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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 1er juin 1999

• 1519

[Traduction]

Le coprésident (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): La présente séance conjointe du Comité permanent de la défense et des affaires étrangères est ouverte. Nous sommes heureux d'accueillir de nouveau M. Wright et le général Henault qui nous feront un briefing.

Messieurs les députés, je vous rappelle que nous avions convenu qu'aujourd'hui, ceux d'entre nous qui se sont rendus en Macédoine la semaine dernière, c'est-à-dire M. Laurin, qui est ici, M. Martin et moi-même, ainsi que M. Mills, s'il se présente, feront au comité un compte rendu de leur voyage. Nous vous communiquerons ce que nous avons fait pendant notre séjour là-bas et ce que nous y avons constaté et nous répondrons à vos questions. Cela dit, je pense que nous devrions commencer par le briefing habituel de M. Wright et du général Henault et après, leur poser des questions. Ensuite, il restera du temps pour notre propre compte rendu.

Monsieur Wright, êtes-vous prêt?

M. Jim Wright (directeur général de l'Europe centrale, de l'Est et du Sud, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup, monsieur le président.

Avec votre permission, je voudrais aborder brièvement les derniers événements sur le plan de l'activité diplomatique, commenter le rapport de Mme Mary Robinson, Haut Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, et laisser également certains documents aux membres du comité.

• 1520

Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne se sont réunis à Bruxelles hier et ont adopté une déclaration sur le Kosovo.

[Français]

Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne se sont réunis hier à Bruxelles, où ils ont adopté une déclaration commune sur le Kosovo.

[Traduction]

On demande aux autorités yougoslaves de traduire les déclarations qui leur sont attribuées en un engagement ferme, sans équivoque et vérifiable à accepter les principes du G-8 et la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. On y réitère également l'appui de l'Union européenne aux efforts visant à faire avancer le processus diplomatique, y compris une possible mission du président de la Finlande, M. Ahtisaari, à Belgrade au cours des jours à venir.

[Français]

Les ministres des Affaires étrangères se sont également réjouis de l'appui solide de la communauté internationale au pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est.

Le Canada salue et appuie fermement cette importante initiative de l'Union européenne et il a participé aux délibérations du 27 mai à Bonn, où on a discuté de cette initiative.

En accord avec l'Union européenne, nous croyons qu'il convient d'accorder une importance prioritaire à l'adoption rapide de la déclaration. L'enchâssement dans les institutions euro-atlantiques permet d'espérer en l'avenir des Balkans. Le Canada continuera de faire tout en son pouvoir pour appuyer ce processus.

[Traduction]

Le jeudi 27 mai, le Canada a participé à des discussions organisées par l'Union européenne sur le «Pacte de stabilité». L'OSCE, l'OCDE, la BERD, la Banque mondiale, le FMI, l'OTAN et le Japon, ainsi que les États-Unis, étaient parmi les participants. À cette rencontre, il a été question d'un plan pour mettre en oeuvre le Pacte de stabilité pour les Balkans. Le processus devrait être officiellement lancé à l'occasion d'une conférence de presse au niveau ministériel en Allemagne plus tard au cours du mois.

L'objectif du Pacte de stabilité est de coordonner les efforts de reconstruction dans les Balkans et d'assurer la stabilité politique, économique et sociale dans la région grâce à son intégration dans la dynamique euro-atlantique. Le Pacte va en outre multiplier les relations économiques et commerciales existantes avec les Balkans et promouvoir la démocratisation, la société civile, l'éducation et la mise en place d'institutions.

Le Canada salue le Pacte de stabilité comme un gage concret de l'avenir dont pourra jouir la région des Balkans en s'intégrant davantage dans le courant Europe-Atlantique.

Pour en revenir au volet diplomatique, le chancelier allemand Schroeder rencontre ce soir l'envoyé russe Viktor Tchernomyrdine, ainsi que le président de la Finlande, M. Ahtisaari, et le sous-secrétaire d'Etat américain, M. Strobe Talbott. Ils discuteront de la récente mission de M. Tchernomyrdine en Yougoslavie et de son prochain voyage à Belgrade, possiblement en compagnie de M. Ahtisaari.

M. Axworthy s'est également entretenu aujourd'hui avec le ministre des Affaires étrangères de l'Allemagne, M. Foschka Fischer. Ils ont discuté de la mise en oeuvre du plan du G-8. Les directeurs politiques du G-8—pour le Canada, il s'agit de M. Paul Heinbecker—doivent se rencontrer à Bonn jeudi de cette semaine et les ministres des Affaires étrangères du G-8 se rencontreront à Cologne la semaine prochaine.

La réunion des directeurs politiques du G-8 prévue pour jeudi portera uniquement sur le Kosovo. Les participants recevront un rapport de la délégation russe qui s'est rendue à Belgrade en compagnie de M. Tchernomyrdine.

Au sujet de la diffusion du rapport de Mme Mary Robinson sur le Kosovo,

[Français]

nous avons lu le rapport sur le Kosovo présenté hier par le Haut-Commissaire des Nations Unies sur les droits de la personne.

[Traduction]

Le rapport précise clairement que la crise a été engendrée par les atteintes sérieuses et systématiques aux droits de la personne commises par les autorités serbes. Je cite:

    La terrible tragédie humanitaire qui a lieu au Kosovo [...] et dans les pays voisins tire son origine d'une crise des droits de la personne.

La Haut Commissaire et son personnel ont reçu

    des preuves substantielles de violations sérieuses des droits de la personne qui ont été commises au Kosovo, y compris des exécutions sommaires, déplacements forcés, viols, mauvais traitements et la destruction de [...] papiers d'identité.

• 1525

[Français]

Le rapport ne laisse aucun doute quant à la campagne délibérée et brutale contre les civils albanais du Kosovo. Il s'agissait d'une campagne planifiée minutieusement et exécutée avec méthode, qui a entraîné l'exode des habitants du Kosovo.

[Traduction]

Encore une fois, je cite son rapport:

    Un nombre élevé de rapports rédigés sur le terrain confirment que les forces policières et militaires serbes ainsi que des unités paramilitaires ont mis en oeuvre un programme bien orchestré d'expulsion forcée des Albanais de souche du Kosovo [...] Cela semble avoir touché pratiquement toutes les régions du Kosovo, ainsi que des villages du sud de la Serbie, dont certains endroits qui n'ont jamais été ciblés par les frappes aériennes de l'OTAN ou n'ont jamais été fréquentés par ce qu'on appelle l'Armée de libération du Kosovo.

    Ces derniers faits renforcent les indications selon lesquelles les réfugiés ne fuient pas les frappes aériennes de l'OTAN, comme le prétendent souvent les autorités yougoslaves.

Dans la conclusion de son rapport, la Haut Commissaire invite l'OTAN à respecter les principes du droit humanitaire international, y compris le principe de la proportionnalité dans leurs actions militaires contre la République fédérale de Yougoslavie. Monsieur le président, nous convenons que l'OTAN a toujours fait tout en son pouvoir pour éviter les victimes civiles, et elle continuera à le faire.

Enfin, monsieur le président, je suis heureux de laisser au comité des exemplaires des documents suivants sur la crise du Kosovo: premièrement, le rapport de la Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, déposé hier; deuxièmement, le rapport du 31 mai du Conseil des affaires générales de l'Union européenne, qui traite à la fois du Kosovo et de la Conférence sur le Pacte de stabilité du sud-est de l'Europe; et troisièmement, monsieur le président, la mise en accusation, par la procureur en chef du Tribunal criminel international, du président yougoslave de l'ex-Yougoslavie, Slobodan Milosevic ainsi que de quatre autres dirigeants de son régime. Ces derniers sont accusés de crimes contre l'humanité, plus précisément de meurtres, de déportations, de persécutions et de violations des lois et coutumes de guerre.

Monsieur le président, voilà qui met un terme à ma déclaration liminaire.

Le coprésident (M. Bill Graham): Merci, monsieur Wright.

Général Henault.

Le lieutenant-général Raymond R. Henault (sous-chef d'état-major de la Défense, ministère de la Défense nationale): Bon après-midi, monsieur le président, monsieur le coprésident,

[Français]

mesdames et messieurs les députés.

[Traduction]

Comme vous le savez tous, la campagne militaire de l'OTAN, la campagne aérienne, continue sans relâche contre les forces fédérales de la République yougoslave, qu'il s'agisse de forces militaires ou paramilitaires. C'est aujourd'hui le 70e jour des frappes aériennes qui se poursuivent et se sont intensifiées encore une fois depuis quelques jours. Nous nous livrons maintenant à des opérations 24 heures sur 24.

Depuis les derniers jours, les conditions météorologiques se sont améliorées sensiblement. L'arrivée d'avions supplémentaires dans le théâtre des opérations, alliée au beau temps, a permis à l'OTAN d'intensifier encore une fois ses bombardements en Yougoslavie et en particulier, au Kosovo.

[Français]

Comme nous l'avons mentionné précédemment, l'OTAN continue de concentrer ses attaques contre les forces déployées serbes et contre l'infrastructure de soutien à l'intérieur du Kosovo. Les cibles stratégiques en Serbie demeurent les installations de l'armée yougoslave, les dépôts de munitions, les ponts, les entrepôts pétroliers, les sites de commandement et les terrains d'aviation.

[Traduction]

Il y a maintenant plus de 900 appareils de l'OTAN dans le théâtre des opérations, qui font 700 sorties par jour en moyenne. La situation des forces yougoslaves devient évidemment de plus en plus difficile et inconfortable à la suite de l'activité aérienne et, bien entendu, de l'intensification de la campagne. La force aérienne serbe et son système de défense antiaérienne est en fait l'ombre de ce qu'elle était auparavant et elle est incapable de se défendre efficacement contre nos attaques à haute et moyenne altitude. Les forces terrestres FRY et MUP perdent de plus en plus d'équipement chaque jour où nous pouvons engager le combat au Kosovo. Quant à l'infrastructure militaire, elle se dégrade de plus en plus chaque jour. Les forces ont désespérément besoin de nouveaux approvisionnements, de renforts, ainsi de suite. En outre, les forces FRY et MUP ne peuvent se déplacer efficacement ou mener des opérations, de jour ou de nuit, sans être menacées d'une attaque aérienne de la part des appareils de l'OTAN.

[Français]

En ce qui concerne la contribution du Canada, nos 18 CF-18 à Aviano ont effectué 59 des 60 sorties qui leur ont été assignées au cours des quatre derniers jours. Nos pilotes continuent de combiner des missions d'interdiction aérienne du champ de bataille et des missions de patrouille aérienne de combat. Depuis le début des opérations, nous avons effectué ces deux types d'opérations et nous les poursuivons toujours.

• 1530

Les cibles des avions canadiens demeurent des baraquements de l'armée de terre, des entrepôts, des stations relais radio, des tunnels routiers, des postes de commandement et des terrains d'aviation.

[Traduction]

J'ai eu la chance et le grand plaisir de visiter notre contingent en Italie la semaine dernière, non seulement celui d'Aviano, mais également les commandants des forces aériennes au centre des opérations aériennes combinées de Vincenza, et j'ai été impressionné non seulement par le solide moral de nos troupes dans le théâtre des opérations, qui tirent grand réconfort de l'appui qu'ils reçoivent de l'ensemble des Canadiens, mais aussi par le dévouement et le professionnalisme avec lesquels ils exécutent cette mission très difficile. Tous nos soldats, hommes et femmes, travaillent très dur sept jours par semaine pour assurer la réalisation des objectifs de la communauté internationale et, bien sûr, du gouvernement du Canada.

