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HUMA Rapport du Comité

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V. STRUCTURE DE L’ORGANISATION : CE QUE NOUS AVONS APPRIS

Lorsqu’il a commencé son étude, le Comité a d’abord organisé sa recherche d’information et ses questions autour des problèmes décelés lors de la vérification interne de 1999 des subventions et contributions. Cependant, à mesure que ses travaux avançaient, il s’est rendu compte qu’il était impossible de séparer les problèmes actuels de certaines des préoccupations de plus vaste portée au sujet du Ministère qu’il avait soulevées à l’occasion de travaux antérieurs. Le Comité pense que son insatisfaction vis-à-vis de l’administration des subventions et contributions n’est pas sans rapport avec les réserves qu’il éprouve depuis plusieurs années.

Les membres du Comité ont donc été amenés à se poser les questions suivantes :

Quels devraient être les objectifs du Ministère?

Quel sont les rapports entre ces objectifs et le mandat du Ministère?

De quel type d’organisation et de quels outils le Ministère a-t-il besoin pour atteindre ces objectifs?

Lorsqu’on a créé le ministère du Développement des ressources humaines il y a sept ans, on avait pensé qu’il serait avantageux d’effectuer l’intégration horizontale d’un certain nombre de politiques et de programmes qui se recoupaient dans les domaines du travail, de l’emploi et de la formation, et du développement social. On voyait dans la création d’un super-ministère comme le ministère du Développement des ressources humaines un garant de cohésion et de cohérence. Le Ministère a été constitué en 1993 par la réunion d’éléments qui relevaient précédemment de cinq ministères. Ainsi, à la suite de la réorganisation de 1993, des politiques et programmes qui relevaient jusque là de cinq ministres et étaient administrés par cinq sous-ministres ne relevaient plus que d’un ministre appuyé d’un seul sous-ministre.

Pour le présent exercice, le Ministère a la responsabilité d’environ 60 milliards de dollars, soit à peu près 45 % des dépenses du gouvernement fédéral. À titre d’indication, signalons que les dépenses de DRHC représentent 5,5 fois celles du ministère de la Défense nationale (11 milliards), 26 fois celles du ministère de l’Agriculture et de l'Agroalimentaire (2,3 milliards), 30 fois celles du ministère de la Santé (2 milliards) et 100 fois celles du ministère de l’Environnement (0,6 milliard).

À lire ces chiffres, on pourrait être tenté à première vue d’imputer les problèmes administratifs du Ministère à sa taille, mais le Comité estime que ce serait une conclusion trop simpliste. Il faut bien voir cependant que beaucoup de grandes organisations ont un objet unique, ce qui n’est pas le cas de DRHC.

En fait, la caractéristique la plus frappante du Ministère est la diversité : diversité au niveau des objets, au niveau des programmes et de leurs conditions d’application, et au niveau de la clientèle. Notre étude des programmes de subventions et de contributions a montré que cette diversité est la cause d’un manque d’uniformité voire d’incompatibilités entre certains de ces éléments. Nous avons constaté, par exemple, que pas un mécanisme de reddition de comptes et pas une mesure administrative visant à remédier aux problèmes des subventions et contributions ne permettait de tenir compte du fait que les programmes ne fonctionnent pas tous de la même manière.

Nous nous sommes demandé si les problèmes administratifs du Ministère allaient au-delà d’une gestion médiocre conjuguée à un manque d’outils et de ressources pour assurer convenablement la prestation des programmes de subventions et de contributions. En fait, la plupart d’entre nous soupçonnons que le problème tient en grande partie à la structure même du Ministère qui l’empêche de satisfaire la clientèle extrêmement variée qu’il est censé servir, tant dans ses opérations quotidiennes qu’au niveau de l’élaboration des politiques à moyen et à long terme.

Compte tenu de l’ensemble de nos travaux en général et de notre étude des subventions et contributions en particulier, force est de constater que les synergies attendues de l’amalgamation de cinq ministères en 1993 ne se sont pas matérialisées. Le Comité a observé des signes d’anomalies de même que la ghettoïsation et la marginalisation de certaines questions comme celles qui touchent l’itinérance, les Autochtones et les personnes handicapées.

Avant 1993, cinq ministères et cinq ministres participaient à l’élaboration des politiques qui relèvent maintenant exclusivement du ministère du Développement des ressources humaines. À cette époque-là, les projets de politique faisaient l’objet de discussions entre ces ministères et ministres. De toute évidence, quand les parties concernées n’arrivaient pas à s’entendre, le Cabinet tranchait. Depuis l’amalgamation, les discussions, les compromis et souvent les décisions sont bornés à une seule organisation, au demeurant hautement hiérarchisée, soit le Ministère. Est-il vraiment sain que les discussions et les décisions qui concernent d’importantes politiques publiques soient confinées à une seule organisation? À quel niveau ces discussions et décisions devraient-elles se produire? Aux échelons inférieurs de l’administration? Au niveau des hauts fonctionnaires des ministères et des organismes centraux? Au niveau du Cabinet? Dans ce dernier cas, comment un seul ministre peut-il vraiment défendre adéquatement les objectifs politiques disparates qui sont ceux du Ministère?

