Passer au contenu
;

AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 12 mai 1998

• 0904

[Traduction]

Le président (M. Joe McGuire (Egmont, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Nous entendrons d'abord un premier groupe de témoins qui représentent l'Agence canadienne d'inspection des aliments et Santé Canada.

• 0905

Aujourd'hui, conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous faisons une étude du cadre réglementaire de la biotechnologie et nous voulons notamment tenter de répondre aux questions suivantes: comment réglemente-t-on actuellement les produits issus de la biotechnologie; quelles mesures ont été mises en place pour garantir la sécurité de ces produits; comment notre système se compare-t-il aux pratiques des autres pays dans ce domaine?

Notre première ronde durera une heure. Je crois qu'un vote est provisoirement prévu à 10 h 30. Nous commencerons peut-être la deuxième ronde, mais nous poursuivrons ensuite jusqu'à midi, du moins je l'espère.

Nous avons le quorum et nous allons donc commencer immédiatement en donnant la parole à Margaret Kenny.

Mme Margaret Kenny (directrice par intérim, Bureau de biotechnologie, Agence canadienne d'inspection des aliments): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vais vous parler pendant les cinq prochaines minutes de la réglementation des produits agricoles issus de la biotechnologie au Canada.

Les ministères et les organismes canadiens à fonction de réglementation ont convenu de définir la biotechnologie comme suit: «application des sciences ou de l'ingénierie à l'utilisation des organismes vivants ou de leurs parties ou produits, sous leur forme naturelle ou modifiée». C'est la définition qui est donnée dans la législation canadienne sur les produits agricoles et aussi dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. En termes simples, la biotechnologie est l'application de la technique à la biologie. En ce sens, l'agriculture l'utilise depuis belle lurette, dans la sélection des animaux et des végétaux, afin de se doter de meilleures sources de nourriture, de fibres et de combustible.

La biotechnologie moderne, comme le «génie génétique», permet le transfert des gènes d'une espèce à une autre afin d'améliorer les caractéristiques des végétaux et des animaux revêtant une grande importance pour l'agriculture. Cela signifie que ce que l'on pourrait appeler une nouvelle génération de produits agricoles arrive sur le marché. Pour relever ce défi, le gouvernement fédéral a annoncé en 1993 le Cadre fédéral de réglementation de la biotechnologie. Je vais vous décrire brièvement les principales caractéristiques de ce cadre.

Le premier principe consiste à maintenir le haut niveau de protection qu'accorde le Canada à la santé des travailleurs, du grand public et de l'environnement; deuxièmement, faire appel aux lois et organismes de réglementation existants, au lieu d'adopter de nouvelles lois et de créer de nouvelles institutions; troisièmement, élaborer des lignes directrices claires pour l'évaluation des produits; quatrièmement voir à établir une base solide de données scientifiques qui permettront d'évaluer les risques; cinquièmement, s'assurer que l'élaboration et l'application des règlements canadiens sont transparentes et qu'elles comprennent une étape de consultation; et sixièmement, contribuer à la prospérité et au bien-être des Canadiens en privilégiant un climat favorable aux investissements, au développement et à l'innovation.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments joue dans l'administration fédérale un rôle clé dans la réglementation des produits agricoles issus de la biotechnologie, en évaluant leur efficacité et leur innocuité pour l'environnement et en mettant en oeuvre des politiques d'étiquetage.

Je vais vous parler tout d'abord de l'évaluation environnementale. Pour ce qui concerne les évaluations environnementales, on a promulgué, en janvier 1997, des modifications aux règlements concernant spécifiquement la notification et l'évaluation, sous le régime des lois sur les semences, les aliments du bétail, les engrais et la santé des animaux, appliquées par l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

La Loi sur les semences régit les végétaux. La biotechnologie a amélioré la capacité des obtenteurs de végétaux et d'arbres de créer des variétés possédant par exemple de nouveaux types de tolérance aux herbicides, une résistance aux insectes et aux maladies, des caractéristiques nutritionnelles spéciales et une plus grande tolérance aux traumatismes attribuables au milieu.

Le règlement sur les semences régit les essais sur le terrain, dans des conditions qui limitent la capacité des végétaux de propager leurs semences et leur pollen. Il régit aussi les vastes plantations sans restriction, établies en vue de la commercialisation. Depuis 1995, on a autorisé la dissémination en milieu ouvert de 33 végétaux dotés de caractères nouveaux et, en 1997, on a effectué près de 800 essais sur le terrain en milieu confiné.

• 0910

La Loi relative aux aliments du bétail régit les aliments du bétail. On trouve notamment les types d'aliments suivants: les microbes vivants, qui aident à maintenir les populations bactériennes dans l'estomac des animaux; les produits de fermentation tels que les vitamines; les microbes tels que les additifs pour fourrage, etc.

Jusqu'à ce jour, on a approuvé 31 nouveaux types de végétaux comme aliments du bétail au Canada. En outre, on a approuvé 180 produits microbiens, dont neuf de microorganismes génétiquement modifiés.

Les engrais sont régis par la Loi sur les engrais. Ces produits visent à fournir des éléments nutritifs aux végétaux. Ils peuvent englober des microorganismes, d'où le volet biotechnologique. Les engrais microbiens ont servi de remplacement aux produits chimiques depuis nombre d'années.

On compte actuellement 80 engrais de type microbien enregistrés au Canada. Depuis 1993, on a autorisé près de 200 essais aux fins de recherche, dont seulement 10 avec des produits de la biotechnologie.

Les produits biologiques vétérinaires sont réglementés en vertu de la Loi sur la santé des animaux. Ils servent à la prévention, au traitement et au diagnostic des maladies infectieuses des animaux et ils comprennent des produits tels que les vaccins et les trousses de diagnostic. Actuellement, 44 de ces produits issus de la biotechnologie sont autorisés: 35 sont des trousses de diagnostic.

L'importation des végétaux, de microorganismes et d'animaux est contrôlée au moyen de licences d'importation délivrées en vertu de la Loi sur la santé des animaux et de la Loi sur la protection des végétaux. Les examens préalables à la délivrance des licences portent sur la possibilité d'effets négatifs sur la santé des animaux ou des végétaux par les nouveaux organismes importés.

Pour ce qui est de la politique d'étiquetage, le Canada exige assurément que tous les aliments vendus au public canadien soient sans danger. En conséquence, la politique canadienne considère les aliments issus des nouvelles biotechnologies comme des aliments non traditionnels. Santé Canada est chargé d'évaluer l'innocuité de ces aliments avant qu'ils ne soient offerts au public, et mon collègue Paul Mayers vous en parlera de façon plus détaillée tout à l'heure, mais ce ministère et l'Agence canadienne d'inspection des aliments sont conjointement responsables des politiques fédérales d'étiquetage des aliments au Canada, sous le régime de la Loi sur les aliments et drogues.

Depuis 1993, le gouvernement canadien a tenu trois consultations publiques pour déterminer l'opinion des Canadiens sur l'étiquetage des aliments issus de la biotechnologie. Je vais vous décrire brièvement quelles ont été nos conclusions. Je précise que ces consultations ont mis en cause plus de 2 000 organisations, entreprises et particuliers et qu'il n'y a donc probablement aucun point sur lequel nous avons obtenu l'accord de 100 p. 100 des participants, mais un consensus général a été dégagé sur les points suivants.

Le premier point est que les étiquettes des aliments non traditionnels doivent souligner la présence de risques pour la santé ou la sécurité de certaines personnes ou de certains segments de la population. En outre, l'étiquette doit identifier tout changement notable de composition ou changement nutritionnel par rapport aux aliments traditionnels. On devrait permettre au consommateur de choisir grâce à l'étiquetage volontaire, c'est-à-dire que l'industrie pourrait choisir de volontairement identifier un aliment comme ayant été ou non développé grâce à la biotechnologie. Cependant, à l'exception des considérations relatives à la santé ou à la nutrition mentionnées ci-dessus, des critères obligeant à déclarer le recours aux procédés de biotechnologie ne seraient pas obligatoires. Les restrictions fondées sur les obligations religieuses ont été considérées dans le cadre des consultations comme ne faisant pas partie du mandat de réglementation de l'État.

Ces conclusions sont en harmonie avec les dispositions du Règlement sur les aliments et drogues. Elles décrivent l'approche que le Canada a utilisée pour déterminer si les nouveaux produits des biotechnologies qui arrivent sur le marché canadien ont besoin ou non d'étiquettes spéciales.

Je signale par ailleurs qu'à titre de membre du Codex alimentarius, le Canada collabore avec cette organisation internationale de normalisation pour mettre au point une position internationale commune sur la question.

Pour terminer, j'aimerais signaler que l'Agence canadienne d'inspection des aliments reconnaît l'importance de l'information du public, et elle s'est efforcée de répandre cette information. Par exemple, le public peut trouver de l'information sur les lois susmentionnées, sur le système réglementaire relevant de l'agence et sur les politiques d'étiquetage. Le matériel comprend de l'information sur les règlements, les lignes directrices, les documents de consultation, et on y trouve des listes des essais sur le terrain et les documents de décision sur les produits approuvés. Tout cela est du domaine public.

• 0915

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, madame Kenny. Nous entendrons maintenant le représentant de Santé Canada, M. Paul Mayers, chef du bureau de biotechnologie alimentaire.

M. Paul Mayers (chef, Bureau de biotechnologie alimentaire, Santé Canada): Merci, monsieur le président.

Puisque je dispose d'environ cinq minutes, je vais donner une vue d'ensemble de ce que nous faisons sur le plan de la réglementation pour assurer la sécurité des aliments dérivés de la biotechnologie. Puisque ma collègue Margaret Kenny a donné un aperçu du cadre canadien de la réglementation de la biotechnologie, je mettrai l'accent sur les questions de sécurité des aliments dans le contexte de ce cadre fédéral.

Santé Canada assume la responsabilité de veiller à ce que tous les aliments réglementés en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et son règlement soient sans danger. Cette responsabilité est partagée avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments depuis qu'on a regroupé tous les services fédéraux d'inspection des aliments et le rôle de Santé Canada, dans ce cadre global, se limite à l'établissement de normes et à la réglementation en matière de sécurité des aliments.

En vertu de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement, nous avons à notre disposition un certain nombre de mécanismes permettant d'assurer l'innocuité des aliments au Canada. Ces mécanismes comprennent la notification et le processus d'autorisation préalable à la mise en marché, ainsi que l'élaboration de normes. Dans le cas des nouveaux aliments, comme de nombreux aliments peuvent être nouveaux dans notre approvisionnement alimentaire et comme il peut être indiqué d'en évaluer la sécurité, on a jugé bon d'exiger la notification préalable à la mise sur le marché, ce qui permettra de faire une évaluation de ces produits sans pour autant exiger que ces aliments soient inscrits sur une liste, comme on l'exige pour les additifs alimentaires, ce qui nécessite dans chaque cas une modification au règlement.

Nous espérons que ce mécanisme de la notification permettra de faire une évaluation approfondie sans imposer les délais nuisibles qui accompagnent la nécessité de modifier le règlement pour inscrire un produit sur une liste, comme dans le cas des additifs alimentaires de la catégorie 16 aux termes du règlement sur les aliments et drogues.

Santé Canada a donc proposé d'ajouter au règlement sur les aliments et drogues une nouvelle section qui définit le concept de nouvel aliment et exige la notification préalable à la vente ou à la publicité en vue de la vente d'un produit au Canada. Cette disposition permettra au ministère d'effectuer une évaluation approfondie de la sécurité de chaque produit.

Les nouveaux aliments comprendraient, sans toutefois s'y restreindre, les produits alimentaires dérivés d'organismes modifiés génétiquement. Ce point est particulièrement important parce que le cadre réglementaire fédéral exige que l'on fasse appel à une loi existante pour réglementer les produits de la biotechnologie. Nous reconnaissons au ministère que ce qui est en cause, c'est la nouveauté d'un produit dans l'approvisionnement alimentaire, et non pas spécifiquement le fait qu'un produit peut avoir été modifié génétiquement. En effet, un produit qui n'est pas modifié génétiquement, mais qui est nouveau sur le marché, peut fort bien présenter des risques semblables qui justifient tout autant de faire une évaluation approfondie pour en vérifier l'innocuité.

À la suite de nos consultations sur la proposition de modification du règlement pour les nouveaux aliments, nous sommes actuellement en train de réviser la proposition. Nous espérons publier de nouveau cette proposition dans la partie I de la Gazette du Canada cette année et effectuer de nouvelles consultations. Afin d'aider les concepteurs de nouveaux produits à fournir les renseignements nécessaires pour l'évaluation de leurs produits, nous avons également, encore une fois en conformité des exigences du cadre réglementaire fédéral, établi des règles sur la façon dont ces produits seront évalués. Ces renseignements se trouvent dans une publication de Santé Canada intitulée Lignes directrices relatives à l'évaluation de l'innocuité des aliments nouveaux. Ces lignes directrices donnent une vue d'ensemble des renseignements que le concepteur du produit doit réunir et fournir pour que l'on puisse évaluer l'innocuité de son produit.

• 0920

Compte tenu de l'intérêt manifesté par le comité pour ce qui est de comparer notre système réglementaire au cadre international, il est important de signaler que ces lignes directrices s'inspirent de principes reconnus à l'échelle internationale pour l'évaluation sécuritaire des aliments nouveaux. Ces principes internationaux ont été d'abord mis au point par un comité d'experts travaillant sous l'égide de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques, et le Canada a fait partie de ce groupe d'experts qui a mis au point la notion d'équivalence manifeste pour l'évaluation sécuritaire des produits de biotechnologie.

Cette approche est fondée sur une comparaison entre le produit nouveau et un produit classique ayant une norme de sécurité acceptable. Autrement dit, nous comparons un aliment nouveau à un aliment dont l'innocuité est démontrée par des antécédents d'utilisation sans danger. C'est un outil très valable pour nous, parce qu'en utilisant cette approche comparative pour établir un lien entre un aliment nouveau qui est lancé sur le marché et un aliment que nous connaissons de longue date, nous avons un mécanisme qui nous permet, par comparaison, d'établir l'innocuité de l'aliment non pas en termes absolus, parce que le risque zéro ou la sécurité absolue n'existe pas, mais cela nous permet plutôt de tabler sur les antécédents d'utilisation sans danger et de prédire ainsi non seulement le potentiel d'effets toxiques aigus d'un aliment, mais aussi les effets à long terme, en se fondant sur les connaissances que nous avons des effets à long terme de son équivalent traditionnel.

De plus, nous tenons compte, pour évaluer l'innocuité, du procédé utilisé pour fabriquer l'aliment. On compare les caractéristiques à celles du produit classique en termes de composition et de qualités nutritives. Une considération importante est la présence éventuelle de composantes toxiques ou non nutritives.

Nous savons déjà que les aliments actuellement disponibles comprennent des composantes toxiques et non nutritives, mais nous avons appris avec le temps à composer avec ces facteurs. Nous savons par exemple que certains produits, comme les haricots, comprennent des composantes anti-nutritives, mais nous savons qu'il suffit de les cuire pour régler le problème et cela ne veut pas dire que nous empêchons ces produits d'être mis en marché. Nous traitons plutôt les produits en question de manière à éliminer tout problème que susciterait la présence d'éléments non nutritifs. De même, un nouveau aliment serait assujetti à une norme de sécurité également rigoureuse.

Enfin, l'examen porte aussi sur l'éventualité d'effets toxiques ou allergènes des protéines nouvellement introduites dans ces aliments. Nous reconnaissons que certaines protéines ont des effets toxiques et d'autres des effets allergènes, et c'est donc un élément clé de l'évaluation que nous faisons de l'innocuité.

Une fois qu'il est établi que le nouvel aliment est manifestement équivalent et donc aussi sûr et nutritif qu'un produit classique semblable, il peut être mis en marché de la même manière que les aliments classiques. Du point de vue scientifique, il ne conviendrait pas d'appliquer à un aliment qui est en fait aussi sûr ou nutritif qu'un autre des normes différentes pour la mise en marché. Nous appliquons donc à ces aliments nouveaux les mêmes normes, après leur mise en marché, que pour tous les autres aliments vendus dans notre pays.

Nous reconnaissons que les organismes qui ont été modifiés génétiquement présentent des problèmes de même nature, en matière de sécurité, que les aliments déjà vendus sur le marché: toxicité, présence d'éléments non nutritifs, propriétés allergènes, possibilité de contamination. Donc, le fait que ces produits aient été modifiés génétiquement ne change rien aux risques que nous devons évaluer et nous avons donc les compétences voulues pour évaluer les risques pouvant être associés à ces produits.

• 0925

Le ministère propose de mettre en place un système réglementaire complet, en ce sens qu'il permet de faire une évaluation approfondie de chaque produit avant sa mise en marché. Comme je l'ai dit, nous informons les concepteurs des produits pour qu'ils soient au courant, pendant la mise au point, des normes qui s'appliqueront à leurs produits.

Dans le contexte international, il importe de signaler qu'outre l'Organisation pour la coopération et le développement économiques, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture et l'Organisation mondiale de la santé des Nations Unies ont joué un rôle actif dans l'élaboration des lignes directrices dans ce domaine. Leur approche est également fondée sur le concept d'équivalence manifeste et l'approche canadienne est conforme aux principes reconnus internationalement.

De plus, je signale que l'approche canadienne a servi de modèle à plusieurs autres pays pour l'élaboration de leur système de réglementation, parce que nous avons été parmi les premiers à mettre au point une réglementation applicable à ces produits. Seuls les États-Unis ont plus d'expérience que nous dans la réglementation de tels produits. Le système réglementaire mis en place au Canada a été un modèle très important pour d'autres pays. En fait, nous recevons régulièrement des demandes d'autres pays qui veulent visiter le Canada pour observer notre système de réglementation, ou bien ils nous demandent d'envoyer des représentants chez eux pour leur donner un aperçu de la méthode que nous appliquons au Canada.

À ce jour, plus de 30 produits ont fait l'objet d'une étude et leur mise en marché a été autorisée au Canada. Je ne m'attarderai pas sur la question de l'étiquetage, puisque Margaret vous en a déjà parlé, mais je signale que Santé Canada contribue également à informer les consommateurs pour les aider à bien choisir leurs aliments.

Dans ce but, nous nous sommes engagés à mettre à la disposition du public des renseignements sur le système de réglementation, sur nos lignes directrices et sur les décisions rendues à l'égard de divers produits. Notre principal outil pour ce faire est le site Web de Santé Canada. Le bureau de la biotechnologie alimentaire du ministère s'est également engagé à diffuser de l'information et nous répondons régulièrement à des demandes en envoyant des représentants assister à des réunions pour y donner un aperçu de l'approche réglementaire et des renseignements sur l'étude de divers produits spécifiques, afin que ceux qui sont intéressés à se renseigner sur la technologie et les produits dérivés de la technologie aient toute l'information à leur disposition.

En terminant, je signale que d'autres groupes ont travaillé en collaboration avec Santé Canada et avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour renseigner le grand public et l'aider à comprendre à la fois la technologie et les questions de sécurité des aliments associées à la technologie. Ce sont des groupes comme l'Association des consommateurs du Canada, le Réseau de communications en biotechnologie alimentaire et le Dieticians' Biotechnology Network, qui sont tous, à nos yeux, des partenaires clés pour ce qui est de renseigner le public afin de l'aider à comprendre la technologie et la façon dont cette technologie est réglementée.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Mayers.

