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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 29 février 2000

• 0947

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): J'ai besoin d'un agent de police pour me donner un peu d'autorité. Personne ne prête attention. Sauf M. Miller.

Collègues, pourrions-nous commencer? Nous sommes en retard.

Je souhaite la bienvenue à notre groupe de fonctionnaires du gouvernement qui sont revenus comparaître et qui concluront notre étude du Kosovo.

Je voudrais leur faire quelques suggestions. Je sais que vous avez déjà envoyé des réponses écrites aux questions de M. Robinson. Nous les avons reçues. Nous avons entendu énormément de témoignages de multiples sources. Je sais que vous avez reçu des rapports à ce sujet. Ce que souhaitent les membres du comité, c'est que vous nous disiez si, à votre avis, il y a des lacunes ou des inexactitudes dans ce que nous avons entendu. C'est ce qui nous serait le plus utile.

Ensuite, nous essayerons de passer aux questions le plus rapidement possible. En effet, après tous ces témoignages, je sais que les députés ont en tête des questions au sujet de ce qu'ils ont entendu, du genre: «Tel groupe nous a dit ceci et tel autre cela. Comment concilier ces deux points de vue?», etc.

Nous vous remercions beaucoup d'être venus. Une dernière observation:il y aura un vote à 10h40.

[Français]

Mme Lalonde est déjà au courant, car le vote a sans doute été provoqué par elle.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le président!

Le président: Ce n'est pas Mme Debien qui a fait ça.

Mme Francine Lalonde: Non, c'est monsieur...

Le président: Ah, bon.

Mme Francine Lalonde: Vous cherchez la cause?

[Traduction]

Le président: La sonnerie retentira à 10 h 10 et le vote devrait avoir lieu à 10 h 40. Je demanderais à tous les participants de garder cela à l'esprit. Nous avons déjà fait l'expérience d'une telle situation et c'est pourquoi vous êtes de retour. Essayons de tout faire en une séance.

Monsieur Wright, nous allons commencer par vous.

M. Jim Wright (directeur général, Direction de l'Europe centrale, de l'Est et du Sud, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international Canada): Monsieur le président, honorables députés, nous avons pris connaissance avec un vif intérêt du témoignage de tous ceux qui ont comparu devant le comité depuis que nous nous sommes adressés à vous il y a quelques semaines, ainsi que des questions que vous avez posées. Plusieurs témoins ont soulevé des préoccupations légitimes quant au défi de consolidation de la paix auquel nous faisons face au Kosovo et dans le reste de la région. La situation est certes difficile, et nous accueillons volontiers les conseils constructifs de toutes provenances. Le gouvernement partage certaines des préoccupations exprimées durant ces audiences, comme il l'a d'ailleurs indiqué dans ses interventions antérieures.

• 0950

[Français]

Je voudrais toutefois traiter de la stratégie plus globale menée par la communauté internationale et nos partenaires au Kosovo, ailleurs dans la République fédérative de Yougoslavie et avec les voisins de cette dernière. Pour important que soit le Kosovo, le fait de se focaliser aussi intensément sur les défis qu'il présente nous fait parfois perdre de vue la perspective régionale. Les membres du comité connaissent le rôle que le Canada a joué durant les 10 dernières années dans les domaines du maintien de la paix et de la consolidation de la paix. Mais je voudrais aborder certains éléments clés dans l'analyse que je ferai de notre action future.

[Traduction]

Tous savent le tragique coût humain du conflit dans les Balkans depuis l'arrivée au pouvoir de Slobodan Milosevic. Aucune communauté n'a été épargnée par la violence et tant les Croates de souche, que les Bosniaques, les Serbes, les Albanais, les Roms, les Juifs et d'autres ont été la cible de la purification ethnique. Ce constat sert non pas à répartir le blâme entre les dirigeants des pays de l'ex-Yougoslavie, mais bien à montrer clairement qu'un grand nombre d'innocents ont été pris pour victimes et que la culpabilité est individuelle, non collective.

D'énormes efforts ont été déployés pour soulager cette souffrance et inverser le processus, et l'on peut enfin en voir les fruits aujourd'hui. Le retour de centaines de milliers d'Albanais de souche déportés l'an dernier est un renversement sans précédent de la situation de purification ethnique qui prévalait. Ce renversement ne doit pas être le seul du genre, et nous travaillons fermement dans l'ensemble de la région pour veiller à ce qu'il en soit ainsi.

[Français]

Plusieurs des témoins que vous avez entendus n'ont pas proposé d'approche de rechange réaliste aux problèmes du Kosovo. Ils n'ont pas non plus posé la question de l'impact vraisemblable qu'aurait eu une décision des alliés de l'OTAN de ne pas intervenir de façon décisive. Nous croyons fermement, quant à nous, que cet impact aurait été tragique.

[Traduction]

Si Slobodan Milosevic avait réussi à déporter les citoyens albanais de souche, des réfugiés souffriraient aujourd'hui du froid dans des camps de fortune dans l'ancienne république yougoslave de Macédoine et en Albanie. Ces pays, deux démocraties fragiles avec leurs propres défis à relever, auraient connu une déstabilisation profonde sur les plans politique et économique, comme conséquence directe de l'afflux des réfugiés et du coût de leur accueil pour des économies déjà lourdement grevées. Les autorités bosniaques, qui tentent tant bien que mal d'appliquer les accords de paix de Dayton, étaient vivement préoccupées par l'éventuel impact déstabilisateur de la présence de forces serbes à leurs portes.

Si les autorités serbes avaient réussi dans leur campagne de purification ethnique au Kosovo, en auraient-elles profité pour avancer sur le Montenegro, où les politiques de réforme du président Djukanovic sont vues par le régime Milosevic comme une menace directe à ses intérêts?

Nous avions plus de preuves qu'il n'en fallait de ce qui se passait déjà au Kosovo, et nous étions pleinement conscients de ce qui avait précédé cet état de choses dans chacun des conflits déclenchés depuis la prise du pouvoir par Milosevic. D'attendre que tous les scénarios du pire se fussent matérialisés pour dissiper tout vestige de doute quant aux intentions du Belgrade eut été clairement irresponsable.

[Français]

De plus, quel message aurions-nous envoyé aux autres tyrans du monde si la communauté internationale était restée sur la touche et avait permis à Milosevic de réussir alors qu'elle avait les moyens et la volonté de l'arrêter? Qu'ils peuvent violer les droits humains de leurs citoyens avec impunité? Des membres du comité voulaient savoir quelles implications le fait de ne pas agir d'une façon décisive au Kosovo, au vu des violations flagrantes des droits humains et du droit humanitaire, auraient eu pour l'état de droit dans le monde. Selon nous, il y aurait eu un recul très net.

[Traduction]

Aucun observateur de la situation dans les Balkans n'a cru que ce que nous faisons maintenant au Kosovo serait facile. La réponse ne réside pas dans une attitude défaitiste renforcée par des théories révisionnistes, mais plutôt dans l'application de la résolution 1244, qui appelle au plein engagement de la communauté internationale et à la pleine coopération de la population locale.

Sans vouloir minimiser de quelque façon les défis auxquels nous faisons face, en particulier à Mitrovica où les effectifs militaires canadiens travaillent vaillamment à stabiliser la situation, on observe néanmoins des progrès dans différents domaines. Les écoles ont rouvert leurs portes, et les enseignants et leurs élèves tentent maintenant de reprendre le processus normal d'apprentissage. La reconstruction va de l'avant. On s'active à rétablir l'ordre, spécialement en ce qui concerne la protection accordée aux membres des groupes minoritaires. Les attaques contre ces personnes innocentes sont carrément injustifiables et elles ne sauraient être tolérées.

• 0955

À mesure que la situation se stabilise au plan de la sécurité, nous devons progresser davantage vers la réconciliation des Kosovars serbes et albanais. Rien de cela ne se fera du jour au lendemain, mais il y a d'importants signes de progrès. Et nous sommes convaincus que la situation au Kosovo et dans les environs se serait sensiblement aggravée si nous avions laissé la campagne de répression de Milosevic parvenir à ses fins.

[Français]

Les signes importants de progrès que l'on constate dans les États avoisinants montrent que la région n'est pas condamnée à répéter les erreurs commises par ses anciens dirigeants extrémistes. Grâce à l'élection récente du président Mesic et du premier ministre Racan, la Croatie est en mesure de jouer un rôle constructif comme trait d'union entre l'Ouest et les Balkans. Elle doit faire davantage pour permettre à ses réfugiés de souche serbe de réintégrer leur foyer en toute sécurité et dans le respect de leur dignité. Les autorités croates ont clairement signifié qu'elles agiraient en ce sens. Elles se sont aussi engagées à collaborer pleinement avec le Tribunal pénal international à La Haye. Ces développements annoncent une réelle percée en Croatie et envoient un signal sans équivoque aux autres que des changements peuvent être effectuées par des voies pacifiques et démocratiques.

[Traduction]

Près de cinq ans après la conclusion des accords de paix de Dayton, on constate des progrès—lents et douloureux certes, mais des progrès néanmoins. Quelles que soient les différences qui subsistent, les habitants de la Bosnie ont dit clairement vouloir trouver une meilleure façon d'assurer leur avenir au sein de la famille des nations européennes. Lors de sa visite à Ottawa il y a deux semaines, le Président macédonien Boris Trajkovski a dit sa volonté de s'assurer que son pays continue d'être un modèle de pluriethnicité et de stabilité pour ses voisins. L'Albanie est sortie de la tempête après avoir fait preuve d'une générosité et d'une ouverture dont pourraient certainement s'inspirer nombre de pays plus développés.

Ailleurs en Yougoslavie même, des réformistes continuent de lutter pour offrir de véritables solutions de rechange à leur concitoyens. L'opposition serbe, qui si souvent dans le passé a fait le jeu de Milosevic, s'efforce d'améliorer sa cohésion et sa crédibilité. Le fait que les leaders de l'opposition se soient rendus à Zagreb pour l'inauguration du Président croate Stipe Mesic signale leur intention de travailler à surmonter certaines injustices du passé.

La population de la Serbie doit pouvoir canaliser sa volonté de réformes substantielles par l'entremise de leaders responsables. Nous espérons que l'opposition sera à la hauteur.

Au Montenegro, le Président Djukanovic poursuit ses efforts pour encourager des réformes significatives dans sa propre république mais aussi dans les institutions de la République fédérative de Yougoslavie.

Le Canada veut que la Yougoslavie elle-même réintègre la famille des nations, mais cela ne se produira pas tant qu'elle sera dirigée par une personne inculpée de crimes de guerre—quelqu'un dont la dernière déclaration ne renferme guère plus que des menaces à l'endroit de la mission de paix au Kosovo—et que la Serbie continue de menacer ses voisins et ses propres éléments réformateurs.

L'avenir de la Yougoslavie est au sein d'une Europe prospère et en paix, mais la voie qui y conduit ne peut être tracée de l'extérieur seulement. Elle doit s'appuyer sur des réformes en profondeur à Belgrade. Dans l'attente de telles réformes, le Canada et ses partenaires concentreront leurs efforts sur l'aide et l'appui humanitaires aux populations dans le besoin en Serbie.

[Français]

Il y a lieu de se rappeler que le Canada et l'ex-Yougoslavie, y compris la Serbie, entretenaient auparavant d'excellentes relations. Les Canadiens d'origine serbe forment depuis longtemps une partie importante de notre population, et certaines des personnes tout récemment arrivées de la Serbie ont elles-mêmes été amenées à rechercher une vie meilleure à l'étranger en raison des derniers conflits. L'ex-Yougoslavie a joué un rôle international important dans le passé, et nous espérons que la Yougoslavie actuelle pourra renouer avec ce rôle dans l'avenir.

• 1000

[Traduction]

La voie menant à des changements durables a été clairement tracée en juillet dernier au Sommet du Pacte de stabilité de Sarajevo où le premier ministre Chrétien s'est joint à d'autres dirigeants mondiaux pour offrir un plan viable conduisant à plus de démocratie, de paix et de prospérité grâce à une intégration accrue des institutions euro-atlantiques.

