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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 mars 1999

• 0913

[Traduction]

Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)): Nous allons ouvrir la séance puisque nous avons des représentants de tous les partis.

Nous allons lire ce qu'on nous demande de lire. Conformément aux articles 110 et 111 du Règlement, nous allons nous occuper aujourd'hui de la nomination par décret du Commissaire au développement de l'aquaculture, M. Yves Bastien. Nous lui souhaitons la bienvenue à notre séance de ce matin.

Malgré le mauvais temps, certains d'entre nous ont tout de même réussi à venir. D'autres viendront peut-être plus tard.

Yves, la procédure accorde aux comités permanents le droit de convoquer comme témoins les personnes nommées par décret et les membres de ce comité peuvent donc demander à vous rencontrer pour discuter de différents problèmes.

Je sais, par les travaux effectués dans le passé par le comité, que l'aquaculture est une industrie qui présente de plus en plus d'intérêt. Elle est d'une grande valeur économique pour diverses régions du pays.

Ceci dit, nous allons commencer la séance en vous permettant de faire un petit exposé. J'espère que c'est ce qu'on vous a dit.

M. Yves Bastien (commissaire, Développement de l'aquaculture, ministère des Pêches et Océans): Effectivement.

Le président: Nous vous poserons ensuite quelques questions sur votre exposé.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): J'invoque tout de suite le Règlement pour ne pas oublier, monsieur le président. J'aimerais vous donner un avis de motion. Mardi prochain—ce sera, je crois, notre prochaine réunion—nous aimerions vous présenter une motion pour que le ministre comparaisse devant le comité concernant le budget des dépenses. C'est tout. C'était simplement pour que cela figure au procès-verbal.

• 0915

Le président: Nous l'étudierons, mais je vous rappelle qu'il faudra peut-être aller nous-mêmes voir le ministre. Je crois qu'on a dû lever sa jambe au point qu'il pourrait lui être difficile de venir, même en avion.

M. Gary Lunn: Oh, il est sur la côte Ouest.

Le président: Nous allons donc étudier la question.

M. Gary Lunn: Très bien. Je vous en remercie.

Le président: Mais si vous voulez y réfléchir et peut-être demander au sous-ministre de venir, ou...

M. Gary Lunn: Nous présenterons la motion.

Le président: Le ministre en second est ici à la table.

Nous souhaitons évidemment étudier le budget des dépenses, mais...

M. Gary Lunn: Nous présenterons la motion la semaine prochaine et nous arrangerons quelque chose en tenant compte des problèmes de M. Anderson.

Le président: Très bien. Nous vous remercions pour l'avis.

Yves, soyez le bienvenu. Comme vous le voyez, nous nous amusons aussi à cette table.

M. Yves Bastien: C'est ce qui me plaît.

Le président: Merci, Yves.

M. Bernier viendra peut-être et nous avons des interprètes, vous pouvez donc vous exprimer dans l'une ou l'autre langue officielle.

M. Yves Bastien: Merci, monsieur le président.

Je vais commencer par quelques remarques générales et je serai ensuite heureux de répondre à vos questions et d'écouter vos observations.

Je vous remercie de m'avoir invité à venir vous parler de moi- même et de mon rôle en tant que premier commissaire canadien au développement de l'aquaculture.

Comme vous le constaterez en parcourant mon C.V., j'ai acquis une solide expérience au cours des 18 dernières années à titre de biologiste et de spécialiste de l'aquaculture. Pendant les dix dernières années, j'ai travaillé à l'établissement d'un partenariat unique entre les pêcheurs commerciaux et les aquiculteurs afin de développer l'industrie des pétoncles dans les Îles-de-la-Madeleine (Québec). Je suis fier de pouvoir vous dire que ces efforts commencent maintenant à porter fruit, tant directement qu'indirectement, grâce à l'augmentation de la récolte et de la production ainsi qu'à une meilleure compréhension et collaboration entre les pêcheries de pétoncles commerciaux et les aquiculteurs. C'est d'ailleurs un thème sur lequel j'insisterai beaucoup aujourd'hui.

Permettez-moi de vous dire quelques mots sur la façon dont je perçois mon rôle dans ce poste unique. Comme vous le savez, le ministère des Pêches et des Océans est un ministère énorme, doté de milliers d'employés qui travaillent diligemment à la gestion des pêches et de nos ressources marines. C'est une tâche difficile qui pose un véritable défi, mais le MPO a de nombreux employés qualifiés pour faire ce travail.

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Il y a là un mot...

M. Yves Bastien: Je serais heureux d'écouter vos commentaires par la suite.

M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Ne le laissez pas vous importuner, Yves.

M. Yves Bastien: Oh, ce n'est pas grave.

En même temps, le ministère et l'organisme fédéral responsable de l'aquaculture, conformément à la Stratégie fédérale de développement de l'aquaculture. Pour certains, cela représente un conflit de mandats, puisque les différences entre la pêche et l'aquaculture sont si nombreuses. J'estime cependant que ces mandats sont complémentaires, car les deux activités se déroulent dans le milieu marin—bien que je reconnaisse l'importance de l'aquaculture d'eau douce. C'est cette notion de propriété commune que j'aimerais faire ressortir en tant que commissaire à l'aquaculture.

J'ai vu ce que d'autres pays ont réussi à accomplir quand les pêcheurs commerciaux et les aquiculteurs ont décidé de travailler ensemble pour exploiter les richesses de la mer de manière responsable. Par exemple, le gouvernement central du Japon a commencé, en 1963, à promouvoir ce qu'ils appellent saibaigyogyo, c'est-à-dire la mariculture, ou plutôt le pacage marin, afin d'accroître la production de quelque 80 espèces. La mariculture consiste essentiellement à faire l'élevage de poissons ou d'invertébrés dans des écloseries afin d'améliorer leurs chances de survie et à lâcher les jeunes poissons en mer ou à implanter des invertébrés sur le fond marin. Une fois que les poissons ont atteint la taille commerciale, ils peuvent être capturés par les pêcheurs commerciaux.

Les résultats d'une telle démarche ont été remarquables pour certaines espèces. Le Japon récolte maintenant huit fois plus de pétoncles que nous qui les pêchons sur le banc Georges, le plus important fonds de pêche au monde pour les pétoncles sauvages, et la valeur de sa récolte s'élève à plus de 800 millions de dollars par an. D'après mon expérience et mes connaissances, je crois qu'il est possible pour les pêcheurs et les travailleurs d'usine canadiens de toucher des revenus semblables dans la pêche aux pétoncles sur la côte Est.

Je tiens toutefois à souligner que le secteur de l'aquaculture en général est ma préoccupation centrale. Le potentiel de développement de l'aquaculture au Canada est énorme, tant en ce qui concerne les pratiques courantes comme la mytiliculture, l'oestréiculture ou la salmoniculture, que le pacage marin des jeunes poissons pour l'ensemencement du milieu marin. Mais il reste encore beaucoup à faire si nous voulons que cette industrie réalise son potentiel, et je suis déterminé à faire tout mon possible pour l'aider à réussir.

• 0920

Cependant, je vous signale que l'industrie ne pourra pas se développer sans tenir compte de l'incidence de ses activités sur le milieu marin et sur les autres utilisateurs des ressources marines. L'industrie prospérera si elle adopte des pratiques responsables et durables de sorte que les Canadiens et les autres consommateurs puissent avoir confiance en la qualité des produits d'élevage. La croissance de l'industrie aquicole permettra en même temps aux collectivités autochtones, rurales et côtières de s'adapter au changement radical qu'a subi l'industrie de la pêche.

Enfin, j'espère pouvoir compter sur l'appui et la compréhension des membres du Comité permanent des pêches et des océans pour relever ce défi important. Merci.

Le président: Merci, Yves.

Nous allons maintenant procéder par roulement pour les questions; c'est-à-dire que les différents partis se succéderont. Le premier groupe à avoir la parole pour environ dix minutes est l'opposition officielle.

M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais avoir votre avis, monsieur, sur certains des problèmes qui restent en suspens, je crois, en Colombie-Britannique en ce qui concerne l'élevage de saumons. Nous disons élevage parce que le pacage se fait en général dans une zone étendue. Si vous êtes déjà allé dans un élevage de saumons, vous avez vu que ces poissons sont à l'étroit dans une petite zone. Cela ressemble davantage à un parc d'engraissement qu'à un ranch ou un pacage.

Un article est paru récemment, plus exactement le 8 février 1999, dans The Times Colonist de Victoria. Je vais vous en lire un paragraphe et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Voici ce qu'on y dit:

    L'industrie dit que l'élevage du saumon (salmon farming) ne présente pas de danger écologique. Allez le dire aux autorités norvégiennes qui viennent de permettre que l'on déverse du poison dans 17 rivières comme dernier recours pour essayer de tuer un parasite, amené par les saumoneaux importés, qui a déjà ravagé le saumon et la truite sauvages dans des douzaines de rivières scandinaves. (L'industrie locale dit que cela ne peut pas se produire parce que le Canada n'importe plus de saumoneaux vivants, seulement des oeufs, mais l'opération de désinfection ne touche que la surface de l'oeuf.) Allez le dire aux gens de l'Alaska qui ont définitivement interdit l'élevage du poisson en 1990 pour protéger leurs poissons sauvages.

Il me semble que le premier mandat du ministère des Pêches et des Océans est de protéger les stocks sauvages. Il semble y avoir un problème avec l'élevage du poisson et nous semblons vouloir l'ignorer. J'aimerais savoir quelle est votre attitude à l'égard de la protection des stocks sauvages et comment vous pouvez faire la part des choses dans ces entreprises antagonistes dont doit s'occuper le ministère des Pêches et des Océans.

M. Yves Bastien: Il y a plusieurs aspects à votre question. Je commencerai par celui de l'environnement.

Je dois dire que l'industrie aquicole ne diffère pas des autres activités humaines. Je vous ferais remarquer que toutes les activités humaines dans toutes les industries que vous connaissez—les pêches, les forêts—ont une incidence sur l'environnement. Personne dans le secteur aquicole n'a jamais dit que l'industrie aquicole n'avait pas d'effet sur l'environnement. Le fait est que nous pouvons développer cette industrie de façon tout à fait durable si nous nous assoyons à la table pour commencer à voir comment nous pouvons procéder, parce que pour l'instant l'aquaculture est nouvelle; elle est jeune.

On a mis l'accent sur l'industrie aquicole ces dernières années. Sur le plan de l'environnement, beaucoup de gens pensent que l'on devrait l'interdire. Je dis qu'il faut étudier la question.

Vous avez parlé de la vision du MPO. Elle comporte deux facettes. D'une part la conservation. J'ai lu deux visions du MPO, une sur Internet et l'autre dans des brochures. Et l'autre aspect de cette vision concerne les océans productifs, les ressources productives.

Ces dernières années, le Canada s'est énormément occupé de l'aspect conservation, ce qui est bien, ce qui est normal, puisqu'il y a eu une tendance à la baisse des pêcheries. Il s'agissait d'arrêter cette tendance, d'arrêter la diminution des stocks. Le Canada ne s'est pas occupé récemment de la productivité de l'océan et de la durabilité du secteur parce qu'à mon avis, il est plus facile d'obtenir cette durabilité dans le secteur de l'aquaculture que dans les pêcheries. Pour l'instant, dans le secteur des pêches, aucune solution n'est proposée au Canada pour maintenir le niveau de production ou pour augmenter la production de l'océan alors que cela est possible avec l'aquaculture. Mais...

• 0925

M. John Cummins: Vos remarques me font plutôt peur. Je ne pense pas que vous compreniez le problème. Permettez-moi de vous l'expliquer un peu plus clairement.

J'ai fait inscrire une question au Feuilleton. Il s'agit de la question 103. J'ai reçu une réponse le 21 septembre 1998. La question était, concernant l'anémie infectieuse du saumon (AIS) et ses effets possibles sur le saumon et les autres formes de vie marine sur les côtes est et ouest du Canada, quels produits chimiques, antibiotiques ou autres médicaments ont utilisé les aquiculteurs de la côte Est pour prévenir ou combattre la maladie, et lesquels de ces produits ont été approuvés pour un usage, etc. La réponse est que l'anémie infectieuse du saumon est une maladie virale sans traitement connu. On dit encore qu'il est toujours possible que les stocks locaux de saumon sauvage de l'Atlantique, la même espèce que le saumon d'élevage de l'Atlantique, aient été touchés par l'AIS.

Voilà donc une maladie pour laquelle il n'existe pas de traitement connu dont le saumon d'élevage de l'Atlantique est porteur. Je trouve ça inacceptable. Pas vous?

M. Yves Bastien: Eh bien, on ne sait pas encore avec certitude lequel a transmis la maladie à l'autre. Elle peut venir de la nature. Elle peut venir du poisson sauvage qui a transmis la maladie aux élevages de saumon, mais ce n'est pas...

M. John Cummins: Je vous demande pardon. On dit encore qu'en Amérique du Nord, la maladie n'a été décelée que chez le saumon de l'Atlantique élevé dans des cages marines dans la baie de Fundy (au sud-ouest du Nouveau-Brunswick). On dit qu'étant donné que le saumon élevé sur la côte Ouest est une espèce assimilable, il serait prédisposé à contracter la maladie, mais que rien n'indique sa présence en Colombie-Britannique. On ne la trouve que chez le saumon de l'Atlantique, et il en va de même en Écosse et en Norvège.