Je me demande comment vous en êtes arrivés à utiliser l'expression «nouvel aliment» pour décrire des produits agricoles modifiés génétiquement. Il me semble que c'est une façon bizarre de décrire nos efforts en vue de doubler notre production alimentaire au cours des prochaines années. Quand on dit «nous allons manger de nouveaux aliments», on dirait presque de la science-fiction. Est-ce un terme accepté internationalement, ou bien êtes-vous tombés sur ce terme à propos du colza ou d'une autre denrée?

M. Paul Mayers: C'est une question intéressante. Deux approches différentes ont été adoptées dans le monde. En Europe, au Royaume-Uni et en Australie, on a adopté le terme «aliments nouveaux», comme nous l'avons fait au Canada. Nos collègues aux États-Unis n'utilisent pas ce terme, même s'il en a été question. Au lieu de cela, les Américains ont jusqu'à maintenant mis l'accent uniquement sur les plantes. Ils les décrivent simplement comme «de nouvelles variétés de plantes».

La raison pour laquelle nous avons choisi le terme «aliments nouveaux» au Canada, c'est que nous voulions éviter de mettre l'accent uniquement sur les aliments dérivés de la biotechnologie et nous voulions donc éviter les expressions «aliments issus de la biotechnologie» ou encore «aliments modifiés génétiquement».

• 0930

Nous reconnaissons en effet qu'il y a d'autres aliments nouveaux sur le marché canadien qui peuvent poser des risques si on n'en fait pas l'évaluation avant leur mise en marché. Il nous fallait donc une catégorie d'aliments qui engloberait beaucoup plus que la simple biotechnologie, mais aussi les succédanés des matières grasses et des aliments qui n'avaient jamais été consommés auparavant au Canada. C'est donc la nouveauté qui est la caractéristique commune et c'est pourquoi nous avons choisi l'expression «aliments nouveaux».

Le président: Je vois. A-t-on envisagé d'adopter une expression valable pour toute l'Amérique du Nord, au lieu que le Canada et les États-Unis aient chacun une expression différente pour décrire la même chose?

M. Paul Mayers: Eh bien, comme les États-Unis ne se sont pas penchés jusqu'à maintenant sur autre chose que les plantes modifiées génétiquement, il n'en a pas été question. Leur approche législative est légèrement différente; aux États-Unis, les aliments sont rangés dans deux catégories seulement, les aliments «généralement reconnus inoffensifs» et les «additifs alimentaires».

Nous, au Canada, nous avons beaucoup plus de catégories d'aliments. Nous ne pouvions donc pas utiliser la même approche que celle qui a été adoptée aux États-Unis, parce que nous n'avons pas de catégories d'aliments «généralement reconnus inoffensifs» connus sous le sigle «GRAS». La plupart des aliments nouveaux aux États-Unis tombent dans la catégorie des additifs alimentaires, et quelques-uns dans la catégorie GRAS. Il n'a donc pas été question d'adopter une expression unique pour toute l'Amérique du Nord.

Le président: D'accord.

Nous avons 30 minutes pour les questions. Monsieur Hoeppner.

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je m'excuse d'être arrivé en retard ce matin pour entendre vos exposés, mais notre avion avait deux heures de retard lundi et hier soir, nous avons eu l'occasion d'aller voir la partie de hockey des Sénateurs, alors vous comprendrez qu'il y a des choses prioritaires.

J'ai trouvé la terminologie intéressante: la Loi sur les aliments et drogues. J'ai remarqué dernièrement que dans ma circonscription, une compagnie qui travaille dans le domaine de la biotechnologie essaye d'obtenir un permis pour faire pousser des herbes nocives. Est-ce que cela relève de vos attributions? Est-ce un aliment ou bien une drogue? Comment désigneriez-vous cela?

M. Paul Mayers: Cela dépend de l'utilisation finale. Si le produit, qu'il s'agisse d'une mauvaise herbe ou d'autre chose, servira de composante, ou bien si la plante entière servira à l'alimentation humaine, alors oui, cela relève de la Loi sur les aliments et drogues et pourrait donc être assujetti à la proposition sur les aliments nouveaux. Si ce produit est cultivé pour l'alimentation animale, alors cela ne relève pas de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement. Ce serait plutôt assujetti à la Loi relative aux aliments du bétail, qui est administrée par l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

M. Jake Hoeppner: Y a-t-il un élément de recouvrement des coûts dans ce plan? Dans le secteur de la biotechnologie, qu'est-ce qui relève du bien public et du bien privé? À mes yeux, tout cela est probablement beaucoup plus à l'avantage du secteur privé que du grand public, si l'on songe aux nouvelles graines qui sont mises au point, aux hybrides. Comment établissez-vous des lignes directrices ou prenez-vous des règlements pour régir tout cela?

Mme Margaret Kenny: Je pourrais probablement apporter un début de réponse à cette question. La réglementation des produits de la biotechnologie n'est pas fondamentalement différente de celle qui s'applique à d'autres types de produits que nous réglementons. Essentiellement, aux termes des lois que nous administrons, le recouvrement des coûts des évaluations en vue de l'approbation est fixé à environ 50 p. 100.

M. Paul Mayers: À Santé Canada, à ce jour, pour ce qui est des aliments, il n'y a qu'un seul secteur du programme alimentaire qui fait actuellement l'objet de recouvrement des coûts, et c'est celui de l'approbation des médicaments vétérinaires. À l'heure actuelle, le reste du programme ne fait pas l'objet de mesures de recouvrement des coûts. Quant à savoir quels autres volets du programme pourraient y être assujettis, c'est actuellement à l'étude. Pour l'instant, il n'y a donc aucun recouvrement des coûts quant aux examens que nous faisons des aliments nouveaux.

• 0935

M. Jake Hoeppner: En fin de semaine dernière, j'ai passé quelques heures sur un tracteur à planter du colza. J'ai été stupéfait de voir le prix du colza Roundup. Je pense qu'ils payaient 12 $ l'acre simplement pour les droits détenus par l'obtenteur, pour payer la technologie de ce produit. Vous savez, quand on plante 1 000 acres de colza, ça fait beaucoup d'argent. Qui touche cet argent ou qui paye pour la recherche pour obtenir ce type de produit? Je suis certain que le gouvernement fait des tests pour en vérifier l'innocuité et qu'il fournit des fonds.

Mme Margaret Kenny: Il y a probablement deux éléments de réponse. D'abord, les compagnies sont les mieux placées pour expliquer pourquoi leurs produits coûtent cher. Je suppose qu'elles récupèrent une partie de l'argent consacré à la recherche.

C'est certain qu'il y a des programmes, surtout dans la recherche précoce, avant l'étape du développement, dans lesquels le gouvernement a contribué à mettre au point de nouvelles techniques qui sont ensuite utilisées pour mettre au point des produits. Toutefois, quant à la tâche de réglementation, il incombe aux compagnies de faire en sorte que leurs produits respectent nos exigences en matière de sécurité et elles doivent payer le prix pour effectuer les essais nécessaires pour respecter nos normes.

M. Jake Hoeppner: Donc, pour ce qui est d'Agriculture Canada et de la sécurité des aliments, ce sont les compagnies qui payent les tests, ou bien les contribuables payent-ils encore une partie de la note?

Mme Margaret Kenny: Ce sont les compagnies qui payent la note, les demandeurs, et il peut s'agir dans certains cas d'une université. Mais c'est le demandeur qui assume le coût.

M. Jake Hoeppner: Pour revenir aux drogues et aux aliments, comment caractérisez-vous l'industrie des compléments alimentaires? Est-ce un produit pharmaceutique? Est-ce une drogue? Dans le cas d'un aliment santé dérivé d'un produit naturel, comment est-ce caractérisé?

M. Paul Mayers: Certains produits de ce type sont en fait des aliments nouveaux s'ils n'étaient pas présents dans l'approvisionnement alimentaire.

Il y a aussi un débat distinct sur la possibilité d'attribuer des caractéristiques à des produits qui sont des compléments alimentaires, mais ce débat se situe à l'extérieur de la biotechnologie alimentaire comme telle. Il s'agit plutôt de faire la distinction entre un produit pharmaceutique et un aliment et il y a une zone floue dans le cas d'un aliment qui a des propriétés en matière de santé. La question est de savoir quelles propriétés il y a lieu d'attribuer à un tel aliment? Les consultations se poursuivent sur cette question.

Quant à savoir en quoi cela met en cause la biotechnologie lorsqu'un produit de ce genre est élaboré au moyen de procédés technologiques, la sécurité du produit serait évaluée sous le régime des nouveaux aliments et l'autorisation relativement à toute attribution à l'égard de ce produit serait accordée dans le cadre du régime que l'on décidera de mettre en place en fin de compte pour ce qui est de l'attribution de propriétés à des aliments.

M. Jake Hoeppner: Êtes-vous en train de dire, monsieur, qu'un aliment nouveau est probablement à la fois un nutraceutique ou un produit pharmaceutique et un aliment?

M. Paul Mayers: C'est peut-être le cas de certains nouveaux aliments, mais beaucoup d'autres, notamment tous les exemples que nous avons donnés aujourd'hui, ne sont rien d'autre que des produits traditionnels que l'on a simplement modifiés en y apportant des modifications agronomiques ou sur le plan de la qualité.

M. Jake Hoeppner: Merci. Je vous suis reconnaissant pour vos explications.

M. Paul Mayers: Je vous en prie.

Le président: Madame Alarie.

[Français]

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Bonjour. En regardant les règles qui sont établies pour l'étiquetage, je suis un peu surprise de voir qu'il y a un aspect très volontaire pour l'industrie, qui décide si elle identifie un aliment comme étant un aliment développé grâce à la biotechnologie.

• 0940

J'ai donc une question sur le commerce d'exportation. Même si vous suivez les règles générales de l'OCDE au moment de l'exportation, le fait qu'on demande un étiquetage complet couvrant cet aspect vous pose-t-il un problème?

[Traduction]

Mme Margaret Kenny: Je peux répondre à cette question. La question de l'étiquetage se pose constamment, surtout dans l'Union européenne. Vous avez absolument raison de dire que cette décision pourrait avoir une influence sur les exportations canadiennes. Toutefois, le débat actuel au sein de l'Union européenne, qui n'est jamais tout à fait stable et qui pourrait présenter demain un visage différent de celui d'aujourd'hui, semble s'orienter vers l'établissement de trois catégories pour l'étiquetage: les aliments dérivés du génie génétique; les aliments qui ne sont pas dérivés du génie génétique; et les aliments qui peuvent peut-être provenir du génie génétique.

En cas de doute, par exemple dans le cas de céréales multigrains dont certains grains viennent peut-être d'une plante dérivée de la biotechnologie, mélangés à d'autres grains l'étiquette dirait simplement «peut» contenir, etc. Mais l'Union européenne n'a pas encore arrêté définitivement ces règles et le débat se poursuit à l'heure actuelle.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Je pensais à la Communauté européenne, mais je pense aussi au marché asiatique, qui est très méticuleux sur ces questions.

Toute la politique d'étiquetage, si je comprends bien, est une responsabilité partagée entre l'Agence canadienne d'inspection des aliments et le ministère de la Santé. Qui est le leader dans tout cela? On a souvent parlé de la problématique de l'étiquetage par rapport à l'éducation de la population et on n'a pas l'impression qu'il y a un ministère ou un organisme qui est chargé de l'éducation. Laisse-t-on cela aux associations ou aux regroupements de consommateurs? Le gouvernement ne sent-il pas qu'il a une responsabilité dans cela?

[Traduction]

Mme Margaret Kenny: Pour ce qui est du marché asiatique ou même des exportations vers les États-Unis, je peux dire que notre politique d'étiquetage est conforme à celle du Japon et des États-Unis. Nous n'avons pas eu de problème comme ceux que vous décrivez.

Quant à savoir qui assume la responsabilité première au sujet de l'étiquetage, il s'agit vraiment d'une responsabilité partagée entre Santé Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. En effectuant l'examen aux fins de la sécurité, Santé Canada détermine s'il y a des risques pour une partie de la population ou s'il y a un changement important dans la valeur nutritive. Le cas échéant, ils imposent des exigences obligatoires en matière d'étiquetage à cet égard. Quant à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, son rôle vise plutôt la prévention de la fraude. Nous avons aussi un rôle à jouer dans l'élaboration des dispositions générales concernant l'étiquetage. Il est évident que nous travaillons de concert avec d'autres ministères fédéraux à cet égard.

Quant à savoir qui est responsable de diffuser de l'information, je dirais que c'est une responsabilité partagée entre tous les intervenants qui s'occupent de ces nouvelles récoltes et nouveaux aliments. Ce pourrait être par exemple les compagnies qui participent à leur mise au point. Elles ont un rôle à jouer. Les épiciers ont un rôle à jouer. Du point de vue de la réglementation, nous sommes certes tenus de diffuser de l'information et d'expliquer en quoi consiste l'évaluation de sécurité, quels produits nous avons examinés et quelles sont nos politiques.

Ces responsabilités sont partagées. Je ne crois pas qu'un seul groupe puisse se charger de tout cela à lui seul ou soit le mieux placé pour s'occuper de toutes les situations. C'est une activité qui exige des partenariats.

• 0945

[Français]

Mme Hélène Alarie: On constate qu'il y a de l'information. Il y a des sites Web, mais entre l'information et l'éducation, il y a tout un monde. Le sujet a été soulevé par chaque groupe que nous avons reçu. Tout le monde nous disait qu'il fallait commencer l'éducation des jeunes et de la population en général. Donc, pour ce qui est de l'information, ça va. J'ai compris qu'on pouvait l'avoir facilement sur le site Web, mais cela va plus loin. Il faut être proactif dans cela.

[Traduction]

Mme Margaret Kenny: Je suis d'accord. Vous avez absolument raison. Dans nos consultations au sujet de la stratégie canadienne de la biotechnologie, on a insisté à maintes et maintes reprises sur ce point. Oui, il y a un rôle à jouer pour ce qui est de diffuser l'information et nous devrions en faire davantage dans ce domaine, mais il est tout aussi important de faire de l'éducation dans nos écoles, en commençant par la maternelle.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Margaret et Paul, j'ai parcouru ces documents et les ai trouvés très intéressants. Vous commencez par énoncer des lignes directrices permettant d'évaluer la salubrité des nouveaux aliments. Un peu plus loin, on peut lire que Santé Canada tient beaucoup à fournir de l'information aux consommateurs. Vous avez aussi un site Web, qui va évidemment aider à diffuser cette information.

Mais je vais essayer un instant d'oublier que je suis aviculteur et me présenter comme un consommateur. Christine en sera très heureuse, là-bas, au fond de la salle.

Prenons les aliments nouveaux. J'aime bien mon pain de blé entier traditionnel. Pourquoi devrais-je maintenant manger du pain de blé entier nouveau? J'ai toujours aimé mes céréales de filaments de blé et je ne vois pas pourquoi je devrais maintenant manger des céréales de blé modifiées génétiquement. Les consommateurs offrent-ils beaucoup de résistance aux aliments nouveaux, surtout aux aliments dérivés du génie génétique?

Ma question suivante porte sur le site Web de Santé Canada. Premièrement, assure-t-on la publicité de ce site? Les gens sont-ils au courant de son existence? Deuxièmement, dans quelle mesure est-il facile à consulter, une fois qu'on a appris son existence? Troisièmement, combien de visites enregistrez-vous sur ce site?

M. Paul Mayers: Je vais répondre à vos questions dans l'ordre. Pour ce qui est de la réaction des consommateurs aux produits, il est certain que les consommateurs sont très intéressés et posent beaucoup de questions. Mais je ne peux pas vous décrire directement la réaction du consommateur. En effet, ceux qui font la mise au point et la mise en marché des produits sont les seuls à savoir vraiment si les consommateurs offrent une résistance à leurs produits.

Les rares exemples d'essais réels qui ont eu lieu sur le marché ont eu des résultats très positifs. On a mis à l'essai des pommes de terre modifiées génétiquement dans le Canada atlantique, par l'entremise d'une chaîne de supermarchés. La réaction à ce produit a été très positive.

Maintenant, on pourrait soutenir que les consommateurs de l'Atlantique sont au courant du problème particulier de parasites qui est à l'origine de la mise au point de cette pomme de terre et que c'est peut-être la raison pour laquelle le taux d'acceptation était élevé. Je ne pourrais pas vous dire si c'est bien la raison, mais en tout cas, cet essai sur le marché a donné des résultats très favorables.

Cela ne veut pas dire que les consommateurs ne nous posent pas de questions au sujet du produit. C'est habituellement la réaction que nous avons. Ce n'est pas que les gens ne veulent pas d'un produit, mais plutôt qu'ils doivent savoir de quoi il retourne avant de l'acheter. Nous essayons de répondre à ce besoin.

Quant à l'information diffusée sur le site Web, nous publicisons le site Web de Santé Canada que nous présentons comme un réseau d'information sur la santé, et il y a un projet en cours en vue de renforcer notre promotion de ce site Web; le site qui traite des aliments est inclus dans ce réseau général sur la santé.

De plus, de concert avec nos partenaires comme le Réseau de communications en biotechnologie alimentaire, nous essayons de faire connaître l'existence du réseau. Mais c'est extrêmement difficile de publiciser le site Web.

• 0950

Quant à la convivialité du site, je suis le premier à reconnaître qu'il n'est peut-être pas aussi facile à consulter qu'il devrait l'être. À l'heure actuelle, certains documents qui figurent sur ce site doivent être téléchargés, simplement à cause de la technologie utilisée pour leur élaboration. Au programme des aliments, nous sommes déterminés à mettre l'accent sur notre site Web comme outil d'information et à l'améliorer pour le rendre plus facile à utiliser.

Depuis la mise en place de ce site Web, on enregistre un nombre croissant de visites. Chose très intéressante, nous avons constaté que depuis la mise en place du site Web, le nombre d'appels téléphoniques faits par des consommateurs au bureau de biotechnologie alimentaire a diminué en raison de la disponibilité du site Web. Cela nous a vraiment fait comprendre qu'il est très important pour nous de continuer à améliorer ce site Web comme outil d'information.

M. Murray Calder: Bien. Vous êtes-vous donné la peine d'essayer ceci à la place? Je pense qu'en fait, quand on essaie d'être trop technique dans le domaine de l'agriculture, on effraie tout simplement le consommateur.

Supposons que l'on change d'optique et que l'on dise au consommateur que les céréales au blé qu'il mange en ce moment même sont déjà fabriquées à partir de céréales modifiées génétiquement. Aujourd'hui même, en 1998, les céréales sont totalement différentes de ce qu'elles étaient en 1970. La raison en est que l'on ne défriche plus de nouvelles terres et que vous, le consommateur, qui voulez vous construire une maison, vous occupez chaque année de nouvelles terres agricoles. Le nombre des consommateurs augmente chaque année. Il y en aura neuf milliards en 2030. Et vous construisez des logements sur les terres arables qui servent à produire des aliments; nous n'avons donc pas le choix et l'agriculture doit devenir plus intensive. Le rendement à l'acre doit augmenter parce qu'il y a de moins en moins d'acres à cultiver et qu'il y a de plus en plus de gens.

Vous mangez déjà des aliments modifiés génétiquement. C'est tout simplement la progression naturelle, l'évolution de l'industrie.

Avez-vous déjà essayé de présenter les choses sous cet angle aux consommateurs? Ce sont des gens raisonnables. Ils vont comprendre. Au lieu de les effrayer en les assommant à coups de jargon scientifique, essayez simplement de leur montrer que c'est la progression normale de l'industrie. Avez-vous essayé cela?

