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ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 octobre 1997

• 0910

[Français]

Le président (l'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Mesdames et messieurs, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons nos travaux. Aujourd'hui, nous recevons comme témoin M. Dave Bennett, directeur national du Service de la santé, de la sécurité et de l'environnement du Congrès du travail du Canada.

[Traduction]

Nous vous souhaitons la bienvenue au comité, monsieur Bennett. Nous vous prions tout d'abord de faire un exposé d'une dizaine de minutes, après quoi il y aura une période de questions. Nous sommes très heureux que vous ayez pu participer.

M. Dave Bennett (directeur national, Santé, sécurité industrielle et environnement, Congrès du Travail du Canada): Merci, monsieur le président. Moi aussi, je suis très satisfait du fait que le Congrès du Travail du Canada se soit vu accorder l'occasion de dialoguer avec le comité au sujet d'une question environnementale très cruciale que le comité n'a pas encore abordée directement, à ma connaissance, ou sur laquelle il ne s'est pas penché au cours des trois ou quatre dernières années. La question à l'étude est cruciale pour la protection de l'environnement dans l'ensemble du pays.

Je m'appelle Dave Bennett. Je suis le directeur national en matière de santé, de sécurité et d'environnement pour le Congrès du Travail du Canada. Je présente mon exposé au nom de Dick Martin, le secrétaire-trésorier du CTC, qui est l'agent responsable en matière de santé, de sécurité industrielle et de protection de l'environnement.

Le comité comprendra, j'en suis certain, que nous n'avons pas eu le temps de rédiger un mémoire en bonne et due forme et de le faire traduire. Je vous livre donc un exposé oral, mais je vous remets du même coup la transcription aux fins de votre procès-verbal.

Le processus d'harmonisation environnementale au Canada a été légitimé par le chapitre 15 de l'Accord sur le commerce intérieur de 1994. Ce chapitre traite de protection environnementale et il contient des dispositions qui sont plus impérieuses que les dispositions équivalentes de l'Accord de libre-échange nord-américain ou qui leur sont tout à fait opposées.

En matière d'harmonisation, les parties à l'accord ne doivent pas réduire le niveau de protection environnementale par le truchement de l'harmonisation. Aux termes de l'article 1509, le Conseil canadien des ministres de l'Environnement a le pouvoir de faciliter le processus d'harmonisation, mais il ne se voit conférer aucun mandat d'agir comme organe exécutif en matière de formulation de normes environnementales nationales. Dans un cas comme dans l'autre, le processus d'harmonisation et les ententes provisoires qui en résultent violent l'esprit et peut-être même la lettre de l'Accord sur le commerce intérieur.

Le gouvernement fédéral a deux raisons de s'intéresser à l'harmonisation environnementale. La première est d'ordre financier. L'harmonisation entraînerait pour le gouvernement des baisses du financement et des ressources affectées à la protection environnementale. On a pu le voir très concrètement lorsque le gouvernement a annoncé récemment que 200 emplois de plus seraient perdus à Environnement Canada. Le sous-ministre de l'Environnement a déclaré que l'harmonisation faisait en sorte que moins de ressources étaient nécessaires.

Le deuxième facteur a trait à la politique de décentralisation et de délégation de pouvoirs du gouvernement fédéral. Le domaine de la protection environnementale est l'un de ceux où le gouvernement fédéral a décidé de déléguer autant de pouvoirs que possible aux provinces et aux territoires. Cette volonté de déléguer des pouvoirs est peut-être moins évidente à l'heure actuelle qu'elle ne l'était avant les dernières élections. Cependant, les répercussions d'une telle situation sur les intentions du gouvernement en matière d'harmonisation environnementale ne sont pas claires.

Nous devons bien comprendre jusqu'à quel point le gouvernement fédéral est disposé à céder des pouvoirs. Et c'est bien de cession dont il est question puisque la délégation ne sera assortie ni de conditions relatives à l'administration et à l'application de la loi fédérale, ni de normes fédérales en matière d'observation autres que celles négociées dans le cadre de l'Entente auxiliaire pancanadienne sur les inspections environnementales du CCME.

Selon l'article 57 de cette entente auxiliaire, la compétence et les pouvoirs du gouvernement fédéral ne sont pas reconnus. Son rôle ne consiste qu'à mettre en oeuvre des mesures environnementales, et ce seulement sur les terres fédérales ou aux frontières internationales. Le gouvernement fédéral n'appliquera des normes pancanadiennes que pour des produits et des substances. Par exemple, les avis relatifs aux règlements visant de nouvelles substances aux termes de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ont rapport aux exigences de mise à l'essai de nouveaux produits chimiques. L'Inventaire national des rejets de polluants, l'INRP, est fondé sur une liste de substances. Ce sont là, à toutes fins pratiques, les deux seuls domaines où les pouvoirs fédéraux ne sont pas cédés au CCME.

• 0915

On en trouve la confirmation dans le rôle qui est prévu pour les provinces. Ces dernières auront à mettre en oeuvre des mesures qui exigent des secteurs industriels qu'ils agissent en fonction de certaines normes pancanadiennes dont on aura convenu. Autrement dit, le CCME formulera les normes et les provinces en assureront la mise en application.

Dans tout cela, le gouvernement fédéral n'a jamais fondé son action sur la nécessité de mesures de protection de l'environnement adéquates pour l'ensemble du Canada.

Le projet d'harmonisation environnementale s'articule autour de deux thèmes distincts—la délégation de pouvoirs fédéraux et l'harmonisation ou l'équivalence des lois, des règlements, des normes et des mesures des paliers fédéral, provincial et territorial.

En vertu du premier thème, soit la délégation de pouvoirs fédéraux, des programmes fédéraux comme le plan de gestion des substances toxiques deviendront des programmes interprovinciaux, tout au moins pour ce qui est de leur mise en oeuvre, et également, selon toute vraisemblance, pour ce qui est de leur élaboration. Il est également probable que la responsabilité des mesures de réglementation critiques visant la réduction du volume des effluents sous le régime de la Loi sur les pêcheries et s'appliquant par exemple, aux mines, aux usines de pâtes et papier, et aux raffineries, sera transférée aux provinces selon les termes des ententes auxiliaires sur les inspections et sur les normes.

Dans l'ébauche de l'accord en matière d'évaluation environnementale, il y est prévu que les évaluations environnementales du gouvernement fédéral se limiteront aux terres fédérales. Les évaluations de projets qui chevauchent des frontières provinciales, celles qui comportent des dimensions nationales ou internationales, ne seront plus menées par le gouvernement fédéral. À une norme en matière d'évaluation environnementale viendront se substituer des normes dont l'élaboration relèvera de l'Association canadienne de normalisation, la CSA.

Il me semble important que les membres du comité comprennent la nature des normes de la CSA. Elles découlent de l'application d'une procédure officielle, mais elles n'ont rapport à aucune politique. Elles n'établissent pas en matière d'évaluation de l'environnement une norme qui puisse se comparer, par exemple, à celle d'autres pays. La procédure officielle de la CSA ne sera que le pâle reflet de ce que doit être une politique d'évaluation environnementale digne de ce nom. L'évaluation environnementale ne sera plus qu'une formalité, dont on se gardera surtout de faire un obstacle au commerce.

Le second thème est celui de l'harmonisation proprement dite. Les pouvoirs fédéraux ayant été délégués, les provinces auront la responsabilité d'adopter et de mettre en oeuvre les règles relatives à l'environnement, par le truchement du CCME. Or, bon nombre de provinces réduisent leurs services de protection de l'environnement au moins autant que ne le fait Environnement Canada, tout en s'affairant à diminuer, détruire ou émasculer leurs propres réglementations environnementales. De toute évidence, elles ne veulent pas ou ne peuvent pas faire observer correctement leurs propres règles, et encore moins celles qu'elles auront héritées du gouvernement fédéral.

En réalité, il faut dire que plusieurs provinces ne s'intéressent nullement à l'harmonisation. Elles ne s'intéressent qu'à acquérir des pouvoirs fédéraux, qu'elles n'ont d'ailleurs aucune intention d'exercer.

Avec la délégation de pouvoirs et l'échec d'une véritable harmonisation, il ne restera plus rien qui ressemble à des normes environnementales nationales. L'environnement du Canada en souffrira. L'abolition dans les faits de normes environnementales entraînera la destruction ou l'effritement progressif de l'environnement au Canada.

La Loi canadienne sur la protection de l'environnement, au moment de son renouvellement, ne sera plus que lettre morte. Elle servira tout simplement de mécanisme officiel de transfert aux provinces des pouvoirs en matière de réglementation et de mise en application. Tous les efforts consacrés par le comité à la prévention de la pollution auront été vidés de toute substance, auront perdu tout leur sens.

La protection de l'environnement au Canada prendra la forme d'une série d'ententes du CCME, qui ne seront pas soumises à l'examen de votre comité. Au cours des trois dernières années, le CCME a produit une bonne douzaine de propositions et d'ententes préliminaires. Je me demande s'il y a même un membre du comité qui en a pris connaissance. Que je sache, elles n'ont jamais fait l'objet des délibérations du comité.

J'espère donc que votre comité recommandera au gouvernement de mettre au rancart l'Accord d'harmonisation et ses ententes auxiliaires et de reprendre le processus au complet, selon ce qui est prévu dans l'Accord sur le commerce intérieur.

Enfin, j'aimerais proposer au comité qu'il existe une façon d'harmoniser les efforts de protection de l'environnement en respectant les droits des provinces aussi bien que les pouvoirs du gouvernement fédéral. Ma proposition a trait à la prévention de la pollution, une question d'actualité à laquelle le comité s'est déjà intéressé par le passé.

À l'heure actuelle, la politique fédérale en matière de prévention de la pollution est formulée en fonction des substances. Elle s'applique ainsi à une liste de substances qui doivent faire l'objet de mesures de prévention de la pollution et d'une planification en milieu de travail. Le CTC propose pour sa part que les mesures de prévention de la pollution soient liées au lieu de travail ou à la compétence. Je veux dire par là que le gouvernement fédéral exigerait des mesures de planification de la prévention de la pollution pour les milieux de travail relevant de sa compétence, à savoir essentiellement les milieux des secteurs industriels assujettis à la réglementation fédérale et au Code canadien du travail. Ainsi, la santé des travailleurs en milieu de travail relèverait de façon explicite des mesures de prévention de la pollution, sauf que, selon le projet de loi C-74, l'ancien projet de loi visant la révision de la LCPE, les mesures de prévention de la pollution ne s'appliquent qu'à un nombre très restreint de substances. La proposition du CTC est compatible avec l'article 9 proposé du projet de loi C-74.

• 0920

Chaque province adopterait ses propres lois en matière de prévention de la pollution. L'application de normes nationales uniformes en matière de prévention de la pollution serait assurée par une taxe fédérale visant les produits chimiques toxiques. Il y aurait partage des recettes avec les provinces et les territoires qui auraient adopté une norme et formulé un plan d'observation qui seraient au moins aussi exigeants que la norme fédérale. Un tel cadre ne peut garantir des normes comparables à celles du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles ou de l'INRP, mais il garantit, autant que faire ce peu dans le cadre de la Constitution canadienne, un programme national efficace en matière de prévention de la pollution. Les solutions de rechange sont non seulement moins attrayantes, mais encore, elles risquent, le comité en conviendra je l'espère, d'être désastreuses pour l'environnement du Canada.

Le président: Avez-vous donc terminé votre exposé, monsieur Bennett? Il a certainement eu pour effet de stimuler notre réflexion, c'est le moins qu'on puisse dire.

Je me demande si M. Casson est prêt à amorcer la période des questions.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Lorsque vous dites que l'harmonisation éventuelle entre les gouvernements fédéral et provinciaux risque de causer des problèmes aux travailleurs en milieu de travail, voulez-vous dire que les pouvoirs visant les substances toxiques vont être laissés entre les mains du secteur industriel ou de l'employeur? Est-ce bien cela que vous avez dit?

M. Dave Bennett: Permettez-moi de dire, tout d'abord, que les travailleurs sont doublement intéressés par la protection de l'environnement. Ils tiennent tout d'abord à protéger l'environnement qui est le nôtre, celui où nous vivons tous et dont dépend notre santé. En deuxième lieu, ils tiennent à protéger le milieu de travail. Prévenir la pollution, c'est protéger aussi bien le milieu de travail que l'environnement extérieur.

Nous craignons que le projet d'harmonisation ne donne lieu à un abaissement général de normes environnementales, à la faveur de l'harmonisation. Je me suis efforcé d'expliquer que ni la délégation de pouvoirs, ni l'harmonisation n'aurait vraisemblablement pour effet de protéger l'environnement du Canada. Au contraire, on risque de constater un grave effritement des normes environnementales.

Nous proposons comme solution de rechange une formule qui respecte les pouvoirs tant fédéraux que provinciaux en matière d'environnement, mais qui s'applique de telle sorte que la planification de la prévention de la pollution a pour effet de protéger aussi bien les travailleurs en milieu de travail que l'environnement externe et la santé des collectivités.

M. Rick Casson: L'idée de délégation de pouvoirs me tracasse moi aussi. L'harmonisation est censée simplifier les choses et permettre de supprimer les chevauchements et les dédoublements. Il n'est d'ailleurs pas facile de trouver des exemples de chevauchement et de dédoublement. Lorsque des pouvoirs sont transférés du gouvernement fédéral aux provinces—ce qui semble poser problème pour tout le monde—pouvez-vous me dire, plus précisément, en quoi cela donne lieu à un effritement des normes et à une moins grande sensibilisation à l'environnement?

M. Dave Bennett: Il convient de dire, en tout premier lieu, que, selon l'ébauche de l'accord, on ne prévoit jusqu'à maintenant qu'une délégation de pouvoirs, on ne fait que définir quels seront les pouvoirs respectifs du gouvernement fédéral et des provinces en matière d'environnement. Or, nous devons également savoir comment le Conseil canadien des ministres de l'Environnement traite les règles, les programmes et les règlements fédéraux qui deviendront une responsabilité interprovinciale. Jusqu'à maintenant, il ne semble y avoir aucune réponse à cette question, du fait qu'il n'existe aucun contrat, pour ainsi dire, aucune garantie contractuelle que les provinces vont appliquer les règlements fédéraux selon les normes fédérales.

• 0925

On peut également supposer à la lecture des ententes proposées—implicitement du moins—que les provinces auront par la suite la responsabilité de poursuivre l'élaboration de la réglementation.

Compte tenu de l'évolution du dossier de l'harmonisation, du comportement des provinces par rapport à leur propre réglementation environnementale, j'estime que rien du tout ne permet de croire qu'il existe dans les provinces clés une volonté ou une capacité de faire observer la réglementation qui leur aura été déléguée. Ces provinces sont elles-mêmes en processus de déréglementation. Elles s'affairent à réduire ou à détruire leur propre ministère de l'Environnement. Elles ne sont évidemment pas en mesure d'administrer leurs propres règlements, et encore moins des règlements, des mesures et des programmes qui leur serait délégués.

Permettez-moi d'inviter le comité à prendre connaissance des rapports successifs du vérificateur général concernant la réglementation des effluents miniers aux termes de la Loi sur les pêcheries. Le vérificateur général a fait rapport au sujet de cette réglementation vers la fin des années 80 et au début des années 90. Il a ainsi signalé de façon répétée que le degré d'observation de ces règlements d'une importance critique n'était pas satisfaisant. Puis, très soudainement, au début des années 90, les rapports concernant la réglementation des effluents miniers ont cessé. On a peut-être raison de se demander si cette situation n'est pas attribuable au fait que, dans certaines administrations, la responsabilité à l'égard de cette réglementation a été transmise aux provinces et que le vérificateur général n'est donc plus en mesure de déterminer le degré d'observation, comme il le faisait auparavant.

Il semble bien, tant selon le libellé des accords proposés en matière d'harmonisation que selon le contenu de l'annonce faite par le sous-ministre il y a quelques semaines au sujet de compressions à Environnement Canada, que cette réglementation critique sera transférée au CCME. Puisque les résultats du gouvernement fédéral en matière d'observation étaient déjà peu reluisants à cet égard, jusqu'où iront les choses lorsque le gouvernement fédéral n'exercera plus aucun contrôle sur cette réglementation? Comme je vous l'ai dit, rien ne laisse présager une entente contractuelle qui ferait en sorte que les provinces seraient tenues d'assurer l'observation de la réglementation et de déposer un plan d'observation comportant des objectifs clairement formulés.

Le président: Merci, monsieur Bennett. Monsieur Jordan, suivi de M. Stoffer.