M. Yves Bastien: Oui, je suis d'accord avec vous, mais...

M. John Cummins: Vous essayez de me dire que ce sont les stocks sauvages qui la transmettent?

M. Yves Bastien: Ce pourrait effectivement être le cas. On sait très bien si elle existe dans un élevage parce qu'il y a une surveillance, mais le saumon sauvage n'est pas surveillé et il est fréquent que des maladies soient transmises par le saumon sauvage au saumon d'élevage. C'est possible. Certains virus évoluent dans l'eau.

Je ne dis pas que ce soit le cas, mais je vous signale que l'on fait en ce moment des études au Canada et que très prochainement on aura un vaccin contre cette maladie.

C'est comme pour n'importe quelle autre industrie. En aquaculture, on a les mêmes problèmes, et on s'efforce de maîtriser ce qui se produit, ce qui va arriver. Je ne dis donc pas qu'il n'y a pas de problème; absolument pas. Je sais que ces problèmes sont importants. Ce que je dis, c'est qu'on a des problèmes de même ordre dans d'autres industries, mais on ne s'y attache pas autant que dans le secteur de l'aquaculture. C'est simplement parce que cette dernière est nouvelle, qu'elle ne fait pas partie de nos coutumes, de nos habitudes, qu'on exerce énormément de pressions dont l'objectif est sa destruction ou son interdiction. Pour le Canada, ce serait perdre une occasion incroyable et il s'agit simplement de faire les choses comme il faut. Je dirais que le secteur de l'aquaculture est beaucoup plus coopératif pour ce qui est de faire ce qu'il faut que de nombreuses autres industries, par exemple l'exploitation forestière.

M. John Cummins: Je suis tout à fait abasourdi par votre réponse. Je vous ai posé une question sur un problème, sur une maladie grave, une maladie qui existe dans les élevages de poisson, et vous essayez d'éluder la responsabilité en disant qu'elle a peut-être été transmise par les stocks sauvages alors qu'il n'y a aucune preuve de son existence dans ces populations.

L'ennui avec l'aquaculture, c'est que le MPO a eu tendance à laisser le problème aux provinces. Au Nouveau-Brunswick, on a permis l'ouverture de trop nombreux élevages dans le même secteur et, à mon avis, le problème vient de ce surpeuplement.

• 0930

Je répète donc ma question. Comment le gouvernement fédéral, et vous en particulier, peut-il protéger les stocks sauvages et favoriser les élevages de poisson s'il n'a pas l'idée, le sentiment, ou une notion quelconque de l'importance des stocks sauvages?

M. Yves Bastien: Je n'ai pas la moindre idée de l'importance des stocks sauvages?

M. John Cummins: C'est l'impression que vous m'avez donnée ce matin.

M. Yves Bastien: Je peux vous dire que j'ai travaillé dans le secteur des pêches. Je suis écologiste. Ma formation universitaire est en écologie. J'ai travaillé dans les parcs nationaux pour le Service canadien de la faune, et je sais exactement de quoi vous parlez.

Je dis simplement que c'est le genre d'incidence que l'on a dans n'importe quelle industrie au Canada. Je dis que nous pouvons travailler ensemble pour créer un cadre juridique qui protège l'environnement tout en laissant l'industrie croître et apporter au Canada les avantages qu'elle peut présenter. Dans ces collectivités rurales, on a besoin d'activités et de réorganisation et c'est ce qu'offre l'aquaculture. Encore une fois, je suis sûr qu'on peut le faire sans détruire le milieu marin ni les stocks sauvages.

J'ajouterais que l'industrie forestière a créé une situation qui est beaucoup plus dommageable que l'aquaculture pour le saumon de l'Atlantique. J'en suis convaincu car j'ai travaillé dans ces secteurs. Je veux bien admettre qu'il y a des problèmes, des répercussions, mais il faut les replacer dans leur contexte général et essayer d'y remédier.

M. John Cummins: Dans la même question inscrite au Feuilleton, la réponse du ministre est qu'au Nouveau-Brunswick, le ministère des Pêches et des Océans n'a aucune responsabilité directe vis-à- vis le contrôle de l'AIS dans les piscicultures marines. S'il n'est pas directement responsable de lutter contre cette maladie, qui l'est? Qui est responsable et qui s'occupe de protéger les stocks sauvages?

M. Yves Bastien: Santé Canada est responsable et la province est responsable. Il y a toute une réglementation à cet égard.

Je peux vous dire que j'ai eu récemment d'âpres discussions avec la province du Nouveau-Brunswick. Je tiens à ce que vous sachiez que dans cette province, le conseil des ministres et le gouvernement ne sont pas uniquement pour l'aquaculture. Des discussions assez sérieuses ont lieu actuellement au Nouveau- Brunswick au niveau provincial, et on prend très au sérieux ce qui se produit. Il n'est pas juste de dire que l'on s'occupe uniquement de développer l'aquaculture sans prendre en compte les répercussions qu'elle a sur l'environnement. Ce n'est pas une juste vision de la situation. C'est tout le contraire en fait.

M. John Cummins: L'année dernière, le gouvernement américain a imposé des droits pour le dumping de poisson d'élevage subventionné provenant du Chili. Les Chiliens faisaient du dumping avec ce poisson aux États-Unis à un prix inférieur aux coûts. Les États-Unis ont imposé des droits sur ce poisson, mais le Canada ne l'a pas fait. J'ai l'impression qu'on ne l'a pas fait parce que nous voulions protéger les chaînes de grands magasins qui se trouvent être propriétaires de certaines de ces exploitations piscicoles. Qu'en pensez-vous?

M. Yves Bastien: Je vous demande pardon. Je suis passé de l'anglais au français et je n'ai pas saisi la dernière partie de votre déclaration.

M. John Cummins: J'ai dit que les États-Unis ont imposé des droits pour le dumping du poisson d'élevage subventionné provenant du Chili alors que le Canada ne l'a pas fait. J'ai indiqué que le Canada ne l'a sans doute pas fait parce qu'il voulait protéger les chaînes de grands magasins qui sont propriétaires d'élevages de poisson en Colombie-Britannique et dans d'autres régions du Canada. Qu'en pensez-vous?

M. Yves Bastien: Je ne m'occupais pas de ce problème lorsqu'il s'est posé. Quelle raison m'ont donnée ceux qui s'en sont occupés pour la position canadienne? Je ne me souviens pas de la raison réelle, mais je crois que l'on était gêné d'imposer un droit. Les Chiliens vendent sans doute ce produit sur le marché canadien à un juste prix puisqu'ils ont des coûts bien inférieurs aux nôtres. Par exemple, leur accès au poisson pour l'alimentation est si évident, si facile et si peu coûteux que cela réduit leurs coûts de production. Il faut dire aussi que le coût de la main-d'oeuvre n'est pas du tout le même au Chili. Le prix auquel ils proposent le poisson ici est sans doute le juste prix.

Mais je me souviens que l'affaire n'était pas suffisamment fondée pour justifier qu'on la porte devant les tribunaux. On ne pensait pas pouvoir avoir gain de cause, parce que la différence des coûts de production était trop importante pour être un argument probant.

Le président: Merci, John. Je crois que vos dix minutes de parole sont épuisées.

• 0935

Je préciserais aux membres du comité que nous avons devant nous une personne qui a été nommée pour l'aquaculture, pour s'occuper de l'industrie afin de l'aider à se développer, de la contrôler, de la surveiller, etc. Mais je crois qu'il nous faut faire attention. Ce n'est pas un expert en matière de commerce international, d'Organisation mondiale du commerce et tout le reste.

Yves, nous ne voulons pas vous mettre sur la sellette à ce sujet parce que nous savons en quoi consiste vos fonctions.

Yvan, vous avez la parole.

[Français]

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Monsieur le président, veuillez d'abord m'excuser de mon retard de ce matin en raison du mauvais temps qui sévit. Je suis quand même heureux de constater que certains de mes collègues ont pu arriver avant moi.

Monsieur Bastien, j'ai le plaisir de vous saluer. Sur la même lancée que le président, j'aimerais ajouter quelques commentaires. J'ai malheureusement manqué votre exposé, mais je me permettrai de poser quand même quelques questions parce que je sais lire très vite. C'est peut-être la première fois que je vois un fonctionnaire qui tente vraiment de répondre aux questions. Je le trouve moins «langue de bois» que certains. M. Bastien devra peut-être toutefois apprendre à calibrer les champs de juridiction dans lesquels le ministère ou le ministre souhaite intervenir parce qu'il y a des différences de positionnement. Certains diront qu'il y a des réponses qui sont plutôt...

[Traduction]

M. Peter Stoffer: Le voilà parti.

[Français]

M. Yvan Bernier: ...de niveau politique, tandis que d'autres sont davantage de niveau administratif.

Bien que vous l'ayez peut-être déjà fait lors de votre présentation de ce matin, j'aimerais que vous définissiez l'aquaculture, parce que je dois avouer qu'elle m'est peu familière. Elle était autrefois la responsabilité du ministère des Pêches et des Océans. Pourriez-vous, si cela est possible, décrire en trois lignes l'objectif du mandat que vous a confié le ministre? J'ai constaté que votre mandat était très court. En effet, sa durée n'est que de trois ans. Dites-moi en trois phrases ce que vous vous attendez à accomplir au cours de ces trois ans. Décrivez non seulement l'aquaculture, mais aussi ce que vous avez l'intention de faire.

J'ai écouté certaines bribes des propos de mon collègue John. Puisque je viens du Québec, je fais toujours attention aux champs de juridiction. Les responsabilités des différents paliers, que ce soit le fédéral, les provinces ou même les municipalités dans certains cas, ne me semblent pas claires. Qu'en est-il de l'aspect juridique? Mais décrivez-moi surtout, en trois phrases, votre mandat. Comment pourriez-vous le résumer pour une personne comme moi qui connaît peu de chose à l'aquaculture?

M. Yves Bastien: Je commencerai par faire un petit commentaire au sujet de votre introduction. J'aimerais vous dire que je présente ici mon propre point de vue, tant en ma qualité de commissaire au développement de l'aquaculture qu'en tant que personne se rapportant au ministre Anderson. J'ai présenté mes vues à Pêches et Océans Canada concernant l'aquaculture et les pêches et fait une présentation au sous-ministre de ce ministère. J'ai l'intention de faire la même présentation à M. Anderson en vue d'entamer une discussion sur ces visions.

J'ai été engagé par Pêches et Océans Canada. Lorsque j'ai assumé mes fonctions, j'ai eu une discussion avec M. Anderson, au cours de laquelle il a été clair qu'il me demandait de jouer le rôle que j'ai l'intention de jouer, soit de présenter le dossier de l'aquaculture au Canada et de lui donner la place qui lui revient au Canada en tant qu'activité très productive qui représente un excellent exemple de développement durable.

Mon rôle est semblable à celui d'un conseiller. Je relève directement de M. Anderson puisque je ne fais pas partie du processus décisionnel permanent et continuel du ministère des Pêches et des Océans. On pourrait dire que mon travail consiste à exercer une influence sur les décisions qui touchent à l'aquaculture au Canada. Je dois représenter le domaine de l'aquaculture auprès de toutes les instances, qu'il s'agisse de comités sur l'environnement ou de représentants de l'industrie, lui assurer le développement le plus harmonieux possible, en sachant satisfaire l'ensemble des parties, et lui permettre d'atteindre son plein potentiel. Il faut dire qu'à l'instant même, le potentiel énorme de l'aquaculture au Canada est très peu exploité. Donc, mon rôle consiste à influencer et à conseiller le ministre, et je travaille en étroite collaboration avec le secrétaire d'État à l'Agriculture et aux Pêches et Océans afin d'assurer le développement de l'aquaculture.

• 0940

Je me suis fixé entre autres deux principaux objectifs. Je considère qu'il y a un problème au niveau du contexte réglementaire et juridique entourant la pratique de l'aquaculture au Canada. Ce commentaire s'applique également à l'environnement. J'aimerais ouvrir ici une petite parenthèse et signaler qu'on essaie actuellement d'adopter des règlements pour contrôler l'aquaculture à différents endroits dans la réglementation et dans les lois canadiennes. Je crois personnellement qu'un bon gouvernement devrait s'opposer à ce genre de pratiques et plutôt commander une véritable réforme réglementaire complète de l'aquaculture, incluant une partie sur l'environnement. Je me suis donné pour priorité la création, au Canada, d'un cadre réglementaire qui favorisera le développement de l'industrie, tout en en faisant une industrie durable qui respectera, comme il se doit, l'environnement.

Au lieu d'introduire des règles un peu partout dans la réglementation existante, sans se donner de lignes directrices et sans avoir de vision nette, il serait préférable de se doter d'une loi sur l'aquaculture qui donnerait un statut à l'industrie tout en créant un contexte réglementaire qui la contrôlerait de façon adéquate, ce qui n'est pas le cas en ce moment. On essaie actuellement de la régir par des dispositions qui existent dans la réglementation, mais qui n'ont pas été écrites pour l'aquaculture. Je vous signale que la Loi sur les pêches ne fait aucunement mention de l'aquaculture; le mot «aquaculture» n'y existe pas parce que cette loi a été rédigée au moment où l'aquaculture n'existait pas. On essaie de contrôler l'aquaculture en interprétant des articles ou règlements qui n'ont rien à voir avec ses particularités, sans jamais avoir une vision claire de ce qu'on devrait faire face à l'aquaculture, tant au point de vue du respect de l'environnement que de la nécessité de créer un contexte qui permettra aux aquaculteurs de développer leur activité.

