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ENVI Rapport du Comité

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RAPPORT DE L'OPPOSITION OFFICIELLE SUR LES PESTICIDES


I. INTRODUCTION

Pour établir ce rapport minoritaire, l'opposition officielle a réfléchi sur le rapport publié en mai 1999 par le commissaire à l'environnement et au développement durable qui aborde un certain nombre de questions entourant l'identification, la gestion et la réduction des risques posés par les pesticides. Nous avons aussi tenu compte des exposés des nombreux intervenants qui ont témoigné devant le Comité. Bien que les stratégies de gestion du risque au Canada soient parmi les plus évoluées du monde occidental, tous les intervenants reconnaissent qu'il faut rendre notre système de gestion des pesticides plus transparent et plus efficace et obliger les responsables à mieux en rendre compte. Nombre des intervenants ont présenté au Comité d'excellentes recommandations pour réaliser ces améliorations importantes. Les objectifs de l'opposition officielle sont de favoriser une approche bien dosée à l'égard de la gestion et de la réglementation des produits antiparasitaires et, dans ce contexte, d'offrir des recommandations sur la façon dont l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) peut mieux remplir sa mission de protéger la santé humaine et l'environnement.

Jauger la nécessité et la valeur des pesticides : Qu'est-ce qu'ils apportent?

Avant que nous puissions évaluer correctement l'efficacité de produits antiparasitaires ou d'un organisme de réglementation comme l'ARLA, qui supervise l'homologation et l'utilisation de ces produits, il nous faut d'abord en considérer la nécessité. L'existence de ces produits æ qu'ils soient chimiques ou biotechnologiques æ se justifie-t-elle? Pour répondre, il importe d'abord de comprendre les problèmes que pose aux cultivateurs et aux propriétaires fonciers la lutte contre les ravageurs. Également, il est essentiel de comprendre les éléments scientifiques rigoureux qui interviennent dans l'élaboration des produits antiparasitaires, en particulier les méthodes employées pour faire de la santé et de la sécurité le premier impératif du mode d'emploi.

En fait, les produits et les techniques antiparasitaires apportent de nombreux avantages importants aux cultivateurs et propriétaires de maison canadiens. Les produits de protection des cultures préviennent les ravages que causent aux cultures et aux terrains les infestations d'insectes ou de champignons, ce qui minimise le risque des maladies ou dégâts qu'occasionnent ces infestations et permet de produire des aliments essentiels pour consommation au Canada ou exportation à l'étranger. Ainsi, ces produits aident un des plus gros secteurs canadiens d'exportation à soutenir la concurrence internationale. Les produits antiparasitaires augmentent la valeur esthétique des terrains, qu'il s'agisse d'une propriété privée ou d'un golf public, en gardant le gazon et les autres plantes bien vivaces et en santé. Pour la plupart des Canadiens, ces produits sont devenus essentiels.

Le rapport du Comité ne trouve pas le juste milieu

Malheureusement, le rapport du Comité ne fait pas la part des choses et n'encourage pas le rapprochement entre les intervenants. Il ne reconnaît pas les énormes efforts faits et les énormes réussites obtenues par les fabricants et les utilisateurs des produits antiparasitaires pour rendre les produits aussi inoffensifs pour la santé humaine et l'environnement qu'ils sont efficaces à réprimer les ravageurs et à protéger les cultures. En outre, le Comité a dévié de son mandat d'examiner le rendement de l'ARLA. Le commissaire à l'environnement a critiqué l'ARLA notamment pour les inefficacités relevées dans ses activités de réglementation, les retards dans ses activités de réévaluation, sa réticence à partager les renseignements avec les autres ministères et son manque de collaboration avec l'industrie.

II. L'ARLA ET LA GESTION DES RISQUES

Le principe de prudence

L'opposition officielle est d'avis que la responsabilité de la gestion des risques doit être partagée entre l'ARLA et l'industrie et donc qu'il est essentiel que celle-ci et d'autres intervenants conviennent des principes qui doivent guider cette gestion. De plus, alors que le gouvernement cherche à moderniser la gestion qu'il fait des risques que posent de nombreux produits, dans le contexte d'autorités ministérielles multiples, l'industrie, d'autres intervenants et le public doivent savoir comment il applique la gestion des risques à l'approbation d'un produit. Cette gestion doit comprendre des règles correctement établies pour l'application du principe de prudence.