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Bennett, vous tombez bien, étant donné que j'ai déjà eu l'occasion par le passé d'exercer certaines responsabilités en matière de santé et d'hygiène au travail. Il me semble bien que ce qui se passe en matière de santé et d'hygiène dans le secteur de l'entreprise et en milieu de travail est le reflet en plus petit d'enjeux plus vastes en matière de réglementation de l'environnement, tant pour le Canada que pour l'ensemble du monde. D'après votre expérience—en effet, nous parlons ici de diverses possibilités, de collaborations, de mesures volontaires et ainsi de suite—, existe-t-il une corrélation directe entre l'observation et des activités crédibles d'inspection et de mise en application de la part de tiers? Peut-on citer des cas où les coûts économiques de la réglementation ont eu ou peuvent sembler avoir des conséquences directement opposées à l'intérêt des travailleurs en matière de santé et d'hygiène?

M. Dave Bennett: Il n'est pas simple de répondre à la question que soulève le député, étant donné que les régimes visant la santé et l'hygiène diffèrent passablement, tant dans leur raison d'être que dans leur contenu, des initiatives en matière de protection de l'environnement. Les aspects clés qui concernent l'administration de la santé et de l'hygiène au travail sont la participation des travailleurs, la participation du syndicat, la participation de comités à l'administration du régime en milieu de travail. Ce ne sont pas les seuls facteurs, mais nous avons constaté que, à moins que l'administration gouvernementale concernée ne mette en place un système d'inspection et une politique de mise en application appropriés, les mesures de collaboration en milieu de travail entre travailleurs et gestionnaires ne peuvent porter fruit. Elles ne le peuvent que s'il existe un régime efficace d'administration, d'inspection et de mise en application.

• 0930

Cela ne veut pas dire que la mise en application est la seule garantie d'un régime de santé et d'hygiène au travail qui soit convenable. Cela veut plutôt dire que tout le système doit bien fonctionner. Aussi bien les travailleurs que les employeurs doivent avoir de bonnes raisons de bien faire leur travail dans le cadre du milieu de travail, un tel cadre étant balisé par un système efficace de mise en application.

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Merci. Je suis très heureux d'être ici ce matin. J'ai quelques questions à vous poser.

Vous avez dit que l'évaluation environnementale ne sera plus qu'une formalité où la seule question qui se posera sera de savoir si les procédures constituent un obstacle au commerce. Vous surestimez ainsi le mérite du gouvernement. Cela se passe déjà. Il y a bien des cas en Nouvelle—Écosse où le commerce était la priorité. Je songe en particulier au projet de la pointe Aconi au Cap-Breton, où il a fallu quatre heures seulement pour faire l'évaluation environnementale de ce projet qui aurait un impact considérable sur les collectivités de producteurs agricoles et de pêcheurs et tout le reste.

Je crains que, au fur et à mesure que le gouvernement réduit la taille de son appareil pour répondre à des contraintes financières, il y a bien des choses qu'on aura tendance à oublier. Voyez l'exemple des étangs bitumeux de Sydney. Si la responsabilité est transférée du gouvernement fédéral à la province, la Nouvelle-Écosse n'a absolument pas les moyens à l'heure actuelle d'assurer la dépollution de ce site. D'après les estimations, les frais de dépollution totaliseraient entre 20 millions et 250 millions de dollars. Je crains que le gouvernement fédéral dise simplement à la Nouvelle-Écosse: «Désolé, mais c'est votre problème; vous devez assumer vous-mêmes les frais de dépollution.» Ce site au Cap-Breton est actuellement le pire cauchemar environnemental au Canada. Si le gouvernement fédéral devait transférer la responsabilité des questions environnementales à la Nouvelle-Écosse, le tout retomberait sur la tête des habitants du Cap-Breton. Ce serait à mon avis une catastrophe pour le Canada tout entier.

Voyez l'exemple...

Le président: Excusez-moi. Ça va, mais pourriez-vous s'il vous plaît vous en tenir à ce qui se trouve dans la proposition du CCME et en venir à une question, monsieur Stoffer?

M. Peter Stoffer: Excusez-moi. Je voulais faire des observations générales et terminer par une question.

Ma question, Dave, vise à savoir si, advenant le transfert par le gouvernement fédéral aux provinces de l'entière responsabilité de la réglementation environnementale, les provinces deviendraient d'après vous les seules responsables de problèmes comme celui des étangs bitumeux et si la situation serait encore plus catastrophique en raison des dépenses que les provinces devraient engager pour en assurer la dépollution?

M. Dave Bennett: Oui. Je suis persuadé que ce serait le cas sur le plan des finances, de la Constitution et de la politique environnementale. L'Accord sur l'harmonisation environnementale aurait pour effet de limiter la responsabilité du gouvernement fédéral aux seules terres fédérales et à l'administration de programmes aux frontières internationales. Les étangs bitumeux dépasseraient le champ d'intérêt et de compétence du gouvernement fédéral.

M. Peter Stoffer: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Charbonneau, s'il vous plaît.

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Je voudrais demander à notre invité de nous faire part de sa réflexion devant la question suivante.

J'ai compris que le Congrès du travail du Canada voyait de façon très défavorable les résultats atteints par cette démarche d'harmonisation. Êtes-vous plus défavorables aux résultats qu'au principe de la démarche? Autrement dit, votre position est-elle circonstancielle, conjoncturelle à cause de la politique budgétaire de certains gouvernements provinciaux importants ou de certaines mesures particulières prises par certains gouvernements?

Est-ce que c'est cela qui vous amène à être contre les résultats obtenus dans le cadre de la démarche d'harmonisation ou si vous êtes contre le principe, en ce sens que vous ne voyez même pas l'utilité d'une telle démarche? Je vous pose cette question en relation avec l'approche que l'on considère toujours valable en environnement, soit qu'il faut penser globalement et agir localement.

Donc, il faut penser à l'échelle du Canada, à des normes et à des approches en environnementales, mais il faut aussi voir comment on les applique au plan local. Peut-on tout laisser entre les mains du fédéral? Je voudrais entendre votre réflexion surtout sur cette question. Est-ce conjoncturel? Est-ce que ce sont les résultats qui vous déplaisent ou le principe même?

• 0935

[Traduction]

M. Dave Bennett: Vous posez là une excellente question. D'après ce que nous avons dit et d'après les arguments que nous avons présentés, vous pouvez voir que nous ne nous opposons pas à l'harmonisation en principe. Si elle devait se traduire par des normes nationales efficaces et par une protection acceptable pour l'environnement canadien, l'harmonisation serait bien entendu quelque chose de bien. Nous voulons autant que possible des normes uniformes élevées qui répondent aux besoins. Si l'harmonisation nous permettait d'en arriver là, elle serait parfaitement acceptable.

Nous en avons, non pas contre le principe d'harmonisation, mais contre la façon de la mettre en oeuvre. Deux facteurs importants nous amènent à conclure que l'harmonisation ne sera pas efficace. Premièrement, il y a la politique de transfert du gouvernement fédéral, et plus particulièrement la façon dont elle se traduit dans la pratique. À notre connaissance, le gouvernement fédéral s'est engagé jusqu'à maintenant dans la voie du transfert sans aucune entente contractuelle garantissant que les provinces appliqueront efficacement les lois fédérales et assumeront les responsabilités du gouvernement fédéral.

Deuxièmement, il y a le processus d'harmonisation en tant que tel. Même si nous mettons de côté l'aspect transfert de responsabilités, quelle forme l'harmonisation prendrait-elle dans la pratique? Eh bien, vous avez été à même de constater qu'au moins deux des provinces les plus industrialisées, l'Ontario et l'Alberta, se sont fermement engagées dans la voie de la déréglementation.

L'honorable député demandait en fin de compte si nous nous opposions au fait que les provinces assument elles-mêmes la responsabilité de l'environnement dans les limites de leur territoire. Encore là, je réponds en principe par la négative, mais si l'harmonisation se fait de concert avec ces deux provinces notamment qui ont bien manifesté leur manque d'intérêt pour les normes environnementales et leur manque d'intérêt pour ce qui est d'harmoniser leurs normes avec celles des autres provinces, je crois que toute personne raisonnable dirait que cela ne peut pas être bon pour l'environnement canadien ni pour l'environnement dans ces provinces, qui au bout du compte fait partie de l'environnement canadien.

Enfin, je crois que nous avons tenté de montrer que, s'agissant de normes environnementales, tout dépend de l'aspect en question. Selon nous, dans le domaine clé de la prévention de la pollution, les provinces ont un rôle très considérable à jouer, mais nous devons par ailleurs trouver le moyen de veiller à ce qu'il y ait une norme nationale à cet égard qui serait, dans la mesure du possible, une norme uniforme élevée. Pour ce faire, nous vous recommandons de percevoir une taxe au niveau fédéral sur les produits chimiques et de répartir les recettes de cette taxe entre les provinces qui répondent à la norme fédérale.

Il n'y a donc pas qu'un seul régime d'harmonisation possible. Tout dépend de l'aspect environnemental dont il s'agit.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Auriez-vous des suggestions à nous proposer quant à une reprise du processus d'harmonisation sur de meilleures bases, étant donné que vous semblez ne pas en avoir contre le principe de l'harmonisation, mais plutôt contre le résultat atteint? Avez-vous des remarques à faire quant aux circonstances dans lesquelles elle se produit en relation avec certaines provinces? Auriez-vous des suggestions à nous faire pour reprendre le processus sur de nouvelles bases qui, selon vous, pourraient nous apporter de meilleurs résultats?

[Traduction]

M. Dave Bennett: Je crois qu'il convient tout d'abord de préciser qu'il faudrait oublier la partie de l'équation qui consisterait à transférer et à décentraliser les pouvoirs fédéraux, qui présentent à notre avis des lacunes flagrantes. La meilleure façon d'assurer le maintien de normes nationales, c'est l'exercice efficace de l'autorité du gouvernement fédéral en ce qui concerne l'environnement sur l'ensemble du territoire canadien. Ce serait donc là la première étape.

• 0940

Pour ce qui est de la deuxième étape, j'inviterais le comité à examiner attentivement l'Accord de 1994 sur le commerce intérieur. C'est très peu connu au Canada, mais cet accord sur le commerce intérieur traitait de l'environnement. C'est sans doute aussi très peu connu parmi les parlementaires.

Il peut paraître étrange de constater que des parties qui sont hostiles aux accords commerciaux examinent et citent le texte de l'Accord sur le commerce intérieur concernant la protection environnementale, mais le texte de cet accord est en fait très progressiste. Il exige de tous les gouvernements des normes élevées en matière de protection environnementale. Il précise que les provinces et le gouvernement fédéral ne doivent pas abaisser leurs normes dans le processus d'harmonisation. Il précise aussi que les provinces ne doivent pas abaisser leurs normes environnementales afin d'attirer les investissements.

Ce chapitre de l'Accord sur le commerce intérieur comprend bon nombre d'éléments progressistes. Je suis d'avis que, si les gouvernements qui l'ont signé avaient vraiment à coeur d'appliquer cet accord et d'assurer la protection de l'environnement, ils repartiraient à zéro et se laisseraient guider dans leurs efforts d'harmonisation par le texte de cet accord, car non seulement l'accord exige des normes nationales élevées en ce qui concerne l'environnement, mais il établit un processus en vue d'en arriver à une certaine harmonisation. Je maintiens que les gouvernements n'ont pas respecté à ces deux égards les clauses de l'Accord sur le commerce intérieur.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Serait-il possible que les membres du comité aient accès aux textes de l'accord commercial interne de 1994 dont il était question, en particulier sur le chapitre de l'environnement, de manière à ce que nous puissions aller plus loin dans notre compréhension de la question? Pourriez-vous déposer cette pièce devant le comité?

Le président: Si c'est un document officiel, naturellement, on peut l'obtenir.

M. Yvon Charbonneau: Il s'appelle l'Accord sur le commerce intérieur ou quelque chose comme cela.

Le président: On va faire la recherche.

Merci, monsieur Charbonneau.

[Traduction]

Merci, monsieur Bennett.

Nous entendrons maintenant M. Bigras, puis le président, à moins qu'il y ait d'autres membres du comité qui souhaitent intervenir pendant le premier tour.

[Français]

Monsieur Bigras, s'il vous plaît.

M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): J'aimerais revenir sur le principe et le résultat dont M. Charbonneau vient de parler. Ne convenez-vous pas que la situation actuelle a eu pour conséquence d'augmenter les coûts du système actuel pour les contribuables, en finançant, d'une part, le gouvernement fédéral en matière d'environnement et, d'autre part, le gouvernement provincial? Ne convenez-vous pas aussi que pour l'entreprise privée, le fait d'avoir ces doubles exigences a eu pour conséquence d'augmenter ses coûts?

Afin de résoudre ce problème-là, ne reviendrait-il pas, entre autres, aux provinces qui peuvent le faire d'assumer cette responsabilité-là, qui serait accompagnée d'un transfert de budgets et de moyens comme vous venez de le décrire? Plus tôt, vous avez dit qu'il serait illusoire d'avoir cet accord d'harmonisation si les provinces ne bénéficiaient pas des outils nécessaires. Je voudrais savoir si, pour vous, l'un des outils pourrait être un transfert de budgets.

[Traduction]

M. Dave Bennett: Tout d'abord, je répondrai qu'il ne faut pas parler de problèmes financiers, ni de budgets, ni de réalités économiques. Il faudrait parler en premier lieu de ce que doit viser la protection environnementale. Quelles sont les normes en matière de protection environnementale dont nous avons besoin au Canada, quelles sont les normes que nous méritons et que nous exigeons? Une fois qu'on aura répondu à cela, nous pourrons alors examiner les réalités financières et déterminer ce qu'il convient de prévoir comme partage des responsabilités entre le gouvernement fédéral d'une part et les provinces et les territoires d'autre part.

• 0945

En fait, c'est exactement l'inverse qui s'est produit. On s'est d'abord attardé sur les objectifs financiers—et nous ne nous opposons pas à la responsabilité financière, mais on a d'abord examiné les objectifs financiers, puis on a cherché à déterminer quels seraient les ministères touchés par les réductions et quelle serait l'ampleur des réductions. Au palier fédéral, Environnement Canada a été très durement touché.

Ce n'est pas du tout la démarche qu'il faut suivre. Il faut d'abord déterminer quels sont les normes, les mesures et les programmes dont nous avons besoin au Canada, puis il faut tenir compte des responsabilités administratives et ensuite des réalités financières. Si nous nous sommes engagés dans la voix de l'érosion graduelle, et parfois rapide à certains égards, des normes environnementales au Canada, c'est que les gouvernements ont tenu compte en premier lieu des réalités financières. Au lieu de se demander ce dont nous avions besoin en fait de mesures de protection environnementale, ils ont examiné d'un oeil très sceptique le rôle de l'État. Ils ont tenu compte de leurs propres perceptions du rôle de l'État, puis ils ont examiné les réalités financières et ils ont fini par dire: «Que pouvons-nous nous permettre alors, ou qu'allons-nous nous permettre, en fait de protection de l'environnement?»

Mais là, ils ne prennent vraisemblablement pas les décisions qu'ils devraient prendre. On n'a qu'à voir les réductions qui ont été annoncées récemment à Environnement Canada pour s'en convaincre; on réduit précisément dans les secteurs qui font le plus pour protéger l'environnement canadien. Je vous dirais donc que vos sentiments sont bien fondés, mais que la faute appartient aux gouvernements, avec l'encouragement des entreprises, qui ont déformé leurs priorités environnementales.

[Français]

M. Bernard Bigras: Je crois qu'il faut voir la résolution de problèmes dans une perspective multisectorielle et non pas d'un seul point de vue. C'est ma position.

Ne croyez-vous pas que la situation actuelle a eu pour conséquence de mener à deux filets qui, au fond, sont pleins de trous? Autant sur le plan des économies d'échelle que du point de vue financier, n'aurait-on pas intérêt à avoir un seul filet, mais un filet qui permette de mener à la situation dans laquelle on se trouve actuellement?

[Traduction]

M. Dave Bennett: Il me semble que vous dites que nous avons au moins deux régimes de protection environnementale au Canada, mais que les lacunes des deux régimes sont telles que nous nous retrouvons au bout du compte avec une protection environnementale insuffisante à l'échelle du pays.

En réponse à votre première question, bien souvent quand on soutient que le double emploi est trop fréquent au Canada, cela revient à dire que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont tous deux leur propre ministère de l'environnement. Cela ne veut toutefois pas dire qu'ils s'occupent des mêmes choses. Évidemment, le gouvernement fédéral a des programmes qui n'existent tout simplement pas dans les provinces. Il en est de même pour les programmes provinciaux.

Pour ce qui est de savoir si le système présente des lacunes, il en présente effectivement, essentiellement à cause de la déréglementation et à cause du fait que les gouvernements ne sont pas prêts à appliquer la loi environnementale comme ils le devraient. Il existe aussi des lacunes en ce sens que nous avons besoin de programmes, notamment en matière de prévention de la pollution, pour répondre à des besoins qui ne sont pas comblés par le système actuel, qu'il soit double ou unitaire.

À mon avis, la question du supposé double emploi ou des lacunes du système n'entre pas en ligne de compte dans l'harmonisation.

