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HRPD Rapport du Comité

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PARTIE 2 -
GESTION ET CONTRÔLE DE L'ACTUEL SYSTÈME DU NAS

Les problèmes actuels touchant le numéro d'assurance sociale continuent de résider principalement dans l'imprécision de son objet. Conçu au départ comme un numéro de classement pour un nombre restreint de programmes gouvernementaux, la vocation du NAS n'était pas de devenir un système national d'identification personnelle des résidents du Canada ni d'être considéré comme tel. Or, c'est précisément ce qui s'est produit. Le Canada a maintenant un système de NAS qui s'apparente à un code national d'identification, sans être assorti du cadre de protection qui pourrait ou devrait l'entourer. Tous les experts de la protection des renseignements personnels nous ont affirmé que le Canada se trouve présentement dans la pire des situations, car il possède dans les faits un système national d'identification auquel aucun mécanisme de protection de la confidentialité n'a été greffé.

Il faudrait instaurer un mécanisme de contrôle officiel afin de régulariser l'utilisation du NAS. Légiférer peut donner des résultats, comme nous l'a démontré clairement le commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Ontario lorsqu'il a expliqué comment la Loi de 1991 sur le contrôle des cartes Santé et des numéros de cartes Santé avait réussi à prévenir les abus dans sa province. Cette loi a été mise en vigueur parallèlement à la délivrance des nouveaux numéros de cartes Santé en Ontario. En gros, la Loi dispose qu'on ne peut se servir de ces numéros qu'à certaines fins médicales prescrites. Toutes les utilisations autres que celles prévues dans la Loi constituent une infraction passible de sanctions sévères1. À ce sujet, nous recommandons :

2. Qu'après avoir tenu les consultations appropriées, le gouvernement du Canada élabore une loi sur le contrôle des cartes et des numéros d'assurance sociale circonscrivant les utilisations légitimes de l'actuel NAS dans les secteurs public et privé et prescrivant des pénalités et des amendes en cas d'emploi inapproprié ou abusif du NAS. Un avant-projet de loi devrait être présenté au Comité au plus tard le 31 décembre 1999.

Malgré les allégations concernant l'utilisation répondue et inappropriée du NAS dans le secteur privé, il n'y a pas d'étude qui confirme l'ampleur des abus, ni de fait des utilisations légitimes. Nous abondons dans le sens du commissaire à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique qui conclut qu'avant de concevoir des solutions qui pourront avoir du succès, il faut au préalable approfondir les questions de l'utilisation et de l'abus du NAS, en particulier dans le secteur privé. Par conséquent, nous recommandons :

3. Que tous les ministères et organismes fédéraux compétents, ainsi que le commissaire à la protection de la vie privée du Canada travaillent avec Statistique Canada à réaliser et à terminer d'ici le 31 décembre 1999 une étude sur les répercussions et l'ampleur de l'utilisation du NAS dans les secteurs public et privé. Les résultats de cette étude devraient être utilisés pour orchestrer une campagne d'information publique sur l'utilisation du NAS et sur les abus.

Le vérificateur général précise dans son rapport qu'un grand nombre de personnes sans statut juridique au Canada possédaient des NAS valables. Cette situation est imputable en partie à la délivrance de cartes de numéro d'assurance sociale temporaires (la série 900), à l'égard desquelles il n'y a pas de date d'expiration, ni sur les cartes elles-mêmes, ni dans le dossier pertinent du Registre d'assurance sociale. Ces cartes sont émises aux travailleurs saisonniers, aux étudiants étrangers et à des résidents non permanents comme les demandeurs du statut de réfugié. Elles sont également délivrées à des non-résidents canadiens qui effectuent des placements ou ont des activités bancaires au Canada, pour faciliter la production de leurs déclarations d'impôt. Comme le vérificateur le précise dans son rapport, plus de 680 000 cartes temporaires sont toujours actives après cinq ans, et le nombre de cartes de NAS temporaires attribuées représente plus du double du nombre de résidents non permanents recensés par Statistique Canada en 19972. Manifestement, il faut s'attaquer immédiatement à ce problème, car la prolifération de ces cartes augmente les risques de fraude et d'abus. Nous ne souhaitons pas que les actuels détenteurs de cartes de numéro d'assurance sociale temporaires soient pénalisés, mais nous recommandons :

