés alors qu'ils n'auraient pas dû l'être.

Depuis quatre ans, les décisions prises au sommet de la pyramide à Devco et au gouvernement fédéral témoignent d'une incompétence crasse.

«Nous avons perdu une industrie d'un milliard de dollars.» Voilà ce que Devco a dit en 1995. C'était une industrie valant un milliard de dollars en retombées économiques directes et indirectes. Cette perte aurait pu être évitée. Pourquoi est-ce arrivé? Je pense que les Canadiens doivent connaître la réponse à cette question.

Jusqu'à maintenant, Devco et le gouvernement fédéral refusent de dire quoi que ce soit. Tout ce que nous avons du gouvernement fédéral, ce sont des formules creuses. En réponse à nos lettres, ils nous disent: «Merci beaucoup pour votre lettre du...», mais rien de plus. Quand nous participons à une rencontre avec des représentants du gouvernement fédéral, ou si nous rencontrons par hasard des membres du conseil d'administration de Devco, nous n'obtenons que des non-réponses du genre «c'est confidentiel» ou encore «vous n'êtes pas censés être au courant de cela». Eh bien, je m'excuse, mais nous sommes des contribuables canadiens et nous avons le droit de savoir ce qui se passe dans cette entreprise.

• 2010

Au Cap-Breton, il y a 2 000 familles, peut-être même 4 000 familles qui ont des emplois directs et indirects dans l'industrie du charbonnage et qui seront ruinées socialement et économiquement par ce qui va se passer. Je suis convaincu que c'est la pire catastrophe minière de l'histoire du Canada.

Il faut qu'on nous donne des réponses avant que Devco soit privatisée. Qu'est-ce qu'il faudra faire? Il est évident que le gouvernement fédéral ne va pas nous répondre. Je pense que le seul moyen pour nous d'obtenir des réponses à nos questions, de savoir enfin ce qui s'est passé et pourquoi, le seul moyen de fermer le dossier, c'est de faire une enquête publique approfondie.

M. David Chatters: Je voudrais poser une dernière brève question avant que le président me coupe la parole.

Au sujet de ces trois offres locales, en août dernier, le Chronicle-Herald de Halifax a publié un article dans lequel on demandait à maintes reprises à M. Joe Shannon, président du conseil et, je le répète, celui des membres du conseil qui est chargé d'analyser les offres avec Nesbitt Burns, s'il serait lui-même parmi les soumissionnaires potentiels? Il a refusé de répondre à cette question. À votre connaissance, le président du conseil est-il effectivement intéressé à l'une ou l'autre des offres locales?

M. Steve Drake: Nous n'en avons aucune idée. Après la première rencontre avec les gens de Nesbitt Burns à Sydney, on nous a tenus complètement à l'écart. Je pense qu'il y a eu une autre réunion très superficielle—je pense qu'il y en a eu deux en tout. Je ne peux pas répondre à cette question parce que nous ne le savons vraiment pas.

Le président: Monsieur Wiseman.

M. Ricky Wiseman: Je voudrais ajouter quelque chose sur ce dernier point. Nous ne sommes pas certains qu'il soit l'un des investisseurs initiaux dans toute cette affaire, mais ne serait-ce que pour la vente des actifs et les droits du successeur, cela fait partie de l'équation.

Je travaille pour le chemin de fer. Dans notre cas, nous supposons qu'une entreprise va venir racheter toute l'affaire et sous-traiter le travail, ce qui supprime les droits du successeur, soit dit en passant, d'après le Code canadien du travail; si c'est sous-traité, alors cela relève de la réglementation provinciale, ce qui supprime nos droits de successeur. Il y a une zone floue quant à savoir si M. Shannon ou d'autres intérêts extérieurs, des gens qui n'ont pas nécessairement un intérêt direct dans la vente de l'entreprise mais qui pourraient en bénéficier... Je ne dis pas qu'il est en cause, mais...

M. Brent St. Denis: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je crois que nous nous aventurons sur le même terrain que cet après-midi, avec la question de M. Chatters.

M. Ricky Wiseman: Non, je comprends...

M. Brent St. Denis: Vous prêtez des intentions à des gens qui... Enfin, je trouve que les allégations doivent êtres faites là où elles peuvent être contestées.

Le président: Je l'aurais interrompu le moment venu, mais je voulais entendre ce qu'il avait à dire.

M. Rick Wiseman: Je n'ai certainement mentionné personne...

Le président: Excusez-moi, monsieur Wiseman. Voulez-vous finir très rapidement?

