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OGGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 25 mars 2003




Á 1105
V         Le vice-président (M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.))
V         M. Michael Nurse (sous-ministre délégué et champion ministériel pour les cadres intermédiaires de la fonction publique, ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         M. Michael Nurse
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         Mme Linda Duxbury (professeure, School of Business, Université Carleton, directrice de la recherche, Centre for Research and Education on Women and Work, À titre individuel)

Á 1110
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne)

Á 1115
V         M. Michael Nurse
V         Mme Linda Duxbury

Á 1120
V         M. Paul Forseth
V         M. Michael Nurse
V         M. Paul Forseth
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         Mme Linda Duxbury

Á 1125
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         M. Odina Desrochers (Lotbinière—L'Érable, BQ)
V         M. Michael Nurse
V         M. Odina Desrochers
V         M. Michael Nurse
V         M. Odina Desrochers
V         M. Michael Nurse

Á 1130
V         M. Odina Desrochers
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Odina Desrochers
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Odina Desrochers
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Odina Desrochers
V         M. Michael Nurse

Á 1135
V         M. Odina Desrochers
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)
V         M. Michael Nurse
V         M. Roy Cullen
V         M. Michael Nurse
V         M. Roy Cullen
V         M. Michael Nurse
V         M. Roy Cullen
V         Mme Linda Duxbury

Á 1140
V         M. Roy Cullen
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Roy Cullen
V         M. Michael Nurse

Á 1145
V         Mme Linda Duxbury
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne)
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Ken Epp
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Ken Epp

Á 1150
V         M. Michael Nurse
V         Mme Linda Duxbury
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)
V         M. Michael Nurse
V         M. Paul Szabo
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Paul Szabo

Á 1155
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Paul Szabo
V         M. Michael Nurse
V         M. Paul Szabo
V         M. Michael Nurse
V         M. Paul Szabo
V         M. Michael Nurse

 1200
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         Mme Linda Duxbury
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ)
V         Mme Linda Duxbury

 1205
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         M. Michael Nurse
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.)
V         M. Michael Nurse

 1210
V         Mme Judy Sgro
V         M. Michael Nurse
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         M. Michael Nurse
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         Mme Linda Duxbury
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         M. Paul Forseth

 1215
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Paul Forseth
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Paul Forseth
V         Mme Linda Duxbury

 1220
V         M. Paul Forseth
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Michael Nurse
V         M. Paul Forseth
V         M. Michael Nurse
V         Mme Linda Duxbury
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)
V         M. Michael Nurse

 1225
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Carolyn Bennett
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Carolyn Bennett

 1230
V         Mme Linda Duxbury
V         Ms. Carolyn Bennett
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Carolyn Bennett
V         M. Michael Nurse
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Carolyn Bennett
V         Mme Linda Duxbury
V         Mme Carolyn Bennett
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Michael Nurse
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         M. Robert Lanctôt

 1235
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Michael Nurse

 1240
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)
V         M. Paul Szabo
V         M. Michael Nurse
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Paul Szabo

 1245
V         Mme Linda Duxbury
V         Le vice-président (M. Tony Valeri)










CANADA

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


NUMÉRO 024 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 mars 2003

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le vice-président (M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.)): La séance est ouverte. Nous reprenons notre étude du projet de loi C-25, Loi modernisant le régime de l'emploi et les relations de travail dans la fonction publique, modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le Centre canadien de gestion et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois.

    Je souhaite la bienvenue à M. Michael Nurse, sous-ministre délégué et champion de la collectivité des cadres intermédiaires, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, ainsi qu'à Mme Linda Duxbury, professeur, School of Business, Université Carleton, directrice de la recherche, Centre for Research and Education on Women and Work. Je vous remercie d'avoir bien voulu venir pour nous aider dans notre étude du projet de loi C-25.

    Monsieur Nurse, vous avez la parole.

+-

    M. Michael Nurse (sous-ministre délégué et champion ministériel pour les cadres intermédiaires de la fonction publique, ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Sachant que votre comité a un emploi du temps chargé, je m'en tiendrai à de brefs commentaires. Je vous remercie tout d'abord de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant votre comité. Pour gagner du temps, je vais vous remettre le texte de mon mémoire.

    Comme on l'a dit, je suis le champion—ou si vous voulez le porte-parole—d'un groupe de cadres intermédiaires du gouvernement fédéral. Il s'agit d'environ 40 000 cadres qui gèrent un budget ou des ressources humaines en-deçà du seuil correspondant au niveau de cadre supérieur au gouvernement fédéral. On m'a demandé d'être leur porte-parole et je désire avant tout renforcer la collectivité des cadres pour aider le gouvernement à atteindre son objectif de renouveler la fonction publique.

    En gros, mon rôle consiste à offrir un leadership et à servir d'intermédiaire pour les décideurs afin de faciliter ce changement. Les cadres intermédiaires jouent un rôle essentiel. Ce sont les gens qui travaillent dans votre circonscription et qui veillent tous les jours au bon fonctionnement de l'administration publique. Ils assument une lourde charge de travail, dans un milieu en constante évolution. Je souhaite évidemment, comme bien d'autres, qu'ils obtiennent le plus de soutien possible.

    Le projet de loi prévoit une plus grande souplesse dans la dotation et la gestion des effectifs, tout en renforçant les garanties déjà en place pour protéger contre l'abus de pouvoir et pour maintenir l'impartialité de la fonction publique. Il prévoit également la formation à tous les niveaux, ce qui est important à mon avis, car il faut privilégier la formation et l'apprentissage pour entretenir la compétence de ces cadres. Le perfectionnement professionnel est très important de toute façon, et le projet de loi va dans ce sens.

