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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 11 avril 2000

• 0936

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): La séance est ouverte.

Vous vous souviendrez que la présente réunion est encore une autre séance dans le cadre de l'étude du Caucase qui, j'ai le regret de le dire aux membres du comité, fait toujours partie de la saga de négociations continues avec—permettez que je prononce ces mots afin qu'ils figurent au procès-verbal—le comité inaccessible, indépendant et généralement impénétrable qui décide de ces questions. Nous attendons toujours que les grands pontes nous communiquent leurs décisions.

Pardonnez-moi. Je ne voulais pas entraîner les pauvres témoins dans toute cette affaire. Ce n'est pas votre problème. C'est le nôtre.

Nous sommes très heureux d'accueillir parmi nous ce matin les représentants d'un certain nombre de sociétés très intéressantes: M. Carroll, de World Wide Minerals; M. Homeniuk, de Cameco, une société qui est active au Kirghizistan; M. Grabowski, du Groupe SNC-Lavalin, qui a déjà comparu devant le comité à d'autres occasions pour nous parler des activités de la société; et un représentant d'AEC International de l'Alberta, qui va être le président de Caspian Energy Consulting. Si j'ai bien compris, il est venu des États-Unis se joindre à nous. Est-ce bien cela, monsieur Sobhani?

M. Rob Sobhani (président, Caspian Energy Consulting): Oui.

Le président: Merci beaucoup à vous tous d'être venus. Nous vous en sommes reconnaissants et sommes très intéressés de savoir comment vous pourrez nous aider à mieux comprendre la région grâce à ce que vous y avez vous-même vécu.

Nous allons vous entendre dans l'ordre dans lequel nos noms figurent sur la liste. Je vous demanderai de vous en tenir, pour votre exposé initial, à dix minutes, ce qui nous permettra de passer ensuite aux questions, et nous avons toujours constaté que ces rencontres sont particulièrement intéressantes lorsque les députés ont l'occasion d'interroger les membres du panel. C'est ainsi que l'on fait notre éducation.

Nous allons donc commencer par M. Carroll, pour poursuivre en suivant la liste.

Allez-y, je vous prie, monsieur Carroll.

M. Paul Carroll (président-directeur général, World Wide Minerals Ltd.): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Paul Carroll. Je suis président-directeur général de World Wide Minerals Ltd., une société d'exploitation de minéraux qui a son siège à Toronto. Nous sommes depuis plusieurs années actifs dans le secteur des minéraux.

L'expérience directe de notre société dans cette région se limite en fait au Kazakhstan. En 1996, nous avons répondu à un appel d'offres pour l'exploitation et la gestion, avec possibilité de participation, de la plus grosse entreprise d'exploitation et de transformation d'uranium au Kazakhstan, soit la Tselliny Gorno-Khimicheskii Kombinat, mieux connue sous le nom de TGK, car la plupart des gens là-bas n'arrivent pas à prononcer son vrai nom. C'était autrefois la deuxième entreprise de transformation d'uranium en importance en Union soviétique. En fait, avec la fermeture de la plupart des autres usines qui étaient toujours en exploitation, il se pourrait que celle-ci soit la plus importante de l'ancienne Union soviétique.

Nous avons donc répondu à un appel d'offres. Même si l'appel d'offres avait été assez largement diffusé, deux offres seulement ont été faites et c'est la nôtre qui a été retenue.

C'est ainsi que nous avons entrepris de revitaliser les opérations minières conventionnelles dans le nord du Kazakhstan dans une ville du nom de Stepnogorsk, qui était restée une ville secrète jusqu'à l'éclatement de l'Union soviétique. Si vous regardez une carte du Kazakhstan vieille de plus de cinq ans, vous ne l'y trouverez même pas. Mais cela n'est pas rare dans le cas des installations d'énergie atomique de l'ex-Union soviétique.

• 0940

Le président: Il n'y a de toutes façons pas grand-chose sur une carte du Kazakhstan.

Des voix: Oh, oh!

M. Paul Carroll: Vous n'y verrez même pas le point.

Le président: D'accord.

M. Paul Carroll: Mais vous y verrez un embranchement qui va de la ligne ferroviaire principale à nulle part. C'est en fait là que se trouve Stepnogorsk. Comme je l'ai dit, à une époque, c'était le deuxième producteur en importance de produits d'uranium, dont on me dit qu'on pouvait se servir pour fabriquer des charges explosives, des unités de propulsion pour navires militaires, etc.

Aucun uranium du Kazakhstan n'était commercialisé à l'extérieur du Kazakhstan. Il n'existe aucun marché intérieur. Il existe au Kazakhstan une centrale nucléaire plutôt vétuste, mais celle-ci obtient son combustible en Union soviétique. Il n'existe pas au Kazakhstan d'installation de production de combustible de deuxième palier.

Nous nous sommes donc engagés à prendre en mains l'exploitation de TGK. Suite à une période de diligence raisonnable, nous avons assumé la gestion de l'entreprise à l'automne 1996, et nous avons alors commencé à dépenser de l'argent. Nous avons payé certains des arrérages de salaires et de pensions. L'usine n'avait pas fonctionné depuis au moins deux ans lorsque nous l'avons reprise.

Après plusieurs années d'exploitation, lorsque nous avons commencé à produire de l'U3O8, soit le produit commercial qui résulte de l'exploitation et de la transformation de l'uranium, nous avons demandé des permis d'exploitation. Comme je l'ai dit, il n'existe aucun marché intérieur, alors tout ce qui est produit est destiné à l'exportation, ce qui, du point de vue d'un investisseur étranger, est en fait une bonne nouvelle, en ce sens que toute la production est exportée et qu'elle rapporte donc uniquement des devises convertibles, car les ventes se font à des centrales nucléaires de pays occidentaux. C'était là la bonne nouvelle.

La mauvaise nouvelle est que lorsque nous avons fait nos demandes de permis, en dépit du fait que nous y avions droit, le gouvernement du Kazakhstan nous les a refusées. Après une bagarre de plusieurs mois, nous avons fini par dire que si nous ne pouvions pas produire pour vendre, alors nous n'allions pas produire. Nous avons donc fermé l'entreprise et le gouvernement s'est vengé en nous expulsant plus ou moins du pays. Nous avons donc travaillé pendant environ un an et demi au Kazakhstan, et nous essayons depuis août 1997 de récupérer notre investissement, qui s'élève à ce jour à près de 24 millions de dollars US.

Nous avons par ailleurs essuyé une perte énorme de profits potentiels évaluée à jusqu'à 300 millions de dollars en valeur actualisée, ce qui est selon moi plutôt conservateur.

Il s'est agit d'un très important investissement par une société canadienne cotée à la Bourse de Toronto. Tout l'argent a été obtenu au Canada, principalement sur les marchés boursiers. Nous avons joui d'une formidable collaboration de la part du ministère des Affaires étrangères du Canada ainsi que du gouvernement américain, qui a bien sûr dans la région encore plus d'intérêts stratégiques que le Canada.

Cette situation a été très désagréable et elle n'est pas unique. De nombreuses autres sociétés minérales canadiennes, surtout des petites, ont subi le même sort au Kazakhstan. Me viennent à l'esprit deux autres sociétés—Kazakhstan Goldfields et Central Asia Goldfields—qui ont toutes deux vécu des histoires semblables et qui ont toutes deux lancé des actions de recouvrement d'une forme ou d'une autre contre le gouvernement du Kazakhstan en vue d'essayer de récupérer leur investissement.

Il semble qu'il y ait une invitation ouverte à aller dans ce pays et à y dépenser de l'argent, mais une fois que vous avez dépensé les fonds initiaux, alors c'est tant pis pour vous. C'est exactement cela qui nous est arrivé.

En ce qui concerne les poursuites intentées par nous, il s'agit principalement d'une action de récupération par l'intermédiaire de la U.S. Federal Court, car il y a des intérêts américains dans notre entreprise. Nous vendions principalement à des centrales américaines et nous vendions par l'intermédiaire d'un agent américain qui s'occupait de la commercialisation de notre produit. Il y a donc des intimés américains.

Pour des raisons qui sont sans doute assez évidentes, nous avons choisi les États-Unis comme tribune: c'est là que nous pensions avoir les meilleures chances de voir nos poursuites aboutir. Nous avons bénéficié d'une aide considérable de la part du Congrès américain. Nous avons en fait obtenu que le Congrès américain adopte une loi en vertu de laquelle le consentement au Kazakhstan de toute nouvelle assistance multilatérale ou unilatérale sera conditionnelle à la prise de mesures en vue de résoudre les différends opposant le pays à des investisseurs étrangers.

• 0945

Les mesures législatives ont été prises. Nous n'avons pas encore vu grand-chose de la part du gouvernement du Kazakhstan, mais il y a eu plusieurs promesses d'action et nous comptons que nos efforts finiront bien par aboutir.

Monsieur le président, je vais m'arrêter là et céder la place aux autres intervenants en attendant la période des questions.

Le président: Très bien. Nous ne vous demanderons pas si vous vous y êtes beaucoup amusé. Ce ne me semble pas être très drôle là-bas.

M. Paul Carroll: C'est en fait un très beau pays. Chose intéressante, côté superficie, géographie et géologie, c'est à peu près l'équivalent de ce qu'il y a entre la tête des Grands Lacs et l'océan Pacifique, et c'est à peu près moitié moins large. C'est l'équivalent de ce territoire-là. C'est un très grand pays.

La population est en train de reculer. Pendant notre bref séjour, la population y est passée de 16,5 à 15,5 millions de personnes. Il y a une forte immigration de Russes ethniques retournant en Russie, et dont certains sont revenus, ayant constaté que les choses n'allaient pas très bien chez eux. Beaucoup d'Allemands européens sont rentrés en Allemagne. Ils étaient ethniquement allemands. La population est donc en fait en train de diminuer.

Quant au climat pour l'investissement étranger, je dois dire qu'il a été abominable. L'activité minière menée dans le pays par des investisseurs étrangers est aujourd'hui quasi inexistante comparativement au niveau d'il y a deux ou trois ans. Je pense que l'investissement étranger direct dans le secteur minier avait atteint 300 millions ou 400 millions de dollars US par an. Aujourd'hui, il est négligeable.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Carroll.

Monsieur Homeniuk.

M. Len Homeniuk (président, Cameco Gold Ltd.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Mesdames et messieurs, collègues, je suis très heureux de l'occasion qui m'est ici offerte de m'adresser au comité.

J'aimerais commencer par dire qu'avant d'occuper mon poste actuel de président de Cameco Gold, une filiale de la Cameco Corporation, j'étais président de la Kumtor Operating Company, notre principale entité à Bishkek, et j'ai eu le privilège de vivre pendant cinq ans dans cette région.

Cameco est la plus importante société productrice de combustible nucléaire cotée en bourse. Elle extrait de l'uranium surtout de deux grandes mines à haute teneur situées en Saskatchewan et traite l'uranium dans deux usines en Ontario, pour ses clients qui en font l'utilisation. Cameco est aussi un grand producteur d'or.

Cameco a entrepris ses activités en Asie centrale en 1992. À l'heure actuelle, ses principales activités sont réparties comme suit: une participation de un tiers et l'exploitation de la mine d'or Kumtor, en République kirghize, et une participation de 60 p. 100 et l'exploitation d'un très important gisement d'uranium non encore mis en valeur, appelé Inkai, en République du Kazakhstan. Ces projets sont fort complexes et offrent un contraste intéressant en ce qui a trait à la philosophie des pays hôtes face à l'investissement étranger. J'aborderai chaque projet dans le contexte du climat d'investissement, de la stabilité politique et des perspectives économiques des pays respectifs.

J'aimerais cependant d'abord faire quelques commentaires généraux. Il ne fait aucun doute que l'Asie centrale, région voisine de la République populaire de Chine, de la Russie, du Caucase et de plusieurs pays islamiques, est actuellement, du point de vue géopolitique, un grand sujet de préoccupation pour les pays occidentaux, et qu'elle prendra de plus en plus d'importance à l'avenir. Des ambassades y ont déjà été ouvertes par d'importantes puissances mondiales: les États-Unis, l'Allemagne, l'Italie et la France. Il est par conséquent à notre avis nécessaire que le Canada joue en Asie centrale, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, un rôle plus visible que celui qu'il a joué jusqu'à maintenant.

Comme c'est le cas pour la plupart des investissements étrangers, la participation de sociétés canadiennes au développement de l'économie de l'Asie centrale entraînera éventuellement des bénéfices financiers importants pour le Canada. Par exemple, comme la mine de Kumtor a permis de le constater, plus de 500 emplois bien rémunérés ont été créés pour des Canadiens au plus fort de la construction. La mine est aujourd'hui en phase de production commerciale et plus de 130 Canadiens y sont employés. D'autre part, le Canada a retiré de grands bénéfices des importants achats de produits et de services canadiens. Ces achats se poursuivront pendant toute la vie du projet. Cependant, sans l'appui d'une présence forte du gouvernement canadien, il est difficile d'obtenir une participation importante du monde des affaires canadien.

L'un des domaines dans lesquels les investisseurs actuels et potentiels du secteur des affaires bénéficieraient d'une représentation forte du gouvernement canadien dans la région est l'évaluation et la compréhension des institutions politiques. Même si chaque investisseur important procède à ses propres contrôles préalables et tire ses propres conclusions, une analyse politique judicieuse, préparée par des spécialistes, a une valeur inestimable.

Chacun des pays clés de la région a adopté une structure politique légèrement différente—et, dans certains cas, par exemple celui du Turkménistan, radicalement différente—de celle de ses voisins. Par exemple, alors que la République kirghize continue à être le chef de file de la région en ce qui a trait aux réformes pro-démocratie et malgré certains événements qui ont été rapportés dans le contexte des dernières élections parlementaires, le Turkménistan est un pays totalitaire.

• 0950

L'Ouzbékistan, dont le Président Karimov continue à préconiser une démocratie contrôlée, présente, pour l'investisseur, des défis différents de ceux du Kazakhstan où, à vrai dire, l'on ne sait pas si le Président Nazarbaev, qui s'est assuré de régner longtemps, contrôle véritablement tous les volets de l'économie du pays.

Avant de traiter de Kumtor, j'aimerais attirer votre attention sur une autre question qui ne manque jamais d'être soulevée dans le cours des activités commerciales dans cette région. Il s'agit de la corruption. Les pays d'Asie centrale sont, suivant les normes occidentales, des pays pauvres. Leurs fonctionnaires touchent des salaires incroyablement bas. Cette combinaison crée une situation où les demandes de pots-de-vin sont inévitables. Succomber aux pratiques de corruption est non seulement illégal en vertu des lois anti-corruption adoptées par le Canada, c'est aussi une pratique d'affaires malsaine qui transforme ceux qui s'y adonnent en cibles de choix.

Cameco a toujours refusé d'encourager ces pratiques et le résultat a été, dans le meilleur des cas, l'inaction ou d'interminables négociations sur divers points, négociations qui exigent beaucoup d'efforts et souvent même d'ingéniosité. Par ailleurs, seule la transparence totale peut assurer la réussite à long terme du projet.

Prenant une fois de plus Kumtor comme exemple, nous avons agi conformément à la philosophie selon laquelle «nous n'avons pas de secrets» et communiqué tous les renseignements, à l'exception de ceux ayant trait à la sécurité, à toutes les parties intéressées dans le projet, notamment gouvernements, ONG et collectivités locales. Cette politique de transparence sert à son tour à limiter le nombre d'offres qui nous sont faites, ce qui allège quelque peu les pressions liées au projet.

La mine d'or de Kumtor est située en République kirghize, à 60 kilomètres au nord-ouest de la frontière avec la Chine, à plus de 4 000 mètres au-dessus du niveau de la mer, dans une région très éloignée qui présente des défis logistiques de taille à cause de l'altitude élevée et de sa position enclavée.

Le projet de Kumtor représente le plus important investissement étranger en République kirghize, un pays dont la superficie fait le tiers de la Saskatchewan et qui compte moins de cinq millions d'habitants. Tout comme ses républiques voisines, le Kazakhstan et l'Ouzbékistan, la République kirghize souffre de sous-développement dans son économie, mais, contrairement à ses voisines qui possèdent des ressources naturelles et des terres arables en abondance, la République kirghize a peu à offrir à ces deux chapitres.