Ma deuxième priorité consiste à changer l'attitude des Canadiens par rapport à l'aquaculture. J'ai vraiment l'intention de faire tout ce que je peux pour convaincre les Canadiens qu'elle n'est pas une industrie aussi dommageable pour l'environnement qu'on le laisse croire un peu partout au Canada en ce moment. Je vais travailler à cela de toutes mes forces.

Je ne sais pas si j'ai su répondu à vos question.

M. Yvan Bernier: Oui, pour le moment. Je vais écouter mes collègues et j'interviendrai à nouveau si j'ai d'autres questions. Merci, monsieur Bastien.

[Traduction]

Le président: Paul, vous avez dix minutes. Voulez-vous les partager avec Carmen?

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): certainement.

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Allez-y, commencez.

M. Paul Steckle: Je veux vous remercier d'être venu devant le comité ce matin et vous encourager à continuer à être franc et direct tant que vous serez à ce poste. Ne perdez pas cela tandis que vous vous implantez à Ottawa. Je crois que nous sommes d'accord pour dire que vous devriez rester tel que vous êtes. Continuez à répondre aux questions de la façon dont vous y avez répondu ce matin. Je vous en suis reconnaissant.

M. Yves Bastien: Je dois vous dire que je suis heureux de faire ce travail et que si je ne fais pas ce qu'il faut, j'irai ailleurs.

M. Paul Steckle: Vous irez ailleurs?

M. Yves Bastien: Oui.

M. Paul Steckle: Mais nous ne voulons pas que vous partiez.

Je représente le secteur des eaux douces à ce comité puisque je vis au bord d'un grand lac, sur les rives du lac Huron. Nous avons bien sûr amené des espèces non indigènes dans les Grands Lacs par différents moyens, mais surtout à cause des cales des navires dans le passé. Nous essayons de régler ces problèmes aujourd'hui. Vous avez entendu parlé de la lamproie marine, des moules zébrées et des autres espèces qui ont été apportées ici. Nous devons dépenser constamment de l'argent pour essayer d'empêcher ces espèces de devenir dominantes, de surpeupler et bien sûr de détruire les espèces que nous voulons pour la pêche sportive et commerciale.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce que nous avons fait dans les Grands Lacs étant donné que nous avons fait des choses qui ont causé la destruction du lac Érié. Pour revenir à la question que posait M. Cummins plus tôt ce matin, la situation a été inversée. En tant qu'être humain, nous avons détruit une partie du milieu naturel, mais la nature a une façon de se régénérer. C'est ce qu'elle a fait dans le lac Érié où les bonnes espèces sont maintenant revenues, notamment le brochet.

• 0945

J'aimerais savoir si vous vous intéressez aux Grands Lacs et aux eaux douces de notre pays. Je sais que vous n'avez pas fait beaucoup de travail dans ce domaine, mais que croyez-vous que l'on puisse faire dans les Grands Lacs en matière d'aquaculture?

Enfin, j'aimerais savoir si l'aquaculture devrait rester du ressort du ministère des Pêches et des Océans ou si elle devrait relever du ministère de l'Agriculture? Il a été question de ranches ou pacages et de parcs d'engraissement, et nous avons utilisé d'autres termes du même genre. Qu'en pensez-vous?

M. Yves Bastien: Concernant le fait que la nature redonne vie à un lac qui a été détruit, je voudrais simplement indiquer que la régénération d'un secteur comme celui-là est grandement facilitée par la pratique de l'aquaculture. Très souvent, la seule façon de repeupler une rivière est de le faire par l'aquaculture. Mais ce n'était qu'une remarque en passant.

Je crois que le potentiel de l'aquaculture dans les eaux douces du Canada est important. Pour ce qui est de la façon de procéder, je vais passer à la dernière partie de votre question pour revenir ensuite à la première partie.

Je pense que l'agriculture aimerait s'occuper de l'aquaculture, mais j'estime personnellement que l'aquaculture doit se diviser en deux. Il y a l'aquaculture qui est faite dans les eaux publiques, dont les eaux douces des lacs et des rivières. Et l'autre partie qui est faite sur des terres privées, comme les bassins de pisciculture. À mon avis, ce que l'on fait sur les terres privées devrait aller à l'agriculture car c'est la même chose: on produit un animal en l'élevant sur des terres privées. Il existe des règlements qui régissent ce qui sort des élevages. Étant donné que cela se fait ainsi, cette partie-là pourrait aller à l'agriculture.

L'autre partie, à mon avis, ne peut pas aller à l'agriculture sans conserver un lien étroit avec le ministère des Pêches et des Océans et avec tout ce qui se fait dans les océans, les lacs, les rivières et les eaux navigables. De toute évidence, toute activité qui s'y fait a une incidence très importante sur tous les autres usagers de la tranche d'eau. Étant donné que c'est fait dans ces eaux, le reste de l'aquaculture du Canada ne pourrait pas relever du ministère de l'Agriculture, ou il faudrait au moins qu'il y ait des liens étroits avec le reste.

Pour moi, on pourrait la mettre n'importe où. Ce n'est pas là où l'on va placer l'aquaculture qui pose un problème pour moi. Elle pourrait relever du ministère des Pêches et des Océans, du ministère de l'Agriculture ou même du ministère de l'Environnement. Le problème, c'est que nous n'avons pas de cadre juridique pour agir comme il se doit avec l'aquaculture. Cela se trouve dispersé un peu partout dans la législation canadienne. Lorsque le cadre juridique aura été bien défini et comprendra tout—l'environnement, la réglementation, les normes de l'industrie de l'aquaculture—vous pourriez confier l'administration d'une partie de cette législation à n'importe qui: au ministère de l'Environnement; au ministère de l'Agriculture pour les services de type agricole comme les pratiques d'élevage ou de soins vétérinaires; et les autres parties peuvent aller au ministère des Pêches et des Océans.

Pour cette partie de votre question donc, je ne pense pas que la sphère de compétence soit importante actuellement, mais on pourrait prendre cette décision plus tard lorsqu'on aura un bon cadre juridique.

En ce qui concerne l'aquaculture en Ontario, je dois dire que je ne suis pas spécialiste en la matière, mais je sais que l'aquaculture sur les terres privées a un énorme potentiel et qu'elle s'est beaucoup développée en Ontario. Pour l'aquaculture dans les Grands Lacs ou dans les rivières, c'est comme l'océan. Cela a des incidences sur l'environnement, il faut donc veiller à avoir de bonnes pratiques d'élevage, à avoir un code de pratique pour ce qui est d'isoler les zones, pour ce qui se passe dans ces parcs en filet. Toute activité aquicole doit être bien contrôlée et ne pas avoir d'incidence sur l'environnement autre que celle des activités courantes. Vous savez, chaque fois que vous sortez de chez vous ou que vous prenez votre voiture, cela a une incidence sur l'environnement.

J'aimerais vous parler d'une autre idée. Je crois que la seule façon de procéder pour cette intégration de l'aquaculture dans la législation canadienne et dans les pratiques canadiennes serait d'avoir un système de zonage. Par exemple, il est accepté qu'un champ cultivé est un secteur assez pollué, dans le domaine forestier, il y a des secteurs qui sont très exploités. Par ailleurs, il y a les parcs nationaux et les territoires qui sont protégés. Il faudra le faire aussi ailleurs au Canada pour être sûr d'avoir des zones protégées où il n'y a aucune activité, ni pêche ni navigation, et d'autres zones où les activités sont plus intenses.

• 0950

Cela passe donc par un système de zonage. Tant que nous ne l'aurons pas... Et cela est possible tout de suite pour les océans. Il y a une nouvelle Loi sur les océans et il y a une stratégie pour les océans qui propose ce genre de zonage. Et je dois dire que pour les eaux douces, cela serait également possible; on pourrait créer un système de zonage en vertu duquel on accepte certaines activités d'aquaculture dans certains secteurs comme on accepte des industries très polluantes et qu'on essaie de contrôler leurs effluents et leur incidence, et d'autres secteurs où on ne les accepte pas parce qu'il y a des caractéristiques naturelles que l'on veut protéger. Cela pourrait se faire.

Pour répondre à la question de M. Bernier...

Le président: Je dois vous interrompre car tout le monde est limité dans le temps et si la réponse à une question est trop longue, l'intervenant perd sa chance de poser d'autres questions.

Paul, cette réponse vous satisfait-elle pour l'instant? Je veux aussi donner la parole à Carmen pendant ces dix minutes.

M. Paul Steckle: J'attendrai.

M. Carmen Provenzano: Merci beaucoup, monsieur le président.

C'est plutôt une remarque que je vais faire. J'estime que la personne qui va assumer le rôle de commissaire à l'aquaculture devrait amener à ce poste un large éventail de compétences. En étudiant les qualifications de ce monsieur, il en a de très intéressantes. Il a été naturaliste. Si vous regardez son curriculum vitae, pendant les 15 premières années de sa carrière, il a assumé des fonctions connexes en tant que naturaliste tout en étant chargé de la gestion des ressources marines. Cela devrait le placer dans l'autre camp, ne pensez-vous pas?

M. Yves Bastien: Je ne sais trop quoi dire. Mais c'est ce que vous venez de dire me valorise.

M. Carmen Provenzano: Vous ne venez en tout cas pas de l'industrie de l'aquaculture pour assumer le poste de commissaire à l'aquaculture.

M. Yves Bastien: Absolument pas. Et j'insiste sur le fait que je défends un secteur et non pas une industrie.

M. Carmen Provenzano: Je vois ici que vous avez travaillé en tant que naturaliste dans le secteur des parcs, en tant que naturaliste dans les pêches; vous avez participé à des travaux de recherche et à la gestion de projets concernant les ressources marines. Vous savez donc de quoi l'on parle lorsqu'il est question d'élever et de récolter du poisson et des fruits de mer dans leur milieu naturel.

M. Yves Bastien: Absolument. Et je tiens à ce que vous compreniez qu'un jour ou l'autre, je vais devoir m'opposer à l'industrie. Je suis ici pour le développement d'un secteur, mais aussi pour veiller à ce que cela se fasse de façon durable et dans le respect de l'environnement. Je suis fier de vivre dans un pays qui place l'environnement au plus haut niveau. Cela me plaît. Comme vous le dites, je me suis occupé de cela. Je me suis autant impliqué dans l'écologie que je m'implique actuellement dans le secteur de l'aquaculture. Il est clair que je ne vais jamais faire pression pour quelque chose qui va avoir sur l'environnement des répercussions qu'on ne peut maîtriser.

Il s'agit en fait d'une industrie jeune et nous devons créer les conditions pour que toutes les parties concernées s'assoient à la même table afin de concevoir un système que tout le monde juge acceptable, y compris les écologistes.

• 0955

M. Carmen Provenzano: Ce que vous semblez dire, monsieur Bastien, c'est qu'il ne faudrait pas permettre à l'industrie de l'aquaculture de se développer aux dépens de toute autre ressource. C'est bien cela?

M. Yves Bastien: Oui.

M. Carmen Provenzano: Et vous dites que cette méthode particulière d'élevage et de récolte des espèces de poisson a des avantages évidents. Je me demande, monsieur, si vous pourriez préciser un peu les avantages qu'offre l'industrie. Vous avez fait allusion à certaines choses, comme le fait de savoir exactement quelle est l'importance de la ressource à un moment donné, mais y a-t-il d'autres avantages? Vous avez parlé de la récolte du pétoncle au Japon qui est huit fois plus importante que celle que nous faisons dans la plus grande région naturelle qui existe. Vous avez dit qu'il s'agit sans doute d'une récolte de 6 milliards de dollars pour les Japonais. Pourriez-vous indiquer au comité les avantages que cela présente pour l'industrie et pour la population canadienne?

M. Yves Bastien: Absolument et cela...

Le président: Nous manquons vraiment de temps, Carmen.

M. Carmen Provenzano: Il peut raccourcir sa réponse autant qu'il le veut.

M. Yves Bastien: J'essaierai d'être aussi bref que possible.

Le président: Peter, nous accordez-vous une minute? Je ne l'enlèverai pas à votre temps de parole, mais...

M. Peter Stoffer: Nous avons encore une heure.

Le président: Je le sais, mais nous parlons ici des dix minutes dont dispose le parti, et si vous le voulez bien...

M. Peter Stoffer: Allez-y.

Le président: Très bien, Carmen. Nous nous sommes entendus.

M. Yves Bastien: En ce qui concerne les pêches, ce que l'aquaculture amène au système c'est, comme vous l'avez dit, un meilleur contrôle de la planification de l'activité économique d'une région et d'une province, simplement parce que les pêches et l'aquaculture commencent à fonctionner ensemble... J'ai visité des endroits au Japon où on ne fait plus du tout de distinction entre les pêcheurs d'une part et les aquiculteurs de l'autre. On appelle tout cela la production océanique.