M. Paul Mayers: En fait, c'est justement l'approche que nous utilisons dans nos communications. Cette technologie est simplement une nouvelle étape qui s'inscrit dans la progression continue de l'amélioration des cultures depuis que l'homme a inventé l'agriculture.

Absolument, l'orientation que vous proposez est l'un de nos principaux outils de communication pour faire comprendre aux gens que pour l'agriculteur, c'est simplement un nouvel outil qui vient s'ajouter à sa boîte à outils, que ce n'est pas quelque chose de révolutionnaire qui échappe totalement à l'entendement.

M. Murray Calder: Et ça marche?

M. Paul Mayers: Je pense que ça marche dans certains secteurs. C'est très intéressant de constater qu'au Canada, à mon avis, il y a un lien beaucoup plus étroit avec la communauté agricole que dans d'autres régions du monde, même si c'est un petit pourcentage de la population. C'est pourquoi je pense qu'au Canada, ce message est mieux compris que dans d'autres pays.

Le président: Il ne reste que sept minutes. Nous avons M. Harvard, M. Steckle et M. McCormick.

M. John Harvard (Charleswood—Assiniboine, Lib.): Je voudrais que vous me fassiez une description de l'intervention gouvernementale à l'égard des aliments modifiés dérivés de la biotechnologie. Serait-il juste de dire, monsieur Mayers, que les nouveaux produits sont aujourd'hui beaucoup plus nombreux qu'il n'y a, disons, 10 ou 15 ans?

Vous avez dit que 30 produits ont été approuvés. J'ignore sur quelle période de temps, mais 30 ont été approuvés sur combien? Combien ont été rejetés?

M. Paul Mayers: Eh bien, il est certain que depuis plusieurs années, la progression est extraordinaire.

Nous avons commencé à examiner les premiers produits en 1994. Depuis cette date jusqu'à aujourd'hui, le nombre de produits que nous avons étudiés est supérieur à 30. Margaret Kenny pourrait vous en dire plus long, mais le nombre de produits qui subissent actuellement des effets en vraie grandeur est très supérieur à ce chiffre. Nous nous attendons à ce que ce nombre continue d'augmenter.

• 0955

Quant à la façon dont nous nous y prenons, je crois savoir que l'industrie a fait une étude et que l'on est très content de la façon dont les organismes chargés de la réglementation réagissent au Canada, en comparaison d'autres pays, en ce qui a trait notamment aux délais. Nous fonctionnons selon un schéma chronologique. Notre proposition de réglementation stipule une période d'examen de 90 jours pour l'évaluation de sécurité comme telle, et dans la plupart des cas, nous respectons cette échéance.

M. John Harvard: Mais vous est-il arrivé qu'on vous signale des produits, que vous fassiez enquête et que vous disiez à l'industrie ou à quiconque vous a signalé la chose: «Désolé, ça ne fait pas l'affaire, ce n'est pas sécuritaire»?

M. Paul Mayers: Si nous avons des préoccupations relativement à la sécurité, nous en faisons part à la compagnie...

M. John Harvard: Et qu'arrive-t-il alors?

M. Paul Mayers: La compagnie doit ou bien compiler des données pour démontrer que l'on peut résoudre les problèmes de sécurité, ou bien retirer le produit.

M. John Harvard: Maintenant, si la mise au point de nouveaux produits progresse rapidement et si le rythme pourrait même s'accélérer à l'avenir, quelle pression cela exerce-t-il sur Santé Canada ou sur l'Agence de l'inspection des aliments? Vous faudra-t-il embaucher davantage de chercheurs, augmenter vos effectifs? Si vous ne le faites pas, on peut supposer que votre travail s'en trouvera ralenti.

M. Paul Mayers: Les besoins croissants d'évaluateurs pour étudier ces produits font partie des considérations pour l'établissement de nos priorités et l'affectation de nos ressources; nous répondons à ce besoin à la fois en réorientant nos priorités à l'intérieur du programme et, au besoin, en embauchant les spécialistes dont nous avons besoin pour effectuer ces évaluations.

M. John Harvard: Mme Kenny a-t-elle quelque chose à dire?

Mme Margaret Kenny: Je dirai seulement qu'à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, nous avons embauché des spécialistes justement pour cette raison. Il est certain qu'il faut suivre la situation de près. La formation de ces nouveaux effectifs est également un élément critique pour garantir que nous aurons une équipe solide...

M. John Harvard: Un dernier point. Pour l'approbation de ces produits, s'ils font déjà l'objet d'une étude dans d'autres pays, acceptez-vous les travaux effectués à l'étranger ou bien devez-vous tout réinventer et tout refaire ici au Canada?

Mme Margaret Kenny: Nous sommes dans une situation plutôt unique au Canada. Comme Paul l'a dit, nous avons été les premiers, avec les États-Unis, à être confrontés à de nouveaux produits. Nous travaillons avec un certain nombre d'autres pays. Des évaluateurs de l'Ukraine, par exemple, travaillent dans nos bureaux cette semaine; des Chiliens viendront en octobre et nous recevrons un mois plus tard, toujours à l'automne, une délégation de l'Argentine, pour partager nos expériences et nous efforcer de mieux harmoniser la réglementation, et je crois que c'est ce que vous...

Le président: Monsieur Steckle, vous avez la parole.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Ma question s'adresse à vous, Margaret, et je veux poursuivre dans la lignée de ce que disait Mme Alarie au sujet de l'étiquetage.

Dans votre deuxième point, à la page 3, vous parlez des choix offerts aux consommateurs. Vous mentionnez l'option de l'étiquetage volontaire pour identifier un produit alimentaire, mais si la compagnie qui fabrique un produit choisit de ne pas préciser certains renseignements quant à l'origine génétique... Cela peut être indiqué sur l'étiquette, mais pas nécessairement, alors dans quelle mesure le public accepte-t-il cela? Les gens ont-ils choisi d'acheter les produits dont l'étiquette donne le plus grand nombre de renseignements? Dans les consultations que vous avez faites, avez-vous pu déterminer si le public se soucie vraiment de ce qui est inscrit sur l'étiquette, ou bien peut-on dire que c'est une bonne chose qu'il y ait une étiquette, mais que les gens ne la lisent pas? Ou bien les gens lisent-ils vraiment les étiquettes?

Mme Margaret Kenny: C'est très difficile à dire. Quand on fait des sondages et qu'on demande aux gens «Si l'on vous présente deux pommes dont l'une est dérivée des nouvelles technologies, voulez-vous que ce soit précisé sur l'étiquette?», les gens répondent généralement oui. Par contre, quand on pose la question «Quelles sont vos préoccupations en matière de sécurité des aliments?», la biotechnologie fait rarement partie des réponses.

• 1000

On peut toutefois s'inspirer de l'expérience de la Hollande. Dans ce pays, on a rendu l'étiquetage obligatoire, mais on a apposé des étiquettes sur ce que je considère être un très petit nombre de produits, quelque chose comme 80 ou 100. Or les fonctionnaires de ce pays disent qu'il n'y a plus aucune controverse. La question que le public se posait était de savoir si l'on étiquetterait les produits. Une fois que les gens ont été convaincus qu'il y avait effectivement étiquetage, la controverse est disparue dans ce pays. C'est ce que l'on nous a dit.

M. Paul Steckle: Essentiellement, il faut donc que le public se rende compte qu'il y a une étiquette, même si les gens ne comprennent pas ce qui y est écrit ou ne prennent peut-être même pas la peine de la lire. On parle toujours d'étiquetage, mais cela coûte de l'argent et c'est le consommateur qui paiera la note.

Je pense qu'il faut que le public soit informé, mais il y a une foule de produits pour lesquels l'étiquette précise certains dangers. Prenons l'exemple du tabac. Les gens continuent d'en acheter, n'est-ce pas? Cela sert-il donc simplement à nier la responsabilité du fabricant? Pourquoi faisons-nous cela? Ce n'est pas sans raison que je pose ces questions. Je ne connais pas la réponse, mais nous ne cessons d'insister pour dire qu'il faut renforcer l'étiquetage. Mais si vous et moi, les consommateurs, ne lisons pas les étiquettes... J'achète des flocons de maïs et je me fiche pas mal de ce qui est écrit sur la boîte. Je sais qu'elle contient des flocons de maïs, il me suffit d'agiter la boîte pour m'en rendre compte. Bon, j'en ai assez dit à ce sujet, mais on pourrait y réfléchir.

Je veux que vous me disiez, Paul, en quoi la pomme de terre—nous en mangeons tous et nous savons tous ce qu'est une pomme de terre—est utilisée comme aliment nouveau? Donnez-nous un exemple d'utilisation de la pomme de terre comme aliment nouveau aujourd'hui.

M. Paul Mayers: Les pommes de terre qui aboutissent sur la table du consommateur après être passées par le processus d'examen ne présentent aucune différence. Elle est nouvelle seulement sur le plan de la performance agronomique, en ce sens qu'elle peut résister au doryphore de la pomme de terre sans application d'insecticide. La pomme de terre qui se trouve sur la table est une pomme de terre; pour le consommateur, elle a le même goût, elle a la même apparence et elle ne comporte aucune différence sur le plan de la valeur nutritive, parce qu'il n'a jamais été question de modifier l'un ou l'autre de ces paramètres.

On s'efforce actuellement de mettre au point des pommes de terre qui auraient une teneur en amidon plus élevée et qui absorberaient donc moins d'huile pendant la friture, ce qui aurait des conséquences importantes sur le plan nutritif, pour le régime alimentaire. Cette situation est très différente de celle des pommes de terre que nous consommons actuellement.

Je pense qu'il est essentiel de comprendre que pour certains aliments nouveaux, la nouveauté n'est pas nécessairement apparente pour le consommateur de cet aliment; la nouveauté se situe plutôt dans la façon dont le produit est cultivé. Par contre, il y en aura d'autres pour lesquelles la nouveauté avantagera directement le consommateur.

M. Paul Steckle: Dans cet exemple, l'étiquetage présente-t-il un avantage?

M. Paul Mayers: Il est certain que pour un produit qui comporte de la valeur ajoutée, il est avantageux de faire savoir volontairement au consommateur que s'il achète cette pomme de terre pour faire des frites, il réduira son apport en matière grasse, en comparaison de frites faites avec d'autres variétés de pommes de terre. Donc, oui absolument, il serait avantageux d'étiqueter.

M. Paul Steckle: À votre avis, cela devrait-il rester volontaire?

M. Paul Mayers: Dans ce cas précis, oui, ce devrait être volontaire.

Pour ce qui est de faire savoir au consommateur que la pomme de terre en question a une composition différente d'une autre pomme de terre, je crois qu'il faut que ce soit obligatoire. Le consommateur doit savoir, quand il achète cette pomme de terre, qu'elle est différente, sur le plan nutritif, de ce qu'il achète habituellement.

Le président: Merci, Paul.

Pour donner suite à la question de Paul sur la pomme de terre, pourquoi une compagnie comme Monsanto ou toute autre compagnie ou n'importe quel scientifique qui travaille tout seul chez lui et qui change un seul gène d'un produit dont il n'a pas du tout contribué à la mise au point au départ, peut-il breveter cette modification et faire payer un supplément aux agriculteurs pour la recherche? Les Incas ont probablement fait plus que Monsanto pour la mise au point de la pomme de terre. Cela résisterait-il à une contestation judiciaire, le fait de changer un seul gène dans la composition de la pomme de terre et de se prétendre propriétaire du produit?

M. Paul Mayers: Cette question n'est pas tout à fait de mon ressort. En tout cas, du point de vue scientifique, ce qui compte, ce n'est pas seulement qu'on ait changé un seul gène; ce gène peut faire une très grande différence. Mais à part cela, je ne m'aventurerais pas à commenter cela car ce n'est pas de ma compétence.

• 1005

Le président: Je vous remercie beaucoup, tous les deux, d'être venus ici aujourd'hui pour nous aider dans nos travaux ce matin.

Nous allons commencer la deuxième ronde et convoquer notre deuxième groupe de témoins. Au cours de cette deuxième ronde, conformément à l'article 108(2) du Règlement, étude de la biotechnologie, nous allons étudier la perception du public et l'accès à l'information en matière de biotechnologie, y compris la façon dont le public perçoit la biotechnologie selon les groupes de consommateurs et les attachés de recherche et la capacité d'avoir accès à l'information sur la biotechnologie. Il conviendrait de mettre l'accent sur la biotechnologie alimentaire.

Nous souhaitons la bienvenue à nos témoins. Nous serons peut-être interrompus par un vote dans quelques minutes seulement, mesdames et messieurs, mais nous allons essayer de commencer sans plus attendre en présentant nos témoins.

Edna Einseldel représente le programme d'études avancées en communications de l'Université de Calgary. Mme Milly Ryan-Harshman est consultante pour le Centre d'alimentation et de technologie d'Oshawa. M. Gordon Surgeoner est président du Réseau de communications en biotechnologie alimentaire, à Guelph. Christine Mitchler est présidente du comité sur l'alimentation de l'Association canadienne des consommateurs. Nathalie St-Pierre est directrice générale de la Fédération nationale des consommateurs du Québec. Et Burkhard Mausberg est directeur exécutif du Canadian Environmental Defence Fund de Toronto.

Nous allons maintenant entendre vos exposés—qui seront brefs, je l'espère—et nous verrons ce qui se passera pour le vote. Nous passerons ensuite aux questions.

Madame Einseldel, voulez-vous commencer?

Mme Edna Einseldel (Programme d'études avancées en communications, Université de Calgary): Je voudrais remercier le comité de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui. Je suis heureuse de vous faire part de certains travaux que nous avons faits ces dernières années au sujet des connaissances et des attitudes du public à l'égard de la biotechnologie, en particulier en ce qui a trait aux aliments.

Je vais aborder trois questions. Premièrement, que savons-nous actuellement des connaissances et des attitudes des Canadiens dans ce domaine? À ce sujet, je vais mettre l'accent sur la biotechnologie alimentaire. Deuxièmement, quelles sont les conséquences des efforts que nous devrons déployer à l'avenir pour communiquer avec les Canadiens? Et troisièmement, comment devrions-nous voir le rôle du public dans nos efforts visant à relever les défis que posent les diverses applications de la biotechnologie?

Je vais commencer par vous faire part de certains résultats. Je dois dire qu'il y a eu un grand nombre d'études dans le cadre desquelles les chercheurs se sont penchés sur les attitudes du public et ses connaissances en matière de biotechnologie. Ces études ont été faites au Canada et aux États-Unis, de même qu'en Europe. Je vais vous énumérer rapidement certaines constatations.

Le tableau que nous avons ici montre que nous avons présenté aux consommateurs six applications différentes, depuis la biotechnologie alimentaire... Par exemple, achèteriez-vous des aliments et des boissons qui ont été modifiés génétiquement? Encourageriez-vous l'insertion de gènes dans des plantes cultivées pour augmenter leur résistance aux parasites? Accepteriez-vous des produits médicaux qui ont été modifiés génétiquement? Accepteriez-vous que l'on se serve d'animaux modifiés génétiquement pour produire des organes destinés à être transplantés chez des humains? Ces questions ne sont que des exemples de l'éventail d'applications qui ont été présentées aux consommateurs. Cette série de questions a été posée en Europe ainsi qu'au Canada et aux États-Unis.

• 1010

Vous voyez ici les comparaisons. Nous avons pris les cinq pays européens du G-7 ainsi que le Canada et les États-Unis. Cela montre essentiellement que, dans l'ensemble, les Nord-Américains sont un peu plus favorables à ces diverses applications que les Européens.

Mon deuxième acétate montre une autre étude internationale effectuée par l'un de mes collègues américains; il s'agit encore d'une comparaison de 19 pays. Vous ne pouvez pas lire les étiquettes, malheureusement, mais les deux colonnes de gauche représentent le Canada et les États-Unis dans ce tableau; on avait demandé aux répondants s'ils étaient disposés à acheter des produits de biotechnologie qui ont été mis au point pour résister aux dommages causés par les insectes. Là encore, dans l'ensemble, les Canadiens et les Américains ont tendance à être mieux disposés à cet égard que les Européens.

Troisièmement—les étiquettes sont trop petites pour être lisibles et je m'en excuse—cet acétate montre essentiellement la même série d'applications, les mêmes six applications, mais on a demandé aux consommateurs d'indiquer s'ils seraient favorables à chaque application d'après certaines caractéristiques: l'utilité, qui est la première colonne de gauche; le risque, représenté par la colonne noire; l'acceptabilité morale, qui est la colonne blanche; et la dernière colonne à droite, l'acceptation générale ou l'encouragement à l'égard de l'application. Ce sont encore une fois les six mêmes applications.

Les deux colonnes noires qui se projettent vers le bas représentent les applications alimentaires et les transferts de gènes. Il semble donc qu'en termes de perception du risque, cela ressort de façon plus flagrante dans le domaine de la biotechnologie alimentaire et des transferts génétiques.

Grosso modo, ce que ce tableau vous montre, c'est que les consommateurs ne prennent pas seulement leurs décisions en se fondant sur leur perception de l'utilité du produit; ils portent aussi des jugements sur la base d'autres valeurs, par exemple ce qui leur semble moralement acceptable.

Le président: Excusez-moi un instant. Il y aura une sonnerie de 30 minutes et nous pouvons donc poursuivre pendant encore 15 minutes avant d'aller voter.

Mme Edna Einseldel: Nous avons montré ici des exemples d'énoncés que l'on a présentés aux consommateurs en leur demandant si, à leur avis, cet énoncé est vrai ou faux. On leur a demandé par exemple:

    Les tomates ordinaires ne contiennent pas de gènes, tandis que les tomates modifiées génétiquement en ont. Vrai ou faux?

    Les animaux modifiés génétiquement sont toujours plus gros que les animaux ordinaires. Vrai ou faux?

    Il est impossible de transférer des gènes animaux dans des plantes. Vrai ou faux?

Et le dernier énoncé est celui-ci:

    La levure utilisée pour brasser la bière est constituée d'organismes vivants. Vrai ou faux?

Ce sont des exemples de croyances, si l'on veut, ou d'énoncés. Certains croient que ce sont des faits.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox et Addington, Lib.): Pouvons-nous faire tout de suite des observations sur un acétate en particulier, monsieur le président?

Mme Edna Einseldel: Bien sûr.

M. Larry McCormick: Quand je lis ce qui est écrit en haut de la page, au sujet des tomates et la question que l'on pose, il me semble que la compréhension du public est très contradictoire, par rapport aux pages précédentes. Je me rends compte que tout cela dépend de la façon dont on le présente au public, mais il me semble que c'est tellement... Je n'en crois pas mes yeux.

Mme Edna Einseldel: Comment pourrais-je expliquer cela?

M. Larry McCormick: Est-ce possible de l'expliquer? Je ne sais pas si quelqu'un le pourrait ici, mais allez-y, si vous le souhaitez.

Le président: Excusez-moi. Il nous faudra énormément de temps pour en terminer avec un seul exposé. Notre pratique habituelle est d'entendre les exposés, tandis que les auditeurs prennent note des questions qu'ils voudront poser une fois que tous les témoins auront terminé leur présentation; autrement, nous ne réussirons jamais à entendre toutes les présentations. Nous voudrions entendre d'abord votre témoignage.

Poursuivez votre présentation. Ou bien vous pouvez répondre à la question de Larry...

Mme Edna Einseldel: Et c'est d'ailleurs une très bonne question.