Le président: Excusez-moi, monsieur Bigras. Il nous reste moins de dix minutes avant de devoir conclure et j'ai moi-même deux ou trois questions à poser, à moins qu'un membre du comité ne veuille intervenir.

Monsieur Bennett, vous avez fait toute une déclaration tout à l'heure, à savoir que la mise en oeuvre de l'accord signerait l'arrêt de mort, si j'ai bien compris vos propos, de la LCPE. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

• 0950

M. Dave Bennett: Dans le premier projet de loi visant à modifier la LCPE, le projet de loi C-74, il était question du respect des accords d'harmonisation conclus au Canada. Cela paraissait assez inoffensif sur papier parce qu'il n'y avait pas à ce moment-là d'accords d'harmonisation qui avaient été conclus par l'entremise du CCME.

Je m'explique. Mettons que ce soit le moment de revoir la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Cette loi contient un certain nombre de dispositions, un certain nombre d'articles, un certain nombre de parties traitant de différents domaines et de différentes questions concernant la protection environnementale. D'après les projets d'accord que nous avons vus, qu'est-ce qui serait raisonnable de supposer que le gouvernement veuille retenir en fait d'autorité dans cette Loi canadienne sur la protection de l'environnement?

D'après les projets d'accord tels qu'ils se présentent à l'heure actuelle, le gouvernement fédéral maintient sa compétence sur les programmes axés sur les produits et les substances. La réglementation relative à l'essai des substances chimiques concerne des produits chimiques. L'Inventaire national des rejets de polluants traite d'une liste de substances. Il serait donc raisonnable de croire que, si ces programmes étaient légitimés par la nouvelle Loi canadienne sur la protection de l'environnement, ils seraient conservés par le gouvernement fédéral à titre de programmes nationaux. Tout le reste, cependant, serait sans doute soumis à un éventuel accord d'harmonisation. Ainsi, l'administration de ces programmes et leur extension future deviendraient la responsabilité de l'ensemble des provinces, par l'entremise du CCME.

Ce sont là des conjectures, car nous ne savons pas exactement à quoi ressemblera l'accord d'harmonisation qui sera signé et nous ne savons pas exactement quelles ententes pourraient être signées en vertu de cet accord. Nous avons vu des projets d'accord sur les normes et des projets d'accord sur les activités d'inspection. Si toutefois vous examinez le projet de loi initial visant à modifier la LCPE, à savoir le projet de loi C-74, et si vous examinez les projets d'accord d'harmonisation, il semble presque inévitable que la future Loi canadienne sur la protection de l'environnement serait dans le contexte de l'harmonisation une coquille vide, de sorte que les programmes autorisés en vertu de cette loi deviendraient des programmes interprovinciaux.

C'est notamment ce qui est envisagé dans le cas du plan de gestion des substances toxiques. Il y a beaucoup d'autres programmes qui subiraient le même sort, notamment le programme sur les substances d'intérêt prioritaire, et force est de conclure que ces programmes deviendraient des programmes interprovinciaux.

Le président: Quand vous parlez de programmes interprovinciaux, vous voulez dire qu'il s'agirait de programmes fédéraux et provinciaux ou simplement provinciaux? Qu'entendez-vous par le terme «interprovinciaux»?

M. Dave Bennett: Eh bien, si vous vous reportez...

Le président: Par définition, quand quelque chose est interprovincial, c'est fédéral, forcément.

M. Dave Bennett: Par interprovincial, je veux dire commun aux provinces. Les programmes administrés en vertu d'accords élaborés par le Conseil canadien des ministres de l'environnement, où le gouvernement fédéral est un acteur parmi d'autres... En fait, si vous vous reportez au projet de mandat du gouvernement fédéral, son rôle serait très mineur et sa responsabilité en matière de protection de l'environnement serait inférieure à celle de n'importe laquelle des provinces.

Le président: Je suis très conscient de l'heure qui avance, alors je vous demanderais de bien vouloir me donner une courte réponse. Vous avez également dit que les mesures visant à prévenir la pollution sont fonction des substances en cause, mais que si l'accord était signé, elles seraient plutôt fonction du gouvernement concerné. En êtes-vous bien sûr? N'y a-t-il pas de mesure, de loi ou de programme provincial qui est aussi fonction des substances en cause?

• 0955

M. Dave Bennett: Non, je n'ai pas parlé des programmes provinciaux de prévention de la pollution. La seule province à ma connaissance qui a quelque chose de semblable est la Colombie-Britannique, où un avant-projet de loi sur la protection de l'environnement était aussi, vous avez parfaitement raison, fonction des substances en cause, en ce sens qu'il y était précisé que la prévention de la pollution s'appliquerait à une liste de substances en particulier. Il ne s'agissait pas d'une démarche globale, qui aurait obligé les entreprises à mettre au point un programme de prévention de la pollution visant tous les produits chimiques toxiques qui seraient utilisés dans le lieu de travail.

Vous avez donc raison d'une certaine façon en ce qui concerne les programmes provinciaux, d'après ce qui existe jusqu'à maintenant. En fin de compte, une des plus grandes lacunes de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement telle qu'elle aurait été modifiée par le projet de loi C-74 était qu'elle ne s'appliquerait qu'à une très courte liste de substances, de sorte que l'entreprise qui utiliserait, par exemple, 50 substances toxiques dans son lieu de travail ne serait tenue d'établir des mesures de prévention de la pollution qu'à l'égard d'une ou deux de ces substances.

Je crois que vous serez d'accord avec moi, monsieur le président, pour dire qu'il s'agit là d'une conception plutôt émasculée de ce qu'est la prévention de la pollution. Dans les domaines où il existait des programmes efficaces de prévention de la pollution, on était très loin avec la proposition fédérale d'un programme global de prévention de la pollution dans les milieux de travail canadiens. Par contre, la partie IX de la LCPE, qui traitait des entreprises sous réglementation fédérale, prévoyait à tout le moins la possibilité de mettre l'accent, non pas sur les produits chimiques figurant sur une liste donnée, mais sur le milieu de travail.

Je propose donc une démarche radicalement différente de celle que nous avons coutume de voir au Canada. Pour ce qui est du partage des compétences, ce que je propose respecte les droits et les rôles des provinces et ce, de manière à produire une norme véritablement efficace en matière de prévention de la pollution.

Le président: Vos précisions sont très utiles.

Nous devons maintenant mettre fin à cette partie de la réunion. Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier beaucoup pour votre exposé et pour les réponses que vous nous avez données ce matin. Nous en avons certainement pris bonne note et nous espérons vous revoir quand nous aborderons une autre mesure législative ou un autre accord. Nous trouverons toujours très utile la contribution du Congrès du travail du Canada.

M. Dave Bennett: Je tiens à remercier les membres du comité d'avoir écouté les propositions du Congrès du travail du Canada et d'avoir posé des questions très pertinentes au sujet de notre exposé. Je voudrais vous laisser des exemplaires, en anglais et en français, de la proposition du CTC relativement à la prévention de la pollution, où vous trouverez plus de détails sur les questions dont je vous ai parlé relativement au partage de compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces.

Le président: Le document sera distribué. Merci beaucoup, monsieur Bennett.

Le groupe suivant, avec Maxine Cole, pourrait-il se présenter?

Le président a-t-il bien compris en pensant que, même si vous êtes quatre, il y en a seulement deux d'entre vous qui présenteront un exposé? Pour que nous puissions vous poser des questions après, pouvons-nous supposer que vous prendrez environ dix minutes en tout, ou est-ce trop vous demander? Cinq minutes, c'est trop peu pour chacun de vous? Bon, alors ce sera dix minutes chacun, si vous voulez. Cela nous mènera à 10 h 20, de sorte qu'il nous restera 40 minutes pour les questions.

Qui veut commencer? Voulez-vous nous présenter les membres de votre délégation et nous présenter ensuite votre exposé? Soyez bien sûr les bienvenus au comité. Nous sommes très heureux que vous ayez pu venir malgré le court préavis.

• 1000

Mme Maxine Cole (coordonnatrice du projet EAGLE, section Environnement, Assemblée des premières nations): Je commencerai, monsieur le président.

Je m'appelle Maxine Cole. À l'Assemblée des premières nations, je suis la coordonnatrice du projet EAGLE, Effects on Aboriginals for Great Lakes Environment.

Je vous remercie d'avoir invité l'Assemblée des premières nations à présenter au comité ses vues sur l'Accord pancanadien sur l'harmonisation environnementale qui doit être signé sous peu. Je suis ici pour vous présenter les préoccupations du Comité de l'environnement de l'APN en ce qui concerne l'accord en question.

Comme vous le savez, l'APN est une organisation nationale, dont le but premier est de militer pour la défense et la promotion des droits inhérents constitutionnels et issus de traités de ses membres autochtones. Le comité de l'environnement de l'APN a été créé à la suite de l'adoption par la Confédération des Nations en 1988 de la résolution 28 visant à établir un comité de la conservation environnementale et du développement durable. Le comité de l'environnement a pour mission de poursuivre les efforts en vue d'établir une relation de nation à nation avec le gouvernement afin d'influencer la prise de décisions sur les questions d'intérêt public qui ont un impact sur notre environnement et sur la santé des nôtres. Les Premières nations doivent aussi, en parallèle, établir les fondements d'une politique environnementale autochtone. Les membres du comité sont des représentants qui y sont délégués par les nations de l'est, du sud, de l'ouest et du nord, du Nouveau-Brunswick, du comité technique des Premières nations de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et du Yukon.

Après examen de l'accord, les Premières nations ont trouvé intéressant de prendre note que la vision qui y est énoncée prévoit que les gouvernements travaillent en partenariat afin d'assurer la meilleure qualité possible d'environnement à tous les Canadiens. Les Premières nations sont un troisième palier de gouvernement et devraient être partie à l'accord si cette vision reflète bien le processus qui est censé être engagé afin d'assurer la meilleure qualité d'environnement possible.

La relation entre les Premières nations et le gouvernement fédéral, telle que consacrée par l'article 35 de la Constitution canadienne, est unique en son genre et a été confirmée par les décisions de la Cour suprême. En outre, le gouvernement fédéral a une obligation fiduciaire à l'égard des Premières nations, laquelle obligation ne peut être déléguée ni transférée aux provinces. Le comité de l'environnement considère que, par cet accord, le gouvernement fédéral se décharge de certaines de ses responsabilités sur les provinces. Ce nouveau partage des responsabilités aura des conséquences néfastes pour les droits ancestraux et issus de traités. La relation entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones doit être maintenue afin de garantir le maintien de ces droits pour les peuples autochtones.

Les peuples autochtones sont expressément visés par les principes 6 et 11, et pourtant il n'est nullement question dans l'accord de leur accorder un rôle véritable. Les Premières nations ont déjà leurs structures de gouvernement, mais le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux n'en reconnaissent pas l'existence. C'est là une des principales critiques que nous avons à l'égard du processus de négociation de l'accord, à savoir que les peuples autochtones n'ont pas été consultés parce qu'on ne reconnaît pas l'existence des structures de gouvernement des Premières nations. Les Premières nations devraient être partie à l'accord. Leur rôle n'est pas reconnu dans l'accord, mais dans le Canada septentrional, ces structures ont plus de pouvoirs que les administrations territoriales en ce qui concerne l'environnement.

L'Assemblée des premières nations ne siège à la table du groupe consultatif national qu'à titre d'observateur. On a demandé à l'APN de participer au GCN à mi-parcours du processus. L'APN avait dit qu'elle ne participerait pas au GCN à cause du manque de définition claire des rapports. Si l'APN était devenue membre du GCN, cet acte aurait dévalué le rapport nation à nation, le seul convenable pour les Premières nations. La reconnaissance de ce rapport nation à nation est par conséquent le seul moyen d'établir et d'entretenir la dynamique d'une relation avec toutes les Premières nations.

Les Autochtones sont mentionnés à l'article 2.2.0 de l'entente auxiliaire sur l'évaluation environnementale. Il stipule que l'entente auxiliaire ne s'applique pas dans les régions faisant l'objet d'une évaluation environnementale dans le cadre d'une revendication territoriale. Selon notre interprétation, cette exclusion est strictement limitée aux revendications territoriales et aux ententes d'autonomie gouvernementale.

Le guide de politique fédéral pour l'autonomie gouvernementale des Autochtones stipule que dans les lois régissant la protection, l'évaluation et la pollution de l'environnement, les lois fédérales ou provinciales ont la préséance sur les lois autochtones. Il faut donc se demander quelle est la validité de l'article 2.2.0. Si les lois fédérales ou provinciales ont la préséance sur les lois autochtones, l'existence de procédures environnementales pour les revendications territoriales des Premières nations n'importera pas. Les gouvernements fédéral et provinciaux refuseront de reconnaître aux Premières nations une compétence prioritaire.

Ce que vous avez entre les mains, ce sont simplement des notes. J'ai dit au greffier que je modifierais ce texte au fur et à mesure que je le lirais.

Quant au transfert important des responsabilités de la protection environnementale du palier fédéral au palier provincial, il nous incite à poser la question suivante: Y a-t-il aujourd'hui un problème important de chevauchement de services au niveau de la politique environnementale canadienne? Pratiquement aucune recherche n'a été faite sur cette question. S'il y a chevauchement, il ne coûte pas grand-chose. Le CCME semble oublier qu'une juridiction partagée a des chances d'aboutir à un régime de protection de l'environnement plus efficace.

• 1005

Le système actuel offre des moyens de contrôle qui disparaîtraient si le fédéral se déchargeait de ses responsabilités sur les gouvernements provinciaux.

Encore une fois, quelle est la définition de consultation du CCME, sa définition de coopération? Certains se sont plaints du fait que ces consultations n'étaient que des séances d'information. Les Autochtones en faisaient partie. De véritables consultations nécessitent la reconnaissance des autres participants dès le début de l'exercice. Cette reconnaissance des autres participants témoigne de respect pour la présence d'infrastructures existantes et pour des sommes de connaissances autres que les nôtres.

La procédure de consultation utilisée pendant la conception, la planification et l'examen de l'accord peut être considérée comme un simple exercice d'approbation automatique d'un plan déjà en place. Encore une fois, ce plan n'a pas bénéficié d'une participation réelle des Autochtones.

Je consulte mes notes concernant cette initiative d'harmonisation et j'aimerais savoir si un nouveau budget a été prévu pour consulter les Autochtones. Le CCME et les groupes de travail connexes ne cessent de supposer à tort que l'APN et les autres organismes autochtones ont les ressources et les infrastructures de communication nécessaires pour répondre correctement aux initiatives du CCME. Pour que les communautés et les organisations puissent participer, des ressources sont nécessaires.

Y a-t-il des clauses de garantie dans l'accord? Qui aura la responsabilité de réviser l'accord et les ententes auxiliaires dans cinq ans?

Si le public doit participer à cet exercice, il faut alors en déterminer le degré de participation et le véhicule utilisé pour cette participation. Encore une fois, non seulement le public mais aussi les Autochtones doivent être inclus dans cet exercice si cet accord est ratifié.

Il semble que cet accord ne puisse être modifié que par le consentement unanime des parties. C'est dire qu'il sera pratiquement impossible de le modifier.

En conclusion, cette initiative d'harmonisation semble être dictée par des considérations non environnementales. L'APN s'élève contre l'orientation qu'Environnement Canada et le CCME continuent à donner à l'Accord pancanadien sur l'harmonisation de la gestion de l'environnement. Des rapports périodiques sur les progrès réalisés au niveau de la mise en place de cet accord et de ses ententes auxiliaires ne constituent pas une procédure ouverte, transparente ou inclusive pour les Premières nations.

Étant donné que les peuples des Premières nations du Canada sont exclus, cet accord et ses ententes auxiliaires n'ont aucune signification pour nous. Étant donné que les peuples autochtones sont exclus de cet accord pancanadien, il est impératif qu'il ne soit pas signé. Il faut procéder à d'autres évaluations des conséquences possibles des ententes fédérales-provinciales, surtout par rapport aux peuples autochtones. En l'absence de telles évaluations, les ministres en signant un tel accord se rendraient coupables d'une grave atteinte aux droits des Autochtones.

L'APN est tout à fait disposée à travailler avec le gouvernement fédéral sur cette question. Ce partenariat doit reposer sur un respect mutuel assurant que toutes les parties ont les ressources nécessaires et les moyens de participer à un programme commun assorti d'un objectif mutuellement défini et approuvé.

Je vous remercie de m'avoir permis de vous dire tout ceci.

Le président: Merci, madame Cole. C'était très utile et très complet.

Monsieur Awashish, je vous en prie. Vous avez dix minutes.

M. Philip Awashish (directeur, Relations fédérales, Grand conseil des Cris du Québec (Eeyou Istchee)): J'aimerais remercier le président et les membres du comité permanent de nous avoir invités à comparaître pour vous indiquer la position de la Nation crie du Québec.