Le Canada est particulièrement actif au sein des Tables de travail numéro 1, sur la démocratisation et les droits de la personne, et numéro 3 sur les questions de sécurité. Avec les groupes de travail mis sur pied par chacune de ces tables, nous nous occupons de certains enjeux qui sont fondamentaux pour la politique étrangère du Canada dans les Balkans, notamment le déminage, les armes légères, les enfants soldats, la réforme des politiques de sécurité, les droits de la personne, le retour des réfugiés, l'égalité des sexes et la réforme des médias.

Pour la région, le Pacte offre des encouragements significatifs à opérer les réformes fondamentales nécessaires pour éviter de nouveaux conflits. Le Pacte a été bien reçu et, en dépit d'un contexte difficile, les attentes des pays de la région sont élevées. La participation des régions à la quête de solutions et une coopération efficace entre les pays sera le gage de succès du Pacte. Au Canada et aux autres participants à l'extérieur des Balkans, le Pacte offre un moyen d'agir dans leur véritable intérêt, un intérêt fondé sur le respect des droits de la personne et de la sécurité humaine.

Nous savons que les membres du comité partagent ce grand objectif et nous attendons avec impatience vos vues sur la façon dont le Canada peut le mieux contribuer à relever ce défi tout autant exigeant que capital.

[Français]

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Wright.

Notre prochain témoin est Mme Corneau.

[Français]

Mme Hélène Corneau (gestionnaire de programmes, Europe du Sud, Asie centrale et aide humanitaire, Agence canadienne de développement international): Je n'ai pas d'énoncé, monsieur le président.

Le président: Très bien.

[Traduction]

Monsieur Wright, vous êtes le seul à faire une déclaration liminaire. Tous les autres participants sont simplement ici pour répondre aux questions. Excellent. Cela est très utile. Merci beaucoup.

Permettez-moi d'exercer le privilège de la présidence et de poser deux brèves questions, monsieur Wright. Ensuite, nous passerons aux questions générales.

Vous avez parlé du Montenegro et de M. Djukanovic. Un témoin nous a dit qu'il était très possible qu'un coup, un contre-coup, soit tenté contre M. Djukanovic par les forces de M. Milosevic en Serbie, ce qui déstabiliserait complètement toute la région. Qu'en pensez-vous?

M. Jim Wright: Nous surveillons de très près la situation au Montenegro. Nous n'avons pas été témoin de mouvements des forces militaires yougoslaves ou d'unités de la police spéciale qui donneraient à entendre qu'un tel coup est imminent. Évidemment, le régime de Belgrade subit des pressions croissantes—pressions économiques, politiques—et dans le passé, le président Milosevic nous a habitués à frapper au moment où l'on s'y attend le moins, à essayer de trouver de nouvelles victimes pour détourner l'attention de la population de la Yougoslavie et de la Serbie des épreuves que son régime lui a infligées.

Tout cela pour dire que même si nous n'avons aujourd'hui aucune preuve qu'un coup d'Etat se prépare, il va de soi que les tensions sont très vives entre Podgorica et Belgrade. Nous sommes en communication régulière avec le Montenegro. En fait, au moment où nous nous parlons, notre chargé d'affaires est à Podgorica pour s'entretenir avec les dirigeants monténégrins. Nous avons rencontré le président Djukanovic. D'ailleurs, le président du comité était présent lors de notre dernière rencontre avec le président Djukanovic lorsque nous étions à Istanbul avec le ministre des Affaires étrangères Axworthy, et nous lui avons réitéré l'appui du Canada au Montenegro pour ses réformes démocratiques et ses réformes financières. Nous encourageons ce processus et nous surveillons la situation très soigneusement. Toute tentative du président Milosevic de s'attaquer au Montenegro susciterait, j'en suis convaincu, une réaction très rapide de la part de la communauté internationale.

Le président: Deuxièmement, vous dites dans votre déclaration:

    Dans l'attente de telles réformes, le Canada et ses partenaires concentreront leurs efforts sur l'aide et l'appui humanitaires aux populations dans le besoin en Serbie.

Qu'en est-il des sanctions? Les Canadiens originaires de la région veulent envoyer des colis aux membres de leurs familles là-bas. Or, les communications sont difficiles avec les habitants de la Serbie à l'heure actuelle en raison des sanctions. Êtes-vous en train de me dire que vous êtes disposés à envisager un assouplissement des sanctions? Sont-elles efficaces?

M. Jim Wright: Le régime de sanctions imposé par le Canada pendant la guerre est essentiellement toujours en place à l'heure actuelle. La Yougoslavie demeure sur la liste des pays visés par contrôle. Cela dit, il y a des exceptions pour les articles humanitaires, ce qui englobe la nourriture, les vêtements, les médicaments et le matériel pédagogique. En fait, nous tentons d'exploiter ce champ d'exceptions en fournissant de l'aide humanitaire à la Serbie et au Montenegro. Nous avons organisé un certain nombre de missions humanitaires en Yougoslavie et en Serbie. Hélène Corneau a d'ailleurs fait partie du groupe qui s'est rendu là-bas récemment. Nous avons déjà consenti à la Serbie et Montenegro une aide humanitaire de l'ordre de 11 millions de dollars environ, en grande partie dans le domaine des soins de santé, des médicaments et des abris.

Mais Hélène, vous voulez peut-être ajouter quelque chose.

• 1005

Mme Hélène Corneau: C'est exact, monsieur le président.

[Français]

Nous avons effectué une mission d'assistance humanitaire en Serbie au mois de janvier dernier. Nous avons rencontré des représentants des organisations multilatérales et des organisations non gouvernementales qui sont présentes sur le terrain. À ce jour, l'ACDI s'est engagée à débourser quelque 11,5 millions de dollars à l'endroit des organisations multilatérales et de quelques organisations non gouvernementales canadiennes, dont World Vision et le comité canadien de la Croix-Rouge.

Il y a des initiatives qui sont en cours de planification pour la prochaine année financière, qui porteraient sur trois secteurs que nous avons jugés prioritaires, soit l'éducation, la santé et l'hébergement.

[Traduction]

Le président: Merci, madame Corneau.

Monsieur Martin.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Wright, je vous remercie, ainsi que vous collègues, d'être venus ici aujourd'hui. Je serai bref pour que vous ayez tout le loisir de répondre aux questions.

En l'occurrence, notre dilemme consiste à déterminer s'il fallait bombarder ou non. D'autres témoins nous ont dit qu'il y avait d'autres options et qu'une campagne de bombardements n'était pas celle qu'il convenait de retenir.

Je voudrais savoir sur quelles données vous vous êtes fondés pour conclure qu'il était nécessaire de bombarder et que c'était là la meilleure solution de dernier recours pour empêcher une catastrophe humanitaire.

Ma deuxième question est la suivante: puisque vous souhaitez des changements à Belgrade, quels leviers appliquez-vous pour faire en sorte qu'il se produise?

Et enfin, pour ce qui est d'une solution à long terme à ce problème, là où les germes du mécontentement ethnique existent depuis longtemps, là où le sang a été versé et que les germes des futurs conflits existent déjà, la partition du Kososo est-elle la seule solution réaliste à long terme? Autrement dit, la partie nord du Kosovo continuerait de faire partie de la République fédérale de Yougoslavie et la partie sud deviendrait un Etat indépendant, ou la seule autre option est-elle un engagement à fort long terme de troupes et de soutien économique pour garder les deux parties séparées l'une de l'autre et s'assurer à tout le moins que la guerre n'éclatera pas de nouveau? Merci.

M. Jim Wright: C'est à la première question qu'il est le plus difficile de répondre et, manifestement, c'est celle qui donne le plus de mal à la communauté internationale et au gouvernement du Canada. De toute évidence, la décision de l'OTAN de prendre l'initiative d'une action collective de sécurité contre le Kosovo, contre la Yougoslavie, a été extrêmement difficile, et n'a été prise qu'après mûre réflexion. Tout au long des années 90, des efforts ont été déployés pour encourager un changement d'attitude à Belgrade et favoriser le dialogue entre Belgrade et Pristina.

Je me souviens de certaines discussions que nous avons eues avec les dirigeants yougoslaves aussi loin qu'en 1996, afin de les inciter à traiter avec les chefs kosovars modérés dirigés par Ibrahim Rugova. Le plus regrettable c'est qu'en fait, il n'y avait pas au Kosovo ce climat de haine et de revanche qui y existe à l'heure actuelle. De façon générale, la plupart des Serbes et des Kosovars étaient capables de vivre en relative harmonie les uns avec les autres. En toute honnêteté, le problème se situait davantage à Belgrade vu le refus des dirigeants de Belgrade, et en particulier du président Milosevic, de rendre aux Albanais Kosovars ce qu'ils leur avaient enlevé en 1989, soit leur autonomie.

En dépit de l'encouragement de la communauté internationale par le biais d'organisations comme l'OSCE, le G-8 et le Conseil de sécurité de l'ONU, Belgrade n'a pas bougé. Il y a eu un regroupement d'éléments extrémistes au Kosovo. Le KLA, qui n'existait auparavant, est soudainement apparu sur la scène.

• 1010

Des initiatives répétées de la part de la communauté internationale, comme les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU en 1998 et 1999, ont été ignorées par Belgrade. Dans le contexte d'un processus politique convenu en octobre 1998 lorsque l'ambassadeur Holbrooke s'est rendu à Belgrade, et que le ministre Axworthy m'y a envoyé à titre d'émissaire du gouvernement du Canada pour rencontrer les dirigeants yougoslaves, nous avons tenté de leur faire entendre raison. Le résultat net a été un compromis selon lequel Belgrade acceptait la présence au Kosovo d'une mission de vérification de l'OSCE afin de surveiller l'évolution de la situation sur le terrain. Il s'agissait d'une mesure d'édification de la confiance visant à encourager le dialogue entre les communautés et la recherche de solutions.

En dépit de ces interventions de la collectivité internationale, cette mesure d'édification de la confiance a été vaine. Il y a également eu un processus diplomatique amorcé à Paris, à Rambouillet, pour essayer de trouver une solution politique au problème. Ces pourparlers ont eu cours en janvier, en février et en mars, mais le processus a dérapé le 15 mars, si je ne m'abuse. Encore là, les Nations Unies y sont allées de résolutions répétées...

M. Keith Martin: Permettez-moi de vous interrompre un instant. Certaines personnes ont fait valoir devant notre comité que l'accord Rambouillet n'aurait pas été accepté par n'importe quel État souverain, que c'était une proposition intenable.

M. Jim Wright: Je ne suis pas sûr de partager cet avis. Rambouillet n'était peut-être pas parfait, et je pense qu'avec le recul, si l'on considère les accords de Dayton aujourd'hui, on pourrait dire qu'il n'était pas parfait non plus, mais Rambouillet offrait la possibilité d'amorcer un processus politique. La proposition de Rambouillet offrait aux Serbes le maintien de l'intégrité territoriale et la souveraineté de la Yougoslavie et conservait un rôle à la République de Serbie au Kosovo. Les dispositions concernant les communautés nationales offraient une protection sans équivoque aux Serbes du Kosovo.

Certains témoins ont critiqué l'annexe B de Rambouillet, faisant valoir qu'essentiellement, elle accordait à la force militaire internationale carte blanche en Yougoslavie en en faisant en somme une force d'occupation—je crois que c'est le terme qui a été employé—et ce serait la raison pour laquelle le gouvernement yougoslave a rejeté l'accord. En fait, l'annexe B n'a pas été du tout au centre des discussions à Rambouillet. Les autorités yougoslaves s'obstinaient à ne pas vouloir rendre aux Albanais du Kosovo leur autonomie et ils n'étaient pas prêts à accepter la présence d'une force militaire internationale au Kosovo.

Essentiellement, l'annexe B est une Convention sur le statut des forces à laquelle adhèrent l'OTAN et la force de stabilisation en Bosnie. Elle aurait donné à la force internationale un moyen d'accès au Kosovo qui aurait fait en sorte d'éviter toute surprise de la part de Belgrade ou de la force militaire internationale elle-même. Dans le mandat de la force militaire dans le document de Rambouillet, on s'attachait exclusivement au Kosovo. C'était là le mandat prescrit dans l'accord de Rambouillet. Par conséquent, je ne suis pas d'accord pour dire que cet accord était lettre morte. Chose certaine, compte tenu de la situation qui règne à l'heure actuelle sur le terrain, il est évident que les autorités yougoslaves auraient été beaucoup mieux loties si elles avaient accepté l'accord de Rambouillet puisque maintenant, l'administration du Kosovo a été cédée aux Nations Unies de façon provisoire jusqu'à ce qu'émerge un processus politique.