• 1015

Si l'on tient compte des résultats des diverses études, nous constatons effectivement que le niveau de conscientisation est très faible en matière de biotechnologie. Cela n'empêche pas nécessairement les gens d'avoir des opinions...

M. Larry McCormick: Cela ne les en a jamais empêchés.

Mme Edna Einseldel: ... et je suppose que c'est une explication qui en vaut une autre.

Mon dernier acétate montre une perspective très large—et aussi très superficielle, si l'on veut—des diverses études qui ont été faites auprès des consommateurs. Comme vous pouvez le voir, l'appui des Canadiens à diverses applications est relativement plus élevé, en comparaison des Européens. Mais cela ne veut pas nécessairement dire que le public canadien n'a pas exprimé des préoccupations au sujet de ces produits. Il n'est pas étonnant de constater que les Canadiens ont fait des distinctions entre les diverses applications et qu'ils sont en général plus favorables aux applications médicales qu'aux applications alimentaires.

Nous avons également constaté que parmi les Canadiens, deux groupes ressortent dans ces sondages. Le premier comprend ceux que j'appelle «les adeptes de la technologie». Les personnes de ce groupe ont plus tendance à acheter des aliments modifiés génétiquement s'ils ont meilleur goût. Ils sont également plus disposés à accepter certains risques, pour promouvoir la compétitivité économique. Ces gens-là ont également été qualifiés d'«institutionnalistes», parce qu'ils ont tendance à faire confiance aux diverses institutions, y compris le gouvernement, le secteur privé et les scientifiques, confiants que ces institutions feront ce qu'il faut pour protéger la sécurité publique ou fournir des renseignements crédibles.

Il y a aussi un groupe important que j'appelle les «traditionalistes» qui ont tendance à préférer—et j'utilise ce terme sans nécessairement y voir une connotation négative—les méthodes agricoles traditionnelles; ces gens-là ne sont pas particulièrement convaincus que les règlements actuels suffisent à protéger les gens, ils ne sont pas disposés à acheter des aliments modifiés génétiquement et ils insistent pour que tous les renseignements figurent sur les étiquettes.

J'insiste également sur le fait que dans le cadre de ces études, l'élément de confiance envers les institutions ressort très fréquemment dans les sondages auprès du public.

Nous savons également qu'aucune technologie n'est jamais perçue isolément. Quand on demande aux gens ce qu'ils pensent de la biotechnologie, par exemple, ils ont un vaste bagage d'expérience avec d'autres technologies. Ils extrapolent donc à partir de ce qu'ils lisent et entendent au sujet de la maladie de la vache folle, de l'approvisionnement en sang et même de la réglementation de l'énergie nucléaire. Nos études auprès de groupes témoins et d'autres utilisant les mêmes méthodes ont fait ressortir des résultats semblables.

Les Canadiens se félicitent donc de bénéficier des avantages de la modernité en termes d'applications technologiques, mais ce qui semble ressortir tout particulièrement, du moins dans les groupes témoins, ce sont les erreurs technologiques ou les catastrophes. Le grand défi consiste donc à faire en sorte que les gens fassent confiance au processus de réglementation, qu'ils fassent confiance non seulement aux experts, mais aussi aux processus en place. Et je pense que nous en savons suffisamment, grâce à diverses études menées sur l'évaluation de la technologie ou à des études portant sur le risque et la perception du risque par le public, pour savoir que la confiance du public envers les sources est d'importance critique et influe grandement sur l'acceptation du public.

Donc, pour résumer, le défi consiste à conscientiser et à informer le public, comme vous pouvez le voir. Il est certain qu'il y a de grandes lacunes sur le plan de l'information et de la compréhension du public quant à certains aspects de la biotechnologie.

Et c'est là que les spécialistes de l'information du public, ceux qui travaillent dans le domaine des communications et qui font la promotion des vues de divers intervenants, peuvent jouer un rôle important. Beaucoup le font déjà et continueront de le faire. Je fais toutefois une mise en garde contre la conviction de beaucoup qui pensent que le public est une cruche vide qu'il suffit de remplir de connaissances scientifiques. Le dicton selon lequel il suffit d'informer pour convaincre n'est plus valable aujourd'hui.

La question est donc de savoir comment doser nos efforts d'éducation du public dans le cadre des campagnes de consultation? Je vous invite à considérer qu'il pourrait être utile d'examiner les modèles d'évaluation de la technologie que les Européens sont actuellement en train de mettre au point.

• 1020

Les Européens font bon usage de techniques comme les conférences consensuelles, les ateliers axés sur le dialogue ou sur la technique des scénarios, qui permettent à des profanes membres du grand public, et non pas seulement à des groupes d'intervenants, de participer au processus et de dialoguer avec ces experts pour mieux comprendre la technologie.

Je pense que nous avons aujourd'hui l'occasion de tirer profit des expériences menées en Europe et de les mettre en application ici au Canada.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Nous entendrons maintenant Mme Ryan-Harshman. Si vous pouvez nous faire un exposé de dix minutes, c'est peut-être tout le temps dont nous disposerons avant le vote.

Mme Milly Ryan-Harshman (consultante, Alimentation et technologie (Oshawa)): Merci beaucoup de m'avoir demandé de comparaître devant le comité. J'ai préparé un texte, car les gens qui me connaissent savent que je ne vaux rien dans les conversations impromptues.

Les perceptions du public en matière de biotechnologie sont difficiles à évaluer, parce que ces perceptions peuvent être fondées sur des croyances religieuses, des connaissances et des attitudes en matière de sciences et de technologie, des convictions politiques ou morales, ou même sur le choix des lectures et documents audiovisuels.

Un certain nombre d'études ont été effectuées pour tenter de discerner des tendances dans la conscientisation et l'acceptation des consommateurs relativement à la biotechnologie, mais dans beaucoup de ces études, on demandait seulement aux personnes interrogées de répondre par oui ou par non, ou peut-être de donner une indication de la solidité de leurs convictions en répondant selon l'échelle de Likert.

Quant aux chercheurs qui posent des questions libres commençant par «pourquoi?», ils manquent habituellement d'argent et de patience. Parfois, les répondants ne savent pas pourquoi, et parfois, les chercheurs ne comprennent pas pourquoi; pourtant, si nous ne savons pas pourquoi quelqu'un croit quelque chose, nous ne savons pas grand-chose.

La connaissance peut se définir comme la familiarité acquise grâce à l'expérience. En l'absence de connaissances, la perception peut devenir une réalité non vérifiée. Il suffit de se rappeler de la diffusion de l'émission La guerre des mondes et de l'affolement général qu'il a provoqué pour comprendre la véracité de cet énoncé. À cette époque, le public n'avait aucune expérience de l'espace interplanétaire, ce qui ne lui permettait pas de juger raisonnablement des circonstances. Aujourd'hui, La guerre des mondes n'est même pas de la bonne science-fiction. Les livres d'aujourd'hui, avec leurs explications scientifiques riches et quelque peu raisonnables, et certains films diffusés aujourd'hui, avec leurs effets spéciaux éblouissants, ont rendu encore plus floue la ligne de démarcation entre la perception et la réalité.

Pour rétablir la distinction entre la perception et la réalité, il faut insister sur l'éducation, plus spécifiquement sur l'éducation qui encourage l'acquisition de l'esprit critique. Un penseur critique apprend toute sa vie; il adopte des attitudes comme la curiosité, l'ouverture d'esprit et la faculté de changer d'idée. C'est en étudiant de nombreux points de vue que les penseurs critiques sont en mesure de se forger leur propre opinion. Les penseurs dénués d'esprit critique font généralement de la recherche pour découvrir des faits qui appuieraient les conclusions qu'ils ont déjà tirées. C'est ainsi que la pensée non critique peut aboutir à la mise en oeuvre de politiques dénuées de clairvoyance. De telles politiques sont insoutenables et ne peuvent donc avoir beaucoup d'influence.

Je vais vous donner deux exemples d'activités dans le domaine de l'éducation qui peuvent encourager l'acquisition de l'esprit critique. Il y a d'abord la série de séminaires organisés en été par la fondation KEY à l'intention des enseignants; ces séminaires traitent de questions environnementales dans le domaine des forêts, de la pétrochimie, de l'emballage, des produits agrochimiques et de la biotechnologie. L'autre est la conférence consensuelle qui s'adresse au grand public et aux profanes. Une telle conférence a eu lieu il y a plusieurs années à Londres, en Angleterre, au sujet de la biotechnologie des plantes, et une conférence semblable aura lieu à l'automne à Calgary.

J'ajoute que c'est justement le genre de conférence dont Edna Einseldel parlait. Il s'est révélé que c'est un outil très utile pour amener le public à comprendre un dossier aussi compliqué que la biotechnologie alimentaire.

Pourquoi aborder le concept de l'esprit critique dans le cadre de cette discussion? Le problème n'est pas que les gens n'ont pas accès à l'information voulue, mais plutôt qu'ils n'ont pas la capacité d'évaluer l'information. Par exemple, quand on songe au nombre d'articles publiés dans les journaux et les magazines, au nombre de sites Web, ou encore à la diffusion d'émissions comme L'agriculture en classe, on ne peut pas dire qu'il y a pénurie d'information sur les pratiques agricoles. En dépit de la disponibilité de cette information, toutefois, bien des gens n'ont pas la capacité d'évaluer les renseignements qu'on leur donne, parce qu'ils ne sont jamais allés voir une ferme, et qu'ils ne connaissent aucun agriculteur à qui ils pourraient poser des questions. Cela réduit d'autant leur capacité d'examiner des points de vue différents.

• 1025

En matière de biotechnologie, nous devons atteindre deux objectifs: renforcer les connaissances scientifiques générales et renforcer les connaissances en matière de pratiques agricoles. Nous pouvons atteindre ces objectifs en investissant dans des programmes d'éducation variés comme des projets-pilotes, des séminaires, des visites de sites et la publication de documents fournissant des renseignements justes et équilibrés. Nous entendrons certainement parler d'autres organisations qui font justement cela. Le Réseau de communications en biotechnologie alimentaire est représenté ici aujourd'hui par M. Surgeoner, qui fait de l'excellent travail à cet égard.

Si nous allons plus loin à la poursuite de ces objectifs en matière d'éducation, en donnant aux participants la possibilité d'évaluer l'information qui leur est fournie, nous atteignons l'objectif ultime de créer une société pensante. Aucune autre mesure, surtout pas celles qui créent à tort une équivalence entre l'information et l'identification sous forme d'étiquetage obligatoire, ou encore de symbole, ne nous aidera à atteindre cet objectif.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Il nous reste encore huit minutes avant de devoir partir et nous entendrons donc M. Surgeoner.

M. Gordon Surgeoner (président, Réseau de communications en biotechnologie alimentaire (Guelph)): Merci, monsieur le président.

Chaque fois que je viens à Ottawa, on écrit mon nom de travers. Je ne vends pas de voitures, mais je peux vous dire que je n'attends jamais longtemps un taxi.

Je représente le Réseau de communications en biotechnologie alimentaire. J'ai remis au greffier une brochure qui donne des renseignements de base sur notre organisation.

Le mandat du Réseau de communications en biotechnologie alimentaire est de diffuser au grand public des renseignements scientifiques, équilibrés et à jour sur la biotechnologie et sur ses répercussions dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation. Notre organisation a été fondée au début des années 90 à cause du manque d'information sur la biotechnologie alimentaire et du grand nombre de questions que les consommateurs et même les agriculteurs posaient au sujet de cette nouvelle technologie.

Nous sommes une organisation à but non lucratif. Nos revenus proviennent des cotisations de nos membres et de subventions et projets que nous réussissons à obtenir, notamment une importante subvention de Commerce agroalimentaire 2000.

Nous comptons plus de 100 membres qui représentent des milieux très variés. Nous avons des multinationales comme Monsanto, et aussi l'Institut national de nutrition, l'Association des consommateurs du Canada, et beaucoup d'institutions d'enseignement comme la mienne, l'Université de Guelph.

À titre d'exemple, nous faisons énormément de recherches sur la biotechnologie des plantes. Dans ma carrière professionnelle, je suis directeur de la recherche sur les plantes à cette université. À mes yeux, il est absolument essentiel que nous communiquions avec nos producteurs, avec nos consommateurs, pour leur expliquer la science nouvelle et les changements qui se produisent dans l'agriculture.

Nous avons un conseil d'administration qui, aux termes de notre charte, comprend neuf administrateurs: trois de l'industrie, trois des organisations non gouvernementales et trois du gouvernement. Cette année, nous avons aussi deux membres honoraires parce qu'aucun agriculteur n'a été élu à notre assemblée annuelle et nous tenions à compter un agriculteur parmi nous, puisqu'ils sont les premiers utilisateurs de cette technologie.

Nous avons aussi un conseil consultatif qui est coprésidé par les représentants de l'Agence canadienne de l'inspection des aliments et l'Association des consommateurs du Canada, dont la présidente, Christine, prendra la parole tout à l'heure. Sont également représentés à ce comité consultatif, de façon équilibrée, l'industrie, les responsables de la réglementation et les organisations non gouvernementales. Vous entendrez souvent dans ma bouche les mots «équilibrer» et «intervenants».

Que faisons-nous? Nous sommes un centre d'information et d'orientation. Ainsi, quand des membres du public ou des agriculteurs ont des questions en matière de biotechnologie, nous répondons aux questions de base. Ensuite, nous aiguillons souvent nos interlocuteurs vers des experts dans des domaines particuliers de réglementation ou de science, selon le cas, et nous encourageons d'autres personnes à intervenir activement pour fournir de l'information aux clients et aux employés.

Comment nous y prenons-nous? Chaque mois, nous diffusons un bulletin qui est une mise à jour mensuelle de l'information, c'est-à-dire les dernières nouveautés en matière de biotechnologie. Grâce à ce bulletin, nous faisons connaître nos programmes et nos plans d'avenir à tous nos membres et à quiconque est intéressé.

Nous avons un site Web—vous avez posé tout à l'heure une question sur les sites Web. Le nôtre se trouve à l'adresse www.foodbiotech.org, et nous avons beaucoup travaillé pour nous assurer que lorsqu'on fait appel à un moteur de recherche comme Lycos ou autre, notre site se trouve parmi les dix premiers, de sorte que si l'on fait une recherche mondiale, on tombe sur notre organisation. Notre site reçoit environ 150 visites par semaine et ce chiffre augmente constamment. Nous sommes en ligne depuis février seulement.

Sur ce site Web, nous fournissons des renseignements de base sur une vaste gamme de questions, notamment la réglementation, quels produits sont enregistrés au Canada, et surtout, très important, nous offrons des liens avec d'autres sites où les gens peuvent trouver de l'information sur la biotechnologie. Notre site est actuellement en voie de rénovation et il sera bilingue afin de rejoindre un plus vaste public. Nous avons un solide mécanisme de suivi qui nous permet de savoir d'où viennent les gens qui nous posent des questions et nous avons aussi parmi nos membres des spécialistes qui diffusent de l'information.

• 1030

Un autre projet important auquel nous avons travaillé est une trousse d'information élaborée en partenariat avec l'Association des consommateurs du Canada. Nous en avons distribué plus de 6 000 exemplaires. Nous sommes actuellement en train de réviser une deuxième trousse d'information à l'intention du consommateur dans le domaine de la biotechnologie; elle devrait sortir au début de juin.

Nous avons établi un réseau régional d'experts, parce que dans beaucoup de dossiers, ce que j'appelle la confiance locale est très importante. Nous avons donc dans chaque province des personnes, des diététiciens, des agriculteurs, etc., qui peuvent répondre aux questions dans le domaine de la biotechnologie en se fondant sur leur expérience personnelle. Nous sommes étroitement associés à des programmes d'éducation dans le cadre desquels nous travaillons avec ces personnes pour dispenser de la formation scientifique, apprendre comment travailler avec les médias, etc., et ils nous fournissent une rétroaction précieuse sur ce qui se passe au niveau provincial, parce qu'il y a des différences d'un bout à l'autre du Canada.

Nous faisons des interventions ponctuelles. On voit très souvent dans les médias ce que j'appelle de l'information trompeuse. Nous fournissons de l'information scientifique en envoyant des lettres à la rédaction et en faisant d'autres interventions du genre. On entend par exemple des gens prétendre qu'il y a des gènes de poisson dans les tomates, ce qui n'est pas le cas. Nous nous efforçons donc de rétablir les faits scientifiques.

Nous travaillons de concert avec des multiplicateurs d'information, par exemple Loblaws, Cuisine Canada, des gens qui écrivent sur l'alimentation. Nous sommes aussi étroitement associés aux ressources pédagogiques comme la fondation KEY, L'agriculture en classe, et nous fournissons des renseignements pour l'établissement de nombreux cours universitaires et collégiaux un peu partout au Canada.

Comme le temps presse, je vais essayer de résumer.

Nous sommes la seule organisation au Canada qui permet de grandes divergences d'opinion. En fait, il en résulte à l'occasion des appels-conférences très intéressants pour des réunions de notre conseil d'administration. Beaucoup d'auditoires internationaux se tournent vers nous pour dégager un consensus entre de multiples intervenants sur des questions associées à la biotechnologie.

Nous nous considérons comme une ressource à la disposition du gouvernement, de l'industrie, des médias et du grand public et nous croyons que le succès sera fondé sur un partenariat solide et actif entre le gouvernement, l'industrie et les associations non gouvernementales. Les principes qui sous-tendent notre travail sont la présence des intervenants, le partenariat et l'information consensuelle que je qualifierais de factuelle.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant suspendre la séance et nous reviendrons le plus tôt possible.

Veuillez nous excuser; nous serons absents environ une demi-heure.

• 1032




• 1110

Le président: La séance est ouverte; nous reprenons nos audiences sur la biotechnologie.

Nous allons maintenant entendre Christine Mitchler, présidente du Comité de l'alimentation de l'Association des consommateurs du Canada. Christine.

Mme Christine Mitchler (présidente, Comité de l'alimentation, Association des consommateurs du Canada): Je vous remercie de m'avoir présentée. Je ne savais pas que vous l'aviez fait.

D'emblée, je voudrais vous présenter mes excuses car notre présidente nationale ne peut pas être ici avec moi aujourd'hui. Elle devait l'être, mais elle a une terrible grippe et est chez elle au lit avec 104 degrés de température. Vous êtes donc coincés avec moi.

Bonjour, monsieur le président et députés membres du comité permanent. Je vous remercie d'avoir invité l'Association des consommateurs du Canada à vous parler de la perception du public et de l'accès à l'information sur la biotechnologie ce matin. Je m'appelle Chris Mitchler et je suis présidente du Comité national de l'alimentation de l'Association des consommateurs du Canada.

L'ACC est un organisme national bénévole créé en 1947. Nous avons pour vocation de représenter les intérêts des consommateurs canadiens en favorisant la recherche, la sensibilisation du public et la défense de la cause des consommateurs. Nous nous intéressons à la salubrité des aliments, à la santé, aux services financiers, aux communications, aux industries et aux questions marchandes comme la législation sur la concurrence, la protection des consommateurs et la défense du droit à la vie privée.

Comme l'indique notre brochure, dont j'ai remis plusieurs exemplaires au greffier, nos politiques nationales sont dictées par les droits et responsabilités des consommateurs. Notre brochure décrit non seulement le droit du consommateur à l'information et au choix, mais également les responsabilités qui y sont associées. Le tout est décrit dans notre brochure, Soyez un consommateur averti, que nous vous avons remise aujourd'hui.