    Un autre élément qui me semble extrêmement important et qui peut jouer un rôle considérable est le dialogue entre les cadres et les agents négociateurs, qui représentent une grande proportion de fonctionnaires. Par ailleurs, les cadres intermédiaires assument une charge de travail très lourde. En tant que sous-ministre délégué, j'ai été à même de constater personnellement les énormes avantages qu'il y a à travailler avec les agents négociateurs pour élaborer ensemble certaines mesures. D'après les sondages menés auprès des employés, ceux-ci font beaucoup confiance aux cadres intermédiaires qui travaillent étroitement avec eux et qui dépendent beaucoup d'eux également.

    Voilà donc, dans les grandes lignes, la situation des cadres intermédiaires. Je veux les aider autant que possible dans leurs efforts qui contribuent à l'excellence de notre fonction publique.

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci.

    Monsieur Nurse, j'aimerais avoir l'assentiment des membres du comité pour que votre mémoire puisse figurer au compte rendu.

    Des voix: D'accord.

+-

    M. Michael Nurse: Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité, bonjour.

    J'aimerais d'abord vous remercier de me permettre d'exprimer mon point de vue sur le projet de loi C-25 et son incidence sur les cadres de la fonction publique. En tant que champion de la collectivité des cadres intermédiaires, je désire avant tout renforcer la collectivité des cadres pour aider le gouvernement à atteindre les objectifs de renouvellement de la fonction publique. Mon rôle est d'offrir un leadership et de servir d'intermédiaire pour les décideurs afin de faciliter ce changement.

    Les cadres intermédiaires font partie intégrante de la revitalisation de la fonction publique fédérale. Ils y jouent un rôle particulier. Dans notre monde en constante évolution, ils concilient vision et action, c'est-à-dire qu'ils font ce qu'il faut pour concrétiser l'orientation stratégique fixée par les cadres supérieurs. Pour y arriver, le cadre doit privilégier le travail d'équipe, le leadership et le partenariat. Il doit travailler de concert avec toutes les parties intéressées. Les cadres intermédiaires se confinent de plus en plus dans des rôles de facilitateur, de champion de l'innovation et d'architecte de partenariats. Mais, en ce moment, ils sont surmenés et ont désespérément besoin de renfort. Le travail est devenu plus complexe et rapide; il faut faire preuve davantage d'innovation, collaborer avec tous les ministères et les organismes et créer des partenariats avec les autres ordres de gouvernement. Le rythme accéléré auquel se produisent les changements s'explique par la mondialisation et les progrès technologiques. D'ailleurs, cet environnement changeant pose tout un défi à la fonction publique. Il mettra sans cesse à l'épreuve la capacité d'innovation de la fonction publique fédérale en soulignant l'importance de disposer d'un effectif souple et ayant de bonnes facultés d'adaptation.

    Les cadres intermédiaires sont à un niveau où ils peuvent communiquer de façon ascendante, descendante et horizontale afin d'assurer la coopération nécessaire entre les organisations. Malheureusement, ils ont peine à accomplir leurs tâches en ce moment. Les cadres sont essentiels dans cet environnement en constant changement; nous avons besoin d'eux et ils ont besoin de notre aide. La valeur des cadres est bien reconnue dans la fonction publique. Tous les sous-ministres s'entendent pour dire que les cadres intermédiaires sont les principaux acteurs d'une fonction publique moderne et stratégique, qu'ils sont les leaders ayant le potentiel de vraiment contribuer à l'atteinte des objectifs. Il faut reconnaître leur travail de gestion des ressources humaines et leurs efforts pour améliorer le milieu de travail de leurs employés.

    De nos jours, l'un des principaux défis de la gestion des ressources humaines est de garder ces bons employés. Dans le discours du Trône de janvier 2001, le gouvernement s'est dit déterminé à aller au bout des réformes nécessaires pour que la fonction publique fasse preuve d'innovation et de dynamisme, à l'image de la diversité canadienne. Elle sera ainsi en mesure d'attirer, de développer et de maintenir les talents nécessaires pour servir la population canadienne.

    Les cadres intermédiaires ont besoin d'outils, de systèmes et de processus pour gérer. Ils ne peuvent attendre six mois pour trouver les bonnes personnes pour accomplir le travail. Ils ont besoin de gens qualifiés le plus tôt possible. Le projet de loi C-25 offre davantage de flexibilité dans la dotation et la gestion des ressources humaines, tout en renforçant les garanties maintenant en place pour nous protéger de l'abus de pouvoir et pour maintenir une fonction publique impartiale et compétente. Une nouvelle approche axée sur le mérite permettra aux cadres de nommer rapidement des gens, quand et où ils en ont besoin. La fonction publique a besoin de cela. En ce moment, la «course aux talents» avec le secteur privé et les autres gouvernements est intense, mais elle s'intensifiera davantage à mesure que le marché du travail se resserrera. Nous devons favoriser une fonction publique qui est à la fois stimulante et dynamique, où les cadres intermédiaires peuvent parfaire et appliquer leur éventail de compétences.

    Le projet de loi C-25 prévoit une formation et un apprentissage plus cohérents afin d'aider les employés à se perfectionner et à mieux répondre aux besoins de la fonction publique. Grâce à la loi proposée, les cadres intermédiaires pourraient assumer plus de responsabilités et accroître leurs capacités. Autrement dit, on leur déléguerait plus de responsabilités et ils auraient le pouvoir de prendre des risques dans un contexte raisonnable, afin de résoudre les problèmes dès qu'ils se présentent plutôt que de les reléguer à un autre niveau. Il incombera aux cadres d'apprendre à bien s'acquitter de leurs nouvelles responsabilités, tout en respectant un ensemble de valeurs et de principes éthiques.