J'ai aussi eu l'occasion de rencontrer le lieutenant-général Mike Short, commandant d'Air Forces South et également commandant des forces aériennes dans le théâtre des opérations et de l'ensemble de la campagne aérienne, ainsi que le lieutenant-général Vannucchi, commandant de la Cinquième force aérienne tactique alliée stationnée normalement et principalement à Vincenza. Ces deux hommes m'ont réitéré leur volonté de poursuivre la campagne aérienne et leur foi dans les objectifs que cherche à atteindre la communauté internationale. Ils m'ont également communiqué la grande estime qu'ils portent aux hommes et aux femmes qui composent l'effectif du Canada ainsi que tout le personnel qui appuie les opérations à Aviano. Il s'agissait là de compliments très sincères et je peux vous assurer que les Canadiens sont considérés parmi les meilleurs effectifs des forces aériennes de l'OTAN et du personnel de soutien aérien dans le théâtre des opérations.

Parlons brièvement de l'Opération Kinetic dans le cadre de laquelle notre force terrestre est en train de se déployer au Kosovo pour assurer des opérations de maintien de la paix. Le déploiement de notre contingent de 800 soldats dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine, particulièrement dans la région de Skopje, dans le cadre de la force internationale de la mise en oeuvre de la paix, se poursuit dans le respect des délais. Il y a maintenant environ 250 membres des Forces canadiennes dans le théâtre des opérations. Ce nombre croît jour après jour puisque nos éléments précurseurs continuent d'arriver par avion et que notre équipement est transporté outremer par avion également mais surtout par navire.

[Français]

Je crois qu'on vous a déjà dit que l'OTAN a déjà mis à jour son plan en vue de l'imposition de la paix au Kosovo, qui prévoit que les effectifs en théâtre, qui sont de l'ordre de 26 000, seront portés jusqu'à 45 000 ou 50 000.

[Traduction]

Comme l'a déjà mentionné le ministre, le Canada continue d'examiner ses options pour ce qui est du soutien à cette force considérable.

Enfin, pour vous donner encore une fois une idée des coûts, comme je vous en ai fait rapport périodiquement, le coût total depuis le 24 mars, soit le jour du début de la campagne aérienne—et je souligne qu'il s'agit d'un coût croissant—s'élève à 42 millions de dollars environ. Le coût de la campagne aérienne, c'est-à-dire Op Echo, nos 18 CF-18 et environ 300 personnes stationnées à Aviano et Vicenza, s'élève jusqu'à maintenant entre 20 et 21 millions de dollars, et la note monte toujours.

Voilà qui met fin à ma déclaration pour aujourd'hui, monsieur le président. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le coprésident (M. Bill Graham): Passons aux questions. J'ai M. Martin sur la liste.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Merci beaucoup.

Je vous remercie d'être venu encore une fois nous informer. J'ai trois questions.

Premièrement, à long terme, il me semble qu'il y a trois options pour le Kosovo. L'autonomie au sein de la Yougoslavie, l'indépendance et la partition. Si l'on prend la Bosnie en exemple de ce qui peut arriver à l'avenir, la partition est-elle la seule option viable à long terme pour le Kosovo?

Voici ma deuxième question. Pour ce qui est des milliers de sorties qui ont eu lieu, quelle ont été leurs répercussions sur les tanks et l'artillerie de l'armée yougoslave?

Enfin, troisièmement, on a comparé le Kosovo à un autre Vietnam. Avec l'arrivée de troupes terrestres, la guerre prendra une tournure de guérilla qui fera énormément de victimes, une guerre sanglante. Général, pouvez-vous nous donner une idée de ce qui nous attend si nous envoyons des troupes terrestres? Quelle sera la résistance qu'opposera l'armée yougoslave?

M. Jim Wright: Monsieur le président, je pense pouvoir répondre à la première question.

Au sujet des trois options qui vous intéressent, l'autonomie, l'indépendance et la partition, la seule option qu'envisage la communauté internationale est l'autonomie. C'était l'objectif de la communauté internationale depuis le début. Nous avons déclaré d'entrée de jeu que l'indépendance n'était pas sur la table, que nous ne souhaitions pas modifier les frontières.

• 1535

Les accords de Rambouillet, la déclaration de l'OTAN à la fin d'avril à Washington, les principes du G-8 énoncés par les ministres des Affaires étrangères au début de mai à Bonn, tous ces documents mettent l'accent sur le respect de l'intégrité territoriale de la Yougoslavie. Le plan de paix qui sera élaboré respectera l'intégrité territoriale de la Yougoslavie tout en essayant de rendre au peuple du Kosovo l'autonomie dont il jouissait dans les années 70 et 80, avant que le président Milosevic ne les en prive en 1989.

Par conséquent, l'indépendance n'est pas une option; l'autonomie et l'autonomie gouvernementale le sont. La partition n'est pas une chose qu'envisage la communauté internationale, en tout cas maintenant. Je sais qu'il y a certaines discussions à cet égard. Comme je l'ai dit, l'option que privilégie la communauté internationale, et cela englobe, j'ajouterais, les États voisins... À ma connaissance, c'est l'autonomie, assortie au respect de l'intégrité territoriale, au respect des frontières, que préfèrent les pays voisins.

M. Keith Martin: Monsieur, permettez-moi de vous interrompre un instant. L'Armée de libération du Kosovo ne veux rien savoir de l'autonomie, et nous le savons. À l'heure actuelle, il n'y a pas de terrain d'entente sur l'autonomie. Par conséquent, comment accomplir cela?

M. Jim Wright: L'ULK a été partie aux négociations à Rambouillet. Ses représentants ont abordé les négociations dans la perspective de l'indépendance ou rien. Lorsque la délégation kosovare est arrivée à Rambouillet, on peut dire qu'elle était plutôt divisée. Lorsque les négociations ont pris fin en février ou mars de cette année, l'équipe kosovare s'était pleinement ralliée derrière le plan de Rambouillet. Ce sont d'ailleurs les seuls qui l'ont signé. Et ce plan ne comportait aucun engagement envers l'indépendance. La délégation kosovare au grand complet, y compris les représentants de l'ULK, ont accepté le fait que l'offre s'articulait autour de l'autonomie. Et cela demeure le cas aujourd'hui, monsieur le président.

Lgén Raymond Henault: Passons aux deux prochaines questions. Vous vouliez savoir quel avait été l'incidence des frappes aériennes sur les tanks et l'artillerie au Kosovo. Je pourrais sans doute élargir ma réponse pour inclure les véhicules de combat blindés, les camions militaires, les systèmes de transport, et ainsi de suite.

Nous savons que les pertes confirmées pour l'armée yougoslave au Kosovo s'établissent autour de 15 à 20 p. 100 de ces véhicules. Quant aux pertes plus probables, qu'il est plus difficile de confirmer étant donné que certaines ont lieu à l'intérieur d'immeubles et dans d'autres cas, sont difficiles à voir, portent ce total aux environs de 30 p. 100 pour le moment. C'est donc le pourcentage que j'utiliserais—avec des réserves puisqu'il y a certaines anomalies.

Pour ce qui est des forces terrestres, notre plan n'a pas changé: nous entendons les déployer au Kosovo une fois un accord de paix conclu. Nous n'avons pas l'intention de pénétrer au Kosovo dans un contexte de combat. Par conséquent, je ne peux faire d'hypothèse quant aux pertes éventuelles.

Dans un cas comme celui-là, dans une opération de maintien de la paix, on ne s'attend jamais à ce que les pertes soient inexistantes. Lorsque les Forces canadiennes ou d'autres forces alliées participent à une opération de maintien de la paix, elles assument certains risques associés à cette opération. Ce risque, nous le savons, est légèrement plus élevé à l'heure actuelle en raison des activités des quelques dernières semaines. Le risque est plus élevé à cause de la destruction de l'infrastructure, des mines qui ont été posées dans la région, des pièces d'artillerie qui n'ont pas explosé et qui sont disséminées partout en milieu rural, et ainsi de suite.

C'est ce qui fait que le risque est un peu plus élevé pour nous. Et le genre de risque dont nous parlons en ce moment est considéré comme un risque moyen d'un point de vue militaire, ce qui signifie qu'il est toujours possible qu'il y ait des pertes. Ce sont les facteurs que je viens de mentionner qui pourraient faire des victimes, et non une opération de combat.

J'ajouterais qu'il y a toujours des risques liés à la présence d'un élément rebelle, au mécontentement, aux activités terroristes et ces risques sont les mêmes quelle que soit la mission de maintien de la paix à laquelle nous participons. Par conséquent, cette possibilité ne saurait être écartée et doit faire partie de l'analyse de risque que nous effectuons.

• 1540

Voilà donc ce qui se profile à l'horizon pour ce qui est des pertes éventuelles. Encore une fois, il est très difficile de vous fournir un pourcentage à ce stade-ci.

Le coprésident (M. Bill Graham): Madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci, monsieur le président. Je vous remercie également, messieurs, de ce rapport qui fait le point. Chaque fois, c'est intéressant et bien présenté.

Ma première question s'adresse à vous, général Henault. Étant donné ce que vous venez de répondre à notre collègue au sujet des pièces d'artillerie qui n'ont pas explosé, de l'état des routes et de l'état généralisé de l'infrastructure, à quoi peut-on s'attendre... En supposant que nous ayons de bonnes nouvelles, que le vendredi soit le jour des bonnes nouvelles, que va-t-il se passer? Quel est l'échéancier et la planification pour assurer le retour des Kosovars dans leur mère patrie, compte tenu de l'état du système électrique, du système d'aqueduc, du réseau routier, des pièces d'artillerie, des mines et des maisons détruites? C'est ma première question.

Deuxièmement, pour ce qui est de planifier les maisons mobiles ou préfabriquées, comment allez-vous vous occuper de cet aspect?

Troisièmement, en ce qui concerne le soutien exigé du pays hôte, quelles sont ses obligations? Vont-elles être définies d'une façon ou d'une autre? Il y a un nombre considérable de personnes qui ont vécu sur le territoire de l'Albanie, de la Macédoine et du Monténégro et cela a perturbé la vie normale des gens. Quelles seront les obligations du Canada dans ces régions?

Et dernière question, mais non la moindre, au sujet du rapport de Mme Arbour, a-t-on fait mention de la Bosnie, de la Croatie ou de la Slovénie? A-t-elle pris en compte ce qui s'est passé là-bas avant de décider d'accuser Slobodan Milosevic d'être un criminel de guerre?

Merci.

Lgén Raymond Henault: Madame Finestone, je ne peux pas vous dire exactement quand s'amorcera le mouvement de retour des réfugiés dans leur pays car cela dépendra...

Mme Sheila Finestone: Je suis désolée, général. Je sais que l'hiver est précoce dans la région—octobre. Y a-t-il un plan qui a comme date butoir disons, le 15 octobre, et qui recule jusqu'à aujourd'hui pour que nous ayons une idée du nombre de personnes qui pourraient rentrer?

Lgén Raymond Henault: Je peux vous donner une idée des étapes une fois que l'accord de paix sera signé et que toutes les parties conviendront que nous pouvons pénétrer au Kosovo. Je dirais, en toute prudence, que dans les 48 heures suivant la signature d'un accord de paix, les forces qui sont actuellement sur le terrain sous la direction du général Jackson, c'est-à-dire les troupes de la KFOR, qui sont là et qui comptent plus de 15 000 soldats d'une multitude de nations pourront avancer. Si ma mémoire est bonne, il y a environ 17 ou 18 nations participantes qui contribuent aux forces sur le terrain dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine, dont le Canada. Ces forces pourraient réagir très rapidement à la suite d'un accord et, dans une première phase, elles effectueraient l'évaluation de la situation dont vous venez de parler.

Comme vous le savez très bien, les seules informations que nous avons proviennent des engins de reconnaissance aérienne dont les images nous montrent les dommages sur le terrain et ainsi de suite. Nous ne serons pas en mesure d'évaluer précisément la situation tant que nous ne pourrons aller au Kosovo et voir ce qu'il en est sur le terrain.