Bref, en réponse à votre première question, je pense que nous avons fait de notre mieux pour tenter de faciliter un processus politique dans des circonstances extrêmement difficiles. Nous avons obtenu des Albanais kosovars qu'ils signent le document de Rambouilllet mais nous n'avons pas réussi à obtenir l'accord des Serbes. C'est regrettable. Au bout du compte, l'OTAN a décidé de lancer une campagne de sécurité collective en réponse à cette crise humanitaire. Aujourd'hui, tous les intervenants tentent de tirer les enseignements qui découlent de cette expérience.

• 1015

Vous voulez savoir quelles pressions la communauté internationale exerce sur Belgrade pour obtenir des changements. Il existe un certain nombre de leviers. Certains sont d'ordre économique, d'autres politique, mais en définitive, la décision appartient au peuple serbe.

Le processus démocratique prévaudra en Yougoslavie et en Serbie, et la population serbe sera appelée à décider si elle souhaite que son pays continue d'être isolé par la communauté internationale, que son pays soit dirigé par une personne inculpée de crimes de guerre ou si elle souhaite rentrer dans le giron de la famille des nations où la Yougoslavie a joué un rôle très utile dans les années 70 et 80. Je trouve extrêmement regrettable qu'à l'heure actuelle, le peuple yougoslave soit affligé d'un gouvernement dirigé par des personnes inculpées de crimes de guerre.

Nous allons recourir à des leviers politiques et économiques pour apporter sur le terrain une aide humanitaire. Ces sanctions économiques et politiques, y compris un moratoire sur les visas octroyés aux hauts dirigeants yougoslaves, continueront d'être exercées non seulement par le Canada mais par l'Union européenne, les États-Unis et la plupart des autres membres de la communauté internationale.

En ce qui concerne votre dernière question, à savoir si la partition du Kosovo est la seule solution, j'espère bien sûr que ce n'est pas le cas. Telle n'est pas l'intention de la communauté internationale. Nous assistons à un certain «cantonnement» au Kosovo en raison des conditions de sécurité sur le terrain. Il ne faut pas s'en surprendre étant donné que les groupes minoritaires se sont sentis menacés et que la seule façon qu'ils ont trouvée pour assurer leur sécurité, c'est de se regrouper. C'est ainsi qu'un certain nombre de communautés serbes se rassemblent par exemple à Mitrovica.

La résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies, prévoit un Kosovo pluraliste et multiethnique. C'est l'objectif que s'est fixé le représentant spécial des Nations Unies, Bernard Kouchner. C'est ce à quoi a souscrit le Canada lorsqu'il a appuyé la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies et cela reste l'ambition de la communauté internationale.

Les circonstances qui prévalent sur le terrain à l'heure actuelle sont regrettables, mais il s'agit d'un problème à court et moyen terme et nous n'entrevoyons pas de solution au Kosovo autour de la partition éventuelle. Je ne pense pas qu'aucun pays songe sérieusement à la partition pour régler le problème au Kosovo.

M. Keith Martin: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Il a été établi de façon assez claire et satisfaisante devant nous qu'il fallait faire quelque chose. Le brigadier général Maisonneuve, entre autres, nous a dit, par rapport aux vérificateurs de l'OSCE, que plus le temps passait, plus le risque devenait grand que la volonté des vérificateurs d'arrêter Milosevic soit battue en brèche.

Cependant, les autres témoins qui ont comparu devant nous, entre autres M. Polanyi et M. Green, un ancien ambassadeur du Canada en Croatie, tout en étant d'accord qu'il fallait faire quelque chose, ne souhaitaient pas qu'on fasse des bombardements aériens. M. Green nous a dit que son évaluation était que Milosevic avait commencé à lâcher du lest quand il y avait eu menace d'invasion...

Une voix: De bombardements.

Mme Francine Lalonde: Non, pas de bombardements. D'après M. Green, les bombardements ne le dérangeaient pas. Il craignait plutôt une menace d'invasion par la terre.

• 1020

Nous cherchons des leçons. Est-ce que la stratégie des bombardements qui avait été envisagée... Je relis et je vois que dans le cas de la Bosnie-Herzégovine, en 1993 et 1994, l'OTAN avait envisagé une stratégie semblable. Est-ce que l'évaluation que vous faites est la bonne? C'est sûr que cela a été troublant. C'est ma première question.

Voici ma deuxième. Je vais maintenant parler de la situation actuelle et de la situation future. La résolution 1244 comprend plusieurs mandats, dont certains peuvent apparaître contradictoires. Comme je suis allée sur le terrain avec le ministre Axworthy et que je suis la situation depuis ce temps-là, je sais que la situation économique n'est pas vraiment en train de s'améliorer. Il y a une économie qui est due à la consommation des ONG—il y en a des centaines.

Étant donné ce qui se passe à Mitrovica, la situation de la paix me semble moins rassurante que quand j'y suis allée au mois de novembre. Un témoin, M. Green, nous a dit la dernière fois que, quant à lui—et j'ai devant moi son témoignage—cette situation à Mitrovica faisait partie d'une stratégie visant à créer une situation de séparation de facto entre le nord, qui irait à la Serbie, et le sud, qui demeurerait le Kosovo.

Voici maintenant ma dernière question. L'objectif de conservation du caractère multiethnique, qui était un objectif partagé et qui fait partie de la résolution 1244, semble difficile à atteindre. M. Kouchner l'a dit, je l'ai vu à plusieurs reprises et j'ai entendu M. Covey le dire. Quant à l'ambassadeur Graham Green, il nous a dit que le résultat dans toute la Yougoslavie, c'est que les «ethnies» sont chacune derrière leur frontière et que telle est la condition de la paix. C'était assez décourageant comme conclusion.

[Traduction]

M. Jim Wright: Je vais faire de mon mieux pour répondre aux trois questions.

Premièrement, est-ce que la stratégie des bombardements était celle qui convenait? Je pense que ce qui va se passer, c'est que les gouvernements, les ministères des affaires étrangères, les ministères de la défense et les comités permanents comme le vôtre à l'échelle planétaire vont discuter encore plusieurs années des leçons à tirer du conflit au Kosovo. Nous n'en sommes certainement pas encore là et nous attendrons avec impatience les conclusions de ce comité et les recommandations que vous ferez au gouvernement canadien.

Il y a certes beaucoup de leçons à tirer de cette expérience. Beaucoup de gens se posent entre autres la question suivante: est-ce que toutes les options d'emploi de la force sont restées sur la table à partir du tout début? L'OTAN a-t-elle eu raison de crier haut et fort au départ qu'on se limiterait à une campagne aérienne? C'est une bonne question.

Un grand nombre de facteurs ont bien sûr contribué à la décision prise par le président Milosevic d'accepter les conditions que lui avait posées la communauté internationale. Les pressions incluaient les répercussions de la campagne militaire, les bombardements aériens dont ont été la cible les ressources et l'infrastructure militaires. Elles ont été très importantes. Je ne pense pas que vous puissiez minimiser l'impact que cela a eu, non seulement sur les forces armées mais aussi sur le moral des troupes.

Mme Francine Lalonde: Je répète ce qu'a dit M. Graham Green.

M. Jim Wright: Vous voulez dire à savoir si c'est la menace d'invasion qui a provoqué Milosevic? Je n'en suis pas certain. Avec les soldats de la paix qui sont intervenus sur le théâtre des opérations en Macédoine et en Albanie, il était clair pour toutes les personnes en cause que ces forces étaient là pour participer sur le terrain à des activités postérieures au conflit. Il ne s'agissait pas d'une force d'invasion.

• 1025

Il n'y a pas l'ombre d'un doute que le président Milosevic a subi de très fortes pressions, y compris des pressions politiques de la part de la Russie, des Nations Unies, de l'Union européenne. En dernière analyse, il lui est apparu très clairement qu'il ne gagnerait pas cette bataille. La communauté internationale, dans ce cas particulier, a dit qu'elle ne laisserait pas tomber. Il ne s'agissait pas seulement d'une autre menace que nous faisions à Milosevic et à laquelle nous allions renoncer. Cela s'était produit à un trop grand nombre de reprises par le passé. Il s'est convaincu lui-même, tout comme l'a convaincu son entourage, que le temps était venu de passer l'arme à gauche et c'est exactement ce qui s'est passé.

En ce qui a trait à la résolution 1244 ainsi qu'à la situation à Mitrovica et sur le terrain au Kosovo aujourd'hui, elle est moins stable qu'en novembre dernier, au moment où vous avez accompagné le ministre Axworthy au Kosovo. Il n'y a pas de doute que depuis lors la situation s'est davantage tendue dans la région de Mitrovica.

En ce qui a trait aux réalisations sur le terrain, la MNUK et la KFOR ont à leur crédit un certain nombre de réalisations importantes que nous avons tendance à tenir pour acquis. Il est important que le comité comprenne que certaines de ces réalisations comportent: le retour de 800 000 réfugiés, l'ouverture des écoles, l'établissement d'une infrastructure, la reconstruction des maisons, le rebranchement. Même si les actes de violence se poursuivent, le nombre d'attaques à caractère ethnique diminue. Les chiffres de janvier en ce qui concerne le taux de criminalité sont les plus bas depuis juin 1999.

Je ne veux pas donner à entendre que nous condamnons ce qui se passe là-bas à l'heure qu'il est. Comparativement, aussi mauvaise que soit la situation, c'est mieux qu'auparavant. Une autorité civile des Nations Unies exerce de toute évidence un contrôle.

Nous avons aussi réussi à désarmer l'UCK. La détention d'armes à feu est encore bien enracinée dans la culture. Il y a encore beaucoup trop d'armes au Kosovo, mais le fait d'en éliminer une grande partie a permis de stabiliser un tant soit peu la situation.

Des structures administratives provisoires ont été mises en place dans 19 départements par le représentant spécial des Nations Unies, Bernard Kouchner et fonctionnent.

Il nous reste toutefois beaucoup de chemin à parcourir. L'objectif visé est la pluriethnicité.

Dans l'intervalle, M. Kouchner a dit à tous ceux qui l'ont rencontré que dans le contexte actuel, la réconciliation est extrêmement difficile. Il est tout simplement impossible d'amener ces gens autour d'une table et de les convaincre de collaborer.

D'après notre expérience en Bosnie, nous parviendrons un jour à obtenir un engagement plus constructif de la part des différents groupes ethniques et des dirigeants. L'engagement des dirigeants en Serbie et au Kosovo sera capital, mais cela ne se fera pas avec les responsables actuels de Belgrade. En sol kosovar, les élections n'ont pas encore eu lieu. Des élections municipales sont prévues plus tard cet automne. Il faudra une nouvelle génération de dirigeants qui s'engagera à l'égard de la tolérance, de l'engagement constructif.

Dans l'intervalle, ce dont parle Kouchner c'est d'une coexistence pacifique—la priorité—et de la création de conditions sûres pour toutes les collectivités, surtout les groupes minoritaires au Kosovo.

Le président: Merci.

Monsieur Robinson.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Je veux signaler que, comme le comité n'a reçu que tard hier soir, vers 17 h 30, la réponse écrite aux questions qui avaient été soumises, nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour les étudier. De toute évidence, je soumettrai aux témoins d'autres questions, à l'instar d'autres membres, et ce par l'entremise du greffier. Nous vous saurions gré d'y répondre rapidement avant que nous amorcions la rédaction de notre rapport final.

• 1030

Certaines de mes questions découlent des réponses écrites que nous avons reçues. Premièrement, M. Wright a parlé de M. Kouchner. M. Kouchner a dit que les Nations Unies n'avaient pas réussi à protéger la minorité serbe au Kosovo. Je me demande si M. Wright peut nous dire précisément s'il connaît le nombre de Serbes de souche qui ont en fait quitté le Kosovo depuis juin.