Je m'appelle Philip Awashish. Je suis un Cri de Mistassini, qui se trouve dans les territoires cris du Nouveau-Québec. Je suis conseiller spécial auprès du Grand conseil des Cris, qui est une force politique représentant les Premières nations cries, ou Eeyou Istchee, comme on nous appelle. Je suis également conseiller auprès de l'administration régionale crie, l'organe technique et administratif des Nations cries du Québec.

• 1010

Je suis accompagné aujourd'hui également au nom du Grand conseil des Cris et de l'administration régionale crie, de Brian Craik, le directeur des relations fédérales, et de Franklin Gertler, notre conseiller juridique.

À cause de la brièveté du préavis, notre mémoire n'est qu'en anglais. Nous l'avons déposé auprès du greffier de votre comité afin que vous puissiez le consulter—trois exemplaires complets comprenant les quatre annexes en anglais et en français. Nous vous recommandons tout spécialement la lecture des révisions apportées à notre traité, la Convention de la Baie James et du Nord québécois, qui constitue l'annexe 1.

Nous tenons à féliciter le comité permanent d'avoir décidé de tenir des réunions sur l'initiative d'harmonisation du Conseil canadien des ministres de l'environnement. Nous sommes heureux de pouvoir faire connaître notre point de vue.

Bien entendu, notre témoignage est sous toute réserve et sans préjudice pour les positions, les droits, les intérêts et les recours des Cris dans le cadre des négociations et des procédures en cours.

Depuis longtemps déjà, les Cris font part des préoccupations que leur inspirent le déroulement et le fond de l'initiative d'harmonisation actuelle. Jusqu'ici, nous n'avons pas été adéquatement associés aux pourparlers concernant l'harmonisation et on n'a pas non plus tenu compte de nos préoccupations dans les modifications apportées au texte proposé.

Tout d'abord, pour comprendre la façon dont les Cris abordent l'initiative d'harmonisation actuelle, on doit examiner brièvement la relation que nous entretenons avec la terre, les ressources et l'environnement d'Eeyou Istchee et comprendre le rôle central que joue la Convention de la baie James et du Nord québécois et les droits qui y sont protégés aux fins de la préservation du mode de vie cri. Eeyou Istchee sont les territoires traditionnels, ancestraux et historiques utilisés et occupés par les Cris ou les Eeyou depuis des temps immémoriaux pour y pratiquer la chasse, la pêche, le piégeage et d'autres activités connexes. C'est en quelque sorte la terre de notre patrie.

Pour les Cris, la responsabilité qu'assume le gouvernement fédéral à l'égard de la protection de notre mode de vie et de l'environnement dont nous dépendons est l'une des prémisses et des conditions fondamentales de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Nous avons droit à une présence fédérale permanente et efficace. L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et affirme constitutionnellement nos droits.

Dans le chapitre 22 de la Convention de la baie James et du Nord québécois, intitulé «L'environnement et le développement futur», on nous confère des droits constitutionnels pour l'établissement d'un régime exhaustif et approprié de protection de l'environnement naturel et du milieu social et le droit de participer à l'élaboration et à l'application du régime en question. Le régime prescrit va bien au-delà de la seule évaluation des impacts sur l'environnement naturel et le milieu social. À cet égard, l'exercice de nos droits passe par le Comité consultatif pour l'environnement de la baie James, constitué en application de notre traité.

Malheureusement, le gouvernement fédéral, en ce qui concerne le respect de ses obligations, affiche un dossier déplorable. En plus de n'avoir pas assuré l'application générale du régime d'évaluation environnementale prévu au chapitre 22, le gouvernement du Canada n'a jamais été en mesure de garantir l'existence et l'application de lois et de règlements environnementaux appropriés sur le territoire visé par la Convention de la baie James et du Nord québécois, tout comme il a été incapable de soutenir et d'utiliser adéquatement le comité consultatif.

Il est choquant de constater que le total de la juridiction fédérale annuelle à la fois pour le Comité de l'environnement des Cris et des Inuits conformément aux chapitres 22 et 23 de la Convention de la baie James et du Nord québécois se monte à 95 000 $ pour un territoire d'environ un million de kilomètres carrés.

Le mécanisme utilisé pour négocier les ententes relatives à l'harmonisation fait abstraction du rôle particulier que doivent jouer les Cris et du rôle du Comité consultatif pour l'environnement de la baie James à titre d'organisme privilégié et officiel chargé de conseiller les gouvernements relativement à la formulation de lois et de règlements concernant la protection de l'environnement naturel et du milieu social ainsi qu'à leur administration. Tout changement apporté à la Convention de la baie James et du Nord québécois nécessite le consentement des Cris.

Nous passons maintenant à l'initiative d'harmonisation elle-même et à ses effets sur l'exercice des droits des Cris.

L'accord pancanadien et les trois ententes auxiliaires sont assujettis au principe 12 de l'accord pancanadien, où on affirme que l'accord et les ententes auxiliaires «ne modifient en rien les droits ou les traités reconnus aux Autochtones». Néanmoins, l'accord et les ententes auxiliaires se traduiraient par l'octroi de plus de pouvoirs à la province de Québec, qui s'est montrée incapable de protéger l'environnement du territoire cri et dont les budgets environnementaux font l'objet de coupes sombres. Ainsi, l'initiative d'harmonisation aura presque certainement une influence sur l'exercice des droits des Cris. Elle aura comme effet pratique d'accélérer le retrait du gouvernement fédéral du secteur environnemental, au sein de notre territoire, ainsi que la violation de nos droits aux termes du chapitre 22.

• 1015

L'accord pancanadien, dans ses objectifs d'harmonisation, établit clairement qu'il sera plus facile d'atteindre des objectifs environnementaux positifs en divisant les questions environnementales de manière à ce que chaque question précise soit généralement confiée, et je cite, à «un seul ordre de gouvernement».

Nous désapprouvons une telle approche. Aux termes du chapitre 22, les Cris ont le droit à la participation active du Canada et du Québec. Pour nous, l'harmonisation ne signifie pas le retrait d'un palier de gouvernement mais plutôt la coordination des efforts des deux paliers avec la participation directe des Eeyou, ou des Cris.

Nous passons maintenant aux ententes auxiliaires. La définition de norme qui figure à l'article 2.1 de l'entente auxiliaire est préoccupante. Les Cris ne croient pas que des lignes directrices et des objectifs puissent se substituer aux normes environnementales rigoureuses et contraignantes qu'exige la protection de l'environnement et de la santé humaine.

Dans l'entente auxiliaire, on semble faire totalement abstraction du droit que le chapitre 22 fait aux Cris de participer à l'établissement et à la mise en oeuvre de normes environnementales. Dans l'entente auxiliaire, on ne reconnaît pas le comité consultatif, et on n'y fait pas allusion, même si à l'article 8.1, on fait une exception pour les institutions de gestion des ressources constituées aux termes des ententes relatives aux revendications des Autochtones au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Ce traitement différent est inexpliqué et inacceptable.

En ce qui concerne la liste provisoire des substances d'intérêt pour l'élaboration de normes environnementales pancanadiennes, les Cris s'intéressent tout particulièrement aux risques pour la santé humaine et l'environnement que représente le mercure. Il est essentiel que nous participions à l'élaboration des normes pertinentes et que les efforts déployés dans le dossier du mercure tiennent compte de la contamination au mercure associée aux aménagements hydroélectriques.

Comme dans l'accord pancanadien et dans les autres ententes auxiliaires, on laisse entendre, dans l'entente auxiliaire sur les inspections, qu'il existe, au Canada, un grave problème de dédoublement des pouvoirs et des efforts en matière d'inspection. Or, il nous semble plutôt que les gouvernements fédéral et provincial ne font pratiquement rien à ce chapitre. Les rapports réguliers de graves problèmes environnementaux faits par des trappeurs cris sont systématiquement ignorés.

À l'article 5.2, ainsi que dans d'autres dispositions analogues de l'accord et des autres ententes auxiliaires, on envisage la pratique gouvernementale douteuse qui consiste à toujours refuser d'exercer certains pouvoirs, dans ce cas-ci les pouvoirs discrétionnaires en matière d'inspection. Il est extrêmement douteux que la loi autorise un gouvernement à accepter d'abdiquer entièrement des responsabilités prescrites pour simplement les confier à un autre ordre de gouvernement.

Enfin, concernant l'entente auxiliaire sur l'évaluation environnementale, l'article 2.2.0 la rend inapplicable dans les régions faisant l'objet de procédures de revendications territoriales ou d'accords d'autonomie gouvernementale. Ce serait une bonne chose à condition que le régime prévu au chapitre 22 soit appliqué comme il se doit. Cette mesure aura plutôt pour effet de reconduire le refus inacceptable des gouvernements du Canada et du Québec d'appliquer le régime fédéral d'évaluation environnementale prévu au chapitre 22 aux projets d'aménagement dont certains aspects relèvent de la compétence du gouvernement fédéral.

En conclusion, malgré les aspects positifs que peut revêtir l'harmonisation en théorie, nous avons beaucoup de mal à appuyer l'initiative actuelle. La définition d'harmonisation utilisée, le déroulement et le résultat de l'initiative contiennent des lacunes importantes, ce qui aura de graves répercussions sur les droits des Cris et leur exercice.

Par conséquent, nous recommandons que la signature de l'accord et des ententes auxiliaires soit retardée jusqu'à ce que les préoccupations que nous avons soulevées à propos du déroulement et du fond de l'initiative aient été résolues et, que le ministère de l'Environnement, au nom du gouvernement du Canada, saisisse immédiatement le Comité consultatif pour l'environnement de la baie James de toute l'initiative d'harmonisation.

Nous reconnaissons que l'initiative d'harmonisation ouvre certaines portes quant à la mise en oeuvre du chapitre 22 et de sa «modernisation». Nous continuerons de rechercher de tels progrès, notamment dans le cadre des négociations actuellement en cours avec le gouvernement fédéral.

• 1020

À cet égard, et compte tenu du bilan peu reluisant du gouvernement du Canada, nous demandons au comité permanent de recommander au gouvernement de procéder immédiatement à la véritable application du chapitre 22 de la Convention de la baie James et du Nord québécois.

Je vous remercie de votre patience. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions en cri, en anglais ou en français.

Le président: Merci, monsieur Awashish. C'était très instructif.

J'ai sur ma liste, bien entendu, M. Jordan, suivi de M. Casson. Monsieur Jordan.

M. Joe Jordan: J'ai un ou deux commentaires suivis d'une petite histoire.

J'aimerais commencer par vous souhaiter la bienvenue. Vous avez abordé un thème qui semble commun à beaucoup de nos témoins. Plutôt que de nous enliser dans le contexte juridique, il me semble que la procédure est mal engagée, que nous nous disputons sur les responsabilités respectives et que nous avons complètement perdu de vue le but recherché, si on l'a jamais recherché.

Vous le résumez très bien dans la conclusion de votre document. Je crois que nous ferions mieux de nous mettre d'accord sur ce que nous voulons, sur le problème que nous voulons résoudre ou sur le but que nous voulons atteindre. Il sera ensuite plus facile de répartir les responsabilités.

Je ne vois pas comment nous allons arriver à quoique ce soit de la manière dont nous procédons et vous avez largement renforcé ce que d'autres nous ont déjà dit.

Deuxièmement, et malgré tout le respect que je dois à vos conseillers, encore une fois, je comprends la nécessité d'invoquer des arguments juridiques, voire des précédents bureaucratiques, pour l'inclusion des peuples des Premières nations dans les discussions, mais je crois qu'il y a un meilleur moyen. Si je considère les acteurs traditionnels—les entreprises, les provinces, les fédéraux—, la justification de l'inclusion des peuples des Premières nations est que vous savez ce que vous faites parce que les autres ne le savent pas. Vous avez pour vous un bilan de réussite multigénérationnelle dont ne peut se vanter aucun autre de ces groupes. Je crois que l'approche en deux temps marcherait et l'histoire que je vais vous raconter en apporte la preuve.

J'étais samedi dans ma circonscription pour annoncer le financement d'un projet de forêt modèle auquel participeront les entreprises, le gouvernement fédéral, la province et la Première nation Akwesasne. On m'avait remis un discours et je suppose que cela tombe dans la catégorie des relations fédérales puisque le projet sera la concrétisation de la tentative de deux ministères de trouver un juste équilibre entre les coûts économiques et environnementaux. Quand je parle des entreprises, du gouvernement fédéral et de la province, j'ai l'impression qu'ils se laissent obnubiler par les coûts économiques à court terme, et c'est à mon avis la source du problème. Or, ce discours était censé faire valoir l'équilibre entre les emplois dans le secteur forestier et la réglementation environnementale, et cela faisait chaud au coeur des bureaucrates.

J'étais assis là—il faisait très beau samedi—avec en main ce discours de neuf pages que j'avais lu à quelques reprises, et c'est le représentant d'Akwesasne qui a pris la parole avant moi. Il a parlé de concepts très simples et profonds de l'interdépendance qui existe entre toutes choses, et plus il parlait, plus je rougissais de honte.

Je vous suggère de ne pas perdre de vue l'ampleur de cette honte parce que vous avez absolument raison dans ce que vous dites. Si vous ne cédez pas, je vous remercierai personnellement de votre patience, mais je pense que vous pouvez obtenir beaucoup en provoquant de la honte chez les gens pour les convaincre, parce que vous avez absolument raison.

Merci. Voilà mon anecdote. Quelqu'un voulait poser une question, n'est pas?

M. Philip Awashish: Merci, monsieur Jordan, de votre commentaire.

J'aimerais réagir à votre premier commentaire au sujet des parties qui décident de ce que nous cherchons à faire au lieu de chercher à déterminer qui fait quoi.

• 1025

Pour les Eeyou Istchee du Québec, cela va au coeur même du problème. L'initiative d'harmonisation constitue en elle-même un déplacement des rôles et des responsabilités vers la province de Québec, ce qui entraîne du coup une diminution ou une élimination du rôle et des responsabilités du gouvernement fédéral en matière de gestion de l'environnement.

Les deux paliers de gouvernement essaient essentiellement de déterminer qui fait quoi. Pour nous, cette initiative d'harmonisation est importante. Nous ne nous opposons pas aux initiatives d'harmonisation. Nous désapprouvons toutefois l'harmonisation de l'environnement telle qu'elle nous est présentée. Nous estimons que les rôles et les responsabilités des deux ordres de gouvernement en matière de gestion de l'environnement doivent être coordonnés, et la participation de la première nation, la nation crie du Québec, doit être assurée. Nous parlons ainsi de l'élaboration du droit de l'environnement et de la politique environnementale ainsi que de l'évaluation environnementale des projets de mise en valeur sur le territoire des Eeyou Istchee.

Nous envisageons pour le gouvernement fédéral une présence et un rôle permanents. Voilà la position de la première nation du Québec qui souhaite parler de l'objectif que nous voulons réaliser plutôt que de décider qui fait quoi.

Nous nous sommes toujours souciés de la protection et de la gestion de l'environnement. De fait, les Cris protègent toujours l'environnement grâce à leur système de gestion judicieuse de la faune dans leurs zones respectives de piégeage et de chasse sur les territoires des Eeyou Istchee. Les lois et les pratiques traditionnelles des Eeyou permettent une utilisation durable de la terre et de ses ressources fauniques afin qu'elles continuent de répondre à leurs besoins physiques et spirituels.

Ainsi, nous devons gérer et protéger l'environnement. Nous ne nous préoccupons uniquement de savoir qui fera quoi en matière de gestion ou d'évaluation environnementale. À notre avis, aucun ordre de gouvernement ne doit abdiquer ses rôles et responsabilités.

Trois ordres de gouvernement sont associés à la protection et à gestion de l'environnement: le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et le gouvernement cri des Eeyou Istchee.

Le président: Merci.

Nous avons maintenant M. Laliberte, suivi de M. Lincoln.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): [Le député parle dans sa langue autochtone]

Je vous souhaite la bienvenue et je suis honoré de dire que les Autochtones ont une connaissance profonde de cette terre, des rivières et de tous les êtres qui nous donnent vie.

• 1030

Notre collectivité globale vit un moment critique de son histoire et nous sommes tous interdépendants, comme l'a dit le député. Il est très important d'en être conscient.

Pouvez-vous nous dire s'il existe parmi les peuples autochtones de ce pays, les Inuits, les Premières nations, les Métis, une volonté collective de créer une sensibilité à l'environnement ou une vision environnementale pour le Canada et l'Amérique du Nord? A-t-on fait une tentative ou entrevoit-on une initiative quelconque pour l'avenir qui nous amènerait à cheminer avec les autres citoyens de ce pays?

M. Philip Awashish: La Première nation des Cris ou les Inuits... [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone]

Depuis 20 ans environ, nous avons du mal à protéger nos modes de vie traditionnels de chasse, de pêche, de piégeage et d'activités connexes dans nos territoires ancestraux. Nous nous heurtons à l'obstacle d'un développement incontrôlé qui tend à piétiner nos droits et à écarter l'inquiétude et l'intérêt que nous ressentons pour la terre et la protection et la gestion de l'environnement. Nous avons dû de temps à autre intenter des poursuites devant les tribunaux pour obtenir que les gouvernements, du Québec ou du Canada, exercent leurs rôles et leurs responsabilités.