À ce stade, notre priorité sera d'évaluer le risque sur le terrain pour ce qui est des mines, des pièces d'artillerie, des dommages à l'infrastructure et particulièrement aux lignes de communication. À ce moment-là, nous devrons évaluer les mesures à prendre pour établir ou rétablir les fonctions essentielles—l'eau, la nourriture, l'infrastructure, ou à tout le moins une infrastructure minimale qui permette aux réfugiés de rentrer. Par la suite, il faudra, de concert avec les ONG, évaluer le genre d'aide qui pourra être offert aux réfugiés et aux personnes déplacées pour leur permettre de rentrer dans leur foyer. Tout cela prendra un certain temps.

L'on ne s'attend donc pas que le tout se fera rapidement ou, du moins, dans l'immédiat. À mon avis, il faudra plusieurs semaines, voire des mois, étant donné l'état actuel de l'infrastructure d'après nos informations.

J'ajouterai seulement qu'il n'y a pas moyen de savoir quand les réfugiés voudront rentrer chez eux, bien qu'ils sachent que, parfois, leur maison a été détruite, que l'infrastructure a été endommagée. Nous savons cependant que les réfugiés iront là où ils veulent aller et qu'ils rentreront probablement très rapidement, s'ils le peuvent.

• 1545

Nous avons déjà vécu la situation, dans un contexte différent, par exemple lorsque les Rwandais réfugiés dans l'est du Zaïre ont voulu rentrer chez eux. Quand ils ont constaté que la situation se stabilisait, ils sont rapidement rentrés. En fait, pendant que nous déplacions des troupes, ils retournaient dans leur pays.

C'est donc un peu difficile à prévoir, mais je crois que nous avons tous reconnu—que la communauté internationale a reconnu—qu'il faudra fournir aux réfugiés les premières nécessités pendant quelque temps, probablement tout au long de l'hiver également.

M. Charles Bassett (vice-président, Europe centrale et de l'Est, Agence canadienne de développement international): Monsieur le président, j'ajouterais une précision à ce que vient de dire le général Henault. La semaine dernière, j'ai assisté à une réunion concernant le retour au Kosovo des réfugiés. Tant l'OSCE que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ont signalé qu'au cours de leurs entrevues étendues avec les Kosovars réfugiés en Albanie et en Macédoine, la vaste majorité d'entre eux a dit préféré rentrer le plus tôt possible, en dépit des conditions là-bas. S'ils ont des feuilles de plastique ou des bâches, quelque chose pour les tenir au chaud dans l'immédiat, et qu'on leur fournit les matériaux pour reconstruire leurs maisons, les deux organismes estiment qu'ils rentreront en foule durant les premières semaines.

M. Jim Wright: J'ajouterai aussi que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a déjà accueilli une réunion à Genève pour discuter des préparatifs pour l'hiver. On est déjà en train de faire de la planification à cet égard. On est en train d'acheter des fournitures. Donc, comme Charles et le général l'ont mentionné, nous savons que, bien que nous espérions toujours que tout aille pour le mieux, il faut, dans pareilles circonstances, prévoir le pire. L'expérience que nous avons vécue en Bosnie laisse croire que bien des réfugiés rentreront chez eux. Même si leurs villages ont peut-être été en grande partie détruits, les gens rentreront chez eux et voudront rebâtir très rapidement.

Je ne suis pas sûr que la question des maisons mobiles soit forcément un facteur ici. Si j'ai bonne mémoire, cette question a été examinée de très près dans le contexte de la Bosnie. Ce n'était tout simplement pas faisable. Toutefois, pour ce qui est de fournir de l'argent pour l'acquisition de matériaux de construction en vue d'aider les autorités locales, le Haut Commissariat, oui, c'est possible. La communauté internationale s'est déjà mobilisée pour faire face à la réalité d'un hiver précoce non seulement au Kosovo, mais également dans les pays limitrophes, c'est-à-dire en Macédoine et en Albanie. Quant à l'aide fournie aux pays de la région, plus particulièrement à l'Albanie et à la Macédoine, je sais que la délégation de ces comités a visité les deux. Les délégués ont mesurer par eux-mêmes l'ampleur du drame humain et les maux causés aux économies, surtout en Macédoine, où le commerce extérieur a été anéanti. Elle a un fort taux de chômage qui gravite, je crois, autour de 50 p. 100 environ. Nous travaillons donc de très près avec ces gouvernements.

Je sais que, grâce au soutien offert par l'ACDI, une aide économique a été offerte aux gouvernements d'Albanie et de Macédoine. De plus, le gouvernement du Canada a versé 35 millions de dollars en aide humanitaire depuis le 24 mars, montant qui est consacré à de nombreux égards à venir en aide aux réfugiés de ces pays et à réduire le coût de leur présence le plus possible en Albanie et au Kosovo. Toutefois, le fait demeure que ces deux pays vont avoir besoin de beaucoup d'aide, non seulement à court terme, mais à moyen et à long terme. Cela signifie qu'il faudra travailler avec eux et avec les institutions financières internationales comme la Banque mondiale et le FMI. Cela signifie aussi qu'il faudra rééchelonner leurs emprunts de manière à les aider le plus possible.

J'ai mentionné, dans mon exposé, la mise en oeuvre d'un Pacte de stabilité en Europe du Sud sous la direction de l'Union européenne. Cependant, elle engage essentiellement la participation de tous les grands organismes internationaux, que ce soit l'OCSE, la Banque mondiale, le FMI, la Banque européenne de reconstruction et de développement, l'OTAN, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en vue de reconstruire cette région. Le processus porte aussi sur les valeurs qu'on tentera de faire essaimer au sein de la relève politique, surtout en Yougoslavie, mais également au Kosovo, le genre de valeurs—le respect des droits de la personne, la règle du droit, la démocratisation et le bon gouvernement, certains domaines, en toute franchise, dans lesquels les Balkans ne sont pas très versés, ce qui a causé tant de problèmes non seulement au Canada, mais également aux pays européens durant la dernière décennie.

• 1550

Enfin, pour ce qui est...

Mme Sheila Finestone: Pour ce qui est de la deuxième partie de la question, j'étais curieuse au sujet des transports. Comment allez-vous transporter les gens jusque là? Avez-vous suffisamment de moyens de transport, si tout le reste est en place?

Le coprésident (M. Bill Graham): Je suis désolé, madame Finestone. Nous essayons de limiter la durée des questions et des réponses à deux minutes. Vous en avez déjà eu neuf.

[Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Sheila Finestone: ...

Le coprésident (M. Bill Graham): Si vous posez cinq questions, vous obtenez plus que... Il leur est très difficile de... Ce n'est pas un reproche que je fais. Nous avions simplement espéré pouvoir passer à la phase II à 16 heures au plus tard, de manière à pouvoir libérer le général Henault et M. Wright qui ont autre chose à faire. Cinq autres personnes attendent de poser leurs questions. Je me demande par conséquent si nous ne pouvons pas réduire cela au strict minimum.

Pourquoi ne pas céder la parole à M. Mills? Il est le prochain sur la liste.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): J'ai plusieurs questions moi aussi. M Tchernomyrdine vient de rencontrer aujourd'hui les ministres de l'Union européenne et Strobe Talbott. Je crois savoir qu'il communiquera au premier ministre de la Finlande une proposition à soumettre à M. Milosevic demain matin. Avez-vous espoir que cette proposition sera acceptée?

M. Jim Wright: Il faut demeurer réaliste. Nous faisons face actuellement à un contexte extrêmement difficile. M. Tchernomyrdine a fait du travail très constructif, tout comme le gouvernement de la Russie, auprès du G-8 et, sur le plan des relations bilatérales, auprès de M. Talbott, sous-secrétaire d'État des États-Unis, et de M. Ahtisaari, président de la Finlande. Nous savons qu'ils travaillent aux éléments d'une proposition visant à étoffer les principes énoncés par le G-8, de manière à en faire un plan de paix. Nous savons aussi que les pays du G-8 travaillent avec beaucoup de diligence à un texte de résolution pour le Conseil de sécurité des Nations Unies, dans le sens de ce qu'ont réclamé les ministres des Affaires étrangères d'Europe hier, lors de leur rencontre à Bruxelles.

Nous espérons que les signaux envoyés de Belgrade selon lesquels ils acceptent les principes du G-8 sont exacts. Nous nous fierons davantage à leurs gestes qu'à leurs paroles, cependant. À cet égard, nous attendons de Belgrade un signe beaucoup plus clair que le gouvernement de là-bas accepte les conditions posées par la communauté internationale et nous attendons que les autorités yougoslaves prennent des mesures démontrables et vérifiables, en particulier un cessez-le-feu et le début du retrait des troupes. Si ces signes sont donnés, l'OTAN réagira en conséquence.

Le coprésident (M. Bill Graham): Monsieur Laurin.

[Français]

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur Wright, la Cour internationale de justice doit rendre un jugement demain dans la cause opposant le Canada et la Yougoslavie. Est-ce qu'on a préparé un scénario dans l'éventualité où le Canada serait condamné et, par le fait même, forcé de retirer ses troupes? Comment ce retrait serait-il effectué?

Deuxièmement, est-ce qu'on pourrait invoquer l'immunité de M. Milosevic comme condition de règlement du conflit?

Croyez-vous qu'on pourrait exiger qu'on n'exerce aucunes représailles contre Milosevic en échange de la signature d'un traité de paix?

[Traduction]

M. Jim Wright: Pour ce qui est tout d'abord de la question d'immunité pour le président Milosevic, le Canada ne l'a pas offert. C'est aussi hors de question de la part de la procureure en chef du Tribunal pénal international de La Haye, et aucun pays de l'OTAN ne l'offrira. Je ne vois pas comment quiconque pourrait être disposé à négocier avec les autorités yougoslaves à ce sujet. M. Milosevic est obligé, en vertu du droit international, de se présenter devant le tribunal de La Haye. S'il ne le fait pas, son gouvernement est obligé de le livrer au tribunal. Il n'y aura donc pas d'immunité.

• 1555

Ensuite, pour ce qui est de la Cour internationale de justice, le jugement préliminaire sera rendu demain. Nous avons effectivement réfléchi aux différents scénarios qui pourraient survenir, mais la question demeure hypothétique. Nous serons ravis d'en parler demain, quand la cour se sera prononcée. Le gouvernement du Canada a prévu toutes les situations.

Rappelez-vous toutefois que la décision n'est pas légalement exécutoire. Il ne s'agit que d'une décision préliminaire. Elle constitue de par sa nature une recommandation et, pour parler franchement, elle a plus de poids politique que de poids juridique. Selon le jugement rendu par la cour demain, l'affaire pourrait durer très longtemps.

Cependant, pour vous répondre brièvement, je dirais que, oui, le gouvernement du Canada a examiné toutes les dimensions de ce dossier avec soin et qu'il est disposé à discuter du fond demain, une fois que le jugement aura été rendu.

Le coprésident (M. Bill Graham): Je vous remercie.

Monsieur Cannis.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Monsieur le président, je serai très bref étant donné le peu de temps dont nous disposons. Permettez-moi avant tout de souhaiter la bienvenue à nouveau au général, à M. Wright et au groupe d'experts.

Comme entrée en matière, j'aimerais faire un commentaire. J'ai été ravi, tout à l'heure, d'entendre la réponse qu'a fait M. Wright à M. Martin au sujet de l'objet des discussions, de l'emploi du mot «autonomie» par opposition à «indépendance», distinction cruciale selon moi si l'on veut que le processus de paix soit couronné de succès.

J'aimerais simplement commenter ce qu'a dit tout à l'heure Mary Robinson, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme. Elle a parlé des crimes commis par le régime Milosevic. Je tiens à ce que l'on sache que je souscris entièrement à ce qu'elle a dit. Elle a parlé de poursuivre devant le tribunal les auteurs de ces crimes de guerre, mais elle a aussi condamné les pertes de vie malheureuses et, selon moi, involontaires causées par les bombardements de l'OTAN.