M. Jim Wright: Je ne suis pas sûr de pouvoir vous donner un chiffre exact.

M. Svend Robinson: Un chiffre approximatif.

M. Jim Wright: Ce que je peux vous donner comme chiffre, c'est le nombre de personnes qui ont été déplacées à l'intérieur de la Serbie et le nombre de réfugiés en Serbie. Comme ce chiffre englobe le Kosovo, il ne correspond pas exactement à ce que vous cherchez. Hélène a peut-être plus de renseignements à ce sujet. Si j'ai bonne mémoire, en ce qui a trait aux personnes déplacées à l'intérieur du pays, on parle d'environ 200 000. En ce qui concerne les réfugiés, et cela inclurait ceux qu'on peut rattacher au conflit en Bosnie, de la Croatie, il s'agit alors de 500 000 ou 600 000.

M. Svend Robinson: Une toute petite chose me préoccupe. M. Wright semblait avoir des chiffres assez précis quant au nombre de Kosovars albanais qui étaient rentrés chez eux. Je pense qu'il a parlé de 800 000. Je suis juste un peu surpris qu'il n'ait aucun chiffre en ce qui a trait au nombre de Kosovars serbes qui ont quitté le pays.

M. Jim Wright: En avez-vous une idée?

Mme Hélène Corneau: D'après ce que j'ai compris, 240 000 Serbes et Roms ont quitté le Kosovo pour la Serbie.

M. Svend Robinson: C'est énorme.

Mme Hélène Corneau: Oui, c'est vrai.

M. Svend Robinson: J'aurais une ou deux questions à poser à M. Miller.

Pardonnez-moi, quel est votre grade?

Surintendant principal Peter Miller (officier responsable, Direction de la formation internationale et maintien de la paix, Gendarmerie royale du Canada): Je suis surintendant principal.

M. Svend Robinson: Avons-nous ici au moins un représentant de l'armée?

M. Jim Wright: Non.

M. Svend Robinson: Est-ce qu'il y a une raison à cela?

Le président: Le général Henault a eu un empêchement.

M. Svend Robinson: D'accord. J'avais plusieurs questions à lui poser, ou du moins à un représentant des Forces armées. Je suppose donc que je devrai les formuler par écrit et obtenir une réponse écrite.

L'armée a déclaré que quelque chose comme 30 à 35 p. 100 de ses bombes guidées par laser, qui servent aux bombardements de précision, n'ont pas atteint leur cible. J'aimerais bien savoir, monsieur le président, où elles sont tombées.

M. Wright a mentionné l'accord de Rambouillet et l'annexe B. Dans les documents que nous avons reçu, il dit que la République fédérative de Yougoslavie a proposé les éléments les plus fondamentaux d'une solution, à savoir la présence d'une force internationale chargée du maintien de la paix au Kosovo. Il dit aussi que la Yougoslavie ne veut pas, par ailleurs, accorder l'autonomie. Peut-être M. Wright pourrait-il clarifier cela.

D'après ce que je comprends, la Yougoslavie se préoccupe particulièrement de la présence des forces de l'OTAN; pas nécessairement d'une force internationale qui intervient sous les auspices des Nations Unies, mais surtout des forces de l'OTAN. M. Wright pourrait peut-être clarifier la réponse que le comité a reçue par écrit et verbalement.

Bien sûr, il n'y a plus de forces de l'OTAN là-bas. Il n'y a pas d'annexe B dans la résolution 1244, bien que ce soit une clause type. Aucune disposition n'est prévue au sujet d'un référendum. Peut être M. Wright pourrait-il en profiter pour donner quelques précisions là-dessus.

De plus, Gwynne Dyer a parlé de lever les sanctions. J'aimerais demander à M. Wright pourquoi elles sont encore maintenues, quel est leur fondement légal? Nous ne semblons pas vouloir imposer de sanctions à la Birmanie, où sont perpétrées de terribles violations des droits de la personne. Et pourtant, nous insistons pour continuer d'imposer des sanctions à la Yougoslavie alors que, il me semble, personne ne pourrait dire que la Yougoslavie présente encore une menace pour ses voisins.

Enfin, l'ambassadeur Bissett, un ex-ambassadeur distingué du Canada, a exposé un certain point de vue à ce comité et ailleurs, qui diffère fondamentalement de celui du gouvernement. Il a été traité, selon moi, comme je l'ai dit dans ma lettre, d'une manière plutôt mesquine et humiliante lorsqu'il a voulu rendre visite à notre ambassade de Belgrade.

Dans la réponse que nous avons reçue par écrit de M. Wright, il dit que le ministère n'a pas la moindre obligation d'offrir à M. Bissett une tribune sous les auspices de l'ambassade pour y faire valoir ses opinions. De fait, à ce que je comprends, le personnel de l'ambassade a reçu la directive de ne pas communiquer avec M. Bissett.

Je me demande si M. Wright peut revenir là-dessus. Tout d'abord, est-ce que c'est vrai? Deuxièmement, est-ce que le quartier général a donné des directives par écrit à Belgrade à ce sujet? Le cas échéant, j'espère que M. Wright voudra bien remettre une copie de ces directives au comité. Et pourquoi diable un ex-ambassadeur a-t-il été l'objet de ce traitement absolument infamant, pourquoi lui a-t-on dit qu'il ne peut même pas s'adresser, par exemple, à ses anciens collaborateurs recrutés sur place? Qu'est-ce qui justifie un tel traitement, monsieur le président?

• 1035

Le président: Votre question a pris tout votre temps. Il ne reste que quatre minutes pour la réponse. Si vous pouvez être bref, monsieur Wright, nous l'apprécierions.

M. Jim Wright: En ce qui concerne le régime de sanctions et le mandat statutaire, les Nations Unies ont imposé à la Yougoslavie l'embargo sur les armements en vertu de la résolution 1160 adoptée le 31 mars 1998. Le gel des biens que détenaient, dans les territoires des États membres des Nations Unies, M. Milosevic et d'autres hauts fonctionnaires accusés a été décidé par le Tribunal pénal à l'endroit de l'ex-Yougoslavie. Les pays du G-8, lors de leur rencontre en mai 1998, se sont prononcés en faveur de l'interdiction de nouveaux investissements et d'un gel des biens détenus à l'étranger par les gouvernements yougoslave et serbe, et ils ont convenu de prendre des mesures pour interdire aux transporteurs aériens yougoslaves d'emprunter les routes entre la Yougoslavie et leurs pays. Pendant un certain temps, les institutions financières internationales ont bloqué les prêts accordés à la Yougoslavie.

Au sujet des mesures que le Canada a adoptées, qui sont en oeuvre depuis un certain temps—et je tiens à souligner que nous en avons exclu le Montenegro—depuis le 30 avril 1999, la Yougoslavie a été ajoutée à la Liste de pays visés par contrôle, et ainsi toutes les exportations vers la Yougoslavie nécessitent un permis d'exportation. Mais je l'ai dit plus tôt, cette mesure ne touche pas l'aide humanitaire, dont les aliments, les vêtements, les médicaments et les outils d'éducation. Le gouvernement canadien a interdit à la SEE, depuis mars 1998, d'octroyer à la Serbie des crédits à l'exportation. Il n'y a pas de routes aériennes entre le Canada et la Yougoslavie, donc l'interdiction de vol ne touche pas du tout le Canada. Depuis juin 1998 les investissements sont frappés d'interdiction et il y a aussi gel des biens et, en juillet 1999, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a mis en oeuvre des sanctions contre les hauts représentants du régime pour empêcher leur venue au Canada, ceci en vertu de l'alinéa 19(1)(1) de la Loi sur l'immigration.

Ce sont là les principales sanctions qui ont été décrétées, soit par la communauté internationale, soit par le Canada.

En ce qui concerne l'argument en faveur de la levée des sanctions, je crois que la réponse est très claire; c'est que la communauté internationale, y compris le Canada, ne veut rien faire qui puisse sembler être favorable au régime. Nous sommes tout disposés à aller de l'avant et à essayer d'aider les citoyens de la Yougoslavie et de la Serbie. Hélène Corneau et d'autres représentants des Affaires extérieures et de l'ACDI sont allés à Belgrade, et nous avons aussi été au Montenegro, pour essayer de déterminer quelles mesures humanitaires nous pourrions prendre pour aider les gens en Serbie et au Montenegro. La communauté internationale est cependant fermement convaincue que ces pressions politiques et économiques sur le régime sont nécessaires pour démontrer sa détermination et son refus de collaborer avec un régime qui est dirigé par des criminels de guerre formellement reconnus.

L'Union européenne a décidé, il y a quelque temps, d'offrir un allégement des sanctions sur le plan des vols entre Belgrade et l'Europe. Ce programme ne touche pas le Canada, parce qu'il n'y a aucun vol entre le Canada et la Yougoslavie. Les dirigeants de l'opposition serbe avaient activement milité en faveur de cette mesure. L'Union européenne a pris cette décision à titre provisoire pour six mois, et je pense que cela a été perçu comme un signe d'appui politique de l'Union européenne à l'opposition serbe, visant à soutenir ses efforts de promotion de la réforme et du changement et à encourager certains de ses efforts de coordination des initiatives dans la communauté.

• 1040

Je crois que le programme qui est actuellement en place continue d'avoir des répercussions importantes sur le régime.

Nous espérons qu'avec le temps, l'opposition arrivera à s'organiser suffisamment et à présenter un programme exhaustif au peuple serbe, qu'un processus pacifique et démocratique entraînera le changement et que le peuple yougoslave pourra enfin avoir ce qu'il mérite depuis longtemps, à savoir le leadership qui permettra à la Yougoslavie de reprendre sa place au sein de la famille des nations.

Au sujet de Rambouillet, je ne vois pas tellement comment vous voulez que je réponde. Nous avons remis par écrit, à votre intention et à celle des autres membres du comité, des réponses assez détaillées.

Le processus de négociation, à Rambouillet, a suscité chez les autorités yougoslaves certaines préoccupations, à divers égards. Vous avez raison; l'une d'elles était très clairement qu'elles ne voulaient pas des forces de l'OTAN au Kosovo. C'est tout à fait vrai. Mais au bout du compte, avec la résolution 1244 des Nations Unies, ils se sont retrouvés avec une force militaire internationale. Je soupçonne qu'avec l'accord de Rambouillet, le résultat n'aurait pas été bien différent. Je ne crois que ça aurait été exclusivement des forces de l'OTAN. Je pense que l'OTAN aurait très bien pu être le noyau central, mais dans l'état actuel des choses, la KFOR est composée de participants de 19 pays membres de l'OTAN et aussi, je crois, de 15 autres pays participants, dont la Russie, et ils constituent une bonne partie des forces de la KFOR.

Donc je ne suis pas tout à fait sûr que la Yougoslavie soit bien plus avancée aujourd'hui après avoir rejeté l'accord de Rambouillet. En fait, à bien des égards, elle est beaucoup plus loin du but qu'elle ne l'aurait été si elle avait accepté cet accord.

C'est le destin qu'elle a choisi. La communauté internationale a réagi. Les Nations Unies avec la résolution 1244, qui donne un mandat civil à l'UNMIK et un mandat de sécurité à la KFOR, et je pense que le Canada et l'OTAN ont été très heureux de faire partie de cette force de maintien de la paix sur place.

Enfin, en ce qui concerne...

Le président: Je vais devoir vous interrompre, parce que vous avez largement dépassé le temps qui vous est alloué.

M. Svend Robinson: Il allait seulement donner une réponse à la question suivante.

Le président: Oui, je sais, mais il a déjà pris 13 minutes. Vous ne faites qu'empiéter sur le temps d'intervention de tous les autres. Si vous posez une question de six minutes, vous ne pouvez pas vous attendre à avoir une réponse de 10 minutes. Ce n'est pas ainsi que vont les choses. Je regrette.

M. Svend Robinson: Peut-être pourrait-il donner une réponse très brève.

Le président: Non. Nous laissons la parole à quelqu'un d'autre. Peut-être aurez-vous la chance de revenir là-dessus à l'occasion du tour de table de cinq minutes.

Monsieur Assadourian, vous avez la parole.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci beaucoup.