Dans une telle situation, notamment, on peut prévoir la taille de la flotte. Les Japonais ont rencontré le même genre de problèmes que le Canada connaît actuellement: ils pêchaient partout dans le monde et dans les années 70, lorsque tous les pays ont instauré leur zone de protection économique de 200 milles, leurs bateaux ne pouvaient plus pêcher. Le pays a donc décidé de faire face au problème et de créer au Japon les conditions propices à une grosse industrie très productive, tout en respectant l'environnement. Cela va notamment permettre de décider de la taille de la flotte et de veiller à ce que les usines de transformation fonctionnent toute l'année, ce qui est très important.

Très souvent, dans le secteur des pêches—et vous connaissez le problème; vous devez y faire face chaque jour—il y a quelques semaines de travail pendant une très courte période. Avec l'aquaculture, il faut normalement approvisionner le marché toute l'année; ainsi le secteur de la transformation fonctionne toute l'année et cela crée des emplois pour les populations et maintient une activité économique tout au long de l'année.

J'ai ici une liste des avantages. Il y en a un qui est très important: cela permet de réduire les pressions que subissent les stocks sauvages. Cela s'est produit pour le saumon sauvage. L'industrie de la salmoniculture a provoqué des pressions à la baisse sur le stock sauvage parce qu'il y avait autrefois un gros marché noir provenant du braconnage du saumon sur la côte Est. L'industrie de la salmoniculture, ou plutôt sa production, a réduit ce marché noir. Je ne dis pas qu'il n'existe plus de braconnage, absolument pas, mais les pressions que subissaient les stocks sauvages ont diminué parce qu'on avait des élevages qui approvisionnaient le marché un peu partout et le marché noir a donc cessé d'exister.

Le président: Merci.

Peter, Gary doit s'en aller et aimerait poser quelques brèves questions.

M. Peter Stoffer: Certainement.

Le président: Je tiens à vous montrer combien nous sommes aimables avec Gary. Nous le traitons toujours bien.

M. Gary Lunn: J'ai deux questions dont la réponse est oui ou non et je crois que John a quelques autres questions.

Avez-vous lu le rapport de 1996 du groupe de travail du caucus libéral sur l'aquaculture? Je sais qu'il existe tout un rapport et je pense que nous en avons déjà parlé à ce comité. Il existe. Je l'ai lu, ce n'est donc pas un gros secret, et Wayne est au courant.

Par ailleurs, savez-vous—et je l'ai entendu de plusieurs sources—que le gouvernement NPD de Colombie-Britannique va lever le moratoire qui s'applique à l'aquaculture sur la côte Ouest? Avez-vous communiqué avec le gouvernement de la Colombie- Britannique à ce sujet? Savez-vous ce qui se passe là-bas?

• 1000

M. Yves Bastien: Autant que je me souvienne, j'ai lu le rapport 1996, mais il me faudrait le parcourir de nouveau.

M. Gary Lunn: C'est bon. Je me demandais simplement si vous l'aviez vu.

M. Yves Bastien: En ce qui concerne la Colombie-Britannique, l'information que j'ai, c'est que le moratoire pour la conchyliculture a été levé pour un certain temps, mais le moratoire pour le saumon n'a pas encore été levé. Je pense pouvoir dire qu'un débat acharné a lieu au gouvernement. Je ne peux pas vous dire dans quelle direction on ira. Il est possible qu'on ne prenne aucune décision avant les prochaines élections. Je ne sais pas. Mais je peux dire qu'à ma connaissance, pour l'instant, le moratoire pour la salmoniculture n'a pas été levé.

M. Gary Lunn: John.

M. John Cummins: Le fait que vous déclariez que la salmoniculture a en quelque sorte réduit les pressions que subissaient les stocks sauvages est scandaleux. Il est prouvé que le déclin catastrophique de la truite de mer sauvage au nord-ouest de l'Écosse est en grande partie dû à la salmoniculture commerciale. C'est ce que disent les scientifiques du gouvernement. Ils ont constaté que les infestations de poux du saumon en cage se sont étendues à la truite sauvage, l'affaiblissant lentement et provoquant éventuellement sa mort. Les scientifiques du laboratoire de la pêche en eau douce et du laboratoire marin d'Aberdeen ont informé le bureau écossais qu'ils ont conclu que les poux du saumon cultivé sont un facteur ayant grandement contribué au déclin de la truite de mer sauvage.

Qu'avez-vous à dire à cela, étant donné votre déclaration préalable?

M. Yves Bastien: J'aimerais avoir des preuves scientifiques pour le Canada sur les répercussions de la salmoniculture dont on parle.

J'ai comparu devant le Comité permanent de l'environnement et du développement durable et j'ai écouté tous les débats qui ont eu lieu pendant un certain temps. Je ne suis pas spécialiste en tout, mais ce que j'y ai entendu me montre que les preuves ne sont pas aussi convaincantes au Canada pour ce qui est des répercussions génétiques des poissons qui s'échappent sur les saumons dans les rivières d'origine, par exemple. Mais je le répète, je ne dis pas qu'il n'y a pas de preuves.

M. John Cummins: Voulez-vous dire par là que l'on ne peut pas tirer les leçons de ce qui s'est passé ailleurs. La Norvège a en fait provoqué la disparition de sa ressource de saumon sauvage en déversant à plusieurs reprises du poison dans ses bassins hydrographiques comme dernier recours pour lutter contre les maladies infectieuses du saumon qui sont apparues dans les élevages. Ne peut-on pas tirer les leçons de ce qui s'est passé là- bas?

M. Yves Bastien: Le problème est que l'on dit que la situation actuelle du saumon de l'Atlantique, dans l'Atlantique nord, est due uniquement à l'aquaculture alors que ce n'est pas le cas. Je pourrais vous prouver et vous montrer sur le papier que l'exploitation forestière a créé des dommages beaucoup plus grands pour les rivières à saumon de la côte est du Canada que l'aquaculture ne le fera jamais. Quel est donc le problème? Nous savons que nous avons certaines incidences.

M. John Cummins: Le problème est que vous pouvez être renversé par une voiture en traversant la rue ou par un autobus. Le résultat est le même. Dire que l'incidence de l'exploitation forestière est plus importante que celle de la pisciculture sur le stock sauvage n'est pas raisonnable.

Le ministère de la Pêche et de la Chasse de l'Alaska proteste contre la salmoniculture généralisée de la Colombie-Britannique parce qu'il est de plus en plus évident que les saumons qui s'échappent de ces élevages créent des colonies sauvages. Le ministère laisse entendre que des milliers de poissons s'implantent dans les rivières.

L'Association des pêcheurs au filet maillant du sud-est de l'Alaska signale, dans une lettre au premier ministre de la Colombie-Britannique, M. Clark, que le nombre de saumons s'étant échappés des élevages du Canada et de l'État de Washington constitue un problème grave. Ils dissent que des dizaines de milliers d'entre eux s'échappent chaque année des parcs en filet de Colombie-Britannique et que plus de 400 000 se sont échappés des élevages de l'État de Washington au cours de l'année écoulée. L'aquaculture dans les parcs en filet qui se généralise menace de toute évidence les stocks sauvages d'origine de la région. Êtes- vous prêt à aller vous battre contre les gens de l'Alaska au sujet de l'aquaculture?

• 1005

M. Yves Bastien: Très certainement. Et je peux vous dire qu'il y a eu des études complètes qui ont été réalisées, des examens très approfondis ont été faits ces deux dernières années en Colombie- Britannique, et par des indépendants du secteur de l'environnement. La conclusion de ces examens est que l'incidence générale de la salmoniculture sur l'environnement en Colombie-Britannique est très faible à l'heure actuelle. C'est un fait. C'est ce qui a été publié partout.

Par ailleurs, dans l'État de Washington, une affaire très évidente a été portée devant les tribunaux et les conclusions ont été les mêmes. Il n'y a pas de preuve pour confirmer que ce que vous dites endommage l'environnement et que ces poissons s'implantent vraiment en milieu sauvage. Ce n'est pas le cas.

M. John Cummins: Êtes-vous prêt, en tant que commissaire nouvellement nommé, à faire en sorte que l'on conçoive une législation qui prévoie que l'industrie de l'aquaculture assume les coûts dans leur totalité, y compris ceux d'éradication des maladies, de régénération des sites, etc., s'il est prouvé que ces parcs en filet ont des incidences négatives sur les stocks sauvages de saumon?

Le président: John, votre temps de parole est écoulé, mais je ne crois pas que ses fonctions, son mandat consiste à concevoir des lois.

M. John Cummins: À faire le travail de préparation. Je lui ai demandé s'il était prêt à faire ce travail de préparation.

Le président: Je ne crois pas que ce soit son mandat non plus. Mais je vous autoriserais sans doute à demander par exemple s'il prévoit de rendre des comptes au ministre ou au Parlement sur ses conclusions et sur son travail trimestriellement ou annuellement, ou de quelle façon nous serons informés de son travail en tant que parlementaires? Est-ce ce que vous aimeriez savoir?

M. John Cummins: Non. Étant donné qu'il est si convaincu que les saumons élevés dans des parcs en filet ne posent pas de problème, j'aimerais lui demander s'il est prêt à préparer une législation quelconque à l'intention du ministre afin que ce dernier puisse proposer ce texte de loi où il serait demandé à l'industrie d'assumer l'entière responsabilité de toute éradication de maladie ou régénération d'habitat due à la pisciculture. S'il est si convaincu que cela ne présente aucun risque, il ne devrait pas être difficile de faire accepter une telle chose par l'industrie.

Le président: En ma qualité de président, j'estime que c'est une question injuste que vous posez là car le témoin n'est pas ici pour présenter ou préparer des lois. Je sais qu'il devra rendre des comptes à quelqu'un. C'est ce qu'on peut espérer.

Yves, je ne vous demanderai pas de répondre à cette question.

M. Yves Bastien: J'aimerais faire une remarque, sans répondre à la question.

Le président: Non, j'ai opposé un refus à John; je vous oppose un refus et je donne maintenant la parole à Peter.

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

Je vous salue encore une fois, monsieur. Au nom du Nouveau Parti démocratique, je remercie le ministère des Pêches et des Océans pour avoir enfin nommé quelqu'un qui soit responsable de cette industrie très importante.

Il y a quelques petites choses qui m'inquiètent et qui ne sont qu'une question de perception. Normalement, lorsqu'on a un invité ou un visiteur qui se présente, il est généralement entouré par d'autres fonctionnaires du ministère. J'espère que le simple fait que vous soyez venu seul ne permette pas de juger de l'importance ou du manque d'importance que le MPO va accorder à votre commissariat.

Il y a autre chose. Comme vous le savez sans doute, notre comité a beaucoup critiqué le MPO pour avoir centralisé ses services à Ottawa. Je suis à peu près sûr, et vous pourrez sans doute le vérifier, qu'il n'y aura pas d'industrie de l'aquaculture dans les rivières d'Ottawa ou de Hull, ni dans le canal Rideau. J'espère que votre service, lorsque vous le connaîtrez mieux, aura des représentants dans les régions éloignées où se fait en réalité l'aquaculture. C'est là que les décisions devraient être prises pour être ensuite signalées à Ottawa au lieu que ce soit les décisions d'Ottawa qui sont transmises là-bas. J'espère que c'est dans cette direction que vous allez aller.

Je suis content que vous ayez mentionné le banc Georges. Bien que vous n'ayez pas encore le rapport du groupe de travail de la Nouvelle-Écosse, j'espère que vous recommanderez qu'il n'y ait pas de prospection de pétrole ou de gaz dans le banc Georges et que nous allons agir comme nous cousins américains en imposant un moratoire jusqu'à l'an 2012 comme ils l'ont fait pour la partie du banc Georges qui se trouve de leur côté. J'espère que vous allez pouvoir faire une telle recommandation pour aider le ministre à prendre sa décision lorsque vous aurez obtenu le rapport du groupe de travail de la Nouvelle-Écosse.

Il y a encore quelques autres choses que j'aimerais dire. Vous avez fait une remarque qui m'a beaucoup inquiété; elle s'adressait à mon collègue du Parti réformiste. Vous avez indiqué que le saumon sauvage, je ne veux pas dire que vous le rendez responsable, peut transmettre une maladie ou un virus au saumon d'élevage, ou qu'on a quelques indications de cela. Je suis sûr qu'il y a plus d'un pêcheur commercial de la côte Ouest qui aimerait vraiment vous poser des questions sur le sujet.

• 1010

Le fait est, monsieur, que l'élevage des saumons dans des parcs en filet constitue un gros problème. La Fondation David Suzuki a fait des rapports incroyables et des études extraordinaires qui prouvent sans l'ombre d'un doute que ce système de filets ouverts constitue un problème important pour notre pays. Je trouve un peu dangereux que l'on dise que le poisson sauvage en est responsable. J'espère que le MPO ne va pas généralement rendre responsable les stocks sauvages des maladies lorsqu'elles arrivent dans les stocks d'élevage.

Je vois aussi un problème pour la pêche au krill. Le ministre a interdit cette pêche dans la baie de Fundy pour cette année et il a indiqué qu'il allait réviser cette décision annuellement. Au fur et à mesure que la pisciculture prendra de l'expansion, la demande d'aliments pour le poisson augmentera et le krill coûte moins cher. Si nous autorisons d'une façon quelconque la pêche au krill pour l'alimentation de l'industrie salmonicole, ce sera tout à fait désastreux pour les pêcheurs commerciaux de tout le pays et des autres régions.