M. Ricky Wiseman: Oui. Je ne voulais pas insinuer qu'il est directement intéressé dans la vente. Je dis simplement que l'occasion existe pour «quiconque» de prendre un intérêt dans tout cela.

Le président: Merci.

Monsieur St. Denis.

M. Brent St. Denis: Merci, monsieur le président.

Merci, messieurs, d'être venus.

Puisque vous avez parlé d'Elliot Lake, monsieur Drake, je veux vous dire que si jamais vous voulez y aller, je vous y accueillerai volontiers. C'est là que j'habite. Je suis de ce coin de pays, d'une petite ville appelée Spanish, à 30 milles d'Elliot Lake. À ma naissance, Elliot Lake n'existait pas. Je connais très bien ce coin.

Je veux aussi dire qu'il y a beaucoup d'uranium dans le sol; je ne sais pas combien d'innombrables tonnes. La vraie raison de la fermeture d'Elliot Lake avait peu à voir avec la demande. Il s'agit simplement du fait que l'uranium de la Saskatchewan et d'autres endroits est plus riche. Par conséquent, entre 1990 et 1996, environ 4 500 emplois directs dans l'industrie minière ont disparu, pour une population, ajouterai-je, d'environ 18 000 habitants à Elliot Lake et d'environ 30 000 personnes pour toute la région, qui a à peu près la taille du Cap-Breton.

Lorsque vous parlez des bons mineurs que vous avez au Cap-Breton, je vous crois. Nous avions de bons mineurs à Elliot Lake. On entend tellement parler de la qualité des collectivités et des gens du Cap-Breton, et je veux bien le croire, parce que je connais des gens du Cap-Breton. Il faut simplement que je... Je sais de quoi je parle, je l'ai vécu. Je vais poser ma question. Je veux simplement dire, pour les besoins du compte rendu, que je crois de tout coeur que vous avez les outils, les ressources, les personnes et les collectivités qui, avec la bonne approche et la volonté de travailler main dans la main, vous permettront, dans cinq ou dix ans, peut-être même avant, de voir les choses bien différemment.

• 2015

J'arrive à ma question: sauf votre respect, monsieur Drake, si j'étais un profane, qui entendait parler de mines de charbon au Cap-Breton pour la première fois, ne disposant que de l'information que vous venez de nous lire, j'en viendrais à la conclusion qu'il ne faut pas que les gouvernements gèrent les mines de charbon. Bien honnêtement, c'est la conclusion que j'en tirerais.

Cela étant dit, je veux traiter du projet de loi C-11, parce que dans votre exposé, vous avez parlé de l'importance de l'alinéa 17(4)b) et du paragraphe 18(2), au sujet de la protection des travailleurs quand ils prennent leur retraite ou qu'ils sont mis à pied, selon les cas. Vous avez parlé de 7 500 anciens travailleurs qui étaient protégés par ces dispositions. Mais pourriez-vous m'expliquer, à leur sujet, comment ces dispositions les protégeaient mieux que votre convention collective?

M. Steve Drake: C'est très simple. Notre convention collective porte sur les questions habituelles découlant des négociations collectives. Une convention collective n'offre pas de garantie d'emploi. Elle n'offre pas non plus de garantie de retraite. La convention collective ne garantit pas qu'il y aura toujours du travail.

Dans la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton, à l'alinéa 17(4)b), on disait... J'ai ici le hansard du 20 juin 1967. On disait à l'époque qu'on prendrait «toutes mesures possibles dans les circonstances pour réduire autant que faire se peut le chômage ou les perturbations économiques...». En vertu de ce projet de loi, pendant 33 ans, selon les diverses conventions collectives en vigueur, chaque travailleur minier avait un emploi garanti. Pendant cette période de 33 ans, on a mis à la retraite 7 500 mineurs. À chaque réduction des effectifs, peu importe en quelle année, en 1969, en 1974, en 1987 et en 1992—à l'exception de 1999, dois-je préciser—dans chaque cas, des personnes qui répondaient aux critères de réduction des effectifs en vigueur... Si Devco voulait réduire ses effectifs de 750 travailleurs, un critère était négocié pour correspondre à ces 750 personnes.

M. Brent St. Denis: Dans la convention...?

M. Steve Drake: Non, non. C'était négocié par... On l'a intégré à la convention collective, en effet, mais...

M. Brent St. Denis: C'est ce que je vous demande.

M. Steve Drake: ... c'était en fonction de critères fixés selon les besoins de Devco, selon la rationalisation en cours. Nous avons supprimé 750 postes en 1969 ou en 1970, par exemple. Il a fallu faire une autre rationalisation vers 1978. Les syndicats et la Société ont fixé d'autres critères. Pendant toute cette période, Devco continuait de mettre des gens à la retraite, sans couper les liens avec qui que ce soit, sur les 7 500 personnes, avant le 31 décembre 2000.

