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INDU Rapport du Comité

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CHAPITRE 4 :

MAINTIEN DES PRIX, PRIX À LA LIVRAISON
ET REFUS DE VENDRE

En outre, rien ne justifie d'inclure une pratique comme l'imposition des prix, qui n'est pas illégale en soi, dans les dispositions pénales de la Loi. [Ralph Winter, 48:9:10]

En ce qui a trait à la concertation verticale sur les prix, il n'existe aucun fondement économique rationnel pour distinguer entre les ententes verticales concernant les prix et les ententes verticales ne concernant pas les prix, puisque les transactions exclusives, les territoires exclusifs, les ventes liées et la limitation du marché mènent souvent à une augmentation des prix, bien que d'une façon qui pourrait, en fait, accroître la concurrence et l'efficacité. Par conséquent, l'élimination de la distinction artificielle dans la Loi entre les restrictions concernant les prix et les restrictions ne concernant pas les prix est tout à fait logique. [Paul Crampton, 53:15:45]

[En ce qui concerne le maintien des prix], je recommande […] que le régime de prix imposé soit retiré des dispositions pénales de la Loi et qu'on ne le considère plus comme une infraction illégale en soi, mais comme une action dont les conséquences sont jugées en fonction de leur effet sur la concurrence. [Tim Kennish, 44:9:30]

Maintien des prix

Il y a maintien des prix lorsqu’une entreprise essaie d’établir un prix minimum auquel une autre entreprise située en aval le long de la chaîne de distribution peut vendre son produit. C’est l’une des pratiques restrictives les plus répandues sur le marché. Le maintien des prix de revente peut se faire verticalement, c’est-à-dire entre un grossiste et un détaillant qui revend les produits du fournisseur, ou horizontalement, c’est-à-dire entre concurrents qui conviennent d’imposer un prix de vente aux revendeurs de leurs produits.

Le Comité est conscient du fait que les facteurs économiques qui militent pour l’interdiction du maintien des prix à caractère horizontal sont facilement convaincants. Lorsque des fournisseurs s’entendent pour fixer les prix de revente de leurs produits, cela interdit toute concurrence entre les concurrents situés en aval. Lorsque le prix de revente est le plus visible des deux, le maintien de ce prix peut faciliter la collusion entre fournisseurs. En soustrayant les marges bénéficiaires du niveau de détail et du niveau de gros du prix de détail minimum fixé, les fabricants fixent en fait eux-mêmes le prix de vente de leur produit. On a signalé par ailleurs au Comité que le maintien des prix de vente pouvait faciliter le fonctionnement d’un cartel de détaillants : « […] autrefois, les pharmacies obligeaient les fabricants dont elles vendaient les produits à imposer un prix de vente au détail. Cette pratique a retardé sinon bloqué l'arrivée sur le marché des pharmacies à prix réduits. Le même phénomène s'est produit dans le secteur de l'épicerie en Europe » [Ralph Winter, 48:9:15].

Depuis 1951, à la suite des recommandations de la Commission MacQuarrie, le maintien des prix est un acte criminel aux termes de l’article 61 de la Loi. Il est donc illégal pour toute personne qui exploite une entreprise de « tenter de faire monter ou d'empêcher qu'on ne réduise » le prix auquel une personne exploitant une entreprise vend le produit en question « par entente, menace, promesse ou quelque autre moyen semblable ». En revanche, les demandes, discussions ou suggestions en ce sens sont considérées comme assimilables à l’établissement d’un prix courant proposé et sont autorisées.

Le caractère anticoncurrentiel du maintien des prix dans l’axe vertical est moins évident. Les professeurs VanDuzer et Paquet pensent que cette forme de maintien des prix pourrait avoir des motivations favorables à la concurrence.

L'exemple classique est celui du fournisseur qui demande au détaillant à qui il vend ses produits de maintenir ses prix à un niveau particulier, de manière à encourager le détaillant à attaquer la concurrence autrement que par les prix, habituellement pour l'amener à offrir un service de grande qualité aux clients ou pour assurer le maintien de l'image de marque associée au produit. Donc, dans la mesure où le maintien des prix peut se justifier pour des raisons d'efficience, l'interdiction prévue par la loi, qui en fait un acte criminel en soi, englobe probablement trop de cas. [Anthony VanDuzer, 14:15:45]

M. Winter a décrit plus en détail le raisonnement du fabricant :

L'imposition des prix de vente est souvent utilisée comme façon d'encourager les services de toutes sortes au niveau de la vente au détail. Les services peuvent prendre différentes formes; il peut s'agir de conseiller les consommateurs, de prévoir suffisamment d'employés pour que les clients n'aient pas à attendre longtemps devant la caisse, d'organiser les stocks ou même d'être enthousiastes. En somme, les services peuvent comprendre tout ce qu'un détaillant peut faire, à l'exception de l'établissement des prix.