Cameco Corporation, par l'intermédiaire de Cameco Gold Inc., sa filiale en propriété exclusive, est propriétaire d'un tiers de la Kumtor Gold Company, coentreprise formée pour la mise en valeur du gisement d'or de Kumtor. Kurgyzaltyn, une société par actions qui est un instrument du gouvernement de la République kirghize, est propriétaire des deux autres tiers. La société exploitante Kumtor, une filiale à part entière de Cameco Gold Inc., enregistrée en République kirghize, est l'exploitant de projet.

Le projet de Kumtor assure des emplois à plus de 1 650 travailleurs, dont 92 p. 100 sont des ressortissants kirghizes, les 8 p. 100 restants étant principalement des Canadiens. L'on estime à environ 5 000 le nombre d'emplois supplémentaires créés dans les collectivités locales pour offrir biens et services à Kumtor. Le projet de Kumtor représente environ 19 p. 100 du PIB de la République kirghize et près de 30 p. 100 de ses exportations.

Entre 1992 et 1994, Cameco a négocié un accord d'investissement général, que nous appelons l'accord-cadre, régissant tous les aspects du développement des projets, y compris impôts, exploitation, droits d'importation et d'exportation, et financement. Cet accord a été soumis à un examen public approfondi en République kirghize, comportant notamment des audiences parlementaires et gouvernementales exhaustives avec la participation d'ONG et de diverses organisations politiques et sociales. L'accord régit toujours le projet.

L'accord s'est également révélé être une fondation solide pour obtenir le financement requis pour le projet, lequel était la responsabilité de Cameco Corporation. Les 452 millions de dollars—tous les chiffres que je donne sont en devises des États-Unis d'Amérique—requis pour la construction du projet et pour le fonds de roulement initial ont été fournis par un consortium bancaire mené par la Chase Manhattan, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et la Société financière internationale. Cameco Corporation a contribué 45 millions de dollars en capitaux propres ainsi qu'une dette subordonnée de 122 millions de dollars, et la Société canadienne pour l'expansion des exportations (SEE) a offert un crédit à l'exportation de 50 millions de dollars.

Par ailleurs, la Société canadienne pour l'expansion des exportations, l'Agence multilatérale de garantie des investissements et l'Overseas Private Investment Corporation ont fourni une assurance contre le risque politique pour le projet. Kumtor et Cameco continuent à travailler en étroite collaboration avec les organisations multilatérales intéressées dans le projet, notamment avec la SEE, pour s'assurer de leur appui constant.

• 0955

Les organisations multilatérales telles la SEE, qui jouissent du plein appui du gouvernement canadien, permettent souvent de résoudre rapidement et efficacement des problèmes politiques qui risqueraient de nuire au projet. Dans le même contexte, le gouvernement canadien, par l'intermédiaire de Ressources naturelles Canada et d'Affaires étrangères et Commerce international Canada, a offert, au fil des ans, un appui inestimable au projet.

À titre d'exemple, j'aimerais mentionner l'aide précieuse offerte par le gouvernement canadien à la suite d'un accident qui est arrivé en mai 1998 à un camion de Kumtor transportant du cyanure. Même s'il a été clairement établi que le gouvernement canadien ne tolérerait pas de pratiques dangereuses pour l'environnement, il a aidé à calmer l'hystérie collective qui a immédiatement entouré l'événement et il a appuyé une analyse très scientifique et très équilibrée de la situation et y a même contribué. L'aide compétente qu'il nous a fournie dans ces circonstances a été des plus précieuse pour le projet Kumtor.

Parmi les rares gros projets miniers en cours au sein de la Communauté des États indépendants, Kumtor est indéniablement une belle réussite. La mine est entrée en production plus tôt que prévu en 1996 et produit de l'or sans interruption importante depuis. La production devrait d'ici quelques mois atteindre environ deux millions d'onces. Il n'en demeure pas moins que l'environnement dans lequel ce projet a été lancé n'est pas facile.

Premièrement, être le plus important investisseur dans un petit pays comporte un prix élevé côté attentes et toutes les actions, même les plus bénignes, sont scrutées à la loupe. Le projet est loin d'être aussi rentable pour ses promoteurs que ne l'avaient annoncé les prévisions initiales, à cause, notamment, de la baisse substantielle des prix de l'or et de l'augmentation des coûts d'immobilisations par rapport aux prévisions. Même si pour Cameco Corporation il s'agit strictement d'une question commerciale, pour la République kirghize, qui comptait sur des revenus considérables pour renflouer son maigre budget, il s'agit d'un projet d'une grande importance, non seulement sur le plan économique, mais également sur le plan politique.

Nous sommes conscients d'avoir une responsabilité à cet égard et travaillons très étroitement avec le gouvernement kirghize pour maximiser, autant que faire se peut, les bénéfices du projet versés dans les coffres de l'État. Il est cependant évident qu'aucun projet ne peut, à lui seul, régler tous les problèmes d'un pays, peu importe son ampleur ou la taille du pays. À cet égard, nous encourageons d'autres investissements étrangers en République kirghize, pour le bien du pays ainsi que pour celui de l'investisseur.

Les atavismes culturels, économiques et politiques hérités de l'ère soviétique continuent, encore aujourd'hui, de compliquer sérieusement le fonctionnement harmonieux des opérations: bureaucratie omniprésente, ingérence indue du gouvernement et système judiciaire inefficace ne sont que quelques-uns des obstacles auxquels nous nous heurtons chaque jour. Nous avons dû consentir beaucoup d'efforts pour comprendre l'environnement culturel de l'Asie centrale, en particulier celui de la République kirghize, et pour apprendre à fonctionner dans cet environnement.

Trop souvent, selon nous, les investisseurs étrangers sous-estiment et méconnaissent les défis de l'implantation en culture étrangère. Au lieu de comprendre leur rôle et leur place, ils tentent d'imposer leur culture commerciale au pays d'accueil s'attendant à ce que ce soit lui, et non pas eux, qui s'adapte. Cette approche ne débouche que très rarement sur des résultats positifs. Nous nous efforçons quant à nous de faire de Kumtor une société qui se comporte en bon citoyen de la République kirghize, participant activement à sa vie sociale, artistique, économique et culturelle et bâtissant ce que nous appelons un «partenariat doré», relation à long terme qui s'appuie sur le respect mutuel et des objectifs communs.

Le président de la République kirghize encourage ouvertement l'investissement étranger, mais jusqu'à maintenant, à l'exception de Kumtor, ces investissements ont été minimes et concentrés surtout dans le secteur des services. Le projet Kumtor a été traité en priorité et à grande vitesse pendant la phase construction mais, depuis, les activités se heurtent fréquemment à une bureaucratie kirghize qui a peu évolué depuis l'ère soviétique, ainsi qu'aux lourdeurs administratives des anciennes républiques soviétiques voisines. Dans certains cas, plutôt que de traiter avec ces républiques—et à leur détriment—nous avons choisi de traiter avec la République populaire de Chine, qui a une mentalité beaucoup plus axée sur les affaires, pour nos approvisionnements et fournitures.

La réglementation est un autre héritage de l'ère soviétique et certains des règlements sur les mines remontent aux années 30. Exploiter une mine moderne dans ces circonstances s'avère une tâche très lourde et pleine de frustrations. Toutefois, je suis heureux de dire qu'après des années de pressions exercées par Kumtor, l'administration kirghize a entrepris de réviser nombre des règlements sur les mines. Les nouveaux règlements s'inspireront des règlements sur les mines présentement en vigueur en Saskatchewan.

Au plan politique, le pays a connu des changements importants au cours des deux dernières années, avec une succession de quatre premiers ministres et deux nouveaux gouvernements. Des élections parlementaires ont tout juste eu lieu en mars. Malheureusement, contrairement aux affirmations voulant que la République kirghize soit le pays le plus démocratique d'Asie centrale et qu'elle se soit efforcée de mettre en place un gouvernement élu démocratiquement et une économie de libre marché au cours des neuf années écoulées depuis l'obtention de son indépendance de l'Union soviétique, le pays semble lui aussi se tourner vers l'autocratie.

• 1000

Les élections parlementaires ont été critiquées par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe car elles ne satisfont pas les normes internationales. Les élections présidentielles, prévues pour l'automne, permettront probablement au président Akaev de resserrer son emprise sur le pays.

L'intérêt de Cameco en République du Kazakhstan est une participation de 60 p. 100 dans une coentreprise visant à mettre en valeur et à exploiter le gisement d'uranium Inkai. Ce gisement est l'un des plus importants gisements d'uranium au monde et le minerai y est extrait par une technique respectueuse de l'environnement appelée «lixiviation in situ». Cameco possède une grande expérience de cette technologie, qu'elle utilise pour l'exploitation des deux mines qu'elle possède aux États-Unis.

Après une période de négociations intensives, Cameco a acquis les droits sur le gisement en 1996. En contraste frappant avec ce qui s'est produit dans le cas du projet Kumtor, la société cherche toujours à obtenir les permis et approbations gouvernementaux nécessaires pour procéder à une évaluation environnementale et entreprendre l'aménagement d'une mine témoin. Nous attendons ces approbations pour le milieu de l'an 2000. Le plan d'aménagement de la mine Inkai prévoit que l'exploitation commerciale commercera au cours de la quatrième année du projet pour tripler la septième année.

Le Kazakhstan possède d'abondantes réserves de pétrole et de gaz naturel et d'autres ressources minérales. Le potentiel du secteur des hydrocarbures a d'ailleurs beaucoup retenu l'attention du gouvernement et il a été extrêmement difficile de l'intéresser à des projets de moindre importance comme la mine Inkai. Le déclin des prix du pétrole en 1998 a mis en évidence les lacunes de cette politique à courte vue qui ne s'intéresse qu'à un seul secteur. L'économie du Kazakhstan étant très peu diversifiée, le pays avait alors tenté d'attirer d'autres investissements, notamment dans les mines, mais il était fort mal préparé pour approuver des projets, étant donné que la plus grande partie des ressources humaines du gouvernement était concentrée dans le ministère du pétrole et du gaz naturel.

Avec la récente remontée des prix du pétrole, le gouvernement s'intéresse de nouveau aux entreprises pétrolières, au détriment des autres secteurs. Malgré les exhortations du président pour encourager l'investissement étranger dans des secteurs autres que celui des hydrocarbures, le Kazakhstan demeure paralysé par la bureaucratie. Par exemple, au moins trois décrets présidentiels et de nombreuses proclamations officielles ont été publiés à l'appui du projet Inkai, mais celui-ci ne progresse que très lentement. Le gouvernement canadien et les ambassades locales ont fait plusieurs interventions à des échelons élevés du gouvernement, mais sans grand succès.

Le fait que le projet Inkai soit toujours en suspens malgré les meilleures intentions et les appels nombreux et répétés de ses partisans montre bien que les défis à relever au Kazakhstan sont fort différents de ceux auxquels nous avons fait face pour notre investissement en République kirghize. Le Kazakhstan réussira malgré lui, uniquement parce qu'il est doté de ressources naturelles abondantes. Toutefois, le pays et la région pourraient réussir beaucoup mieux si le gouvernement instaurait un climat plus favorable en éliminant la corruption et la bureaucratie inutile et en réduisant le fardeau fiscal imposé au projets miniers.

En conclusion, je tiens, au nom de Cameco Corporation, à remercier le comité de m'avoir invité pour lui faire part de notre expérience en Asie centrale. À notre avis, une présence canadienne forte y est à la fois justifiée et essentielle.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Homeniuk. Votre exposé a été extrêmement intéressant et très utile. Nous avons souvent eu des audiences sur la question de la corruption et son incidence sur les activités commerciales canadiennes à l'étranger. Vos propos nous seront d'une extrême utilité pour nous aider à mieux cerner la question.

Je sais que nous travaillons sur ces questions à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE avec nombre des représentants des différents pays d'où vous venez. Cela nous aide beaucoup d'entendre les témoignages de personnes qui en ont une expérience directe.

Passons maintenant à M. Grabowski, du Groupe SNC-Lavalin.

Bienvenue de nouveau parmi nous. Il me semble que vous étiez ici tout récemment.

M. Daniel Grabowski (gestionnaire régional, Groupe SNC-Lavalin Inc.): Ce n'était probablement pas moi. C'est la première fois que je comparais devant le comité.

Le président: Pardonnez-moi. C'est en tout cas quelqu'un de SNC-Lavalin qui est venu ici lorsque nous faisions notre examen de la SEE.

M. Daniel Grabowski: Sans doute.

Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.

Premièrement, SNC-Lavalin aimerait profiter de l'occasion qui s'offre ainsi à lui pour remercier le comité de son invitation à venir se prononcer sur la manière de promouvoir la politique étrangère du Canada dans le Caucase et en Asie centrale. Nous croyons comprendre que le comité souhaite évaluer la situation politique, sociale et économique de cette région du monde à l'heure actuelle et définir les meilleurs moyens de promouvoir la politique étrangère et les intérêts commerciaux du Canada.

Je vais maintenant vous donner un aperçu général des activités de SNC-Lavalin dans la région. Notre société exerce ses activités en ex-Union soviétique depuis 1976, et en Asie centrale, particulièrement, depuis près de 25 ans. Au cours de cette période, SNC-Lavalin a participé à des projets dans les secteurs des mines, du pétrole et du gaz et des infrastructures un peu partout dans la région.

• 1005

Notre expérience dans cette région est variée, allant de la réalisation d'études de faisabilité et de la préparation de soumissions à la fourniture d'équipement, en passant par la supervision de travaux de construction, la formation, l'assistance technique et le démarrage de projets.

La société a à l'heure actuelle un bureau de commercialisation à Almaty, au Kazakhstan. Nous avons dirigé ou dirigeons des projets miniers en Arménie, des projets dans le secteur des hydrocarbures en Azerbaïdjan, des projets hydroélectriques, d'oléoducs et agro-industriels en Géorgie, des projets dans les secteurs des hydrocarbures, des mines et de la construction civile au Kazakhstan, des projets miniers et électriques au Kirghizstan, un projet de raffinerie de pétrole au Turkménistan, ainsi que des projets dans les secteurs des hydrocarbures, de l'environnement et des mines en Ouzbékistan.

Je signalerai notamment que SNC-Lavalin a mené à terme des projets d'une valeur dépassant largement les 700 millions de dollars dans la seule région de l'Asie centrale. Des exemples de ces projets sont donnés dans les notes que nous avons fait parvenir à l'avance au comité et dans lesquelles nous parlons du projet pétrolier et gazier de Tenguiz et du projet de la mine d'or de Kumtor avec Cameco.

En ce qui concerne la situation politique, sociale et économique actuelle de cette région, nous aimerions faire les remarques qui suivent.

Du côté négatif, même si les dirigeants des pays de cette partie du monde ont réussi à rester au pouvoir depuis l'éclatement de l'Union soviétique, les titulaires de la majorité des autres postes au sein du gouvernement et de l'industrie ne cessent de se succéder. Ces changements provoquent de nombreux retards administratifs de diverses formes puisque les décisions et les plans sont constamment révisés et réexaminés. Ce qui complique davantage les choses ce sont les vastes bureaucraties inefficaces qui semblent se contredire les unes les autres. Sur le plan des affaires, cela freine l'avancement et l'approbation des projets prioritaires.

De nombreux cadres d'expérience en poste dans les industries ont quitté la région après l'effondrement de l'Union soviétique et ont été remplacés par des technocrates compétents mais malheureusement sans l'expérience requise en gestion et en économie.

De plus, le manque de rentrées de devises fortes, de financement et d'investissements empêche la plupart des pays de la région à se dégager de leur dette de plus en plus lourde et d'entamer des réformes potentielles. Malgré l'abondance de leurs ressources naturelles, bon nombre de ces pays sont enclavés et dépendants de la situation politique et économique prévalant dans la région ou chez leurs voisins; d'autres pays possèdent des ressources naturelles mais se trouvent dans la même situation politique et économique.