Nous les Cris avons continué d'exercer nos rôles et nos responsabilités en ce qui a trait à la gestion de l'environnement. Nous partageons notre savoir-faire et nos connaissances avec les divers organismes créés en application de la Convention de la baie James et du Nord québécois. Nous faisons part aussi de nos opinions, de nos connaissances, de notre sagesse traditionnelle aux autres organismes qui se créent de façon informelle entre les Cris et les promoteurs.

Nous voilà en 1997 et les promoteurs et les gouvernements se moquent systématiquement de notre savoir-faire, de nos connaissances et de notre sagesse. J'ai eu connaissance de cas où le gouvernement s'est engagé à utiliser le savoir-faire et les connaissances traditionnelles en matière de gestion de la faune et de l'environnement. Mais tant que les gouvernements ne se contenteront pas de dire sur papier qu'ils utiliseront, qu'ils apprécieront, qu'ils appliqueront les connaissances traditionnelles des Premières nations et tant qu'ils ne mettront pas sincèrement en pratique ce savoir-faire en ce qui a trait à la gestion de l'environnement et de la faune, ces engagements resteront des promesses sur papier seulement.

• 1035

Les Premières nations ne doivent pas être associées uniquement à la gestion de l'environnement. Les stratégies de mise en valeur des ressources naturelles doivent être intégrées aux plans de gestion et de protection de l'environnement. Elles sont indissociables. Après tout, la terre est indivisible, et nous habitons tous sur cette terre.

Le président: Merci.

Mme Maxine Cole: Comme l'a déjà dit Philip, c'est sans doute l'une des premières réunions à ce niveau auxquelles j'assiste où l'on a reconnu la validité des pratiques qui existent depuis bien avant ma naissance et bien avant celle de mes grands-parents. C'est plutôt encourageant de constater que les gens commencent enfin à nous écouter quand nous disons que ces concepts de développement durable existaient parmi les collectivités autochtones et parmi les peuples indigènes bien avant votre venue.

Je suis d'accord avec Philip lorsqu'il dit que le temps est venu de dire que nous travaillerons de concert avec les peuples autochtones—et l'accord et les principes qu'il renferme en sont un bon exemple. Où trouve-t-on mention des peuples autochtones dans l'accord et dans les ententes auxiliaires? Nous devons voir le texte qui confirme cet engagement à travailler en coopération avec les peuples autochtones, avec les Premières nations.

Voilà pourquoi je suis d'accord avec Philip qui dit que c'est une simple affirmation. Il faut plus que cela. C'est peut-être encourageant en ce sens que s'il y a ces affirmations, cela indique peut-être une certaine conscience du savoir-faire des peuples autochtones en matière de développement durable. Tout ce que vous voulez savoir, nous pouvons vous en faire part.

La prochaine étape doit être un changement de comportement. Voilà où vous devez intervenir. Jusqu'où êtes-vous prêts à aller pour concrétiser vos belles paroles? Voilà ce que nous attendons de voir.

Le président: Monsieur Lincoln.

M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Monsieur Awashish, madame Cole, chaque fois que je vous entends parler, je ne peux m'empêcher de me dire que si nous vous avions écoutés davantage, que si nous vous écoutions davantage, nous serions bien plus avancés que nous ne le sommes. De fait, vous dites qu'il n'y a qu'une terre et cela semble aller de soi, mais malheureusement, ce n'est pas ainsi que nous nous gouvernons nous-mêmes.

Je m'empresse de saisir cette occasion qui m'est donnée de vous remercier très sincèrement et de vous féliciter de la longue lutte que vous avez menée et qui a permis d'éviter la Baie James II. Je dis cela même si le gouvernement dont j'ai fait partie nous a répété pendant tant d'années que ce projet gigantesque était essentiel. Or, aujourd'hui, grâce à vous, on a pu éviter ce projet et tout le monde semble s'en porter très bien. En fait, grâce à vous, Hydro-Québec a adopté une toute nouvelle philosophie qui la mène à se tourner graduellement vers des filières énergétiques plus douces, vers les énergies renouvelables, dont l'énergie éolienne, et de préférer des projets de plus petite envergure. C'est grâce à la longue lutte que vous avez menée que nous avons maintenant appris des leçons que nous aurions dû apprendre il y a belle lurette.

• 1040

En écoutant votre exposé, quelques éléments ont retenu plus particulièrement mon attention. D'abord, vous avez raison de dire qu'il n'y a plus d'inspection par les inspecteurs fédéraux et provinciaux, mais qui plus est, il n'y a plus du tout d'inspection. L'article 22 n'est pas respecté. Vous ne recevez que 95 000 $ du gouvernement fédéral pour l'application de l'article 22.

Vous recommandez que nous bloquions la mise en oeuvre de l'accord tant que vous n'aurez pas obtenu qu'on tienne compte de vos préoccupations. Vous dites dans l'un des derniers paragraphes de votre mémoire que les négociations avec les gouvernements s'amorcent.

Pouvez-vous nous dire si vous parlez de négociations générales sur l'article 22 et si, en plus de ces négociations-là, vous essayez d'obtenir que les Cris eux-mêmes ou les Premières nations fassent partie des comités de négociation des provinces et du gouvernement fédéral chargés de se pencher sur l'harmonisation?

M. Philip Awashish: Brian Craik peut répondre à cette question sur les négociations.

M. Brian Craik (conseiller spécial, Grand conseil des Cris du Québec): Monsieur Lincoln, le processus des négociations entre les Cris et le gouvernement se met à peine en place. Il est dirigé par M. Michel Vennat et M. Ted Moses pour les Cris. Ils ont déterminé la portée de ces négociations et ces dernières incluront les obligations du gouvernement en vertu de la Convention de la baie James et du Nord québécois. Nous espérons associer le gouvernement du Québec à certains des dossiers faisant l'objet des négociations.

Les négociations, en plus de porter sur la Convention de la Baie James et du Nord québécois, engloberont les droits des Cris aux termes de la Constitution canadienne. L'initiative a pour but d'élaborer une nouvelle relation avec le gouvernement fédéral.

Quand nous parlons de la participation des Cris aux côtés des provinces, nous espérons enclencher un processus qui amènera le Canada et le Québec à s'intéresser à l'environnement. Nous souhaiterions aussi participer pleinement. Toutefois, nous estimons que la participation des Cris est de nature particulière puisqu'elle est régie par un traité signé par le Canada et le Québec.

Ainsi, je dirais que la participation des Cris ne doit pas être diluée du fait que d'autres provinces prendront place à la table.

M. Clifford Lincoln: En ce qui a trait aux négociations sur l'harmonisation, croyez-vous, comme vous semblez le dire dans votre mémoire, que les Premières nations, ou les Cris au nom des Premières nations, doivent avoir rang de partenaire? Est-ce que vous suggérez que nous bloquions les négociations tant que vous n'aurez pas obtenu le statut de partenaire?

M. Brian Craik: Nous suggérons que les négociations soient bloquées tant que les droits des Cris ne seront pas pleinement respectés conformément à la Convention de la Baie James et du Nord québécois. C'est ce que nous recommandons tant que nos droits ne seront pas respectés.

Nous n'avons pas été invités à être des partenaires à part entière dans le processus d'harmonisation. Je ne crois pas que les Cris refuseraient une telle invitation, mais nous n'avons pas encore tranché cette question. J'estime pour ma part que ce serait dans l'intérêt de toutes les parties que les Premières nations soient associées à ce processus.

M. Franklin Gertler (conseiller juridique, Grand conseil des Cris du Québec): Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose, très brièvement.

Il faudrait savoir, monsieur Lincoln, de quel processus fédéral-provincial il s'agit. Je ne crois pas que vous puissiez vous attendre à ce que les Premières nations, et surtout pas les Cris, viennent se greffer sur le cadre du CCME tel qu'il existe avec ses principes et ses orientations, parce qu'il y a des considérations fondamentales...

Sauf le respect que je dois à M. Jordan, «Qui fait quoi?» est une question très importante. L'idée que seul importe ce que l'on fait et non pas qui le fait est incompatible avec la réalité. Dans la réalité, les divers ordres de gouvernement ont des intérêts particuliers qui font qu'ils sont plus ou moins capables de faire une analyse objective des enjeux et de leur capacité en termes de recherche scientifique, d'application, etc., lesquelles n'ont rien d'homogène.

• 1045

Il faudrait revoir certains des principes qui sous-tendent le processus du CCME et ses orientations. Le CCME est d'ailleurs un drôle d'animal. C'est un organisme parajuridique et paraconstitutionnel composé de... C'est un processus qui rappelle celui du lac Meech où quelques personnes se réunissent dans le but de prendre des décisions à l'abri de l'opinion publique dans un contexte non juridique. La structure est celle d'une personne morale. C'est tout. On ne respecte pas des choses comme les droits que l'article 35 de la Loi constitutionnelle confère au peuple autochtone.

Le président: Merci, monsieur Gertler.

Monsieur Jordan, très brièvement.

M. Joe Jordan: Je n'ai pas voulu dire que qui fait quoi n'est pas important. Je disais tout simplement que cela ne doit pas être le point de départ... Il me semble qu'il faut d'abord déterminer ce que l'on veut accomplir et ce n'est qu'à ce moment-là que l'identité des exécutants prend toute son importance. Mais si l'on commence par décider qui fait quoi il me semble que l'on perd de vue très rapidement ce qu'on veut accomplir. Il y a trop de facteurs.

Le président: Monsieur Casson, suivi de M. Bigras.

M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.

Monsieur Awashish, vous mentionnez dans votre mémoire certaines choses sur lesquelles j'aimerais vous interroger, mais j'aimerais d'abord moi aussi admettre que vous possédez une connaissance et un savoir-faire en matière d'environnement et de développement durable inégalé et que vous avez beaucoup à nous enseigner. Nous vous remercions d'être venu et d'avoir accepté si rapidement notre invitation.

Dans votre mémoire, vous faites un commentaire qui ne concerne peut-être pas directement l'harmonisation, mais j'aimerais pour ma part obtenir davantage d'informations. Vous parlez de la contamination au mercure qui résulte de projets hydroélectriques et vous dites vouloir que ce fait soit pris en considération. Existe-t-il des études ou des documents sur ces effets? Pouvez-vous nous en dire plus long, s'il vous plaît?

M. Philip Awashish: Il y a eu collaboration entre les Cris et Hydro-Québec sur la question de la contamination au mercure, laquelle est peut-être causée par les projets hydroélectriques sur notre territoire. Certaines mesures ont été prises pour atténuer d'éventuels effets négatifs d'une telle contamination au mercure, et certaines études ont été réalisées.

Je demanderais à mon collègue, Brian Craik, de décrire certaines de ces mesures ou de ces études.

M. Brian Craik: Nous avons créé avec Hydro-Québec un Comité sur le mercure chargé d'examiner la question de la contamination au mercure. Nous n'avons pas pu obtenir de résultats définitifs. Nous n'avons pas trouvé une façon d'éviter le problème qui survient quand on inonde un territoire du nord du Québec. Le mercure est libéré par la végétation, essentiellement, et remonte dans la chaîne alimentaire, des poissons aux mammifères et aux oiseaux qui les consomment.

Nous n'avons pu qu'avertir les gens de ne pas consommer de poisson pêché dans les réservoirs et leur recommander d'aller pêcher ailleurs que là où ils avaient coutume de le faire avant la construction du projet.

On s'interroge maintenant au sujet du maintien de ces mesures et de la poursuite des travaux du Comité sur le mercure. Son mandat arrive à échéance et nous aurons des discussions avec les représentants d'Hydro-Québec pour voir ce qu'on peut faire. Cela dit, les projets hydroélectriques dans le Nord du Canada peuvent certainement causer la contamination par le mercure. Le niveau de contamination varie selon l'endroit. Dans le système La Grande, les poissons les plus contaminés le sont à un point tel que leur évacuation fait problème car il s'agit essentiellement de déchets toxiques.

Le président: Votre question est très opportune, et vous voudrez peut-être demander à la Bibliothèque du Parlement, monsieur Casson, de vous fournir une liste de livres de référence sur le sujet. Au fil des années, de nombreux ouvrages ont été rédigés. C'est un problème constant que nous ne semblons pas capables de régler.

[Français]

Monsieur Bigras, s'il vous plaît.

• 1050

M. Bernard Bigras: Dans un premier temps, j'aimerais vous remercier d'être venus ici aujourd'hui. J'aimerais que vous sachiez que, pour nous, l'expertise et l'expérience que vous avez pu développer sont très importantes.

Je suis heureux d'apprendre aujourd'hui que les Cris sont ouverts quant à la participation du Québec aux négociations visant une plus grande harmonisation.

Cependant, cette réalité est un petit peu moins claire pour l'Assemblée des Premières Nations. Mme Cole nous faisait part plus tôt de sa préoccupation par rapport à l'exclusion des Premières Nations du processus de négociation menant à l'harmonisation.

Vous avez aussi parlé de votre ouverture à travailler avec le fédéral à cet égard pour trouver une solution. Dois-je comprendre que vous ne considérez pas les provinces comme des interlocuteurs valables pour en arriver à un accord d'harmonisation?

[Traduction]

Mme Maxine Cole: Si j'ai bien compris votre question—et reprenez-moi si je fais erreur—, vous voulez savoir si je considère les provinces comme des partenaires légitimes à l'Accord d'harmonisation. D'après ce que je sais—et je n'en sais pas très long, il faudrait que j'interroge l'avocat de l'Assemblée des premières nations—, les traités et les droits ancestraux auxquels on risque de porter atteinte relèvent du gouvernement fédéral. Par conséquent, dans un tel contexte, les provinces ne seraient pas des partenaires légitimes.

M. Philip Awashish: J'aimerais préciser certaines choses et aussi répondre à la question.

Pour ce qui est de la participation des Cris aux négociations sur l'initiative d'harmonisation, nous avons fait savoir que nous étions tout à fait disposés à participer. Cependant, nous n'accepterions pas de participer aux termes du présent mandat. Ainsi, nous n'accordons pas la même signification au mot harmonisation. Nous avons une définition différente. Mises à part ces réserves, nous serions disposés à participer à de telles négociations.

Pour ce qui est de la question concernant les provinces, les Cris doivent reconnaître la réalité de Eeyou Istchee, ou le Nord du Québec. D'abord, il existe bel et bien un traité, la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Ce traité précise les rôles et responsabilités des gouvernements fédéral et provincial dans le domaine de la gestion et de la protection de l'environnement. Quant aux Cris, ils ont aussi certains rôles et certaines responsabilités à cet égard. Ces trois parties coordonnent leurs efforts pour assurer une bonne administration du régime de protection de l'environnement. Voilà ce que prévoit précisément la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Quant à savoir si ce traité a été un succès, depuis 20 ans qu'il existe, c'est une autre question. C'est un dossier que nous avons étudié dans le passé et que nous continuons d'examiner à l'heure actuelle dans une certaine mesure par le biais de cet examen de la Convention de la Baie James et du Nord québécois avec les deux ordres de gouvernement.

Le président: Y a-t-il d'autres intervenants avant que le président pose une question?

• 1055

Permettez-moi de vous poser la question suivante. Ai-je bien compris que depuis le début des négociations concernant la proposition et l'accord du CCME, qui ont débuté dès 1993, le Conseil des Cris n'a jamais été consulté?

M. Philip Awashish: Les deux ordres de gouvernement, soit les gouvernements du Canada et du Québec, n'ont jamais consulté officiellement la nation crie—si je peux me permettre d'utiliser le terme assez librement—par le biais des mécanismes établis dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

D'ailleurs, nous l'avons mentionné dans le mémoire que nous avons soumis au Comité consultatif de la Baie James sur l'environnement, qui est l'un des mécanismes de consultation créé dans la foulée de notre traité.

À ma connaissance, même si le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial du Québec, outre le gouvernement cri, seront représentés à ce comité consultatif, l'initiative d'harmonisation n'a pas été officiellement abordée par les trois parties qui auraient pu dégager un consensus et s'entendre sur une position à ce sujet.

Si l'on ne tient pas compte des mécanismes découlant de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, je crois qu'il y a eu diverses discussions, voire même des négociations avec le Canada, auxquelles Brian Craik a participé. Il peut donc répondre à votre question.

M. Brian Craik: J'inviterais M. Gertler à faire un commentaire.

M. Franklin Gertler: Très brièvement, outre l'obligation énoncée aux articles 22 à 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, dont M. Awashish a parlé, qui fait du comité consultatif la tribune officielle et privilégiée pour de telles consultations, je crois qu'il y a un peu plus d'un an, M. Avrim Lazar a fait un exposé sur les questions environnementales en général à l'occasion d'une réunion de l'APN, à Toronto. Il a prononcé une allocution, mais je ne suis pas sûr que cela compte comme étant une véritable consultation. Je crois que c'était en septembre 1996.