    Le projet de loi sur la modernisation de la fonction publique jette également les bases nécessaires à des relations patronales-syndicales plus constructives et coopératives, dans le but de créer un milieu de travail sain, qui favorise la productivité et qui attire, maintient et perfectionne les gens dont la fonction publique a besoin. La loi proposée ouvrirait la voie à un dialogue plus constructif entre les cadres et les agents de négociation qui représentent plus de 85 p. 100 des fonctionnaires. Elle améliorerait les négociations collectives grâce à une meilleure médiation et à des méthodes plus souples de règlement des différends.

    La Loi sur la modernisation de la fonction publique nous donne les outils nécessaires pour mettre en oeuvre un changement qui s'impose. Il s'agit de la première réforme législative à grande échelle de la gestion des ressources humaines en plus de 35 ans. Avec la mondialisation et les changements technologiques, il est inutile de dire que le système actuel est lourd et dépassé. Cette modernisation améliorera l'efficacité de la fonction publique afin de mieux répondre aux besoins des Canadiens en ce XXIe siècle. Notre objectif maintenant est de continuer à bâtir une collectivité de cadres qui ont la compétence, la confiance et l'enthousiasme nécessaires pour guider la fonction publique dans ses orientations futures. Nous avons accompli d'énormes progrès, et je suis convaincu que ce n'est qu'un début.

    Monsieur le président, merci de votre attention. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci.

    Madame Duxbury.

+-

    Mme Linda Duxbury (professeure, School of Business, Université Carleton, directrice de la recherche, Centre for Research and Education on Women and Work, À titre individuel): Je vous remercie.

    On m'a indiqué le sujet sur lequel je devais me concentrer. Je ne serai naturellement pas aussi brève que Mike, mais mon témoignage sera un peu plus court que la dernière fois. Il aura également un éclairage un peu différent.

    Je me spécialise dans les secteurs suivants: gestion de la nouvelle main-d'oeuvre, gestion des travailleurs du savoir et des professionnels, promotion du bien-être au travail, gestion du changement et conciliation travail-famille. Je témoigne à titre de personne de l'extérieur, car je ne suis pas et je n'aspire pas à devenir fonctionnaire. Comme je me fonde sur des données, je suis tout à fait impartiale. En 1991, nous avons mené une étude canadienne sur la conciliation travail-famille et le stress. Nous avons interrogé plus de 15 000 fonctionnaires. Nous avons également réalisé une étude financée par Santé Canada en 2001, dans laquelle nous avons interrogé 33 000 Canadiens, dont 7 000 étaient des fonctionnaires fédéraux. Ayant participé à ces deux études, je suis en mesure de comparer les attitudes, les charges de travail, etc. à la fonction publique à différents moments. Je peux également comparer le secteur privé et le secteur des organisations sans but lucratif, c'est-à-dire la santé et l'éducation, par type d'emploi. Tout cela me permet de tirer des conclusions solidement étayées sur la charge de travail de vos effectifs, leur façon de penser, etc. Nous avons également réalisé des études de grande envergure en 1999 et 2001 sur le cheminement professionnel à la fonction publique et dans le secteur de la haute technologie. Mes propos porteront essentiellement sur les travailleurs du savoir, domaine que je connais très bien. Au fil des ans, j'ai travaillé auprès de différents ministères et entreprises, ce qui m'a permis de bien connaître ces milieux de travail.

    Quelles conclusions ai-je tirées? Vous avez d'excellents effectifs, des gens très dévoués et très loyaux qui cependant se sentent sous-évalués par la population canadienne qu'ils desservent. Dans beaucoup de cas, ils estiment que les médias ne les comprennent pas et présentent d'eux une image fausse. Le projet de loi est très important, mais son importance ne tient pas surtout à ce qu'il contient mais plutôt à ce qu'il symbolise: vous, qui êtes l'élément politique de l'administration publique, reconnaissez que les systèmes ne fonctionnent plus, que les paroles ne suffiront pas pour le réparer et que des changements fondamentaux s'imposent.

    Je ne vais pas entrer dans les détails du projet de loi, bien qu'il s'agisse de mesures nécessaires et que c'est un minimum. Je voudrais vous faire une mise en garde: ce projet de loi ne donnera les résultats escomptés que s'il s'agit du début d'un processus de changement et non pas du changement lui-même. Il ne faut pas se contenter d'adopter une loi et penser qu'on a fait quelque chose pour les fonctionnaires, qu'ils en seront reconnaissants et que les choses vont s'améliorer dorénavant. Le projet de loi n'est pas un remède miracle, ce n'est que le début d'une démarche qui sera longue et ardue, parce que pour remédier au problème qui afflige actuellement la fonction publique, il faut un changement de mentalité.

    Quand j'ai témoigné devant le comité précédent, on m'a demandé combien il faudrait de temps pour corriger la situation. Est-ce que six mois suffiraient? J'ai répondu non, il faudra probablement 10 ans. Incrédules, il m'ont demandé si j'estimais que l'on n'avait pas du tout avancé malgré tout ce qui avait été fait. J'ai répondu non, après tout ce qui a été fait, vous avez reculé, si bien qu'il faudra encore quelques années pour arriver au point de départ prévu, pour que les gens vous fassent confiance. Au cours des 20 ou 30 dernières années, les fonctionnaires ont assisté à plusieurs tentatives de changement avortées, qui les ont rendus extrêmement sceptiques. Le projet de loi C-25 est important parce qu'il montre que cette fois, c'est sérieux.