Les gens qui ne répondaient pas aux critères fixés à une certaine époque, quelle qu'elle soit, obtenaient autre chose. Ils avaient une garantie d'emploi, comme le prévoient les ententes avec les syndicats. Il ne s'agit pas nécessairement des conventions collectives. Il y avait d'autres accords. Il y avait des lettres d'entente, rédigées, signées et tout le tralala, pour ces rationalisations. Devco est même allée jusqu'à déclarer, à l'intention des syndicats, qu'elle agissait ainsi à cause de circonstances économiques particulièrement difficiles.

Avec la mine de charbon no 26, par exemple, il y avait un problème. Une explosion avait eu lieu. On a fermé la mine. Devco ne pouvait pas réaffecter autant de gens, soit 900 ou 1 000 personnes, dans l'industrie houillère. On a donc signé un autre accord pour les garder au travail. Ils ne répondaient pas aux critères pour la retraite et Devco ne pouvait les occuper à temps plein et nous avons donc conclu un accord de partage d'emplois pour les faire travailler en vue de leurs prestations de retraite.

C'est donc ce qui s'est produit pour 7 500 personnes, mais pas seulement à cause de la convention collective. C'était en raison de la politique de Lester B. Pearson, et à cause de ce qu'a dit Tom Kent en 1974. Notre convention ne portait pas là-dessus. Si on n'avait fait que respecter la convention, aucun des travailleurs n'aurait eu d'emploi ou de retraite garantie. C'est là tout le problème.

Avec la privatisation, si le projet de loi C-11 est adopté, nous n'aurons qu'une convention collective et pas de loi.

Une voix: En effet.

M. Steve Drake: Nous n'aurons plus la loi.

• 2020

M. Brent St. Denis: J'aimerais passer à ma deuxième courte question, monsieur le président.

Des voix: Oh, oh!

M. Brent St. Denis: Comme vous le savez, nous avons cédé de notre temps, cet après-midi.

Le président: C'est bon. Je ne vous donnerai que le temps que j'ai accordé à M. Chatters. Allez-y.

M. Brent St. Denis: Je vais passer à une autre question, monsieur Drake, mais je veux déclarer qu'il y a eu beaucoup de négociations et que dans ces situations là non plus, il n'y a pas d'absolus.

Imaginons que la privatisation a lieu. Étant donné la qualité des travailleurs miniers dont vous parlez, étant donné le contexte historique, avez-vous des raisons de croire que la situation ne pourrait être avantageuse pour les travailleurs et les collectivités?

Une voix: Non.

Le président: Monsieur Drake, il vous reste environ une minute.

M. Steve Drake: Rien au monde ne permet de croire que les mineurs du Cap-Breton ne peuvent réussir au sein d'une société privée ou d'une société d'État, mais il faut leur donner les outils. Actuellement, compte tenu de la détérioration de la mine Prince, du manque d'investissement dans cette mine...

Une voix: Étant donné l'âge des travailleurs...

M. Steve Drake: ... de l'âge de la main-d'oeuvre, nous croyons que le gouvernement du Canada ne nous donne pas les bons outils pour bien faire fonctionner l'industrie du charbon. Nous pensons que ça pourrait marcher si un programme de rationalisation approprié était négocié et qu'on avait en place les bons travailleurs miniers.

Le président: Merci, monsieur St. Denis.

Madame Dockrill.

Mme Michelle Dockrill: Merci, monsieur le président.

Je veux vous remercier, messieurs, d'être là. Je suis du Cap- Breton et s'il y a une chose qu'on sait bien, c'est que lorsqu'on demande aux chefs syndicaux d'intervenir au sujet d'une question, ils font leur travail. Je vous en félicite.

L'une des choses qui me préoccupent rejoint quelque peu la question qu'a posée M. St. Denis au sujet des conventions collectives.

Corrigez-moi si j'ai tort ici, Steve. Quand on examine la convention collective et l'histoire des 30 dernières années de la Société en ce qui concerne la réduction des effectifs, on constate que la direction et les syndicats se sont entendus à l'amiable sur la réduction des effectifs. N'est-il pas vrai que la convention collective ne fait aucune mention d'une fermeture, et c'est exactement ce dont il s'agit ici, le gouvernement fédéral se retirant de l'industrie au profit du secteur privé? Est-ce que...