Pour ce que M. Cummins a dit également, j'espère que vous allez prendre conseil auprès d'autres pays et accepter leurs preuves, la Norvège notamment qui a dépensé des centaines de millions de dollars à rectifier les erreurs de la salmoniculture. Il serait prudent de votre part et de la part du ministère de rester en relation avec eux et de travailler avec les gouvernements provinciaux en matière de réglementation.

Comme l'a dit M. Bernier, je ne vois pas d'inconvénient à intervenir sur la réglementation provinciale lorsqu'il s'agit de l'environnement, mais je sais que le Bloc québécois pourrait ne pas accepter une telle chose. J'estime cependant qu'il vous revient de travailler en étroite collaboration avec les divers ministères provinciaux des pêches qui sont touchés par cela afin d'arriver à des solutions à long terme.

Ma dernière question concerne la mousse irlandaise. Va-t-elle relever de l'aquaculture? Si vous ne pouvez y répondre maintenant, ce n'est pas grave, mais c'est un problème à l'Île-du-Prince- Édouard. Est-il possible de semer de la mousse irlandaise de façon écologique afin qu'il y ait aussi une industrie dans ce secteur?

Je vous remercie, monsieur le président. J'ai d'autres questions que je poserai plus tard.

M. Wayne Easter: Mais il est clair qu'il ne veut pas de réponses, monsieur le président.

M. Peter Stoffer: J'ai posé des questions. Vous pouvez y répondre. Vous pouvez vous informer et envoyer les réponses plus tard.

M. Yves Bastien: S'il y en a que j'oublie, j'espère que vous me les rappellerez.

Pour votre première partie, je prévois déjà d'avoir des conseils régionaux dans mon bureau. Il y en aura un pour la côte Ouest, un pour la côte Est et un pour le Canada central; je vais donc évidemment m'occuper de cela. Comme vous avez pu le voir dans mon C.V., je viens du Québec, vous pouvez donc être sûr que je vais toujours faire très attention à la législation et à la compétence provinciales.

Il est clair qu'une bonne partie de la législation, du mandat ou de la compétence en matière d'aquaculture relève des provinces. Cela était indiqué clairement dans les protocoles d'entente signés par le gouvernement fédéral et l'ensemble des provinces de 1985 à 1987. Il y en a de plus récents. Dans ces protocoles, il est clairement indiqué qu'une bonne partie de la compétence en matière d'aquaculture est provinciale. Vous pouvez être sûr que je vais maintenir de très bonnes relations avec les provinces et j'ai d'ailleurs commencé. Au cours des prochains mois, je vais rencontrer les responsables provinciaux.

En ce qui concerne les stocks sauvages, je veux m'assurer qu'on ne va pas mal interpréter ce que j'ai dit parce que c'est très souvent le cas. J'ai simplement dit qu'il est possible que les maladies passent des poissons sauvages aux poissons en cages. Je ne suis pas spécialiste du saumon. Je me suis occupé des rivières du Québec, et il n'y a jamais eu de salmoniculture au Québec. L'été, lorsque l'eau des rivières naturelles atteint des températures très élevées—on ne fait d'aquaculture nulle part à ce moment-là—les poissons meurent de la furonculose. Cette maladie existe dans les populations; elle est naturelle. Ces poissons pourraient transmettre la maladie à l'élevage s'il y en avait un dans la baie.

Je dis donc simplement que c'est possible. Je ne dis pas que c'est le cas tout le temps et je ne dis pas non plus qu'il n'y a pas d'autres cas particuliers. Selon certaines preuves, les saumons d'élevage ont transmis des maladies aux poissons sauvages. C'est un problème très important au Canada, j'en conviens. Nous devons y faire face et nous en occuper. J'ai proposé un code de pratique à cet effet et tous ceux qui font de l'aquaculture dans le monde s'orientent dans cette direction.

• 1015

L'industrie, avec le gouvernement, doit mettre au point un code de pratique. Par exemple, si vous voulez faire cesser une incidence qui est très grave, vous préparez des textes de loi pour régir la pratique. Un code de pratique peut venir de deux directions. Il peut venir de la réglementation, mais cela ne donne pas toujours de bons résultats parce qu'il faut avoir un agent qui surveille chaque élevage, et ce n'est pas facile. Le meilleur moyen d'avoir un code de pratique, c'est de le rendre volontaire. Mais comme vous le dites, il faut aussi des règlements pour la mise en oeuvre. Le code de pratique est donc un moyen important de résoudre ces problèmes, et je suis tout à fait prêt à travailler avec l'industrie à ce sujet. Je dirais que l'industrie est prête à aller dans ce sens parce qu'elle n'a aucun intérêt à polluer le milieu. Les pressions qu'elle subirait seraient si fortes qu'elle péricliterait.

Je vais vous donner un exemple norvégien. Lorsque j'ai visité la Norvège en 1983, nous sommes allés dans une entreprise piscicole située dans un fjord très étroit. On avait des problèmes et on ne savait pas d'où ils venaient. Lorsque je suis arrivé, on avait trouvé la raison. Le problème était que l'eau ne se renouvelait pas assez dans le fjord. La communication entre l'océan et le fjord n'était pas suffisante. La nourriture qui n'était pas absorbée et les déchets des animaux s'accumulaient sous les cages. Mais le gouvernement n'a pas ordonné aux éleveurs d'arrêter. Les éleveurs ont décidé d'arrêter leur production à cet endroit parce qu'ils le polluaient eux-mêmes et que l'exploitation n'était pas rentable. Pour l'éleveur donc, il n'a aucun avantage à adopter des pratiques qui vont polluer l'environnement et l'eau. C'est une chose.

Pour ce qui est du krill, l'industrie mondiale de l'aquaculture est en train de remplacer une partie des aliments qui sont donnés aux poissons d'élevage par d'autres protéines. Je pense que c'est un domaine auquel s'intéressera beaucoup la recherche dans l'avenir car si on essaie de se projeter quelques années plus tard, on peut voir que l'industrie devra réduire au maximum ses coûts. Si la R-D permet d'obtenir des produits de remplacement, l'industrie les adoptera car le coût de production le plus important en pisciculture est le coût des aliments.

L'industrie va certainement s'occuper de ce problème. C'est une chose que l'on peut voir dans d'autres secteurs comme l'agriculture où il existe parfois des produits de remplacement et les travaux de recherche sur les aliments sont très importants si l'on veut réduire le coût de l'alimentation.

Le président: Merci.

Je vais maintenant passer à M. Easter.

M. Wayne Easter: Merci, monsieur le président.

Monsieur Bastien, je vous souhaite la bienvenue au comité en votre qualité de commissaire à l'aquaculture.

Nous avons une très grosse industrie de l'aquaculture à l'Île- du-Prince-Édouard; nous faisons notamment de la mytiliculture et il y a un potentiel énorme pour l'oestréiculture—il s'agit essentiellement de conchyliculture et un peu de pisciculture—mais ce sont pratiquement tous des élevages enclos dans les terres et non des cages comme c'est le cas dans la baie de Fundy et en Colombie-Britannique. À mon avis, c'est une industrie qui a un potentiel incroyable.

À ce que j'ai pu voir, à mes débuts comme député, lorsque nous sommes allés trouver le MPO pour lui soumettre les graves problèmes de l'industrie, on lui accordait si peu d'importance au ministère qu'on pourrait dire qu'elle n'existait pratiquement pas. Il y a un conflit au ministère, et je pense que John y a fait allusion, puisque l'on a d'une part un ministère qui a été créé pour réglementer en gros la pêche sauvage dans les océans et dans les eaux intérieures alors que dans le secteur de l'aquaculture on a une industrie qui est un élevage intensif de poisson, élevage qui ressemble beaucoup à l'agriculture, où la densité de la population est très élevée, où l'on utilise des antibiotiques, des aliments, et où on s'occupe de nutrition, de santé, etc.

• 1020

Je suis heureux de voir qu'il y a maintenant quelqu'un au ministère qui pourra prendre les choses en main. Mais certaines de vos remarques me font réfléchir. Le gouvernement a annoncé une stratégie fédérale de développement de l'aquaculture. Ce n'est pas le document dont parlait Gary plus tôt, qui est un document interne libéral. Mais la stratégie fédérale de développement de l'aquaculture a été annoncée je crois en 1996 et elle est l'aboutissement de consultations nombreuses sur plusieurs années avec des représentants de l'industrie de l'aquaculture et des pêches traditionnelles. Est-ce cette stratégie que vous allez suivre? Vos remarques font que je me demande si vous n'êtes pas en train de mettre au point une nouvelle stratégie. J'ai besoin d'une réponse à ce sujet.

Deuxièmement, et je terminerai là-dessus, je pense que John Cummins a soulevé des questions judicieuses dans deux domaines. Il y a un conflit important entre les pêcheurs traditionnels et ceux qui font de la pisciculture et de la conchyliculture dans deux domaines importants: d'une part, les répercussions sur la santé du poisson dans les deux secteurs et l'avenir à long terme des deux secteurs; et d'autre part, les répercussions sur les prix lorsque le marché sera inondé de poissons d'élevage.

L'expérience chilienne le montre bien. Si du saumon arrive, ou même si vous élevez du saumon au Canada dans des entreprises piscicoles, et que vous le mettez sur le marché, alors évidemment si vous inondez le marché vous allez avoir un problème de prix. Cela touche également les pêcheurs.

Ce qui m'inquiète—et vos réponses semblent aller un peu à l'encontre des pêcheurs traditionnels—c'est de savoir comment vous envisagez d'assumer le rôle qui consiste à rapprocher ces deux secteurs afin qu'ils puissent discuter ensemble et agir ensemble à l'avenir?

M. Yves Bastien: Je répondrai à votre dernière question d'abord. Je ne me souviens plus de vos premières questions, mais nous y reviendrons plus tard.

Je dois vous dire qu'en 1997, j'ai fait un exposé au premier symposium international sur la mise en valeur des stocks de poisson et sur le pacage marin, et à cette occasion, 24 pays ont présenté des résultats à ce sujet.

Il me semble que l'on fait une erreur au Canada en ayant un conflit entre ces deux secteurs, car il ne s'agit pas en fait d'un conflit. Ils travaillent dans le même milieu naturel; ils produisent le même genre de poissons. Je veux bien admettre que l'objectif du pêcheur est d'attraper le poisson, de le tuer et de l'amener sur le marché alors que pour l'aquiculteur, qui travaille dans une entreprise intensive, il s'agit de maintenir l'animal en vie le plus longtemps possible. Ce sont deux choses différentes. Mais lorsque je parle de pacage marin, je ne fais pas de distinction. Les pratiques d'aquaculture sont utilisées pour permettre aux pêcheurs de continuer à pêcher. Et comme je l'ai dit, 24 pays ont présenté des résultats.

Je vous ai parlé du Japon, mais de nombreux autres pays font la même chose. La Nouvelle-Zélande impose une taxe à l'industrie de la pêche aux pétoncles et avec cette taxe elle ensemence les fonds marins. C'est une pratique très simple.

Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de conflit ailleurs dans le monde, mais si vous changez votre vision... et c'est possible. Même dans la vision actuelle du ministère, on parle d'océans productifs. C'est une simple question d'attitude.

• 1025

M. Wayne Easter: Je suis d'accord jusqu'à un certain point avec ce que vous dites. Le problème c'est que nous n'irons nulle part si, en tant que représentant de l'aquaculture, vous adoptez une position pour votre discussion—lorsque j'écoute John et que je vous écoute, je constate que vous êtes chacun sûr de votre fait—et l'industrie ne va aller nulle part de cette façon. Il nous faut arriver en quelque sorte à étudier toutes les preuves qui existent et montrer sans l'ombre d'un doute que les deux industries peuvent aller de l'avant ensemble. Si cela veut dire que pour finir, la salmoniculture en cages pose un problème quelque part, qu'il faille déplacer cet élevage à l'intérieur des terres ou autre chose, qu'il en soit ainsi. Il nous faut appuyer nos décisions sur des faits. J'ai vu ce conflit au sein du ministère.

Je crois personnellement que l'aquaculture a un potentiel énorme tant pour la pisciculture que la conchyculture, mais nous ne pourrons jamais réaliser ce potentiel si nous n'arrivons pas à rapprocher les pêcheurs traditionnels et ceux qui font de la pisciculture pour qu'ils aillent de l'avant ensemble. On n'y parviendra pas en disant: j'ai raison, vous avez tort. Il faudra en quelque sorte étayer nos preuves.

En ce qui concerne les points soulevés par la Norvège, je n'ai pas la réponse, mais j'aimerais qu'on me prouve qu'il n'y a pas de problème pour que je puisse expliquer aux pêcheurs les raisons qui font que ce n'est pas un problème. C'est dans cette direction que nous devons aller.

Je ne fais que parler de ce que j'ai entendu ici aujourd'hui, monsieur le président.

Il y a un autre problème que je juge important et qui m'inquiète beaucoup, c'est ce qui se passe au comité de l'environnement sur le sujet de l'aquaculture. C'est un autre problème qu'il va nous falloir résoudre en donnant des preuves et non en faisant des suppositions.

Le président: Merci, Wayne, et...

M. Yves Bastien: Je suis essentiellement d'accord avec vos dernières remarques.

J'aimerais avoir l'occasion d'en dire quelques mots, monsieur le président.

Le président: En tant que président, j'aimerais faire moi-même une remarque maintenant.