À cette fin, il faut s'entendre sur la définition à utiliser. Par exemple, la LCPE de 1999 guide ainsi l'application du principe :

Attendu : [... que le gouvernement du Canada] s'engage à adopter le principe de la prudence, si bien qu'en cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement. (Préambule de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999))

Pesticides en milieu urbain

L'utilisation des pesticides ailleurs que dans les zones agricoles fait l'objet d'un grand débat qui s'est malheureusement polarisé.

L'opposition officielle déplore que le rapport du Comité reconnaisse très peu l'importance des produits dans les secteurs non agricoles et le rôle qu'ils jouent pour enrayer les mauvaises herbes, les insectes et les maladies fongiques et autres. Les pesticides ont la capacité de contenir un ravageur (mauvaise herbe, insecte ou maladie) qui se propage de façon incontrôlée et qui nuit à la santé des citoyens, des animaux familiers et des plantes et menace la qualité des maisons, des pelouses, des écoles et des commerces.

Le rapport du Comité fait peu pour qu'on comprenne mieux le besoin des pesticides en milieu urbain. Les pesticides sont importants pour les personnes qui souffrent d'allergies, car ils permettent de diminuer les malaises que provoquent les mauvaises herbes, le pollen et les moisissures. La plupart des propriétaires de maison et des collectivités sont très fiers de leurs propriétés, et les pesticides offrent un moyen de créer un milieu sain. Le jardinage constitue maintenant le premier passe-temps des Nords-Américains de plus de 35 ans, et les pesticides sont essentiels pour protéger des maladies le gazon, les plantes, les arbres et la végétation ornementale. Les statistiques montrent que les sportifs se blessent davantage lorsqu'ils jouent sur des surfaces mal entretenues. Plus de 40 % des blessures à la cheville et aux pieds des athlètes des collèges et universités sont attribuables au mauvais entretien des terrains, et les pesticides jouent un rôle important dans le maintien d'un gazon de qualité.

L'entretien des golfs présente un autre défi et un exemple de l'importance des produits. Les maladies des gazons peuvent occasionner un problème important sur les tertres de départ et les verts, et, sans fongicide, certains champignons peuvent tuer des acres de gazon dans un délai très court et obliger à fermer le golf.

L'opposition officielle est favorable à l'élaboration de solutions de remplacement et de l'utilisation de celles qui sont éprouvées en milieu urbain, mais nous ne pensons pas qu'il faille imposer un moratoire sur les produits antiparasitaires tant qu'un grand nombre de preuves scientifiques concluantes ne relieront pas sans équivoque ces produits à la maladie ou à la mauvaise santé chez les humains. Une mesure aussi drastique pourrait mettre les Canadiens en péril et créer un environnement malsain où prolifèrent les mauvaises herbes, les insectes et les maladies. L'imposition d'un moratoire ne tient pas compte de la valeur et de l'importance des produits antiparasitaires et témoigne nettement d'une incompréhension des enjeux de la lutte antiparasitaire au Canada.

L'opposition officielle est d'avis que des éléments scientifiques solides et avérés, au pays et dans le monde, devraient continuer à soutenir le débat. À mesure que le public comprendra et acceptera mieux ces éléments, ses craintes s'apaiseront, et le débat aboutira à l'élaboration d'une politique officielle pondérée et raisonnée.

L'opposition officielle encourage la réalisation d'un programme national d'éducation à la lutte antiparasitaire avec l'industrie qui fera mieux connaître aux Canadiens les enjeux de cette lutte et les armes pour les conquérir.

Il faut responsabiliser le système de réglementation et le rendre transparent

Si les stratégies de gestion des risques du Canada sont à l'avant-garde à bien des points de vue, il est possible d'élaborer des méthodes encore meilleures pour évaluer les risques que peuvent présenter les substances toxiques pour les personnes, les animaux et l'environnement. L'opposition officielle a trouvé que les intervenants sont pressés de collaborer avec le gouvernement pour améliorer les méthodes et procédés de gestion de risques au Canada. Si l'ARLA explique à l'intention des intervenants, du Parlement et du grand public les principes et les étapes de la mise en œuvre d'un processus de décision en matière de gestion des risques et qu'elle augmente la transparence du processus, elle fera beaucoup pour mettre le public en confiance et responsabiliser le système de réglementation.

Tout devrait être fait pour aligner les méthodes de gestion des risques du Canada sur celles de nos partenaires commerciaux, notamment par l'adhésion du pays à des organisations comme l'OCDE.