M. Steve Drake: C'est parfaitement exact. Aucune de nos conventions collectives...

Le président: Excusez-moi, monsieur Drake. Mme Dockrill voulait sans doute vous faire savoir qu'il convient d'adresser toutes vos questions au président de telle sorte qu'elles sont posées à l'ensemble du comité. Ainsi, on n'a pas de dialogue avec...

Mme Michelle Dockrill: Excusez-moi.

M. Steve Drake: Pardonnez-moi, monsieur le président. Je suis moi-même président et j'ai parfois le même problème.

Le président: Allez-y.

M. Steve Drake: C'est parfaitement exact, monsieur le président. La convention collective que j'ai devant moi est la plus récente. Soit dit en passant, elle est échue depuis le 31 décembre 1998. Il s'agit de la convention collective de l'UMWA. La lettre d'accord no 13 fait mention de la retraite anticipée, d'un régime d'incitatifs et d'une indemnité de cessation d'emploi. Il n'y est pas question de fermeture. On est dans le contexte d'une entreprise en exploitation. On ne fait aucunement état d'une fermeture.

Une fermeture, à notre avis, relève du Code canadien du travail et de négociations bien structurées dans le cadre du comité mixte de planification, ce que nous n'avons pas eu. Nous avons dû l'imposer...

Une voix: Mais sous les auspices de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton...

M. Steve Drake: ... au gouvernement fédéral. Cette négociation n'a pas eu lieu dans le cadre où elle aurait dû se dérouler.

Le président: Madame Dockrill.

Mme Michelle Dockrill: Monsieur le président, ma deuxième question...

Vous avez mentionné l'année 1967 et ce qui s'est passé relativement à la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton et à sa raison d'être. Je veux seulement vous lire un petit texte et vous poser une question ensuite. C'est daté du 29 décembre...

Le président: On s'adresse toujours au président, n'est-ce pas?

Mme Michelle Dockrill: Oui. Pardonnez-moi, monsieur le président.

Le président: Ça va.

Mme Michelle Dockrill: Monsieur le président, j'aimerais lire ce texte-ci et ensuite poser une question aux témoins, si cela vous va, monsieur le président.

Le président: Parfait. C'est très bien.

Mme Michelle Dockrill: C'est daté du 29 décembre 1966:

    Le gouvernement fédéral se rend compte que le problème des houillères du Cap-Breton est essentiellement d'ordre nature social. C'est parce qu'il est sensible au bien-être des travailleurs et de leurs collectivités, dont il se préoccupe, que le gouvernement fédéral est prêt à faciliter, sur une très grande échelle, la transition entre la dépendance à l'égard d'une ressource naturelle en voie d'épuisement et une solide base économique...

Il s'agit d'un énoncé de principe du Premier ministre concernant les charbonnages du Cap-Breton.

Malheureusement, monsieur le président, nous nous retrouvons aujourd'hui au même point qu'en 1966. Voici ma question au témoin: comment se fait-il qu'on n'a pas réussi au cours de ces années à établir une solide base économique? Pourquoi croit-il que le gouvernement fédéral a une responsabilité envers les mineurs, leurs familles et la collectivité, pour ce qui est de l'édification de cette solide base économique?

M. Steve Drake: Eh bien, il y a plusieurs choses...

Le président: Pardonnez-moi, monsieur Drake, puis-je vous demander de résister à la tentation de répondre par une thèse de doctorat à cette question? N'y voyez aucun sarcasme de ma part, mais je vous crois capable de nous servir un discours éloquent qui nous mobiliserait toute la soirée.

M. Steve Drake: Oui, je pourrais parler philosophie pendant une heure, mais je m'en abstiendrai.

Le président: Vous avez deux minutes.

• 2025

M. Steve Drake: Il s'est passé une foule de choses au cours des 33 dernières années dans l'économie du Cap-Breton, comme partout ailleurs. On a déployé beaucoup d'efforts, à mon avis, dont certains étaient sincères, d'autres non, pour diversifier l'économie du Cap-Breton. Pour toutes sortes de raisons, les échecs ont été nombreux.

Dans tout ce dossier, en ce qui concerne la raison d'être de la Société de développement du Cap-Breton, le travail n'est pas encore terminé. La Société a encore un travail à faire. Le Cap- Breton vit encore une situation économique que l'on pourrait qualifier de crise, crise à laquelle on n'a pas remédié. Mentionnons également que le problème social subsiste toujours. Il y a encore des employés dont la Société est responsable en vertu de la loi; la Société a la responsabilité de bien les traiter, dans les limites du raisonnable. C'est ce que la loi dit. C'était une loi humanitaire, sociale, marquée par la compassion.