John, je suis sûr que vous et Gary avez fait valoir vos arguments avec autant de force que les témoins qui ont comparu devant le comité sur la côte Ouest. Venant de l'Atlantique, j'ai été stupéfait d'apprendre que le poisson qu'on utilise dans les élevages de la côte Ouest est essentiellement du saumon de l'Atlantique. John, je ne sais si on l'a expliqué à tous les membres du comité—et la composition du comité a quelque peu changé—que les pêcheurs de la côte Ouest s'inquiètent énormément de ce que les phoques et d'autres facteurs à l'occasion renversent les cages et que ces saumons de l'Atlantique deviennent maintenant une espèce sauvage sur la côte Ouest. Vous êtes sans doute nombreux à le savoir, mais un autre membre du comité ou John voudrait peut- être avoir une réponse brève à cette question. Je crois que c'est un problème plus vaste que le simple fait d'avoir la même espèce dans le même milieu.

M. John Cummins: En plus de cela, pour confirmer ce que vous dites, dans le rapport de mise en oeuvre des mesures de conservation et de protection sur la côte sud de la Colombie- Britannique du 27 juillet au 2 août 1998, pour la région de Port Alberni, on indique que les navires de surveillance des pêches ont trouvé en moyenne deux saumons de l'Atlantique par bateau ou davantage. Les pêcheurs sportifs attrapent aussi des saumons de l'Atlantique. Et on a bien sûr maintenant des preuves documentaires que ces poissons frayent maintenant dans les rivières de la côte Ouest. C'est un problème énorme.

Le président: Bill, voulez-vous accorder une minute au président pour qu'il obtienne une réponse à cette question.

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Certainement.

Le président: La principale inquiétude qui a été exprimée dans cette région était d'avoir des espèces non indigènes qui évoluaient dans le secteur avec celles qui en sont originaires. Yves, pouvez- vous donner une réponse brève au comité concernant ce problème?

M. Yves Bastien: J'ai lu quelques rapports sur le sujet et je ne pense pas que l'on ait des preuves que le saumon de l'Atlantique est implanté sur la côte Ouest. J'aimerais préciser que pendant un certain temps, on a fait de gros efforts, avec l'appui des deux ordres de gouvernement, pour introduire le saumon de l'Atlantique en Colombie-Britannique. On a introduit ce poisson systématiquement dans les rivières, on a procédé à l'ensemencement pour établir des populations de saumon de l'Atlantique dans les rivières. On n'y est jamais parvenu. Et cela après avoir essayé pendant de nombreuses années de le faire avec des millions de poissons.

• 1030

On parle actuellement de poissons qui se sont échappés. Je ne veux pas dire par là qu'on ne va pas trouver de temps à autre un saumon de l'Atlantique dans une rivière de la côte Ouest. On peut trouver ici et là un nid. Mais pour ce qui est de dire que le saumon de l'Atlantique s'est implanté sur la côte Ouest, j'ai vu beaucoup de preuves, qui me font croire que cela ne se fera pas. Je suis spécialiste du saumon de l'Atlantique et je sais qu'il n'a pas réussi à survivre à la concurrence sur la côte Ouest. Les biologistes du gouvernement et des services des pêches ont essayé d'introduire le saumon de l'Atlantique sur la côte Ouest pendant des années et ils n'y sont jamais parvenus.

M. John Cummins: À titre d'information, monsieur le président, je tiens à dire qu'on a constaté sur la côte Ouest que des saumons de l'Atlantique se sont échappés des cages et ont frayé. Cela a été prouvé. C'est un fait.

M. Peter Stoffer: Les responsables provinciaux des pêches l'ont dit catégoriquement. Les preuves sont tout à fait...

M. John Cummins: La question s'est encore posée l'été dernier et c'est maintenant un fait scientifique avéré.

M. Yves Bastien: J'aimerais pouvoir me référer au document et étudier ces preuves.

M. John Cummins: Vous avez dit que vous étiez spécialiste en la matière.

M. Yves Bastien: Oui, mais je suis spécialiste de la concurrence entre les espèces. Je travaille dans ce domaine. Je dis qu'il y a une différence entre deux poissons qui frayent et une population qui est établie dans une rivière. Il y a là une grande différence.

Le président: Bill, de Terre-Neuve.

M. Bill Matthews: Merci, monsieur le président.

Le président: Ce pourrait être des truites de Terre-Neuve.

M. Bill Matthews: Du menu fretin.

La plupart de mes questions ont déjà été traitées, monsieur le président. J'aimerais simplement souhaiter la bienvenue à M. Bastien parmi nous et lui dire que je m'intéresse beaucoup à l'aquaculture parce que sur la côte sud de Terre-Neuve, que je représente, cette industrie est en pleine évolution. Notre emplacement est idéal; le milieu aquatique est idéal. Nous ne sommes pas pris dans les glaces et nous pouvons, je crois, avoir une industrie assez importante. Mais nous avons eu des poussées de croissance assez douloureuses.

Vous avez parlé de désigner des sites pour l'aquaculture. De qui cela relève-t-il? Du MPO ou des pêches provinciales? Je pose cette question parce que vous avez mentionné l'importance du renouvellement de l'eau dans ces endroits pour réduire ou éviter une pollution éventuelle. Qui est responsable de la désignation des sites? Pouvez-vous répondre à cela?

M. Yves Bastien: Je dirais que c'est une responsabilité commune. Mais pour les provinces responsables de la délivrance des permis, certaines ont prévu des audiences publiques pour la sélection des sites et cette opération est menée par les provinces. Cela dépend donc de chaque province. Mais en général, je dirais que pour prévoir un moyen d'entendre l'opinion de tous les usagers, cela relève davantage de la compétence provinciale.

Pour ce qui est de contrôle ou d'évaluer la situation générale d'un site afin de savoir s'il convient à l'aquaculture et de voir quelles seraient les répercussions, par exemple, le ministère fédéral a certainement un mandat lorsqu'il s'agit de sciences et d'habitat. Les compétences sont nombreuses, mais le MPO dispose d'une législation qui s'applique partout au Canada afin de protéger l'habitat. Il s'agit d'opérations communes. Mais pour les audiences publiques ou l'évaluation d'un site, il me semble que dans la plupart des cas cela serait coordonné par la province.

M. Bill Matthews: Je vous remercie pour cette réponse.

Vous indiquez qu'il y a tellement de compétences communes que cela m'inquiète. L'inspection et la désignation des sites sont d'importance primordiale pour les facteurs environnementaux tels que le renouvellement de l'eau qui conserverait le site en bon état écologique. Je crains que parce que les responsabilités sont tellement partagées entre les deux ordres de gouvernement, l'un s'attende à ce que l'autre agisse et que l'on aille au devant de problèmes de ce fait. Je ne sais si c'est un problème que vous souhaitez éclaircir avec les provinces. Lorsque nous nous adressons aux provinces, elles disent que c'est la responsabilité du MPO; lorsque nous nous adressons au MPO, on nous dit que c'est la responsabilité des provinces. En conséquence, nous avons un gros problème; tout le monde s'esquive.

La dérobade est un gros problème qui est lié à ce à quoi fait allusion mon collègue du Parti réformiste. Est-ce le ministère ou la province qui est responsable de prendre les mesures voulues pour éviter cette dérobade? Nous devons lutter pour éliminer ce problème pour que ne se produise pas ce à quoi ont fait allusion certains membres.

• 1035

Que pensez-vous de la dérobade et des mesures qui l'entourent? Estimez-vous que ces mesures sont tout à fait efficaces maintenant, ou y a-t-il des faiblesses dans le système? Lorsqu'il est question de transmission de maladies et de mélange des stocks, la dérobade est certainement un facteur important. Pouvez-vous calmer mon inquiétude à cet égard?

M. Yves Bastien: Comme je l'ai déjà dit, je crois qu'un système de zonage est très important pour le Canada. Comme vous, j'estime qu'il y a un problème de cadre juridique au Canada pour l'aquaculture. Je l'ai mentionné et il a été cité par toutes les parties intéressées du Canada, par les provinces, par le gouvernement fédéral.

Le cadre juridique pour l'aquaculture au Canada n'est pas très bien défini et il est nécessaire d'en préparer un nouveau. Comme vous, j'admets que les choses ne sont pas toujours très claires maintenant et que cela dépend de la province où l'on se trouve, qu'il y a une différence et que la différence peut être totale dans certains cas. Au ministère, nous avons commencé à envisager la possibilité d'avoir des rencontres fédérales-provinciales plus régulières sur le sujet car on a vraiment besoin d'un nouveau cadre juridique. Je crois que tout le monde est d'accord sur le principe au Canada, mais la création d'un nouveau cadre juridique n'est pas toujours tâche facile.

Le rôle que je pense devoir jouer à cet égard est un rôle de conseil et peut-être de coordination, mais la première chose à faire pour créer un nouveau cadre juridique, c'est d'obtenir l'approbation du gouvernement. Il nous faut préparer des documents justificatifs pour soumettre la question au Parlement, aux députés, afin d'obtenir l'autorisation de travailler à ce nouveau cadre. Après cela, il y a beaucoup de gens qui peuvent s'en occuper, du ministère de la Justice à celui des Pêches. Je peux y prendre part en confiant à contrat le travail de conception de certains éléments du nouveau cadre juridique, mais nous devons convaincre le gouvernement que cela est nécessaire d'abord. C'est la première étape et je vais certainement oeuvrer dans ce sens.

M. Bill Matthews: Nous pouvons prendre des leçons auprès d'autres pays. On me dit que l'aquaculture est la deuxième industrie en Norvège après le pétrole et le gaz. C'est énorme si c'est vrai. Tout me porte à croire que l'aquaculture a effectivement fleuri en Norvège.

John a parlé de tirer des leçons des expériences négatives des autres pays en ce qui concerne les rivières, la pollution et tout le reste. Voyez-vous des expériences positives dont nous puissions tirer des leçons ailleurs, comme en Norvège, pour pouvoir les mettre en oeuvre au Canada et ainsi faire progresser notre industrie de l'aquaculture pour d'autres espèces? Dans la circonscription que je représente maintenant, nous élevons la truite arc-en-ciel, les moules, les pétoncles, etc. Voyez-vous des possibilités pour le flétan et d'autres espèces du même genre dans la région de la province où j'habite?

M. Yves Bastien: Il y a certainement un potentiel. Je dirais que nous entamons une révolution alimentaire avec le prochain millénaire. Ce n'est qu'un début. La FAO prévoit une pénurie de 55 millions de tonnes de poisson dans le monde en 2025, même si l'aquaculture continue au rythme prévu. La possibilité est donc vraiment très grande. Il s'agit d'un nouveau secteur de production alimentaire et il va croître, j'en suis certain. Nous n'avons pas le choix.

Actuellement, l'aquaculture représente 21 p. 100 des prises canadiennes. Elle n'est pas un acteur secondaire; elle constitue un acteur important. La part canadienne des prises marines est passé de 5 p. 100 en 1950 à 1 p. 100 en 1996. En 1995-1996, la production canadienne est descendue en dessous du million de tonnes pour la première fois. Il y a donc là une possibilité, une occasion.

Actuellement, il est difficile de voir comment les choses vont évoluer, mais l'élevage du flétan est certainement possible. Il y a beaucoup de recherche qui se fait dans le monde et au Canada sur cette espèce. Ce que l'on recherche, c'est une espèce qui soit rentable; c'est là le problème. Il faut trouver une espèce pour laquelle on paie un bon prix par rapport aux coûts de production. Avec certaines espèces, ce n'est pas possible. Par exemple, cela a été difficile avec la morue parce que le prix de la morue n'a jamais grimpé. C'est mieux maintenant dans certains cas, lorsqu'on trouve de bons créneaux sur le marché, mais nous ne sommes pas encore arrivés au point de pouvoir encourager une grosse industrie. Mais je pense qu'il y a une possibilité pour l'élevage de la morue et cela va évoluer.

• 1040

M. Bill Matthews: Cela relève-t-il de vous?

M. Yves Bastien: Qu'entendez-vous par «de moi»?

M. Bill Matthews: Actuellement, il y a des pêcheurs qui attrapent de la morue. Ils gardent les petites morues, les nourrissent et elles grossissent. Ils peuvent ainsi surveiller ces poissons et les vendre lorsqu'ils ont atteint un poids où il est rentable de le faire. Ce genre d'opération relève-t-il également de votre compétence?

M. Yves Bastien: Je pense que c'est un très bon exemple. Je crois que c'est de l'aquaculture.

M. Bill Matthews: Oui, mais il s'agit de poissons sauvages.

M. Yves Bastien: Oui, mais cela se fait dans une entreprise d'aquaculture.

M. Bill Matthews: Oui, mais je vous posais la question pour être sûr. Je suis certain que tout le monde ne sait pas que cela se fait actuellement et je voulais simplement vérifier le lien.

M. Yves Bastien: Pour moi, c'est un bon exemple de lien entre le secteur des pêches et l'aquaculture. Au lieu d'attendre que l'océan leur donne du poisson à pêcher, ils attrapent les petits poissons et les élèvent. Mais la morue pose un problème car il coûte très cher d'attraper les jeunes poissons. De nombreux travaux de recherche sont en cours pour la production de morue en écloseries. Mais cela coûte cher car le taux de survie n'est pas aussi bon qu'il pourrait être. À l'heure actuelle, on a pour habitude d'attraper les petites morues dans des trappes à morue. C'est une entreprise rentable parce qu'elles grandissent très vite dans les parcs marins. Vous avez un produit commercialisable au bout de six mois.