M. Craik m'a rappelé qu'il avait souhaité être invité aux consultations organisées par Québec à l'intention des groupes environnementaux au sujet de l'initiative d'harmonisation, mais les Cris n'ont pas réussi à s'y faire inviter.

Le ministère fédéral de l'Environnement—et c'est tout à son honneur, je suppose, même si c'était trop peu et trop tard—a fait certains efforts de consultation, mais cette initiative ne relevait pas du CCMEM, et c'est là que se pose le problème du processus.

Il s'agissait d'une sorte de groupe de contact chargé de communiquer avec les groupes environnementaux et autochtones. Je ne parle pas du GCN, le groupe consultatif national. Cela s'est passé après le démantèlement du GCN.

Le groupe de contact chargé de faire la liaison avec les organismes environnementaux a tenu une ou deux réunions qui ont peut-être été d'une quelconque utilité, mais il n'y avait ni préparation, ni suivi. On arrivait, on faisait ses commentaires et on repartait.

À ma connaissance, les Cris n'ont participé à aucune consultation qu'Environnement a eue avec les groupes autochtones, simplement parce que les fonctionnaires du ministère ont choisi de communiquer avec les représentants des grandes organisations, Inuit Tapirisat, l'Assemblée des premières nations, etc. Cela est problématique car, comme M. Awashish a pris la peine de l'expliquer, la participation des Cris découle de droits issus de traités et ne saurait être assurée par quelque intermédiaire que ce soit, mais ce principe n'a pas été respecté.

Le président: D'accord.

Y a-t-il d'autres questions avant que nous passions à autre chose? Pas d'autres questions.

• 1100

Dans ce cas, nous vous remercions beaucoup. Ce fut une séance riche en information. Nous remercions en particulier M. Awashish, Mme Cole, M. Gertler et M. Craik.

Nous allons maintenant entendre M. Rodney Northey, après une pause de cinq minutes.

La séance est suspendue pour cinq minutes.

• 1101




• 1108

Le président: Nous accueillons maintenant M. Rodney Northey, qui vient d'un endroit appelé Toronto.

Monsieur Northey, vous avez une dizaine de minutes et vous serez sans doute soumis ensuite à un feu roulant de questions. Bienvenue au comité, monsieur Northey. Vous avez la parole.

M. Rodney Northey (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis honoré de comparaître devant vous aujourd'hui.

Tout d'abord, je félicite le comité de tenir ces audiences publiques. Après quelques années de discussions ponctuelles, informelles et officieuses au sujet de l'harmonisation, je suis très heureux que le Parlement aborde maintenant le sujet.

Pour ce qui est de ma participation personnelle, j'ai pris part aux négociations initiales sur la question de l'évaluation environnementale. Je suis ici aujourd'hui pour vous parler exclusivement de l'évaluation environnementale, dans le contexte de l'harmonisation. J'ai donc examiné trois ébauches d'accord. J'ajoute, pour l'information des membres du comité, que j'ai participé au processus d'évaluation environnementale des provinces pendant plusieurs années, au processus d'évaluation environnementale fédéral pendant plusieurs années également et, plus récemment, j'ai pris part à une évaluation environnementale internationale. J'apporte en outre une perspective plus large à l'harmonisation, en ce sens qu'en tant qu'avocat, je représente divers intervenants dans ce dossier, mais aussi des groupes de défense de l'intérêt public et des simples citoyens un peu partout au pays.

• 1110

Toutefois, aujourd'hui, je parle en mon propre nom. Je suis l'auteur d'un livre qui porte sur la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale; il s'agit d'une annotation de cette loi, sur laquelle je reviendrai brièvement, et aussi à titre de candidat au doctorat en droit, qui fait sa thèse sur les normes internationales d'évaluation environnementale.

J'imagine que les membres du comité ont en main mon mémoire. Ce dernier comporte quatre points, dont les trois premiers constituent l'introduction à une conclusion sur ce que tout cela signifie pour l'harmonisation. Je vais lire ces quatre points tels quels et ensuite, j'y reviendrai. Ils représentent l'essentiel de mon exposé.

Premier point: L'évaluation environnementale n'est pas simplement un sujet d'intérêt national. La communauté internationale y voit un instrument essentiel du développement durable.

Deuxième point: L'évaluation environnementale n'est pas uniforme à l'échelle internationale. À l'heure actuelle, il existe des différences marquées quant à l'objet de l'évaluation environnementale, à sa signification, lorsqu'elle a lieu, et à la façon dont ces normes sont appliquées.

Troisième point: Devant la nécessité de choisir les meilleurs modèles de l'évaluation environnementale parmi de multiples variantes, la communauté internationale sera en quête de modèles de pointe qui ont fait leur preuve.

Si l'on prend ces observations en guise de toile de fond, l'orientation du Canada semble erronée. Elle est erronée parce qu'elle ne prête pas attention aux normes et pratiques internationales de l'évaluation environnementale. Elle suppose, à tort, que ce qui se fait au Canada sous la rubrique «évaluation environnementale» est la même chose qu'ailleurs. C'est ainsi que le Canada n'a ni modèle logique, ni expertise à proposer au reste du monde dans le domaine de l'évaluation environnementale.

Étant donné que je témoigne ici à titre personnel, je demanderais au comité de réfléchir à cette question à titre personnel également. Dans l'optique de la fierté nationale, si l'on consulte notre feuille de route, nous étions les chefs de file mondiaux dans le domaine de l'évaluation environnementale dans les années 70. Nous devrions être encore des leaders aujourd'hui et à l'avenir. Ce que je veux essentiellement vous faire comprendre c'est qu'en tant que pays, nous n'avons pas de quoi être fiers de notre approche actuelle relativement à l'harmonisation de l'évaluation environnementale.

J'en reviens à la page 1 de mon exposé, où j'affirme que l'évaluation environnementale n'est pas strictement un domaine d'intérêt national. Le comité devrait comprendre que l'évaluation environnementale se pratique à l'échelle mondiale. Il ne s'agit pas simplement d'une caractéristique canadienne. Il s'agit d'une vaste réaction qui est maintenant reflétée dans les conventions internationales que le Canada et de nombreux autres pays ont signées, notamment les conventions sur la biodiversité et les répercussions transfrontalières de la pollution. C'est aussi une pratique utilisée par des organisations internationales comme la Banque mondiale dont nous entendons de plus en plus parler. Dans ce contexte, il faut admettre qu'il s'agit véritablement d'un sujet international.

Deuxièmement, ce qu'on entend de par le monde par «évaluation environnementale», n'est pas partout la même chose. Dans les délais qui me sont impartis ici, il m'est très difficile de vous expliquer ce que je veux dire, mais très brièvement, vous devriez savoir que les ouvrages écrits au sujet des régimes d'évaluation environnementale appliqués par diverses institutions dans le monde rapportent des choses bien différentes.

Dans mon document, je cite les exemples des États-Unis et de la Communauté européenne. Les États-Unis ont un modèle national: un modèle obligatoire d'évaluation environnementale fédérale dont le champ d'application est très vaste. Il comporte un processus en deux temps et il laisse aux États la possibilité d'aller au-delà des normes fédérales, mais il fixe un seuil minimal, et ce seuil minimal est établi depuis le début des années 70.

La Communauté européenne a un modèle différent. Elle a embrassé ce principe tardivement, mais avec beaucoup de dynamisme, au début des années 80. En 1985, la Communauté européenne a adopté une directive précisant à tous les pays souverains qui en font partie quels étaient les seuils minimums à respecter sur le plan juridique dans le domaine de l'évaluation environnementale. On voulait ainsi s'assurer que les projets d'envergure fassent l'objet de la même évaluation environnementale dans toute la Communauté européenne. Encore là, il s'agissait de pays souverains.

• 1115

On constate donc une tendance à mettre l'accent sur les modèles centralisés, comme dans le cas de l'Europe, où l'on reconnaît cependant certaines approches différentes. Les États-Unis ont d'ailleurs adopté cette approche depuis un certain nombre d'années. Pour sa part, la Banque mondiale a opté pour une démarche légèrement différente. Étant donné que le temps nous manque, je n'expliquerai pas cela en détail, mais j'en parle brièvement dans mon mémoire.

Après examen des modèles—et c'est ce que j'explique très brièvement à la page 3—, force est de conclure qu'on ferait preuve de naïveté ou d'aveuglement délibéré en croyant pouvoir faire une évaluation environnementale qui respecte tous les objectifs visés: exhaustivité, objectivité, expertise, efficience et à-propos. Ces objectifs sont souvent contradictoires. D'ailleurs, j'énonce dans mon mémoire une évidence, soit que toutes choses étant égales, plus on a consacré de temps à une étude, plus on devrait avoir confiance en son efficacité, mais plus cela nous coûtera cher. L'inverse est également vrai.

Autrement dit, si vous jugez un processus en mettant l'accent sur l'efficience, il est fort possible que l'efficacité en souffre. Il est impossible d'adopter une méthode qui réponde à tous les besoins en tout temps, et c'est un énorme défi. Voilà pourquoi il existe différents régimes. C'est simplement que des régimes différents choisissent différentes priorités. Encore là, à la page 3 de mon mémoire, je signale certains compromis associés à l'évaluation environnementale.

Mais où nous mène le fait qu'il existe différents modèles dans le monde? Cette situation m'amène à vous dire qu'en regard de la situation internationale, notre proposition d'harmonisation de l'évaluation environnementale est rétrograde. Nous étions parmi les chefs de file mondiaux dans ce domaine, mais notre prestation actuelle n'est guère brillante. En fait, on semble agir au mépris de ce qui se fait ailleurs dans le monde. Je m'explique en trois points.

Premièrement, notre processus d'harmonisation de l'évaluation environnementale ne tient pas compte des conventions et des normes internationales en vigueur dans le domaine.

Deuxièmement, compte tenu qu'il existe actuellement dans notre pays 10 régimes différents et un régime fédéral, on ne saurait supposer qu'ils marchent du même pas.

Troisièmement, étant donné que nous avons ces 10 régimes et qu'en fait, les régimes se multiplient, le processus en vigueur au Canada accroît constamment le nombre d'options quant aux méthodes d'évaluation environnementale alors que la communauté mondiale est en quête d'une plus grande cohérence et d'une harmonisation des diverses démarches. Nous allons donc dans une direction contraire à celle de la communauté internationale.

Par conséquent, si l'on s'intéresse à l'harmonisation plutôt qu'à cette proposition que j'appellerai un exercice de dévolution plutôt que d'harmonisation, il y a deux façons de procéder. Premièrement, nous pourrions avoir un régime d'évaluation environnementale commun comportant des normes fondamentales applicables dans tout le Canada. C'est un modèle auquel nous n'avons pas encore eu recours. Le deuxième modèle est celui que nous avons utilisé dans le passé aux termes de l'ancien régime fédéral intitulé Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement. Il s'agit d'un modèle qui permettait aux provinces de prendre l'initiative, mais une disposition autorisait le gouvernement fédéral à intervenir si ces dernières n'abordaient pas les mêmes questions de procédure avec la même rigueur.

Il y a donc deux façons de procéder, et toutes deux débouchent sur l'affirmation de normes nationales. Cependant, l'actuel processus d'harmonisation débouche sur un régime où les provinces prennent l'initiative et où nous n'avons aucune garantie de normes nationales; nous n'avons pas de garanties.

Voilà qui met un terme à mon exposé, monsieur le président. Merci.

Le président: Merci.

• 1120

J'ai jusqu'ici sur ma liste les noms de MM. Casson, Lincoln et Knutson.

M. Rick Casson: Proposez-vous que nous importions comme norme nationale au Canada une norme internationale? Pourrais-je avoir un commentaire à ce sujet?

De plus, serait-il avantageux ou pertinent d'effectuer des évaluations environnementales conjointes, c'est-à-dire que les représentants de la province et du gouvernement fédéral se réuniraient à un moment donné pour s'occuper du projet, au lieu d'effectuer l'harmonisation ou la rationalisation dont nous parlons? Voyez-vous un avantage à cela et est-ce possible?

M. Rodney Northey: Je répondrai à la seconde question d'abord, si vous me le permettez, au sujet des évaluations environnementales conjointes.

Je suis catégoriquement en faveur de cette façon de procéder. Je pense que c'est possible sans qu'il soit nécessaire de passer par les processus d'harmonisation prévus actuellement. Depuis le milieu des années 80, il y a eu des évaluations environnementales conjointes et en ce qui me concerne, j'y vois une méthode privilégiée au Canada, étant donné que nous avons une Constitution qui répartit les responsabilités entre les paliers de gouvernement. J'estime donc que c'est un processus efficace.

Ce qui me préoccupe dans la procédure actuelle, c'est qu'elle n'assure pas vraiment que l'on respectera tous les intérêts fédéraux. À mon avis, elle accorde trop aux provinces dès le départ.

En ce qui concerne votre première question, au sujet des normes internationales, je réponds que nous avons signé des conventions et que la communauté internationale est en train d'établir des normes. Il est parfaitement possible d'intégrer des normes internationales à notre processus fédéral actuel d'évaluation environnementale. Il serait également possible de faire de même dans le cas des processus en vigueur dans les provinces. Le problème vient du fait que nous ne mettons pas l'accent sur les normes internationales, que nous ne disons pas qu'on doit, par exemple, accorder la plus grande attention aux questions liées à la biodiversité, lorsqu'on effectue des évaluations environnementales.

Cela signifie que nous avons tendance à agir en vase clos, si je peux m'exprimer ainsi, pendant que la communauté mondiale établit des normes plus sévères en raison de toutes ces conventions internationales qu'on a signées.

J'espère que cela répond à vos questions.

M. Rick Casson: Pensez-vous que le modèle américain fonctionne, qu'il répond aux préoccupations de toutes les parties? Ou est-ce la pagaille?

M. Rodney Northey: Il serait difficile de dire que c'est la pagaille. Ce modèle n'a pratiquement pas changé depuis 1969 et ce modèle est... Comme je l'ai dit tantôt, les États ont la latitude nécessaire pour essayer d'améliorer le modèle fédéral s'ils le désirent. Lorsque les États font quelque chose individuellement, ils ont tendance à prendre le modèle américain et à essayer d'y apporter des améliorations.

Même dans le climat des années 80, époque où, tous en conviendront, l'intérêt du gouvernement fédéral pour la protection de l'environnement était un peu moins positif, on n'a pas apporté de modifications à la loi nationale concernant les évaluations environnementales. Par conséquent, ce processus est le plus ancien du monde et n'a pas subi de changements significatifs depuis son instauration. On doit dire, je pense, qu'il faut le considérer comme un succès.

Si les groupes existent toujours, s'il y a des poursuites judiciaires, c'est simplement parce qu'il est difficile dans le cas des questions environnementales de trouver des solutions uniformes qui soient universellement reconnues. On semble cependant admettre que c'est un processus qu'il faut maintenir.

M. Clifford Lincoln: J'ai trois questions à vous poser et la première concerne votre argument au sujet du transfert de pouvoirs aux provinces. Nous aurions alors dix modèles provinciaux avec des normes différentes. Vous faites également allusion à la privatisation ou à la cession d'institutions de l'État. J'aimerais entendre vos commentaires sur la façon dont vous voyez, étant donné que nous cédons un grand nombre d'institutions de cette nature...

Prenons comme exemple les ports. Un projet de loi est actuellement à l'étude à la Chambre. Si je le comprends bien, il exclura les ports de l'application du processus fédéral d'évaluation environnementale et du suivi environnemental, et notamment de l'application de la LCPE. Pourriez-vous faire un commentaire à ce sujet?

Est-ce que nous cédons des pouvoirs aux provinces en plus d'en transférer d'autres par la cession d'institutions de l'État?

• 1125

M. Rodney Northey: Oui, je pense que cela décrit bien ce qui se passe sur les deux plans. Nous transférons des pouvoirs aux gouvernements provinciaux et nous en cédons également par la voie des institutions fédérales. On pourrait inclure les sociétés d'État, ainsi que les ententes d'autonomie gouvernementale conclues avec les autochtones.

Nous multiplions le nombre de régimes qui existent, ou les normes qui s'appliquent à l'évaluation environnementale dans le pays, de sorte que personne ne sait, d'une manière générale, quelle est la norme canadienne à un endroit quelconque. Il faut regarder ce qui se fait dans la province en question et qui sont les intervenants. Il n'y a pas de norme nationale connue de tous, comme c'est le cas, par exemple, aux États-Unis.

C'est donc en effet exactement dans cette direction que nous allons... Nous aurons une multiplicité de régimes, de sorte que personne, y compris les Canadiens, ne saura exactement ce qu'est l'évaluation environnementale dans un endroit ou un autre du pays. La signification sera différente dans les diverses régions du pays.

M. Clifford Lincoln: Je pourrais peut-être vous poser des questions au sujet de deux exemples précis, avant de passer à ma dernière question.