4. Que DRHC veille à ce qu'on inscrive clairement une date d'expiration sur toutes les nouvelles cartes de numéro d'assurance sociale temporaires délivrées à compter du 1er janvier 2000. DRHC devrait également instaurer un mécanisme d'examen de toutes les cartes temporaires en circulation. Les détenteurs de ces cartes temporaires devraient pouvoir les conserver durant l'examen. Lorsque les groupes touchés auront été consultés, au plus tard le 31 décembre 1999, un rapport indiquant les résultats de cet examen, de même qu'un plan et un échéancier de remplacement des cartes temporaires en circulation devraient être présentés au Comité.

Une conclusion générale ressort de nos audiences : la plupart des Canadiens et des Canadiennes ignorent les problèmes liés au NAS de même que l'ampleur et la possibilité des risques d'abus. Ils ne savent pas exactement à quel moment ils sont tenus de fournir leur numéro d'assurance sociale ni quand ils peuvent refuser de le divulguer sans encourir de conséquences. La même ignorance existe au sein des petits et grands services et entreprises du secteur privé. Le NAS constitue souvent pour eux un outil de tenue de livres pratique et économique, et leurs propriétaires et employés vont quelquefois demander leur NAS aux clients, voire exiger d'eux ce numéro, dans des situations tout à fait inappropriées. Certains iront même jusqu'à refuser un produit ou un service aux personnes qui refusent de divulguer leur numéro. Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada nous a indiqué que les plaintes les plus fréquentes que son bureau recevait avaient trait à l'utilisation inappropriée du NAS dans le secteur privé. Les Canadiens en général et tout le secteur privé doivent comprendre leurs droits et responsabilités concernant le NAS. Par conséquent, nous recommandons :

5. Qu'immédiatement après la promulgation de la loi sur le contrôle des cartes et des numéros d'assurance sociale, tous les ministères et organismes fédéraux compétents, de même que le commissaire à la protection de la vie privée du Canada orchestrent une campagne d'information publique au sujet des cartes d'assurance sociale au Canada. Cette campagne devrait :

  • Être destinée à la population, ainsi qu'aux entreprises, aux services et aux organismes oeuvrant dans le secteur privé;
  • Informer les citoyens quant aux utilisations légitimes de leur NAS, tant dans le secteur public que dans le secteur privé;
  • Informer les citoyens que la loi leur permet de refuser de divulguer leur numéro d'assurance sociale;
  • Informer les entreprises, les services et les organismes des contraintes imposées par la loi quant à l'utilisation qu'ils peuvent faire du numéro d'assurance sociale;
  • Joindre les Canadiens et Canadiennes par le truchement de différents moyens, notamment la presse écrite, la radio et la télévision.

Les efforts visant à corriger les problèmes administratifs touchant le NAS doivent passer par le rétablissement de l'intégrité du Registre d'assurance sociale (RAS). Le RAS contient l'information fournie par toutes les personnes demandant un NAS : renseignements personnels de base comme les date et lieu de naissance et de décès et les noms du père et de la mère. Les Services nationaux, une direction générale de DRHC qui exerce ses activités à partir de Bathurst (Nouveau-Brunswick), administrent le RAS. Le vérificateur général a conclu que même si le registre est « généralement bien protégé et que sa sécurité matérielle est assurée », l'intégrité des données qu'on y trouve était menacée. Par exemple, on n'a consigné dans le RAS qu'un million de décès entre 1965 et 1990, alors que 4,4 millions de décès sont survenus au sein de la population canadienne. De plus, on a enregistré dans la base de données de 1998 du RAS 771 000 personnes de plus de 90 ans et 311 000 de plus de 100 ans, en comparaison de 127 000 et de 3 000, respectivement, dans le recensement de Statistique Canada. Toujours selon le RAS, dans le groupe d'âge des 20 ans et plus, la population totale est de 26 millions de personnes, plutôt que d'un peu plus de 22 millions, d'après les évaluations démographiques de Statistique Canada. Cela fait une différence énorme d'approximativement 4 millions de personnes. Étant donné que l'écart ne peut être expliqué, il existe un risque accru de fraude et d'abus du NAS qui pourraient s'avérer coûteux pour les Canadiens en termes d'accès illégitime et inapproprié aux programmes fédéraux et provinciaux3.