Monsieur Wright, j'ai deux questions à vous poser. L'une se rapporte à votre mémoire. Au troisième paragraphe de la première page, vous parlez des dirigeants du pays, et vous dites:

    ... un grand nombre d'innocents ont été pris pour victimes et la culpabilité est individuelle, non collective.

Je suis très heureux que vous ayez fait cette déclaration. On l'avait déjà entendue à l'époque de ces débats animés qui avaient lieu entre les communautés et les gouvernements du globe. Pourriez-vous, cependant, développer votre pensée et faire en sorte que les membres de la communauté serbe du Canada ne soient pas mis dans le même panier que ceux du régime Milosevic et qu'il y ait une certaine désassociation culturelle entre ce qui est arrivé là, dont il est question ici, et la communauté? Je ne voudrais pas qu'ils se sentent laissés pour compte. C'est ma première question.

Ma deuxième question se rapporte aux réfugiés. On nous a dit qu'environ 800 à 900 réfugiés albanais ont été chassés du Kosovo ou victimes de la purification ethnique, et que presque tous sont maintenant revenus au Kosovo. Vous avez aussi dit que 240 000 Serbes avaient été déportés du Kosovo. Combien d'entre eux sont revenus à leur foyer ancestral? Que faisons-nous pour qu'ils puissent revenir vivre dans leur propre communauté?

M. Jim Wright: Merci beaucoup. La première question est très importante. Je sais que cela préoccupe grandement les communautés serbes du monde entier y compris, bien entendu, la communauté serbe du Canada, qui est assez importante. La guerre a été une période assez difficile pour eux. Nous nous sommes efforcés, dans nos déclarations publiques, de leur faire comprendre que les mesures que prenait la communauté internationale ne visaient pas les Serbes. Elles ne visaient certainement pas les Serbo-Canadiens, qui sont des citoyens dont le Canada peut être fier.

• 1045

Une autre chose que j'aimerais dire, et que nous tendons à oublier, est l'importance du rôle qu'a joué la Yougoslavie sur la scène internationale dans les années 60 et 70, lorsqu'elle était à l'avant-garde des pays non alignés et au premier plan du virage économique et politique qui s'amorçait en Europe centrale et de l'Est. À l'époque, en fait, le Canada entretenait d'excellentes relations avec la Yougoslavie. En fait, vers la fin des années 80, je crois, le Canada et la Yougoslavie nourrissaient une relation bilatérale et commerciale très fructueuse.

Il n'y a rien que nous aimerions plus que de voir la Yougoslavie reprendre la place qui lui revient au sein des familles européenne et internationale des nations et, notamment, participer pleinement à tous les conseils internationaux pertinents.

Je vous remercie d'avoir posé cette question et de m'avoir donné l'occasion de tenter de rassurer la communauté serbe canadienne en lui disant que ce qui a été entrepris ne les visait pas, ni le peuple serbe. Ces mesures visaient directement un régime qui persécutait son propre peuple depuis trop longtemps et qui a déstabilisé pendant plus de 10 ans le sud-est de l'Europe. Il était temps que la communauté internationale exige de M. Milosevic et de son régime qu'ils rendent compte de leurs actes. C'est la réponse à votre première question.

Pour la deuxième question, Mme Corneau a dit que c'est quelque chose comme 240 000 personnes, y compris les Roms, qui ont quitté le Kosovo à la fin de la guerre pour aller, surtout, en Serbie et au Montenegro. Pour répondre à votre question quant au nombre de personnes qui sont retournées au Kosovo, je soupçonne qu'il y en a très, très peu.

Cela ne veut pas dire que ces gens n'auront pas, à un moment donné, l'occasion de revenir à leur foyer, à leur communauté. Je crois que c'est l'espoir que nourrit la communauté internationale et le représentant spécial des Nations Unies, M. Kouchner, mais la priorité, pour l'instant, est très nettement la situation de la sécurité au Kosovo même. M. Kouchner et le général Reinhardt veulent s'assurer de pouvoir offrir un certain degré de protection et de sécurité à tous les citoyens du Kosovo. Les membres des minorités sont de ceux qui ont été le plus exposés au danger.

Donc, vous voulez savoir si nous avons vu retourner au Kosovo autant de membres des minorités que nous le souhaitions? Bien sûr que non. Est-ce que ça arrivera? Je l'espère bien. Cela demeure l'objectif de la communauté internationale. C'est le principe qui sous-tend la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies, à la formulation de laquelle le Canada a contribué et que nous soutenons encore pleinement.

M. Sarkis Assadourian: Merci.

Le président: Vous avez quatre minutes, monsieur McWhinney.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur Wright, j'aimerais vous poser des questions d'ordre juridique, plutôt que sur le bien-fondé de certains actes. Mes collègues s'en sortent très bien sur ce plan, et le temps nous est compté. Je vais vous poser trois questions, et peut-être pouvez-vous attendre que je les aie formulées pour y répondre.

Est-ce que je peux conclure de cette déclaration très nuancée que vous avez fait à M. Robinson que le Canada ne faisait pas légalement partie du processus de l'accord de Rambouillet, et que l'ébauche de l'entente ne lui a pas été soumise aux fins d'approbation légale?

La deuxième question porte sur le rôle du conseiller juridique. Nous connaissons tous Philippe Kirsch, notre conseiller juridique que nous respectons beaucoup, et nous savons d'après l'étude de cas détaillée qu'au cours de la crise des missiles de Cuba, le conseiller juridique du président Kennedy était présent, non pas à simple titre de conseiller juridique, mais plutôt d'intervenant actif sur les questions de politique relatives aux mesures pouvant être prises ou non en vertu du droit national. Est-ce que notre conseiller juridique était présent aux discussions sur les politiques qui ont précédé notre intervention en tant que membre des forces de l'OTAN, en Yougoslavie?

• 1050

La troisième question se rapporte à une suggestion intéressante qu'a faite David Matas, qui a témoigné devant ce comité à plusieurs titres et sur des sujets divers. Il a soulevé la question du litige actuel entre la Yougoslavie et le Canada. Vous vous rappelez sûrement que la décision a été favorable aux États-Unis et à d'autres pays. Il n'y avait pas juridiction. Le problème n'est pas encore réglé en ce qui concerne le Canada.

M. Matas a posé la question suivante: le Canada ne devrait-il pas, aux prochaines audiences, renoncer aux arguments sur la juridiction, parler de bien-fondé et faire valoir le bien-fondé de mesures juridiques, comme le développement progressif, conformément à la Charte, d'un droit d'intervention humanitaire, s'il existe, et la possibilité d'une intervention armée des organes régionaux de sécurité indépendants de la Charte des Nations Unies, c'est-à-dire, bien entendu, l'OTAN? J'aimerais que vous puissiez répondre à cela.

Je trouve cette suggestion assez intéressante. De bons avocats, comme le sait bien le président de ce comité, n'abandonnent jamais des éléments de défense, y compris ceux de la procédure, mais la Cour internationale, dans les années 80, a manifesté une certaine complaisance pour les arguments sur le bien-fondé réel des mesures avant même de se prononcer sur les questions de juridiction; donc cela pourrait présenter un avantage stratégique aussi, en tout cas, pour une mise à jour, quelle qu'elle soit, du droit international.

M. Jim Wright: Merci beaucoup.

En ce qui concerne votre première question sur le texte de l'accord de Rambouillet, nous nous sommes efforcés de ne pas donner de réponse trop vague. Nous avons essayé d'être aussi directs que possible.

Le Canada n'a pas participé directement aux négociations de Rambouillet. Nous avons entretenu des rapports étroits avec la France, la Grande-Bretagne et d'autres, et aussi avec les Américains, qui participaient directement au processus. Nous avons été informés, nous avons reçu plusieurs fois les textes confidentiels de l'accord et nous avons donné notre propre avis sur le processus. Pour répondre précisément à votre question—en fin de compte, avons-nous reçu un texte à temps et nous a-t-on demandé de l'approuver—la réponse est non.

Deuxièmement, au sujet du rôle du conseil juridique, je crois que M. Kirsch a effectivement été très présent tout au long du conflit qui se déroulait au Kosovo. Vous voulez savoir s'il a participé à toutes les discussions importantes d'ordre politique? Je crois que non, mais si cela peut vous rassurer, lorsqu'il n'était pas là, il était représenté par des collaborateurs. Le Groupe de travail que le gouvernement du Canada a mis sur pied pour examiner tous les aspects de la crise au Kosovo comprenait...

M. Ted McWhinney: Représenté dans le sens de l'écoute ou...

M. Jim Wright: Non, dans le sens d'une pleine participation aux travaux du Groupe de travail régulier qui s'est réuni quotidiennement pendant toute la durée de la campagne de 78 jours. Le bureau du conseiller juridique a pleinement participé au processus, et il nous a donné des conseils d'orientation stratégique essentiels tout ce temps-là. Même si ce n'était pas toujours M. Kirsh lui-même, son équipe était représentée, et tout au long du processus elle a fourni des conseils critiques au gouvernement du Canada, qui l'ont aidé à définir notre position.

Je pense bien devoir esquiver votre troisième question. J'ai bien lu le témoignage de M. Matas. Je ne suis pas avocat de profession, mais je peux dire ceci: nous pouvons certainement soumettre la question à nos autorités juridiques pour voir si cette suggestion les intrigue autant que vous, à ce que je peux voir, et peut-être d'autres aussi. Mais je pense que je risquerais, en m'aventurant sur ce territoire, de vous donner un avis erroné.

M. Ted McWhinney: Oui, si vous pouviez, peut-être, nous fournir une réponse, même par écrit, sur la mesure dans laquelle c'est valable, sans pour autant révéler notre défense...

En passant, le fait d'être intrigue ne signifie pas nécessairement qu'on approuve...

M. Jim Wright: Non.

M. Ted McWhinney: ...mais cela semblait être une bonne occasion d'avoir une décision de fond sur notre position favorable à l'évolution constante du droit international, lequel n'est jamais statique, comme tout bon avocat le sait.

• 1055

Merci, monsieur Wright.

M. Jim Wright: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Martin, vous avez la parole.

M. Keith Martin: Très brièvement, monsieur Wright, pour revenir au commentaire sur la question de la partition, vous avez dit dans vos commentaires qu'une réconciliation serait très problématique au Kosovo pour le moment. J'ai vu dans d'autres rapports que les gens, là-bas, ne s'entendent vraiment pas. Si je peux situer la Bosnie en toile de fond, on dit derrière les portes, au département d'État, que la seule raison pour laquelle nous tenons à la cohabitation de tous ces gens en Bosnie—et le Kosovo est l'image de la future Bosnie—c'est que pour les garder à part ou maintenir la paix, il faudrait prévoir des troupes et des ressources financières à long terme.

Si on veut être réaliste, la partition du Kosovo est-elle la seule solution à long terme sans un un engagement du Canada et des autres pays à garder leur armée dans la région?

Deuxièmement, des généraux américains actuellement actifs et très haut placés ont fait l'observation qu'ils ne voudraient jamais avoir à annoncer à des parents américains que leur enfant n'est mort au combat que pour faire valoir un argument.

La question que j'ai à vous poser porte sur le bombardement lui-même. Est-ce que son but principal était de faire valoir un argument? D'aucuns diraient qu'en fait, il a surtout galvanisé les partisans du despotique M. Milosevic tout en détruisant, ou du moins en minant fortement les forces de l'opposition de la République fédérative de Yougoslavie. Tant qu'à bombarder, pourquoi n'avons-nous pas visé des cibles militaires confirmées, engagées dans la purification ethnique qui avait été entreprise au Kosovo?

Merci.

M. Jim Wright: Au sujet de la partition, je pense que je maintiens ma première réponse. Cependant, je dois ajouter que c'était très clairement la situation en Bosnie, et la participation de la Communauté internationale au processus de maintien de la paix au Kosovo sera de longue durée. Cela ne fait pas le moindre doute. Quiconque a suivi la situation des Balkans et notre intervention en Bosnie vous le dira: avant de faire quoi que ce soit en Yougoslavie, je pense que la Communauté internationale était tout à fait consciente qu'elle prenait un engagement à long terme pour essayer de susciter le changement dans cette région du globe.