Pourriez-vous simplement me dire quelle suite sera donnée à ce dossier, si des accusations formelles étaient portées?

M. Jim Wright: L'OTAN a, au cours des dernières semaines, fait un effort très délibéré en vue de vérifier deux, voire trois fois, la procédure suivie pour identifier les cibles, d'étudier avec soin les munitions que l'on projette d'utiliser lors de chaque attaque contre des cibles militaires légitimes. Si l'on juge qu'il y a risque de pertes civiles lors de l'attaque d'une cible particulière ou à l'emploi de certaines munitions, l'OTAN fera l'une de deux choses: soit qu'elle rejettera la cible, soit qu'elle ira de l'avant mais qu'elle choisira d'autres munitions permettant de réduire au strict minimum, dans les circonstances, le risque de pertes civiles.

J'ajouterai aussi, pour ce qui est de Mme Robinson et du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, qu'elle a été très claire dès le début. Elle a dit qu'il n'y a pas d'équivalence morale entre la campagne humanitaire dans laquelle est engagée l'OTAN actuellement en vue d'essayer de protéger les droits des Kosovars chassés de leurs foyers et le geste de M. Milosevic et de son régime qui choisissent délibérément comme cibles des civils et les chassent du pays. Elle a donc fait une déclaration officielle au sujet de l'équivalence morale, très consciente des justes motifs qui animent l'OTAN.

Le coprésident (M. Bill Graham): Je vous remercie.

Monsieur Earle.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

J'avais plusieurs questions à poser, mais j'essaierai de les limiter en fonction du temps qu'il nous reste.

J'ai remarqué tout d'abord un reportage, l'autre jour, dans lequel notre ministre des Affaires étrangères déclarait qu'il n'y aurait plus de pourparlers avec Milosevic. Il a dit:

    Nous ne négocions pas avec Milosevic. Les ministres des Affaires étrangères du G-8 ont posé cinq conditions fondamentales pour mettre fin aux opérations au Kosovo. Il ne reste plus aux autorités de la Serbie, à Belgrade, qu'à accepter ces conditions.

Je suppose que j'ai un peu de difficulté à comprendre comment on peut négocier un règlement ou mettre fin à la guerre si l'on refuse de parler à son adversaire. Pouvez-vous nous donner peut-être plus de précisions sur la manière dont le tout se déroulera?

Par ailleurs, je sais que vous seriez probablement, monsieur Wright, un peu déçu si je ne vous demandais si vous avez des nouvelles au sujet de la lettre dont je vous ai déjà parlé et à propos de laquelle vous étiez censé vous renseigner.

M. Jim Wright: Comme le ministre...

M. Gordon Earle: Je me conforme au processus.

• 1600

M. Jim Wright: Le ministre a été très clair quand il a dit que ni le Canada ni l'OTAN ne négociait les conditions qui ont été posées par la communauté internationale. Ces conditions sont coulées dans le béton. Nous attendons de Belgrade des gestes—une réponse précise montrant qu'elle accepte les conditions, comme l'a dit le ministre—nous attendons que les autorités de Belgrade nous confirment qu'elles acceptent les principes du G-8 et les cinq conditions de l'OTAN, qu'elles sont disposées à mettre fin à la violence, à cesser la tuerie, à retirer leurs troupes et à permettre la présence d'une force de paix internationale. L'OTAN soutient qu'il faut qu'elle en soit la principale composante. Les organismes de secours auraient ainsi la vie plus facile, les réfugiés auraient le droit de rentrer chez eux, et des pourparlers politiques suivraient, fondés sur les grands principes énoncés à Rambouillet.

Cela étant dit, ce que nous faisons actuellement, ce n'est pas négocier avec Belgrade, avec les dirigeants yougoslaves. Il n'est pas question de négocier une nouvelle série d'accords de Rambouillet. Nous attendons simplement que Belgrade accepte les conditions qui lui ont été imposées. Si elle les accepte et qu'elle nous en donne des signes clairs, démontrables et vérifiables, les pays de l'OTAN ont dit qu'ils seraient alors disposés à suspendre les raids aériens.

Nous souhaitons que la diplomatie porte fruit et que l'on puisse mettre fin aux bombardements au plus tôt. C'est pourquoi le processus du G-8 se poursuit et pourquoi MM. Tchernomyrdine, Ahtisaari et Talbott se dépensent autant. Toutefois, M. Axworthy a tout à fait raison. Tous ses homologues de l'OTAN demeurent fermes dans leur résolution. Ils ne négocieront pas. Si M. Tchernomyrdine et M. Ahtisaari se rendent là-bas, ce ne sera pas pour négocier les éléments d'une résolution du Conseil de sécurité ou un accord de paix, mais simplement pour faire accepter les conditions qui ont été énoncées.

Quant à la lettre que vous avez mentionnée plusieurs fois, je puis confirmer que la missive envoyée par le président Milosevic à M. Clinton par l'intermédiaire de M. Jesse Jackson, lorsqu'il est allé là-bas pour obtenir la libération des trois soldats américains, n'a pas été rendue publique. Nous avons vérifié auprès des autorités américaines qui nous l'ont confirmé. Nous avons également reçu confirmation que la lettre ne contient absolument rien de nouveau. Elle reprend les conditions posées par Belgrade pour mettre fin au conflit, conditions qui sont loin de correspondre aux conditions de base des alliés. Que je sache, il s'agit-là d'une communication adressée au gouvernement des États-Unis, d'une communication privilégiée qui n'a pas été rendue publique. Toutefois, on nous a donné l'assurance que la lettre ne contient rien de nouveau. On confirme simplement nos propres soupçons quant à son contenu. En toute honnêteté, nous l'avons perçue comme étant davantage un geste de publicité de la part du président Milosevic qu'un signe qu'il était disposé à accepter les conditions fixées par la communauté internationale.

Le coprésident (M. Bill Graham): Je vous remercie.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): J'aimerais d'abord féliciter Mme Beaumier, qui vient de se joindre au Parti conservateur. On est très, très fier d'elle.

Des voix: Ah, ah!

[Traduction]

Le coprésident (M. Bill Graham): Cela s'est avéré une épine dans votre pied.

Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Cela dépend. Puis-je accéder au conseil des ministres?

M. André Bachand: Pourquoi pas! C'est dû au nouveau sondage effectué en Ontario.

Le coprésident (M. Bill Graham): Avez-vous déjà lu la légende du cheval de Troie, monsieur Bachand?

[Français]

M. André Bachand: Vous êtes en train de rougir, monsieur le président; ce n'est pas une bonne couleur.

J'aimerais simplement formuler un commentaire. Je ne blâme personne, mais on entend de plus en plus dire qu'il est clair que le Canada et l'OTAN ont perdu la guerre. On fait de la propagande. Les gens que je rencontre disent que l'OTAN a causé un plus grand nombre de morts que les forces ennemies.

• 1605

Bien sûr, on leur explique qu'on ne peut vérifier les affirmations des journalistes puisqu'aucun observateur international ne peut se rendre au Kosovo. Il semble de plus en plus important que quelque chose se passe rapidement, d'un côté ou de l'autre, que la paix que nous espérons tous intervienne ou qu'on puisse prouver que des atrocités ont vraiment eu lieu au Kosovo. Je dois vous dire premièrement qu'on sent un désintéressement des gens. Lorsqu'on est en guerre, le pire ennemi, ce sont les gens qui vivent dans son propre pays. C'était un simple commentaire.

J'aimerais revenir à un sujet dont on a discuté la semaine passée, monsieur Wright, soit le mandat qu'a déposé l'honorable Louise Arbour. Vous disiez alors que M. Milosevic devait se rendre ou que les autorités de Belgrade devaient faire en sorte que M. Milosevic soit livré à la justice internationale. Je ne suis pas un spécialiste en psychologie humaine. Bien que je reconnaisse vos grandes qualités, vous ne l'êtes probablement pas non plus, mais j'aimerais que vous m'expliquiez le rôle de la présence internationale qui sera au Kosovo, en Serbie ou en Yougoslavie. On nous dit qu'il y aura une présence internationale au-delà même de la province du Kosovo pour surveiller l'aspect militaire en Serbie. Est-ce que cette présence internationale pourrait avoir le mandat d'arrêter Milosevic?

[Traduction]

M. Jim Wright: Tout d'abord, quant à ce que vous venez de dire, j'aimerais faire une observation. Nous souhaitons tous que cette campagne prenne fin au plus tôt. Nous savons qu'elle fait des victimes innocentes là-bas. Il y en a eu plus d'un million dès le début, des Kosovars qui étaient chez eux au Kosovo. Il ne faut pas l'oublier. Il ne faut pas devenir insensible à la douleur et à la souffrance qui leur ont été infligées et dont Louise Arbour fait un récit détaillé qui donne froid dans le dos, dans les actes de mise en accusation. Elles ont aussi été décrites par M. de Millo, qui a dirigé la mission humanitaire en Yougoslavie, et par Mary Robinson, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme. On ne peut pas oublier ce qui leur a été fait.

Nous sommes ici pour protéger les valeurs qui sont chères au Canada et à la communauté internationale. Une personne aurait pu, dès le début, mettre fin à cette campagne et elle est toujours la seule à pouvoir le faire. Je parle de Slobodan Milosevic. Il en a la possibilité actuellement. La communauté internationale demeure aussi engagée à l'égard du processus diplomatique aujourd'hui qu'elle l'était il y a 70 jours.

Nous espérons que, cette fois, quand M. Tchernomyrdine et peut-être M. Ahtisaari iront là-bas, cet homme entendra enfin la raison et prendra conscience de la réalité, parce que l'OTAN et le G-8 ne reculeront pas et que la campagne militaire se poursuivra. L'économie yougoslave continuera de péricliter, et d'autres membres de l'entourage du président Milosevic devront aussi répondre de leurs actes devant le Tribunal pénal international de La Haye. Il y aura un prix à payer, et nous savons que les dirigeants yougoslaves sont en train de réfléchir à leur situation actuelle.

Quant à répondre avec précision à votre question concernant Louise Arbour et le rôle éventuel d'une force de sécurité internationale au Kosovo à l'égard d'un Milosevic inculpé, comme vous le savez peut-être, il existe en Bosnie une force de sécurité internationale sous l'égide de l'OTAN à laquelle participe plus de 40 pays. Quand des représentants de l'OTAN trouvent des criminels de guerre inculpés dans l'exercice de leurs fonctions, s'il n'est pas dangereux d'essayer de les appréhender, ils le font. Cela fait partie de l'activité en cours de la mission dirigée par l'OTAN en Bosnie. J'ajouterai qu'ils ont eu beaucoup de succès dans leur recherche des 84 personnes publiquement inculpées en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et ailleurs. Il n'en reste plus que 3l en liberté.

• 1610

[Français]

M. André Bachand: Monsieur Wright, je m'excuse.

M. Jim Wright: Oui.

M. André Bachand: Vous n'êtes pas Milosevic, loin de là, mais si vous étiez Milosevic, accepteriez-vous la présence d'une force internationale qui aurait pour mandat de vous capturer? N'est-ce pas en quelque sorte un cul-de-sac au niveau de la diplomatie?

[Traduction]

M. Jim Wright: Pas du tout.

[Français]

M. André Bachand: Milosevic n'est pas masochiste au point de laisser entrer des gens qui auraient le mandat de l'arrêter.