En quoi les prix imposés encouragent-ils ces services? Les prix imposés protègent la marge de vente au détail, c'est-à-dire la différence entre le prix de vente au détail et le prix de vente en gros, prix auquel le détaillant achète le produit. Les prix imposés protègent donc cette marge contre la baisse des prix de vente au détail en raison de la concurrence, de même qu'ils encouragent la prestation de services, car le détaillant peut ainsi accroître le profit par unité en attirant davantage de consommateurs. Cette pratique empêchant les détaillants de se livrer une concurrence en matière de prix, ils rivalisent sur le plan de la prestation de services. [Ralph Winter, 48:9:15]

Cela étant, le Comité se demande pourquoi le fabricant estime nécessaire d’intervenir dans l’établissement des prix de vente par ses distributeurs. On lui a répondu que « dans les conditions assez typiques des marchés de la vente au détail, les détaillants sont portés à se livrer une guerre des prix plutôt qu'à une guerre pour la prestation de services, du moins du point de vue du fabricant. L’imposition des prix est une façon d’essayer de corriger cette situation; […] Du point de vue du consommateur, l'imposition des prix se traduit par une augmentation des services, ce qui est à son avantage, contrairement à l'augmentation des prix » [Ralph Winter, 48:9:15]. Cette réponse amène tout de suite la question de savoir qui, du fabricant ou du détaillant, doit l’emporter en cas de désaccord au sujet du prix de détail. M. Winter et d’autres experts en droit de la concurrence se rangent dans le camp des fabricants :

Dans l'ensemble, je dirais que les décisions concernant la façon de commercialiser un produit, de concevoir un système de distribution devraient être laissées au fabricant. Interdire de fixer le prix de revente en invoquant une règle de l'illégalité en soi revient en fait à réglementer les décisions du fabricant quant à l'optimisation de la vente de ses produits. Nous n'interdisons pas de faire beaucoup de publicité, même lorsque la publicité pousse les prix à la hausse, et il n’y a pas de raison non plus de faire des prix imposés un acte illégal en soi. [Ralph Winter, 48:9:15]

Les professeurs VanDuzer et Paquet sont du même avis : « La seule chose qui nous inquiète, c'est que, dans certaines circonstances, du moins, elle est un peu générale, dans le sens que, économiquement, il existe [certains cas] où cette pratique se justifie pour des raisons d'efficience » [Anthony VanDuzer, 14:15:45].

À en juger par le témoignage de MM. VanDuzer et Paquet, le Bureau de la concurrence est sensible à ces considérations et se montre moins porté qu’avant à intenter des poursuites à ce sujet.

Le maintien des prix est un acte criminel en vertu de la loi. [Il y a eu] un grand nombre de poursuites dans le passé, même s'il y en a moins eu au cours de la période qui a fait l'objet de notre examen, soit la période de cinq ans se terminant le 31 mars 1999. Cette diminution du nombre de poursuites s'explique du fait que le Bureau a […] choisi d’autres solutions de rechange, [ce] qui est en général un moyen bien moins coûteux de s'assurer du respect de la Loi, par rapport à un procès en bonne et due forme. Cette disposition a donc été très utile. [Anthony VanDuzer, 14:15:45]

Se pourrait-il aussi que l’alourdissement de la charge de travail du Bureau force celui-ci à rationaliser ses interventions? Quoi qu’il en soit, le commissaire à la concurrence n’a pas accueilli favorablement leur recommandation de faire une distinction entre les deux formes de maintien des prix et de les assujettir à un traitement légal différent :

Au sujet des dispositions relatives à l'établissement des prix, pour commencer, M. VanDuzer croit que le processus d'examen civil serait préférable à l'actuel processus pénal pour toutes les dispositions relatives à l'établissement des prix, à l'exception des ententes de fixation horizontale des prix. Il ne fait aucun doute que certaines de ces dispositions seraient plus efficaces dans un contexte civil, et c'est la position que nous appuyons dans le cas de la discrimination par les prix. […] De façon générale, toutefois, nous ne sommes pas en faveur de l'élimination complète des dispositions à caractère pénal. À notre avis, il faut un mélange de lois civiles et de lois pénales au sujet des pratiques anticoncurrentielles en matière de prix; il y a un certain nombre de raisons à cela. [Konrad von Finckenstein, 9:9:15]