La réconciliation n'est pas chose facile. Dans la situation actuelle, ces gens-là ne sont pas prêts à cohabiter. Les envies de vengeance et de haine sont tout simplement encore trop fraîches à leur mémoire, et ils éprouvent énormément de difficulté à dialoguer. Bernard Kouchner, le général Reinhardt et tous les autres qui sont au Kosovo font de leur mieux pour susciter le changement à cet égard, mais cela ne se fera pas en un clin d'oeil. Il faudra des années pour modifier les attitudes. En outre, ce pourrait être un problème de génération. Les communautés ont à leur tête, en ce moment, des extrémistes intransigeants, et on ne peut qu'espérer qu'avec le temps, grâce à une démarche politique démocratique et au soutien de la communauté internationale, le changement viendra.

Vous avez mentionné l'exemple de la Bosnie. Je ne voudrais surtout pas prétendre que le processus de négociation de l'accord de paix de Dayton est allé comme sur des roulettes et que nous sommes satisfaits de l'état actuel des choses. Ce n'est pas le cas, mais nous avons remarqué un changement de génération en Bosnie. De nouveaux leaders, plus jeunes, montent sur la scène. Nous constatons que des forces politiques plus vigoureuses et plus modérées s'efforcent de se distancer de cette culture de haine, et la réconciliation progresse. Il se crée en Bosnie des institutions qui unissent les divers groupes ethniques.

• 1100

Donc ce que je peux dire, c'est que cela reste l'objectif à long terme de la communauté internationale. Mais si le secrétaire général des Nations Unies et le représentant spécial, M. Kouchner, étaient ici aujourd'hui, je pense qu'ils diraient que huit mois seulement se sont écoulés depuis le conflit, et qu'il faut être réaliste. La priorité, pour le moment, c'est la sécurité et la protection de toutes les communautés, et particulièrement des minorités qui sont là-bas.

La réconciliation demeure absolument une priorité. Je pense qu'il serait probablement un peu plus réaliste d'envisager une cohabitation pacifique et, avec le temps, de viser la résolution du conflit par le biais de mesures de consolidation de la paix, en vue de l'édification d'une société multiethnique qui n'a pas besoin de ce genre de cantonnement qui règne actuellement au Kosovo—lequel est tout à fait justifié—pour protéger ces minorités.

Je ne crois pas que vous arriverez à la conclusion, huit mois après le conflit, que le Canada ou tout autre pays est prêt à dire que la solution au problème est dans la partition. Ce n'était pas l'objectif visé lorsque nous nous sommes engagés dans le conflit en Yougoslavie, et ça ne l'est toujours pas aujourd'hui. L'objectif est décrit dans la résolution 1244. C'est cela, l'engagement de M. Axworthy et du gouvernement du Canada.

M. Keith Martin: Il y avait la question du bombardement.

M. Jim Wright: L'objectif de la campagne de bombardement... Je ne suis pas expert en matière militaire, mais je me rappelle très bien les observations du général Henault et du général Jurkowski. Le but principal était d'affaiblir le régime militaire yougoslave et de l'empêcher de poursuivre la purification ethnique entreprise dans la période qui a précédé le déclenchement de la campagne de l'OTAN.

M. Keith Martin: Pourquoi n'avons-nous pas bombardé l'armée?

M. Jim Wright: Je le répète, je ne prétends pas être expert en matière militaire, mais je pense que l'armée pourrait vous expliquer la nature de la campagne de bombardement. On vise à affaiblir l'infrastructure, le régime d'autorité et de contrôle, les communications, et ensuite on vise le matériel au sol autant que possible. Étant donné la géographie du Kosovo et la manière dont les forces serbes menaient leur programme de purification ethnique, elles ne constituaient pas une cible facile. Est-ce que cela signifie que l'OTAN a échoué dans sa campagne de bombardement des forces militaires yougoslaves? Je ne pense pas.

Dans les réponses que nous avons données à M. Robinson, je crois que nous faisons le détail des dommages que nous avons infligés à l'armée yougoslave. Vous voulez savoir si ces dommages ont eu des effets sur les dirigeants yougoslaves et hâté la fin de la campagne? Absolument. Cela ne fait aucun doute, surtout vers la fin, avec l'intensité des bombardements aériens.

Il serait tout de même plus pertinent de poser ces questions aux experts en matière de défense, plutôt qu'à moi.

Le président: Je vous remercie.

[Français]

Madame Debien.

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur Wright, après avoir entendu votre réponse au sujet des bombardements, je crains que vous ne soyez pas en mesure de répondre à ma question. Je vais quand même vous poser cette question qui porte sur une réponse que le personnel du ministère avait donnée à M. Robinson au sujet des bombes à dispersion. J'avais d'ailleurs l'intention de vous poser moi aussi cette question-là.

Vous dites que le Canada n'a pas utilisé de bombes contenant des munitions particulières. C'est un mot bien gentil, me semble-t-il, pour dire qu'il n'a pas utilisé de munitions contenant des matières radioactives. J'aimerais que vous m'expliquiez exactement en quoi consistent ces munitions particulières.

Dans la dernière phrase, vous dites que l'OTAN a soigneusement examiné chaque incident où il y avait eu des pertes de vie civiles et a pris les mesures nécessaires afin de minimiser les risques pour les civils. Est-ce qu'on vous nous dites qu'on pouvait utiliser ces munitions particulières pour les militaires et les objectifs militaires, mais qu'on devait faire attention à ce qu'elles ne touchent pas les civils? Or, si je ne m'abuse, il y a des conventions internationales qui interdisent l'utilisation d'armements contenant des matières radioactives. J'aimerais que vous répondiez aussi à cette question-là.

• 1105

Mon autre question concerne l'ACDI et ses engagements relatifs au Kosovo. Dans le document que vous nous avez remis le 10 février, vous mentionniez qu'on dépenserait 177 millions de dollars pendant une période de 18 mois pour soutenir un certain nombre d'objectifs au Kosovo. Ce matin, Mme Corneau disait que 11 millions de dollars seraient affectés à l'aide humanitaire au niveau de l'éducation, de la santé et de l'hébergement. J'ai essayé de regrouper certains chiffres et je dois vous avouer que cet exercice s'est avéré un peu mêlant. Serait-il possible, madame Corneau, que vous nous fournissiez par écrit une ventilation des montants qui seront accordés par l'ACDI dans certains domaines, en vue d'atteindre certains objectifs prioritaires que vous vous êtes fixés? Pourriez-vous également indiquer quels seront les canaux par lesquels sera acheminée cette aide, quelles sommes sont actuellement engagés et quelles sommes seront engagées? Vous pourriez peut-être nous fournir un échéancier. Je ne vous demande pas de répondre immédiatement à cette question, mais j'aimerais savoir s'il vous sera possible de nous donner une réponse par écrit, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Jim Wright: Merci beaucoup. Je vais répondre de mon mieux à la première question. Je crois qu'un représentant du ministère de la Défense nationale serait mieux que moi en mesure de répondre à certains éléments de ces questions.

Il y a deux choses qui me viennent à l'esprit au sujet des munitions. Très précisément, à propos de la question sur les munitions d'uranium appauvri, la réponse que nous avons donnée à M. Robinson était double: (1), l'utilisation, par les alliés de l'OTAN, de munitions particulières relève d'une décision nationale—autrement dit, chaque pays doit faire son propre choix; et plus précisément, (2), le Canada n'a pas utilisé de munitions d'uranium appauvri.

La deuxième chose, à propos des munitions, sur laquelle on s'est interrogés pendant la guerre, se rapportait à l'utilisation possible de bombes à dispersion. C'est encore une question que M. Robinson a déjà posée, et nous lui avons répondu que le Canada n'a pas eu recours à des bombes à dispersion. Je le répète, chacun des alliés de l'OTAN décide lui-même de l'utilisation de munitions particulières.

Nous avons cependant bien précisé dans notre réponse à M. Robinson que nous avons exprimé nos préoccupations devant le Conseil de l'Atlantique Nord lorsque de telles munitions ont été utilisées, et que—je crois que c'était lors des audiences qui ont eu lieu pendant la guerre, et certainement dans nos rencontres quotidiennes avec les médias—nous avons dit très clairement que l'OTAN a soigneusement analysé chaque incident qui a fait des victimes parmi les civils, et qu'il a pris les mesures appropriées pour minimiser les risques pour les civils. Je peux dire en toute conscience que le Canada a pleinement participé à une partie du débat qui a eu lieu au Conseil de l'Atlantique Nord.

[Français]

Mme Hélène Corneau: Si vous le désirez, je peux vous offrir quelques précisions dès maintenant. Le partage des 165 millions de dollars dont l'ACDI a fait l'annonce se fait comme suit: 75 millions de dollars pour l'assistance humanitaire; 45 millions de dollars pour la création d'un environnement sécuritaire et de consolidation de la paix; quelque 20 millions de dollars pour la reconstruction à l'échelle communautaire; et 25 millions de dollars en appui économique.

J'aimerais offrir une précision par ailleurs. Ce sont des fonds qui sont octroyés non seulement pour le Kosovo, mais aussi pour la région avoisinante. On a évoqué la question de la Serbie et du Monténégro, mais il y a aussi des ressources financières qui iront, par exemple, du côté de la Macédoine et de l'Albanie, qui ont été très durement touchées par les événements du printemps dernier.

En termes de canaux, en ce qui a trait à l'assistance humanitaire, une très grande partie des 75 millions de dollars dont je viens de parler transite via des organisations multilatérales comme le HCR, l'UNICEF, le Programme alimentaire mondial et le Comité international de la Croix-Rouge.

En ce qui a trait aux fonds purement bilatéraux, des efforts très importants sont consentis pour travailler en très étroite collaboration avec des partenaires canadiens, des organisations non gouvernementales canadiennes et nos collègues d'autres ministères, dont la GRC et le Service correctionnel.

• 1110

Vous avez aussi eu la chance de discuter avec quelques-uns de nos partenaires il y a quelque temps, dont CARE et le CECI. En termes d'engagement, sur les 165 millions de dollars qui ont été octroyés à l'ACDI pendant une période de 18 mois, entre 70 et 80 p. 100 de ces fonds sont engagés ou en voie de planification.

Le président: Vous vous souviendrez, madame Debien, que lors de la première réunion, l'ACDI nous avait remis un document portant sur l'aide qu'elle accorde au Kosovo même.

[Traduction]

Monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président.

À titre de clarification,

[Français]

Mme Debien a posé quelques questions auxquelles on répondra par écrit. Moi aussi, je poserai des questions auxquelles on devra répondre par écrit. Je suis franchement très déçu qu'aucun représentant des forces armées ne soit présent parce que j'aurais souhaité leur poser plusieurs questions. Est-ce qu'on demandera aux témoins des forces armées de comparaître plus tard? Je pourrais au moins leur soumettre mes questions par écrit.

Le président: Oui, je vous propose de soumettre vos questions par écrit. Malheureusement, le lieutenant général Henault ne pouvait pas venir comparaître aujourd'hui et, plutôt que de reporter cette audience à autre jour, j'ai préféré la tenir en son absence. Le lieutenant général Henault m'a assuré que, s'il était absolument nécessaire qu'il vienne témoigner, il serait prêt à revenir.

[Traduction]

M. Svend Robinson: Monsieur le président, je comprends très bien cette décision et je soumettrai ma question par écrit, mais je maintiens qu'il pourrait être nécessaire, selon les réponses que nous recevrons, de lui demander de témoigner en personne. Je suis heureux qu'il se soit dit prêt à témoigner devant nous.

Le président: Ah oui, il n'a absolument pas dit qu'il ne viendrait pas. Seulement, il ne pouvait pas venir aujourd'hui.

M. Svend Robinson: Je comprends.

Monsieur le président, j'ai deux questions à poser. Je voudrais d'abord entendre la réponse à ma question au sujet de l'ancien ambassadeur, M. Bissett, et aussi, si des directives ont été données par écrit, j'aimerais qu'une copie de celles-ci soit remise au comité.

J'ai deux autres petites questions à poser. Ce sera court.