[Traduction]

M. Jim Wright: Au contraire. Son arrestation serait le meilleur signe que l'on pourrait donner à tous les dirigeants yougoslaves qui sont en train de s'enferrer dans une impasse qu'ils ont eux-mêmes créée. Les dirigeants entraînent le pays à sa ruine, et il faut qu'ils commencent à réfléchir à l'avenir qu'ils veulent pour leur pays, à décider s'ils continuent de soutenir M. Milosevic, s'ils veulent courir le risque d'être eux-mêmes inculpés. Nous espérons que les forces naissantes de la démocratie—les Yougoslaves qui souscrivent au principe de la règle du droit et du bon gouvernement—seront motivées par les actes de la communauté internationale et commenceront à protester.

Nous savons également que, au sein même du gouvernement yougoslave, certains ne sont pas aussi nationalistes, sur le plan idéologique, que M. Milosevic et certains de ses co-inculpés. Il faudra donc attendre de voir quelle suite on donnera aux inculpations dans les jours et les semaines qui viennent.

Toutefois, nous avons l'impression que cela représente une occasion de modifier le paysage politique en Yougoslavie. L'inculpation reconfirme—comme si cela était nécessaire—les motifs pour lesquels l'OTAN a fait ce qu'elle a fait dès le début.

Quant à la présence d'une force de sécurité internationale au Kosovo, si tout se déroule comme le souhaite l'OTAN. Nous déploierons une force de maintien de la paix au sol, au Kosovo, et elle aura pour mandat de surveiller le déroulement du processus de paix convenu, le retour des réfugiés et la création d'une province kosovare autonome qui se gouverne elle-même. Si l'exemple bosniaque s'applique au Kosovo, il est possible que les personnes qui ont été inculpées soient appréhendées par la force de sécurité internationale au Kosovo—je ne parle pas de Belgrade.

Le coprésident (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Monsieur Wright, je vous remercie.

[Français]

Merci, monsieur Bachand.

[Traduction]

Je tiens à remercier M. Wright, le général Henault et les autres d'avoir pris la peine d'être venus ici à nouveau aujourd'hui.

Comme nous l'avons annoncé la semaine dernière, il n'y aura pas de séance d'information jeudi. Il reste cependant une motion de M. Laurin à examiner.

Merci beaucoup. Je sais que vous êtes fort occupés, et nous vous savons gré d'être venus nous rencontrer encore une fois.

J'invite nos collègues, MM. Graham, Martin, Laurin et Mills, à s'installer à la place des témoins et à nous donner un compte rendu de leur récent voyage.

Pendant que nos collègues s'installent, je tiens à vous informer que nous avons reçu un avis de motion de M. Laurin. Comme les deux comités exigent qu'un avis de 24 heures soit donné, M. Laurin aura besoin de votre consentement unanime pour pouvoir déposer sa motion. Nous allons donc commencer par cette question. Est-ce que M. Laurin a le consentement unanime...

Il faut d'abord la déposer, René, ce qui n'a pas encore été fait. Si elle l'est, je peux vous donner...

[Français]

M. René Laurin: Puis-je au moins lire le texte de ma motion, monsieur le président?

[Traduction]

Le coprésident (M. Pat O'Brien): D'accord.

[Français]

M. René Laurin: Ne serait-il pas utile que j'explique à mes collègues pour quelle raison je demande leur consentement unanime?

[Traduction]

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Non, je ne peux pas vous permettre de le faire. Les membres peuvent lire la motion eux-mêmes, et je peux vous permettre d'en faire la lecture aux fins du compte rendu, si vous voulez, mais je ne peux pas vous autoriser à en parler tant qu'elle n'aura pas été déposée. Vous pouvez seulement en faire la lecture; vous ne pouvez pas en débattre, sauf si elle est acceptée. Vous ne pouvez pas...

[Français]

M. René Laurin: Non, je ne veux pas débattre de la motion, monsieur le président, mais simplement souligner le fait que M. Wright nous a mentionné que demain, après le jugement, il serait en mesure de faire des commentaires au sujet des solutions qu'on pourrait adopter. C'est pourquoi je croyais utile que nous en discutions aujourd'hui. La décision du tribunal international aura une incidence importante sur les décisions que prendra le Canada.

• 1615

Je demandais le consentement unanime du comité en vue de la tenue d'une séance d'information jeudi, de 15 h 15 à 16 heures, au sujet de la décision que doit rendre le 2 juin la Cour internationale de justice dans l'affaire de la Yougoslavie contre le Canada. Cela me paraît urgent.

[Traduction]

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Laurin.

Vous avez entendu la motion. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Non.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Laurin, il n'y a pas de consentement unanime. Merci.

Avant de passer au compte rendu, je tiens à rappeler aux collègues, et à indiquer à ceux qui n'étaient pas présents la semaine dernière, que, pendant le voyage de M. Graham dans ce point chaud du globe, j'ai consulté son personnel, les membres du comité de la défense et de nombreux membres du comité des affaires étrangères, et j'ai constaté qu'un grand nombre d'entre eux seraient à l'extérieur d'Ottawa, jeudi. Par conséquent, en tant que président du comité de la défense, et de concert avec M. Graham, par l'entremise de son personnel, j'ai décidé d'annuler la réunion habituelle de jeudi.

À la demande de M. Bachand, nous avons réexaminé cette décision. J'en ai discuté avec M. Graham et mes collègues du comité de la défense, tout comme il l'a fait de son côté, et vu que nous serions peu nombreux jeudi, il serait inutile d'avoir une réunion.

Cela dit, je tiens à rappeler à tous les membres que les séances d'information techniques qui ont lieu quotidiennement au QGDN se poursuivent, séances auxquelles tous les parlementaires peuvent assister et au cours desquelles ils peuvent poser des questions. Vous aurez l'occasion de le faire jeudi, comme c'est le cas maintenant depuis de nombreuses semaines.

Je vais maintenant céder la parole à M. Graham et à nos autres collègues. M. Graham a dirigé une délégation qui s'est rendue en Macédoine. Aimeriez-vous...

[Français]

M. André Bachand: J'ai demandé la parole, monsieur le président, et vous ne me l'avez pas accordée.

[Traduction]

J'ai demandé à prendre la parole avant les témoins...

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Quand l'avez-vous fait, monsieur Bachand?

M. André Bachand: Après l'intervention de M. Laurin.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Oh, je n'ai pas vu votre main. Si vous la levez bien haut, monsieur Bachand, jamais je ne refuserai de vous accorder la parole. Mais je n'ai pas vu votre main. Voulez-vous parler de la question de procédure?

[Français]

M. André Bachand: Monsieur le président, je trouve absolument dégueulasse qu'on annule la séance en raison d'une élection provinciale en Ontario, alors que le Canada est en guerre. Je pourrais en parler longuement. Ce n'est pas parce que certains députés s'absentent simplement pour faire sortir le vote en cette journée d'élections que le Canada va arrêter de bombarder la Yougoslavie. C'est inacceptable. J'aurais aimé qu'on puisse en discuter ouvertement, mais vous avez refusé. Ni vous ni M. Graham ne m'avez consulté. Vous n'avez consulté que les membres du parti ministériel. C'est chose faite, mais je trouve cela tout à fait inacceptable.

[Traduction]

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Je trouve intéressant d'entendre un tel commentaire de la part d'un conservateur, monsieur Bachand, parce qu'il y a un membre du comité qui a vivement insisté pour dire qu'il ne pouvait être présent en raison de la tenue d'élections—non pas en Ontario—et c'est Mme Wayne. Vous pouvez donc en discuter avec elle. Mais en ce qui me concerne, monsieur Bachand, il n'y a pas suffisamment de membres qui seront présents, et franchement...

M. André Bachand: Mais je...

Le coprésident (M. Pat O'Brien): C'est à mon tour de parler, monsieur Bachand. Franchement, je trouve votre commentaire inopportun et déplacé. Mme Wayne a été la première à demander l'annulation de la réunion, et elle n'habite pas en Ontario.

Monsieur Graham, voulez-vous commencer?

M. Bill Graham (député de Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Il me fait plaisir de vous présenter, à vous et à nos collègues, un rapport sur le voyage que MM. Mills, Laurin, Martin et moi-même avons fait en Macédoine, la semaine dernière. Nous avons eu l'occasion de visiter plusieurs camps de réfugiés. Nous nous sommes rendus à la frontière du Kosovo. Nous avons rencontré, dans les camps, des représentants d'ONG canadiennes et internationales, des représentants d'organismes internationaux, et des dirigeants politiques locaux.

Je pensais vous donner, cet après-midi, un aperçu de ce que nous avons vu et de ce que nous avons fait. Chacun des membres de la délégation vous donnera ensuite ses impressions personnelles. Je vais donc essayer de vous décrire ce que nous avons vu et fait, et ensuite vous donner mon opinion personnelle du voyage.

D'abord, j'aimerais remercier le ministère de nous avoir envoyés là-bas. C'était une excellente idée. Nous avons appris, sur place, que de nombreux parlementaires et de nombreux membres du Congrès se rendent dans la région régulièrement, et c'est une bonne chose que les parlementaires et le gouvernement sachent ce qui se passe. Je pense que le ministre des Affaires étrangères, en envoyant quatre parlementaires là-bas, a pris une excellente décision.

• 1620

Qu'avons-nous vu et qu'avons-nous appris? D'abord, comme je l'ai mentionné, nous avons visité deux camps de réfugiés et nous nous sommes rendus à la frontière. Que peut-on vous dire au sujet de ces camps? Pour vous aider à comprendre, nous y avons rencontré des personnes qui ont souffert terriblement, qui ont été expulsées de leurs foyers. Nous avons vu des enfants qui avaient l'habitude de jouer dans les champs, chez eux, et qui se retrouvent maintenant dans un camp. Par exemple, dans un des camps, aucun repas chaud n'est servi. Les réfugiés n'ont pas mangé un repas chaud depuis qu'ils y sont. C'est un camp de transition qui abrite parfois 18 000 ou 20 000 personnes—parfois 10 000—vivant dans des conditions au mieux marginales.

Multipliez cela par un million, quand on se rend compte qu'il y a un million de réfugiés, et vous vous retrouvez avec une situation qui dépasse l'entendement. Mais c'est ce qui se passe là-bas. Nous nous sommes rendus à la frontière où 5 000 personnes angoissées attendaient de traverser. C'était triste à voir, et nous étions totalement impuissants.

Donc, nous avons constaté qu'une tragédie humanitaire incroyable était en train de se dérouler sous nos yeux. Nous voyons les images que projette la télévision, mais le fait d'être sur place, de voir, de sentir, c'est autre chose. J'ajouterais que, pendant les trois jours que nous avons passés là-bas, environ 30 000 personnes ont traversé la frontière en Macédoine. Les camps n'arrivent pas à absorber le flot de réfugiés, et c'est un problème que nous devons régler. Les réfugiés à qui nous avons parlé veulent retourner chez eux, mais ils ne pourront le faire que s'ils se sentent en sécurité, et ils ne se sentiront pas en sécurité tant que M. Milosevic contrôlera le Kosovo.

La pression est énorme pour qu'on trouve une solution au problème, et le plus vite possible. Cette pression n'est pas seulement politique. Elle comporte également un volet humain. Dans quelques semaines, la température dans les camps va atteindre les 40 degrés centigrades. Imaginez quelque 20 000 personnes—enfants, femmes, hommes—entassées dans un petit espace à 40 degrés centigrades, avec très peu d'installations—équipements sanitaires, toilettes, douches, ainsi de suite. Pis encore, si la situation perdure jusqu'au mois d'août, nous devrons sérieusement envisager la possibilité que ces réfugiés ne retourneront pas au Kosovo cet hiver, et nous devrons prévoir la construction de logements dans des pays où les températures peuvent osciller entre moins 30 et moins 40 degrés centigrades. Comme il faudrait loger un million de personnes, le coût serait astronomique, non seulement sur le plan financier, mais également humain.