Un autre problème propre à freiner les réformes politiques et économiques est que des lois susceptibles d'attirer les investisseurs sont encore à l'état embryonnaire dans la plupart de ces pays. Les efforts dans ce domaine, même s'ils progressent lentement, sont parfois entravés par le roulement incessant des fonctionnaires et de leurs politiques ainsi que par les vastes bureaucraties gouvernementales.

Comme le manque de rentrées de devises étrangères et d'investisseurs a contribué à aggraver la pauvreté dans ces pays, l'on constate une augmentation de la corruption, des groupes organisés et des activités criminelles. Cependant, de nombreux pays eurasiens commencent à s'attaquer à ces problèmes.

L'absence d'impératifs économiques dans le passé a par ailleurs donné naissance à d'énormes industries intégrées. À titre d'exemple, un complexe minier de cuivre peut englober non seulement la mine mais également un complexe agricole, avec production de légumes, boulangerie, etc. Les investisseurs étrangers potentiels intéressés à certaines de ces industries ont également été limités dans leur capacité de réduire le personnel et la portée des projets pour centrer leurs efforts sur la mine afin d'en assurer la rentabilité.

Le sort des pays de cette région est également en grande partie lié à celui de la Fédération russe. À l'époque de l'Union soviétique, les ressources d'une bonne partie de ces pays étaient transportées vers ou via la Russie. Les facteurs économiques n'entraient pas en ligne de compte. Ce système logistique est toujours largement en place aujourd'hui et il est à l'origine de nombre des difficultés économiques dont souffrent ces États nouvellement indépendants.

La plupart des pays de la région ont continué de faire affaires avec d'autres États de l'ancienne Union soviétique. Cependant, parmi ces derniers, nombreux sont ceux qui n'ont pas d'argent ou de devises étrangères pour payer les marchandises qu'ils importent des pays de la région. La dette de l'Ukraine envers le Turkménistan pour son gaz naturel en est un exemple.

Du côté positif, de nombreux pays de la région sont riches en ressources naturelles qui pourraient leur rapporter des devises fortes. Ajoutez à cela une main-d'oeuvre locale hautement instruite, et les conditions sont en place pour créer une économie durable et améliorer la stabilité politique du pays et de la région.

• 1010

À l'instar du Canada, l'économie de la plupart de ces pays repose sur les ressources. Ils connaissent des conditions climatiques et météorologiques similaires aux nôtres et certains d'entre eux ont un vaste territoire faiblement peuplé, comme le Canada.

Des fonctionnaires et des entrepreneurs dans ces pays nous ont déjà exprimé leur grande admiration pour le Canada, pays qu'ils connaissent très bien, mais ils se demandent souvent pourquoi si peu de visites gouvernementales ont été faites chez eux pour appuyer les entreprises canadiennes. Étant donné les points communs avec le Canada, de nombreux pays eurasiens veulent être mieux renseignés sur la façon dont le gouvernement canadien aborde les différentes questions auxquelles ils sont aujourd'hui confrontés sur leur territoire.

La SEE devrait être une importante participante à ces délégations canadiennes puisque cela lui permettrait de constater sur place les efforts déployés par les entreprises canadiennes sur ce marché, dans le contexte des conditions et des problèmes locaux, et aussi d'obtenir des informations directement auprès des représentants et des décideurs du gouvernement, qui participent habituellement à ce genre de visites officielles. La SEE est un partenaire extrêmement important dans les projets d'exportation, particulièrement dans cette région où le financement est plus difficile et plus risqué. C'est ainsi qu'une connaissance concrète de la région, des gens et des activités des entreprises devient très utile.

Il serait fort bénéfique d'accroître l'aide de l'ACDI dans cette région. Comme je l'ai déjà mentionné, des cadres d'expérience sont partis et le transfert de compétences canadiennes dans des secteurs clés serait très bénéfique, dans les domaines, surtout, de la gestion et du savoir-faire économique et de l'aide. Certains types d'assistance technique par l'ACDI pourraient par ailleurs être offerts contre remboursement, les sommes remboursées pouvant alors être réinvesties par l'ACDI dans le pays et dans la région.

Quant au soutien du gouvernement, il s'agit là d'un facteur déterminant pour l'obtention de contrats dans cette région du globe. Les entreprises canadiennes doivent compter sur le soutien de leur gouvernement pour exercer leurs activités et promouvoir leurs intérêts dans ces pays; ce soutien est d'ailleurs souvent considéré comme un atout majeur dans le choix d'une entreprise canadienne de préférence à d'autres concurrentes étrangères occidentales bénéficiant du soutien politique et financier de leurs gouvernements respectifs. La multiplication des visites officielles de représentants du gouvernement canadien dans ces pays permettrait de promouvoir les intérêts non seulement du gouvernement mais aussi des entreprises du Canada.

Un autre facteur est que nombre des pays de la région entretiennent des liens et des rapports étroits avec la Turquie, et des entreprises turques sont très actives dans la région—ce qui n'échappe pas à de nombreuses entreprises étrangères, comme SNC-Lavalin. De nombreuses sociétés étrangères, surtout américaines, voient la Turquie comme étant la porte d'entrée à l'Asie centrale.

Je vais arrêter là mon exposé.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre le professeur Sobhani, qui nous arrive des États-Unis. Nous vous sommes reconnaissants d'être venu.

M. Rob Sobhani: Merci beaucoup. Cette visite est ma première à Ottawa. C'est une très belle capitale.

Le président: Eh bien, voilà. De l'avis de M. Grabowski, c'est exactement comme les endroits que nous visons, alors vous pourrez peut-être considérer ceci comme une visite à la région dont vous parlez.

Si j'ai bien compris, vous parlez aujourd'hui au nom d'EAC International à Calgary, mais vous êtes en fait professeur.

M. Rob Sobhani: Oui, je suis professeur à l'université Georgetown, et je m'intéresse tout particulièrement aux politiques américaines envers l'Iran, le Moyen-Orient et le Caucase. Je porte également mon chapeau d'homme d'affaires. Je suis président de Caspian Energy Consulting, une société qui est active depuis maintenant dix ans dans l'ex-Union soviétique et qui représente d'importantes sociétés comme par exemple EAC.

Le président: Bien. Merci beaucoup.

M. Rob Sobhani: Merci.

On parle beaucoup ces jours-ci de la question de savoir si le Caucase est ou non un gros pari, comme certains d'entre vous l'ont entendu dire aujourd'hui, ou bien s'il ne s'agit pas d'un grand jeu, renvoyant à l'ancienne rivalité, remontant jusqu'au XIXe siècle, entre les Russes, les Français et les Britanniques dans le Caucase.

J'aimerais défendre le point de vue selon lequel ce qu'on voit aujourd'hui n'est ni un grand jeu ni un gros pari. En fait, il s'agit d'un gros gain. À mon avis, c'est un gain pour le Canada pour six raisons. C'est ainsi que je vois les choses.

Premièrement, c'est un gain sur le plan diversification en vue de satisfaire les besoins du Canada en matière de sécurité énergétique. Certains d'entre vous savent peut-être qu'au taux de production actuel, les réserves de pétrole du Canada s'épuiseront d'ici à sept ans. Au taux actuel de production, les réserves canadiennes de gaz naturel sont en train de s'appauvrir et seront vraisemblablement épuisées d'ici à 11 ans. Les gisements de pétrole en mer Caspienne sont à eux seuls évalués à 150 milliards de barils, et l'on peut donc comparer la région Caspienne à la mer du Nord.

Permettez que je vous fasse une comparaison. On a 150 milliards de barils pour la mer Caspienne et 676 milliards de barils pour le Moyen-Orient. Si vous comparez la mer Caspienne au Moyen-Orient, cela revient en fait à dire que pour un baril de pétrole en mer Caspienne, vous en avez six dans le Moyen-Orient.

• 1015

Ce qui est intéressant pour le Canada, encore une fois, c'est qu'il s'agit ici de ressources inexploitées. Les 150 milliards de barils de pétrole restent encore à découvrir. Il en est de même du gaz naturel. Il s'agit ici d'une possibilité absolument gigantesque pour les entreprises énergétiques canadiennes. Voilà donc le premier aspect, soit la diversification des ressources énergétiques du Canada.

Deuxièmement, c'est une occasion...

Le président: Vous parlez tout à fait comme un professeur lorsque vous dites que 150 milliards de barils restent encore à découvrir là-bas. Vous vous emballez un peu, vous ne pensez pas?

M. Rob Sobhani: En effet, et c'est pourquoi vous avez M. Clinton, Madeleine Albright et tout le monde à Washington qui tournent autour de ces gens-là, corrompus ou pas. Les États-Unis satisfont 50 p. 100 de leurs besoins en énergie grâce aux importations, alors le pays est terriblement dépendant de sources énergétiques étrangères. À Washington, nous considérons la mer Caspienne comme étant une importante source pour l'avenir, et c'est pourquoi nous tournons tous autour de ces gens-là.

La deuxième possibilité que j'entrevois pour les entreprises canadiennes... Il est une chose dont je suis fier: il s'agit d'une affichette pour pare-chocs que l'on distribue aux gens de la Maison Blanche et qui dit que «Le bonheur, c'est d'avoir des pipelines multiples».

Des voix: Oh, oh!

M. Rob Sobhani: Si vous regardez la carte que j'ai distribuée, vous verrez que la mer Caspienne est enclavée. En l'absence de pipelines, vous n'allez sortir aucun pétrole de cette région, qui n'aura alors aucune importance. Les pipelines sont donc très importants.

C'est donc une occasion pour les compagnies de pipelines canadiennes et les compagnies de construction canadiennes qui viennent tout juste de comparaître. Les dépenses en capital au titre des seuls pipelines dans le Caucase et en Asie centrale s'élèvent à 10 milliards de dollars. C'est là le montant d'argent requis pour construire ces pipelines. Ces 10 milliards de dollars pourraient aller à des sociétés canadiennes.

Le président: Le Groupe SNC-Lavalin est là, et est-ce que...

M. Rob Sobhani: Absolument.

Le président: Très bien. Nous commençons maintenant à comprendre.

M. Rob Sobhani: Vous comprenez maintenant, mais le problème est que votre premier ministre n'est pas là-bas. J'aborderai cela dans quelques instants.

Une autre occasion pour le Canada est du côté des sociétés de services. Vous avez au Canada de formidables sociétés qui offrent des services dans l'industrie pétrolière et gazière. L'arriéré de commandes dans le secteur pétrolier en Azerbaïdjan se chiffre à lui seul à 50 milliards de dollars. Ces 50 milliards de dollars représentent les dépenses en investissement requises pour les seuls projets à lancer en Azerbaïdjan, petite république très riche en pétrole.

Encore une fois, des contrats qui pourraient être passés avec des sociétés canadiennes vont à l'heure actuelle à des sociétés britanniques, américaines, françaises et japonaises.

Une autre occasion se présente au Canada du fait qu'il s'agisse ici de pays relativement petits. Le Kazakhstan ne compte qu'environ 16 millions d'habitants, l'Azerbaïdjan sept millions et le Turkménistan seulement quatre millions. Mais lorsque vous prenez leurs avoirs en hydrocarbures et situez le prix moyen du pétrole à 20 $ le baril, ces avoirs ont une valeur de trois billions de dollars.

Étant donné la population, il s'agit là d'une possibilité énorme pour les exportations canadiennes à l'avenir. Permettez que je vous donne un exemple pour illustrer ce dont je parle.

Le tout premier projet pétrolier lancé en Azerbaïdjan a procuré au gouvernement d'Azerbaïdjan, sur la durée de vie du projet, 44 milliards de dollars. Il est question ici de 44 milliards de dollars que le gouvernement d'Azerbaïdjan pouvait alors utiliser pour passer contrat avec des sociétés canadiennes, que ce soit des sociétés canadiennes vendeuses de couches pour bébé, de sociétés canadiennes vendeuses de shampooing, de sociétés canadiennes installatrices de pipelines ou productrices d'énergie.

Il existe enfin une dernière occasion ici pour le Canada lorsqu'on regarde la carte de la mer Caspienne. La mer Caspienne peut en effet être perçue comme un tremplin vers l'Iran et la région du golfe Persique. L'on parle ici réellement de possibilités à long terme.

Pour vous donner un exemple, tout récemment, dans la zone neutre située entre le Koweit et l'Arabie saoudite, les négociations japonaises avec le gouvernement d'Arabie saoudite ont échoué. Les Japonais sont partis. Il s'agit là d'une occasion énorme pour le gouvernement canadien et les sociétés canadiennes à la recherche de possibilités à saisir dans le golfe Persique riche en pétrole. Le gouvernement d'Arabie saoudite souhaite la participation de sociétés qui apportent avec elles non seulement leurs compétences techniques mais également leurs gouvernements.

• 1020

Que peut-il être fait pour promouvoir le Canada et les sociétés canadiennes? Laissez-moi vous raconter une histoire.

Chaque fois qu'une société américaine est allée rendre visite au président de l'Azerbaïdjan lui disant «Monsieur le président, j'aimerais un contrat avec vous», le président de l'Azerbaïdjan répondait qu'il n'était jamais allé à Washington. Réaction: «Eh bien, voici une invitation».

Lorsque les sociétés françaises Elf ou TOTAL allaient voir le président de l'Azerbaïdjan et lui disaient «Monsieur le président, nous voulons un contrat», le président de l'Azerbaïdjan disait qu'il n'avait jamais visité la Tour Eiffel, n'était jamais allé à Paris. «Oh, monsieur le président, bien sûr, venez à Paris». Tout d'un coup, il est à Paris en train de signer une entente avec Elf et TOTAL.

Eh bien, le président de l'Azerbaïdjan n'est jamais venu à Ottawa.

Le président: Nous lui ferons visiter la Tour de la Paix. Cela lui fera vraiment tourner la tête.

Des voix: Oh, oh!

M. Rob Sobhani: En bref, comme l'a dit l'intervenant qui a parlé avant moi, ce qu'il faut c'est un énorme effort de la part du gouvernement canadien, en commençant avec le comité ici réuni. Nous avons arrangé la visite du président de l'Azerbaïdjan avec notre équivalent du Comité des affaires étrangères. Nous sommes allés voir son président, M. Gilman, et l'avons convaincu que les sociétés américaines avaient besoin du soutien du gouvernement. Il a écrit une lettre à Bill Clinton et M. Clinton a alors invité le président de l'Azerbaïdjan. Sont ensuite venus chez nous le président du Kazakhstan, puis tous les autres présidents.

Pourquoi? Parce que les relations avec le Canada et les États-Unis et la France sont la base de l'indépendance de ces pays. Ils voient leurs ressources comme étant le seul moyen de garantir leur indépendance.

Le président: Je parie que vous n'avez pas obtenu que Ben Gilman aille au Kazakhstan.

M. Rob Sobhani: Non, non, non.

Des voix: Oh, oh!

Le président: C'est la différence entre nous et lui.

M. Rob Sobhani: J'aimerais terminer en soulignant qu'il se présente à vous une occasion énorme, mais la balle est vraiment dans votre camp. Si le Parlement et le gouvernement canadiens interviennent, les ressources appartiendront au Canada, les contrats iront au Canada et le Canada sera un participant, un joueur dans cette partie très prometteuse du monde.

Merci beaucoup. J'apprécie l'occasion qui m'a été ici donnée de comparaître devant vous.

Le président: Merci beaucoup. Vous nous avez dit des choses très intéressantes.

Monsieur Grewal.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

J'apprécie l'occasion qui nous a été donnée ici d'entendre tous ces témoins, et je tiens à les remercier de nous avoir parlé de leur vécu. Un certain nombre de choses me préoccupent néanmoins.

Professeur, vous avez parlé d'établissement de relations, mais pensez-vous que l'absence de représentants diplomatiques canadiens dans les huit États nouvellement indépendants nuise à notre visibilité en tant que gens d'affaires ou à notre capacité de faire affaires là-bas?

M. Rob Sobhani: Absolument. Il y a représentation au Kazakhstan, mais aucune représentation en Azerbaïdjan. Chaque semaine, le président de l'Azerbaïdjan a une réunion avec les ambassadeurs des grands pays du monde. Le Canada compte parmi les grands du monde; or, il n'y a pas d'ambassadeur canadien à Bakou. M. Zbigniew Brzezinski a dit de l'Azerbaïdjan qu'il est le bouchon dans le baril de la mer Caspienne. Il s'agit d'un pays stratégique.