Tout d'abord, au sujet du choix des cibles par l'OTAN, dans des documents que nous avons reçus, on nous a dit que l'OTAN a pris des mesures appropriées pour minimiser les risques pour les civils. Comment expliquez-vous alors le fait que l'OTAN a bombardé le pont de Varvarin à la fin de mai, en plein jour, un jour de grand achalandage et de marché—comme je l'ai indiqué dans ma lettre—tuant ainsi une petite fille sur sa bicyclette, un prêtre local et sept autres civils innocents, et en blessant d'autres?

C'était un choix délibéré de cible de la part de l'OTAN. Ce n'était pas une erreur, comme si on n'avait pas su qu'il faisait plein jour. Que peut dire M. Wright à ce sujet?

Deuxièmement, est-ce que le gouvernement du Canada estime que le Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, que préside Mme Del Ponte, est habilité à examiner les crimes de guerre qu'a pu commettre l'OTAN? D'après ce que je comprends de la réponse que nous avons reçue par écrit, le procureur déclare qu'aucune enquête officielle n'a été entreprise sur les actions de l'OTAN. J'aimerais connaître la position du Canada au sujet de la compétence du Tribunal dans l'examen des crimes attribués à l'OTAN?

M. Jim Wright: En réponse à la troisième question, je répète encore que je ne suis pas avocat, donc je vais vous répondre de mon mieux étant donné les circonstances. Si vous souhaitez obtenir une réponse plus détaillée que celle que je suis en mesure de vous donner, nous l'adresserons au comité.

Comme nous l'avons dit dans les réponses que nous avons fournies par écrit à vos questions, aux termes du statut tribunal:

    Le Tribunal est habilité à juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit humanitaire international commises sur le territoire de la Yougoslavie depuis 1991, conformément aux dispositions du présent statut.

D'après nous, comme nous le disons là, étant donné que l'OTAN a pris des mesures extraordinaires pour se conformer au droit humanitaire international, il est peu vraisemblable que le Tribunal dispose de preuves matérielles sur lesquelles faire reposer une poursuite contre l'OTAN.

• 1115

Monsieur Robinson, vous avez parlé de la déclaration qu'a émise le bureau du Procureur. Je ne sais pas, à part cela, ce que je peux dire à propos de...

M. Svend Robinson: Ce n'est pas, techniquement parlant, une preuve de la compétence du Tribunal.

Le président: Monsieur Wright, votre réponse laisse entendre que le Tribunal est habilité à en juger s'il décide de le faire.

M. Jim Wright: Oui.

Le président: Si vous supposez, comme vous dites, qu'aucun fait ne justifierait une poursuite judiciaire, vous supposez que le tribunal serait habilité à en juger s'il y en avait.

M. Jim Wright: Là encore, monsieur le président, je crois que vous voyez juste. Mes conclusions seraient les même, je suis de cet avis, mais je ne suis pas avocat. Je ne peux que vous donner la réponse que nous avons fournie par écrit à M. Robinson et aux membres du comité, mais je pense que la conclusion que vous tirez est tout à fait juste. Si le tribunal se décidait à le faire, il serait parfaitement habilité à en juger.

M. Ted McWhinney: Logiquement, votre avis serait celui de notre conseiller juridique, d'après ce que vient de dire notre président.

M. Jim Wright: Oui.

M. Ted McWhinney: Merci.

M. Jim Wright: Au sujet de l'incident du pont, je répète que c'était une campagne militaire très complexe. Les mesures qu'a pris l'OTAN visaient clairement des cibles militaires et l'infrastructure militaire yougoslaves. Chaque cible attaquée par l'OTAN avait fait l'objet d'une procédure d'examen rigoureuse qui visait à faire tout ce qui était possible pour éviter les pertes civiles.

M. Svend Robinson: Cela n'a pas fonctionné, n'est-ce pas?

M. Jim Wright: Dans ce cas particulier, il est clair que non.

M. Svend Robinson: Pourquoi bombarder un pont en plein jour au lieu de la nuit, s'il est vrai que c'était une cible militaire?

M. Jim Wright: Monsieur le président, je n'ai pas de réponse précise à donner au sujet de la décision relative au choix de cible ce jour-là précisément, et de ce pont-là en particulier. Mais je pense que tout au long de la campagne, lorsque des erreurs ont été commises et que des accidents sont survenus, l'OTAN a assumé sa responsabilité et a reconnu ses erreurs. Je ne peux pas répondre pour l'armée à propos de cette cible précise.

M. Svend Robinson: Nous poserons donc la question à l'armée.

M. Jim Wright: Vous le pouvez certainement. Je crois cependant qu'on peut dire en toute justice que la campagne qu'a mené l'OTAN a constitué la campagne aérienne la plus précise de toute l'histoire et que l'OTAN a fait tout en son pouvoir pour éviter autant que possible les pertes civiles.

M. Svend Robinson: Et ma question au sujet de M. Bissett?

M. Jim Wright: La réponse que nous avons remise par écrit à la question que vous nous avez posée me semble assez complète. Je suppose que je pourrais y ajouter que M. Bissett est venu rendre une visite sociale à l'ambassade, sans s'annoncer, à un moment où tout le monde y était très affairé. Nous avions, très franchement, des préoccupations plus importantes, tandis qu'une délégation humanitaire du Canada se trouvait à Belgrade pour évaluer la situation sur place.

On a expliqué à M. Bissett que personne n'était libre, et nous ne tenions pas à recourir à ses services. Le comité connaît bien ses opinions sur le Kosovo, puisqu'il a témoigné devant vous.

M. Svend Robinson: M. Wright, a-t-on dit aux employés embauchés sur place qui avaient collaboré avec lui lorsqu'il était ambassadeur qu'ils ne pouvaient pas communiquer avec lui?

M. Jim Wright: La tâche de ces employés, pendant les heures ouvrables de la mission, était de s'acquitter des fonctions prioritaires de l'ambassade. C'est une petite mission. Nous n'y avons plus autant de ressources que dans le passé.

M. Svend Robinson: On leur a aussi dit qu'ils ne pouvaient pas communiquer avec lui?

M. Jim Wright: Ottawa leur a dit qu'ils avaient des choses beaucoup plus importantes à faire que de rencontrer M. Bissett.

La question s'est posée de savoir si ces instructions d'Ottawa signifiaient qu'il ne fallait pas le rencontrer après les heures de bureau ou si elles s'appliquaient uniquement aux heures de bureau. Je crois que, dans les circonstances, si M. Bissett avait souhaité rencontrer ces personnes en dehors des heures de bureau, la décision aurait été un choix personnel de la part des employés.

• 1120

M. Svend Robinson: C'était très généreux.

Vous parlez d'instructions. Ont-elles été données par écrit?

M. Jim Wright: Des instructions ont été envoyées à l'ambassade. Nous avions alors précisé que nous estimions qu'ils avaient des choses plus importantes à faire.

M. Svend Robinson: J'espère que le texte de ces instructions peut être déposé auprès du comité.

M. Jim Wright: Je vais soumettre la question à des collègues, et nous vous enverrons la réponse.

M. Svend Robinson: Je vous remercie.

Le président: Comme le surintendant principal, M. Miller, est ici, j'aurai quelques questions à poser.

Nous avons beaucoup entendu parler de... Plus particulièrement, M. Kouchner a pris la peine de préciser que de nombreux gouvernements n'avaient pas fourni les ressources qu'ils avaient promises. Entre autres, on a un besoin cruel de policiers civils et de fonctionnaires judiciaires qui, de toute évidence, sont essentiels pour établir un climat de sécurité convenable dans la région.

Quelle est votre opinion de nos opérations policières là-bas? Pouvez-vous nous décrire un peu ce que nous avons réussi à fournir comme ressources à cet égard? Le fait que d'autres gouvernements n'aient pas tenu leurs engagements compromet-il beaucoup notre capacité d'assurer une prestation convenable de services là-bas?

Surint pr Peter Miller: Tout d'abord, j'ai eu l'occasion de me rendre au Kosovo il y a deux semaines environ. J'étais sur place. Depuis lors, les effectifs de la police civile sont passés à 2 341, d'après les plus récentes données dont je dispose, soit la moitié à peu près de ce qu'ils sont censés être. Cela nous complique la tâche et nous empêche d'agir aussi rapidement que nous l'aurions aimé.

Dans 70 p. 100 environ des secteurs du Kosovo, nous sommes responsables essentiellement de tous les services de police. Nous travaillons de concert avec la force policière du Kosovo, mais à nouveau ce travail est entravé par une pénurie de policiers civils sur place. Les Nations Unies font de leur mieux pour essayer d'accélérer la participation de certains pays, mais ceux-ci éprouvent des difficultés à tenir leur promesse en raison de responsabilités nationales et d'engagements internationaux pris ailleurs. C'est aussi notre cas.

Nous avons envoyé 100 policiers canadiens rattachés à 17 forces policières différentes du Canada, soit ce que nous avions promis. Ces policiers canadiens en particulier sont mis à forte contribution dans de nombreuses positions clés de la mission. Nous occupons de nombreuses positions où chaque jour nous enquêtons sur les menaces et sur les plaintes déposées par des personnes qui s'estiment harcelées par l'autre camp, pourrait-on dire. Ainsi, des Serbes se plaignent d'Albanais et des Albanais, des Serbes et ainsi de suite. Nous faisons beaucoup de ce genre d'enquêtes.

Nos services sont très en demande, surtout dans la région de Mitrovica. Un peu moins de la moitié de nos Canadiens travaillent actuellement dans la région de Mitrovica, et il existe de bonnes raisons à cela. Nos Canadiens jouissent de beaucoup de respect en tant que gardiens de la paix et, lorsqu'éclatent des troubles, c'est là qu'on a tendance à les envoyer. Comme vous le savez après avoir suivi l'actualité, nos militaires canadiens se trouvent également à Mitrovica.

La situation là-bas s'est sensiblement calmée depuis les incidents de la semaine dernière. C'est ce que nous concluons de conversations que nous avons eues aussi récemment que ce matin. La situation est relativement stable, mais je répète que la marmite bout; elle pourrait déborder à tout instant. La situation nous préoccupe.

Une des raisons pour lesquelles nous avons éprouvé ces difficultés, il y a quelques semaines, tient probablement au manque de ressources sur place, du côté policier comme du côté militaire, pour vraiment faire ce qu'il y a à faire. Depuis lors, les Nations Unies et la KFOR ont pris des mesures pour empêcher la situation d'exploser et, avec un peu de chance, pour calmer les esprits. La décision s'est jusqu'ici avérée efficace.

Jusqu'à ce que nous obtenions la présence de plus de policiers là-bas, il va être difficile de procéder aussi rapidement que nous l'aurions aimé à la formation des policiers du Kosovo. On compte maintenant, je crois, quelque 370 policiers qui sont diplômés de l'école de police. Je parle de policiers du Kosovo qui travaillent maintenant sur le terrain, aux côtés de nos policiers civils.

Le président: Je vous remercie. Ces précisions sont utiles.

• 1125

J'aimerais revenir à la question posée par Mme Debien au sujet de l'utilisation de munitions en uranium appauvri. Lors des audiences que nous avons tenues durant le conflit, le général Henault nous a dit que le Canada n'en utilisait pas. Je suppose que M. Wright s'interrogerait sur la mesure dans laquelle le ministère ou le gouvernement examine cette question.

J'ai reçu à mon bureau des lettres dans lesquelles on m'affirme qu'il existe des preuves manifestes que les soldats envoyés en Irak ont souffert des effets secondaires de l'utilisation d'uranium appauvri. Nos propres soldats ou ceux qui utilisaient... une dame m'a parlé à la fin d'une de ces audiences, m'affirmant qu'il va y avoir de l'uranium dans le sol de la Yougoslavie pendant des milliers d'année.

Nous avons vu l'immense détresse qu'a causé le transport de deux petites bouteilles d'uranium à Chalk River. Comment réagirions-nous si une quantité de balles renfermant de l'uranium appauvri nous sifflait aux oreilles et s'entassait dans le sol pendant un certain temps? Qui examine cette question? Quelles études scientifiques ont été faites pour donner l'assurance que ni nos troupes ni des civils innocents ne paieront le prix de ces armes pendant des générations?