Nos ONG, là-bas, font un travail absolument phénoménal. Nous avons rencontré le groupe MSF, ainsi que d'autres ONG canadiennes. Nous avons rencontré les représentants du ministère de l'Immigration qui se sont occupés des formalités pour les 5 100 réfugiés qui sont venus au Canada. Nous sommes les premiers à avoir respecté nos engagements à cet égard, et les politiciens que nous avons rencontrés nous ont remerciés de notre soutien.

Nous avons également eu l'occasion de rencontrer les responsables du HCNUR, qui ont été la cible de vives critiques, au début, à cause de la façon dont ils dirigeaient les opérations. Nous devons convenir, par suite de nos conversations avec eux, qu'ils maîtrisent maintenant beaucoup mieux la situation. L'organisation des camps a posé d'énormes problèmes au début, et la situation est toujours très confuse. Le HCNUR est le leader en titre, mais les camps sont dirigés par des organismes différents. Ainsi, à l'intérieur des camps, on retrouve divers organismes de nationalités différentes dont les actions doivent être coordonnées. Il existe donc un désordre indescriptible au niveau de l'organisation.

Nous avons rencontré les responsables du Programme alimentaire mondial, qui distribuent de la nourriture aux réfugiés, et ils nous ont dit qu'ils achètent beaucoup de produits locaux, parce que les autorités souhaitent qu'ils s'approvisionnent autant que possible auprès des fournisseurs locaux, puisque c'est important pour une économie qui a été complètement détruite. Je vais y revenir plus tard.

Nous avons également rencontré les responsables de la Croix-Rouge.

Ces groupes n'ont reçu que 70 p. 100 environ des fonds qu'on leur avait promis d'ici la fin juin. Ils ont besoin de plus d'argent de la communauté internationale pour financer les engagements internationaux des organisations qui sont là dans le seul but de garder les réfugiés en vie et de les nourrir adéquatement.

Nous avons rencontré des groupes politiques. Le soir, nous dînions avec des politiciens kosovars, et je dois dire que, peu importe ce que vous entendez, ils sont d'accord avec l'intervention de l'OTAN. À leur avis, c'est la seule façon qu'ils pourront rentrer chez eux. Or, quand ils décrivent les pertes qu'a subies la société civile... il était tragique de parler à des gens comme nous, qui avaient fait les mêmes choses que nous, qui étaient eux aussi des parlementaires. Il y en avait une qui était anthropologue et qui écrivait des pièces de théâtre. Un autre était ingénieur chimique. Ils menaient des vies ordinaires. Ils faisaient partie du processus politique. Tout à coup, leur société civile a été complètement bousculée par M. Milosevic. Ils ont, dans un premier temps, été exclus de leur profession. On leur a interdit d'exercer leur métier. Les pièces qu'elle écrivait ne pouvaient plus être jouées. Petit à petit, la société civile a cessé de fonctionner, et ces personnes ont fini par être expulsées du pays. Tout ceci depuis 1988.

• 1625

Nous avons rencontré des politiciens macédoniens. Nous avons rencontré le président de la Chambre. Nous avons rencontré les comités responsables de la santé, des questions économiques, des affaires étrangères, le sous-ministre des Affaires étrangères.

Que puis-je vous dire de ces réunions? D'abord, l'économie de la Macédoine est complètement ruinée. Je ne sais pas comment... je peux faire une analogie. Imaginez que le Canada—et vous savez à quel point nous sommes étroitement liés à l'économie américaine—était coupé des États-Unis, comme la Macédoine a été coupée de la Serbie, cette puissance économique dont elle était totalement tributaire en raison de la façon dont la Yougoslavie était organisée dans le passé. Imaginez que nous sommes coupés des États-Unis et que, au même moment, trois millions de réfugiés arrivent dans le pays—c'est à peu près le nombre de réfugiés avec lequel ils doivent composer. Imaginez l'impact que cela aurait sur nos services de soins de santé, nos services d'accueil, nos services sociaux?

Ils sont en train de vivre un moment absolument extraordinaire. Ce pays avait un budget d'environ 600 millions de dollars US par année, soit l'équivalent de 1 milliard de dollars canadiens—une petite économie et un petit budget. Eh bien, les réfugiés eux-mêmes coûtent plus de 1 milliard de dollars canadiens par année. Les rajustements économiques sont donc phénoménaux. Des politiciens nous ont dit qu'il y avait des tensions au sein de la société parce que certains Macédoniens n'appréciaient pas la présence des réfugiés kosovars. Comme, en raison de leur situation socio-économique, ils n'ont pas d'assistance sociale, de sécurité sociale et de soins de santé, ils soutiennent que les réfugiés installés dans les camps sont nourris et ont accès à des soins de santé. Vous pouvez donc comprendre les tensions sociales qui existent à l'intérieur du pays. Il y a également une tension économique qui est extraordinaire.

Sur le plan politique, il est évident qu'ils aimeraient faire partie de l'OTAN, de l'UE, mais ils ne veulent pas froisser la Serbie, qui est leur plus proche voisin, leur plus grand marché, l'intermédiaire par lequel ils envoyaient tous leurs produits en Europe. Ils se trouvent dans une situation très, très difficile, et ils nous ont fait comprendre que certains pays ne respectaient peut-être pas les engagements financiers qu'ils avaient pris à l'égard de la Macédoine.

Mes propres conclusions sont donc... M. Bachand a soulevé un point très intéressant. À court terme, il faut mettre fin à cette guerre le plus tôt possible, peu importe les moyens utilisés.

À long terme, nous allons devoir établir, pour les Balkans, un plan Marshall qui devra inclure la Serbie. Nous allons devoir reconstruire; nous allons devoir dépenser plus pour la reconstruction que ce que nous avons dépensé pour l'effort de guerre. Nous allons devoir reconstruire d'abord le Kosovo, et ensuite toute la région.

J'ai été heureux d'entendre M. Wright parler de stabilité, parce que nous devons indubitablement commencer à penser à la stabilité économique à long terme de la région. Autrement, nous ne ferons que créer une nouvelle poudrière et il sera difficile de sortir de ce cercle vicieux.

Je ne sais pas combien d'entre vous avez lu le National Post ce week-end. Il y avait un article sur le Kosovo qui contenait beaucoup de renseignements très intéressants. Je l'ai lu à mon retour de voyage et j'ai songé aux problèmes très difficiles auxquels nous avons été confrontés, aux questions que nous essayons de régler autour de cette table et là-bas.

J'aimerais vous lire le dernier paragraphe de l'article de Michael Ignatieff. Il résume assez bien la situation. Il dit en substance que:

    Le Kosovo est plus qu'un test de détermination militaire. Il nous amène à nous interroger sur tout ce en quoi nous croyons. Nous parlons de droits de la personne. Que sommes-nous prêts à faire pour les défendre? Nous parlons du droit d'intervention à des fins humanitaires. Est-ce que ce ne sont que des mots vides de sens? Nous parlons d'un «monde unique». Est-ce qu'une telle chose existe quand une nation entière est déportée sous nos yeux sans intervention aucune de notre part? Nous nous trouvons dans une situation où nous ne pouvons plus faire de distinctions. Nous sommes au milieu d'une forêt sombre et nous devons poursuivre notre marche jusqu'à ce que nous rejoignions la route.

Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Graham.

Est-ce que les autres membres de la délégation souhaitent ajouter quelque chose avant que nous passions aux questions? Monsieur Mills.

• 1630

M. Bob Mills (député de Red Deer, Réf.): D'accord.

On nous a demandé de faire quelques commentaires, et je ne répéterai pas ce que M. Graham a dit. Nous avons tous été profondément touchés par ce que nous avons vu, et nous en resterons marqués pendant des années.

J'aimerais également vous dire que, avant ce voyage, j'ai eu l'occasion, ce qui arrive rarement, de me rendre à New York, où j'ai assisté à une séance d'information d'un jour, et ensuite à Washington, où j'ai assisté à une séance d'information du département d'État et du Pentagone. Ils ont brossé un tableau assez peu rassurant de la situation. Nous sommes ensuite rendus à Moscou, où, pendant quatre jours, nous avons rencontré le ministre des Affaires étrangères, plusieurs membres de comités, plusieurs membres de la Douma, le président de la Chambre. Ils nous ont dit qu'ils étaient mécontents de l'OTAN et du monde unipolaire qui gravitait autour de l'organisation. De là, nous nous sommes rendus en Macédoine.

En 10 jours, j'ai eu l'occasion de voir les deux côtés de la médaille, et de me retrouver ensuite sur le terrain, en Macédoine. Il est très utile d'avoir une vue d'ensemble de la situation.

Je vais commencer par la Macédoine et la crise qui prévaut là-bas. Quand 70 p. 100 de nos échanges se font avec la Yougoslavie, vous savez que vous avez un sérieux problème sur les bras. Quand 30 p. 100 de vos échanges se font avec l'Union européenne et que vous avez perdu vos réseaux d'acheminement... Vous savez que vous avez un sérieux problème sur les bras. Le taux de chômage est de 40 p. 100, le gouvernement est fragile, et il y a une méfiance réelle à l'égard de la minorité albanaise, qui représente déjà 27 p. 100 de la population.

Il y a 250 000 Albanais qui sont arrivés dans le pays, et cela constitue une source réelle de déstabilisation. Si cette déstabilisation se concrétisait et que la Macédoine devait devenir le prochain Kosovo, j'ai l'impression que l'Albanie serait elle aussi entraînée dans le conflit, la Grèce, et de nombreux autres pays.

Il faut aussi préciser qu'ils souhaitent que les réfugiés partent le plus tôt possible. Ils ont accepté de les garder, mais pas en permanence. Il faut trouver une solution très bientôt.

En ce qui concerne les réfugiés eux-mêmes, j'ai appris qu'ils sont entassés dans des trains au Kosovo, qu'ils sont conduits jusqu'à la frontière, et qu'ils sont ensuite expulsés du train. Nous les avons vus. Ils étaient 10 000 qui marchaient les uns derrière les autres, qui traversaient une zone neutre avec pour seuls bagages de petits sacs de plastique dans lesquels se trouvaient tous leurs biens. J'ai entendu dire qu'une femme a donné naissance dans la boue, dans cette zone neutre, et que le bébé est mort. J'ai parlé à un réfugié qui était propriétaire d'un magasin de chaussures. Il m'a dit qu'on les a expulsés sans chaussures, lui et sa femme, qu'on les a obligés à monter à bord du train et à franchir la frontière. Une fille m'a appelé pour me montrer son bébé. Quand elle l'a découvert, j'ai vu qu'il était blême et qu'il ne bougeait pas. Je lui ai demandé s'il était vivant. À mon avis, il ne l'était pas, mais elle a répondu oui et m'a demandé s'il vous plaît de l'aider à trouver du lait pour son bébé. Et bien entendu, j'ai demandé désespérément, y a-t-il quelqu'un qui peut aider cette femme?

Nous étions tous émus et nous nous sommes rendu compte que personne ne devrait avoir le droit de traiter son prochain comme cela. Personne. Nous sommes en 1999, à l'aube du XXIe siècle. Nous avons entamé le siècle de cette façon. Comment pouvons-nous le terminer de la même façon?

C'était le désespoir total, et nous ne pouvons pas l'oublier. M. Wright a eu raison de dire que nous ne pouvions pas les laisser faire.

J'aime prendre des photos. J'ai pris 14 rouleaux de diapositives dans le camp, et j'énervais mes collègues avec mon appareil photo. Mais ils ont dit, prend notre photo, parce que nous voulons que tu racontes ce que nous avons vu. Je le fais au moyen de photos, et je trouve que c'est une bonne façon de le faire.

Enfin, je pense que des progrès ont été accomplis aujourd'hui. Je l'espère en tout cas, après avoir écouté M. Chernomyrdin et le ministre des Affaires étrangères à Moscou. J'ai bon espoir que quelque chose de positif va se passer, demain matin, à Belgrade, que nous allons avoir un cessez-le-feu, que des progrès réels vont être accomplis.