Le président: Je vois des mains qui se lèvent un peu partout. Beaucoup de gens ont des questions. Je vais passer à John, j'imagine, et ensuite nous allons continuer en descendant dans les rangs. Mais je vais pour commencer vous poser une question. Peut- être que j'ai mal compris, mais il me semble que vous avez dit que la part du Canada pour les prises marines était descendue en dessous de 1 p. 100.

M. Yves Bastien: D'après les chiffres que j'ai, nous sommes arrivés à 1 p. 100 en 1995. En 1950, nous étions à 5 p. 100. La courbe ne fait que fléchir.

Le président: Pouvez-vous l'expliquer? Est-ce de la pêche mondiale dont vous parlez?

M. Yves Bastien: Oui, je parle des prises mondiales pour les espèces marines.

Le président: Donc sur l'ensemble des pays du monde, la part du Canada, qui était à 5 p. 100 de l'ensemble des prises, est maintenant inférieure à 1 p. 100.

M. Yves Bastien: Oui.

Le président: C'est une statistique très surprenante et je n'étais pas sûr que les membres du comité l'avaient relevée.

M. Yves Bastien: Elle m'a été donnée par le MPO.

M. Wayne Easter: Elle doit donc être juste.

Des voix: Oh, oh!

Le président: John, avez-vous quelque chose à demander?

M. John Cummins: Oui.

Tout d'abord, je n'attends pas une réponse ce matin, mais j'aimerais que vous donniez au comité un exemple d'une maladie qui a été transmise par le poisson sauvage au poisson en cage.

J'aimerais revenir maintenant à votre déclaration selon laquelle la salmoniculture a en quelque sorte allégé les pressions que subissaient les stocks sauvages. Dans un article qui est sorti l'automne dernier dans le journal Science, Rebecca Goldberg, biologiste de l'Environmental Defence Fund (le fonds de défense de l'environnement), estime que la salmoniculture ne devrait pas être favorisée par les gouvernements pour alléger les pressions que subissent les stocks sauvages. Elle indique dans cet article qu'il faut environ trois livres de petits poissons sauvages pour produire une livre de saumon en cage. Autrement dit, on pense que les salmoniculteurs du monde entier ont donné en pâture à leurs poissons 1,8 million de tonnes de poissons sauvages pour récolter simplement 644 000 tonnes de saumon. Les poissons qu'ils prennent pour nourrir leurs élevages sont des harengs et autres qui, s'ils avaient pu arriver à maturité, auraient été une source d'alimentation précieuse pour de nombreuses personnes.

Vous parlez d'une pénurie de poisson. Je vous dirais qu'il y aura une pénurie de poisson très bientôt, et elle pourrait avoir des répercussions sur le marché de la farine de poisson avant d'avoir des répercussions ailleurs. Ne pensez-vous pas que l'on ne peut pas continuer à exploiter les océans pour obtenir de la farine de poisson sans courir tôt ou tard le risque de voir le filon s'épuiser?

M. Yves Bastien: Je vous répondrai qu'il s'agit d'une question de marché. Si les flottes mondiales pêchent des poissons qui serviront à faire de la farine, et si cette farine va à l'industrie de la salmoniculture, c'est parce que le marché existe et parce qu'on leur offre un meilleur prix. Lorsque vous élevez un gros prédateur, c'est le cas; je suis d'accord avec vous. Vous avez besoin de beaucoup d'autres poissons pour alimenter ces animaux en protéines. C'est une question de marché.

• 1045

Il y a deux types de demandes différentes dans le monde. L'une est une demande de protéine de poissons pour les pays en développement, les pays asiatiques notamment, et il y a une demande pour ce que l'on appelle les produits «nappe blanche» pour les restaurants. Il existe une demande et ces animaux sont nourris par de la farine de poisson qui vient de l'océan.

Mais je crois que dans quelques années cela va évoluer. Il y a déjà une étude en cours pour introduire d'autres protéines, comme le canola ou le soja, dans les aliments du saumon. Cela va évoluer. Je suis d'accord pour dire qu'à l'heure actuelle cela représente un gros investissement pour la salmoniculture, mais c'est une question de demande du marché. Si on attrape le hareng pour en faire de la farine de poisson, on en obtient un bon prix et c'est ce que veut la demande du marché.

M. John Cummins: Pour ce qui est de la demande du marché, d'après ce que vous dites, je peux conclure que dans le détroit de Géorgie en Colombie-Britannique, il y a une demande du marché pour les oeufs de hareng et qu'on devrait donc simplement récolter les oeufs de hareng indéfiniment, quelle importance! pour donner du hareng à manger au saumon. C'est la conclusion logique.

M. Yves Bastien: Je vous suggérerais d'avoir plutôt recours à l'aquaculture. Au lieu de tuer le poisson, vous pourriez produire des oeufs de hareng.

M. John Cummins: Justement, vous le faites avec l'aquaculture. Pour chaque livre de poisson comestible que vous produisez grâce à l'aquaculture, il faut trois livres de petits poissons.

M. Yves Bastien: Non, ce n'est pas ce que je voulais vous dire. Je voulais vous donner un exemple de ce que fait l'aquaculture. On peut produire des oeufs de hareng sur du varech en faisant pondre les harengs dans des réservoirs d'aquaculture. C'est une chose qui se fait sur la côte Ouest et cela montre comment l'aquaculture peut parfois sauver les animaux.

Vous faites deux choses en même temps. Au lieu de tuer le hareng et de prendre les oeufs, vous produisez...

M. John Cummins: Il y a là deux produits. Il y a d'une part les oeufs sur le varech et d'autre part les oeufs tout simplement. Ce sont deux produits différents. C'est comme une barre de Oh Henry et une de KitKat.

Il y a une autre question importante que nous avons à peine abordée, c'est celle de la pollution. On estime que les élevages de saumon en Norvège uniquement produisent dans leurs fèces des nutriments qui correspondent aux effluents d'une ville d'au moins 1,7 million d'habitants. En 1992, les chercheurs de l'Université de Stockholm ont fait valoir que cette salmoniculture dans les parcs en filet coûtait très cher à l'écosystème naturel.

Dans l'État de Washington, la commission d'enquête sur le contrôle de la pollution a conclu que le saumon de l'Atlantique était un polluant biologique aux termes de la législation sur l'assainissement de l'eau. Les responsables de l'environnement du Maine admettent que la pollution due à la salmoniculture constitue un problème grave.

Il y a un gros problème de pollution également que posent ces entreprises salmonicoles. Quels genres de mesures allez-vous prendre pour faire en sorte que ce problème ne prenne pas d'ampleur?

M. Yves Bastien: J'essaierai de m'asseoir à la même table que tous les intéressés, y compris ceux de l'environnement. Je ne suis pas sûr d'y parvenir, mais je suis prêt à le faire et je vais essayer. Je vais tenter ma chance.

Pour les nutriments, je dois dire que le MPO a étudié la question de très près et des travaux scientifiques réalisés montrent que l'importance des nutriments qui arrivent dans le milieu marin du fait des aliments qui ne sont pas absorbés par les poissons n'est pas un problème grave.

M. John Cummins: Il vous faut comprendre que le mandat constitutionnel du MPO consiste à protéger et à gérer les stocks de poisson sauvage. Je vois une réelle contradiction dans votre attitude de ce matin avec ce mandat constitutionnel du ministère des Pêches et des Océans. Je tiens à ce que vous le sachiez.

• 1050

Le président: Merci, John.

Nous étudions la nomination d'une personne qui doit s'occuper de ce secteur et je pense que pour être juste avec tout le monde, nous devrions... Peut-être que j'ai tort de penser que vous et votre parti adoptez une certaine position, mais on pourrait croire que vous êtes contre l'aquaculture, pour son interdiction.

M. John Cummins: Non.

Le président: Je me demande si les autres membres ont la même impression.

M. John Cummins: Non, là n'est pas la question.

Le président: Je crois que si vous vouliez bien préciser la chose à l'intention des membres du comité, ce pourrait être utile.

M. John Cummins: Non, mon objectif n'est pas d'interdire l'aquaculture. Nous lui sommes tout à fait favorables. Je pense que la conchyliculture et le reste se portent bien en Colombie- Britannique. C'est une industrie saine. C'est une industrie propre qui fonctionne bien. Il y a de gros problèmes avec les élevages de poisson dans les parcs en filet de Colombie-Britannique—de gros problèmes. Il y a de gros problèmes dans le monde entier. L'objectif des questions que j'ai posées ce matin est de voir quelle est l'attitude du commissaire face à ces problèmes. Et je dois dire que son attitude ne me semble guère encourageante. Ces problèmes doivent être résolus si l'on veut protéger les stocks sauvages. Je ne suis pas convaincu que le commissaire veuille vraiment le faire. C'est ce qui m'inquiète, monsieur le président.

Le président: Nous sommes heureux que vous ayez précisé la position de votre parti.

Je vais maintenant passer au Bloc et ensuite je crois que Wayne a des choses à dire.

[Français]

M. Yvan Bernier: Monsieur le président, j'essaierai d'être bref. Je suis heureux que vous ayez posé de nouveau cette question à mon ami John parce que je ne comprenais pas très bien où il s'en allait ce matin. Je ne savais pas s'il était pour ou contre l'aquaculture. Pour ma part, j'ai avoué en partant que je connaissais peu de chose sur l'aquaculture.

Pour clore cet épisode, j'aimerais dire que j'ai apprécié la recherche de vérité de M. Easter, qui a parlé des positions tranchées de M. Bastien et de John, et a dit qu'il fallait trouver un terrain d'entente. Je soulignerai en passant que j'aimerais qu'on ait cette même attitude dans la recherche d'autres modes de gestion, par exemple dans le cas de la problématique du poisson de fond.

Puisque mes connaissances sont plutôt limitées, j'apprécierais que M. Bastien réponde à nouveau à la question que lui posait M. Matthews au sujet de l'entité responsable de la désignation des sites, soit le fédéral, soit le provincial. Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi sa réponse. Afin de parfaire ma culture, j'aimerais que vous me disiez s'il existe un répertoire des choses connues que nous pourrions transmettre rapidement à nos commettants afin qu'ils puissent en prendre connaissance.

Vous avez aussi dit que trois autres conseillers travailleront avec vous. Est-ce que le fédéral a déjà prévu des sommes en vue d'aider à la structuration de ces entreprises? Sinon, est-ce que vous conseillerez à M. Anderson de le faire? J'aimerais savoir si un tel programme existe puisque la Stratégie de poisson de fond de l'Atlantique tire à sa fin et que je pourrais en informer rapidement mes commettants en Gaspésie.

M. Yves Bastien: Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par «un répertoire de choses connues»? Parlez-vous de faits relatifs à l'aquaculture?

M. Yvan Bernier: Il faudrait enseigner à l'adulte que je suis l'abc de l'aquaculture, à partir de zéro. Est-ce qu'on parle d'élevage de palourdes ou de moules? Quelles espèces élève-t-on en aquaculture? Ma méconnaissance est vraiment profonde. Dans quelles conditions l'aquaculture se pratique-t-elle? J'aimerais m'instruire et instruire par la suite mes pêcheurs, qui sont placés devant rien aujourd'hui et qui pourraient peut-être attraper le virage de l'aquaculture. Que puis-je faire pour les mettre en communication?

M. Yves Bastien: Des plans de développement et des stratégies ont certainement été déposés par la province de Québec, à qui je pourrais demander de vous les faire parvenir. On y identifie les espèces qui représentent un potentiel pour le Québec et des projets qui pourraient être entrepris. Ces plans existent bel et bien et je m'assurerai qu'on vous les transmette.

M. Yvan Bernier: Est-ce que le levier fédéral a prévu un financement pour de tels projets?

M. Yves Bastien: Avant d'accepter le poste de commissaire au développement de l'aquaculture, j'étais directeur général d'un fonds d'investissement en aquaculture en Gaspésie, qui s'appelle la SODIM, qui menait des négociations avec l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec en vue de l'injection de 2 millions de dollars dans le fonds d'investissement.

• 1055

Des sommes sont disponibles au niveau fédéral et, jusqu'à présent, elles ont principalement été investies dans l'aquaculture par l'entremise d'agences telles que l'ACOA, le Secrétariat d'État de la diversification de l'économie de l'Ouest canadien et DEC. Donc, on a effectivement investi de l'argent dans l'aquaculture. La Société du crédit agricole du Canada a également investi dans l'aquaculture au Canada, principalement dans les domaines du saumon et de l'élevage de la moule. Des institutions fédérales fournissent donc déjà un appui financier au développement d'entreprises.

Je voudrais également ajouter que l'honorable Gilbert Normand travaille actuellement à la préparation d'un mémoire qu'il présentera au Cabinet en vue de créer un programme qui comprendra un soutien financier en vue d'aider les entreprises à démarrer et d'appuyer la recherche. Une démarche est donc en cours en ce moment afin d'améliorer cet aspect. Il existe quand même déjà des interventions fédérales et des sommes y ont été affectées.

[Traduction]

Le président: Merci.

Peter.

M. Peter Stoffer: Monsieur Bastien, je dois dire que notre parti, et je suis sûr que je parle pour tous les partis ici présents, serait prêt à travailler avec vous et avec votre service pour garantir le meilleur traitement possible à l'aquaculture et à la pêche traditionnelle qui se fait dans notre pays. Mais je vois trois gros problèmes. L'un est celui des compétences.