Il faut concerter l'action des ministères fédéraux et de l'ARLA

Le commissaire à l'environnement s'est beaucoup inquiété du manque de crédibilité créé par l'écart entre le geste et la parole dans le programme fédéral pour l'environnement. Les ministères ne collaborent pas entre eux aux questions d'environnement. Leur manque de collaboration dans le partage des renseignements est un problème chronique et systémique qui ne fait que refléter le malaise créé par la mauvaise gestion qui a persisté sous le gouvernement libéral.

L'opposition officielle croit qu'il faut bien s'entendre sur la répartition des responsabilités en matière de recherche et de réglementation de l'environnement entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, et qu'il faut collaborer avec le secteur privé, pour trouver le meilleur moyen d'harmoniser les objectifs de protection de l'environnement. L'opposition officielle trouve que le modèle à organisme unique de l'ARLA permet de réglementer les pesticides de façon plus responsable et plus efficace. Là où c'est nécessaire, nous sommes en faveur de repenser la structure de recherche et de partage de l'information pour que le système soit efficace et rentable.

Il faut préciser les pouvoirs à l'égard des pesticides dans la législation fédérale

L'opposition officielle, contrairement au Comité, ne voit pas l'utilité d'une nouvelle loi. Là où cela s'impose, il faudrait modifier ou renforcer la législation actuelle pour tenir compte de l'évolution de l'industrie. L'opposition officielle se montre réservée face à la recommandation du Comité de créer une nouvelle loi qui autorise l'échange de renseignements confidentiels, y compris des secrets commerciaux et des renseignements commerciaux confidentiels, entre les institutions fédérales, pour autant qu'elle risque de déboucher sur une intrusion dans le champ des droits de propriété intellectuelle ou sur une violation des libertés fondamentales des personnes et des sociétés. Ce sont des aspects à approfondir avant de donner suite à cette recommandation.

L'opposition officielle trouve approprié que les pesticides au Canada soient régis seulement par la Loi sur les produits antiparasitaires ou éventuellement par une loi unique. Il faut résoudre les contradictions de la législation actuelle de façon opportune et avec la plus grande rationalisation.

III. COMPÉTITIVITÉ DU CANADA : L'ARLA DOIT PENSER MONDIALEMENT

Les questions de gestion des risques et de réévaluation

Selon l'opposition officielle, il ne convient pas que l'ARLA transfère des ressources destinées à l'évaluation de nouveaux produits vers des activités de réévaluation. Il ne faut pas que la réévaluation retarde l'homologation des nouveaux produits, habituellement plus sûrs et plus écologiques. L'efficacité des activités d'homologation de l'ARLA a un impact direct sur la compétitivité internationale du Canada. Les producteurs agricoles du pays risquent de perdre leur avantage concurrentiel si les évaluations de nouveaux produits sont retardées.

La question de l'harmonisation à l'époque de la mondialisation

L'opposition officielle est tout à fait en faveur de la réévaluation lorsque les preuves scientifiques indiquent un nouveau risque et si elle ne reprend pas inutilement le travail fait dans d'autres pays de l'OCDE. Le Canada devrait prendre les rênes de la réévaluation lorsqu'elle porte sur une situation proprement canadienne, mais saisir toutes les possibilités d'accepter les décisions de l'OCDE ou de coordonner la réévaluation avec d'autres pays industrialisés dont le régime de réglementation est analogue au régime canadien. Comme la moitié de la production agricole canadienne est exportée aux États-Unis, il faut s'efforcer en priorité d'aligner les activités de réévaluation sur celles de ce pays.

L'ARLA devrait intensifier les travaux avec Agriculture et Agroalimentaire Canada et avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour harmoniser les exigences de données avec les partenaires de l'ALENA et d'autres pays de la zone de l'OCDE. Ce faisant, l'ARLA pourrait supprimer les tests qui reproduisent inutilement ceux faits dans d'autres pays et rationaliser l'homologation des nouveaux produits alors même qu'elle effectue les réévaluations, pour le bienfait de la santé des Canadiens et de l'environnement. À cette fin, de l'avis de l'opposition officielle, l'ARLA doit situer les solutions pour gérer les pesticides au Canada dans un contexte mondial, pour que la compétitivité du Canada se maintienne.