• 1635

Je crois donc que nous devrions tous prier—bien que je ne sois pas croyant—pour la rencontre de demain qui est prévue entre M. Ahtisaari et M. Tchernomyrdin d'une part, et Milosevic, d'autre part. Espérons que ce sera la fin de cette crise, ou le début d'un retour à la normale pour tous ces gens.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Mills.

[Français]

Monsieur Laurin.

M. René Laurin (député de Joliette, BQ): Je vais essayer de ne pas répéter ce que mes collègues ont dit parce qu'ils ont fait une très bonne description, un très bon résumé. Je voudrais ajouter quelque chose concernant l'état émotif des gens qu'on a rencontrés. Dans le camp, je n'ai entendu aucun des réfugiés se plaindre. Je n'ai entendu aucun des réfugiés parler ou revendiquer. Ils ne semblaient plus capables de se plaindre. Je me demande s'ils pouvaient encore pleurer.

Ce sont des gens abattus et défaits. Ce sont des gens détruits dans leur essence même, dans leurs rêves. Ils sont là en attente. Ils sont en attente d'un repas, d'eau potable, d'un lavage. Ils sont aussi en attente d'un fils perdu dans le camp ou dans un autre camp, d'un frère, d'un conjoint ou d'une conjointe. Ces gens-là sont en attente de tout.

Ils ne sont pas résignés, mais ils semblent souffrir et ils le font dans la dignité. Je n'ai pas vu de révolte s'exprimer. J'ai vu des gens dignes, des gens abattus qui espéraient. Quand des gens nouveaux arrivaient dans les camps de réfugiés, ils venaient nous demander s'il y avait quelque chose de nouveau pour eux. Ils nous demandaient si notre présence signifiait un espoir nouveau. Lorsqu'on leur expliquait l'objet de notre visite, ils retournaient à leur quotidien.

La vie dans le camp est quand même très propre. On n'a vu personne dans la misère. Ce n'est pas le confort de nos foyers et ils n'ont pas de meubles comme on en a chez nous, mais ils ont au moins de quoi manger, ils vivent proprement et ils s'occupent de leur hygiène et de l'hygiène générale du camp.

Mon collègue Bob Mills a parlé de la vie économique. Les craintes ont été exprimées par les politiciens qu'on a rencontrés et non par les réfugiés. Les politiciens semblaient beaucoup plus préoccupés par la situation économique de leur pays que par le sort des réfugiés. Ils sont inquiets, et on peut le comprendre parce que leur pays risque la déstabilisation. On a mentionné qu'en Macédoine, le chômage était maintenant à 40 p. 100. La population, qui était de 13 p. 100 l'année précédente, est passée à plus de 30 p. 100. Il y a donc des manifestations d'inquiétude, bien sûr.

L'éducation des enfants des réfugiés est plus ou moins bien organisée. Il y a bien quelques professeurs de l'UNICEF qui ont été prêtés, mais les classes vont recommencer à l'automne. Si ces enfants sont encore dans des camps de réfugiés, il sera impossible de leur donner des cours, de les scolariser dans une situation comme celle-là. Les écoles de Macédoine ne sont pas prêtes à recevoir un flot aussi considérable de nouveaux enfants. On n'a pas suffisamment d'écoles et on n'a pas suffisamment de professeurs pour s'occuper de ces enfants.

On compte donc énormément sur le soutien international. Il y a eu beaucoup de promesses. Certains pays, tel le Canada, ont déjà tenu leurs promesses. On a fait l'éloge du Canada pour ce qu'il a fait, mais d'autres pays traînent la patte et n'ont pas encore envoyé la totalité de ce qu'ils avaient promis. On nous dit que si toutes ces promesses sont tenues, les obligations pourront être rencontrées.

On nous a exprimé des voeux. On souhaite que les pays hôtes accueillent encore davantage de réfugiés et augmentent leur participation financière et que les pays du G-8, en particulier, acceptent d'ouvrir leurs portes à l'économie de la Macédoine et des autres pays autour du Kosovo. Ils savent bien que désormais, les Serbes les considéreront comme des ennemis et qu'ils ne feront probablement plus le commerce avec ces gens pendant quelques générations. Ce commerce représentait 30 p. 100 des transactions qui se faisaient avec la Yougoslavie. Ils n'ont plus beaucoup d'espoir de ce côté-là. Ils espèrent réorienter leur économie du côté des pays du G-7 ou du G-8.

• 1640

Voilà ce ce que je voulais ajouter. Cela me fera plaisir de répondre à vos questions.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Laurin.

[Traduction]

Monsieur Martin, avez-vous des observations à faire?

M. Pat Martin (député de Winnipeg-Centre, NPD): Oui, merci, monsieur le président, je vais être très bref. Je tiens simplement à remercier le comité de nous avoir donné l'occasion d'être directement témoins de la crise humanitaire et bien sûr du rôle que joue le Canada au bénéfice des réfugiés.

J'aimerais remercier Bill qui a dirigé notre délégation de main de maître pour ce qui est du protocole et de notre rencontre avec les dignitaires de Macédoine. À mon avis, cet aspect de notre voyage s'est très bien passé.

Bill a décrit en détail la plupart des points importants, si bien que je ne vais pas répéter tout cela, si ce n'est pour dire qu'il y a eu une accalmie à la frontière quelques jours avant notre arrivée, je crois. Très peu de gens passaient la frontière au moment où Svend s'y trouvait quelques jours plus tôt. Par contre, notre arrivée a coïncidé avec un afflux massif de réfugiés à la frontière—entre de 5 000 et 8 000 personnes.

Les travailleurs de l'aide humanitaire et les ONG auxquels nous avons parlé nous ont dit que cela semblait indiquer une escalade au niveau de l'évacuation ou de l'expulsion forcée dans le secteur frontalier. Ils nous ont également signaler une escalade de la violence coïncidant avec les expulsions. Selon certains, alors que quelques semaines plus tôt les gens risquaient d'être expulsés de leur maison, ils étaient maintenant non seulement expulsés de leur maison, mais aussi battus et faisaient peut-être l'objet d'agressions sexuelles. Cet afflux massif donnait l'impression d'une sorte de précipitation indiquant qu'il s'agissait peut-être des derniers jours et qu'il fallait donc déployer tous les efforts possibles au plan humanitaire.

Les représentants des ONG canadiennes que nous avons rencontrés ainsi que la quantité de travail accompli par ces gens très dévoués nous ont beaucoup encouragés.

Toutes les questions soulevées semblaient tomber dans trois grandes catégories: les camps, pleins à craquer, comme on l'a dit; le genre de vie et la sécurité des Albanais de souche qui sont toujours coincés au Kosovar—de 400 000 à 500 000 qui n'ont toujours pas passé la frontière; le stress social et économique sur les pays avoisinants comme la Macédoine, comme cela l'a été souligné, sans compter la diminution des échanges commerciaux, l'affaiblissement de l'économie, etc., qui pourraient en fait provoquer une agitation sociale, laquelle, comme l'a dit M. Mills, pourrait s'étaler dans tous les Balkans si bien que nous serions confrontés à des situations du même genre pour encore de nombreuses années.

Ceci étant dit, cela a été un grand honneur pour moi que de faire partie de cette délégation et je suis heureux d'avoir eu l'occasion de le faire. Merci.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Martin.

Au nom de tous les députés ici présents et de tous les députés de la Chambre, je vous remercie, monsieur Graham, vous-même et vos collègues, d'avoir pris le temps, d'avoir fait l'effort et effectivement, d'avoir pris le risque d'aller en Macédoine et de vivre cette expérience. Je ne suis pas sûr que j'aurais voulu le faire moi-même, mais il est important que des députés canadiens le fassent. Votre témoignage fort éloquent devant notre comité me fait certainement comprendre avec plus de précision la situation. Merci donc pour vos commentaires.

Je vais maintenant passer aux questions des députés tout en indiquant d'abord que nous devons terminer à 17 heures précises. Plusieurs de nos collègues ont d'autres engagements avant le vote. La liste que j'ai ici est longue, si bien que je vais demander aux députés d'établir des priorités. Posez votre première question brièvement, et nous en obtiendrons la réponse. Nous allons essayer de faire passer tout le monde et si nous avons plus de temps, nous poursuivrons la période des questions, tout simplement. Nous allons commencer par Mme Finestone. Nous n'avons que 15 minutes et j'essaie de répartir équitablement le temps dont nous disposons.

Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup.

Je veux simplement dire merci et continuer à écouter ce que vous avez à dire.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Désolé, je croyais que vous aviez levé la main pour poser une question.

Monsieur Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Les réfugiés auxquels vous avez parlé vous ont-ils donné l'impression qu'un apaisement est possible, une fois tout cela terminé, alors que cette animosité nourrie, si vous voulez, par ce nationalisme ethnique, est à l'origine de cette crise? Savez-vous ce qui va se passer pour les réfugiés lorsqu'ils retourneront chez eux et comment ils vont s'entendre avec leurs voisins?

• 1645

M. Bill Graham: C'est bien sûr l'énorme problème qui va se poser. La méfiance règne partout. Je ne peux pas dire que c'est ce qui est ressorti de nos entretiens dans les camps, car nous n'avons pas pu avoir de longues conversations avec les gens. Nous avons rencontré des enfants, d'autres personnes. Il ne fait aucun doute toutefois que les personnalités politiques que nous avons rencontrées, notamment au dîner, nous ont clairement parlé de ce sentiment de méfiance à l'égard de toute administration mise en place. Il va falloir qu'elle se mette en place sous les auspices des forces de l'OTAN ou des Nations Unies et qu'elle soit en mesure de garantir la sécurité des personnes. Ce sentiment de méfiance ne va donc pas disparaître avant longtemps.

Il suffit de voir ce qui se passe actuellement en Bosnie-Herzégovine. Il ne s'agit pas simplement de ramener les gens chez eux; nous parlons ici d'une entreprise qui va durer toute une génération, comme certains l'ont fait remarquer, vu que dans cette région, les problèmes se répètent d'une génération à l'autre.

M. Bob Mills: La situation albanaise existe depuis 500 ou 600 ans environ dans la région et on peut affirmer, sans se tromper, qu'il s'agit de haine.

C'est vraiment l'impression que j'ai eue lorsque j'étais en Bosnie. Après avoir visité des écoles secondaires et avoir passé neuf jours sur le terrain, j'ai vraiment eu le sentiment que tous ces gens-là sont prisonniers de leur histoire. Ils se haïssent d'une génération à l'autre si bien qu'il faut prévoir des forces NU ou de l'OTAN pour les séparer afin d'avoir peut-être—peut-être—le temps de bâtir une infrastructure, des écoles, de sensibiliser la population afin de surmonter ce problème. C'est cependant un projet à long terme. Ce n'est pas parce que l'on est là que tout va se régler du jour au lendemain.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Madame Guay.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Je vous remercie de vos commentaires ainsi que du bon résumé de la situation que vous nous avez fait. Ma question s'adresse à vous tous.

Vous avez vu sur place comment les choses se passaient. Vous avez vu le système établi: les tentes, les camps de réfugiés. On parle de l'hiver qui s'en vient. Il va arriver très vite et on n'aura jamais le temps de tout reconstruire. Même si on concluait dès maintenant une entente avec Milosevic, on n'arriverait jamais à reconstruire à temps tout ce qu'il y a à reconstruire. Est-ce qu'il y a quelque chose de prévu? Il est impossible de chauffer des tentes. Qu'est-ce qui va arriver? Quels sont les plans d'action? En avez-vous discuté là-bas avec les gens sur place?