Il y a donc une foule de problèmes qui n'ont pas trouvé remède. J'ignore comment on pourra y arriver un jour. Je sais que la Division du développement industriel de la Société du Cap-Breton a été reprise par les travailleurs, mais l'alinéa 17(4)b) existe toujours: le gouvernement du Canada a la responsabilité de s'occuper de ces employés—c'est la loi qui le veut. La loi existe toujours, et si votre comité se montre juste et respecte la déclaration du Premier ministre Lester B. Pearson—un Premier ministre libéral—l'alinéa 17(4)b) et le paragraphe 18(2) demeureront dans la loi sur la Société de développement du Cap- Breton.

Soit dit en passant, lorsque cette loi a été adoptée à la Chambre des communes, le Premier ministre, notre Premier ministre d'aujourd'hui, Jean Chrétien, était un député nouvellement élu qui a voté en faveur de cette loi. Il était alors député d'arrière-ban à la Chambre des communes.

Le président: Quelqu'un va lui lire le procès-verbal de notre séance.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Monsieur Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Les mines d'uranium d'Elliot Lake ont fermé parce que plus personne ne voulait de leur produit, comme l'a dit M. St. Denis. Vous avez mentionné les fermetures de mines dans les Appalaches qui ont été dévastatrices. Le monde est aux prises avec un nouveau phénomène qui a trouvé son expression dans ce qu'on appelle la conférence de Kyoto ou l'engagement de Kyoto.

Je vous prie de me dire si vous avez réfléchi au fait que votre industrie, l'industrie charbonnière, est une industrie en déclin, et si vous reconnaissez le fait qu'une tonne de charbon produit une tonne de gaz à effet de serre? À cause de cela et à cause des pressions que l'on exerce sur le Canada pour qu'il respecte l'engagement qu'il a pris—et il s'agit, je crois, d'une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 190 millions de tonnes pour les cinq prochaines années—qui achètera votre charbon dans cinq ans? Je pose la question avec tout le respect que je vous dois. L'industrie du charbon a été solide comme le roc toutes ces années, et je sais que l'on met au point une technologie pour capter le CO2, les émissions de charbon en combustion, mais c'est tellement cher que personne ne peut l'appliquer pour le moment.

Je me demande donc si vous ne devriez pas accepter l'invitation de M. St. Denis de vous rendre à Elliot Lake pour voir ce qui s'est passé là-bas, et peut-être voir aussi ce qui est arrivé à ces mineurs, à toutes ces personnes qui avaient des emplois très payants et qui ont dû soudainement quitter la ville.

M. Steve Drake: Tout d'abord, monsieur Reed...

Ah, pardon, monsieur le président.

Tout d'abord, nous savons ce qu'il est advenu des mineurs d'Elliot Lake. La même chose s'est passée avec les mineurs des Appalaches, les mineurs du Royaume-Uni et les mineurs d'Allemagne. Nous savons déjà ce qui s'est passé dans ces cas-là.

En réponse à l'autre question relative aux gaz à effet de serre et à la question de savoir qui achètera notre charbon dans cinq ans, au cours des 20 prochaines années, la Nova Scotia Power aura besoin de 3 millions de tonnes de charbon pour combler ses besoins en combustible. Alors la Nova Scotia Power va acheter du charbon produit au Canada ou alors du charbon produit en Colombie, où l'on tue des enfants dans les mines de charbon. C'est là que la Nova Scotia Power achète son charbon en ce moment; ça arrive à Sydney par bateau.

• 2030

Nous avons le marché. Nous avons la main-d'oeuvre—ce sont des Canadiens. Nous avons le produit—deux milliards de tonnes de charbon enfouies au Cap-Breton.

D'après l'étude John T. Boyd, contrairement aux mines d'uranium... L'étude John T. Boyd a coûté 500 000 $ au gouvernement. D'après cette étude, en l'an 2000, si les bonnes décisions avaient été prises, si des gens compétents avaient géré la Société, nous aurions fait des profits de 26 840 000 $ cette année, à titre de société d'État ou à titre de société privée, puis l'an prochain, nous aurions fait 54 millions de dollars de profit, puis 64 millions de dollars, l'année suivante. Nous avons donc un marché pour les 20 prochaines années.