Apparemment, le statu quo est moins coûteux à administrer et fournit aussi un excellent moyen de faire respecter la Loi :

Premièrement, nous avons besoin de dispositions pénales pour les infractions les plus sérieuses. [L]e professeur VanDuzer […] fait la distinction entre les ententes horizontales et les ententes verticales touchant le maintien des prix. Si quelqu'un cherche délibérément à chasser un concurrent du marché et qu'il adopte des pratiques à cette fin, je suis d'avis que les infractions de ce genre doivent être visées par des dispositions pénales. Deuxièmement, la preuve peut être plus difficile à établir dans le cas des dispositions pénales, mais celles-ci ont un plus grand pouvoir de dissuasion. Elles entraînent des amendes et des peines d'emprisonnement, tandis que des dispositions à caractère civil ne peuvent donner lieu qu'à des mesures de redressement par voie d'injonction. Troisièmement, l'article 36 de la Loi permet les actions privées visant des comportements criminels. S'il n'y avait que des dispositions civiles au sujet de l'établissement des prix, les parties privées n'auraient pas accès aux tribunaux pour obtenir des mesures correctives visant des pratiques anticoncurrentielles en matière de prix. Pour ces trois raisons, nous croyons qu'il faut conserver certaines dispositions pénales. [Konrad von Finckenstein, 9:9:15]

Le Comité voit mal comment on peut considérer le maintien des prix dans l’axe vertical comme une atteinte patente à la concurrence dans tous les cas et pourquoi les responsables de l’exécution de la Loi ne peuvent pas facilement faire la distinction entre les formes verticales de maintien des prix qui favorisent la concurrence et celles qui lui nuisent. Plusieurs des experts qui ont comparu devant lui — dont certains ont même été retenus par le Bureau de la concurrence pour faire des travaux spécialisés pour son compte et qui connaissent donc fort bien tous les aspects de la question du point de vue des activités d’application de la loi du Bureau — estimaient que la distinction serait relativement facile à établir comparativement aux autres tâches du Bureau et du Tribunal. Comme l’a dit un témoin, étant donné que d’autres restrictions concernant des pratiques à caractère vertical relèvent du droit civil :

Pour ce qui est des prix imposés, il y a en quelque sorte une anomalie, étant donné que nous reconnaissons les avantages éventuels sur le plan de l'efficacité de pratiques comme les ventes exclusives ou les ventes liées. Nous n'en faisons pas des actes criminels et ni des pratiques en soi illégales. […] Il y a de nombreuses bonnes raisons de recourir aux prix imposés qui n'ont rien à voir avec la restriction de la concurrence. […] je prévoirais à cet effet un recours civil, une procédure d’examen, et j'accorderais en l'espèce un moyen de défense fondé sur l'efficacité, ou du moins un critère se rapportant aux répercussions sur la concurrence. [Tom Ross, 46:9:20]

Un autre témoin est d’avis que le maintien des prix risque de se répandre, surtout sous sa forme anodine, en raison de l’émergence de la nouvelle économie, laquelle semble susciter un nombre croissant d’alliances stratégiques entre les exploitants de réseaux (compagnies aériennes, camionnage, chemins de fer, téléphonie fixe et mobile, câblodistribution et télévision par satellite, programmeurs d’émissions de télévision, fournisseurs de services Internet, et ainsi de suite) et entre les fabricants et assembleurs de pièces et de systèmes.

Le gros inconvénient que je vois à l'article portant sur la discrimination par les prix c'est le fait qu'aujourd'hui les gens passent des alliances stratégiques aux termes desquelles l'une des parties fournit l'une des composantes du produit, l'autre se chargeant de fournir l'autre composante et les deux parties s'engageant à commercialiser conjointement le produit. L'une des parties achète la composante à l'autre et se charge de vendre l'ensemble. Les deux parties dans ce genre d'affaire ont un intérêt véritable et légitime à fixer le prix du produit sur le marché et pourtant, selon la façon dont est formulé l'article sur la discrimination par les prix, elles vont encourir de graves difficultés. On peut améliorer ces dispositions, mais c'est difficile et en grande partie inefficace […] [James Musgrove, Lang Michener, 46:10:45]

Une solution a été proposée :

Au sujet de la concertation horizontale sur les prix, nous croyons […] qu'elle devrait être traitée aux termes de l'article 45 de la Loi. Il serait plus facile, entre autres, de régler les problèmes survenant lorsque les parties qui concluent des alliances stratégiques et des coentreprises ne s'entendent pas sur le prix de vente des produits visés par ces ententes. [Paul Crampton, 53:15:45]

Ainsi, le caractère pénal de la disposition peut efficacement en encourager l’observation, mais peut aussi avoir un effet fâcheux dans les cas où le maintien vertical des prix a un effet favorable sur la concurrence.