Deux droits du consommateur sont tout particulièrement axés sur la biotechnologie: le droit à l'information et le droit au choix. L'ACC appuie sans équivoque le droit du consommateur à recevoir la documentation et l'information dont il a besoin pour choisir de façon éclairée ses aliments et notamment ceux qui sont issus de la biotechnologie. Nous avons toujours défendu et appuyé le droit du consommateur à l'information. Elle doit cependant être accessible, valable et exacte.

De nombreux consommateurs s'inquiètent des effets à long terme des produits issus de la biotechnologie. De ce fait, ils insistent sur la possibilité de choisir. Afin de mieux comprendre pourquoi les aliments transgéniques créent autant d'inquiétude chez le consommateur, le Comité national de l'alimentation de l'ACC s'est demandé, lors d'une réunion récente, pourquoi et comment les produits alimentaires modifiés génétiquement sont considérés comme étant différents des autres aliments.

Au Comité national de l'alimentation, nous en sommes arrivés à la conclusion que ces aliments étaient considérés comme étant différents des aliments traditionnels par certaines couches de la société consommatrice en partie à cause des renseignements incohérents ou des faux renseignements qui leur sont donnés.

Il n'en est pas moins vrai que cette technologie nous donne l'occasion d'analyser à fond le système de fabrication des produits alimentaires ainsi que les produits alimentaires eux-mêmes. Cette analyse porte sur le rythme effréné des innovations technologiques, sur l'utilisation de ces innovations pour produire et traiter les produits alimentaires, sur les mécanismes permettant d'évaluer les retombées sociales, économiques et éthiques de la biotechnologie; elle porte aussi sur les systèmes qui existent, le cas échéant, et qui permettent d'évaluer et de suivre les éventuelles répercussions cumulatives et à long terme de ces nouvelles techniques sur la sécurité et la santé des humains, des animaux et de l'environnement ou sur les compromis à faire maintenant et à l'avenir.

Qui va assumer les risques, qui va en récolter les bénéfices et qui décidera si les consommateurs et leurs représentants pourront participer au débat sur la question de savoir si ces changements sont nécessaires ou souhaitables et si les consommateurs disposeront de l'information dont ils ont besoin pour décider intelligemment s'ils veulent assumer les risques ainsi que les avantages que présente la biotechnologie alimentaire?

Pour que le consommateur accepte un nouveau produit alimentaire ou une nouvelle technologie, trois conditions doivent être réunies. Premièrement, l'information permettant de faire des choix éclairés sur les produits alimentaires et leur processus de fabrication doit être accessible, compréhensible, valable, transparente, exacte et présentée de manière cohérente en recourant à divers moyens, ce qui signifie que l'approche unique à la sensibilisation du public est à éviter. Il faut également que les consommateurs puissent faire des choix éclairés après avoir pris connaissance de cette information et que les avantages dont pourraient bénéficier les consommateurs dépassent les risques apparents.

• 1115

Autrement dit, l'ACC estime que le processus d'information est un moyen pour atteindre une fin, l'objectif ultime étant de faire en sorte que le consommateur puisse faire des choix éclairés.

L'étiquetage des produits alimentaires issus de la biotechnologie est l'une des sources d'information qui a fait l'objet de nombreuses discussions. L'ACC a toujours pensé que l'étiquetage était une façon de permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés, mais elle n'est certainement pas la seule, ou même la meilleure façon, d'offrir en toutes circonstances aux consommateurs l'information dont ils ont besoin pour faire des choix éclairés.

L'Association des consommateurs du Canada ne peut s'empêcher de s'inquiéter de ce que l'industrie de la biotechnologie et notre gouvernement fédéral n'aient pas investi autant dans la sensibilisation du public à la biotechnologie alimentaire que dans la commercialisation des produits alimentaires et la réglementation des aliments du point de vue de la santé et de la sécurité.

Alors que certains organismes réclament vigoureusement l'étiquetage obligatoire des produits alimentaires modifiés génétiquement, l'ACC n'est pas convaincue de l'utilité de l'étiquetage obligatoire pour les produits alimentaires issus de la biotechnologie. Compte tenu du rythme croissant des applications biotechnologiques alimentaires commercialisées actuellement sur le marché canadien, l'ACC s'inquiète de ce qu'un étiquetage obligatoire comme «peut contenir» ou l'apposition d'un logo ou d'un symbole pourrait être sur n'importe quel produit alimentaire ou presque vendu au détail dans cinq à dix ans. Nous nous interrogeons sur l'utilité et la signification d'une étiquette de ce genre pour le consommateur à l'avenir.

En même temps, l'ACC s'inquiète énormément des nombreuses manipulations du marché qui pourraient se produire si l'étiquetage était facultatif. Plus précisément, l'ACC s'inquiète des manipulations et interventions auxquelles donnerait lieu un étiquetage négatif. À titre d'exemple, en vertu des directives fédérales actuelles sur l'étiquetage, n'importe quelle compagnie alimentaire peut apposer une étiquette sur un produit revendiquant qu'il n'est pas transgénique ou qu'il n'a pas été fabriqué à partir d'ingrédients qui ont été modifiés génétiquement. Il n'existe aucune méthode scientifique ou fondée sur l'expérience qui permette, de manière abordable, d'étayer ou d'établir le bien-fondé d'une telle revendication.

L'ACC a toujours estimé que l'étiquetage, la publicité et autres supports de commercialisation des produits alimentaires, y compris ceux issus du génie génétique, devaient être cohérents. Ils doivent être transparents, compréhensifs, exacts, fondés sur des résultats probants et exécutoires, le tout renforcé par des méthodes de justification bien établies.

L'ACC estime que l'étiquetage de tous les produits alimentaires a pour but de sauvegarder la santé et la sécurité tout en protégeant les consommateurs de la fraude économique. À cette fin, les exigences en matière d'étiquetage, y compris le matériel publicitaire au point de vente, doivent être axées sur le consommateur, faciles à comprendre, équilibrées et assorties de règlements permettant de déterminer si une revendication faite est exacte ou non.

L'ACC recommande donc fortement, si l'étiquetage de produits alimentaires transgéniques doit être légiféré à l'échelle fédérale, que ces règlements interdisent également le recours à l'étiquetage négatif, à la publicité et autres matériels publicitaires à moins qu'on ne puisse clairement établir le bien-fondé de la revendication avancée.

L'ACC recommande également que la politique d'étiquetage fédérale soit revue au bout de trois ans afin de déterminer si le processus de sensibilisation des consommateurs a été suffisamment probant pour éliminer l'apposition d'une étiquette obligatoire. Quel que soit le mode d'étiquetage des produits alimentaires modifiés génétiquement au Canada, le premier objectif recherché devrait être l'information et l'éducation conséquentes des consommateurs, l'étiquetage n'étant qu'un outil dans la boîte à outils des communications.

En conclusion, les consommateurs ont le droit d'être bien informés avant de décider s'ils achèteront des produits alimentaires transgéniques pour nourrir leur famille. Si l'on en croit les inquiétudes et la méfiance exprimées, il est manifeste que les consommateurs ont besoin d'informations plus poussées pour pouvoir déterminer s'ils achèteront des aliments et des produits alimentaires transgéniques.

L'ACC exhorte les intéressés à consacrer moins de temps à la discussion des avantages et des inconvénients théoriques et pratiques de l'étiquetage obligatoire de produits alimentaires transgéniques qui est présenté comme étant la seule option permettant aux consommateurs d'être informés et de choisir. Nous demandons à ce que la discussion avec les intéressés et le public soit fructueuse et axée sur l'examen d'un éventail complet et valide d'options rentables, valables et exécutoires qui offriraient aux consommateurs l'information conséquente, pertinente et exacte dont ils ont besoin pour décider de l'achat d'aliments transgéniques et, en fait, de tout produit alimentaire vendu au Canada.

Je vous remercie.

Le président: Merci infiniment.

Nous allons passer maintenant à Nathalie St-Pierre qui représente la Fédération nationale des consommateurs du Québec.

[Français]

Mme Nathalie St-Pierre (directrice générale, Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec (Montréal)): La Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, la FNACQ, existe depuis 20 ans et travaille dans le domaine de l'agroalimentaire depuis sept ans et dans le domaine des biotechnologies depuis 10 ans. J'aimerais vous remercier de nous avoir invités à participer aux délibérations du comité aujourd'hui.

Les réponses que nous désirons apporter aux questions qui nous ont été posées sont basées sur une étude que nous avons faite en 1996 et 1997, étude assez exhaustive qui a examiné les propositions que différents pays avaient faites en ce qui a trait aux moyens d'informer et de consulter les consommateurs.

• 1120

Nous avons déposé cette étude auprès du greffier du comité. Si vous voulez la consulter, elle sera disponible. Nous vous avons aussi remis une copie du sommaire exécutif de l'étude.

En ce qui a trait aux moyens d'informer les consommateurs, ce dont on parle beaucoup ce matin, notre approche est beaucoup plus pratique. Nous recommandons que les consommateurs aient accès à de l'information. Il s'agirait de présenter les outils techniques, les limites, les avantages et les inconvénients, de se pencher autant sur les technologies que sur les applications des biotechnologies et de rendre disponible la liste des individus ou des producteurs industriels et certifiés qui oeuvrent en génie génétique, afin que les groupes de consommateurs ou autres puissent avoir l'information.

On doit fournir aux consommateurs une information qui provient de différentes sources, soit le gouvernement, les groupes d'intérêt, l'industrie, etc. On doit fournir de l'information sur les services, les procédés, la composition et l'impact et on doit aussi vulgariser les bases de données scientifiques. On doit aussi faire de l'information sur la transformation, la conservation et le type de modifications génétiques impliquées.

Cela ne veut pas dire que chaque Canadien va regarder l'ensemble de ces données, mais le fait qu'elles soient accessibles permettrait une plus grande transparence dans le processus et permettrait à des universitaires, des chercheurs ou des groupes de consommateurs d'avoir des sources d'information crédibles qui pourraient par la suite être transmises aux consommateurs.

On s'est beaucoup préoccupé ce matin de la façon dont on pouvait éduquer les consommateurs et pas seulement les informer. Donc, il nous apparaît important que ces données-là soient disponibles.

On a parlé un peu des critères pour diffuser l'information. Il faut une information qui soit équilibrée, fondée et non trompeuse. Il faut favoriser, comme on l'a dit précédemment, une approche éducative plutôt qu'une approche de marketing. Quand on laisse l'entreprise faire de l'information, elle adopte une approche de promotion plutôt qu'une approche d'éducation. Pour nous, c'est une préoccupation à laquelle on doit répondre.

Parlons des sources de diffusion. Comme il a été proposé dans le document de la stratégie nationale, il faut trouver le moyen d'avoir une source d'information qui soit indépendante des promoteurs et de l'ensemble des parties qui ont un intérêt dans les biotechnologies. Donc, il pourrait être intéressant de mettre sur pied l'organisme consultatif indépendant qui est proposé pour fournir cette information.

Nous croyons cependant que son mandat pourrait être élargi de manière qu'il soit une source d'information. On pourrait avoir un numéro 1-800. On parle d'applications concrètes ici, de façons d'informer les consommateurs et de les éduquer. Cet organisme pourrait aussi fournir des opinions et certains points de vérification, qui seraient externes au gouvernement, sur la réglementation des biotechnologies. De plus, cet organisme devrait avoir le pouvoir de traiter les plaintes des citoyens. On pourrait donner à l'organisme un mandat qui lui permettrait d'examiner l'aspect réglementaire.

Nous croyons aussi qu'il faudrait faire la gestion du risque. On ne parle pas beaucoup de risque, et c'est important pour les consommateurs. On en a un peu parlé ce matin. Mme Einseldel a dit que le risque était un facteur dont on devait tenir compte. Il faudrait donc que l'institut ou l'organisme consultatif puisse faire la gestion du risque des nouveaux produits et en faire l'évaluation.

Nous avons une très grande préoccupation, et on en a parlé ce matin. On dit que lorsqu'on n'a pas assez de données pour savoir s'il y a des risques ou si les critères sont respectés, on renvoie la compagnie faire ses devoirs. La compagnie revient avec ces informations, et ces informations ne sont pas disponibles pour les groupes d'intérêt publics, les groupes de consommateurs ou les scientifiques.

• 1125

Nous avons plusieurs fois demandé de tels documents afin de vérifier les mécanismes qui étaient employés pour évaluer les risques et nous n'avons jamais pu les obtenir. Donc, nous croyons qu'une plus grande transparence serait de rigueur à cet égard et que l'organisme consultatif proposé pourrait jouer un rôle à cet égard.

En ce qui a trait aux moyens de diffuser l'information, on a parlé beaucoup ce matin de l'Internet. Mais l'Internet n'est pas la seule solution. Il faut être conscient qu'il y a très peu de gens qui ont accès à l'Internet à l'heure actuelle et que les gens qui y ont accès sont des gens instruits qui sont curieux et veulent voir ce qui se passe. Pour la majorité du grand public, l'Internet n'est pas encore la réalité d'aujourd'hui.

Nous faisons des recommandations spécifiques, notamment que le gouvernement finance par le biais d'une taxe spéciale sur les nouveaux produits et ceux du génie génétique, une intervention plus spécifique au niveau des médias électroniques, des journaux, des livres et des revues. On pourrait avoir un numéro d'appel gratuit et des centres d'information. Ces mécanismes-là pourraient être mis en place par l'organisme proposé dans le cadre de la stratégie.

Il y a toujours la question de l'étiquetage qui, à notre avis, n'a pas encore été résolue. Le gouvernement, par l'entremise des différents ministères, a procédé à des consultations, mais les résultats n'ont pas été publiés. Encore une fois, il y a eu un manque de transparence. Nous avons demandé qu'on nous remette les mémoires qui ont été déposés, mais ils demeurent inaccessibles. Selon nous, il y a un manque de suivi dans certaines consultations et nous croyons qu'il devrait y avoir plus de rigueur pour que l'ensemble des parties puissent avoir accès aux informations.

Pour ce qui est de l'étiquetage négatif ou volontaire, à savoir qu'on dise qu'il y a ou qu'il n'y a pas d'aliments ou de produits modifiés génétiquement, il ne doit pas remplacer l'étiquetage obligatoire parce qu'on ne peut pas vérifier. Il n'y a pas de mécanisme pour le faire. Quand on ne peut vérifier, comme l'a dit Christine plus tôt, si l'aliment en contient ou n'en contient pas, qu'est-ce que cela donne? Donc, ce n'est pas un bon moyen. Cela va plutôt créer de la confusion dans le public, tout simplement parce que les gens vont se dire: «Il y en a ou il n'y en a pas. Qui a vérifié? Comment cela s'est-il fait?» Dans le cas des produits biologiques, des efforts ont été faits pour qu'on ait des certifications crédibles, mais cela implique des coûts. Il faudrait voir si ce genre de mécanisme est pertinent dans ce cas-ci.

Nous croyons qu'il est intéressant de faire des choix éclairés et de laisser le consommateur intervenir dans le marché. Il doit avoir accès à toute l'information. À cet égard, l'étiquetage, qu'il s'agisse d'un symbole ou d'autre chose, est nécessaire si on veut que le consommateur ait vraiment le choix. Le consommateur ne va pas nécessairement refuser les biotechnologies, mais il sera en mesure d'évaluer les risques selon ses propres critères. Donc, nous sommes d'avis que l'étiquetage doit être obligatoire.

Quant aux mécanismes de consultation et de concertation, j'en ai parlé brièvement. On considère qu'il n'y a pas toujours eu de la transparence à cet égard. Lors de notre étude, nous avons vu dans divers pays les divers moyens qui avaient été mis en place, notamment des conférences consensuelles, des comités de travail, etc. Nous avons examiné l'ensemble de ces mécanismes.

Il faut établir des critères de consultation. Souvent, on a eu des mandats qui n'étaient pas clairs. On ne savait pas si on allait tenir compte des résultats de ces consultations. Selon nous, il faudrait d'abord s'engager dans la consultation et l'information du public, ce que fait la stratégie, et se donner des critères.

• 1130

Il faut que les parties prennent un engagement. Il faut que le processus soit pleinement transparent. Il faut de l'équité et de l'ouverture. Il faut qu'on puisse avoir accès aux documents, et pas par l'Internet. Quand on nous envoie chercher la moitié de nos documents sur l'Internet, ce n'est pas une façon de procéder qui est très user-friendly, comme on dit.

Il faut prévoir une préparation adéquate des participants et une représentation diversifiée d'opinions. Comme nous vivons le processus de consultation depuis de nombreuses années, en matière de biotechnologie et dans d'autres domaines, nous croyons qu'il serait intéressant de prévoir certains maximums en ce qui a trait aux personnes qui sont représentées afin de faire en sorte que les comités soient vraiment représentatifs des diverses parties intéressées. Nous suggérons donc qu'il y ait une limite au niveau des compagnies qui sont représentées, puisqu'aux comités auxquels nous avons assisté, il arrivait parfois que 80 p. 100 des participants soient des représentants de l'industrie. Par conséquent, les consensus qui s'en dégageaient n'étaient pas très représentatifs de l'intérêt public.

Il faut par ailleurs donner les moyens nécessaires. Je suis désolée de revenir à cette question, et j'imagine que d'autres l'ont fait avant moi. La participation à des consultations ne peut plus se faire de façon uniquement bénévole, avec peu de moyens. Pour lire la documentation, faire une présentation crédible, s'informer et soutenir cette expertise-là, il faut de l'argent. Les ministères de la Santé et de l'Agriculture accordent très peu de ressources financières aux groupes de consommateurs ou aux groupes d'intérêt public, alors que la participation de groupes qui pourraient contribuer grandement à tout ce processus-là coûte énormément cher. C'est une préoccupation qui doit compter.

On parle beaucoup d'éduquer le public. On parle beaucoup des rôles des différentes parties. Quel est le but de l'information? Les groupes de consommateurs sont sur la première ligne. Nous répondons continuellement au téléphone à des consommateurs qui nous posent des questions, mais nous n'avons pas les moyens de faire ce genre d'interventions.

En ce qui a trait aux critères, quand on fait un processus de consultation ou de concertation, il faut vérifier l'utilité de l'exercice et l'efficacité dans l'atteinte des objectifs recherchés. Souvent, cet aspect-là est négligé. On n'évalue pas, à la fin d'un processus, comment celui-ci s'est déroulé. On n'évalue pas les opinions des différentes parties intéressées. De plus, il faut le respect mutuel des intervenants.

Il faudrait donc commencer par un débat public plus large dans tout genre de consultation et ensuite aborder les aspects plus pointus lors de conférences consensuelles, par exemple, qui permettraient de définir des enjeux spécifiques et d'y faire face, pour ensuite élaborer des solutions détaillées en comité formel. Ce serait donc une approche en trois étapes qui partirait du plus large pour aboutir au plus précis.

Je vais terminer en anglais.

[Traduction]

Nous avons l'impression que nous discutons en premier lieu de la sensibilisation du public et du type d'information à offrir aux consommateurs alors que cette question devrait être débattue en dernier. Avant de discuter de l'information à transmettre ou des moyens de la transmettre, nous devons d'abord et avant tout parler de sécurité. Nous estimons que cette question n'a pas suffisamment été abordée dans les documents de consultation que nous avons reçus.

Si les Canadiens dépendent du gouvernement pour les protéger, que ce soit une bonne chose ou non, le gouvernement doit alors accéder aux désirs de ses citoyens. L'évaluation des risques doit être revue sous cet angle-là. Une réglementation protégeant les consommateurs doit être adoptée. La sécurité des consommateurs canadiens ne doit pas être compromise afin d'accéder aux désirs d'entreprises ou du gouvernement de devenir un chef de file mondial dans le développement et la vente de produits et de services issus de la biotechnologie.