Par exemple, je ne suis pas sûr que vous soyez allé à Tatamagouche en Nouvelle-Écosse, mais on veut créer une énorme entreprise de conchyliculture et beaucoup de plaisanciers ne sont pas d'accord...

M. Wayne Easter: Ce n'est pas vrai.

M. Peter Stoffer: C'est ce qu'ils croient. Les faits sont les faits. M. Colwell, le ministre provincial des Pêches, dit que cela relève peut-être de la responsabilité fédérale. Nous avons des notes des fonctionnaires fédéraux qui disent que cela relève peut- être de la responsabilité provinciale. Vous allez devoir vous occuper immédiatement de ce problème de compétence.

Le deuxième problème est celui de la pollution. M. Cummins a tout à fait raison, la pollution provenant de l'aquaculture est, surtout pour la pisciculture, un énorme problème. Dire que l'exploitation forestière cause aussi des problèmes, pour ne pas paraître trop méchant, n'est pas du tout valable. En fait, personne n'accepte une industrie polluante quelle qu'elle soit.

Il y a une question dont on n'a pas encore parlé, monsieur, et c'est de la conférence de Cartagène en Colombie sur la biotechnologie concernant les semences et les graines et ce que je crains... J'ai vu l'autre jour une publicité d'une entreprise de Nouvelle-Écosse qui disait: «Du fretin au marché en 18 mois»—18 mois pour qu'un poisson de fretin devienne vendable sur le marché. Cela m'a fait très peur. Qu'est-ce qu'il y a dans ce poisson pour qu'il pousse si vite, indépendamment de modifier génétiquement le poisson et de le nourrir avec des choses dont on ne connaît pas les effets à long terme sur les consommateurs que nous sommes et sur nos enfants? Je crains fort que ce que l'on donne à ce poisson qui est destiné à la consommation humaine entraîne chez nous ultérieurement de très gros problèmes. Cela m'inquiète beaucoup.

Le président: Vous avez fait votre déclaration.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: Et j'imagine que vous ne mangez pas de poulet frit Kentucky. C'est du poulet qui grandit en 42 jours.

M. Peter Stoffer: C'est la même chose.

Le président: Wayne.

M. Wayne Easter: Merci, monsieur le président.

Je reviens encore une fois, monsieur Bastien, à la première question que j'ai posée concernant votre nomination.

Le gouvernement a beaucoup investi pour mettre au point la stratégie fédérale de développement de l'aquaculture. Est-ce cette stratégie que vous avez l'intention de suivre et d'appliquer ou est-ce que vous envisagez une stratégie d'un autre ordre? Tout peut être sujet à modification, mais pour ce qui est de mettre au point une stratégie, quel genre de système consultatif envisagez-vous de créer pour vous faire conseiller et quelles ressources avez-vous pour faire votre travail de commissaire à l'aquaculture?

M. Yves Bastien: En effet, c'est la partie de la question que j'avais oubliée. Mais je n'ai de toute façon pas eu l'occasion d'y répondre.

Lorsque le MPO préparait et publiait la stratégie, il n'y avait pas de commissaire au développement de l'aquaculture dans le décor. Ce que je veux dire à ce sujet c'est qu'il s'agit d'un document du MPO et je suis donc tenu de le respecter puisque je suis un employé du MPO. Cela ne pose pas de problème. Ce que je veux dire, c'est qu'il a été écrit à une période où l'on ne s'attendait pas du tout à créer ce poste et que c'est pour cela que je suis en train de mettre au point mon propre plan personnel et de travail. Je m'inspirerai certainement de la stratégie, mais je ne ferai pas uniquement ce qui figure dans ce document. Certainement pas.

• 1100

J'ai une autre optique et un autre mandat. Le gouvernement m'a donné pour mandat de favoriser ce secteur et de veiller à ce qu'il atteigne un niveau voulu de développement.

Comme vous le dites, c'est un processus en évolution. Je vais certainement traiter certains problèmes qui sont identifiés dans la stratégie du MPO et dans la stratégie du gouvernement en matière d'aquaculture, mais je suis en train de mettre au point mon propre plan de travail. J'ai un budget de 2 millions de dollars par an pour les trois prochaines années. Une bonne partie de ce budget ira au personnel car j'ai besoin de personnel. Comme je l'ai dit, il y aura des employés régionaux qui me rendront des comptes, mais mon bureau reste réduit pour ce qui est du nombre de personnes qu'il compte.

Je tiens à répéter que je n'ai pas le mandat de tout faire pour l'aquaculture. J'ai pour rôle de conseiller le ministre afin qu'il crée un cadre juridique nouveau, un cadre politique nouveau au Canada pour veiller à ce que nous prenions en compte tous les problèmes. J'aimerais revenir maintenant à la question de l'environnement.

Je veux être sûr que vous m'avez bien compris. Je m'inquiète de l'incidence de l'aquaculture sur l'environnement et ce sera toujours le cas. Je me contente de dire que nous pouvons saisir cette occasion qui se présente au Canada de lancer cette industrie et d'en faire un exemple de ce qui peut être le développement durable. C'est une nouvelle industrie. Lorsque je la compare à l'exploitation forestière, je veux simplement dire qu'il faut être juste et qu'il faut donner à cette industrie la possibilité de devenir un modèle de développement durable. Je ne dis pas qu'elle n'a pas d'incidence. J'ai des inquiétudes et je vais certainement m'en occuper tandis que je suis à ce poste.

Le président: Monsieur Bastien, je tiens à vous remercier d'être venu devant le comité ce matin. Je ne crois pas que vous ayez eu le choix, mais nous vous sommes certainement reconnaissants d'être venu et d'avoir fait un excellent exposé.

En tant que Canadiens, nous devons reconnaître que les eaux de notre pays sont l'un de nos grands atouts. Nous devons admettre que notre pays semble avoir perdu une part importante des marchés mondiaux pour ce qui est du poisson que nous pouvons offrir sur ces marchés. Nous devons reconnaître aussi la géométrie de l'explosion démographique et la demande de protéines qui se fera sentir à l'avenir. Ceci étant, je crois que quelqu'un a reconnu la nécessité de créer des protéines à partir d'autres sources naturelles.

La séance de la matinée a été intéressante. Je sais que nous pourrions consacrer encore quelques jours au sujet. Je suis sûr que le comité sera heureux de recevoir des rapports. Vous ne m'avez pas répondu lorsque je vous ai demandé avec quelle fréquence vous deviez rendre des comptes au ministre et au Parlement—au public—en ce qui concerne votre travail.

Nous sommes impressionnés. J'espère que la plupart des membres du comité sont impressionnés au point de pouvoir dire dans un dixième rapport au Parlement que le comité a étudié la nomination par décret d'Yves Bastien au poste de commissaire au développement de l'aquaculture, qui nous a été soumise le lundi 1er février 1999 conformément à l'article 111 du Règlement et au document parlementaire 854036110, que le comité a examiné vos qualifications et vous trouve apte à assumer les fonctions de votre emploi. Le procès-verbal de la réunion sera dûment enregistré au Parlement et je le soumettrai au président du comité permanent.

Y a-t-il des membres du comité qui s'opposent à ce que je présente ce rapport?

M. John Cummins: Je dépose un avis de motion, monsieur le président. La motion sera ainsi libellée: le comité informe le ministre qu'il a des inquiétudes quant à la nomination de Yves Bastien comme commissaire à l'aquaculture. Les opinions de M. Bastien sur la protection des stocks de poisson sauvage et de l'habitat du poisson ne sont pas conformes au mandat constitutionnel du MPO qui consiste à protéger et gérer les stocks de poisson sauvage.

Le président: Je pense que cet avis de motion devra venir après notre décision concernant l'aptitude de M. Bastien.

Je demanderais à ceux qui estiment qu'il est apte à assumer son poste de lever la main.

• 1105

M. Peter Stoffer: Y a-t-il des remarques ou des questions?

M. John Cummins: Il y a conflit entre votre motion et la mienne.

Le président: En effet, mais j'imagine que vous pouvez présenter un document au Parlement indiquant que vous et votre parti n'êtes pas satisfaits de cette nomination.

M. John Cummins: Je pense que ses remarques de ce matin suffisent pour que je me sente obligé de présenter cette motion. Voilà ce que je voulais dire.

Le président: En ma qualité de président je pense que nous devons d'abord trancher et dire si nous pensons qu'il est apte ou non. Si votre opinion est minoritaire, nous agirons en fonction de cela. Mais vous avez tout loisir, en tant que député, de présenter votre opinion sur cette nomination.

J'autorise maintenant un débat bref. Peter...

M. Peter Stoffer: Merci.

Je saisis certainement ce que dit M. Cummins du Parti réformiste et je comprends également ses inquiétudes. Mais il n'y a sans doute personne de plus heureux que moi autour de cette table de voir que le MPO décide effectivement de jouer un rôle actif dans le domaine de l'aquaculture. Après avoir parlé à M. Bastien à la suite de ses dernières remarques sur l'environnement et sur ses inquiétudes aussi, et étant donné ses connaissances en aquaculture, je serais certainement favorable à sa nomination au poste de commissaire à l'aquaculture, mais dans la mesure où il est prêt à travailler avec tous les partis politiques et avec toutes les personnes des deux secteurs de l'industrie—les pêcheurs commerciaux et l'industrie de l'aquaculture—pour que l'on trouve des solutions à long terme qui soient profitables à tous les Canadiens.

Je crois comprendre que c'est ce que M. Bastien est prêt à faire et je serais donc favorable à sa nomination au commissariat, avec les réserves exprimées par M. Cummins toutefois.

Le président: Y a-t-il d'autres personnes qui souhaitent intervenir sur le fait de savoir si oui ou non M. Bastien est apte à assumer son poste?

Sinon, pouvez-vous lever la main pour me dire si vous êtes pour sa nomination?

Les avis sont généralement favorables, avec un vote négatif, John, au nom du Parti réformiste.

M. John Cummins: C'est exact.

Le président: Le comité va maintenant prendre connaissance de l'avis de motion de M. Cummins.

John, pour un avis de motion, il faut un préavis de 48 heures.

M. John Cummins: Oui, je le sais.

Le président: Elle sera donc étudiée à la réunion du comité de mardi prochain. Cette décision vous donne-t-elle satisfaction?

M. John Cummins: Je crois que oui. La motion va à l'encontre de celle qui vient d'être adoptée. On peut donc la reporter pour l'instant et j'imagine que nous verrons s'il est utile de lui donner une suite à ce moment-là.

M. Peter Stoffer: Monsieur le président, il y a aussi une autre motion annoncée par M. Lunn pour mardi.

Le président: L'autre avis de motion était que l'on invite le ministre.

John, je vous avais dit que vous devriez réfléchir un peu au fait d'inviter...

M. John Cummins: C'est ce que je souhaite.

Le président: ...peut-être le ministre en second, le secrétaire parlementaire, à venir avec le sous-ministre présenter le budget des dépenses, si cela...

M. Peter Stoffer: D'accord.

M. Wayne Easter: Monsieur le président, je pense possible que le ministre puisse venir en personne devant le comité dans trois semaines. Nous pourrions peut-être vérifier cela. Il vaudrait certainement mieux que le ministre vienne plutôt que moi ou d'autres employés du ministère. C'est lui le responsable.

J'ai parlé au ministre Anderson hier, et bien qu'il doive marcher avec des béquilles pendant une période assez prolongée, il pense pouvoir venir à Ottawa à la fin de la semaine prochaine ou la semaine suivante.

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Je sais que plusieurs personnes lui ont téléphoné ou envoyé un courrier électronique ou une lettre en lui souhaitant d'être sur pied bientôt, mais je me demande si en votre qualité de président vous ne pourriez pas lui écrire une lettre au nom du comité pour lui souhaiter un prompt rétablissement.

Le président: Notre greffier va le faire.

Ceci dit, la séance est maintenant levée. Nous nous réunissons à nouveau mardi.

Pardon... oui?

M. John Cummins: Attendez un instant. Sur la question de l'invitation du prochain témoin...

M. Wayne Easter: Je crois qu'il nous faut pour cela une motion.

Le président: Le greffier essaie d'obtenir que les autres personnes comparaissent devant le comité. Je crois qu'elles...

M. John Cummins: Il n'y en a qu'une qui m'intéresse: M. Chapple qui a été nommé à la Commission du saumon du Pacifique. J'aimerais qu'il comparaisse devant le comité ici à Ottawa.

M. Wayne Easter: Monsieur le président, je crois que le greffier essaie d'arranger cela, de le faire venir à Ottawa. Il semble que l'on préfère qu'il vienne en personne plutôt que de lui parler par vidéoconférence.

• 1110

M. John Cummins: C'est exact. Une réunion par vidéoconférence n'est tout simplement pas indiquée. C'est une question très importante et je pense que M. Chapple devrait comparaître devant le comité.

M. Wayne Easter: C'est ce que nous essayons de faire.

Le président: Vous savez que le comité a le droit, au besoin, de lui envoyer une citation à comparaître. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir avant d'avoir recours à ce moyen pour le faire venir.

M. John Cummins: Je vous en remercie, monsieur le président.

Le président: Merci.

La séance est maintenant levée.