C'est d'ailleurs, soit dit en passant, la raison pour laquelle il y est allé. Le président de l'Azerbaïdjan s'est rendu trois fois à la Maison Blanche tout simplement parce que notre ambassadeur est présent là-bas et qu'il fait la promotion de l'idée. Bien sûr, chaque fois qu'il vient il y a signature d'un contrat pour du pétrole avec une société américaine.

M. Gurmant Grewal: J'aimerais également attirer votre attention sur la sécurité dans la région. Quels sont les risques de conflits civils, surtout avec les fondamentalistes islamiques dans la région ou la menace terroriste dont nous parlent les médias?

D'autre part, il y a cet équilibre entre la réaffirmation par la Russie de son désir d'influencer et l'incidence dans cette région du Commonwealth des États Indépendants. Comment assurer un équilibre côté sécurité?

Je pourrais peut-être vous poser encore deux petites questions avant que vous ne me donniez vos réponses.

Premièrement, quels sont les antécédents en matière d'engagement économique bilatéral et multilatéral dans cette région, surtout de la part d'organismes comme l'ACDI? Quel rôle complémentaire peut être envisagé pour ces organismes à l'avenir?

• 1025

Enfin, j'aimerais savoir quels secteurs sont importants pour les petites et moyennes entreprises canadiennes, outre les services de construction, de construction routière, d'approvisionnement en énergie, etc. que vous avez mentionnés.

Vous nous avez raconté vos expériences, et nous avons beaucoup apprécié, mais quelles leçons doivent tirer de vos expériences ces nouveaux entrepreneurs qui vont aller là-bas? En bref, auriez-vous des idées sur des choses à faire et à éviter par les gens d'affaires intéressés?

M. Rob Sobhani: Je vais répondre à la question de la sécurité.

Le président: Très bien, si c'est cela que vous voulez. M. Carroll aimerait-il prendre la parole ensuite?

M. Paul Carroll: Oui.

Le président: Très bien. Monsieur Sobhani.

M. Rob Sobhani: La principale menace à laquelle est confrontée la région n'est pas externe, mais bien interne. Il existe des pressions externes en provenance de Russie et d'Iran, mais celles-ci ne donnent pas lieu à de véritables menaces sur le plan sécurité.

En ce qui concerne la question de l'Islam et de l'intégrisme islamique, en vérité, lorsqu'on examine cette question, l'on aboutit à une seule et même conclusion: ce que l'on constate, c'est un réveil de l'Islam et non pas forcément du fondamentalisme islamique.

Permettez que je vous donne un exemple. Le Cimetière des Martyrs, qui est l'équivalent de l'Arlington Cemetery aux États-Unis, est un lieu de pèlerinage national en Azerbaïdjan. Là, enterrés à côté de Musulmans, se trouvent des Juifs et des Chrétiens orthodoxes, tous enterrés les uns contre les autres dans un Azerbaïdjan supposément islamique. La conclusion à en tirer est que 70 années de communisme ont exorcisé le fanatisme religieux de ce peuple et ce que l'on voit aujourd'hui c'est un intérêt pour l'Islam. C'est un réveil, tout naturel, de l'Islam.

Le président: Monsieur Carroll.

M. Paul Carroll: J'appuie ce qui a été dit au sujet de la sécurité. Je ne rajouterai rien à cela.

J'aimerais répondre à la question au sujet des choses à faire et à ne pas faire et de ce que nous avons appris. Tout d'abord, je suis d'accord avec M. Sobhani quant aux possibilités qui existent dans la région, ce qui nous a au départ attirés au Kazakhstan. Je veux parler de ces énormes ressources naturelles. Ce qui nous a intéressés, nous, c'était l'exploitation minière en roche dure, par opposition aux hydrocarbures. En ce qui concerne l'industrie pétrolière et gazière, avec les énormes réserves du bassin caspien et des terres du Kazakhstan, j'appuie tout ce qu'il a dit.

Pour quelque raison, l'exploitation de minéraux en roche dure semble avoir été une industrie quasi oubliée au Kazakhstan, et je ne parviens pas à me l'expliquer. Il s'agit d'un très important secteur. Ils ont beaucoup de mines dilapidées—de cuivre, de zinc, de chrome, et ainsi de suite. Un grand nombre de sociétés occidentales y sont allées. Certaines d'entre elles ont réussi. La plupart, comme nous, ont eu des difficultés. Mais les possibilités existent, cela est indéniable.

Quant à la corruption, elle est endémique. Je ne peux parler avec autorité que du Kazakhstan. Le Kazakhstan est caractérisé, faute d'un meilleur terme, par une économie tribale. À l'époque de l'Union soviétique et, avant cela, à celle des tsars, le Kazakhstan était un pays asservi qui a en fait été en un sens obligé coopté pour faire partie de l'Union soviétique. En économie dirigée, le peuple fait en gros ce qu'on lui dit de faire.

Je suis d'accord avec ceux qui ont expliqué que dans la plupart des cas les produits retournent en Russie. L'un des exemples les plus ridicules est celui du pain. Le Kazakhstan fait partie de la steppe de l'ancienne Union soviétique. C'est lui qui est la ceinture du blé de cette partie du monde. Le blé était récolté, ramené en Russie, moulu en Russie et réexpédié sous forme de pain. C'est ridicule. Vous ne faites, en gros, que déplacer de l'air, et cela est très peu rentable. Seulement, le noyau central russe de l'Union soviétique contrôlait ces pays.

Le président: N'est-ce pas ainsi que fonctionnait autrefois l'Empire britannique?

M. Paul Carroll: Absolument, sauf qu'il existe aujourd'hui des moyens de transport sensiblement supérieurs à ceux qui étaient en place à l'époque de l'Empire britannique, où tout était transporté par bateau.

L'important est que dans le cadre de l'économie dirigée soviétique, il est évident que les Russes dominaient les activités locales. Le gouvernement était propriétaire de toutes les entreprises. L'entreprise privée est une chose relativement nouvelle. C'est une expérience que l'on mène.

• 1030

Notre société est également active en Chine, et il y a un proverbe ou plutôt une malédiction chinoise qui dit «Que vous naissiez à une époque intéressante». Eh bien, les dix dernières années ont été une époque très intéressante.

Nous essayons de faire affaires en appliquant les normes nord-américaines dans l'une des régions les plus géopolitiquement sensibles du monde, pour toutes les raisons qui ont été si emphatiquement exposées par mon collègue à ma droite.

Je pense que ce que peut faire le Canada c'est se joindre aux autres pays. Nous n'avons pas le poids économique des États-Unis. D'un autre côté, le poids économique et militaire des États-Unis joue à l'heure actuelle contre eux plutôt qu'en leur faveur. Je pense que nous avons très bien réussi à travailler en collaboration avec d'autres pays pour établir de meilleures conditions de vie et de meilleures conditions d'affaires, et j'estime qu'il nous faut poursuivre ce travail.

Le président: Quelqu'un d'autre aimerait-il ajouter quelque chose?

M. Len Homeniuk: En ce qui concerne ce que nous avons appris de nos activités en Asie centrale, à moins qu'un investisseur allant là-bas ne soit prêt à être extrêmement patient, il ne fera que perdre son temps. Par ailleurs, toute entente conclue doit résister à l'examen judiciaire et aux mécanismes d'arbitrage en vigueur dans ces pays.

Il y a une longue liste. Enfin, l'autre aspect très important, que j'ai constaté dans le cas d'autres investisseurs allant en Asie centrale, est qu'il vous faut comprendre ces pays. Vous êtes en pays étranger. Il vous faut le reconnaître. Ce n'est pas le Canada, et vous ne pouvez certainement pas vous attendre à ce que ce que nous avons ici au Canada domine là-bas. Il faut donc réellement veiller à respecter les façons de faire de ces pays et leurs institutions politiques. Je pense que vous ferez des progrès si vous faites cela.

Le président: J'aimerais enchaîner sur la description faite par M. Carroll de ses problèmes et ainsi de suite en posant une question. Si j'ai bien compris, il n'existe pas entre le Canada et ces pays de traités d'investissement garantissant l'arbitrage en cas de différend avec un État investisseur.

M. Paul Carroll: Pas encore.

Le président: Lorsque vous êtes là-bas, avez-vous pour pratique de signer avec l'État un accord d'investissement assorti de conditions, y compris renvoi pour arbitrage indépendant étranger en cas de différend? Est-la pratique de signer des accords d'investissement de ce genre?

M. Len Homeniuk: À ma connaissance, tous les pays d'Asie centrale exigent un accord d'investissement établissant clairement les conditions. C'est le scénario dominant depuis environ 1995. Auparavant, Kumtor avait ce que l'on appelait un accord-cadre, qui est en gros la même chose. Mais, oui, vos droits sont enchâssés dans ces accords. Il vous faut veiller à ce qu'il existe un mécanisme les rendant exécutoires.

Le président: En règle générale, ce mécanisme sera un renvoi pour arbitrage par la CII, par le CIRDI, ou autre chose du genre, n'est-ce pas?

M. Len Homeniuk: Oui.

Le président: Ces pays sont-ils des signataires du CIRDI?

M. Len Homeniuk: Ils sont certainement signataires des traités de Stockholm en la matière—c'est en tout cas le cas du Kirghizstan.

Le président: Nous pourrons obtenir ces renseignements.

Souhaitiez-vous ajouter quelque chose?

M. Rob Sobhani: En réponse à votre question, en Azerbaïdjan, par exemple, tout contrat que vous signez avec une société pétrolière devient loi du pays. C'est là la principale différence entre le Kazakhstan et certains de ces autres pays et l'Azerbaïdjan. L'EAC, une société canadienne sans expérience aucune en Azerbaïdjan, s'est présentée là-bas en disant «nous voulons ce projet», et au bout de six mois, nous avions le projet. Les lois sont telles que si vous signez un bout de papier, celui-ci est garanti par le Parlement et devient loi du pays. C'est là une importante distinction.

Le président: Avant d'être élu député, j'ai accumulé une certaine expérience de la négociation d'ententes de ce genre dans différents pays, et j'ai constaté très souvent que les lois pouvaient être modifiées aussi rapidement que les contrats. L'on en revient ainsi à votre problème au sujet du caractère exécutoire des ententes.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci de votre présence. Je dois vous dire que vous nous transportez dans un monde dans lequel nous ne sommes pas habitués à nous promener au Comité des affaires étrangères. Je me demandais si on pouvait faire un voyage pour Team Canada.

Le président: Il s'agit de l'aspect du panel qui s'occupe des affaires. Il y d'autres aspects, notamment les droits de la personne.

Mme Francine Lalonde: Vous me permettrez cet humour, monsieur le président. C'est très instructif.

J'ai lu en fin de semaine le dernier numéro de Foreign Affairs et en particulier l'article sur l'entourage de Eltsine, qui est maintenant l'entourage de Poutine, qui contrôle et qui s'est même approprié tout l'actif de pétrole de la Russie.

• 1035

Voici ma première question. Dans cette immense région, quels sont les principaux joueurs? Vous nous dites que si les compagnies canadiennes veulent avoir une part, il faut que le Canada soit présent. Je comprends cela et je l'ai entendu dire aussi bien à Bruxelles, par rapport à l'Union européenne, qu'ailleurs. Je comprends cela. Quels sont les joueurs majeurs? Est-ce que les compagnies russes sont présentes dans le secteur? Comment jouent-elles? Elles semblent jouer une partie qui ne se règle pas nécessairement par des arbitres internationaux. Donc, quel est le rôle des compagnies russes?

Deuxièmement, quels sont les gros joueurs, et êtes-vous en liaison avec les grandes compagnies pétrolières que nous connaissons?

Troisièmement, quel est l'intérêt des Canadiens et des Québécois? On peut comprendre quel est l'intérêt des compagnies, mais quel est l'intérêt des gens? Nous sommes en politique. Nous sommes des députés.

Quatrièmement, quel est l'enjeu relativement à l'OPEP et au prix du pétrole? Je ne parle que de la question du pétrole.

[Traduction]

Le président: Qui va se lancer le premier? Professeur?

M. Rob Sobhani: Merci beaucoup de cette question. Je pense que vos questions trois et quatre sont probablement apparentées.

Le prix du pétrole compte beaucoup pour le Québécois ordinaire, le Canadien ordinaire. C'est pourquoi, pour vous donner l'exemple des États-Unis, nous sommes très actifs dans la Caspienne. Lorsque je dis nous, j'entends le gouvernement américain et les sociétés pétrolières américaines, et ce niveau d'activité est dû à un scénario que je vais vous esquisser. D'ici 2005-2010, dans cette fourchette, il y a une bonne possibilité que le pétrole non-OPEP va décliner et que le pétrole de l'OPEP va devoir combler le manque à produire. Mais, d'ici 2005-2010, la mer Caspienne produira entre trois et six millions de barils de pétrole par jour.

C'est là le tampon dont l'Occident a besoin pour empêcher une énorme flambée du prix du pétrole, laquelle se répercute sur le Canadien ordinaire. Et c'est pourquoi aujourd'hui, en l'an 2000, nous planifions des projets dans la Caspienne, de telle façon que d'ici 2005-2010 nous puissions mettre sur le marché ce pétrole, ces trois à six millions de barils, pour éviter de devenir otages du cartel de l'OPEP ou même de potentats comme Saddam Hussein.

Mais la Caspienne est également importante pour le Canada car elle est un tremplin pour accéder à l'Iran, à la région du golfe Persique, géographiquement très proche. Et c'est pourquoi il est terriblement important que le gouvernement canadien soit présent dans la région, car la vie des Canadiens ordinaires est en jeu.

Pour ce qui est de savoir quels sont les principaux joueurs et quel est le rôle des sociétés russes, une société que je connais, Lukoil, qui est la plus grosse compagnie pétrolière russe, se comporte en fait comme une compagnie occidentale.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Lorsque le premier contrat a été signé avec l'Azerbaïdjan, nous avons reçu une note du gouvernement russe, une note très sèche, disant que notre contrat est illégal. C'était une lettre adressée à BP, Amoco, Exxon, aux sociétés américaines et britanniques, émanant du ministère des Affaires étrangères russes, disant que notre contrat est illégal et nous demandant de cesser nos activités. Nous avons poliment jeté la lettre à la poubelle et avons continué. Mais Lukoil était la société qui était l'intermédiaire et elle a tenté d'adoucir la position russe, et y est parvenue. Donc, au moins une société que je connais, a joué un rôle positif.

Je laisserai les autres parler des autres compagnies.

M. Daniel Grabowski: Oui, ma société a travaillé pour Lukoil. Elle est très présente dans la Caspienne. Nous avons fourni une aide technique et de la formation de gestion à Lukoil, un programme où elle a pu s'inspirer directement d'Imperial Canada, par exemple. Elle est donc très présente dans la région et se comporte à peu près comme une société pétrolière occidentale.

• 1040

D'autres investisseurs dans la région sont les grandes sociétés pétrolières américaines, comme Chevron. Cette dernière participe maintenant à 45 p. 100 à notre projet original à Tenguiz. Nous travaillons toujours là-bas. Toutes les grandes compagnies pétrolières sont sur place, de même que les sociétés minières. Il y a beaucoup d'activité et de possibilités. Les Russes également sont actifs dans la région. Lukoil est un bon exemple d'une société de type occidental.

Le président: La partie aujourd'hui met en lice des sociétés, et non plus des empires. Elles sont les nouveaux empires...

Monsieur Homeniuk.

M. Len Homeniuk: J'ajouterai juste quelques mots. Les choses sont un peu différentes dans l'industrie minière, particulièrement l'exploitation de l'uranium et de l'or, qui était à peu près contrôlée par un comité central de Moscou. Nombre des pays d'Asie centrale n'avaient pas idée de leur richesse minière, en particulier la République kirghize. Avant notre arrivée, elle n'avait pas idée de l'existence d'un gisement comme Kumtor, par exemple.