Le Comité trouve les arguments des partisans de la dépénalisation de cette pratique bien pensés et convaincants. Compte tenu des récents développements survenus dans les entreprises sur les plans organisationnel et stratégique, les avantages économiques de politiques innovatrices en matière d’établissement des prix dépasseront de loin les coûts additionnels d’observation résultant de l’établissement d’une distinction entre les pratiques de maintien des prix qui stimulent la concurrence et celles qui l’entravent. En conséquence, selon le Comité, il y aurait lieu :

9. Que le gouvernement du Canada, après consultation des parties intéressées, modifie l’article 61 de la Loi sur la concurrence portant sur le maintien des prix de manière à établir une distinction entre les pratiques qui nuisent à la concurrence et celles qui stimulent l’efficacité. Le maintien des prix entre concurrents, que ce soit entre fabricants ou entre distributeurs, devrait continuer de relever des dispositions pénales de la Loi sur la concurrence, éventuellement de l’article 45 sur la collusion. Les ententes de maintien des prix entre un fabricant et ses distributeurs devraient relever des dispositions civiles relatives aux affaires que le Tribunal peut examiner, éventuellement de l’article 79 sur l’abus de position dominante. Cette disposition devrait également préciser que la personne en question doit jouir d’une « puissance commerciale » et que la pratique incriminée doit avoir pour effet « de réduire sensiblement la concurrence ».

Une fois ces modifications effectuées, il y aurait lieu, de l'avis du Comité :

10. Que, si le gouvernement du Canada devait donner suite à la constatation précédente du Comité, le Bureau de la concurrence adopte de nouvelles lignes directrices portant sur l'abus de position dominante (article 79) dans le contexte des ententes de maintien des prix entre un fabricant et ses distributeurs, qui comprendraient le cadre analytique de l'évaluation de la puissance commerciale et des effets sur la concurrence. Il faudrait envisager d'adopter également des lignes directrices sur l'exécution des dispositions relatives à la collusion (article 45) à l'égard des ententes de maintien des prix conclues entre des fabricants ou des distributeurs visées par l'article 61.

Prix à la livraison

L’établissement de prix à la livraison, défini à l’article 80 de la Loi sur la concurrence, est une pratique qui consiste à refuser à un client (ou à une personne qui cherche à devenir un client) la livraison d’un article, aux mêmes conditions de commerce, en un endroit où le fournisseur fait ordinairement des livraisons. Aux termes de l’article 81, cette pratique est une infraction prohibitive sous réserve de la règle de raison.

Le Comité sait que certaines pratiques relativement aux prix à la livraison sont anticoncurrentielles lorsqu’elles facilitent la collusion ou la coordination au niveau des prix. Il reste cependant que, dans la plupart des cas, elles ne présentent pas un caractère anticoncurrentiel. Tous les spécialistes de la question que nous avons entendus nous ont répété à maintes reprises que, dans la mesure où l’esprit de la Loi consiste à encourager et promouvoir la concurrence elle-même en tant que phénomène et non des concurrents ou des catégories de concurrents, toutes les questions de droit civil pouvant être examinées par le Tribunal devraient être subordonnées à une analyse des effets sur la concurrence. Par exemple, « on n'a pas prévu non plus de critère lié aux effets sur la concurrence en matière de prix à la livraison et je considère […] que l'on ne devrait pas intenter de recours en matière de prix à la livraison à moins que l'on considère que cette pratique nuit à la concurrence » [Tom Ross, 46:9:20]. Ce conseil est particulièrement bienvenu compte tenu des droits privés d’action et de l’accès au Tribunal de la concurrence.

Le Comité voudrait que le gouvernement remédie à cette anomalie et est d'avis qu'il y aurait donc lieu :

11. Si des particuliers sont autorisés à s'adresser au Tribunal de la concurrence afin d’obtenir un redressement dans des affaires susceptibles d’examen au civil, que le gouvernement du Canada envisage de modifier l’article 81 de la Loi sur la concurrence portant sur les prix à la livraison afin de préciser que la pratique incriminée doit avoir pour effet de « réduire sensiblement la concurrence ».

Refus de vendre

Le Comité convient avec les professeurs VanDuzer et Paquet que le refus de vendre représente le comble de la discrimination. Étant donné que le paragraphe 61(6) assimile cet acte à un moyen de pratiquer le maintien des prix et que le Comité recommande que les affaires de maintien des prix dans l’axe vertical fassent l’objet de mesures civiles, nous traitons de cette pratique ici.