    J'aimerais également souligner qu'il s'agit d'un changement de culture, de mentalité, n'étant pas fonctionnaire, je perçois les politiciens comme faisant partie de la culture de la fonction publique. Au cours des prochaines années, c'est non pas ce que vous direz mais ce que vous ferez qui sera déterminant pour le renouvellement de la fonction publique. Il faut par ailleurs savoir que si on ne fait rien, cela aura des coûts énormes, qui se traduiront par l'augmentation de la consommation de médicaments d'ordonnance, l'absentéisme et la démotivation chez les fonctionnaires. Vous aurez aussi du mal à recruter et à garder de bons éléments à la fonction publique. Et si vous n'arrivez pas à le faire, ni vous ni la population canadienne n'obtiendrez les services que vous souhaitez et dont vous avez besoin.

    Merci.

Á  +-(1110)  

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci.

    Monsieur Forseth.

+-

    M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui.

    Monsieur  Nurse, à la page 4 de votre mémoire, vous dites «Le projet de loi C-25 offre davantage de flexibilité dans la dotation et la gestion des ressources humaines, tout en renforçant les garanties maintenant en place pour nous protéger de l'abus de pouvoir et pour maintenir une fonction publique impartiale et compétence». Vous dites que la nouvelle approche permettrait aux cadres de recruter rapidement. Vos propos vont dans le sens de justifications que nous avons entendues relativement aux dispositions relatives aux nominations fondées sur le mérite, qui figurent à la page 124 du projet de loi. Par ailleurs, Mme Linda Duxbury a fait mention du stress et de la culture de la fonction publique. Je me demande comment le fait de remettre en cause le principe du mérite pourrait améliorer la culture. Le mérite ne sera pas toujours reconnu et il pourra jouer un rôle ou non dans les concours, parce que selon la définition qui figure dans le projet de loi, la commission doit nommer non pas que la personne qui est la plus compétente, mais bien celle qui possède les qualifications essentielles. 

    Pour que la culture s'améliore, les employés doivent se sentir appréciés. Comment pouvons-nous leur témoigner cette appréciation, autrement que de façon symbolique en leur donnant une tasse ou un certificat ou en leur décernant le titre d'employé du mois? Il faut reconnaître l'excellence et le mérite et montrer qu'on y attache de l'importance. Il faut reconnaître le mérite de ceux qui essaient de s'améliorer, valoriser leurs réalisations et non pas seulement le fait d'appartenir à un groupe quelconque.

    J'aimerais qu'on aborde expressément la définition du mérite qui figure dans le projet de loi. Cette définition contribuera peut-être à la souplesse dont vous avez parlé, monsieur Nurse, mais elle risque d'aggraver directement les difficultés de culture auxquelles Linda Duxbury a fait allusion.

Á  +-(1115)  

+-

    M. Michael Nurse: Vous soulevez une question très importante et d'une grande portée, mais j'essayerai d'être aussi précis que possible. Je vais me fonder sur mes nombreuses années d'expérience de fonctionnaire et de gestionnaire, mais également à titre de porte-parole de ces cadres intermédiaires, rôle que je joue depuis peu, mais qui m'a amené à échanger beaucoup avec eux.

    Les cadres intermédiaires sont en train d'étouffer dans le système actuel. Ils font de leur mieux, et sont extrêmement dévoués, comme le sont tous les autres fonctionnaires, ils travaillent très fort. Ils évoluent dans un milieu très complexe et doivent assumer une charge de travail colossale. Je ne sais pas si on comprend bien à quel point cette charge de travail les écrase. Il s'agit d'offrir à ces gens toute l'aide qu'il est humainement possible de leur donner. C'est extrêmement important. Vous avez évoqué le fait de donner une tasse ou une poignée de mains, mais croyez-moi, n'importe quoi serait apprécié. Certains changements précis sont proposés, mais il est extrêmement important, sur le plan psychologique, de reconnaître qu'il faut également répondre aux besoins psychologiques de cette catégorie d'employés, les cadres intermédiaires.

    Je sais que la question du mérite est épineuse, mais pour simplifier, je dirais qu'il s'agit en fait de permettre aux gestionnaires de recruter le plus efficacement possible la personne la mieux qualifiée. Ils sont très compétents à cet égard et pour que le travail soit fait, ils doivent recruter le meilleur candidat. C'est ce qu'ils tâchent de faire. Or, à l'heure actuelle—et ce n'est pas la faute de qui que ce soit—, ils sont aux prises avec un processus très difficile, auquel différentes conditions et différents critères ont été greffés au fil des ans. Il faut donc essayer de simplifier le processus tout en préservant la reconnaissance du mérite et en instaurant des mesures susceptibles de prévenir les abus; autrement dit, si quelqu'un abuse de son pouvoir, il faut le reconnaître et remédier au problème. À cet égard, on veut travailler en collaboration avec les syndicats qui ont intérêt à ce que l'administration publique fonctionne bien.

    Grâce à tous ces éléments, on fera savoir à ce groupe d'employés très importants qu'ils pourront recruter les candidats les plus compétents, ce qu'ils souhaitent. On leur donnera la formation nécessaire, on leur demandera de collaborer avec leurs collègues et avec les syndicats pour atteindre cet objectif et mettre en place les mécanismes nécessaires pour prévenir les abus. Il en existe déjà d'excellents, ce qui est très important, mais il faut communiquer ce message aux cadres intermédiaires, qui se montreront empressés de vous aider. Voilà certaines des mesures à prendre, mettons-les à l'essai. Les mesures proposées par le projet de loi sont valables à mon avis et ressemblent beaucoup aux propositions qui ont été faites dans les centaines de réunions que nous avons organisées.