Par conséquent, et bien que la Russie cherche à influencer ces pays, étant donné cet accaparement passé, tous les pays d'Asie centrale ont repris la haute main sur leurs richesses minières et les gèrent eux-mêmes.

En outre, la plupart des techniques minières russes relèvent du rayon des antiquités, comparées à celles que nous utilisons au Canada ou dans le monde occidental, et nombre des gisements d'Asie centrale ne pourraient pas être mis en valeur avec ces moyens. Les perspectives sont donc différentes de celles du secteur pétrolier.

Je n'ai rien d'autre à ajouter.

Le président: Merci.

Monsieur Carroll.

M. Paul Carroll: Je ne peux pas trop me prononcer sur le rôle de la Russie, car nos activités se limitent exclusivement au Kazakhstan et nous travaillons uniquement dans le secteur de l'uranium, bien que nous nous soyons intéressés à l'or mais sans aller jusqu'au bout de notre projet.

Comme l'intervenant précédent l'a dit, l'influence russe tenait au fait que, jusqu'à l'éclatement de l'Union soviétique, tous les aspects de l'exploitation de l'uranium étaient strictement contrôlés par la Russie au sein de l'Union soviétique. Donc, par définition, les Russes se sont retirés et les Kazakhs locaux ont eu à se débrouiller avec des gisements dont ils ignoraient même l'existence. Toutes ces installations étaient secrètes, et, croyez-le ou non, les Kazakhs ordinaires n'en connaissaient même pas l'existence.

Pour ce qui est des principaux joueurs, je peux vous dire qu'au Kazakhstan il n'y a à peu près qu'un seul grand joueur, soit le président Nazarbayev et sa famille—et il a une famille très nombreuse, peut-être pour des raisons évidentes—et dans une moindre mesure, les membres de ce que l'on pourrait appeler sa tribu. Au Kazakhstan, il existe cinq ou six tribus ethniques kazakhs, une survivance de l'époque, il y a plus de 200 ans, où ce peuple était nomade.

D'une certaine façon, c'est toujours un peuple nomade. Les gens vivent pratiquement au jour le jour, sans rien mettre de côté pour demain, car ils ne savent pas où ils seront demain. Il y a là un certain état d'esprit des Kazakhs indigènes. Et je ne le dis pas du tout de façon péjorative, j'énonce simplement un fait.

Mais le fait est que la famille et les amis de Nazarbayev contrôlent tout, et vous ne pouvez rien faire dans ce pays sans qu'un membre de la famille ou de l'entourage du président soit mêlé d'une façon ou d'une autre au projet.

Je ne prétends pas parler au nom de cette société, mais le plus gros investissement canadien que je connaisse au Kazakhstan est l'exploitation pétrolière et gazière de Hurricane Hydrocarbons. Or, les propriétaires de la raffinerie Shymkent ont pris récemment le contrôle de cette société, après une fusion. Les propriétaires de la raffinerie Shymkent sont maintenant les actionnaires majoritaires de Hurricane.

Je ne sais pas trop comment ils s'y sont pris, mais j'ai des raisons de croire que cette entité est sous le contrôle de la famille du président. C'est une société canadienne. C'est le plus gros investissement canadien au Kazakhstan, et je pense qu'il est maintenant contrôlé indirectement par la famille Nazarbayev.

Le président: Pourquoi ne pas les poursuivre, puisque vous poursuivez tous les autres en justice? Peu importe, ne répondez pas à cette question. Vos avocats s'en occupent probablement.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: M. Grabowski a quelque chose à ajouter.

[Traduction]

M. Daniel Grabowski: Ne faudrait-il pas parler également du rôle de l'ACDI dans la région? Êtes-vous d'accord?

Le président: Oui.

M. Daniel Grabowski: Comme Paul l'a indiqué, l'ACDI pourrait jouer un rôle très important. Nombre des gestionnaires ont quitté la région après l'effondrement, si bien qu'il ne restait plus que des techniciens sans capacité administrative ou économique. Je sais que la région Europe centrale et orientale de l'ACDI a un programme d'assistance technique formant des gestionnaires, et nous y avons eu recours avec Lukoil, avec grand succès, car ainsi les locaux pouvaient voir comment nous, leurs homologues, travaillons au Canada. Il est donc important que l'ACDI soit présente et c'est un rôle très important que les Canadiens, à notre avis, peuvent jouer dans la région.

• 1045

Comme je l'ai déjà mentionné, le soutien du gouvernement canadien à la participation de la SEE dans la région serait très utile—extrêmement utile. Nous avons beaucoup à gagner en jouant un rôle proactif auprès d'eux, en transférant notre savoir-faire et en leur montrant comment nous faisons les choses.

Le président: Monsieur Homeniuk, très brièvement.

M. Len Homeniuk: Monsieur le président, je devrais mentionner que l'ACDI s'est montrée très active dans la République kirghize et que nous avons collaboré avec elle à au moins deux projets similaires: la formation de gestionnaires kirghizes et l'organisation administrative, ce genre de choses. Il y a eu au moins deux projets, et l'agence est très active dans la région.

Vous avez demandé également ce que ces régions pouvaient apporter au Canadien moyen, et j'ai indiqué que notre activité procure un grand nombre d'emplois pour les Canadiens sur place, sans parler de l'achat de fourniture ici, au Canada. Selon mon estimation, sur les 450 millions de dollars US que nous avons consacrés à ce projet, probablement plus d'un tiers est revenu au Canada sous une forme ou une autre. C'est donc un montant très substantiel, du moins à nos yeux.

M. Daniel Grabowski: Une meilleure interaction entre le gouvernement canadien et l'ACDI, par exemple, conduirait à ce dont parlait Rob, sur le plan de la présence et du prestige du Canada. Il faut être vu. Si vous êtes là dans les moments difficiles, autant que votre présence soit récompensée en période de prospérité.

Le président: Merci.

Docteur Patry.

[Français]

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Je voudrais tout d'abord remercier nos témoins d'être venus ce matin.

Nous constatons, dans le Caucase et en Asie centrale, une très grande dégradation de l'environnement, ce qui est probablement un héritage de l'Union soviétique. Je songe, par exemple, aux marais côtiers de l'Azerbaïdjan ou au désert nucléaire.

Nous venons de terminer notre étude de la SEE et avons déposé nos recommandations. L'une de ces dernières portait sur l'environnement. Ma question s'adresse à M. Carroll ou au professeur Sobhani. Étant donné que la SEE a financé la mine de Kumtor, quel type d'évaluation environnementale y a-t-elle effectué?

M. Paul Carroll: J'allais dire, en ce qui concerne l'exploitation de l'uranium, que nous avons repris initialement une mine conventionnelle. Nous avons engagé plusieurs spécialistes pour effectuer des contrôles préalables avant de signer notre accord avec le gouvernement.

Sur le plan écologique, nous avons un cabinet, Golder Associates, l'un des cabinets de génie environnemental les plus réputés du monde. Il a effectué un examen environnemental complet, ce que nous appelons une étude environnementale de phase un, de toutes les installations. Et en fait, à notre surprise et à la sienne, les résultats ont été très positifs. Cette exploitation était la Cadillac des mines, mais c'est peut-être propre au secteur de l'uranium. Comme l'un de nos experts l'a dit, il y avait là plus de titanium et d'acier inoxydable qu'ils n'en avaient jamais vu de leur vie. En fait, le chef de l'équipe de Golder a déclaré que la raffinerie de Stepnogorsk était sans doute meilleure, sur le plan écologique, que la plupart d'Amérique du Nord. Nous avions donc un très bon point de départ et il s'agissait de préserver cet acquis.

L'un des avantages de la technique de lixiviation sur place, pour laquelle nous avions opté avant d'avoir été brutalement arrêtés—et M. Homeniuk pourra vous en parler mieux que moi, car ils utilisent la même—et que c'est une forme d'extraction minière très écologique. Elle n'altère pratiquement pas la surface. Nous envisagions donc d'extraire d'une manière très écologique.

Je pense que, en gros, ces pays respectent les normes environnementales internationales. Par rapport à ce que nous voyons tous dans les médias, j'ai une expression, à savoir qu'il ne faut croire que la moitié de ce que l'on sait, et rien de ce que l'on lit dans le journal. Les médias font tout un battage sur les problèmes environnementaux, mais une fois que vous arrivez sur place, vous constatez que nos idées toutes faites sur le respect de l'environnement sont tout simplement erronées.

Le président: Vous ne comprenez pas. Nous croyons ce que les médias disent de vous; simplement, nous ne croyons pas ce qu'ils disent de nous.

• 1050

Des voix: Oh, oh.

M. Rob Sobhani: En ce qui concerne l'environnement...

Le président: Pourrais-je demander à M. Homeniuk de nous parler de cet aspect? Cameco a connu un accident assez spectaculaire dont les médias ont fait état il y a peu, et il a donc une expérience personnelle à cet égard.

M. Len Homeniuk: Merci, monsieur le président.

Lors de l'étude de viabilité de notre projet, nous avons produit une déclaration d'impact environnemental, tout comme nous l'aurions fait au Canada. C'est d'ailleurs la société de mon collègue qui s'en est chargée. Cette déclaration d'impact environnemental a été examinée par tous les bailleurs de fonds, dont la SEE, et par des experts de l'extérieur—des ONG et de diverses autres organisations. Elle a été approuvée.

Ensuite, comme condition du prêt, dont la SEE était l'un des principaux participants, un accord cadre environnemental a été rédigé, appelé PAGE—plan d'action pour la gestion de l'environnement—qui spécifie toutes les limites de rejet et toutes les dispositions détaillées de contrôle de l'environnement, toute cette sorte de choses.

À Kumtor, nous avons convenu de respecter les règles environnementales les plus strictes fixées par la République kirghize, le gouvernement canadien et la Banque mondiale. Notre exploitation est donc beaucoup plus écologique qu'elle le serait au Canada, par exemple, sur le plan des règlements que nous devons respecter.

Par ailleurs, pour ce qui est du PAGE, un vérificateur de l'extérieur inspecte notre exploitation tous les trois ans. Nous avons récemment accepté qu'un comité d'ONG aie le droit de venir inspecter nos installations à volonté. Donc, la surveillance environnementale existe bel et bien, et la SEE a joué un rôle à tous les niveaux.

En ce qui concerne l'accident avec le cyanure dont a parlé le président, pour ceux d'entre vous qui n'êtes pas au courant, l'un de nos camions transportant du cyanure a eu un accident qui lui a fait quitter la route. Le cyanure s'est retrouvé dans une rivière. Environ 1 700 kg de cyanure ont été déversés sur une période de six heures. Cela a l'air d'un volume très important, mais en réalité l'effet environnemental a été minime, comparé à certains autres accidents récents en Roumanie.

Toutefois, il s'en est ensuivi une véritable psychose chez le public. Dès que le mot «cyanure» est prononcé, tout le monde prend peur, à juste titre. Nous nous sommes trouvés dans une situation très difficile, vu ce que les médias écrivaient. C'était tellement loin de la réalité que nous avons eu beaucoup de mal à remettre les choses en perspective. Nous avons reçu une aide très conséquente du gouvernement canadien pour cela, puisqu'il a envoyé des experts pour effectuer des contrôles et évaluer les dommages causés. Finalement, le contingent canadien, de concert avec le contingent russe et plusieurs autres experts internationaux, est parvenu à la conclusion que les dégâts étaient minimes et a publié un rapport à cet effet, que tout le monde peut consulter sur l'Internet.

Dans mon mémoire, je donne acte au gouvernement canadien de son aide à cet égard. Elle a été très bénéfique.

M. Bernard Patry: J'ai une autre question pour le professeur Sobhani. On parle beaucoup de la Turquie comme porte d'accès à cette nouvelle région. J'aimerais que vous nous parliez du rôle actuel ou futur de l'Iran à cet égard.

M. Rob Sobhani: Mes parents sont Iraniens, et j'ai donc quelques préjugés, bien que je sois né dans les champs de blé du Kansas. J'en parle donc selon l'optique d'un natif du Kansas.

L'Iran traverse certainement une grande période de transition. L'Iran a un passé démocratique. Lors de la révolution de 1905—la révolution constitutionnelle—les comptes rendus des séances parlementaires parle des droits des femmes, du contrôle des armes à feu, et du droit de la presse de suivre les débats parlementaires. C'était en 1905.

Aujourd'hui, nous voyons le point culminant de cet affrontement entre les forces traditionnelles de l'Iran et les forces laïques. Aussi, l'avenir de l'Iran me paraît meilleur que ne le projettent les images que l'on voit à la télévision.

C'est une société dont les jeunes sont le moteur. Cinquante et un pour cent de la population est âgée de moins de 21 ans, et cette jeunesse réclame désespérément plus de liberté, d'ouverture, ce qui offre d'ailleurs d'énormes possibilités aux sociétés canadiennes, car mon gouvernement, lui, porte un lourd bagage. Les sociétés canadiennes ne sont pas encombrées de ce bagage et apportent à la table des atouts.

• 1055

Le président: Elles n'apportent pas non plus d'argent.

Des voix: Oh, oh!

M. Rob Sobhani: Pour ce qui est des opportunités, je souligne l'industrie pétrolière, car l'industrie pétrolière iranienne est désespérément en manque de modernisation. Le Canada et les sociétés canadiennes ont tout autant de savoir-faire technologique et administratif que les américaines. L'Iran est sur le chemin de la réforme. Il y aura des hoquets, sans aucun doute, mais il est bien lancé sur la route d'une société plus ouverte et pluraliste.

M. Bernard Patry: Quel rôle joue l'Iran dans les autres pays du Caucase et d'Asie centrale?

M. Rob Sobhani: Au début des années 90, ce rôle était très négatif. L'Iran cherchait à saper certains de ces régimes, notamment les plus faibles comme celui de l'Azerbaïdjan. Avec l'élection du président Khatami, la politique étrangère iranienne est devenue moins idéologique et plus pragmatique.

Aujourd'hui, on constate une approche plus pragmatique de toute la région. L'Iran recherche la stabilité, car la guerre engendrerait des flots de réfugiés, qui se dirigeraient vers l'Iran, par exemple. On voit aujourd'hui en Iran une politique étrangère plus pragmatique. Le conflit israélo-arabe excepté, le pragmatisme est à l'ordre du jour, notamment vis-à-vis de la Caspienne, ainsi que la collaboration avec les autres pays du golfe Persique comme l'Arabie saoudite.

Le président: Pensez-vous que le dialogue de civilisation que le président Khatami propose soit admis par le restant du régime? J'étais en Iran l'an dernier moi-même. Nous suivons de près l'évolution de la situation. Il est manifeste qu'il se déroule une lutte interne. À votre avis, qui va en sortir gagnant? Je pense que ce seront les jeunes, mais...

M. Rob Sobhani: Précisément. Le président Khatami est le catalyseur. Le président Khatami est le visage de la réforme. Vous ou moi aurions pu être le candidat, et ils nous auraient élus car c'est un mouvement de la base. Il y a une volonté populaire de changement. Je ne dis pas qu'ils veulent supprimer la République islamique, mais ils veulent modifier le système afin qu'il réponde aux besoins socio-économiques. L'Iran doit produire un million de nouveaux emplois chaque année. C'est une tâche énorme.

Le président: Merci.

Monsieur Grewal, je reviens à vous, mais pour un tour de cinq minutes cette fois-ci, pas dix.

M. Gurmant Grewal: Merci, monsieur le président.

Je trouve que les Canadiens en général connaissent très mal le Caucase méridional et l'Asie centrale. Pourriez-vous nous parler des conditions concrètes de création d'une entreprise, selon les perspectives canadiennes, notamment les problèmes de contrôle des changes, les institutions financières, les affaires bancaires dans le pays? Quelles sont les contraintes imposées à une entreprise? Les difficultés d'immigration? Pouvez-vous nous renseigner sur les types de gouvernement au pouvoir dans les divers pays, ou les ressources humaines disponibles, etc.? Cela renseignerait un peu nos investisseurs canadiens et leur permettrait de se préparer avant de partir.

M. Paul Carroll: Je n'ai réellement l'expérience que du Kazakhstan. Créer une entreprise là-bas est à peu près comme ici, sauf que les lourdeurs administratives sont plus grandes que chez nous, où les formalités prennent cinq minutes. On a établi là-bas des formes d'entreprise commerciale différentes. Cette partie ne pose pas de problème, hormis la lourdeur bureaucratique.

