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INDU Rapport du Comité

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INTRODUCTION

De manière générale il s’agit d’une loi bien structurée, moderne et dont nous pouvons être fiers. Elle est le reflet d’une pensée économique moderne. C’est une mesure de réglementation économique tout à fait à jour. [Tom Ross, 46:9:15]

Il est toujours possible d'améliorer les choses, et la Loi sur la concurrence qui, selon nous, continue à refléter une approche moderne et bien équilibrée à l'égard du droit de la concurrence, n'est pas une exception. [Paul Crampton, 53 :15:35]

La première loi canadienne sur la concurrence, adoptée en 1889 et intitulée Acte à l’effet de prévenir et supprimer les coalitions formées pour gêner le commerce, constituait une première mondiale. Résultat des soupçons que l’explosion du nombre de fusions et de trusts formés à la fin du XIXe siècle éveillait chez le public, la nouvelle mesure mettait fin à une période de laissez-faire. Malgré sa faiblesse initiale, chaque révision modeste du droit de la concurrence, et il y en a eu beaucoup depuis un siècle, a permis de la moderniser et de la rendre plus efficace. Le Canada peut aujourd’hui s’enorgueillir de sa Loi sur la concurrence; c’est une mesure efficace qui tient compte autant des intérêts des consommateurs à obtenir des marchandises et des services de qualité à des prix concurrentiels que de ceux des commerçants à pouvoir concevoir et réaliser librement leurs plans et stratégies d’affaires sans ingérence gouvernementale.

La Loi sur la concurrence, qui a pour but de préserver et de favoriser le jeu de la concurrence, est un instrument économique bien conçu. Elle est d’application générale, puisqu’elle vise également tous les secteurs d’activité (sauf ceux qui jouissent du privilège parlementaire) et ne favorise les intérêts d’aucun concurrent ni d’aucune catégorie de concurrents. En mettant en place une vaste structure destinée à maintenir la concurrence, ce qui fixe les « règles du jeu », en assurant la plus grande diffusion possible des directives du Bureau de la concurrence sur l’application de la Loi auprès du milieu des affaires tout en s’acquittant de son rôle de défenseur à de nombreuses audiences réglementaires, de façon à mettre tous les intervenants au courant des règles, et en veillant judicieusement au respect des dispositions de la Loi, de sorte que l’arbitrage est conforme aux règles, la Loi sur la concurrence du Canada et ceux chargés de l’appliquer ont réussi à créer un climat économique où les infractions sont l’exception plutôt que la règle.

La mesure législative initiale du Canada dans le domaine de la concurrence est née, à n’en pas douter, du dégoût que les coalitions d’affaires de l’époque inspiraient à la population. La plupart de ces grandes fusions étaient cependant attribuables aux énormes économies d’échelle que des produits et procédés novateurs permettaient de réaliser. Une situation semblable semble se produire aujourd’hui. L'innovation est de nouveau à l'origine du changement, mais il s’agit moins cette fois d’avantages que les économies d’échelle et de gamme découlant de nouveaux investissements apportent sur le plan des coûts que d’avantages intellectuels découlant du savoir (ou du « capital humain »). Au lieu de changements ponctuels, suivis d’une période d’exploitation des avantages liés à la taille et à la gamme, l’économie du savoir actuelle s’accompagne d’un processus constant de changement où les produits, les techniques et les méthodes de production et de distribution ne cessent de s'améliorer. À mesure qu’ils sont mis au point, les nouveaux modèles d’entreprise exercent de nouvelles pressions sur le milieu des affaires et font apparaître de nouvelles fissures dans la structure de la politique de concurrence.

Les détaillants plus traditionnels semblent les plus durement touchés par l’ouverture d’hypermarchés, fondés sur des systèmes d’approvisionnement et de livraison au moment opportun, et par l’Internet, qui permet parfois de se passer entièrement d’intermédiaires. Qu’il s’agisse de postes d’essence, d’épiceries ou d'autres petites entreprises, les petits marchands indépendants se sentent évincés par des concurrents qui, beaucoup plus gros, sont intégrés verticalement. Ils mettent donc ouvertement en doute l’efficacité des dispositions de la Loi relatives aux prix d’éviction et aux abus d’une position commerciale dominante. Par contre, les nouvelles entreprises d’information et de télécommunications qui souhaitent former des alliances stratégiques, au lieu de procéder à une fusion intégrale susceptible d’entraîner une perte de productivité et de les amener à s’éparpiller, se heurtent à une législation antitrust conçue pour la situation industrielle qui existait à la fin du siècle dernier. De façon un peu analogue, les fabricants de produits complexes qui obligent les détaillants à faire appel à des services d’information ou de démonstration particulièrement étendus pour persuader les clients éventuels de leur utilité voient leurs stratégies de prix entravés, de façon arbitraire, par des mesures législatives sur les prix imposés qui ont été conçues pour réprimer les coalitions entre fabricants ou distributeurs.

Le présent rapport répond à ces inquiétudes en faisant état des constatations préliminaires et en indiquant sur quoi d’autres travaux et consultations pourraient porter en vue de réviser certaines dispositions pertinentes de la Loi sur la concurrence. Le chapitre 1 cerne d’abord les principaux aspects de la conjoncture économique qui transforment le paysage commercial, tout en mettant en contexte la politique canadienne de concurrence, c’est-à-dire tant le droit pertinent que son application. Dans le chapitre 2, nous examinons les dispositions de la Loi relatives aux collusions en quête de la meilleure façon de les moderniser, s'il y a lieu, compte tenu de la tendance croissante dans le milieu des affaires à forger des alliances et des coentreprises stratégiques. Dans les chapitres 3, 4 et 5, nous envisageons de déplacer plusieurs dispositions de la Loi relatives aux prix anticoncurrentiels — celles qui ont trait aux prix d’éviction, au maintien des prix sur l'axe vertical et à la discrimination par les prix — de façon à les faire passer des dispositions de la Loi à caractère pénal à celles qui prévoient un examen en droit civil. Des améliorations aux dispositions portant sur le refus de vendre et les prix à la livraison sont aussi envisagées afin d'éviter d'être mêlés à des différends contractuels privés. Le chapitre 6 porte sur les problèmes liés à l’extension du droit privé d'action contre les agissements anticoncurrentiels aux affaires susceptibles de faire l'objet d'un examen. Dans le chapitre 7, nous nous penchons sur les nouveaux pouvoirs d’émission d’ordonnances d’interdiction provisoires que réclame le commissaire à la concurrence et sur la rationalisation des procédures du Tribunal de la concurrence. Nous passons enfin en revue, au chapitre 8, d’autres façons de parer à la concentration des capitaux dans le secteur de la presse écrite, y compris la modification éventuelle de la Loi sur la concurrence par l’insertion de dispositions propres à ce secteur. Nous résumons enfin les principales conclusions et les constatations préliminaires du rapport.

Le Comité tient à souligner que le présent rapport se situe dans le contexte des propositions de changement que le Bureau de la concurrence, le Tribunal de la concurrence et les intervenants du secteur privé examinent déjà. C’est pourquoi il ne formule pas de recommandations définitives pour l’instant, se bornant plutôt à exposer ses constatations préliminaires fondées sur les témoignages entendus jusqu’ici et l’étude attentive des enjeux soulevés.