    La définition contenue dans le projet de loi a suscité beaucoup de réserve, mais il s'agit pour les cadres de trouver le meilleur candidat, sachant que s'ils ne respectent pas les valeurs mises de l'avant à la fonction publique, ils en subiront les conséquences. En attendant, il faut leur manifester une certaine ouverture, les soulager des formidables pressions qu'ils subissent en ce moment. C'est de cela qu'il s'agit essentiellement.

+-

    Mme Linda Duxbury: Je trouve votre question intéressante, parce qu'elle laisse entendre qu'à l'heure actuelle les fonctionnaires estiment que le recrutement se fait en fonction du mérite, mais beaucoup d'entre eux ne sont pas de cet avis. La définition du principe du mérite à la fonction publique est fort confuse et elle est assujettie à une multitude de conditions. On recrute le candidat le plus méritant, parmi ceux qui habitent dans cette zone, qui parlent cette langue, qui font partie de ce groupe ethnique ou autre, etc. Cela nous ramène à la culture de l'organisation. Dans bien des cas, les modalités de recrutement actuelles ne font que confirmer pour bien des gens que le candidat le plus méritant n'obtient pas l'emploi. Il ne faudrait pas croire que les pratiques actuelles relatives au principe du mérite sont les pratiques exemplaires, parce que c'est faux.

Á  +-(1120)  

+-

    M. Paul Forseth: D'accord.

    Monsieur Nurse, vous avez dit que les fonctionnaires suffoquent, qu'ils croulent sous une énorme charge de travail. Vous évoquiez peut-être aussi le temps qu'il faut pour mener un concours à terme. D'après certains témoins que nous avons entendus, cela peut prendre un an ou même plus. Vous avez également mentionné les pressions qui s'exercent de façon générale sur les employés. Or, ce sont tous là des problèmes administratifs, auxquels il faudrait trouver une solution administrative. Pourquoi devrions-nous remettre en question un principe établi depuis 100 ans pour alléger la charge de travail, écourter les délais de réalisation des concours ou autre chose de ce genre. Il faut régler ces problèmes par des moyens administratifs. S'il y a trop de travail, il faut augmenter les effectifs ou redéfinir les tâches. Quant à moi, je ne veux pas que, sous prétexte de régler des difficultés administratives, on dilue le principe et le droit fondamental établis depuis une centaine d'années. Que pouvez-vous répondre à cela?

+-

    M. Michael Nurse: Je ne crois pas que l'on souhaite diluer le principe du mérite. Les cadres sont des gens imaginatifs et ils trouveront des solutions, quel que soit le système en place. Vous avez dit que ce principe remonte à 100 ans. Au fil des ans, on a ajouté des modalités administratives pour garantir le respect du principe du mérite. Personne ne souhaite que l'on ne tienne plus compte du mérite, mais il appartient à l'employeur de déterminer ses besoins au chapitre du recrutement, puis de trouver le plus rapidement possible le candidat le plus qualifié. Vous avez dit que cela prend plusieurs mois pour recruter une personne, mais si vous recrutez à l'extérieur de la fonction publique, c'est encore plus long. Les charges de travail sont lourdes et le milieu concurrentiel. Les cadres ont besoin des employés tout de suite. L'effectif de la fonction publique vieillit et on peut s'attendre à un important roulement.

    Ce projet de loi vise à supprimer certaines de ces formalités administratives, et envoie un signal clair dans ce sens. On va non seulement supprimer certaines formalités, mais aussi financer la formation des cadres pour les aider à bien faire ce travail et pour faire en sorte qu'ils comprennent leur responsabilité à cet égard. À l'heure actuelle, ils ne les comprennent pas toujours, ils ne font que suivre un processus. Dans l'avenir, on leur confiera plus de responsabilités et ils devront rendre compte de l'application du principe du mérite.

    Je tiens à réitérer que cette démarche comporte différents aspects. Il faut collaborer avec les syndicats, ce qui est un élément important, puisqu'ils représentent un grand nombre de syndiqués. Le principe du mérite est respecté à l'heure actuelle, mais il est assujetti à beaucoup de considérations. On recrute la personne la plus qualifiée parmi les candidats disponibles et ce sont les cadres qui sont le mieux placés pour en décider.

+-

    M. Paul Forseth: Je comprends votre point de vue, mais vous avez utilisé plusieurs fois l'expression «le plus qualifié», mais cette expression ne figure pas dans le projet de loi. Tout ce qu'on y dit, c'est qu'il faut que «la personne nommée possède les qualifications essentielles». On ne dit pas qu'on doit recruter le candidat «le mieux qualifié». Cela me semble être un changement tout à fait fondamental, et vous me donnez toutes sortes de raisons accessoires pour lesquelles nous ne devrions nous engager dans cette voie. Quant à moi, je crois qu'il faut régler directement ces problèmes accessoires mais sans miner le principe fondamental du mérite. Voyez-vous la distinction que j'essaie de faire?

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Mme Duxbury aimerait répondre, puis ce sera au tour de M. Desrochers.

+-

    Mme Linda Duxbury: Vous avez dit que ce principe remonte à 100 ans. Il y a 100 ans, les Canadiens étaient des bûcherons, des pêcheurs, des fermiers, des hommes qui subvenaient seuls aux besoins de leur famille et qui avaient une femme au foyer. Nous avons beaucoup évolué depuis ce temps-là. Nous n'avions pas d'ordinateurs, nous n'avions pas à soutenir la concurrence dans une économie mondiale. Il ne faut pas s'attendre à ce que quelques petites corrections administratives ou opérationnelles suffisent à adapter des principes qui étaient parfaitement solides il y a 100 ans. Il faut absolument reconnaître que depuis 50 ans, le Canada est dans un marché d'acheteurs, c'est-à-dire qu'il y a plus de bons candidats que de bons emplois. Or, nous nous dirigeons vers une économie mondiale qui sera caractérisée par une grave pénurie de travailleurs du savoir, ceux-là même qui font fonctionner l'administration publique. Il y a 100 ans, la fonction publique était un milieu de travail extrêmement attrayant, car un certain prestige y était attaché. Ce n'est plus nécessairement le cas. Bref, nous ne pouvons évoquer la réalité d'il y a 100 ans sans tenir compte du fait que le contexte était tout à fait différent.