Dans notre travail comme membres du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées, nous avons parfois eu du mal à composer avec la grande diversité des activités du Ministère et à nous assurer que ce dernier rend dûment compte de ses actes au Parlement. En raison du peu de temps dont disposent les comités parlementaires, il nous a été impossible d’aborder certaines questions importantes relatives au Ministère, par exemple la question des divers transferts aux provinces et aux territoires. Le budget des dépenses du Ministère, de même que son Rapport sur les plans et les priorités et son Rapport sur le rendement contiennent une information moins détaillée que ceux de nombreux autres ministères en raison du grand nombre des sujets qui y sont couverts. Nous nous sommes rendu compte par exemple que les documents budgétaires du Ministère nous fournissaient en réalité très peu d’information sur ses programmes de subventions et de contributions. Le Comité, et en fait le Parlement même, gagnerait à examiner de plus près les dépenses et la reddition de comptes au Ministère, ce qui ne peut qu’être avantageux pour les Canadiens, qui ont besoin de savoir si leur argent est dépensé à bon escient. Si le Comité n’est pas en mesure de forcer le Ministère à rendre compte au Parlement, il y a lieu de se demander s’il est raisonnable de faire porter à un ministre la responsabilité de 45 % des dépenses du gouvernement fédéral.

Le Comité est le plus nombreux des comités permanents de la Chambre des communes en raison de l’ampleur du mandat du Ministère et de l’intérêt qu’il suscite parmi les députés. À cause de la multiplicité des questions dont nous sommes saisis, nous avons constitué deux sous-comités, l’un chargé des enfants et des jeunes et l’autre des personnes handicapées, mais nous ne sommes quand même pas arrivés à étudier tous les sujets que nous aurions voulu aborder, par exemple les questions relatives au travail, aux personnes âgées, aux sans-abri, au nouveau monde du travail et à l’aide financière destinée aux étudiants de niveau postsecondaire, pour ne nommer que ceux-là. Les députés du gouvernement comme ceux de l’opposition pourraient effectuer un meilleur examen des politiques et des programmes d’un ministère qui aurait un mandat plus homogène.

Les fonctionnaires du Ministère qui ont comparu devant nous, nous ont paru extrêmement centrés sur les questions internes et ne semblent pas comprendre l’importance de fournir au Parlement une information pertinente en temps opportun. Durant nos audiences sur les subventions et les contributions, nous avons observé que le Ministère semblait exagérément « accroché » à ses propres pratiques antérieures et qu’il consacrait bien trop de temps, d’énergie et de ressources à essayer de les justifier. Or, le mandat du Ministère consiste en partie à être un catalyseur de changement, ce qu’il ne peut faire qu’en écoutant, en apprenant et en tirant parti des connaissances des autres. Le Ministère devrait chercher des techniques innovatrices, pas défendre des activités et des modèles désuets. Après avoir interrogé des experts de l’extérieur — de fondations privées, d’autres organismes subventionnaires et d’universités — sur la manière dont ils avaient eux-mêmes remédié à des difficultés similaires dans le contexte du financement de subventions et de contributions, nous nous sommes rendu compte qu’il existait de nombreuses solutions de rechange dont il n’a jamais été fait mention durant les multiples comparutions des représentants du Ministère devant nous.

Les défis de la mondialisation et l’augmentation du niveau d’instruction global de la population rendent les barrières entre les secteurs de politique de plus en plus poreuses. Dans ce contexte, la politique sociale demeure importante. Nos contacts avec la population en notre qualité de députés nous ont convaincus que le Ministère devrait être le premier responsable de l’élaboration des politiques et programmes portant sur des questions sociales. Nous avons malheureusement l’impression que ce sont les considérations économiques, à savoir l’emploi, qui l’emportent. Cela veut dire que certaines questions de politiques sont laissées pour compte, par exemple celles qui concernent les personnes âgées. D’autres questions de politique compliquées, comme celles qui touchent par exemple les enfants et les sans-abri, sont colorées par les préoccupations en matière d’emploi.

La Direction générale de l’investissement dans les ressources humaines (DGIRH) est la preuve concrète que l’élément social est problématique dans l’image que le Ministère a de lui-même. Dans le budget des dépenses du Ministère, on indique que le principal engagement de la DGIRH consiste à « donner aux Canadiens et aux Canadiennes un marché du travail efficace et efficient ». Pourtant, le Ministère se sert de cet engagement comme réponse à l’objectif énoncé dans le discours du Trône de bâtir « une meilleure qualité de vie pour l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes — nos enfants, nous-mêmes et nos concitoyens ». Assurément, il ne suffit pas d’aider les gens à trouver du travail pour leur assurer une meilleure qualité de vie. Les activités de la Direction générale de l’IRH touchent l’alphabétisation, les personnes handicapées, les enfants et les personnes âgées. Plusieurs des personnes que nous avons entendues nous ont dit que la place qu’occupe la question de l’emploi au Ministère colorait leurs activités de développement social et empêchait l’épanouissement de leur rôle en tant qu’agents de changement à l’intérieur de leurs collectivités.