Le système bancaire au Kazakhstan, même au cours des cinq dernières années, a énormément progressé. Quatre ou cinq des grandes banques rurales ont maintenant des succursales à part entière au Kazakhstan. Il s'agit d'ABN AMRO, de Citibank et de Deutsch Bank. Cela ne fait que trois. Il doit y en avoir une autre encore.

M. Gurmant Grewal: Le change ne pose pas de problème?

M. Paul Carroll: Le tenge est une monnaie assez bien convertible. En 1996, le tenge était coté à environ 68 pour un dollar US. Au cours des deux années où nous avons été les plus actifs là-bas, sa valeur est tombée à environ 75 ou 76 pour un dollar US, soit une érosion moindre que celle du dollar canadien dans le même intervalle.

• 1100

M. Gurmant Grewal: Effectivement.

M. Paul Carroll: Ensuite, jusqu'à l'élection présidentielle de janvier 1999, qui a vu la réélection du président Nazarbayev—c'était une élection plutôt truquée—le tenge s'est miraculeusement tenu plus ou moins au même niveau, avec seulement une légère érosion, en dépit du problème monétaire russe.

M. Gurmant Grewal: D'accord.

M. Paul Carroll: Après l'élection, il est tombé à environ 150 pour un dollar US, mais il est remonté depuis.

M. Gurmant Grewal: Il nous reste un tout petit moment pour que quelqu'un nous parle des conditions d'immigration.

M. Len Homeniuk: Je ferais valoir que, du point de vue de notre investissement en Asie centrale, une présence canadienne beaucoup plus forte est nécessaire. M. Sobhani a mentionné qu'il n'y a pas d'ambassadeur en Azerbaïdjan. À ma connaissance, nous n'avons qu'un ambassadeur au Kazakhstan. Nous n'en avons pas dans tous les autres pays d'Asie centrale.

Ce rôle, précisément, manque. Pour répondre à votre question, il faudrait une présence canadienne dans ces pays.

En ce qui concerne l'immigration, il n'est pas difficile d'obtenir que les Canadiens puissent travailler dans ces pays. Les formalités sont à peu près les mêmes qu'ici. Vous présentez une demande de visa, et nous n'avons jamais rencontré de difficultés à cet égard.

M. Gurmant Grewal: Merci.

M. Rob Sobhani: Permettez-moi de vous parler concrètement d'un autre aspect. Pour réussir là-bas—et tous mes collègues le confirmeront—il faut nouer des liens personnels avec ces gens. Ils réfléchissent avec leur coeur, pas avec leur tête. Tout part de là. Si vous parvenez à les toucher, si vous buvez beaucoup de vodka avec eux—je parle sérieusement—et vous mettez à leur niveau, vous bénéficierez de leur largesse. Tout dépend donc de votre capacité à vous ouvrir à eux, d'accepter leur hospitalité, et vous en sortez bénéficiaire.

Le président: Vous allez donc envoyer les politiciens là-bas pour boire pendant que vous autres vous... Je commence à comprendre de quoi il retourne.

Je vais passer à Eleni Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Merci, monsieur le président.

Ma première question s'adresse à M. Carroll. Dans les recommandations formulées dans votre mémoire, vous parlez de régler les conflits en matière d'échanges et d'investissement en suspens comme condition préalable à la poursuite du financement unilatéral et multilatéral. Si nous établissons davantage de barrières ou de règles, vu ce que M. Homeniuk nous a dit concernant la corruption et les pots-de-vin, est-ce que nous n'empêcherons pas les compagnies canadiennes de conclure de nouvelles affaires?

M. Paul Carroll: Je pourrais écrire un livre là-dessus.

Mme Eleni Bakopanos: Ce n'est pas une question simple.

Je conviens que nous devrions fixer des normes, et je partage pleinement votre avis qu'il faudrait poser ce genre de conditions préalables à tout accord commercial. Mais vous avez dit aussi qu'il n'y a pas en place de système pour assurer que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Comment contourner cette réalité?

En outre, nous savons que certains pays—vous avez cité la Turquie, mais il y en a d'autres—subventionnent leurs entreprises pour s'implanter dans cette région. Nous, les Canadiens, ne subventionnons pas nos entreprises qui investissent dans le Caucase ou cette région du monde.

Vous mettez pas mal de conditions avant que les sociétés canadiennes puissent s'établir là-bas.

M. Paul Carroll: Oui.

Il y aurait tout un livre à écrire et d'une certaine façon j'en ai écrit un et continue de l'écrire. C'est un travail inachevé.

Un homme d'affaires est nécessairement optimiste. Tout homme d'affaires, tout entrepreneur, est un optimiste invétéré. Il faut donc partir du principe que si l'on voit une possibilité, et si l'on fait correctement les choses, on finira un jour—et je souligne «un jour»—par réussir.

L'un des problèmes dans tous ces pays—ce n'est d'ailleurs pas propre à l'Asie centrale ni au Caucase méridional—est que des sociétés représentant divers pays y rivalisent. L'éthique commerciale pratiquée dans les différents pays, et par conséquent celle des sociétés de ce pays, est variable.

Je ne mentionnerai aucun des autres membres des Nations unies, mais au Kazakhstan, par exemple, une poignée de pays y ont une présence particulière, notamment certains pays européens et, bien sûr, la Russie, du fait de liens historiques anciens que le Canada ne possède pas.

• 1105

Ce que nous avons fait, manifestement pas avec tous les résultats que nous aurions souhaités, a été de... Nous sommes actifs en Chine et en Mongolie, et dans plusieurs autres pays où les problèmes sont à peu près les mêmes mais où les méthodes de travail peuvent être différentes. Nous avons constaté qu'il nous faut toujours un partenaire local. Lorsque vous arrivez dans un pays où les moeurs sont réellement différentes, il vous faut un partenaire local. Dans la plupart des cas, ce sera le gouvernement; en tout cas, dans le secteur minier, cela tend à être le gouvernement. Il faut un partenaire à l'entreprise privée.

C'est ce que nous avons fait au Kazakhstan. Nous avons fait une petite enquête avant de nous lancer et nous nous sommes alliés avec une entreprise commerciale active au Kazakhstan, une société du nom de Tsesna Corporation, dont les dirigeants appartenaient à ce que nous pensons être la bonne tribu, qui est une entreprise qui a su et sait toujours mettre à profit les possibilités commerciales offertes dans le pays et dans la région.

J'ai lancé un jour une formule disant que le Kazakhstan est un pays où il faut transiger contre remboursement. J'entends par là que si vous concluez une transaction à relativement court terme, par exemple si vous vendez quelque chose en espérant être payé dans les six mois, ou au plus dans un an, préférablement à la livraison, vous avez moins de problèmes que si vous faites quelque chose à plus long terme, par exemple ouvrir une mine. Vous ne pouvez pas la prendre et partir avec. Vous devez être sur place.

Mme Eleni Bakopanos: Pourrais-je pousser la question un peu plus loin? C'est bien joli d'adopter une loi au Parlement, mais j'imagine que nous obtiendrons probablement de meilleurs résultats en travaillant par l'intermédiaire de l'OSCE ou d'autres organisations dont ces pays veulent devenir membres, qui ont déjà défini certaines normes dans différents traités, pour obtenir que ces pays respectent ces traités et autres accords. C'est peut-être par là qu'il faudrait commencer, car sinon nous risquons de pénaliser les compagnies canadiennes... C'est mon avis, mais je ne conteste pas la nécessité de règles.

S'il me reste du temps, j'aimerais poser encore une courte question, monsieur le président. Mon collègue, M. Patry, a évoqué l'environnement, et j'aimerais voir cet aspect d'un peu plus près. Il y avait récemment dans le National Geographic un article sur la mer Caspienne et son état de pollution avancé. C'était un article assez inquiétant, sachant que beaucoup des sociétés qui travaillent dans la région déversent leurs effluents dans la mer Caspienne.

Je suis donc heureuse d'entendre que vous avez des normes et que vous appliquez les normes canadiennes, mais cet article était très inquiétant. J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de la pollution dans la région—et la Caspienne n'est qu'un exemple.

M. Rob Sobhani: Encore une fois, je pense que la pollution mentionnée dans cet article est une séquelle de l'ancienne Union soviétique. Il y a une ville au nord de Bakou, du nom de Sumgait, qui était le coeur de l'industrie pétrochimique soviétique. Si vous traversez cette ville, ou restez dans le centre de la ville, pendant littéralement cinq ou dix minutes, vous avez l'impression d'avoir fumé deux paquets de cigarettes, tellement l'air est pollué. Avec l'aide de sociétés multinationales, nous transportons un certain nombre d'enfants atteints de cancer, du fait de cette pollution, dans des hôpitaux de l'Ouest pour y être soignés.

Chaque société pétrolière a inscrit dans son contrat une clause antipollution, car il est de notre responsabilité, à nous qui vivons dans un bon environnement, d'essayer de transférer cela. Nous voyons donc à ce que les contrats que nous signons comportent des clauses relatives à l'environnement, pour au moins essayer de protéger l'environnement à partir de maintenant.

Mme Eleni Bakopanos: Dans le domaine de l'assainissement de l'environnement, avons-nous des sociétés...

M. Rob Sobhani: C'est très coûteux.

Mme Eleni Bakopanos: Nous le savons. Cela a coûté cher ici. Mais nous l'avons fait.

M. Rob Sobhani: Exactement—et ils ne l'ont pas fait là-bas, malheureusement.

Mme Eleni Bakopanos: Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Monsieur Rocheleau.

[Traduction]

Désolé, monsieur Homeniuk.

M. Len Homeniuk: Je voulais seulement ajouter, si vous le permettez, pour ce qui est des conditions de concurrence dans ces pays, que les sociétés canadiennes doivent respecter les règles canadiennes et, pour être compétitives, elles doivent offrir un plus. Très souvent, ce sont des conditions plus avantageuses ou une technologie plus avancée, tout ce que vous voudrez.

Mais j'aimerais signaler que tous ces pays aiment bien faire affaire avec des Canadiens. Le Canada est très hautement considéré là-bas, plus que les États-Unis et beaucoup d'autres pays, et je suis ravi de le dire. À bien des égards, nous sommes un partenaire privilégié, grâce à la réputation de notre pays, dont nous sommes très fiers là-bas.

M. Daniel Grabowski: Ils admirent particulièrement le Canada pour son traitement des problèmes environnementaux, notamment.

• 1110

[Français]

Le président: Monsieur Rocheleau.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Il y a quelque temps, des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères du Canada sont venus témoigner pour nous donner divers renseignements sur cette région du globe. Je vais vous citer une phrase d'un document qu'ils nous ont livré et j'aimerais savoir si vous êtes d'accord sur cela. Concernant la mer Caspienne, on dit:

    Avec la Russie, l'Iran affirme que les ressources sous-marines de la mer Caspienne appartiennent aux cinq États situés sur le littoral.

Je voudrais savoir si cela est source de conflit entre les cinq pays en question. D'après vous, est-ce qu'on sous-entend par cela que d'autres intervenants convoitent les richesses sous-marines de la mer Caspienne, qu'elles soient privées ou publiques? Y a-t-il d'autres gouvernements, d'autres pays ou d'autres entreprises privées qui ont des vues sur la mer Caspienne et ses richesses, selon vous?

[Traduction]

M. Rob Sobhani: C'est une très bonne question, mais, sauf mon respect, je suis en désaccord à ce sujet avec la position du ministère. La question de la répartition de la Caspienne, aux yeux des sociétés actives là-bas, est réglée. Elles prennent pour acquis que la Caspienne est divisée en secteurs.

De ce fait, Chevron, qui travaille au large du Kazakhstan, par exemple, considère qu'elle travaille dans les eaux du Kazakhstan. Les pays riverains sont tous plus ou moins d'accord: le Turkménistan, l'Azerbaïdjan et le Kazakhstan. Jusqu'à récemment, la Russie était opposée, mais elle accepte maintenant que la mer Caspienne soit divisée en secteurs.

L'Iran est le seul opposant. La raison en est que l'Iran et sa politique étrangère ont toujours été anti-américains. Aussi, dans la mesure où ils pouvaient trouver un sujet, comme la démarcation de la Caspienne, pour dénoncer encore une conspiration américaine, ils n'allaient pas laisser passer l'occasion. Puisque les États-Unis sont le principal bénéficiaire des contrats dans la région Caspienne, la stratégie du gouvernement iranien a été de dire: nous ne pouvons pas laisser ces impérialistes revenir en Caspienne, nous n'acceptons pas la division sectorielle de la Caspienne, nous nous y opposons.

Le ton de l'objection iranienne a changé. Auparavant, c'était une opposition très stridente. C'était un jeu diplomatique. Mais les choses ont considérablement évolué depuis 1990. L'Iran formule toujours des objections, mais il le fait sous forme d'une lettre du sous-ministre et de la société pétrolière nationale, alors qu'auparavant, dans les années 90, l'opposition était exprimée par le ministre des Affaires étrangères lui-même, par exemple.

Notez également que depuis l'élection de M. Khatami, l'Iran a nommé un ambassadeur—un diplomate de carrière, du nom de M. Majadi, qui est maintenant responsable de la Caspienne. Son but est beaucoup moins de protester contre la démarcation que de promouvoir les intérêts iraniens dans les affaires conclues dans la Caspienne. Il adopte une attitude beaucoup plus pragmatique, mais le problème de la démarcation, du point de vue de ceux d'entre nous qui travaillons dans la région, est réglé.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Ai-je encore du temps?

La présidente suppléante (l'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.)): Vous avez encore deux minutes.

M. Yves Rocheleau: On a abordé les questions environnementales. Quelles sont les conditions de travail et les conditions salariales des gens là-bas? Et qu'en est-il du travail des enfants? Est-ce que les États en question exercent un certain contrôle ou si c'est laissé à la discrétion ou à l'autodiscipline des entrepreneurs privés?

[Traduction]

M. Len Homeniuk: Vous constaterez que les lois dans ces pays d'Asie centrale sont similaires aux lois canadiennes, en ce qui concerne les limites d'âge et les conditions de travail et toute cette sorte de chose. À Kumtor, par exemple, nous avons un syndicat qui représente nos employés. Les similitudes avec notre pays sont très nombreuses. Les salaires, bien entendu, dans le secteur privé et dans le secteur public... Dans la République kirghize, par exemple, le salaire moyen aujourd'hui tourne autour de 60 $US par mois. C'est un pays très pauvre. Les habitants ont beaucoup de mal à se nourrir.

• 1115

D'ailleurs, toutes les familles que j'ai rencontrées ont les mêmes préoccupations que les familles canadiennes: leur gagne-pain. Ils veulent un emploi, ils veulent instruire leur enfants, un bon niveau de vie. C'est pareil.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Peut-on tenir pour acquis qu'on embauche non seulement des Canadiens mais aussi des gens de là-bas?

[Traduction]

M. Len Homeniuk: Chez nous, nous employons 1 650 personnes, dont 92 p. 100 sont des locaux. Comme je l'ai dit, nous avons des programmes de formation poussés, certains en collaboration avec l'ACDI, pour amener les employés kirghizes aux normes canadiennes dans le secteur minier. J'entends par là qu'ils ne sont pas du tout familiarisés avec le matériel et les technologies que nous employons. Mais, oui, la plupart des emplois sont locaux.

M. Daniel Grabowski: C'est un aspect sur lequel les gouvernements insistent: donnez-nous une aide technique au niveau de la gestion et d'autres activités, pour que nos ressortissants obtiennent de meilleures conditions.

Le président: Monsieur McWhinney, je vous prie.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): J'aimerais revenir sur certains des problèmes d'investissement que vous rencontrez. Monsieur Homeniuk, vous avez parlé d'un accord cadre. Est-ce que votre société l'a conclu avec la République kirghize ou bien avec la société d'État?