Á  +-(1125)  

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci.

    Monsieur Desrochers.

[Français]

+-

    M. Odina Desrochers (Lotbinière—L'Érable, BQ): Monsieur le président, de combien de temps est-ce que je dispose pour le premier tour? Sept minutes? Merci beaucoup.

    Monsieur Nurse, madame Duxbury, bienvenue à cette importante rencontre qui porte sur le projet de loi C-25. Je prends la relève de mon collègue Robert Lanctôt qui fait présentement un discours à la Chambre des communes; cela indique que le travail d'équipe, au Bloc québécois, est efficace.

    J'ai été fonctionnaire pendant six ans et j'ai travaillé dans le domaine de l'adaptation avec des cadres intermédiaires. Ces derniers sont bien souvent coincés entre les décisions de la haute direction et les revendications des travailleurs de première ligne.

    Dans le cadre de ce projet de loi, trouvez-vous, monsieur Nurse, que le projet d'adaptation sera à cet égard profitable pour les cadres intermédiaires ou si, au contraire, il va accentuer--permettez-moi l'expression--l'effet sandwich qui existe toujours à la fonction publique entre la haute direction et le personnel syndiqué?

[Traduction]

+-

    M. Michael Nurse: Je pense que le projet de loi sera d'un grand secours. À mon avis, si le gouvernement dit qu'il accordera plus de marge de manoeuvre aux cadres, pourvu qu'ils respectent un ensemble de principes, ce sera un message clair indiquant qu'il a compris les problèmes que vous venez d'évoquer. Les changements proposés transmettent un message clair: la combinaison de délégation de pouvoir assortie d'une marge de manoeuvre et de la formation nécessaire, la collaboration avec les syndicats et le fait de dire que si un cadre contrevient aux attentes du gouvernement fédéral, il en subira les conséquences.

    J'aimerais cependant renchérir sur ce qu'a dit Mme Duxbury. Je travaille depuis de longues années à la fonction publique, avec des cadres intermédiaires. Ils font de l'excellent travail, mais ils veulent une indication claire que les changements proposés ne seront pas de vaines paroles, et qu'ils se concrétiseront réellement. Nous entreprenons un virage qui se fera de façon équilibrée et judicieuse, mais ce n'est que la première étape d'une démarche qui s'étendra sur plusieurs années. Je crois que nous devons agir sans tarder. On ne peut plus attendre.

[Français]

+-

    M. Odina Desrochers: Monsieur Nurse, est-ce que vos cadres intermédiaires sont appelés à faire la dotation du personnel qui relève d'eux ou si ces fonctions sont attribuées à la haute direction? Comme on a pu l'observer, il s'agit là d'un motif de friction entre les cadres intermédiaires, la haute direction et le personnel syndiqué.

[Traduction]

+-

    M. Michael Nurse: Non, il incombe aux cadres intermédiaires de doter tous les postes, qu'ils soient syndiqués ou non. Ils doivent combler les postes qui relèvent de leur sphère de responsabilité. À l'heure actuelle, quand ils exercent ces responsabilités, ils sont assujettis à toutes sortes de contraintes qui ne favorisent pas toujours le principe du mérite. Ils sont tenus d'appliquer certains principes qui ne contribuent pas à l'efficacité de l'administration publique dans le monde d'aujourd'hui.

[Français]

+-

    M. Odina Desrochers: Lorsque ces fiches de dotation sont remplies par le cadre intermédiaire, doivent-elles être entérinées par le personnel de la haute direction avant d'être remises à l'employé syndiqué?

[Traduction]

+-

    M. Michael Nurse: Il y a divers degrés de délégation de pouvoir. Très souvent, l'autorisation d'un cadre supérieur est nécessaire. Dans d'autres cas, il faut obtenir l'approbation d'un agent de dotation du service des ressources humaines. Les règles varient beaucoup d'une organisation à l'autre, mais il faut dans la plupart des cas obtenir l'approbation écrite d'un cadre supérieur, comme dans le cas des responsabilités financières.

Á  +-(1130)  

[Français]

+-

    M. Odina Desrochers: Merci beaucoup, monsieur Nurse.

    J'aimerais maintenant poser quelques questions à Mme Duxbury. Vous dites avoir fait des recherches auprès de 33 000 fonctionnaires. Est-ce exact? Vous avez parlé de stress. J'ai peut-être mal compris. Sur combien de fonctionnaires votre enquête portait-elle?

[Traduction]

+-

    Mme Linda Duxbury: En 2001, nous avons mené une étude pancanadienne auprès d'un échantillon représentatif sur le plan géographique de près de 7 000 fonctionnaires fédéraux. Notre échantillon de fonctionnaires comprenait également les employés de neuf municipalités et d'un gouvernement de chaque province. Nous avons interrogé des employés de 37 organismes du secteur privé, qui étaient représentatifs dans leur secteur et également des organismes sans but lucratif, notamment des hôpitaux, des commissions scolaires, des universités et des collèges. Nous avons mesuré les résultats. Nous avons utilisé un questionnaire clinique d'évaluation du stress, fondé sur différents facteurs dont l'humeur dépressive, et la charge de travail.