En outre, dans le document que nous vous avons remis, il y a des annexes, à la fin. Il y a deux tableaux, monsieur le président. L'un porte sur les gaz à effet de serre et l'autre, sur l'anhydride sulfureux. Il s'agit de projections faites par la Nova Scotia Power, en passant, pour la combustion de 3 millions de tonnes de charbon au cours des 10 prochaines années. En continuant ce qu'elle fait actuellement avec le nouveau mélange de combustible—soit l'ajout de gaz dans l'une de ses centrales—la Nova Scotia Power, en 2008, réduira de 20 p. 100 les émissions de gaz à effet de serre.

De plus—je répète qu'il s'agit de chiffres de la Nova Scotia Power—d'ici 2008, avec l'ajout de gaz dans l'une des centrales, il y aura une réduction de 10 p. 100 des émissions d'anhydride sulfureux. Pour couronner le tout, d'après ce que je sais—et l'environnement nous tient à coeur—l'amélioration du charbon au plan environnemental au cours des 50 dernières années correspond à une amélioration de 400 p. 100 de l'efficacité de la combustion. Ce chiffre vient de l'Association charbonnière canadienne.

Rajoutons que la question du changement climatique n'est pas encore prouvée scientifiquement; c'est encore assez imprécis. Je crois que le Sénat des États-Unis envisage très sérieusement de ne pas accepter les recommandations de Kyoto. Je crois que le gouvernement canadien devrait penser très sérieusement à l'effet que cela aura sur l'industrie de l'auto, sur l'industrie lourde et sur les sociétés pétrolières et charbonnières. Toutes les industries de ce genre seront durement touchées, de même que leurs collectivités. On peut penser, en Ontario, aux usines de construction automobile.

C'est une question très grave et je ne veux pas la traiter à la légère, mais notre industrie peut survivre, fonctionner et continuer de respecter les engagements pris par le gouvernement dans le cadre de l'accord de Kyoto—je crois qu'il s'agit d'au maximum 5 p. 100 de moins que les niveaux de 1990. Ce document montre que c'est possible, d'après les projections de la Nova Scotia Power, et je crois donc que nous respecterons facilement ces limites.

Le président: Une autre question, monsieur Reed?

M. Julian Reed: Acceptez-vous la proposition selon laquelle ces centrales au charbon seraient les dernières à être construites?

M. Steve Drake: Non. Je ne pense pas que quiconque doive l'accepter. Le Département de l'Énergie des États-Unis prévoit une augmentation de 20 p. 100 de la production d'énergie résultant de la combustion du charbon d'ici l'an 2010 et, en passant, le gros de cette augmentation aura lieu en Chine.

À l'échelle mondiale, les pays en développement veulent actuellement se brancher sur Internet, avoir accès aux télécommunications. Ils veulent faire partie de la nouvelle économie et ont besoin d'électricité. Le combustible qui leur est le plus accessible, particulièrement en Chine, c'est le charbon. Ils ne sont pas liés par l'accord de Kyoto et ils le feront et si nous devons...

M. Julian Reed: C'est...

M. Steve Drake: Nous avons déjà un marché. Pourquoi même songer à brûler du charbon colombien en Nouvelle-Écosse quand nous pouvons en produire? Et il faut que ce soit 3 millions de tonnes, d'après les besoins en combustible, d'après leurs propres chiffres. Pourquoi songer à acheter du charbon colombien, vénézuélien ou américain, à envoyer cet argent à l'étranger, au lieu d'employer des Canadiens ici, dans les mines du Cap-Breton, pour produire ces 3 millions de tonnes? Cela me semble insensé.

M. Julian Reed: Mais personne ne demande cela. Personne ne laisse entendre cela...

M. Steve Drake: Quelqu'un n'est...

M. Julian Reed: ... ne serait-ce que pour un instant. Ce matin...

M. Steve Drake: ... peut-être pas ici, mais on tente de supprimer notre secteur.

Le président: Finissons-en, monsieur Reed.

M. Julian Reed: Je suis désolé, monsieur le président.

Je siège au Comité de l'environnement, comme vous pouvez vous l'imaginer,...

M. Steve Drake: Oui.

M. Julian Reed: ... et j'ai entendu un exposé sur la dérive de dépôts de mercure dans l'Arctique provenant de la combustion de charbon, surtout en Chine. Si c'est une réalité, que vous reconnaissiez ou non que la planète se réchauffe, c'est une réalité avec laquelle il faut composer d'une façon ou d'une autre.

M. Steve Drake: Monsieur le président, me permettez-vous...?

Le président: Monsieur Drake, je crois que ce n'est qu'une observation. Ce n'était pas une question.