M. Len Homeniuk: C'est une très bonne question. Comme je l'ai déjà dit, toute société active dans cette partie du monde doit veiller à prendre toutes les précautions juridiques nécessaires pour protéger son investissement. Notre accord a été signé avec les deux. Il a été cosigné par le gouvernement de la République kirghize. Il a été examiné, à l'époque, par tous les 31 ministères et chacun des 31 ministres a apposé sa signature. En outre, notre partenaire local, la société d'État Kyrgyzaltyn, est également signataire de cet accord.

M. Ted McWhinney: Contient-il une disposition d'arbitrage ou de règlement des différends? Le résidu soviétique n'est plus du ressort du groupe Gos Arbitrazh. Y a-t-il une clause dans cet accord prévoyant un arbitrage ou un mécanisme de règlement des différends?

M. Len Homeniuk: Oui. Il contient plusieurs dispositions à cet effet, tous les différends étant soumis à arbitrage à Stockholm et assujettis également aux lois de New York, selon le cas.

M. Ted McWhinney: À Stockholm, l'arbitre est-il un groupe suédois ou bien un forum neutre?

M. Len Homeniuk: C'est la CNUDCI.

M. Ted McWhinney: Oh, vous appliquez les règles de la CNUDCI.

M. Len Homeniuk: Oui.

M. Ted McWhinney: Votre société a-t-elle fixé une date cible pour l'amortissement de cet investissement de 452 millions de dollars? Vous mentionnez qu'un tiers est retourné au Canada sous forme de salaires. Qu'en est-il des 300 millions restants?

Le président: C'était pour l'achat de matériel, pas des salaires.

M. Ted McWhinney: Des achats de matériel, d'accord. Et le reste?

M. Len Homeniuk: Une bonne partie a été consacrée à des achats locaux de matériel, ainsi que dans d'autres pays. À l'époque où nous avons planifié le projet, je crois que la période d'amortissement était d'environ six ans, mais c'était sur la base d'un cours de l'or d'environ 375 $US. Le prix de l'or, ces jours-ci, est de 290 $, si bien que le projet subit des tensions financières considérables, comme tous les autres projets miniers dans le monde.

M. Ted McWhinney: Je vois que Cameco a un prêt subordonné de 122 millions de dollars et une contribution au capital-actions de 45 millions de dollars. Qu'avez-vous dit à vos actionnaires dans vos rapports annuels à ce sujet?

M. Len Homeniuk: Nous pensons que c'est un bon investissement. Nous n'avons jamais rien caché de la situation dans la République kirghize. Heureusement, la mine possède une longue durée de vie, si bien que les actionnaires y trouveront leur compte en temps voulu, mais certainement pas tout de suite. Nous le leur avons dit.

M. Ted McWhinney: Et le déversement de cyanure? C'est un exemple concret des problèmes qui peuvent surgir. Comment a-t-il été réglé, à votre point de vue? Je veux parler du mécanisme, du processus.

M. Len Homeniuk: C'est encore une très bonne question, monsieur. Comme je l'ai dit, le gouvernement canadien nous a beaucoup aidé en établissant un comité d'experts en environnement appartenant à différentes organisations internationales mondiales, dont l'Organisation mondiale de la santé. Ils ont conclu que les dommages étaient relativement minimes. Néanmoins, beaucoup de gens ont dû être évacués et l'inquiétude était grande, et nous avons dû verser des indemnités.

Nous étions responsables, nous l'avons admis d'emblée. C'était notre chauffeur, et il n'a pas respecté nos règles.

• 1120

Nous avons conclu un règlement financier avec la République kirghize. Pour assurer qu'il soit équitable, non seulement envers nos actionnaires mais aussi envers la population kirghize, nous l'avons soumis au conseil d'arbitrage mondial à New York. Un arbitre l'a examiné et a conclu qu'il était juste pour toutes les parties.

M. Ted McWhinney: Vous avez réglé cela par négociation directe, les deux parties convenant de saisir l'arbitre à New York.

M. Len Homeniuk: Oui.

M. Ted McWhinney: Est-ce que les pays voisins investissent en République kirghize? Par exemple, l'Iran investit dans certaines régions. Y a-t-il là-bas des investissements iraniens? Savez-vous si les pays voisins—je ne parle pas des États-Unis ou des pays occidentaux—ont conclu des arrangements spéciaux sous le régime des règles de la CNUDCI?

M. Len Homeniuk: Je ne sais pas s'ils ont conclu des arrangements au titre des règles de la CNUDCI, mais il y a certainement de gros investissements provenant des pays voisins, comme le Kazakhstan et la Russie. La Turquie est probablement le plus gros investisseur étranger. Donc, tous les pays entourant le Kirghizistan ont des intérêts là-bas. Je suppose que, réciproquement, certaines compagnies kirghizes ont des intérêts dans les pays voisins.

M. Ted McWhinney: Et à votre connaissance, les règles communes régissant votre investissement...

M. Len Homeniuk: Désolé, je ne peux réellement pas répondre.

M. Ted McWhinney: Je remarque, monsieur Carroll, que vous ne nous donnez pas des chiffres aussi détaillés que M. Homeniuk, mais vous avez mentionné une perte sur investissement de 24 millions de dollars. Comment expliquez-vous cela à vos actionnaires?

M. Paul Carroll: Je continue à le leur expliquer chaque jour. J'ai intentionnellement omis ce genre de détails du mémoire. Mais les choses sont très claires. Si quelqu'un veut des détails, nous avons un site Web très complet. Bien entendu, tout cela figure également dans les états financiers que nous adressons à nos actionnaires.

Notre investissement a pris la forme d'un prêt au gouvernement et à la société d'État. Il était libellé en dollars US. L'argent devait être utilisé à des fins bien précises, telles que fonds de roulement, notamment le paiement des salaires et prestations de retraite en retard. Lorsque nous avons repris le projet, il y avait des arriérés de salaire de six à douze mois, même chose pour les prestations de retraite. Il faut savoir que lorsque nous avons repris les opérations de TGK, nous avons hérité de 10 800 employés dans la ville de Stepnogorsk et les bourgades environnantes.

Notre investissement réel, en espèces, était d'environ 21,5 millions de dollars; le reliquat était des intérêts. C'était un prêt portant intérêts, lesquels s'accumulaient. Nous avions une option d'achat après deux ans, et dans l'intervalle nous gérions et financions l'affaire. Nous avions le droit, selon le contrat, d'exercer l'option fin 1998. À cette date, nous aurions converti tous nos prêts en actions, et d'ailleurs d'après nos prévisions nous aurions dû probablement verser un supplément.

Lorsque nous avons signé le contrat initialement, nous prévoyions de faire un petit versement. En réalité, nous avons dépensé à un rythme beaucoup plus rapide, et j'ai donc l'impression que, au moment de la prise de possession, nous aurions été en situation d'excédent.

M. Ted McWhinney: Avez-vous, comme M. Homeniuk, des cas concrets soumis à arbitrage?

M. Paul Carroll: Nous avons conclu un ensemble très complet d'accords. Nous avons une clause d'arbitrage, selon les règles de la CNUDCI.

M. Ted McWhinney: À votre connaissance, avez-vous dû recourir à cette procédure?

M. Paul Carroll: Dans notre contrat, la disposition sur l'arbitrage... Nous avons plusieurs contrats avec différentes parties, et c'est donc un peu plus complexe que ce que je vous dis. Nous avons donc différentes clauses d'arbitrage dans différents accords. Cela est dû à la façon dont les choses se sont déroulées. Nous avons choisi de ne pas recourir à l'arbitrage, ce qui a été autorisé. Nous avons eu un arbitrage officieux en 1998, qui n'a malheureusement rien donné. C'était simplement une tactique dilatoire de la part du gouvernement kazakh.

Nous avions eu l'assurance, par exemple, de l'ambassadeur kazakh à Washington, qui est également l'ambassadeur au Canada, que le gouvernement rembourserait notre investissement, qu'il était obligé de rembourser notre investissement. Il nous a invités à un arbitrage officieux, à quoi nous avons consenti. Cela n'a rien donné. Donc, nous avons intenté une poursuite en justice.

• 1125

À l'heure actuelle, notre approche légaliste, si vous voulez, passe par les tribunaux fédéraux américains, indépendamment des pressions intergouvernementales politiques exercées.

M. Ted McWhinney: Comment procédez-vous devant les tribunaux américains? La République du Kazakhstan reconnaît-elle leurs compétences? Ou bien demandez-vous simplement la saisie de fonds que...

M. Paul Carroll: Cette affaire est en instance de procès. Je préfère ne pas entrer dans les détails. La réponse est...

M. Ted McWhinney: Pouvez-vous répondre au moins sur la compétence? Le Kazakhstan admet-il la compétence?

M. Paul Carroll: Il conteste la compétence...

M. Ted McWhinney: Invoque-t-il l'immunité d'État?

M. Paul Carroll: Le contrat comporte une clause de renonciation à l'immunité d'État.

M. Ted McWhinney: Dans la pratique, il dénonce sa renonciation à l'immunité d'État?

M. Paul Carroll: Oui. Il dénonce tout le contrat.

M. Ted McWhinney: Mais surtout, selon votre perspective, il dénonce son acceptation de la compétence.

M. Paul Carroll: À l'heure actuelle, il y a des plaidoyers de huit pouces de haut portant principalement sur la compétence du tribunal.

M. Ted McWhinney: Depuis combien d'années cela dure-t-il...

M. Paul Carroll: Deux ans.

M. Ted McWhinney: J'imagine que vous avez dépensé un bon pourcentage de vos 24 millions de dollars pour des honoraires d'avocat.

M. Paul Carroll: En fait, c'est un montant relativement faible... mais néanmoins important.

M. Ted McWhinney: Vous savez que l'arbitrage suscite un intérêt croissant dans la région. Une conférence internationale à ce sujet a été tenue à Téhéran en novembre dernier, je crois, avec une bonne participation d'Occidentaux et d'Iraniens, notamment le juge en chef iranien du Tribunal américano-iranien. Il se trouve être un diplômé de la Harvard Law School et avoir étudié à George Washington.

Il se produit donc, d'une certaine façon, cette acculturation juridique. Je suis peut-être trop optimiste, mais j'apprécie vos réponses et les détails que vous nous avez donnés, monsieur Homeniuk et monsieur Carroll.

Merci, monsieur le président.

Le président: Je n'ai pas saisi, dans la question de Ted ou vos réponses, dans quelle juridiction américaine vous intentez votre poursuite. Est-ce la cour fédérale à New York?

M. Paul Carroll: C'est la cour fédérale américaine à Washington.

Le président: Je vois, Washington. Souvent, ces affaires sont traitées à New York. Je me demandais simplement pourquoi...

M. Ted McWhinney: Je pense que c'est à Washington à cause des conflits internationaux.

Le président: Et la question de l'immunité d'État est réellement...

M. Paul Carroll: Le tribunal approprié pour poursuivre la République du Kazakhstan est la U.S. Federal District Court.

Le président: Vous avez le professeur Sobhani qui nous dira que Washington est également une capitale impériale. Elle est incontournable.

M. Rob Sobhani: Ce n'est pas pour rien qu'il y a 22 000 avocats à Washington.

Le président: Madame Marleau.

Mme Diane Marleau: J'ai cru entendre M. Homeniuk dire qu'il a signé un accord avec des ONG? Ai-je bien saisi? Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Il serait intéressant de voir une copie de cet accord.

M. Len Homeniuk: Oui. En fait, je crois que l'accord est affiché sur le site Web, mais je peux certainement vous en faire parvenir une copie.

Mme Diane Marleau: C'est sur le site Web. Très bien.

M. Len Homeniuk: En gros, après l'accident du cyanure, un certain nombre d'ONG étaient assez légitimement préoccupées par notre mode de fonctionnement. Or, nous n'avions rien à cacher. C'était un accident regrettable, rien de plus.

Certains de nos bailleurs de fonds, particulièrement la Banque européenne de reconstruction et de développement, possédait une expérience à cet égard. Je crois que c'est en Tchécoslovaquie que des ONG locales se sont regroupées pour former un comité d'ONG géré par une ONG occidentale, qui fournissait des fonds et organisait le travail.

Une demande de proposition a été lancée. Je crois que c'est une ONG de Londres, du nom de Flora and Fauna International, qui a reçu le contrat pour mettre sur pied ce groupe d'ONG. Il regroupait 87 ONG kirghizes locales. Ils ont visité le site, pris langue avec les habitants des localités, tous les intervenants dans le projet. Ils ont publié plusieurs rapports, un rapport final devant sortir très prochainement.

Mme Diane Marleau: Merci.

[Français]

Le président: Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: J'ai des questions de deux ordres complètement différents.

• 1130

Premièrement, dans la foulée de ce que disait Mme Marleau, la société kirghize, du moins selon votre description, monsieur Homeniuk, semble plus développée et plus démocratique que les autres dont on a entendu parler et sur lesquelles on a lu. Avez-vous une explication à cela?

Deuxièmement, j'aimerais aborder la question de l'uranium. Je crois que deux d'entre vous sont dans cette industrie. On sait que l'uranium peut poser des problèmes de santé et des problèmes environnementaux, et il y a peut-être aussi une course pour s'approprier ces ressources, parce que l'uranium est extrêmement important dans ce coin du globe. Donc, il y a aussi des considérations stratégiques, pourrait-on dire.

[Traduction]

M. Len Homeniuk: Si je puis répondre, il est admis, je pense, que la République kirghize est la plus démocratique de toutes les républiques d'Asie centrale. Je crois que cela est dû au président Akaev, qui n'est pas un ancien dirigeant communiste. Il a été élu en 1991, après une carrière d'universitaire, et c'est pourquoi il a embrassé avec plus de ferveur les principes démocratiques.

En outre, après la dissolution de la République soviétique, les États-Unis se sont rapidement implantés dans ces pays, ont ouvert des ambassades et ont fourni une assistance majeure. Je crois que le gouvernement américain a ciblé particulièrement plusieurs de ces pays, notamment la République kirghize, peut-être parce qu'elle était la plus petite à devenir démocratique et pouvait servir d'exemple.

[Français]

Mme Francine Lalonde: C'est plus loin aussi.

[Traduction]

M. Len Homeniuk: Oui.

Voilà donc en gros la situation.

En ce qui concerne l'exploitation de l'uranium, tout l'uranium que nous produisons est utilisé comme combustible dans les réacteurs nucléaires, qui sont au nombre de 450 environ dans le monde. Le procédé d'extraction et de transformation de l'uranium et sa combustion dans les réacteurs est très sûr. Il fait appel à des technologies bien connues et avérées.

Je signale, en outre, que l'uranium et l'une des sources d'énergie les plus écologiques, comparé aux autres options telles que le gaz naturel et le charbon. Il existe toujours une énorme demande d'uranium et un nombre croissant de réacteurs dans le monde.

Les gisements du Kazakhstan—et M. Carroll voudra peut-être en dire un mot—sont de première qualité et se prêtent particulièrement à la lixiviation sur place. Ce sont probablement les meilleurs gisements de ce type au monde.

Comme vous le savez, les gisements d'uranium les plus riches du monde se trouvent en Saskatchewan, où nous sommes présents.

Le président: Monsieur Carroll.

M. Paul Carroll: Je suis d'accord avec tout ce qu'il a dit. J'ajouterais seulement que, d'après tous nos renseignements, le Kazakhstan possède environ 25 p. 100 des réserves mondiales d'uranium.

À toutes fins pratiques, toutes ces réserves peuvent être exploitées au moyen des méthodes de lixiviation sur place, c'est-à-dire en gros que l'on enfonce un tuyau dans le sol—je schématise, évidemment—pour y pomper une solution et remonter du concentré. Il n'est pas nécessaire de creuser des galeries, ni une mine à ciel ouverte. On récupère l'uranium et on recycle la solution. C'est pourquoi on appelle cela la lixiviation «in situ».

Par ailleurs, vous avez raison de parler de l'importance stratégique, car c'est précisément ce qui nous a attiré dans le pays en premier lieu. C'est évidemment aussi ce qui a attiré Cameco, car elle possède le gisement Inkai, qui est l'un de ces gisements non mis en valeur encore.

Le président: C'est l'un des avantages de venir ici. Vous apprenez les secrets industriels des autres.

M. Paul Carroll: Je ne pense pas avoir appris quoi que ce soit aujourd'hui.

Des voix: Oh, oh!