IV. PROMOUVOIR LES PARTENARIATS ENTRE L'ARLA ET LES INTERVENANTS

Tabler sur les initiatives volontaires

L'opposition officielle accepte la recommandation du commissaire à l'environnement d'évaluer les programmes volontaires en fonction de ce qu'ils apportent à la réalisation des objectifs de prévention de la pollution et de gestion intégrale. Des initiatives menées par l'industrie, comme Nous en prenons soin de l'Institut pour la protection des cultures (IPC), qui répondent aux critères du commissaire. Nous en prenons soin est un programme en sept points : code de fabrication et code de commercialisation, normes d'entreposage, certification du personnel, sécurité des cultivateurs, gestion des contenants et gestion des produits périmés. L'opposition officielle est en faveur de telles initiatives et note que celle-ci a remporté pas mal de succès jusqu'ici. Voilà qui indique encore une fois que l'industrie prend à cœur ses responsabilités et obligations à l'égard de la santé et de la sécurité des humains et de l'environnement. Comme l'explique M. Lorne Hepworth, président de l'IPC, au sujet du programme Nous en prenons soin : « plus qu'un ensemble de codes et de normes, il s'agit d'une éthique qui guide nos actions. » L'opposition officielle invite instamment l'ARLA à tabler davantage sur ce genre d'initiatives pour constituer des partenariats plus solides avec tous les intervenants.

Établir une base de données sur les ventes

L'ARLA, en sa qualité de membre d'un groupe de travail national, doit remplir son engagement de créer une base de données nationale sur les ventes de pesticides pour surveiller l'utilisation de ces produits et l'efficacité des activités de réduction des risques. L'opposition officielle est tout à fait pour le principe d'une base de données sur les ventes, mais nous croyons que l'utilisation globale permettrait de mesurer plus justement que les ventes globales les niveaux de risque présentés par les pesticides.

 

Résumé des recommandations  

Recommandation : Préciser l'application du principe de prudence

1)    Que le principe de prudence dont il a été convenu à Rio et qui est défini dans la LCPE de 1999 soit accepté comme le principe de base des stratégies de gestion des risques et que son application soit précisée pour tous les intervenants.

 

Recommandations : Gestion des risques, responsabilité et transparence

2)    Que l'ARLA rende public son processus de décision en matière de gestion des risques, au service d'une transparence et d'une responsabilité plus grandes.

3)    Que l'ARLA consulte de façon plus proactive les principaux intervenants, y compris les titulaires d'homologation, au sujet de tous les principes de gestion des risques guidant l'activité de réglementation et qu'elle s'attaque à la perception des risques par le public.

 

Recommandations : Concertation de l'action entre l'ARLA et les ministères fédéraux

4)    Que les infrastructures de recherche et de partage de l'information au sein des ministères et entre eux soient revues pour une plus grande concertation touchant la réglementation, l'évaluation des risques et la recherche sur les impacts environnementaux des produits.

5)    Qu'il soit indiqué à l'ARLA de travailler avec d'autres ministères fédéraux, dont ceux de l'Environnement, de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, et des Pêches et des Océans, ainsi qu'avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, pour tirer au clair les éventuelles contradictions dans la législation actuelle.

6)    Que la législation fédérale soit modifiée pour confier à l'ARLA l'entière responsabilité de l'évaluation des risques.

7)    Que les lois fédérales et provinciales soient clarifiées pour supprimer toute contradiction dans les textes actuels de façon opportune et avec la plus grande rationalisation.

 

Recommandations : Rôle de l'ARLA pour l'harmonisation à l'époque de la mondialisation

8)    Que l'ARLA fixe les priorités de la réévaluation en collaboration avec d'autres pays de l'OCDE, en particulier les États-Unis.

9)    Qu'il soit indiqué à l'ARLA de ne pas financer les activités de réévaluation avec des ressources destinées à l'évaluation des nouveaux produits.

10)    Que l'ARLA collabore avec Agriculture et Agroalimentaire Canada et avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour accélérer les efforts d'harmonisation avec les partenaires de l'ALENA et qu'elle continue de collaborer avec les pays membres de l'OCDE en faveur d'exigences mondialement acceptées pour la réglementation des pesticides et de l'acceptation mutuelle des données.

 

Recommandations : L'ARLA devrait tabler sur les partenariats volontaires

11)    Que l'ARLA et l'industrie poursuivent leurs efforts pour achever les actuels projets pilotes de collecte des données sur les ventes comme fondement pour évaluer les meilleurs indicateurs de l'utilisation des pesticides.

12)    Que l'ARLA soit encouragée à étudier des solutions de remplacement aux pesticides, y compris le développement de la lutte intégrée, pour réaliser les objectifs de surveillance de l'utilisation des pesticides et de jaugeage de l'efficacité des activités de réduction des risques.