• 2035

Notre séance s'achève; à moins que d'autres députés aient des questions, je vais céder la parole à M. Mancini même s'il n'est pas membre du comité.

M. Peter Mancini: Je prendrai le temps de parole des conservateurs et des bloquistes, monsieur le président. Je vous en sais gré. Je n'ai qu'une seule question.

Le président: Puisqu'ils ne sont pas ici, ils n'utiliseront pas leur temps de parole.

M. Peter Mancini: En guise de question complémentaire à celle de M. Reed qui, je crois, a soulevé une préoccupation légitime sur le plan de l'environnement, n'est-il pas vrai, monsieur Drake, que lorsque le plan de privatisation a été rendu public, les quatre syndicats ont dressé un plan de stabilisation de la main-d'oeuvre de quatre à cinq ans qui aurait permis l'extraction du charbon à Phalen tout en autorisant la prise de mesures correctives pour les mines de charbon en vue d'assurer, comme le prévoit l'article 17 de la Loi sur Devco, le moins de préjudice possible pour les travailleurs de la Société de développement du Cap-Breton? N'a-t-on pas dressé un plan qui aurait permis un retrait moins radical de Devco?

M. Steve Drake: Monsieur le président, c'est tout à fait juste. Le 11 janvier, après un long processus de persuasion, le ministre Goodale est venu au Cap-Breton où nous l'avons rencontré. Nous lui avons remis un plan que nous avions commencé à élaborer plus tôt. Nous étions d'avis que ce plan pourrait porter fruit. Nous le croyons encore. Il s'agit du plan de stabilisation de la main-d'oeuvre qui se trouve dans les documents qui vous ont été remis.

On y voit qu'avec la mine Prince—et un léger investissement en capital pour qu'elle retrouve son niveau d'activité—le site minier Donkin et les mesures correctives du gouvernement du Canada—c'est un engagement—de même qu'avec la formation et l'attrition, on pourrait envisager toutes sortes de choses bien normales... Grâce à notre plan, qui s'applique à la période comprise entre 2001 et 2006, ces travailleurs pourraient se retirer de la population active et nous aurions alors une main-d'oeuvre moins nombreuse, jeune et enthousiaste répondant aux exigences de la Nova Scotia Power.

Nous avons transmis ces informations au gouvernement fédéral en janvier 1999, mais elles ont été balayées du revers de la main. Les représentants du gouvernement fédéral ont même refusé d'y jeter un coup d'oeil. Cela ne les intéressait pas. C'est malheureux, car, comme nous l'avons indiqué au gouvernement à l'époque, s'il souhaite se retirer de cette industrie, nous pouvons lui fournir les outils pour le faire. Nous lui avons dit: «Coupez les liens si vous le voulez, mais faites-le avec un peu de décence et de dignité. Ces gens ont vécu toute leur vie ici. Ils ont su répondre à l'appel que vous leur avez lancé pendant la crise du pétrole. Ils sont allés sous terre et ont risqué leur vie pour récupérer de l'équipement dans des galeries dont le toit menaçait de s'effondrer. Ayez un peu de respect pour eux». Le gouvernement fédéral a refusé.

Le président: Monsieur Mancini, avez-vous terminé?

M. Peter Mancini: J'aurais encore une autre question, monsieur le président. Merci.

Vous avez fait quelques remarques sur les sommes prévues dans le nouveau budget fédéral pour les nouvelles technologies houillères. Ces technologies pourraient-elles vous permettre d'assurer la viabilité du secteur minier dans le cadre de la Loi actuelle sur Devco?

M. Steve Drake: C'est une autre... Dans son discours du budget, M. Martin a parlé des pays qui ont une vision à long terme; il a déclaré que les pays qui prospéreront dans le nouveau millénaire sont ceux qui auront su adopter de nouvelles façons de faire. Ce n'est pas une citation exacte, mais je crois avoir bien paraphrasé ses propos.

M. Martin a été très éloquent sur l'environnement et les nouvelles technologies. Il a notamment dit que le Canada devra trouver de nouvelles méthodes de combustion du charbon, que nous devons être à la fine pointe des technologies non polluantes d'utilisation du charbon.