M. Bill Graham: Les gens de la Commission des Nations Unies sont les grands responsables de cela. Pour le moment, ils disent que si les réfugiés peuvent rentrer chez eux avant le mois d'août, on fera le nécessaire pour reconstruire dans la région où ils retourneront. S'ils rentrent chez eux plus tard, il sera nécessaire de construire certains camps. Comme vous le dites, ils ne pourraient pas résister à leur hiver rigoureux dans des tentes. On commence tout juste la planification. Il n'y a pas encore de plans, mais on a reconnu la nécessité de planifier. Ils nous ont dit qu'ils feraient bientôt appel à une conférence pour examiner toute cette question.

M. René Laurin: Oui, c'est cela. Ils nous ont dit qu'ils pouvaient accueillir environ 60 000 réfugiés pour l'hiver avec l'infrastructure existante. Ils nous ont dit qu'ils utiliseraient toutes les bâtisses disponibles pour accueillir environ 60 000 réfugiés pendant la période hivernale. Ils font donc appel aux pays hôtes afin qu'ils augmentent autant que possible le nombre de réfugiés qu'ils accueillent chez eux.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci.

Monsieur Bertrand.

M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): J'aimerais aussi vous remercier de cet intéressant compte rendu.

Ma question s'adresse à M. Laurin. D'habitude, c'est vous qui me posez des questions. René, vous avez dit qu'aucun des réfugiés ne se plaignait, que c'étaient des gens détruits, en attente de tout, qui vivaient dans le silence et la dignité. Les réfugiés que vous avez rencontrés sont-ils toujours d'accord sur les frappes de l'OTAN? Est-ce qu'il y en a qui vous ont dit que c'était à cause de l'OTAN qu'ils étaient des réfugiés, ou si les gens sont pas mal d'accord sur ce que l'OTAN a fait jusqu'à maintenant?

• 1650

M. René Laurin: Nous n'avons passé qu'une demi-journée dans les camps de réfugiés. Pendant un jour et demi, nous avons rencontré des représentants d'organismes internationaux et de gouvernements. Je n'ai pas entendu de témoignages directs des réfugiés, mais certaines des personnes qui nous accompagnaient nous disaient que les Macédoniens n'étaient pas d'accord sur l'intervention de l'OTAN. Les politiciens, eux, nous disaient qu'ils étaient d'accord sur l'intervention de l'OTAN, mais qu'ils souhaitaient que cela ne fasse pas trop mal aux Serbes parce que ce sont leurs voisins et qu'ils seront obligés de continuer à vivre avec eux. Ils nous disaient en quelque sorte qu'ils étaient d'accord sur une intervention de l'OTAN, mais une intervention qui ne soit pas trop efficace parce que cela pourrait leur mettre à dos les Serbes. Cela pourrait faire en sorte que les Serbes les considèrent davantage comme leurs ennemis alors qu'ils seront obligés de vivre en voisins. Le Kosovo ne changera pas d'endroit, non plus que la Serbie et la Macédoine. Quoi qu'on fasse, ces gens seront obligés, un jour ou l'autre, de vivre en bon voisinage. Ce ne sera pas facile. C'est ce pourquoi ils semblent vouloir ménager le chou et la chèvre.

Ces témoignages dont je vous fais part ne m'ont pas été donnés par les réfugiés eux-mêmes, mais par d'autres personnes qui vivent en Macédoine.

[Traduction]

Le coprésident (M. Pat O'Brien): M. Graham en a parlé un peu plus tôt. Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Graham?

[Français]

M. Bill Graham: Je suis tout à fait d'accord avec M. Laurin. Les bombardements causent beaucoup de problèmes aux Macédoniens, mais j'ai eu l'impression que les quelques réfugiés et représentants kosovars avec lesquels on a parlé acceptaient la politique de l'OTAN et les bombardements parce que c'est la seule façon de leur garantir leur retour chez eux; ils n'ont aucune autre garantie.

Dès le moment où nous interromprons les frappes et où nous retournerons chez nous en nous disant qu'on ne peut pas forcer Milosevic à les laisser retourner chez eux, ce sera fini. Un million de personnes resteront dans des camps pendant des générations, comme en Palestine. C'est impensable.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur.

M. René Laurin: Ils sont contre Milosevic et pour la présence de l'OTAN, mais ils souhaitent avant tout une solution diplomatique. Ils sont pour l'OTAN mais contre les frappes de l'OTAN, et aussi contre Milosevic en même temps.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci beaucoup.

[Traduction]

Monsieur Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Comme les autres membres du comité, j'aimerais remercier les intervenants pour leur exposé. Il est très important pour nous d'être informés de votre voyage et de ce que vous avez vécu. J'ai eu une expérience similaire il n'y a pas très longtemps, lorsque j'ai visité des camps de réfugiés en Guinée, au nord de la Sierra Leone. Après une telle expérience, on a une idée plus globale de ce qui se passe dans le monde et de la contribution importante, espérons-le, que le Canada peut apporter pour le règlement de certaines de ces crises. Bien sûr, la crise des réfugiés du Kosovo n'en est qu'une parmi tant d'autres dans le monde.

Je ne cherche pas à faire le malin, mais j'aimerais connaître l'impression globale de tous les députés qui comparaissent devant nous au sujet de ce que peut faire le Canada. J'aimerais tout particulièrement savoir ce que M. Mills peut dire au sujet des fonds que nous affectons à l'aide au développement et aux opérations de secours, et savoir également ce que M. Martin a à dire au sujet des fonds que nous affectons et que peut-être nous pourrions ou devrions affecter, à la défense. Qu'avez-vous à dire, messieurs?

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Tout en répondant à cette question, essayez simplement de garder un peu de temps pour Mme Augustine. Nous devons terminer à 17 heures et je crois que la dernière question revient à Mme Augustine. Vous pouvez peut-être répondre à M. Pratt et nous passerons ensuite à Mme Augustine.

M. Bob Mills: C'est, à mon avis, un point important. Une contribution de 71 millions de dollars au total a été annoncée jusqu'à la fin juin pour l'aide alimentaire—32 millions de dollars de la part des États-Unis, 10 millions de dollars de la part du Japon, ainsi que des contributions de toute une liste d'autres pays. Notre part est bien sûr relativement peu importante, mais proportionnellement à notre population, etc., on arrive à peu près à l'équivalent. Il faut aider ces gens-là et je crois que c'est important.

• 1655

Pour ce qui est de la question militaire, d'après le terrain que nous avons pu observer, j'aurais beaucoup de questions à poser avant d'être sûr que nos soldats sont prêts à combattre sur la ligne de front. J'aimerais vraiment savoir s'ils sont équipés pour ce faire, car le terrain est accidenté et la situation serait très difficile.

Je pense que la plupart des Canadiens appuient ce que nous faisons actuellement. À mon avis, le Canada, tout comme la Finlande, a un rôle très important à jouer dans la négociation d'une solution diplomatique, de loin préférable à un règlement militaire.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Si vous permettez, j'aimerais ajouter que dans le contexte de la globalisation du capital, il faudrait peut-être prévoir une globalisation des normes humanitaires ainsi que de la primauté du droit. En pareil cas, il faut prévoir ceux qui vont faire respecter cette primauté. Je ne suis vraiment pas sûr que ce rôle devrait revenir à l'OTAN. Je ne suis pas sûr que nos institutions internationales seraient capables de faire ce qu'il faut faire dans tous les points chauds du globe. Si l'on envisage la question sous l'angle du village global, il faut alors une force de police globale et je ne crois pas que nos institutions internationales soient capables de jouer ce rôle.

Vous connaissez la position du Canada en ce qui concerne l'aide au développement, laquelle se situe actuellement à 0,25 p. 100 alors qu'elle devrait se situer à 0,7 p. 100; la Norvège et la Grande-Bretagne en sont à 1,2 p. 100. Par conséquent, nous n'en faisons pas assez globalement en tant que pays qui se classe parmi les plus riches et les plus puissants de la planète.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci.

Madame Augustine, c'est à vous de poser la dernière question.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais également remercier les députés qui se sont rendus dans une région dangereuse à ce moment-là et qui l'est toujours.

J'aimerais poser deux questions rapides. La première porte sur le fait que d'après les médias, très peu d'hommes ont rejoint leurs familles. Avez-vous vu beaucoup d'unités familiales, c'est-à-dire, le père, la mère et les enfants? Avez-vous vu beaucoup de personnes handicapées? Ont-elles pu traverser la frontière? Y avait-il des gens qui suivent un traitement médical, ou autre, qui pourraient poser des problèmes dans les camps?

Ma deuxième question porte sur les groupes comme CARE, Vision mondiale Canada, Médecins sans frontières et tous ces groupes auxquels mes électeurs et d'autres aimeraient faire des dons financiers tout en ayant la garantie que cet argent arrivera jusqu'aux réfugiés. Avez-vous vu ces groupes sur le terrain lorsque vous étiez là-bas?

M. Bill Graham: Nous avons vu pas mal d'ONG canadiennes. En fait, nous n'avons pas vu Vision mondiale Canada. L'un des problèmes, c'est que ces ONG sont disséminées dans tous les camps. Comme nous l'avons dit, nous nous sommes rendus à Stenkovac et Blace, je crois, si bien que les chances de voir beaucoup d'ONG canadiennes ont été limitées. Nous avons toutefois eu l'occasion de parler à divers représentants d'ONG canadiennes lors d'un dîner. Ces organisations sont très actives et les fonds arrivent jusqu'à elles. Je ne pense pas qu'il y ait de doute à cet égard, ce qui est une bonne chose.

Pour répondre à votre première question, Jean, je pense qu'il apparaît clairement que les unités familiales sont disloquées, mais nous avons vu des jeunes et des jeunes hommes dans les camps. J'ai parlé à un jeune homme qui devait avoir 20 ans environ et qui me disait qu'il avait un frère à Toronto. Cela m'a beaucoup intéressé et je l'ai tout de suite présenté à l'agent d'immigration en disant qu'il était admissible au programme. Il s'est avéré que ce n'était pas vraiment son frère, mais le cousin de son oncle ou autre chose du genre. Cela m'a fait toutefois plaisir; il y a donc des jeunes gens dans les camps.

M. Bob Mills: Si vous permettez, je crois que le plus triste, c'est de voir les hommes arriver à la frontière et demander où se trouve leur famille; on leur répond qu'elle est peut-être là, qu'elle est peut-être en Albanie, qu'elle est peut-être dans un des sept camps ou encore au Canada, en Australie ou en Allemagne. Cela doit être terrible. En effet, après avoir passé deux mois en prison, ils sont libérés et personne ne sait où se trouve leur famille. On essaye de régler le problème, mais aujourd'hui, ils ne savent pas où se trouve leur famille.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Dernière observation.

M. Bill Graham: Le service Téléphones sans frontières est un service technologique fort intéressant: une organisation met à la disposition des réfugiés un téléphone cellulaire pendant quelques minutes. Ils peuvent ainsi téléphoner à un cousin en Finlande, à Toronto, ou en Suisse et ils peuvent apprendre où se trouve leur famille ou recevoir d'autres nouvelles. C'est une façon extraordinaire d'utiliser les communications globales pour résoudre ce terrible problème.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Nous avons une dernière observation de M. Laurin.

• 1700

[Français]

M. René Laurin: J'ai eu l'occasion de voir une file de gens dans la salle d'attente d'une clinique médicale de Médecins Sans Frontières. Des femmes étaient là avec leurs enfants, parce que, en règle générale, c'est surtout pour les enfants qu'on y va. On me disait qu'on pouvait obtenir des soins après une demi-heure d'attente tout au plus. J'ai félicité ces gens et leur ai dit qu'on attendait plus longtemps chez nous, où nous ne sommes pourtant pas dans des camps de réfugiés.

Il faut souligner le travail admirable que font les organismes internationaux sur place. Ils donnent d'excellents services.

[Traduction]

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci beaucoup.

Les séances d'information doivent reprendre le mardi 8 juin 1999, à 15 h 15.

La séance est levée.