• 1135

Si le Canada veut devenir un leader et promouvoir des mécanismes favorisant les questions de santé et de sécurité, les questions environnementales, sociales et éthiques, pourquoi les consommateurs nous appellent-ils pour nous parler des problèmes auxquels ils font face et pourquoi ne pouvons-nous pas leur donner des réponses? Pourquoi les études effectuées ne sont-elles pas publiées et pourquoi la question de l'étiquetage n'est-elle pas réglée?

Puisqu'il ne me reste plus beaucoup de temps, je vais m'arrêter là. Merci.

Le président: Merci infiniment.

Enfin, nous passons à Burkhard Mausberg.

M. Burkhard Mausberg (directeur exécutif, Canadian Environmental Defence Fund): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Burkhard Mausberg. Je suis directeur exécutif du Canadian Environmental Defence Fund. Nous sommes un groupe écologique national à but non lucratif et nous nous intéressons aux droits environnementaux des Canadiens, nous essayons de renforcer ces droits tant devant les tribunaux qu'au Parlement.

Je m'intéresse de près à cette question de biotechnologie depuis huit ans et chaque fois que je parle du sujet, que ce soit dans une tribune comme celle-ci ou à des gens dans la rue, je tiens à définir ce dont je parle avant d'en parler.

Lorsque j'utilise le mot «biotechnologie», je parle uniquement de génie génétique. Par conséquent, mes remarques ne sont axées que sur les technologies qui manipulent le matériel génétique au niveau cellulaire et ne portent pas sur les technologies que nous utilisons depuis que nous avons cessé d'être des chasseurs et des cueilleurs et que nous utilisons la terre, les animaux et les plantes pour nous alimenter.

D'une certaine façon, j'occupe une position très privilégiée, car je peux me faire l'avocat du diable, poser des questions difficiles sans me mettre à votre place, vous qui devez prendre des décisions fondées sur ces questions difficiles. Je reconnais la position privilégiée dans laquelle je me trouve puisque je suis à même de poser des questions difficiles.

Avant de le faire—et je pense qu'elles le sont—permettez-moi de revenir sur une observation faite plus tôt ce matin par M. Mayers. Il a dit que la biotechnologie n'était qu'un outil dans une boîte à outils. Je pense que c'est foncièrement faux. Lorsqu'on parle de ce sujet, il faut le placer dans un contexte scientifique.

L'évolution date de quatre milliards d'années—quatre milliards d'années durant lesquelles une vache s'est accouplée avec une vache pour faire une autre vache, un saumon s'est accouplé avec un saumon pour faire un autre saumon. Ce n'est que depuis le début des années 70 que nous disposons de la technologie nécessaire pour marier une plante à un animal, une vache à un saumon, du colza à un poisson. Je ne dis pas que cela a été fait. Je ne veux pas que mon collègue du Réseau de communications en biotechnologie m'accuse de donner de mauvais exemples. J'offre tout simplement un cadre de référence.

Au cours des 25 à 26 dernières années, nous avons réussi à faire quelque chose qui n'avait jamais été tenté avec succès auparavant, c'est-à-dire de mélanger le matériel génétique d'espèces tout à fait étrangères les unes aux autres et de faire quelque chose de neuf. À mon avis du moins, voilà le contexte scientifique dans lequel nous devrions aborder la biotechnologie. Nous faisons quelque chose qui n'est absolument pas naturel. Cela ne se produit pas dans la nature.

Ce n'est donc pas simplement un autre outil dans une boîte à outils, parce que nous prenons des gènes d'une variété d'organismes et d'espèces, les mettons dans un becher et nous les mélangeons en espérant retrouver quelque chose ayant des traits caractéristiques souhaitables.

Dans ce contexte, que pense le public de cette technologie? Je dirais qu'elle suscite des réactions mixtes. Nous avons vu beaucoup de sondages aujourd'hui et comme vous le savez tous, le type de réponse qu'on obtient de sondages dépend beaucoup du type de question qu'on pose. Par conséquent, ces sondages sont-ils dignes de confiance lorsque 33 p. 100 de la population canadienne pense qu'une tomate ne renferme pas de gènes? Ces sondages sont-ils fiables? Je peux vous montrer des sondages provenant d'un éventail d'organismes, y compris des Producteurs laitiers du Canada, qui indiquent que selon deux tiers des Canadiens, la biotechnologie est dangereuse ou très dangereuse. Ainsi on peut faire dire aux sondages ce qu'on veut entendre.

Certains sondages offrent des éléments d'information intéressants cependant et je ne m'intéresse pas aux chiffres, mais aux observations que les gens font. Lorsqu'on examine certains des sondages Optima effectués il y a quelques années, on constate que les gens pensent que nous nous prenons pour Dieu ou qu'en se servant des techniques propres au génie génétique, nous nous prenons pour Dieu. Voilà les éléments sur lesquels nous devrions nous attarder lorsque nous parlons de biotechnologie.

• 1140

Quant à l'accès à l'information, j'ai trouvé beaucoup de scénarios intéressants, ayant travaillé là-dessus depuis les huit dernières années ainsi qu'avec des collègues de Santé Canada et d'Agriculture et Agroalimentaire Canada.

En 1991, nous avons été les premiers à soulever le problème les premiers, alors que je travaillais pour Pollution Probe. Nous avions fabriqué une grande carte tout en couleur de tous les essais sur le terrain qui étaient en cours au Canada à cette époque. Une fois ces renseignements recueillis, Agriculture et Agroalimentaire Canada a refusé de divulguer l'emplacement exact de ces essais, si bien que nous n'avons pas eu l'occasion de découvrir où ces tests génétiques se faisaient sur terre canadienne.

En 1993, j'ai rédigé un chapitre d'un ouvrage juridique intitulé Environment on Trial, qui portait sur la réglementation de la biotechnologie. J'ai demandé à voir certaines évaluations des risques qui avaient été faites des divers produits en cours d'élaboration. J'ai reçu copie de ces évaluations avec de grandes parties qui étaient complètement noircies. Donc là encore, on ne nous a pas donné accès à l'information.

En 1995, j'ai rédigé un Guide du citoyen sur la biotechnologie et nous avons découvert juste avant qu'il ne soit publié que la question de l'étiquetage avait été réglée. En fait, il avait été décidé que les produits alimentaires transgéniques ne seraient pas étiquetés. À mon avis, on ne peut pas parler dans ce cas-là d'accès à l'information.

La question est la suivante. Si je décide, en tant que consommateur, d'acheter certains produits, mes choix reposent sur toute une série de considérations. Je peux aller chez un concessionnaire automobile acheter une voiture en fonction de certains critères, comme le confort de la voiture, le pays où elle a été fabriquée, la consommation d'essence au kilomètre, et ainsi de suite. Si je vais dans un supermarché, je choisis invariablement des produits en fonction de leur valeur nutritionnelle, de leur coût, et ainsi de suite.

Ce que je trouve intéressant dans l'argument selon lequel l'étiquetage n'est pas nécessaire, c'est que le produit est censé être sûr et que par conséquent, il n'est pas nécessaire de l'étiqueter. Mais, à mon avis, c'est précisément ce critère-là qui dicte sa présence sur le marché.

À ce stade-ci, les gens devraient-ils avoir un choix qui serait établi en fonction de leurs convictions religieuses, de leur conviction que cette technologie est contraire à l'évolution naturelle, ou en fonction du fait qu'ils sont peut-être allergiques à certains produits? C'est à ce moment-là que je déciderai ou non d'acheter un produit transgénique. Ainsi la question de la sécurité entre en jeu dans le choix effectué. De nombreux facteurs différents sont en jeu.

Par exemple, les boycottages par le public ont connu beaucoup de succès dans le domaine social. Toute la journée, j'ai essayé de me rappeler le nom de ce jeune Canadien, ce jeune de 12 ans qui essaye de lutter contre les travaux forcés effectués par des enfants dans divers pays en développement. Il essaie d'organiser un boycott en demandant aux consommateurs de ne pas acheter ces produits, car il estime, à juste titre, que les enfants ne devraient pas travailler à l'âge de 10 ou de 12 ans. Ils devraient jouer au ballon ou au hockey sur glace ou à tout autre jeu qu'ils préfèrent pour qu'ils puissent bien s'épanouir. Je ne sais pas s'il atteint les résultats voulus, mais ce boycott essaie de faire fléchir les consommateurs. Comment les consommateurs peuvent-ils prendre ce genre de décision s'ils ne savent pas quels produits ils achètent?

Si je suis une personne très religieuse—peu importe la religion—et que je pense que, pour diverses raisons, nous avons été placés sur terre pour nous reproduire de la façon dont nous nous reproduisons normalement, n'ai-je pas le droit d'exercer cette conviction religieuse? S'il se trouve que je préfère consommer des aliments biologiques, c'est-à-dire, des aliments qui n'ont pas été produits à l'aide de pesticides, d'herbicides et autres produits chimiques, n'ai-je pas le droit d'acheter ces produits et de savoir s'ils sont vraiment biologiques?

Je pense qu'il vaut mieux discuter de ces questions et c'est la raison pour laquelle je ne m'attarderai pas plus longtemps. Au bout du compte, un seul critère, soit en l'espèce la sécurité, ne dicte pas un choix. Le choix regroupe plus de critères qui sont tous différents selon notre caractère propre. Au bout du compte, c'est une question de liberté—la liberté de choisir les produits qui conviennent le mieux à chacun d'entre nous.

Merci, monsieur le président.

• 1145

Le président: Merci.

Je remercie tout le monde des exposés présentés.

Nous allons passer immédiatement aux questions. Monsieur Hoeppner.

M. Jake Hoeppner: Merci, monsieur le président. Le tout était fort intéressant.

Je voudrais discuter de deux ou trois questions différentes. Chacun en a plus ou moins parlé dans son exposé. La première porte sur l'information fallacieuse, et plusieurs en ont parlé; la deuxième porte sur le droit ou l'accès à l'information et la troisième concerne l'étiquetage. De plus, M. Mausberg a abordé quelque chose qui m'a fait réfléchir: les médias ont-ils beaucoup d'influence sur toutes ces questions?

Je vais vous raconter une histoire pour vous situer le contexte. Mes amis du Parti libéral savent que je critique souvent la Commission canadienne du blé et j'ai eu quelques expériences intéressantes. J'ai publié un communiqué de presse sur une des questions pour lesquelles j'avais eu de la documentation et tout à coup un agriculteur de la région de Peace River qui en avait entendu parler m'a téléphoné et m'a dit: «Jake, c'est incroyable, mais nous ne pouvons pas obtenir de nos médias qu'ils publient votre communiqué de presse ou qu'ils en fassent un article». J'ai eu du mal à le croire si bien que j'ai téléphoné à quelques journalistes que je connais et j'ai été sidéré par la pression exercée sur les médias pour qu'ils ne publient pas les renseignements exacts.

Lorsque vous avez affaire à de grosses entreprises comme Monsanto et autres, alors que des millions de dollars sont en jeu, comment séparer l'information trompeuse de l'information exacte?

Monsieur Surgeoner, vous avez dit qu'aucun agriculteur ne voulait faire partie du conseil d'administration, ce qui a piqué mon intérêt. Est-ce parce que les agriculteurs ne s'inquiètent pas de l'information ou de la communication? Discutons de cette question en premier.

M. Gord Surgeoner: Si nous n'avons pas obtenu d'agriculteurs, c'est parce que, lors de l'assemblée générale, l'agriculteur qui était candidat n'a malheureusement pas été élu.

En fait, en Ontario, il existe une organisation du nom de ABC Ontario, soit la Coalition de biotechnologie agricole, qui regroupe la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, la Christian Farmers Federation et toute une série d'organisations agricoles. AGCare en est une autre.

Cette question les intéresse beaucoup, en raison de l'intérêt qu'ils portent pour les produits à valeur ajoutée qui sont associés à cette technologie. L'étiquetage ne pose pas de problème dans ce secteur, parce que c'est là où intervient la valeur ajoutée. Les consommateurs ne sont pas encore touchés. Mais les agriculteurs s'intéressent de près à ce processus global.

Pour en revenir à votre question sur les médias, j'ai connu également les mêmes expériences frustrantes. Le réseau CBC avait réalisé un documentaire intitulé Field of Genes. Beaucoup de gens étaient tout à fait disposés à présenter une discussion équilibrée sur ces sujets, mais les réalisateurs du documentaire voulaient des gens qui défendent des positions extrémistes pour que le débat soit plus animé, je suppose. Les discussions équilibrées ne semblent pas attirer les foules.

M. Jake Hoeppner: Je me demandais aussi, monsieur Surgeoner, comment votre organisme fonctionnait. Vous avez dit que différents points de vue étaient représentés au conseil d'administration. Comment analysez-vous ces différents points de vue—ceux qui sont justes et ceux qui sont faux—afin de promouvoir un certain sujet ou orienter l'information?

M. Gord Surgeoner: Je pense que je vais utiliser ma collègue Chris comme exemple. Très souvent, nous allons écrire et réécrire certains documents jusqu'à ce que nous en arrivions à un consensus. Dans la trousse que nous avons préparée pour les consommateurs, nous avons souvent dû réécrire plusieurs documents sur le même sujet.

Il y a donc beaucoup de va-et-vient et il faut tout documenter.

Le président: Madame St-Pierre.

Mme Nathalie St-Pierre: Je voudrais faire également quelques observations sur cette question de l'information trompeuse. Ce n'est pas un sujet facile; il est même très complexe.

Je me souviens que nous avions dit il y a de nombreuses années que la révolution verte et les pesticides allaient sauver le monde, qu'il n'y aurait plus de famine et ainsi de suite. Tout le monde pourrait manger à sa faim.

On ne sait pas trop quelle information donner; on ne peut pas tout simplement affirmer que la biotechnologie va résoudre le problème de la famine dans le monde. On l'a beaucoup dit et on entend souvent dire que la biotechnologie est la technologie qui sauvera le monde.

• 1150

Ainsi, lorsque nous parlons d'information trompeuse ou équilibrée, il faut se méfier des affirmations portées. On ne peut certainement pas assimiler cette technologie à un outil. La nature des choses est en train de changer radicalement. Alors que faire? Quels en sont les avantages et les inconvénients? Les risques sont certains. Quels sont-ils? Où se renseigner?

Je sais que le Réseau de communications en biotechnologie alimentaire existe. Nous avons même participé à ce processus, mais les consommateurs ne nous appellent jamais en nous disant qu'ils ont obtenu cette information. S'ils veulent le point de vue du consommateur, ils peuvent nous appeler. Il n'est pas facile de diffuser une vue d'ensemble. Tous les intéressés devraient en discuter. J'en reviens une fois de plus aux moyens. Si l'agriculteur ne peut pas adhérer à l'association ou n'est pas élu, ou que les groupes de défense des consommateurs ne peuvent pas participer, c'est peut-être parce qu'ils n'ont pas les moyens d'assister aux réunions et de participer pleinement, ce qui signifie qu'il faut lire la documentation; il faut constamment actualiser ses connaissances. Cela crée donc une situation difficile.

M. Jake Hoeppner: Comme le secteur des communications ne manque pas d'argent, le lavage de cerveau n'aurait-il pas remplacé la publicité? Je suis allé en Union soviétique en 1981 et j'ai été sidéré par le lavage de cerveau opéré par les médias.

Lorsque mes enfants grandissaient, lorsque nous avons acquis notre première télévision en 1961, mes enfants qui avaient trois ou quatre ans, ne voulaient pas regarder l'émission mais Dieu sait s'ils s'agglutinaient à la télévision lors des annonces publicitaires et ces annonces les ont influencés. Ils en savaient davantage sur les produits en vente que moi. Je n'y ai pas prêté beaucoup d'attention.

Est-ce ce qui se produit dans notre société? Comme elles ne manquent pas d'argent et qu'elles veulent nous influencer, les entreprises multinationales orientent leurs messages de telle façon que nous les adoptons pour notre propre compte et ces entreprises réussissent mieux que les consommateurs ou les gens qui utilisent leurs produits.

Mme Nathalie St-Pierre: Je pense que vous avez raison. J'en reviens à ce que mon collègue disait à propos de la pensée critique. Nous n'apprenons peut-être pas à nos enfants à réfléchir, à analyser l'information. Vous devez vous dire: voilà ce dont j'ai besoin, voilà ce que je cherche et voilà ce que je vais faire de cette information.

Les écoles distribuent de plus en plus de brochures ou de dépliants offerts par des banques ou des entreprises qui essaient de vendre un produit plutôt que d'offrir des renseignements. Il faudrait jeter un oeil critique sur ce qui se passe à l'école à ce niveau-là, au niveau de l'information.

M. Jake Hoeppner: Merci.

Mme Hélène Alarie: Monsieur Mausberg, je crois que vous avez quelque chose à dire.

M. Burkhard Mausberg: Je voulais répondre à cette question. Là encore, je suis désolé de ne pas pouvoir voir les noms, mais mon collègue là-bas a fait afficher un tableau indiquant le degré d'adoption des produits biotechnologiques par divers pays. J'aimerais y superposer un autre tableau qui montrerait les sommes engagées par le Canada et l'Europe pour assurer la commercialisation et la publicité de produits biotechnologiques par rapport à ces autres pays. Le Canada est le chef de file en la matière parce que notre économie, qui est axée sur les ressources naturelles, l'agriculture, la sylviculture et ainsi de suite, nous a permis de fabriquer ces produits avec quelques longueurs d'avance. Nous avons commencé plus tôt et c'est ce qui explique que nous avons dépensé beaucoup plus d'argent pour assurer la commercialisation et la publicité de nos produits. Je conteste donc ce qu'a dit mon collègue de l'Université de Calgary.

M. Jake Hoeppner: Est-ce que cela entre dans la catégorie du lavage de cerveau ou de la commercialisation et de la publicité?

M. Burkhard Mausberg: Je pense que c'est une question difficile.

Le président: Madame Alarie.

[Français]

Mme Hélène Alarie: On entend des choses assez troublantes sur ce dossier. Je pense que la biotechnologie est nécessaire pour assurer la sécurité alimentaire, mais si on veut aller plus loin avec la biotechnologie, il faut obligatoirement une éducation. C'est mon critère de base. Il faut que les gens qu'on éduque aient confiance en nous et il faut surtout qu'on soit crédibles et transparents sur le plan scientifique.

• 1155

Mais voilà que ce matin, dans les groupes de discussion, j'ai entendu dire, d'une part, que les consommateurs avaient peur d'un désastre écologique et que, d'autre part, on ne faisait plus confiance aux organismes gouvernementaux ou aux organismes qui gèrent actuellement ce dossier-là. Donc, qui peut faire l'éducation d'une façon crédible pour qu'on ait confiance dans ce qu'on avance?

Je peux aller plus loin. Vous parlez d'un organisme indépendant. Peut-être. Je ne le sais pas.

Mme Nathalie St-Pierre: C'est une très grande préoccupation, mais je pense que, d'abord et avant tout, l'État, le gouvernement a un rôle à jouer. On doit remettre la confiance quelque part. Les gens doivent avoir confiance. On ne peut tout évaluer nous-mêmes. Les consommateurs ne peuvent pas et ne veulent pas faire cela. C'est le rôle du gouvernement que d'assurer la sécurité alimentaire.