Le président: J'essayais simplement de donner au comité un peu de...

[Français]

Mme Francine Lalonde: Puis-je terminer par une toute petite question, monsieur le président?

Le président: Oui, allez-y, madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Monsieur Homeniuk, ai-je raison de dire que c'est votre compagnie qui a passé un contrat avec la Russie pour disposer du MOX?

• 1135

[Traduction]

M. Len Homeniuk: Oui, notre société a signé un contrat avec la Russie pour vendre l'uranium lourd qui résultera de son programme de désarmement.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Merci.

[Traduction]

Le président: Je n'ai que quelques questions.

Premièrement, monsieur Grabowski, vous nous avez remis un document comportant un chapitre: «Meilleurs moyens de promouvoir les intérêts de politique étrangère canadiens». Vous avez préconisé davantage de soutien gouvernemental et davantage de visites de membres du gouvernement. Je suppose que vous applaudiriez à une visite de notre comité, car elle irait dans ce sens. Vous pensez que la SEE devrait jouer un plus grand rôle, de même que l'ACDI. Ce sont là vos quatre conclusions principales, mais vous ne les avez pas mentionnées dans votre exposé oral. Seriez-vous fâché que nous les intégrions dans nos conclusions officielles? Ce sont là manifestement des recommandations, et c'est le genre de choses que nous aimerions pouvoir inscrire dans notre rapport ou nos recommandations. Ce serait utile.

M. Daniel Grabowski: Je vous en prie.

Le président: Merci. Si vous voulez en dire davantage à ce sujet, allez-y, mais je pense que nous avons saisi la substance.

M. Daniel Grabowski: Vous avez raison, ce sont là des choses très importantes dans la région. Je pense que M. Sobhani les a mentionnées. Il faut une présence gouvernementale, une présence constante.

Ces pays tiennent compte de ces choses. Si vous êtes avec eux pendant les moments difficiles, votre patience et votre persistance seront récompensées. Et une entreprise qui a le soutien de son gouvernement a davantage de chance de réussir. Tous nos concurrents bénéficient du soutien de leur gouvernement, financier ou politique, et cela aide donc à être compétitifs sur ce marché. Et c'est un marché émergent, et si nous pouvons être présents dès le début, ce sera payant et récompensé.

Le président: Le problème que nous avons en est un de priorités et de ressources, car vous imaginez bien que l'on nous dit la même chose lorsque nous allons en Chine, on nous dit la même chose en Afrique, et l'on nous dit pratiquement la même chose dans toutes les économies en développement. La présence gouvernementale est presque une condition sine qua non, beaucoup plus qu'en Europe et aux États-Unis. C'est la même chose en Amérique latine. Il s'agit donc de voir comment répartir les ressources gouvernementales et si les intérêts canadiens dans la région sont suffisamment substantiels et si le potentiel de la région est suffisamment important. Toutefois, ces décisions nous incombent et nous allons y réfléchir.

En ce qui concerne le potentiel de la région, l'un ou l'autre d'entre vous pourrait-il me donner un renseignement? Quelle est l'importance de l'investissement canadien... Nous avons quelque idée en ce qui concerne les activités minières dans ces pays, mais dans les champs pétrolifères de l'Azerbaïdjan, j'entends dire que la participation canadienne représente environ 4 p. 100. Est-il possible de quantifier la participation canadienne dans cette région?

M. Rob Sobhani: La participation canadienne en Azerbaïdjan est très minime. Notre principale présence est la société que je représente, l'Alberta Energy Company. Elle possède 5 p. 100 d'un important gisement dans le sud de la Caspienne qui, si les réserves sont confirmées, contient 9 milliards de barils de pétrole. C'est un gisement de taille.

Le président: Qu'en résultera-t-il pour le prix de ces actions?

M. Rob Sobhani: Si vous êtes actionnaire d'AEC, vous deviendrez très riche.

À titre de comparaison, les partenaires dans ce projet, dont AEC détient 5 p. 100, sont BP Amoco avec 15 p. 100, Exxon-Mobil avec 15 p. 100, la Turkish Petroleum Company avec 10 p. 100. Et je sais que si vous prenez la totalité de tous les contrats, Exxon-Mobil et BP Amoco sont de loin les principaux joueurs. À part Alberta Energy, il y a très peu de présence canadienne.

Le président: Pensez-vous qu'à l'avenir les compagnies canadiennes de gaz et de pétrole pourraient s'y intéresser, vu ce que vous avez dit sur l'épuisement des ressources en Alberta?

M. Rob Sobhani: Absolument, et pas seulement au niveau de la prospection en amont, mais également en aval—le raffinage, le transport par oléoduc et autre. Les possibilités sont énormes. Comme je l'ai dit, il faudra dépenser 10 milliards de dollars pour construire ces oléoducs.

Le président: Je reconnais le potentiel, mais avez vous l'impression que les sociétés canadiennes commencent à s'y intéresser aussi? Ont-elles seulement réalisé...

M. Rob Sobhani: Ce n'est pas encore le cas en Azerbaïdjan, car il y a cette lacune. Les sociétés viennent, mais leur drapeau n'est pas visible. La façon dont marchent les choses là-bas, il faut hisser la feuille d'érable. Si les gens ne voient pas la feuille d'érable, c'est difficile, car lorsque vous négociez avec le président, le premier ministre, ou le ministre du pétrole, sa première question est pour demander où est l'ambassadeur. Si vous répondez: «Désolé, le Canada n'a pas d'ambassadeur ici», cela vous affaiblit tout de suite.

• 1140

Le président: Pendant le cours d'histoire du XIXe siècle, on nous a appris une phrase: «Le commerce suit le drapeau».

[Français]

plus ça change, plus c'est la même chose.

[Traduction]

M. Rob Sobhani: Exactement.

Le président: Et que faut-il donc...

M. Rob Sobhani: C'est l'inverse de l'Iran, car la situation en Iran est différente. L'Iran recherche désespérément des investissements canadiens, veut désespérément des investissements dans le pétrole. Par conséquent, que la feuille d'érable soit visible ou non n'y est pas aussi important que dans des pays comme l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan ou le Turkménistan, où le drapeau est considéré comme le garant de leur indépendance. C'est réellement la différence clé.

Le président: Eh bien, les Iraniens nous ont demandé avec beaucoup d'insistance des contacts plus étroits entre le gouvernement canadien et l'Iran, mais cela nous ramène au problème des droits de la personne et de tout ce genre de choses, que nous devons examiner très soigneusement.

En ce qui concerne l'oléoduc Bakou-Ceyhan, on nous a dit aussi que les États-Unis, pour des raisons stratégiques, ne veulent pas d'un oléoduc traversant l'Iran—qui serait le chemin le plus court pour se rendre au golfe Persique—mais préfèrent un tracé passant par la Turquie, qui est beaucoup plus compliqué puisqu'il oblige à passer par la mer Caspienne. Pourriez-vous nous dire...

M. Rob Sobhani: Il y a deux considérations en jeu avec l'oléoduc Bakou-Ceyhan. Tout l'objectif de la politique étrangère américaine dans la région caspienne est d'assurer l'exploitation et le transport continus du pétrole de la Caspienne jusqu'au marché international. C'est pourquoi le tracé Bakou-Ceyhan joue un rôle aussi important dans la politique étrangère américaine. Il est la pierre angulaire de la politique étrangère américaine. Cela dit, les sociétés pétrolières ne sont pas de cet avis. Ce n'est pas la pierre angulaire pour Exxon, ni pour BP Amoco. C'est le tracé le plus coûteux et qui passe par des territoires non explorés. Il y a donc un conflit entre la position du gouvernement américain et celle des sociétés pétrolières.

Évidemment, le chemin le moins coûteux passe par l'Iran, surtout si vous procédez à un échange en Iran. Autrement dit, vous livrez du pétrole de la Caspienne aux raffineries du nord de l'Iran, et l'Iran vous livre la même quantité de pétrole dans le sud. Ainsi, il n'y a pas à construire d'oléoduc traversant l'Iran. Il y a une distinction. C'est un troc avec l'Iran, et c'est la méthode la moins coûteuse. L'oléoduc Bakou-Ceyhan coûterait 3 milliards de dollars, alors que le troc avec l'Iran ne coûterait que 400 millions de dollars.

Le président: Merci beaucoup.

Je pense que nous allons conclure.

Docteur Patry, aviez-vous une autre question?

M. Bernard Patry: J'ai toujours quelques question, monsieur le président. Le sujet est très intéressant.

J'aimerais avoir votre avis sur une chose, monsieur. Nous n'avons pas encore parlé des tensions ethniques. Nous savons que les frontières actuelles ont été tracées à l'époque de Staline, et elles engendrent beaucoup de problèmes comme celui au Nagorny-Karabakh. Chaque fois qu'un dirigeant arrive au pouvoir, il semble que ce soit au détriment de quelque autre groupe ethnique du pays et le système ou le pluralisme ne sont actuellement pas acceptés.

Vous avez dit, je crois, avoir vécu sur place pendant cinq ans, tout comme M. Grabowski. Ressentez-vous cette tension ethnique dans ces pays?

M. Daniel Grabowski: Je n'y ai pas vécu.

M. Bernard Patry: Non? Monsieur Homeniuk alors. Désolé.

M. Len Homeniuk: C'est une question intéressante.

Évidemment, Staline a tracé les frontières—et notamment celles entre le Kirghizistan et l'Uzbekistan—de façon telle que cette tension ne disparaisse jamais. C'était par dessein, et il a très bien réussi. Ces tensions sont toujours là, et dans la République kirghize elles resurgissent épisodiquement dans le sud du pays. Le nord du pays, près du Kazakhstan, est relativement tranquille.

Je peux dire qu'au cours des cinq années que j'ai passées dans ce pays, je n'ai jamais personnellement rien observé d'inquiétant à cet égard. Le passage des frontières est très facile.

M. Bernard Patry: D'accord, je vous remercie.

Le président: C'était donc l'Empire soviétique qui divisait pour mieux régner.

[Français]

Monsieur Rocheleau.

M. Yves Rocheleau: Dans le contexte de l'effondrement de l'Union Soviétique, quel est le sentiment général de ces populations envers les Russes, d'une part, et envers les Américains, d'autre part?

[Traduction]

M. Rob Sobhani: C'est une bonne question.

La prémisse fondamentale est qu'ils ont vécu pendant 70 ans sous le joug du grand frère. Maintenant, le grand frère est parti, et ils n'en veulent plus d'autre. C'est pourquoi la Turquie, bien que la bienvenue, ne peut pas tout faire. Elle agit comme si elle était le nouveau grand frère, et cela lui nuit.

Nous, Américains, avons également des limites, car ils ne veulent pas de l'oncle Sam comme nouveau grand frère. La prémisse, c'est l'indépendance. Toute puissance qui peut garantir cette indépendance est la bienvenue.

• 1145

L'attitude vis-à-vis des Américains, d'après ce que je peux voir, est très positive, particulièrement lorsque nous pouvons faire venir des délégations aux États-Unis. Par exemple, chaque année nous faisons venir un groupe d'une vingtaine de journalistes aux États-Unis, où ils rendent visite à une famille américaine, pas à Washington, mais au Kansas. Nous leur faisons visiter les plates-formes pétrolières du golfe du Mexique, pour qu'ils puissent se rendre compte comment on fore en mer. Cela a créé réellement des atomes crochus.

Évidemment, il y a toujours des doléances et les États-Unis sont toujours critiqués. Mais au niveau du peuple, jusqu'à présent—touchons du bois—tout va bien.

Une voix: Très intéressant.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Est-ce qu'il y a une forme de haine envers les Russes de la part de ces populations en général?

[Traduction]

M. Rob Sobhani: Cela dépend.

M. Paul Carroll: Je peux parler un peu du Kazakhstan. Au Kazakhstan, avec une population d'environ 16 millions d'habitants, environ 45 p. 100 appartiennent à l'ethnie Kazak. La proportion de la population russe est un peu en recul, du fait de l'émigration. Je dirais qu'elle est maintenant à 40 p. 100. Le reste sont des Allemands, des Coréens et d'autres minorités, notamment d'autres républiques voisines, en raison des migrations de population intervenues au fil des ans.

Le secteur de l'uranium était dominé à 99,9 p. 100 par les Russes. Ils ne faisaient pas confiance aux locaux pour travailler dans un domaine aussi stratégique que l'uranium, pour des raisons évidentes. C'est donc une situation particulière dans ce secteur. Sous le régime soviétique, pratiquement tous les postes supérieurs étaient occupés par des Russes, d'origine ethnique russe, dont certains sont initialement arrivés comme expatriés mais dont les familles ont fini par s'enraciner et qui vivent là depuis des générations.

Lorsque l'Union soviétique a éclaté en 1991 et que le Kazakhstan est devenu indépendant en décembre 1991, il y a eu tout d'abord un exode de Russes qui repartaient vers la partie russe de l'Union soviétique, la Fédération russe. Tous les Kazakhs ont tout d'un coup été promus, car il était évident que les groupes ethniques Kazakhs allaient prendre le commandement. Il se trouve que, contrairement à certaines autres républiques devenues indépendantes, Nazarbayev était d'origine ethnique kazakh, mais il était le commissaire soviétique responsable du Kazakhstan. Il n'en a pas été de même dans tous les autres pays de la région. Cela a pu accélérer le processus.

Lorsque nous sommes arrivés en 1995-1996, on commençait à voir des Kazakhs aux postes de responsabilité, apprenant sur le tas. Ils étaient amateurs, n'ayant jamais par le passé pu accéder à des postes de direction. Ils apprenaient chemin faisant. À l'époque, la plupart des entreprises appartenaient à l'État. Elles étaient gérées par des amateurs, à l'exception du secteur de l'uranium. Mais, même là, on a nommé un Kazakh au sommet, puisque le président de l'organisme responsable de l'uranium ne connaît rien de l'uranium. C'est toujours vrai aujourd'hui. Le président de Kazatomprom est un vendeur de voitures.

Le président: En fait, la question de M. Rocheleau était un peu plus directe. Existe-t-il une haine envers les Russes?

M. Rob Sobhani: Il y a de la haine, mais elle n'est pas déclarée. En Azerbaïdjan, par exemple, la haine est très réelle. Le 20 janvier 1990, M. Lebed et ses parachutistes ont envahi Bakou et ont tué 300 civils sous prétexte de combattre les fondamentalistes islamistes. Cela n'a pas été oublié. Aujourd'hui encore, les Russes sont considérés avec énormément de suspicion en Azerbaïdjan. La Georgie, sous le président Shevardnadze, a fait la même expérience.

En Arménie, les choses se sont passées différemment. Pour la Russie, l'Arménie est le porte-avion russe dans le Caucase. L'Arménie a une importance stratégique énorme. Les Arméniens voient les Russes d'un oeil différent.

• 1150

De l'autre côté de la Caspienne, au Turkménistan, l'attitude va de neutre à négative. Au Kazakhstan, c'est différent. Donc, tout dépend de l'expérience historique que ces peuples ont vécu aux mains des Russes.

M. Paul Carroll: Je suis d'accord, mais il y a certainement des frictions, frisant la haine, au Kazakhstan.

Le président: Comme invité du Parlement du Commonwealth des États indépendants, je me suis retrouvé assis entre le président du Parlement d'Azerbaïdjan et le président du Parlement d'Arménie. J'ai failli ma faire dévorer entre eux deux. Ils allaient me dévorer pour mieux bouffer l'autre. C'était une expérience extraordinairement inconfortable, mais nous leur avons jeté les interprètes en pâture à la place. C'est une région difficile.

Quoi qu'il en soit, je pense que nous allons clore cette très intéressante séance. Je tiens à vous remercier tous d'être venus. C'était fascinant, et nous avons apprécié votre franchise, vos connaissances et le fait que vous soyez venus de loin pour nous éclairer. Nous vous sommes réellement très reconnaissants.

Notre personnel vous contactera peut-être avec des questions supplémentaires qui pourraient nous venir.

Merci beaucoup, collègues. Notre prochaine séance est à 15 h 30 cet après-midi, et nous y entendrons Mme Minna.