Premièrement, que pensez-vous de l'affaire de la mine Cheviot? Est-ce un cas typique du type de problème que vous entrevoyez en ce qui concerne l'évaluation—le fait qu'on se retrouve entre deux écoles de pensée et avec des ministères qui adoptent des positions différentes?

Deuxièmement, pouvez-vous commenter le processus utilisé dans le cadre du projet BHP, c'est-à-dire qu'on examine un projet en particulier parce que notre Loi sur l'évaluation environnementale est axée sur des projets individuels, c'est-à-dire que nous n'avons pas de dispositions permettant d'examiner l'impact global de plusieurs projets semblables en cours dans le même territoire et sur une très grande échelle?

M. Rodney Northey: Je commencerai par parler du projet BHP, si vous le permettez, car il illustre très bien à mon avis ce que j'ai dit.

Le député a parfaitement raison. Le processus utilisé dans le cas de BHP, où l'on a appliqué la nouvelle norme fédérale, est axé uniquement sur certains projets et non pas sur des évaluations régionales. On peut voir la différence avec l'ancien processus d'évaluation environnementale que nous avions, appelé Décret sur les lignes directrices concernant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, appelé PEEE, où le terme performatif était «proposition».

En vertu de ce processus, pendant les 20 années où il était appliqué, le gouvernement fédéral effectuait des évaluations sur une base régionale. La plus grande concernait le projet d'exploitation des hydrocarbures dans la mer de Beaufort, vers la fin des années 70 et le début des années 80. C'est donc un exemple très clair de la façon dont nous avons reculé depuis les années 70.

Pour ce qui est de la mine Cheviot, c'était en effet une affaire très controversée. J'ai examiné la décision rendue, mais pas aussi en détail que je l'aurais voulu. Je dirais que c'est un cas typique. Je suis prêt à dire que l'affaire Cheviot est un exemple de l'un des meilleurs processus conjoints, en ce sens que le gouvernement provincial avait fait preuve d'une certaine rigueur. Le fait qu'il y ait un conflit entre divers ministères fédéraux et entre ce que font les gens reflète à mon avis le peu de ressources que les gouvernements consacrent à l'évaluation environnementale et le peu de sérieux avec lequel ils traitent des grands projets et des questions difficiles qu'ils suscitent.

En ce qui concerne l'harmonisation comme telle, je pense que l'affaire Cheviot est l'un des meilleurs exemples, et non l'un des pires.

M. Clifford Lincoln: Pour faire suite à ces deux questions, que feriez-vous aujourd'hui de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale? Recommenceriez-vous à zéro, pour arriver à une certaine harmonisation? Que feriez-vous de toute l'idée du projet par opposition à une proposition, par exemple? Pensez-vous qu'il est urgent de revoir ces questions?

M. Rodney Northey: Oui, il faut suivre la direction prise par le reste du monde. Par exemple, la Banque mondiale ne se limite pas à l'évaluation de projets. Les États-Unis ne le font pas non plus. Il en va de même de la Communauté européenne. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale se limite à l'évaluation de projets. L'Ontario ne se limite pas à l'évaluation de projets, mais le processus utilisé en Ontario comporte tout de même d'autres lacunes. Il est très difficile de vous résumer la façon dont on pourrait remédier à la situation.

• 1130

Je dirais que si l'on examine la loi canadienne et ce qu'il y a lieu de faire—car je crois qu'un examen quinquennal devra en être fait pendant le mandat du gouvernement actuel—l'une des grandes lacunes se trouve dans la définition restreinte du mot «projet» dans cette loi, car cela ne concorde pas avec la direction prise ailleurs dans le monde.

Je pense qu'il est un peu plus difficile d'examiner d'autres aspects de la loi, qui concernent l'harmonisation, dans le contexte de ce comité. Je suis cependant d'accord pour dire que si nous voulons respecter les normes mondiales, la loi doit être modifiée afin d'en augmenter la rigueur et d'en élargir la portée.

Au contraire, dans le cadre du processus actuel d'harmonisation, on semble laisser entendre que le processus fédéral doit être affaibli et que nous devrions laisser les provinces triompher. Je ne pense pas qu'en 20 ans, les provinces aient catégoriquement démontré qu'elles saisissent mieux ce qui se passe, et je pense que si nous voulons suivre la même voie que la communauté mondiale, les provinces ne sont certainement pas nos meilleures représentantes.

Le président: Merci.

C'est maintenant au tour de M. Knutson, puis ce sera celui du président, à moins que d'autres membres du comité veuillent poser une question.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): À propos de votre dernier commentaire, je pense que des observations récentes sur les changements climatiques pourraient le confirmer.

La ministre a dit—je ne sais cependant pas si elle l'a dit en public, mais il semble qu'elle l'a dit à des groupes environnementaux—qu'il ne s'agit pas d'un transfert de pouvoirs. Les fonctionnaires du ministère disent que cet accord ne constitue pas un transfert de pouvoirs. Tout le monde à part eux semble dire que c'est le cas. Je vais poser deux questions. Si vous aviez cinq minutes pour convaincre la ministre qu'il s'agit en fait d'un transfert de pouvoirs, quels termes de l'accord citeriez-vous précisément? Ou est-ce une mauvaise façon de poser la question?

M. Rodney Northey: Non, ce n'est pas la mauvaise façon de poser la question. C'est simplement que je ne m'attendais pas à devoir fournir aujourd'hui autant de détails qu'il en faudrait pour vous répondre.

M. Gar Knutson: Malheureusement, comme je l'ai dit, un groupe de personnes affirme que nous ne signons pas de modification constitutionnelle, que nous ne modifions pas l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ou la loi de 1982 sur le Canada, ou quel que soit le nom qu'on lui donne maintenant; il s'agit d'une simple entente administrative; nous n'aurons peut-être pas à modifier de lois. Les fonctionnaires ont dit que nous n'aurons pas à modifier de lois. Ils utilisent toutes ces belles paroles, disant que nous allons nous réunir pour déterminer nos priorités par voie de consensus, et que quiconque est le mieux en mesure d'agir le fera. Le libellé semble confirmer leurs dires. Je me demande ce qui peut faire dire à quelqu'un qu'il s'agit vraiment d'un transfert de pouvoirs.

M. Rodney Northey: Vous devez regarder précisément l'article 5, qui porte sur la mise en oeuvre.

M. Gar Knutson: De l'entente auxiliaire?

M. Rodney Northey: Oui, de l'entente auxiliaire sur l'évaluation environnementale. Je regarde la troisième ébauche, datée du 21 mars 1997, car c'est la version la plus récente que j'ai.

Pour la gouverne des membres du comité qui ne l'ont pas sous les yeux, je signale que le concept primordial dans toute la question d'évaluation environnementale et la raison pour laquelle nous disons qu'il s'agit d'un transfert de pouvoirs, est la notion d'un organisme responsable, et il y a deux façons de voir cette question. Premièrement, on peut dire que les provinces sont responsables dans la mesure où elles peuvent s'occuper de toutes les questions d'importance et des diverses procédures qui interviennent dans un processus. Autrement dit, si la province fait une évaluation exhaustive en permettant au public de participer, on a alors le genre de modèle où il peut être très bon pour le gouvernement fédéral que la province soit l'organisme responsable.

Le problème vient du fait que trop souvent dans le passé, quand la province était l'organisme responsable, on n'a pas effectué une évaluation exhaustive et le public n'a pas nécessairement pu y participer. On ne tenait pas d'audiences publiques. On ne prévoyait pas le financement nécessaire ou une pleine participation des intéressés.

M. Gar Knutson: Donnez-nous quelques exemples.

M. Rodney Northey: Des exemples de cas où les provinces ne l'ont pas fait?

M. Gar Knutson: Oui.

M. Rodney Northey: En Ontario, par exemple, quand le gouvernement effectue une évaluation environnementale de portée générale sur les routes, c'est le ministère des Ressources naturelles qui s'en occupe du point de vue administratif. À ma connaissance, l'Ontario n'a pas tendance à consulter le MPO lorsque ces projets ont une incidence sur les pêches. Voilà un exemple.

M. Gar Knutson: Jusqu'à récemment, la province les gérait...? Non?

M. Rodney Northey: Elle ne gère les choses que dans les cas où il n'y aura pas perte d'habitat. Lorsqu'on prévoit une perte d'habitat, le fédéral doit intervenir et délivrer une autorisation.

Le problème réside dans le fait que ce sont les provinces qui déterminent s'il y aura perte d'habitat. Ainsi, le MPO n'est peut-être consulté que beaucoup plus tard lorsqu'un problème survient; on ne détermine pas d'avance s'il y aura perte d'habitat, pour que le fédéral puisse procéder immédiatement à une évaluation environnementale. Cela ne se fait pas en Ontario. Voilà un exemple.

M. Gar Knutson: Y en a-t-il d'autres? Apparemment, nous tirons les leçons de ces expériences.

• 1135

M. Rodney Northey: L'autre cas où cela survient très fréquemment est celui des terres provinciales; lorsque ces terres sont exploitées, notamment pour la production forestière, les provinces estiment que le fédéral n'a rien à y voir. Le Manitoba tient actuellement des audiences sur l'exploitation de vastes étendues de forêt en vue de la production de carton, et le gouvernement fédéral n'y participe pas, même si les audiences portent sur des milliers d'hectares de terres. Il y aura des routes et des ponts. L'habitat du poisson sera touché, de même que des voies d'eau navigables. Où est le gouvernement fédéral? Il n'y participe pas, parce que la province ne lui donne pas des informations. C'est un jeu de cache-cache. Il n'y a pas d'intervention au stade initial.

Voilà deux exemples. De toute évidence, la gestion des forêts est un domaine où les provinces ne reconnaissent pas pleinement l'autorité fédérale et n'agissent pas comme il faut.

M. Gar Knutson: Très bien. Revenons au libellé de l'article 5...

M. Rodney Northey: J'ai beaucoup de mal à comprendre le sous-paragraphe 5.6.2, qui stipule que le gouvernement provincial est responsable des projets visant les terres provinciales et nécessitant l'approbation de la province. Dans cette conception du fédéralisme, Ottawa n'a aucun rôle essentiel à jouer en ce qui concerne les terres provinciales. Cela est contraire à la politique des pêches.

Il faudrait aussi dire, en ce qui concerne d'autres exemples—les oiseaux migrateurs sont du domaine international, et ils sont protégés par une convention que le fédéral est chargé d'appliquer. Que faisons-nous pour protéger l'habitat des oiseaux dans ce pays? À l'évidence, les provinces ne s'en soucient pas. C'est une responsabilité fédérale. Est-ce que nous y pensons même lorsque nous parlons des terres provinciales? J'estime que non.

Le problème réside dans cette notion d'autorité responsable de tout le processus. Comment assurer la protection des intérêts fédéraux dans ce processus? Il est possible qu'ils soient protégés. Je suis préoccupé par la définition des rôles, et par le degré de responsabilité de la province.

M. Gar Knutson: Excusez-moi. Je ne comprends pas très bien. Vous dites que le sous-paragraphe 5.6.2 décrit plus ou moins la situation actuelle. Le gouvernement fédéral ne joue pas son rôle sur les terres provinciales.

M. Rodney Northey: Il ne joue pas le rôle qu'il devrait jouer.

M. Gar Knutson: Vous dites que nous sommes en train de confirmer par écrit et de légaliser le système actuel, même s'il ne fonctionne pas très bien.

M. Rodney Northey: Ce que je n'arrive pas à exprimer c'est que le système que je viens de décrire n'a pas de sanction légale. C'est un système d'incurie administrative ou de mauvaise gestion. C'est ce système que nous essayons maintenant de mettre en place et de légaliser par cette démarche. À mon avis, le système que nous avons maintenant n'est pas conforme à nos engagements internationaux. C'est un recul. Ainsi donc, l'idée de l'enchâsser dans ce genre d'accord confirme un recul, et non pas un pas en avant pour le Canada.

M. Gar Knutson: Et nous appelons cela «harmonie».

M. Rodney Northey: «Harmonie» est un terme très bizarre que l'on utilise quand on ne connaît pas la norme. Il est très bizarre de prétendre que 10 normes différentes favorisent davantage l'harmonisation qu'une norme nationale unique.

M. Gar Knutson: Cette situation est-elle fondée sur le fait que traditionnellement, les provinces ne font pas le travail, d'une manière générale, et que le gouvernement fédéral les incite à le faire? Est-ce que je simplifie trop?

M. Rodney Northey: Vous simplifiez trop, car jusqu'à la fin des années 80, lorsqu'on a dit au gouvernement fédéral que sa démarche entraînait des obligations juridiques, il ne faisait pas le travail non plus. L'ennui, c'est que le problème est compliqué. Il faudrait que la population intervienne et qu'elle dispose de certains outils pour obliger les gouvernements à agir.

Le problème est qu'à l'échelle provinciale, il y a eu beaucoup moins d'outils et beaucoup moins de normes qu'à l'échelle fédérale. Par conséquent, la population porte plainte contre le gouvernement en vertu des lois fédérales parce que les tribunaux peuvent au moins se fonder sur les normes pour trancher. À mon avis, les gouvernements fédéral et provinciaux n'ont aucune raison d'être particulièrement fiers de leurs antécédents sur la scène internationale. J'estime que les deux paliers doivent travailler ensemble, mais aucun des deux ne respecte pleinement ses engagements.

M. Gar Knutson: Les hauts fonctionnaires ont indiqué, un peu brièvement, que les provinces sont mieux placées parce qu'elles ont beaucoup plus de personnel. Ils ont parlé plus précisément des inspecteurs, qui sont au nombre de 2 000 à l'échelle provinciale et de 200 seulement à l'échelle fédérale. Mais vous dites que nous avons des lois et des normes plus solides.

• 1140

M. Rodney Northey: De toute évidence, en matière d'évaluation environnementale, on peut citer des exemples précis. Certaines provinces font de bonnes évaluations à l'occasion.

D'une manière générale, les normes fédérales sont plus strictes que les normes provinciales. Il existe des particularités un peu partout. Par exemple, l'Ontario a une loi très sévère, mais elle ne s'applique essentiellement qu'au secteur public. Ainsi donc, le secteur privé en Ontario n'est pas tenu de faire d'évaluation environnementale sauf dans les cas les plus extrêmes. Il est très difficile de résumer toute la situation. Que dire? Quelles sont les meilleures normes, les provinciales ou les fédérales? Difficile à dire.

M. Gar Knutson: Mon temps est-il épuisé?

Le président: Oui.

M. Gar Knutson: Au deuxième tour, je reviendrai au sous-paragraphe 5.6.2 comme exemple de dévolution. Nous poursuivrons peut-être dans la même veine.

M. Rodney Northey: Nous passerons ensuite au sous-paragraphe 5.6.4 et à la question de savoir qui est le mieux placé et quels sont les critères. Il y aura des exemples. J'ai commencé par dire que l'ancien régime, c'est-à-dire le régime du programme d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, supposait que les provinces pourraient diriger le processus. Contrairement à la loi actuelle, il prévoyait l'application du système fédéral sauf en cas de dédoublement. Les tribunaux ont décrété qu'il fallait démontrer un double emploi dans les questions de fond et de procédure pour pouvoir annuler l'intervention du fédéral.

Nous risquons ici de tout céder aux provinces sans conserver ce rôle résiduel du gouvernement fédéral ni une disposition claire prévoyant l'intervention du fédéral dans ces projets. Du point de vue administratif, je crains que l'on n'avance beaucoup dans certaines évaluations environnementales sous la direction des provinces et qu'en cas de pépin, l'intervention du fédéral n'entraîne des conséquences politiques. Rien ne garantit que l'on appliquera les normes les plus élevées dès le début du processus. Voilà ma préoccupation.

M. Gar Knutson: Cela découle de notre compréhension de l'histoire.

M. Rodney Northey: En effet, et cela dépend des ressources financières déployées par divers gouvernements. Comme vous l'avez indiqué, c'est aussi une question pertinente.

M. Gar Knutson: Par les temps qui courent, cela ressemble un peu à une cible mobile.

Le président: Monsieur Laliberte.

M. Rick Laliberte: Je voudrais ouvrir une parenthèse.

Nous recevrons bientôt le projet de loi C-7, qui porte création du parc marin du Saguenay—St. Laurent. Je constate que l'on utilise le mot «harmonisation» à divers endroits dans le projet de loi, et je voudrais vous demander ce que vous en pensez ou de son origine.

Dans ce contexte, il ne semble pas dénoter un transfert de responsabilités quelconque, mais il a été remplacé. À l'origine, le texte parlait d'un «comité de gestion», et maintenant, on va l'appeler le «comité d'harmonisation», qui exercerait les responsabilités des gouvernements du Canada et du Québec en ce qui concerne ce parc.

D'où vient ce mot «harmonisation»? L'utilise-t-on constamment quand les politiques et les procédures, dans les lois provinciales, fédérales et internationales? Quelle en est l'origine?