Donc, afin de faire revenir la confiance, il faut nécessairement revoir les façons de faire. Une plus grande transparence est de rigueur dans les processus de consultation, dans les mécanismes, dans les façons d'aborder les choses. J'en ai parlé un peu plus tôt et c'est écrit dans mon sommaire. Il doit y avoir des critères pour cela. Je pense que lorsque ces efforts auront été faits, la confiance reviendra tranquillement.

À ce moment-là, l'éducation sera plus facile à faire parce que les gens auront confiance et seront moins exigeants par rapport à ce qu'ils ont besoin de se faire dire pour avoir confiance dans le système. Actuellement, les gens demandent beaucoup plus parce qu'ils ont moins confiance. Toute la question de l'étiquetage sera peut-être moins importante quand on saura qu'il n'y a pas de risques. On voit peut-être surgir des questions religieuses ou morales, ou des questions d'étiquetage, mais il faut d'abord faire revenir la confiance.

Mme Hélène Alarie: Dans un document qui a été produit sur la consultation pour le renouvellement de la stratégie canadienne en matière de biotechnologie, on parlait justement de ce que vous suggériez, soit une vaste consultation qui doit être terminée. Les dates suggérées étaient mars et avril. Cette consultation a-t-elle eu lieu? Vous satisfait-elle? Quand vous parlez de transparence, que voulez-vous dire exactement?

Mme Nathalie St-Pierre: La consultation a eu lieu. Je ne dirais pas qu'il y a eu une vaste consultation. Pour une fois que c'était à Montréal, nous avons tenté d'envoyer trois personnes à cette consultation, mais cela n'a pas été possible. Trois personnes, ce n'était pas trop exiger, mais on a été limités à une personne.

Vaste consultation... Vous avez lu les guides. Ce n'est pas si simple que cela. Il faut quand même des gens qui ont une certaine expertise pour décortiquer cela. Il faut avoir suivi le dossier. Ce n'est pas un débat public. C'est une consultation sur des enjeux très spécifiques de la stratégie canadienne. On ne parle pas d'un débat public.

Au sujet de la transparence, il s'agit notamment de la façon de faire, de l'ordre du jour, de la façon de convoquer les gens ou de les ignorer. Il n'y a pas de suivi et il n'y a pas de documents de remis à la fin. C'est cela qu'on veut dire par la transparence. On peut participer à un processus, mais ensuite on nous oublie. On ne reçoit plus rien. On y est allés, mais on ne sait même pas ce qui s'est passé. Il faut faire plein d'efforts pour trouver l'information. Donc, ce n'est pas transparent.

Mme Hélène Alarie: Vous parliez, madame Mitchler, d'étiquetage négatif. Qu'est-ce que l'étiquetage négatif?

[Traduction]

Mme Christine Mitchler: Il y a étiquetage négatif lorsqu'on dit, par exemple, qu'un produit n'a pas de matières grasses. Un produit sans matières grasses sur son étiquette serait un exemple d'étiquetage négatif.

Si la STbr devait être approuvée au Canada, cela en serait un autre exemple. Elle ne l'a pas été mais disons pour les besoins de la discussion que Santé Canada l'aurait approuvée. Ce n'est pas le cas. Je ne suis pas dans le secret des dieux à ce propos, mais disons que le ministère l'aurait approuvée.

• 1200

En supposant que Santé Canada approuve ce produit et que le ministère juge qu'il ne pose aucun danger pour les animaux, les humains et l'environnement, si bien que la santé et la sécurité ne sont pas en jeu, je crains, en vertu des directives actuelles sur l'étiquetage, qu'un transformateur de produits laitiers ne puisse, en théorie, coller une étiquette sur son produit indiquant que ce lait n'a pas été traité ou qu'il ne provient pas de vaches traitées à la STbr. À l'heure actuelle, absolument rien ne permet de vérifier que cette affirmation est vraiment exacte. Je crains ces étiquetages négatifs qui ne peuvent être vérifiés ou justifiés. S'il existe un moyen d'établir le bien-fondé de ces étiquetages, que ce soit pour la STbr, pour un produit sans matières grasses, ou pour quoi que ce soit d'autre, très bien, mais des faits bien établis et bien documentés que le gouvernement estime pouvoir appliquer et réglementer doivent venir à l'appui de ces affirmations.

Mme Milly Ryan-Harshman: Je voulais faire une observation à propos de l'étiquetage négatif. Cet étiquetage fait partie du système d'étiquetage librement consenti par l'ACIA et Santé Canada, partenaires en la matière. L'objectif recherché est de favoriser le développement de créneaux spécialisés.

À l'heure actuelle, au Canada, les aliments biologiques représentent un de ces créneaux. Ces produits deviennent évidemment de plus en plus populaires si bien que les fabricants doivent volontairement étiqueter leurs produits indiquant, par exemple, qu'ils ne renferment pas d'organismes transgéniques. C'est précisément ce que ce système nous permet de faire. C'est très important et le bien-fondé en est établi. Il est d'une importance capitale que ce message soit transmis; le bien-fondé peut en être établi, car avec l'étiquetage des produits biologiques, quels que soient les critères dont on se sert pour les désigner biologiques...

La même observation vaudrait si un système d'étiquetage négatif librement consenti s'appliquait aux produits alimentaires génétiquement modifiés. Si on affirmait que tel produit alimentaire ne renfermait aucun organisme transgénique, on pourrait le justifier tout comme on le fait pour les aliments biologiques. Il n'y aura peut-être pas de test permettant d'établir si la STbr est génétiquement modifiée ou non, car toutes les vaches auront été traitées à la STbr de toute manière. Il y a donc là une distinction importante à établir. Je crois que l'étiquetage négatif librement consenti est d'une importance capitale et peut être corroboré.

Le président: Monsieur McCormick.

M. Larry McCormick: Merci, monsieur le président, de m'avoir donné la parole et je vous remercie tous d'être ici.

Je voudrais établir quelque chose une fois pour toutes. Je croyais savoir où nous en étions à propos de l'étiquetage. Si mon épouse devait planter plus de tomates qu'elle ne va vraisemblablement en planter, et qu'elle utilisait une variété ancestrale de tomates, qui est très populaire en Amérique du Nord, et que nous voulions les vendre au marché du coin, pourrions-nous les étiqueter comme étant biologiques ou non de nos jours? Pourriez-vous éclaircir cette question, madame Ryan-Harshman?

Mme Milly Ryan-Harshman: Je ne suis pas sûre que cette décision ait été prise à propos des aliments biologiques.

Gord, a-t-on finalement pris une décision à propos de l'étiquetage des aliments biologiques?

M. Gord Surgeoner: Lorsque vous avez parlé de variété ancestrale, j'ai pensé qu'il s'agissait d'une variété ancienne et qu'il n'y avait donc eu aucune modification génétique.

M. Larry McCormick: Effectivement.

M. Gord Surgeoner: Pour qu'un produit soit jugé biologique, il faut qu'il ait été accrédité. Il faut passer par un processus d'accréditation prouvant, pendant trois ans, qu'aucun produit chimique artificiel n'a été utilisé, qu'il s'agisse de pesticides ou d'engrais. Si vous suivez ce processus d'accréditation pendant trois ans, vous pourrez alors vendre votre produit comme produit biologique.

Mme Milly Ryan-Harshman: Dans ce cas, il pourrait être vendu sous étiquette biologique.

M. Gord Surgeoner: Oui.

M. Larry McCormick: Et ce processus d'accréditation est administré par les associations de produits biologiques elles-mêmes? Ce sont elles qui établissent les normes...

Mme Milly Ryan-Harshman: Effectivement.

M. Larry McCormick: ... et qui permettent aux agriculteurs qui respectent les normes établies de vendre leurs produits sous cette étiquette?

M. Gord Surgeoner: C'est exact. En fait, il existe plusieurs organismes différents si bien qu'on ne peut pas dire qu'il n'y a qu'une norme. À l'heure actuelle, aux États-Unis, d'énormes controverses existent sur ce qui sera jugé biologique, car le ministère de l'Agriculture des États-Unis avait initialement recommandé que les produits issus de la biotechnologie seraient jugés biologiques, ce qui a soulevé un tollé auquel je m'associe.

M. Larry McCormick: Là encore, par souci de clarté, si j'obtiens des semences d'un pays où ces semences n'ont pas été modifiées, puis-je les planter et en étiqueter le produit comme un produit n'ayant subi aucune altération génétique? Pourrais-je le faire? Qui peut me le dire? Je suis sûr que Santé Canada le saurait.

Mme Nathalie St-Pierre: C'est ce que les directives semblent indiquer.

M. Larry McCormick: Donc, c'est possible. Bien, je vous remercie infiniment.

• 1205

Madame, vous êtes consultante auprès du groupe Alimentation et Technologie à Oshawa. J'espère simplement que dans la réponse que vous allez me donner, vous allez me dire qui sont vos clients et d'où vous tirez vos sources de financement.

Je connais beaucoup de gens, dans l'est de l'Ontario, qui se sont intéressés à cette histoire de STbr et qui s'y intéressent toujours de très près. Touts ces tests sont menés aux États-Unis et dans certains autres laboratoires, et sont financés, semble-t-il, par l'entreprise qui dispose de ce produit, en l'occurrence Monsanto. J'aimerais donc que vous nous disiez ce que vous en pensez.

Les semences ou les grains issus de la biotechnologie ne semblent pas susciter beaucoup d'inquiétudes ou poser de grands défis. Mais lorsqu'on touche à d'autres produits comme le lait et les animaux, c'est là où la résistance se fait le plus sentir. La biotechnologie se développe à un rythme tellement rapide que nous devons informer le public. Je veux donc savoir ce que vous pensez de tout cela.

Mme Milly Ryan-Harshman: Bien.

En guise de préface, je vous dirais que je suis hygiéniste alimentaire publique de formation. J'ai quitté le secteur de l'hygiène alimentaire publique il y a environ deux ans pour me consacrer davantage à la consultation en alimentation et technologie. Je suis partie parce que je voulais m'intéresser davantage aux questions d'actualité et notamment à l'étiquetage des produits alimentaires transgéniques et ainsi de suite.

Je cherche surtout à protéger le système d'hygiène publique qui existe au Canada en m'intéressant plus particulièrement à certaines questions comme l'évaluation des risques ainsi que la salubrité des produits alimentaires transgéniques. Je veux que les intéressés suivent le même procédé qu'ils ont suivi par le passé et qui a permis de protéger la salubrité des produits alimentaires. C'est très important.

Je ne cacherai pas qu'un certain nombre de questions m'ont été posées et que presque tout le monde veut savoir pour qui je travaille. Je vous dirai que j'ai travaillé chez Monsanto. J'ai aussi fait de la vulgarisation pour l'Agence canadienne d'inspection des aliments. J'ai travaillé bénévolement pour l'association Dietitians of Canada ainsi que pour le Réseau de communications en biotechnologie alimentaire.

J'oeuvre dans le domaine de l'éducation, si bien que même si je travaille pour une entreprise, je m'occupe d'éducation et non pas de commercialisation de produits. Je n'ai pas commercialisé de produits pour quelque entreprise que ce soit parce que c'est le contraire de ce qui m'intéresse. La publicité ne peut être assimilée à l'éducation et ce qui m'intéresse dans tout cela, c'est l'éducation.

Notre système de réglementation est excellent. Les gens n'en connaissent pas les tenants et les aboutissants, car le tout est très compliqué. Il faut des gens comme moi, qui sont disposés à offrir ce type d'éducation, et c'est précisément la raison pour laquelle je suis là où je suis.

M. Larry McCormick: Merci.

Monsieur le président, je tiens à dire publiquement que je ne mets absolument pas en doute la déontologie de docteurs ou de scientifiques.

Je remarque que les États-Unis importent un tiers de leurs fruits et légumes. Cela pose sans doute évidemment un problème d'ordre commercial, lorsqu'un pays a un pied un peu partout dans le monde comme c'est le cas des États-Unis. Mais ils s'inquiètent de la salubrité des produits alimentaires; ils ont déjà eu des problèmes avec les framboises et d'autres produits. Je me demande simplement si nous ne devrions pas nous intéresser à cette question un peu plus tard.

Je suis sûr que nous n'aurons pas de soucis à nous faire lorsque nous importerons des produits issus de la biotechnologie, mais si nous nous intéressons tant à ce secteur, n'ouvrons-nous pas la porte à...? Nous allons devoir surveiller ces autres produits que nous importerons de l'étranger. Je fais entièrement confiance aux gens qui en sont responsables, mais parfois nous devons surveiller de près nos entreprises multinationales.

Merci, monsieur le président.

Le président: Quelqu'un veut-il tenter une réponse?

Madame Mitchler.

Mme Christine Mitchler: Il y a un an, je dirais que vraisemblablement 60 p. 100 des exposés que l'industrie, le gouvernement et des groupes d'intérêt me demandaient de présenter, en ma qualité de représentante de l'ACC, portaient sur la biotechnologie ou sur des sujets qui y étaient associés. Dans le courant de l'année, l'intérêt s'est davantage porté sur la salubrité des aliments que sur la biotechnologie. Je passe donc l'essentiel de mon temps à parler de salubrité alimentaire.

• 1210

Je voudrais également dire que je ne pense pas, contrairement à Mme Alarie, que les consommateurs se méfient énormément du gouvernement. Je crois que les consommateurs font confiance au gouvernement lorsqu'il s'agit de salubrité des produits alimentaires.

C'est vrai en ce qui concerne la salubrité des aliments aux États-Unis, du moins si on en croit les médias. La salubrité des aliments est passée au peigne fin à l'heure actuelle aux États-Unis ce qui est le moins le cas au Canada, fait attribuable au degré élevé de confiance que les consommateurs placent dans notre système de salubrité alimentaire.

Il est intéressant de noter que nous, consommateurs, n'avons pratiquement aucune crainte à propos de la salubrité de nos produits alimentaires, mais tout d'un coup ces craintes apparaissent lorsqu'il est question de biotechnologie et de produits transgéniques. C'est précisément une des questions sur lesquelles nous nous sommes penchés lors de la réunion de notre comité national de l'alimentation: pourquoi est-ce le cas?

Je crois que ce sujet soulève des questions fondamentales et suscite un sentiment de gêne. Ce sujet nous amène à nous poser des questions sur la façon dont les aliments sont produits et traités dans ce pays. La biotechnologie semble attirer ce genre de questions.

Je voulais simplement apporter cette précision à propos de la confiance des consommateurs.

Le président: Merci.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président.

On a parlé de conscientisation, de retombées et du rôle du public à propos de la biotechnologie. J'ai trouvé les tableaux qui nous ont été montrés très intéressants. Par exemple, regardez la perception du public sur la façon dont la levure est utilisée dans la fabrication de la bière, 77 p. 100 contre 12 p. 100, par rapport à la perception du public sur la façon dont les gènes sont utilisés pour améliorer les tomates, 15 p. 100 contre 33 p. 100. D'emblée, ces pourcentages me permettent de conclure que le public en sait davantage sur les méthodes de fabrication de la bière que sur la production des aliments.

Une voix: C'est une question de priorité.

M. Murray Calder: Oui. Allez comprendre.

Ces autres tableaux sont tout aussi révélateurs. Le public semble en savoir plus long sur les bactéries et les vaccins médicinaux—ces pourcentages étaient les mêmes—que sur la biotechnologie et les produits alimentaires. Le public n'est-il pas conscient ou se méfie-t-il du recours à la biotechnologie dans la fabrication des aliments?

J'aurais quelques autres questions à poser.

M. Gord Surgeoner: À mon avis, ce qui importe le plus, c'est qu'il faut que cela vous touche personnellement. Alors vous vous intéressez au sujet et vous voulez être informé. Avec l'arrivée de la deuxième vague biotechnologique, les produits ayant un taux réduit de matières grasses et autres produits meilleurs pour la santé seront, à mon avis, étiquetés comme tels en raison des avantages que cela représente pour les consommateurs. Leur intérêt sera piqué et ils s'y intéresseront davantage.

À l'heure actuelle, la biotechnologie en est au stade agronomique et touche surtout les agriculteurs qui s'intéressent au soja Roundup Ready et au maïs Bt car un élément de valeur ajoutée les touche directement. Lorsque les consommateurs seront touchés par cet élément de valeur ajoutée, comme la bière, alors je pense qu'ils commenceront à y prêter davantage attention et qu'ils s'informeront. Les consommateurs sont inondés d'informations et tant que cela ne les touchera pas personnellement, ils ne s'y intéresseront pas beaucoup. C'est ce que je pense.

M. Murray Calder: Oui, vous avez raison. Je voudrais m'attarder sur la question de la sensibilisation du public. Quant aux retombées, je pense que vous venez d'en parler, Gord.

Je crois connaître une des raisons pour lesquelles les consommateurs s'intéressent de plus en plus à cette question. C'est une question de démographie. Je suis agriculteur dans mon autre vie et les agriculteurs représentent 2,8 p. 100 de la population et pourtant ce que je produis touche la population tout entière. Par conséquent, elle devrait s'intéresser à ce que je fais.

Mais dans la même foulée, la population veut des voitures, des logements et tout le reste et chaque fois que je prends l'avion de Toronto à Ottawa, je vois de nouveaux logements s'élever sur des terres agricoles de premier choix.

Il faut sensibiliser le public à ce phénomène parce qu'il va s'ensuivre—et j'aborde là le rôle du public—que j'aurais de moins en moins de terres pour nourrir de plus en plus de gens. Je sais que d'ici l'an 2030, neuf milliards de personnes habiteront la terre. Alors je me sens un peu coincé. J'ai moins de terres sur lesquelles je dois produire plus de denrées alimentaires. Comment vais-je y arriver?

• 1215

Mme Edna Einseldel: La biotechnologie ne se fait pas dans le vide. Dans le cadre du processus de sensibilisation du public, il faut lui présenter le tableau global d'exploitation de la technologie; il ne s'agit donc pas simplement de parler de sciences, de certaines retombées environnementales ou des avantages astronomiques que l'industrie en tirera. Je crois qu'il faut placer toutes ces questions dans leur contexte global.

M. Murray Calder: Ce qui m'amène à mes deux dernières observations—M. Mausberg voudra probablement en faire quelques-unes dès que j'aurai fini.

Deux personnes sont intervenues pour dire qu'il fallait étiqueter tout produit qui n'aura pas été modifié génétiquement. Ma question est la suivante: à partir de quand? En 1970, nous avons effectué des croisements végétaux avec énormément de succès et c'est la raison pour laquelle nous nourrissons actuellement six milliards de personnes. D'après les projections établies à l'époque, la terre aurait dû compter cinq milliards de personnes en 1995. Nous avons dépassé ce chiffre-là et notre production par acre est beaucoup plus élevée maintenant qu'elle ne l'était en 1970 lorsque nous craignions ne pas pouvoir nourrir 3 p. 100 de la population. Voilà ma première observation.

Deuxièmement, nous allons intensifier la production de denrées alimentaires par acre ce qui signifie que nous allons vraisemblablement devoir utiliser davantage de pesticides et d'herbicides. Et il me semble logique... Oui, nous modifions l'ADN—je vous le concède—au lieu d'effectuer des croisements parce que nous avons dû accélérer le processus, mais ce qui est avantageux, c'est que nous n'aurons pas à utiliser autant d'herbicides. Les pesticides en sont un meilleur exemple, si on voit ce qui se passe avec la pomme de terre et le doryphore de la pomme de terre. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Burkhard Mausberg: Si vous me le permettez, monsieur le président, permettez-moi de dire que l'argument selon lequel la biotechnologie—et en particulier le génie génétique—devrait servir à alimenter le monde est louable. Personne n'aime savoir que des gens ont faim.