On a dit au Comité que la disposition sur le refus de vendre pourrait éventuellement servir à contrecarrer le processus de la concurrence :

La Loi sur la concurrence peut être mal utilisée; elle peut servir d'outil permettant de faire du harcèlement concurrentiel. En effet, elle peut servir à décourager celui qui veut fixer des prix de façon audacieuse, ou offrir plus de qualité ou de services que les autres, ce qui pourrait désarçonner les concurrents, qui n'hésiteraient pas à parler de tactiques d'éviction. La Loi sur la concurrence peut également servir d'outil de négociation dans ce qui est au fond un différend contractuel. Ainsi, un distributeur dont le contrat de concession viendrait à échéance pourrait invoquer, ou menacer d'invoquer, le paragraphe 61(6) ou l'article 75 de la Loi sur la concurrence en raison d'un refus de fournir ou de vendre. Il faut bien comprendre que les griefs que pourraient avoir divers intervenants sur le marché ne doivent avoir de l'importance que dans la mesure où ils peuvent menacer l'intégrité du processus même de concurrence. [Donald McFetridge, 44:9:05]

Certains témoins estimaient que la disposition de la Loi sur le refus de vendre témoignait d’un zèle quelque peu excessif pour les raisons exposées ci-dessous et ont fait la recommandation qui suit :

Ce qui me dérange surtout au sujet du refus de vendre, c'est qu'il n'est nulle part question de vérifier les effets de la pratique sur la concurrence. Dans le cas de presque toutes les autres dispositions de la Loi, pour justifier une intervention, il faut que la pratique incriminée restreigne la concurrence d'une manière ou d'une autre. Toutefois, il n'en va pas de même pour le refus de vendre. Il y a tout simplement quelqu'un qui est gêné dans son exploitation parce que vous ne lui fournissez pas ce dont il a besoin. Le Tribunal a accepté de définir les marchés en fonction des marques, de sorte que si vous êtes un vendeur de pièces Chrysler et que vous refusez de fournir des pièces à quelqu’un, c'est une raison suffisante pour le Tribunal, de sorte qu'un simple différend au sujet d’un contrat privé devient une affaire de concurrence. […]

Je préférerais donc que l'on élimine purement et simplement les dispositions s'appliquant au refus de vendre, car si cette pratique est le fait d'une entreprise jouissant d'une position dominante, on peut toujours se prévaloir des dispositions sur l'abus de position dominante, qui comportent un critère relativement à l’amoindrissement de la concurrence. À défaut, j'ajouterais un critère lié à la concurrence, quelque chose établissant qu'il faut que la concurrence soit restreinte puis […] j'autoriserais les parties à intenter elles-mêmes des poursuites si le commissaire considère qu'il n'est pas dans l'intérêt général qu'il le fasse. [Tom Ross, 46:9:15].

Ce conseil est particulièrement pertinent quand on accorde des droits privés d’action, comme l’a fait remarquer le témoin suivant :

[…] à mon avis l'article 75, par exemple, qui traite du refus de vendre, est pour commencer mal rédigé dans la Loi et, en particulier, il crée une infraction en soi. Cela veut dire que si une entreprise peut établir qu'un fabricant ou un fournisseur a refusé de l'approvisionner, il y a automatiquement violation de la Loi. Il n’est indiqué nulle part à l’article 75 qu’il faut aussi établir que l’acte incriminé a pour effet de restreindre substantiellement la concurrence. Bien évidemment, l'interprétation donnée jusqu'à présent par le commissaire, qui filtre les affaires, a évité que l'on intente des poursuites frivoles en vertu de l'article 75. Toutefois, une fois que nous aurons accordé des droits de recours privés, il est vraisemblable qu'il n'en sera plus ainsi. Il y aura donc certainement des poursuites privées dans des cas où le refus de vendre est en fait favorable à la concurrence ou pourrait l’être. [Roger Ware, 52:9:40-9:45]

Par conséquent, dans l’esprit de la protection de la concurrence et pour éviter d’intervenir dans ce qui pourrait n’être rien d’autre qu’un différend contractuel privé, il y aurait lieu, de l'avis du Comité :

12. Si des particuliers sont autorisés à s'adresser au Tribunal de la concurrence afin d’obtenir un redressement dans des affaires susceptibles d’examen au civil, que le gouvernement du Canada envisage de modifier l’article 75 de la Loi sur la concurrence portant sur le refus de vendre afin d’y ajouter un critère relatif aux effets sur la concurrence.