Les représentants de DRHC nous ont indiqué que le Ministère avait intensifié ses efforts pour expliquer l'écart au chapitre du nombre de décès enregistrés dans le RAS. Nous reconnaissons également que les provinces et territoires ont un rôle essentiel à jouer comme fournisseurs de statistiques démographiques pour le RAS. Par conséquent, nous recommandons :

6. Que dans le but précis que le Registre d'assurance sociale soit exact et à jour, DRHC finisse de consulter d'ici le 31 décembre 1999, les gouvernements provinciaux et territoriaux au sujet de la divulgation contrôlée et prescrite des statistiques démographiques (naissances, décès et changements de nom) aux fins des échanges entre les gouvernements provinciaux et territoriaux et le gouvernement fédéral.

7. Que tous les échanges de statistiques démographiques effectués après les consultations soient approuvés par les commissaires à la protection de la vie privée des différentes instances compétentes, et que les résultats de ces consultations et de ces échanges figurent dans le rapport de rendement annuel de DRHC.

Le processus entourant la preuve d'identité que doivent fournir les personnes qui demandent un NAS est une source de soucis supplémentaire relativement au nombre trop élevé de cartes en circulation et aux procédures de délivrance des nouvelles cartes. Aucune preuve d'identité n'était requise avant 1976, toutes les personnes désireuses d'avoir un NAS n'ayant qu'à remplir et à retourner un formulaire pour recevoir leur carte numérotée par la poste. C'est pour cette raison qu'en mars 1998, on dénombrait dans le RAS plus de 16 millions d'inscriptions qui n'étaient étayées d'aucun document d'identification4.

Nous sommes d'accord avec le vérificateur général pour affirmer que les responsables du RAS devraient accorder plus d'attention aux actuelles procédures touchant la preuve d'identité. Comme le soulignait aussi le vérificateur dans son rapport, il est souvent difficile de vérifier l'information figurant dans les documents acceptés pour les demandes de NAS.

Nous prenons également en compte l'avis du commissaire à la protection de la vie privée du Canada selon lequel les procédures axées sur l'efficacité risquent d'avoir une incidence du côté de la protection des renseignements personnels. Un récent projet pilote mené par DRHC au Nouveau-Brunswick permet de vérifier en direct l'information fournie par les demandeurs de NAS au sujet de la naissance, du nom et des changements de nom (pour éviter la délivrance frauduleuse d'un numéro). Nous ajoutons toutefois une mise en garde. Certes, nous croyons qu'étendre ce genre de système d'identification à d'autres régions pourrait aider à garantir l'exactitude des données du RAS et à empêcher l'émission de nouvelles cartes d'assurance sociale en faveur de fraudeurs. Néanmoins, la province où le projet pilote fut réalisé ne dispose d'aucune loi sur la protection des renseignements personnels. Après avoir revu les données compilées par le groupe no 2 sur la preuve d'identité5, nous recommandons :

8. Que DRHC agisse sans tarder pour rendre prioritaires les questions touchant la protection des renseignements personnels et transmette les rapports du Groupe de travail sur la preuve d'identité et de tous les groupes de travail mentionnés dans l'ébauche de plan de travail pour améliorer l'administration du NAS au commissaire à la protection de la vie privée du Canada pour obtenir ses commentaires.

9. Que DRHC publie un rapport d'évaluation du projet pilote mené au Nouveau-Brunswick et qu'il le présente au commissaire à la protection de la vie privée du Canada d'ici le 30 septembre 1999. Ce dernier devrait présenter ses commentaires sur le rapport d'évaluation au Comité au plus tard dans les 30 jours qui suivent.