M. Rodney Northey: Je ne puis dire au comité d'où vient ce mot, mais on le retrouve assez souvent. Ce n'est pas simplement un terme canadien. Le monde entier envisage d'harmoniser divers aspects de ses pratiques d'évaluation environnementale. La Banque mondiale essaye de collaborer avec d'autres banques d'aide au développement afin d'harmoniser leurs activités.

Je ne voudrais pas donner aux membres du comité l'impression que le mot «harmonisation» a une connotation négative. Ce n'est pas le mot qui fait problème; c'est la démarche. Le mot a des connotations puissantes indiquant que nous combinons les activités afin de les uniformiser. Le problème est que la démarche que nous adoptons semble désagréger toujours davantage les activités, ce qui ne facilite pas le progrès.

Ce n'est donc pas le mot que je conteste, c'est le fait que nous ne l'utilisons pas pour susciter véritablement l'harmonisation; nous l'utilisons à d'autres fins. Je pense qu'on le voit plus clairement dans le cas de l'évaluation environnementale sous forme de dévolution.

• 1145

Cela ne veut pas dire que je ne connais pas le projet de loi dont vous parlez. «Comité d'harmonisation» est peut-être le terme le plus approprié pour désigner le partage des responsabilités et l'harmonisation d'activités qui étaient auparavant séparées, mais je ne parle que de cet accord d'harmonisation.

Une fois de plus, je devrais peut-être ajouter que les accords fédéraux-provinciaux sur l'évaluation environnementale qui entraînent des études comme celle de la mine Cheviot sont des harmonisations légitimes. C'est une bonne idée. Ce qui me préoccupe dans ce cas-ci c'est l'harmonisation de dix régimes provinciaux contre un régime fédéral. Je parle précisément de ce contexte.

M. Rick Laliberte: Oui, je comprends votre perspective. L'harmonisation du gouvernement fédéral avec une province est le rapport entre la compétence provinciale et la compétence fédérale... C'est un terme approprié, comme dans le cas du parc marin, où l'on prévoit un comité d'harmonisation qui partagera les compétences. Cependant, on diluera extrêmement les choses en regroupant dix ou douze compétences dans une entité fédérale; cela revient à nous mettre dans un petit coin.

M. Rodney Northey: En effet.

[Français]

Le président: Monsieur Bigras.

M. Bernard Bigras: Notre témoin nous a fait part de son inquiétude quant à la possibilité pour le gouvernement fédéral d'intervenir à un moment où les provinces ne feraient pas leur travail. Je suis surpris que notre témoin ne nous ait pas parlé du jugement de la Cour suprême en ce qui a trait à Hydro-Québec. Juge-t-il que ce jugement vient, au fond, donner au gouvernement fédéral la possibilité d'intervenir?

[Traduction]

M. Rodney Northey: C'est une question pertinente. J'ai devant moi la décision de la Cour suprême, et je voudrais en lire un extrait relatif aux obligations internationales. Voici donc la décision de la Cour, et je cite:

    Ce qui précède renforce ce que j'ai dit au début, à savoir que la protection de l'environnement est un défi important de notre époque. C'est un problème international qui nécessite l'intervention des gouvernements à tous les niveaux. De plus, comme l'indique le préambule de la loi visée, «le Canada doit être en mesure d'honorer ses obligations internationales en matière d'environnement».

C'est un extrait d'un jugement de la Cour suprême du Canada qui souligne l'importance de respecter les obligations internationales. Si j'ai bien compris la décision concernant Hydro-Québec, elle ne limite pas le rôle du fédéral dans la protection de l'environnement. En fait, bien des gens qui examinaient la situation avant la décision considèrent que cette dernière donne un mandat élargi au gouvernement fédéral.

Je le dis parce qu'avant cette décision, on ne savait pas du tout qu'il existait un crime en tant que tel contre l'environnement. De toute évidence, il existait un crime contre la santé humaine. Cette décision souligne... Et si vous lisez le jugement dissident et le jugement majoritaire, vous constatez que tous les neuf juges s'entendent sur le fait que le gouvernement fédéral a le pouvoir de considérer un dommage causé à l'environnement comme un acte criminel. Cela fait partie des pouvoirs du fédéral en matière pénale.

À mon avis, le rôle du fédéral découlant de ce jugement suppose qu'Ottawa peut déterminer, par exemple, en ce qui concerne la biodiversité, s'il y a des infractions à la convention sur la biodiversité qui pourraient constituer un crime. Je pense que la décision de la Cour suprême donne au gouvernement fédéral des pouvoirs que beaucoup d'entre nous ne soupçonnaient pas.

[Français]

M. Bernard Bigras: Notre témoin vient de nous parler du jugement, mais j'aimerais qu'il fasse le lien avec l'accord d'harmonisation. Quelle est sa crainte quant à l'harmonisation compte tenu de certaines garanties que vient de donner la Cour suprême?

[Traduction]

M. Rodney Northey: Ce serait trop long d'aller à la Cour suprême chaque fois que l'on veut amener quelqu'un à agir. Nous craignons que dans cet accord, il n'y ait pas un véritable engagement des provinces et du gouvernement fédéral de respecter pleinement les normes internationales. Il a fallu aller jusqu'à la Cour suprême pour obtenir ce genre de réponse. Cela va probablement changer les choses. Ce serait merveilleux si les choses changeaient à tous les niveaux. Actuellement, le problème réside dans l'absence d'engagement des deux paliers de gouvernement et, en particulier, de ma province, de respecter les normes les plus élevées que vise maintenant la communauté internationale.

• 1150

[Français]

Le président: Merci, monsieur Bigras.

[Traduction]

J'ai une question brève, monsieur Northey. Dans le procès-verbal des délibérations de ce comité, lorsque les hauts fonctionnaires ont comparu le lundi 20 octobre, il y avait parmi eux le chef de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, M. Gershberg. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce qu'il a dit à un certain moment.

    Les accords bilatéraux préciseront les exigences et les procédures à suivre lorsque les deux gouvernements veulent une évaluation environnementale, mais ne réduiront pas les exigences de l'évaluation environnementale canadienne.

... Et voici la phrase clé sur laquelle j'aimerais entendre votre avis...

    Rien dans l'entente auxiliaire n'exige la modification de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. C'est une loi, entrée en vigueur en janvier 1995, qui renferme déjà les dispositions permettant l'harmonisation avec les provinces, comme il est envisagé dans cette entente.

M. Rodney Northey: Permettez-moi de commencer par les parties les plus faciles de ces observations.

Il est vrai que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale prévoit l'harmonisation avec les provinces. En particulier, les articles 40 à 42 ou 43 portent sur les commissions mixtes d'évaluation environnementale, et c'est un mécanisme qui existait dans l'ancienne loi. Je suis donc tout à fait d'accord sur le fait que la loi prévoit une certaine harmonisation. Cependant, l'objet de l'accord semble être un peu différent des dispositions de la loi. L'accord porte en effet sur le début du processus d'évaluation environnementale et sur toutes les activités relatives à l'étude globale.

La loi prévoit une démarche axée sur les projets et permettant aux gouvernements et aux autorités responsables de coordonner ensemble les activités. Si j'ai bien compris, la loi n'envisage pas de mécanisme permettant au fédéral de déléguer toutes ses responsabilités à la province pour tout projet mené sur son territoire, ainsi que la coordination de l'évaluation environnementale. Je ne pense pas que la loi adopte cette approche élargie de l'évaluation environnementale. À mon avis, elle reconnaît simplement que, pour les projets les plus grands, il devrait y avoir une certaine coordination et une certaine harmonisation par le biais de commissions mixtes, et pour tous les projets, une certaine coordination générale dont l'ampleur dépend de la nature du projet. Cependant, comme je l'ai dit, il n'y a pas de déclaration générale selon laquelle la province doit être responsable de tous les projets sans négociation spécifique.

Pour ce qui est de la question de savoir... Eh bien, j'ai peut-être déjà répondu à la question.

Le président: L'entente auxiliaire entraîne-t-elle une modification de la LCEE?

M. Rodney Northey: Vous pouvez lire l'accord, qui stipule qu'aucune modification n'est nécessaire. La difficulté—et je le dis parce que j'ai essayé de suivre le processus—est que l'accord le dit, mais l'on ne sait pas comment les choses vont se produire si cela est vrai. Disons simplement que si vous tenez compte de ce que je dis dans mon mémoire et au sujet des différences entre le système ontarien et le système fédéral, il est très difficile de voir comment on peut réaliser l'harmonisation.

Je vais vous donner des exemples de ce que j'avance dans mon mémoire. Quelles sont les différences? L'Ontario exige que toute évaluation environnementale examine des solutions de rechange avant de choisir la meilleure. Il s'agit de choisir la meilleure possibilité de toutes. C'est le point de départ en Ontario. Dans le système fédéral, on exige seulement d'examiner des solutions de rechange d'une manière générale lorsqu'il est prouvé que l'on se trouve devant un problème écologique important. Ainsi donc, au fédéral, le point de départ consiste à établir que le dossier est important. Ensuite, on est tenu d'examiner les différentes solutions possibles.

• 1155

Comment concilier ces deux systèmes? Au fédéral, il faut établir que le dossier est important; la loi ontarienne ne mentionne pas le terme «importance environnementale». Les gens du fédéral ont besoin de l'établir pour en arriver à leurs conclusions. La loi ontarienne ne reconnaît pas ce processus, et l'on n'en a pas besoin pour choisir la meilleure solution possible. Eh bien, dans ce genre de situation, comment parler de l'harmonisation entre les deux gouvernements?

Certes, on peut coordonner les échéanciers. Mais, à mon avis, l'idée que les deux systèmes soient interchangeables ne tient pas debout, du point de vue juridique.

Le président: Des modifications sont-elles donc nécessaires ou non?

M. Rodney Northey: Le problème est qu'une partie va devoir faire des modifications pour que le système fonctionne dans le contexte ontarien et canadien. Le problème est que l'Ontario vient de modifier sa loi. Le Canada dit que la sienne est nouvelle. Que va—t-il donc se passer?

Il faudra que l'une des parties cède, car les deux ne fonctionnent pas facilement. Si le gouvernement fédéral dit, comme il le fait très clairement et de façon officielle maintenant, qu'il ne va pas modifier sa loi, il faudra que l'Ontario explique sa position. Mais le problème est que, quand les deux parties disent qu'elles n'ont pas besoin de modifier leurs lois, que tout se situe sur le plan administratif et qu'elles travaillent ensemble, les gens comme moi sont incrédules, parce que je ne vois pas comment les choses pourraient fonctionner si simplement. Elles ne fonctionnent pas dans le cas du Canada et de l'Ontario.

M. Clifford Lincoln: Pourriez-vous me dire, compte tenu des contestations judiciaires et des tests—vous savez ce qui s'est passé dans le cas du barrage Oldman—, si les lignes directrices du PEEE étaient supérieures à celles de l'ACEE, et si l'ACEE a affaibli notre position face à d'éventuelles contestations judiciaires?

M. Rodney Northey: Merci pour cette merveilleuse question qui, une fois de plus, est compliquée.

Je dirais que le rapport entre la loi actuelle et le PEEE n'est pas très facile à déterminer. Je le dis dans ce sens qu'il y a des aspects où la nouvelle loi est supérieure au PEEE. Par exemple, la loi est supérieure parce qu'elle exige l'évaluation des effets cumulatifs. Voilà un aspect qui n'est pas prévu par le PEEE. Maintenant, on pourrait évaluer les effets cumulatifs en vertu du PEEE, c'est-à-dire de l'ancien régime, mais l'on n'est pas tenu de le faire.

Toutefois, à maints égards, l'ancienne loi, c'est-à-dire le PEEE, était supérieure, sur les points suivants.

Premièrement, elle était plus courte et plus simple. On pouvait la lire en une séance. La nouvelle loi est très difficile; quatre règlements sont nécessaires pour comprendre si elle s'applique même à un domaine, et ensuite il faut examiner tout un tas d'articles pour comprendre ce que signifie l'évaluation environnementale. Pour un processus qui est si important pour la population, cette loi est pratiquement incompréhensible.

Deuxièmement, je pense que le PEEE était clairement supérieur en raison de sa portée. Il s'appliquait à des propositions. Malheureusement, la Cour suprême a eu une incidence réductrice sur le genre de propositions que le gouvernement avait envisagées, mais si l'on s'en tient au libellé, le PEEE avait une portée beaucoup plus grande et beaucoup plus conforme à ce qui se fait dans la communauté internationale pour appliquer l'évaluation environnementale à des questions régionales et sectorielles plus vastes, et non pas simplement à des questions relatives à des projets précis.

M. Gar Knutson: Permettez-moi de revenir à la question de M. Bigras sur la LCPE et Hydro-Québec. Si le gouvernement signe le document et une situation semblable à celle d'Hydro-Québec survient, l'accord nous empêchera-t-il d'agir?

Serions-nous encore en mesure d'envoyer des inspecteurs...

M. Rodney Northey: Eh bien, le mot «inspection» n'est pas approprié pour parler d'évaluation environnementale. La question est de savoir si le gouvernement fédéral peut appliquer judicieusement son savoir-faire et s'assurer que la bonne décision soit prise.

• 1200

Je pense que l'entente auxiliaire n'empêcherait pas le gouvernement d'agir, mais en raison du contexte et des implications du problème, l'accord rendrait encore plus difficile l'intervention du gouvernement fédéral.

M. Gar Knutson: Dans le cas d'Hydro-Québec, le problème provenait-il du processus d'inspection ou du processus d'évaluation environnementale?

M. Rodney Northey: Il ne provenait pas d'une évaluation environnementale; je crois qu'il provenait d'une inspection.

M. Gar Knutson: Il provenait donc du processus d'inspection.

Supposons que l'on confie l'inspection aux provinces. Apparemment, on prévoit que si nous sommes d'accord pour confier l'inspection aux provinces, nous devons leur donner du temps. Supposons qu'à un moment donné nous voulions inspecter—ne parlons pas d'Hydro-Québec—Hydro-Ontario. Il faudrait leur donner un préavis. Il faudrait attendre six mois pour voir si la société a fait ce que nous voulions. Dans le cas contraire, il faudrait leur annoncer que nous allons abroger l'accord.

M. Rodney Northey: En effet. Soyons absolument clairs. Je pense que l'on a créé une ambiguïté ici. L'accord dont vous parlez est l'Accord global d'harmonisation; dans toutes mes observations aujourd'hui, je parlais simplement de l'entente auxiliaire sur l'évaluation environnementale.

En ce qui concerne l'accord global, je ne sais pas quels sont les engagements, comment le mécanisme fonctionne, ni les obligations pour le gouvernement fédéral. Je m'en excuse. Je parlais précisément de cet accord. À mon avis, l'entente auxiliaire sur l'évaluation environnementale n'empêche pas le gouvernement fédéral d'exercer ses responsabilités juridiques; il crée simplement un mécanisme et un cadre qui empêchent l'application des meilleures évaluations et des meilleures normes.

M. Gar Knutson: Permettez-moi de résumer. Une fois de plus, corrigez-moi si je simplifie trop, mais vous dites que traditionnellement, d'une manière générale, le gouvernement fédéral appliquait des normes plus élevées, de meilleures normes d'évaluation environnementale. Ainsi donc, si nous harmonisons avec les provinces, cela entraîne nécessairement un abaissement de nos normes.

M. Rodney Northey: En effet. J'ajouterais simplement que le monde ne reste pas immobile pendant que nous nous livrons à cet exercice; le monde s'achemine vers des normes plus rigoureuses. Ce n'est donc pas simplement un exercice traditionnel dans lequel les provinces font une chose et nous en faisons une autre. Ce n'est donc pas simplement une lutte ou une querelle intérieure. Le problème est que le monde s'achemine vers des normes plus strictes sur tous les aspects de l'évaluation environnementale. Pendant ce temps, nous nous battons pour un système dépassé.

Ainsi donc, qu'allons-nous faire pour rattraper le reste du monde? Il fut un temps où nous étions à l'avant-garde dans ce domaine. Ce n'est plus le cas. Voilà mon problème.

M. Gar Knutson: Cela risque de nous gêner sur la scène internationale.

M. Rodney Northey: Je pense qu'à maints égards, c'est déjà le cas sur la scène internationale.

M. Gar Knutson: Très bien. C'est tout.

Le président: D'autres questions?

Merci beaucoup pour votre exposé et pour votre engagement en faveur de l'évaluation environnementale.

J'invite les membres du comité, du moins ceux qui sont présents dans cette salle, à se préparer pour la réunion de demain. Nous recevrons encore les hauts fonctionnaires. Après avoir entendu leurs exposés de la semaine dernière et d'autres témoignages entre-temps, il y a certainement un certain nombre de domaines qu'il faut examiner. Je vous exhorte donc à revoir les procès-verbaux polycopiés, vos notes et tout le reste pour préparer quelques questions.

La séance est levée.