J'ai écrit à M. Martin à ce sujet et je lui ai dit que nous pouvions concevoir des techniques non polluantes d'utilisation du charbon au Cap-Breton, techniques qui s'inscriraient bien dans la nouvelle économie. Je ne me rappelle pas si j'ai reçu une réponse... oui, il m'a répondu, mais la réponse, bien que très polie, a été non. J'ai même suggéré à M. Martin de créer un centre d'excellence au Cap-Breton en matière de pétrole et de charbon, centre qui aurait pu s'appeler Centre d'excellence de l'île du Cap- Breton sur les hydrocarbures et les nouvelles technologies au Canada. Encore une fois, on m'a répondu non.

Il y a bien des façons d'utiliser le charbon. Qu'on le veuille ou non, dans 20 ans, on utilisera bien plus de charbon qu'à l'heure actuelle et, un jour, on fera brûler du charbon ici, parce que le pétrole... Monsieur le président, le Département de l'Énergie des États-Unis et l'Association charbonnière canadienne ont fait des estimations assez précises. Le monde a des réserves de pétrole pour environ 40 ans, de gaz pour environ 60 ans et de charbon, pour environ 220 ans. Quand nos réserves de pétrole et de gaz seront épuisées, on ne se tournera pas vers le nucléaire. Que fera-t-on? On fera brûler du charbon.

• 2040

M. Peter Mancini: Voici ma dernière question, monsieur le président.

Les autres syndicats ont indiqué que cette affaire fait actuellement l'objet d'un arbitrage. Une dernière question, rapidement. Quand vous a-t-on indiqué que vous seriez appelés à témoigner aujourd'hui? Le fait que cette question soit en arbitrage...? Est-ce pour cela que les présidents des autres syndicats ne sont pas présents? Cela a-t-il eu une incidence sur votre témoignage d'aujourd'hui?

M. Ricky Wiseman: J'aimerais répondre à cette question.

Nous avons appris lundi que votre comité nous accueillerait aujourd'hui. Notre président ne participe pas à l'arbitrage—c'est moi et un autre de mes collègues qui nous en occupons. Nous avons dû quitter la séance d'arbitrage pour venir témoigner ici.

M. Leo Gracie: Monsieur le président, notre président participe à l'arbitrage. On nous a demandé vendredi de venir témoigner aujourd'hui.

M. Kenneth: Je m'occupe de l'arbitrage à la place de notre président, et c'est notre président sortant qui me remplace. J'ai été avisé hier, à midi, du moment de notre comparution.

M. Peter Mancini: Merci.

Le président: Je vous sais gré d'avoir mis en veilleuse une autre de vos priorités pour venir témoigner.

Lorsque nous envoyons des invitations à comparaître, nous le faisons aussitôt que possible après avoir été saisis d'un projet de loi.

Je sais qu'il n'y avait aucun sous-entendu dans la question de M. Mancini, mais pour ceux qui liront le compte rendu et qui seraient curieux de savoir pourquoi le préavis a été si court, j'indique que le comité n'a ni la possibilité ni le droit de donner un préavis aux témoins possibles car il ne peut le faire avant d'avoir été saisi du projet de loi.

Nous sommes donc liés par le Parlement et par la Chambre; nous ne pouvons agir que si la Chambre nous a confié une tâche. Essentiellement, les comités sont tenus de traiter des projets de loi dès qu'ils leur sont envoyés. Il arrive qu'un comité puisse reporter l'étude d'un projet de loi très brièvement, mais sa principale responsabilité est d'étudier les projets de loi.

La secrétaire parlementaire, qui vient de terminer le projet de loi C-12, nous a rappelés cet après-midi que notre comité a été saisi de son projet de loi alors qu'il était à étudier un autre sujet, et qu'il a dû mettre en veilleuse cette étude pour se pencher sur celui-ci.

Il faut voir la question de M. Mancini dans son contexte, à savoir que les parlementaires siégeant à des comités et les comités eux-mêmes se trouvent souvent dans des situations semblables à la vôtre. Vous êtes en pleines négociations, nous sommes au beau milieu d'une étude. La Chambre des communes, dans sa sagesse, nous a renvoyé ce projet de loi et le comité, dans sa sagesse, y répond avec promptitude.

Messieurs, je vous remercie d'être venus. J'ai donné une assez grande latitude aux membres du comité tout simplement parce que c'est un dossier important pour tous et que je me devais de tenir compte du court préavis que vous avez reçu, de la rapidité avec laquelle vous avez dû vous préparer et de la distance que vous avez dû parcourir pour venir témoigner. Nous voulions que cette séance soit la plus productive possible pour notre comité et je crois que nous avons atteint notre objectif, avec votre aide. Au nom de tous les membres du comité, merci beaucoup.

Notre prochaine réunion aura lieu demain après-midi. Merci. La séance est levée.