[Français]

+-

    M. Odina Desrochers: Pour ce qui est du stress, on s'attarde plus longuement à la section portant sur les fonctionnaires fédéraux. Toutefois, dans le cadre de votre enquête, est-ce que vous avez également pu déceler des problèmes de harcèlement au sein de la fonction publique fédérale?

[Traduction]

+-

    Mme Linda Duxbury: Nous ne cherchions pas à examiner le harcèlement. Nous pensions plutôt à l'environnement de travail, la charge de travail, les questions d'équilibre. Je sais que le sondage de la fonction publique fédérale mettait beaucoup l'accent sur le harcèlement, mais en tant que chercheurs on a tendance à trouver ce qu'on cherche, si bien que si l'on a trois pages de questions sur le harcèlement, on va probablement trouver des preuves de harcèlement. Nous ne nous sommes pas penchés sur le harcèlement.

[Français]

+-

    M. Odina Desrochers: Madame Duxbury, vous n'avez peut-être pas posé ces questions directement, mais en vous basant sur les informations que vous avez obtenues sur l'abus de pouvoir ou sur le harcèlement psychologique, par exemple, avez-vous pu déterminer que ce problème existait chez certains employés ou groupes d'employés de la fonction publique?

[Traduction]

+-

    Mme Linda Duxbury: Il y a deux documents auxquels je peux me reporter. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de notre document intitulé «In the Voice of Canadians». À la fin de notre enquête, 10 000 des 33 000 personnes consultées ont rédigé des observations, et nous les avons analysées pour voir ce qu'on disait. Ce n'est pas un phénomène propre à la fonction publique. Je ne sais pas si je parlerais de harcèlement, quoique certains le feraient. L'expérience qu'on peut avoir dans la fonction publique, de même que dans le secteur privé et dans les organismes sans but lucratif, dépend de ceux pour qui on travaille, et non pas de l'endroit où l'on travaille. On pourrait parler d'abus de pouvoir, mais on pourrait aussi parler de négligence dans de nombreux cas. Pour ce qui est du point de vue de Mike, ce qui est intéressant, c'est qu'il y a 10 ans le poste de cadre dans la fonction publique fédérale était le meilleur poste possible. Dix ans plus tard, il n'en est plus du tout ainsi, et les gestionnaires doivent répondre aux attentes de tout le monde. Ils doivent être des agents de changement, des promoteurs de carrière, des champions, des mentors, s'occuper de dotation, et bien franchement ils n'ont pas le temps de s'occuper des gens. Il y a donc abus de pouvoir, et on le voit partout.

[Français]

+-

    M. Odina Desrochers: Madame Duxbury et monsieur Nurse, à quoi attribuez-vous cette lourdeur de la charge de travail des cadres? Aux compressions budgétaires qui ont été exercées autant dans la fonction publique provinciale que fédérale, ou tout simplement à un phénomène de surcharge relié à la définition des tâches?

[Traduction]

+-

    M. Michael Nurse: Les choses sont plus compliquées de nos jours. Les attentes sont maintenant beaucoup plus grandes. Tout se passe beaucoup plus rapidement. Nous sommes dans le monde de la technologie de l'information. Vous pouvez le constater vous-même. Les gens vous envoient des courriers électroniques et attendent une réponse immédiate. La vitesse, la complexité des tâches, la nécessité d'avoir plus de contact avec ses pairs impose aux cadres intermédiaires une responsabilité beaucoup plus lourde qu'auparavant. Ils sont des leaders, les gens leur font confiance, on attend beaucoup plus d'eux et cela signifie une plus grande complexité et plus d'exigences dans le monde où nous vivons.

Á  +-(1135)  

[Français]

+-

    M. Odina Desrochers: Merci beaucoup, monsieur Nurse et madame Duxbury.

    Est-ce que j'aurai l'occasion de revenir, monsieur le président?

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Oui, il y aura un deuxième tour.

    Monsieur Cullen.

+-

    M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, madame Duxbury et monsieur Nurse.

    Madame Duxbury, vous avez déjà comparu devant un autre comité. Je suis sûr que vous employez une formule générale, mais en fait c'était un sous-comité du présent comité. Je ne veux pas me montrer trop légaliste, mais le travail du sous-comité est suspendu en attendant l'étude de ce projet de loi, et j'espère qu'alors les membres du comité appuieront la poursuite de ce travail, parce que je pense, comme vous l'avez tous deux dit, que c'est un début. Notre sous-comité se concentre essentiellement sur certaines des questions à moyen et à long terme qui ont trait à la culture, aux structures. J'espère que nous pourrons y revenir, non pas que je cherche davantage de travail, pas plus que M. Forseth, mais je pense qu'il est important de continuer.

    Monsieur Nurse, vous êtes un sous-ministre associé, et je suppose que vous n'êtes pas considéré comme un cadre intermédiaire.

+-

    M. Michael Nurse: Non. Comme quelqu'un l'a dit, nous sommes tous des cadres intermédiaires, parce que nous relevons tous de quelqu'un, mais selon la définition stricte les cadres intermédiaires sont des gestionnaires de personnel qui se situent en deçà du niveau des cadres de direction. Il y a cinq niveaux, puis il y a les sous-ministres.

+-

    M. Roy Cullen: Mais vous avez travaillé comme cadre intermédiaire.

    Quand notre sous-comité a rencontré un groupe de sous-ministres et d'anciens sous-ministres, on nous a parlé d'une initiative qui a fait suite aux travaux d'un comité dirigé par un sous-ministre qui portaient sur le leadership. Êtes-vous au courant de cette initiative, et faisiez-vous partie de ce groupe?