10. Que DRHC veille à ce que tous les nouveaux programmes ou procédures mis de l'avant pour garantir la validité des documents concernant la preuve d'identité soient restreints à l'information vraiment nécessaire afin de vérifier la validité des documents.

Lors de nos réunions au sujet du système du NAS, nous avons entendu des témoignages - dont certains stupéfiants - au sujet de l'ampleur et des répercussions des fraudes et des abus. Étant donné que le NAS constitue la voie d'accès à certains programmes fédéraux et provinciaux, les risques encourus par les contribuables en termes de versements excédentaires ou frauduleux sont considérables. Le vérificateur général a relevé dans son rapport plusieurs cas où des personnes ont obtenu des NAS après en avoir fait la demande et s'en sont servis pour produire de fausses demandes d'assurance-emploi; pour louer des véhicules à l'intention d'entreprises fantômes qui les envoyaient ensuite à l'étranger pour qu'ils soient vendus outre-mer, et pour demander et recevoir des remboursements illégitimes de TPS et d'impôt sur le revenu. Par conséquent, nous recommandons :

11. Que DRHC instaure un plan démontrant qu'il est déterminé à ce que les cas de fraude et d'abus contre l'actuel système de NAS donnent lieu rapidement à des enquêtes menées avec efficacité. Ce plan devrait être présenté au Comité d'ici le 31 décembre 1999.

Compte tenu des coûts imputables à l'utilisation frauduleuse du NAS, le gouvernement fédéral, et en particulier DRHC, doivent se concentrer davantage sur les enquêtes touchant les cas de fraudes possibles. À l'instar du vérificateur général, nous croyons que ces enquêtes se situent très bas dans la liste de priorités de DRHC. Il faut corriger la situation. Une façon d'y arriver serait de mieux mesurer le rendement. À notre avis, le système actuel de mesure du rendement de DRHC n'est pas approprié. Il met l'accent par exemple sur les économies que permettent de réaliser les enquêtes sur les fraudes et les abus touchant l'assurance-emploi. Toute mesure prise doit tenir compte du fait que l'utilisation frauduleuse des cartes de numéro d'assurance sociale affecte l'ensemble des programmes gouvernementaux dans le cadre desquels on se sert du NAS comme numéro de dossier (voir l'annexe B). Par conséquent, nous recommandons :

12. Que DRHC instaure un nouveau mécanisme de mesure du rendement montrant les économies globales que la lutte contre l'utilisation frauduleuse des cartes du numéro d'assurance sociale permet de réaliser. L'analyse de rentabilisation concernant ce nouveau mécanisme de mesure du rendement devrait être soumise au Conseil du Trésor lors de la prochaine série de présentations.

13. Que selon les résultats que produira le nouveau mécanisme de mesure, DRHC affecte les ressources humaines appropriées pour réaliser les enquêtes au sujet de l'utilisation frauduleuse d'un numéro d'assurance sociale.

14. Que dans son prochain rapport de rendement annuel au Parlement, et dans ses rapports ultérieurs, DRHC réserve une section à la gestion du numéro d'assurance sociale et du Registre d'assurance sociale.

Nos recommandations recoupent jusqu'ici celles du vérificateur général et du Comité des comptes publics, en particulier en ce qui concerne les problèmes à court terme et immédiats touchant l'administration du système de NAS. Nous désirons que les réponses qui feront suite à nos recommandations tiennent compte du consensus qui s'est dégagé dans ce dossier du côté des trois instances parlementaires. Les mesures correctives nécessaires doivent être prises sans tarder.

15. Que DRHC présente au Parlement, d'ici le 30 septembre 1999, un rapport d'étape sur la mise en oeuvre du plan de travail 1998-1999 pour améliorer l'administration du NAS (annexe C du présent rapport).


1 Témoignages, réunion no 47, 3 février 1999, p. 6.

2 Rapport du vérificateur général, chapitre 16, p. 16-17.

3 Rapport du vérificateur général, chapitre 16, p. 16-13.

4 Ibid., p. 16-15.

5 Développement des ressources humaines Canada, Plan de travail 1998-1999 pour améliorer l'administration du NAS, pp. 4-5.