Parce qu’il y a un vide au niveau fédéral quant à certaines questions de politique, le Comité, et les Canadiens en général, se pose des questions auxquelles ils n’ont pas de réponse : quelle est la pertinence de confier à une organisation axée sur l’emploi des questions touchant les enfants, qui n’ont pas commencé à travailler, ou les personnes âgées, qui ne travaillent plus? Comment un ministère fédéral qui repose sur un paradigme économique peut-il traiter de questions sociales? Les Canadiens veulent-ils être considérés comme des citoyens, ou alors tout juste comme des ressources humaines ou économiques? Est-ce que le potentiel que présentait la création de DRHC a été perdu par exprès ou par défaut? Le gouvernement fédéral veut-il jouer un rôle dans la politique sociale? Dans le contexte actuel, quelle est la meilleure manière de voir aux besoins des enfants, des jeunes, des personnes âgées et des personnes handicapées? La question de l’itinérance, par exemple, n’est-elle vraiment qu’un problème d’emploi?

Le Comité ayant jugé insatisfaisante la structure du Ministère, nous estimons que le gouvernement fédéral doit se repositionner de manière à mieux traiter les questions qui intéressent les Canadiens, mais qui touchent plusieurs ministères. Les circonstances qui ont amené la création du Ministère en 1993 n’existent plus. À l’époque, le problème de l’itinérance était loin d’avoir les proportions qu’il a prises maintenant. Aucun organisme public n’assure l’intégration des conditions sociales des Canadiens et de leurs besoins en santé. Or, on connaît l’importance des déterminants sociaux de la santé, et les programmes et politiques à caractère social du Ministère ont sur eux un impact certain. Plusieurs témoins ont parlé de santé et de développement économique au niveau des collectivités. Il faut certes des programmes de formation et des emplois pour bâtir des collectivités vigoureuses, mais il faut aussi une foule d’autres mesures.

Lorsqu’il a amorcé son étude des subventions et des contributions, le Comité n’avait nullement l’intention d’en arriver à un débat sur la conception même du Ministère, mais nous nous sommes rendu compte qu’il était impossible de traiter adéquatement de ces transferts sans examiner les activités du Ministère et sa façon de procéder. Le Comité estime qu’il est temps de remettre en question l’ensemble du concept qui sous-tend le ministère du Développement des ressources humaines à la lumière de l’évolution de la conjoncture et des besoins courants. La nomination d’un plus grand nombre de secrétaires d’État à l’intérieur du Ministère ne résoudra pas le problème, car tous les fonctionnaires du Ministère continueront de relever du sous-ministre du Développement des ressources humaines, et un seul ministre continuera d’assumer l’entière responsabilité des dépenses et des activités du Ministère.

La solution consiste peut-être à créer des ministères à la mission plus homogène. Qu’est-ce qui fonctionnerait le mieux? Obtiendra-t-on une plus grande uniformité en réunissant le travail, l’emploi et l’assurance-emploi dans un même ministère? Les spécialistes pourraient-ils ainsi mieux évaluer les plans d’entreprise de tiers du secteur privé? Vaudrait-il mieux, comme en Grande-Bretagne, confier à des ministères spécialisés le contrôle et l’administration des transferts aux particuliers (Sécurité de la vieillesse, Supplément de revenu garanti, Régime de pensions du Canada et pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada)? Un tel mandat plus étroit pourrait éventuellement faciliter la gestion des systèmes et de l’information nécessaires pour assurer la prestation de ces programmes.

Ce fractionnement ne résout cependant pas le problème de la gestion des questions de politique sociale et de développement social qui touchent plusieurs ministères. Pour cela, on pourrait envisager d’établir de nouveau un organisme central, par exemple un ministère d’État au Développement social qui serait chargé de contrôler et de coordonner les activités de tous les ministères et organismes fédéraux dans la sphère du développement social. On pourrait loger au sein de cette structure une petite direction générale des programmes qui serait chargée de projets de démonstration et d’activités connexes.

Le Comité est parfaitement conscient du fait qu’il n’a pas suffisamment de renseignements en mains pour poser un jugement éclairé sur les diverses solutions de rechange qui pourraient être envisagées. Il est cependant convaincu de la nécessité de procéder à un changement faute de quoi, si la culture de gestion ne change pas et si l’on n’améliore pas les pratiques administratives, nous risquons de jouer aux apprentis sorciers et de nous retrouver avec des solutions bancales.

Nous recommandons :

30. Que le gouvernement scinde le Ministère en plusieurs unités plus homogènes.