Mais je vous mets au défi de trouver combien d'applications utilisées actuellement au Canada ont effectivement entraîné une augmentation de la production alimentaire et non pas un enrichissement de la personne qui a été assez ingénieuse pour trouver une application donnée?

La plupart des applications découvertes par Monsanto, par exemple, qu'il s'agisse du colza, du soja ou du coton, portent sur sa capacité à vendre plus de semences de marque Roundup.

M. Murray Calder: Je peux vous donner un exemple maintenant si vous en voulez un. Je suis aviculteur. Il y a 25 ans, il me fallait 12 semaines pour produire un poulet de quatre livres. À l'époque, mon indice de consommation était élevé, à 3:1. Aujourd'hui, je produis un poulet de quatre livres, un mâle en 39 à 40 jours et une femelle en 41 à 42 jours environ. Je l'ai fait grâce à des croisements et autres techniques et mon indice de consommation est désormais de 1.85:1. Voilà un exemple concret.

M. Burkhard Mausberg: Oui, mais il s'agit de biotechnologie traditionnelle et non pas de génie génétique et c'est précisément ce que j'ai dit. Lorsque des adeptes de la microtechnologie—comment marier gènes et ADN entre espèces—discutent, ils parlent toujours d'augmentation de la production alimentaire et là encore, c'est un but très louable, mais lorsque vous vous penchez sur les applications qui sont effectivement utilisées en laboratoire, sur le terrain et dans le commerce, vous constatez que cela n'a rien à voir avec la production alimentaire ou très peu. La plupart des applications servent à accroître les bénéfices des entreprises qui les produisent. Voilà la première observation que je voulais faire.

Deuxièmement, vous avez absolument raison lorsque vous parlez du doryphore de la pomme de terre: si on peut fabriquer une pomme de terre qui permet de réduire les pesticides utilisés en vue d'obtenir un meilleur rendement pour le compte des agriculteurs dans les Maritimes, cette application est sans doute valable.

Mais là encore, regardez à quel point on imprègne d'herbicides le produit Roundup d'un scientifique. On nous dit d'acheter ce produit mais qu'il faut utiliser des herbicides pour rehausser la valeur de ce produit. Ils ne vous donnent même pas le choix de faire une gestion intégrée des parasites.

Le président: Merci, Murray. Votre temps de parole est écoulé. Monsieur Hoeppner.

M. Jake Hoeppner: Je voudrais revenir sur ce que disait M. Calder. C'est très intéressant. Comme vous le savez, le producteur obtient entre 11 p. 100 et 14 p. 100 du prix d'un panier alimentaire.

• 1220

L'observation que Mme Mitchler a faite à propos de la Loi sur la concurrence m'a beaucoup intéressé. La biotechnologie et les croisements aidant, les droits des phytogénéticiens, les protections supplémentaires conférées par brevet, les droits intellectuels abondent. Comment appliquer les dispositions de la Loi sur la concurrence dans une société contrôlée par des droits totalement différents?

Il est manifeste que nous devons avoir des aliments salubres, mais nous devons également avoir des aliments abordables. Si ces aliments salubres ne sont pas abordables, vous n'allez pas les acheter. Vous allez acheter autre chose. Comment nous, producteurs et consommateurs, pouvons-nous obtenir une influence politique ou judiciaire quelconque pour protéger nos intérêts, au lieu de protéger tous les intérêts des intermédiaires?

Mme Christine Mitchler: Je voudrais vous répondre de deux façons. Premièrement, lorsque j'ai parlé de concurrence, je donnais un exemple des questions d'intérêt public qui intéressent mon association. Cette remarque faisait partie de mon exposé préliminaire sur l'Association des consommateurs du Canada en général.

Deuxièmement, je reviens à une des observations que j'ai faites dans mon exposé à propos de ceux qui courent les risques, de ceux qui récoltent les profits et de ceux qui décident. À mon avis, c'est une question très compliquée en particulier tout ce qui touche à la propriété intellectuelle et aux brevets. Je ne crois pas qu'on puisse trancher. Il faut en discuter et en débattre beaucoup plus tout comme on discute actuellement d'étiquetage et de sensibilisation du public.

En ma qualité de représentante des consommateurs, j'ai toujours cru qu'il serait très, très difficile de faire uniquement le travail que je fais en tant que représentante de l'ACC et de circonscrire mon point de vue à l'intérêt du consommateur uniquement sans en analyser les retombées sur les agriculteurs. Quelles en seront les répercussions sur les transformateurs, sur les distributeurs et sur les détaillants? Je ne crois pas qu'on puisse isoler chaque groupe. C'est un système global et je crois que tout contribue à ce système.

Si on effectue un changement au niveau de l'exploitation agricole, on va, par ricochet, créer un changement ou une participation ou un impact au niveau du consommateur. Cela fait boule de neige. Je crois qu'il faut analyser toutes les répercussions éventuelles sur chaque groupe ainsi que tous les chaînons du système de distribution alimentaire et de la chaîne alimentaire.

Je suis convaincue que si on fait quelque chose de foncièrement injuste pour le producteur ou le transformateur, cela sera nécessairement injuste pour le consommateur car c'est lui qui finira par en payer le prix. Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.

M. Jake Hoeppner: En fait, beaucoup se sont plaints du coût des intrants—qu'ils sont réglementés, qu'il n'existe aucune concurrence entre les compagnies pétrolières ou les compagnies d'engrais—et que l'agriculteur doit en assumer les frais. Cependant cet agriculteur ne dispose d'aucun moyen de répercuter ces frais sur le grossiste ou sur le consommateur.

Il faut qu'il y ait un mécanisme quelconque. Il y a un peu plus d'un an, un témoin américain nous a dit que si le gouvernement canadien n'imposait pas de règlements ou n'adoptait pas de loi renforçant la Loi sur les coalitions, afin de réduire les—comment appelle-ton cela?—coalitions engagées par certains conglomérats et le contrôle des prix, l'agriculture ne serait plus un mode de vie viable et il deviendrait impossible d'exploiter une ferme.

Sachez que le revenu moyen d'un agriculteur au Manitoba est de 8 000 $. Cela représente la moitié du seuil de pauvreté. Quelle va en être l'issue?

Mme Christine Mitchler: Je crois qu'il s'agit là surtout d'une question d'ordre agricole en général. Cela ne relève manifestement pas de mon mandat de représentante des consommateurs sur les questions alimentaires. Je ne pense pas que je puisse vous donner une réponse concrète. C'est une question d'ordre agricole qui ne tient pas seulement à la biotechnologie mais à l'industrie agricole dans son ensemble.

M. Jake Hoeppner: Cela ne fait-il pas partie de la sensibilisation du public, des communications?

• 1225

Mme Nathalie St-Pierre: À ce propos, et pour répondre également à ce que vous disiez tout à l'heure, si les producteurs deviennent de plus en plus les otages des entreprises qui fabriquent les semences, les pesticides, les herbicides et ainsi de suite, nous aurons effectivement l'impression que la concurrence est moins sévère ce qui entraînerait, et c'est inévitable, une hausse du prix des produits alimentaires.

Le recours à la biotechnologie exacerbe vraisemblablement ce problème car les agriculteurs et les producteurs dépendent de plus en plus de ces technologies qui sont offertes par un très petit nombre de fabricants. C'est inquiétant et pour y remédier...

M. Jake Hoeppner: C'est la première fois que j'entends quelqu'un l'admettre. Ce que je pense depuis longtemps c'est que plus les techniques évoluent, plus nous produisons et plus nous sommes lésés.

Mme Nathalie St-Pierre: Et si...

Le président: Je dois passer la parole à quelqu'un d'autre.

Madame Alarie.

[Français]

Mme Hélène Alarie: J'aimerais un peu corriger votre perception, madame Mitchler. En fait, j'ai rapporté ce que j'ai entendu ce matin. Dans les groupes de discussion, on disait que la confiance dans les institutions était faible. Je ne faisais que reprendre les paroles que j'avais entendues.

Ma question s'adresse au docteur Surgeoner. La trousse dont vous disposez est-elle publique? Est-ce qu'on peut en obtenir une? Je serais curieuse de connaître les renseignements qu'il y a là-dedans.

[Traduction]

M. Gord Surgeoner: Chris, avez-vous remis un exemplaire de la trousse au comité?

Mme Christine Mitchler: Les révisions ne sont pas encore terminées.

Le président: Pourriez-vous en remettre une au greffier lorsqu'elle sera terminée? Nous la distribuerons ensuite aux membres du comité.

M. Gord Surgeoner: Oui.

Mme Christine Mitchler: Elle ne sera peut-être pas prête avant fin mai, début juin. Je reçois encore des observations à ce sujet de l'ACC. Je crois que nous en sommes à la deuxième ou à la troisième version.

Mme Hélène Alarie: Merci.

Le président: Monsieur Harvard.

M. John Harvard: Nous avons abordé cette question de biotechnologie sous divers angles, si je peux m'exprimer ainsi. Plusieurs intervenants ont dit que l'information, lorsqu'il s'agit de biotechnologie, est parfois rare, parfois trompeuse ou même parfois carrément fausse.

Mon ami manitobain, M. Hoeppner—évidemment, je viens du Manitoba également—disait que lorsque ses enfants étaient petits, ils prêtaient davantage attention aux annonces publicitaires à la télévision qu'à l'émission elle-même. C'est une observation très juste, mais nous devons garder à l'esprit que les ressources sont à un état critique. Les principaux commanditaires, nationaux et internationaux, ont les ressources financières voulues pour consacrer des centaines de milliers de dollars, parfois même des millions de dollars, à la préparation d'une minute de matériel. Une minute de publicité peut coûter des centaines de milliers de dollars, voire des millions. Mais les producteurs, les réseaux de télévision n'ont pas ces sommes à leur disposition. Donc les ressources sont critiques.

Il est intéressant de noter que dans ce pays, le seul réseau qui ait les ressources financières à peu près suffisantes pour offrir des renseignements de ce genre est la Société Radio-Canada car elle est financée par les deniers publics et qu'elle a pour mandat de raconter le Canada et ce qui s'y passe. Oui, c'est bien M. Hoeppner et son parti qui veulent détruire la Société Radio-Canada. Intéressant, n'est-ce pas?

M. Jake Hoeppner: Nous voulons seulement la privatiser, John.

M. John Harvard: Oui, pour en faire un réseau comme les autres réseaux qui n'ont pas les ressources voulues pour diffuser l'information. Intéressant.

Je voudrais poser une question à Mme Einseldel. Je crois vous avoir entendu dire lorsque vous faisiez allusion au tableau à l'écran qu'un lien devait peut-être être établi entre l'adoption par le public de la technologie et le soutien des institutions publiques.

• 1230

Je m'interroge car je connais beaucoup de gens dans la vie publique qui sont tout à fait disposés à accepter la technologie en vue de multiplier les bénéfices, de faire beaucoup d'argent, de rendre le pays plus compétitif tout en décriant les institutions publiques chaque fois qu'ils le peuvent. Je vais peut-être même m'en prendre de nouveau à mon ami, M. Hoeppner.

Une voix: Laissez-le tranquille quelques instants.

M. John Harvard: D'accord, mais lorsqu'on est membre de ce genre de parti, on s'expose aux critiques.

Quoi qu'il en soit, pensez-vous réellement qu'il existe un lien entre ces deux phénomènes? J'en doute, mais j'essaie d'avoir l'esprit ouvert, comme l'a suggéré notre ami là au bout de la table.

Mme Edna Einseldel: De nombreux facteurs déterminent le degré d'adoption d'une technologie donnée. Je ne dis pas que faire confiance aux institutions publiques soit le seul facteur qui contribue à expliquer l'adoption d'une technologie. Il se peut fort bien que parfois on ait confiance en une institution mais qu'on n'accepte pas une technologie. Le contraire est tout aussi vrai. Tout ce que je dis, c'est qu'il existe un lien entre la confiance placée dans les institutions publiques et le degré d'adoption d'une technologie, mais que cela n'est pas le seul facteur.

M. John Harvard: J'ai une dernière question à poser. Pensez-vous, comme M. Mausberg, que si la biotechnologie est davantage acceptée sur ce continent qu'en Europe, c'est parce que nous, en Amérique du Nord, avons été les chefs de file dans ce secteur et que cette industrie a été davantage promue ici qu'en Europe?

Mme Edna Einseldel: Oui, c'est le cas en Amérique du Nord. Il est certain que les premiers produits de la biotechnologie ont été commercialisés sur le marché américain. Ce pays a également connu les premières attaques de consommateurs contre les produits biotechnologiques. Le fait que ces produits soient beaucoup promus ne représente qu'un facteur parmi d'autres.

Il ne fait non plus aucun doute que l'Amérique du Nord a été la première à fabriquer ces produits. Ils ont été bien accueillis au Canada peut-être aussi parce que notre économie est axée sur les ressources. On a parlé des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard. Je suppose qu'en Saskatchewan, la même chose vaut pour le blé, par exemple. Voilà un autre facteur dont il faut tenir compte pour expliquer pourquoi ces produits sont davantage acceptés ici.

Les groupes d'intérêt ne sont pas aussi visibles et ce pourrait être un troisième facteur. Nous n'avons pas ici de Jeremy Rifkin qui commande l'attention des médias. Il faut donc tenir compte de plusieurs facteurs. En Allemagne, par exemple, le parti des Verts est institutionnalisé et peut avancer des idées dans un contexte institutionnel qui n'existe pas dans d'autres pays.

M. John Harvard: Et qui veut porter le prix de l'essence de 4 $ le gallon à 8 $ le gallon.

Le président: Il ne nous reste plus de temps, mais j'aimerais poser une toute petite question. Mme Ur voudrait en poser une également.

Voulez-vous poser votre question la première, madame Ur?

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): C'est malheureux que nous n'ayons plus de temps. Je voudrais faire deux observations.

Mme St-Pierre a fait remarquer que si les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement les protège... Et je ne sais pas si c'est une bonne chose ou pas. Qu'entendez-vous par là? Qui a créé cette méfiance ou comment est-elle née?

Deuxièmement, je crois que c'est M. Surgeoner qui a dit que le public ne s'intéresse à l'information qui existe qu'à partir du moment où un produit le touche personnellement. Je suis tout à fait d'accord.

Peut-être n'avons-nous pas pleinement abordé l'aspect des communications. La biotechnologie n'a rien de nouveau. Je crois que les consommateurs la considèrent comme une nouvelle technologie et, comme pour toute chose neuve, ils sont appréhensifs. Alors, on utilisant nos vastes compétences en matière de communication, pourquoi ne leur explique-t-on pas l'historique de la biotechnologie comme l'insuline, par exemple, ainsi que ses effets bénéfiques? Nous ne leur présentons que ce qui se passe au jour le jour. Pourquoi ne pas revenir en arrière et en exposer les vertus pour qu'ils l'acceptent?

M. Gord Surgeoner: C'est précisément ce que nous faisons. Mais je suis d'accord pour dire que nous sommes en train de faire un bond en avant. Dans la trousse destinée au consommateur, nous utilisons les exemples du pain et du vin et nous disons que nous nous servons des technologies du passé pour en développer de nouvelles.

• 1235

J'aimerais faire une observation importante, monsieur le président. Nous entendons ad nauseam l'expression «un produit de la biotechnologie». Je voudrais que le comité en comprenne bien la complexité.

Au ministère de l'Industrie, nous avons beaucoup discuté de l'étiquetage des produits issus de la biotechnologie. Quelqu'un a dit que McDonald prétendait ne pas vendre de produits issus de la biotechnologie, mais c'est là où la question reste posée.

McDonald achète du boeuf et du poulet canadiens nourris vraisemblablement au maïs et au soja que nous faisons croître en Ontario et qui sont des produits issus de la biotechnologie. Peut-on dire dans ce cas que ce poulet et ce boeuf sont désormais des produits issus de la biotechnologie?

Tout le fromage, ou du moins 60 à 70 p. 100 du fromage, a de la chymosine pour produire la présure qui permet de fabriquer le fromage lui-même. Votre hamburger au fromage est-il dorénavant un produit issu de la biotechnologie?

Il est vraisemblable que l'huile de friture utilisée pour faire cuire vos frites ait été de l'huile de colza. Pour ne parler que de l'huile de friture et non pas de la pomme de terre de l'Île-du-Prince-Édouard, peut-on dire que ce produit est issu de la biotechnologie?

Ensuite, la cannette de Coke contrarie vraiment les gens. En Ontario, le fructose est fabriqué à partir du maïs qui en est la deuxième source d'utilisation. Donc, nous prenons ce maïs, nous en faisons du fructose et nous le versons dans une cannette de Coke. Ce Coke est-il un produit issu de la biotechnologie?

Alors vous voyez tout d'un coup à quel point ce problème est complexe lorsqu'on l'examine sous l'angle du McDonald ou du Wendy's du coin.

Le président: Je vous remercie infiniment.

Voici la petite question que je voulais vous poser. Quelqu'un issu de votre université m'a dit récemment que les nutritionnistes seront bientôt plus importants que les médecins car nous vivons plus longtemps. Nous ajoutons trois ou quatre ans à chaque génération, malgré les pesticides et les produits chimiques et même malgré la biotechnologie.

Madame Ryan-Harshman, vous êtes vous-même nutritionniste et vous avez fait des études pour de grosses entreprises. Pensez-vous vraiment que la médecine préventive deviendra plus importante que la guérison des maladies?

Mme Milly Ryan-Harshman: Absolument. La tendance est manifeste et c'est ce que Paul Mayers disait en partie ce matin à propos des aliments fonctionnels: seront-ils considérés comme des produits alimentaires nouveaux ou comme des médicaments? Ce secteur ne fait que naître. Au cours des 15 à 20 prochaines années, un certain nombre de produits seront commercialisés et pourront aussi bien être des médicaments que des produits alimentaires.

Je vais vous donner un exemple très concret. Au cours des dernières années, le lycopène dans les tomates a fait l'objet de nombreuses recherches du fait de son aptitude à réduire l'incidence du cancer de la prostate, par exemple. Il est possible de fabriquer un supplément qui serait donné à ceux qui courent le risque d'avoir un cancer de la prostate afin de réduire ce risque; or, ce supplément pourrait être considéré, selon les définitions actuelles, comme un aliment fonctionnel ou comme un supplément médicamenteux.

Cependant, grâce à la biotechnologie, il est également possible d'introduire les gènes d'encodage des protéines qui fabriquent les enzymes qui fabriquent elles-mêmes le lycopène, qui, soit dit en passant, est le pigment rouge de la tomate, pour qu'on puisse avoir du brocoli, par exemple, qui contienne du lycopène. Ainsi le brocoli, qui renferme déjà d'importants produits phytochimiques qui permettent de lutter contre le cancer, serait encore meilleur pour la santé et de plus profiterait à ceux qui n'aiment pas les tomates. Celles-ci représentent sans doute la première source de lycopène dans le régime alimentaire de la plupart des gens. Il existe d'autres sources, comme la pastèque, mais ce fruit est plutôt un fruit saisonnier.

Alors absolument, le potentiel ne manque pas. Il faudra consacrer davantage de ressources à la sensibilisation du public. Comme je l'ai toujours dit lorsque j'étais hygiéniste alimentaire public, donnez-moi des sous et je le ferai.

Le président: Bien.

Une voix: Montrez-moi les sous.

Mme Milly Ryan-Harshman: Effectivement, montrez-moi les sous.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Je vous remercie tous infiniment. C'était fort intéressant. Merci de votre participation.

La séance est levée.