C'est une préoccupation. Je sais que nous n'utilisons pas nous-mêmes de pareilles munitions, mais le fait demeure que nous sommes engagés dans des théâtres où il y en a. Étudions-nous cette question?

Cela déborde-t-il de votre champ de compétence? Je n'essaie pas de vous placer dans une situation où... Si vous n'en savez rien, dites-le, mais je précise que la question préoccupe la plupart des membres du comité.

M. Jim Wright: Une pareille préoccupation est certes compréhensible, étant donné le nombre de fois où il en a été question dans l'arène publique, au cours des dernières semaines. Il vaudrait mieux, à mon avis, que la réponse vienne du ministère de la Défense.

La communauté internationale a fait des travaux à cet égard jusque dans une certaine mesure, en évaluant la dégradation de l'environnement en Serbie. Un groupe de travail mixte mis sur pied par le Programme des Nations Unies pour l'environnement et le Centre des Nations Unies pour les établissements humains a étudié les effets environnementaux à grande échelle du conflit dans la région. Que je sache, monsieur le président, je ne crois pas qu'on se soit penché particulièrement sur les conséquences éventuelles de l'uranium appauvri en Yougoslavie, en Serbie ou au Kosovo après le conflit.

Je crains de ne pas avoir la réponse à cette question, sauf pour reprendre ce qu'ont déjà dit les militaires canadiens, soit qu'ils n'ont pas utilisé de munitions en uranium appauvri durant le conflit.

Une question plus pertinente à se poser est de savoir si la communauté internationale a entrepris d'examiner l'impact de ces munitions en Yougoslavie. Que je sache, elle ne l'a pas fait.

M. Svend Robinson: Puis-je simplement poser une question à ce sujet, monsieur le président?

Le Canada a-t-il fait valoir des préoccupations au sujet de l'utilisation d'uranium appauvri? Je remarque qu'en ce qui concerne l'utilisation des bombes à dispersion, vous avez précisé qu'au sein du Conseil de l'Atlantique Nord, le Canada a effectivement exprimé des réserves. Le Canada l'a-t-il fait aussi au sujet de l'utilisation par les États-Unis de munitions en uranium appauvri, par exemple?

M. Jim Wright: À nouveau, je vous répondrai simplement aujourd'hui que ce sont là des décisions nationales prises par les gouvernements participant...

M. Svend Robinson: C'est ce que nous avons fait dans le cas des bombes à dispersion, monsieur Wright. Nous avons fait valoir des préoccupations à leur sujet. Avons-nous fait la même chose au sujet de l'uranium appauvri?

M. Jim Wright: Je ne puis vous donner de réponse précise à cette question parce que j'ignore le nombre de membres de l'Alliance qui ont utilisé des munitions en uranium appauvri. Je sais que ne les avons pas utilisées.

M. Svend Robinson: Ce n'est pas là ce que je vous demande. Avons-nous fait valoir des préoccupations?

M. Wright peut peut-être aller aux renseignements et nous fournir la réponse plus tard, monsieur le président.

Le président: Il a dit qu'il ne croit pas que nous l'ayons fait.

Lorsque nous avons soulevé la question durant le conflit comme tel, quand la question nous préoccupait, vous vous rappellerez que le général Henault nous a affirmé que, d'après les faits scientifiques, ces armes n'avaient pas les effets délétères qu'on leur attribuait. Rien ne prouvait en fait que l'utilisation d'uranium appauvri—qui manifestement durcit les balles et leur permet de pénétrer les blindages ou je ne sais trop quoi, de sorte qu'il offre un avantage tactique—n'a pas les effets délétères que l'on craint.

• 1130

Il me semble qu'il y a là place considérable au débat et à la discussion de même qu'à l'étude scientifique, et nous tentons, je suppose, de savoir ce que notre propre gouvernement fait à cet égard.

M. Jim Wright: Excusez-moi de vous interrompre. Je crois que le président a parfaitement raison.

En réponse plus particulièrement à la question posée par M. Robinson, que je sache, le Canada n'a pas fait valoir de préoccupation au sein du Conseil de l'Atlantique Nord en ce qui concerne l'utilisation d'uranium appauvri par d'autres pays. Nous avons décidé de ne pas l'utiliser. C'est le premier point.

Ensuite, on n'a toujours pas déterminé quel était l'impact de l'uranium appauvri. Je sais que des études ont été entreprises par plusieurs pays. Les Américains en particulier sont très actifs dans ce domaine. Toutefois, je ne me prétends pas un expert de la question et je ne puis donc pas vous dire exactement quelles sont les conclusions scientifiques à cet égard. Il s'agit d'une question beaucoup plus complexe.

Cependant, pour en revenir à votre question, soit de savoir si le Canada a fait valoir des préoccupations à la table du Conseil de l'Atlantique Nord, je vous réponds par la négative.

Le président: Monsieur McWhinney, avez-vous une question?

M. Ted McWhinney: Monsieur Wright, vous avez été très franc et direct.

Ma question concernant le conseiller juridique n'était pas que théorique. Je suis préoccupé par le rôle du conseiller juridique au sujet non seulement des grandes questions comme l'article 2.4 de la Charte, mais également des modalités d'exécution d'une opération, de ce qui est permissible et de ce qui ne l'est pas durant un conflit—par exemple, le bombardement des ponts franchissant le Danube qui à priori semblerait violer les ententes du XIXe siècle relatives à la libre navigation sur le Danube ainsi que l'utilisation d'armes autorisées et interdites, comme les armes en uranium. Selon vous, serait-ce le genre de choses au sujet desquelles on aurait demandé l'opinion du conseiller juridique, lorsqu'on élaborait la politique?

M. Jim Wright: À nouveau, la réponse que je vais vous donner est tirée jusque dans une certaine mesure de la réponse donnée par écrit à M. Robinson. Je suis conscient que les membres du comité n'ont peut-être pas tous eu l'occasion de lire ces réponses détaillées.

Une des questions qu'a posées M. Robinson a trait au choix des cibles par l'OTAN. Notre réponse écrite comporte plusieurs points, mais en ce qui concerne plus particulièrement le Canada, une partie de la réponse à votre question est que les autorités militaires canadiennes ont participé très étroitement, de toute évidence, au choix de toutes les cibles engageant nos appareils. Pour chaque mission canadienne qui a eu lieu, un avocat militaire des Forces canadiennes a examiné avec soin la cible qui lui avait été attribuée en vue d'en évaluer la légitimité et la pertinence par rapport aux normes juridiques canadiennes et internationales.

Si le commandant de l'équipe d'intervention n'était pas convaincu de la pertinence de la cible ou qu'il ne disposait pas de suffisamment d'information pour décider de sa légitimité, il la rejetait. Un général de ma connaissance a parlé de cette question même, je crois, devant votre comité et à d'autres séances auxquelles j'assistais.

La réponse est donc en partie qu'en acceptant les cibles choisies par l'alliance, l'avocat des Forces canadiennes donnait aux militaires canadiens ainsi qu'aux pilotes effectuant chacune de ces missions l'assurance que les cibles étaient réputées tout à fait légitimes.

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Ted McWhinney: ...la différence entre un conseiller juridique sur le terrain et le grand patron, ici au Canada. Certaines de ces questions, par exemple l'équilibre entre les conventions concernant le Danube et la décision tactique de bombarder les ponts le franchissant, sont ce que je qualifierais de points limites du droit international actuel au sujet desquels il faudrait probablement, pour vraiment bien faire, demander l'avis des plus hautes instances.

Si je puis l'affirmer officiellement, cependant, parce que j'estime que c'est un point très important qui établit la distinction entre notre position et celle des États-Unis, nous serions d'accord pour dire, quelque invraisemblable que cela puisse sembler dans les faits, qu'il faut que le tribunal de La Haye ait compétence sur les Forces canadiennes. Les États-Unis ont une autre position, mais ils refusent également de reconnaître la compétence d'un tribunal pénal international. Toutefois, le contraste est plutôt clair, n'est-ce-pas, sur le plan technique?

M. Jim Wright: À nouveau, monsieur McWhinney, vous et le président avez l'avantage d'être des avocats spécialisés en droit international. Je crois que la réponse à votre question est un oui catégorique, mais je ne prétends pas être un expert du droit international qui parle au nom du gouvernement du Canada.

• 1135

M. Ted McWhinney: Je vous sais gré de votre franchise en réponse à ces questions. Elles ne visent pas à vous mettre dans l'embarras. Il est important que nous ayons une position même si elle est différente de celle de nos alliés. La nôtre est très claire en ce qui concerne...

Le président: Monsieur Wright, je suis navré. J'espère qu'avant de revenir devant notre comité, vous aurez eu le temps de faire vos études de droit de manière à pouvoir traiter de ce genre de questions.

Monsieur Robinson, comme en témoignent ses questions, a un diplôme en droit qu'il nous cache.

M. Svend Robinson: J'essaie de ne pas trop l'ébruiter.

Le président: Je vous remercie tous énormément. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir répondu notre invitation.

M. Svend Robinson: Après consultation de la présidence, je me demande si les membres du comité ne pourraient pas se mettre d'accord pour que les questions qui ont été soumises et qui seront soumises par écrit, de même que les réponses qui ont été fournies et qui, on peut le supposer, seront fournies, soient affichées sur le site Web du comité à l'intention de ceux qui suivent nos délibérations.

Le président: Elles font partie de la transcription des délibérations. Elles sont un supplément aux audiences, et les audiences figurent sur le site Web. Je n'y vois donc pas de problème.

Cela ne cause pas de difficulté. Il y a consensus.

[Français]

Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Monsieur Wright, vous avez répondu à toutes mes questions, sauf à une qui portait sur le plan économique. Il est important qu'il y ait un développement économique autogénéré. Selon les dernières informations qu'on a reçues la semaine dernière de la part des ONG qui sont venues comparaître, la seule économie qui existe est celle de la consommation générée par les ONG qui sont sur place.

M. Jim Wright: Mme Corneau de l'ACDI pourra mieux répondre à cette question.

Mme Hélène Corneau: J'ai lu les commentaires qu'a émis le CECI au sujet de l'économie au Kosovo et de la société de consommation. Je dois avouer qu'ils sont en très grande partie exacts. Il y a aussi l'économie informelle, et on doit par ailleurs souligner les efforts considérables qu'a déployés la MINUK pour essayer de formaliser cette économie. Des progrès importants ont été réalisés par la MINUK au chapitre du budget. Vous avez peut-être entendu parler du budget consolidé pour le Kosovo qui, en somme, vise l'ensemble des opérations au Kosovo. Le Canada et la communauté des bailleurs de fonds se sont engagés à verser des ressources très importantes dans ce budget consolidé. Nous avons offert 2 millions de dollars il y a quelque temps, et d'autres contributions volontaires seront versées dans ce budget consolidé.

Je dois dire que la plupart des ressources qui sont affectées le sont pour des secteurs extrêmement importants pour la société kosovare, notamment l'éducation, la santé et les services sociaux. De 70 à 80 p. 100 de ce budget a été affecté à ces postes budgétaires. Je vous ai présenté un portrait global de la situation par rapport au budget.

Le président: Merci, madame Corneau.

Je remercie beaucoup tous les témoins qui sont venus et les membres du comité. Nous ajournons nos travaux jusqu'à 15 h 30, alors que comparaîtront des témoins représentant la Croix-Rouge.

Nous vous remettrons cet après-midi l'ébauche de la résolution sur le Kosovo. Je vous propose d'en discuter lors de la première séance que nous tiendrons après la relâche.

Mme Francine Lalonde: Jeudi?

Le président: Non, lorsque nous reviendrons.

Une voix: Mardi?

Le président: Oui.

Mme Francine Lalonde: Après la relâche.

Le président: Oui, après la relâche.

[Traduction]

M. Svend Robinson: Il serait peut-être un peu prématuré de discuter de la résolution à ce stade-ci parce que nous n'aurons peut-être pas reçu les réponses à d'autres questions qui sont soumises. Je tenais simplement à le signaler.

Le président: Nous allons mettre le processus en branle. Nous ferons circuler le texte de résolution cet après-midi pour que tous puissent en prendre connaissance.

Le comité suspend ses travaux jusqu'à 15 h 30.