+-

    M. Michael Nurse: Un certain nombre de comités ont été constitués il y a environ trois ans, si je me souviens bien, pour examiner les questions de leadership, reconnaissance, formation. Je n'en faisais pas partie mais j'étais au courant.

+-

    M. Roy Cullen: La Commission de la fonction publique nous a dit que dans certains ministères il y a un plan de développement des ressources humaines, que certains ministères font cela mieux que d'autres. On peut supposer qu'un tel plan considère les besoins de dotation, de formation et de perfectionnement et dans la mesure du possible, la planification de la relève dans la fonction publique, ce genre de choses. Qu'en pensez-vous? Comment s'y prend votre ministère? Avez-vous un plan très exhaustif de développement des ressources humaines?

+-

    M. Michael Nurse: Je dirais avec une certaine fierté que nous sommes une grosse organisation, avec environ 14 000 personnes, très décentralisée dans tout le pays et que nous avons un bon plan des ressources humaines. Il pourrait évidemment être amélioré, et il l'est continuellement mais il est structuré en fonction de deux éléments qui me semblent essentiels. Tout d'abord, la nécessité de voir comment nous allons effectuer les remplacements nécessaires, de cerner les possibilités d'apprentissage des personnes qui se perfectionnent. L'autre élément important est que nous avons de bonnes relations de travail avec nos collègues des syndicats. Nous avons des comités syndicaux, des comités dans nos régions, où nos cadres intermédiaires collaborent avec eux et tiennent des réunions. Cela a donné pas mal le ton pour le genre de questions qu'il faut aborder aujourd'hui. Certaines organisations ont fait mieux que nous dans ce domaine et d'autres moins bien.

    Je pense toutefois pouvoir parler d'expérience puisque j'ai fait de la gestion pendant longtemps. Nous avons adopté certains de ces éléments pour essayer d'offrir aux gens une certaine latitude, tout en rendant des comptes. Avec cette latitude, nous voulons nous assurer qu'ils ont la formation voulue et qu'ils travaillent avec nos collègues des syndicats à la création de possibilités uniques. Je crois donc pouvoir dire que nous avons de l'expérience dans ce domaine.

+-

    M. Roy Cullen: Bien.

    Je reviendrai à vous dans un instant mais j'aimerais demander quelque chose à Mme Duxbury. Vous avez dit que le système actuel, pour ce qui est du mérite, n'est pas forcément un modèle international ou une pratique exemplaire. Si j'ai bien compris, vous vous êtes fondés sur certains sondages que vous auriez faits. Les perceptions se rapprochent quelquefois beaucoup de la réalité. Aucun système n'est parfait. Avez-vous des éléments qui vous permettent de dire que le système actuel n'assure pas que ce sont les gens les mieux qualifiés qui font le travail?

+-

    Mme Linda Duxbury: J'ai beaucoup d'informations anecdotiques. Par exemple, certains de mes meilleurs étudiants ont fait une demande d'emploi à la fonction publique et ils auraient été des candidats fantastiques, mais ils ont dû changer deux fois d'emploi avant qu'on leur offre un poste deux ans plus tard. Je dirais donc que chaque fois que l'on tarde, on perd beaucoup de bons candidats. Il y a aussi tout ce que j'ai entendu à propos des postes de suppléance que l'on donne à des gens pendant un, deux, trois ans, des gens qui font un très bon travail, dont les évaluations de rendement sont très bonnes mais qui n'obtiennent pas le poste parce qu'avec cette question du mérite, il y a ce processus qui n'en finit pas.

    Toutefois, quand je parle de mérite, je compare à ce que l'on entend en général par mérite dans le secteur privé. Je sais que ce n'est pas tout à fait comparable mais vous puisez à la même source de main-d'oeuvre si bien que l'on est défavorisé si l'on impose un nombre énorme de conditions supplémentaires au titre du mérite, car on n'obtient pas les meilleurs. Quelquefois, on n'arrive parfois même pas à avoir des gens très bien.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Roy Cullen: D'accord, mais en général, pensez-vous que ce que propose ce projet de loi constitue une amélioration?

+-

    Mme Linda Duxbury: Je crois que toute mesure qui permet d'accélérer le processus constitue une amélioration. En ce qui concerne les travailleurs du savoir, les décisions concernant le meilleur candidat sont prises d'une manière très intangible, de toute façon. Il existe probablement une douzaine de candidats ayant tous des compétences égales pour le poste. Par conséquent, continuer à solliciter des candidatures supplémentaires pour trouver le meilleur candidat dans certains cas, lorsqu'il s'agit d'un poste clé au sommet de l'organisation, vaut je crois le temps supplémentaire que l'on y consacre, mais je ne suis pas sûre qu'il s'agisse d'un avantage de façon générale.

+-

    M. Roy Cullen: Je vous remercie.

    Monsieur Nurse, toute grande organisation peut éprouver des problèmes, mais je dois dire qu'en tant qu'ancien sous-ministre adjoint au niveau provincial, nous avons eu notre part d'histoires d'horreur de temps à autre, surtout parce que nous étions extrêmement décentralisés, ce qui s'accompagne de risques supplémentaires, et malheureusement il arrive que certaines personnes ne soient pas en mesure de faire la part des choses dans le monde tel qu'il existe. Mais si on examine la situation à DRHC, les programmes d'emploi qui ont posé tant de problèmes, lorsque nous examinons le programme de commandites, surtout au Québec, qui a fait l'objet d'une grande controverse, si on examine le registre des armes à feu, ce sont certainement des questions qui mettent ma patience à l'épreuve à l'égard des grandes organisations. Vous avez parlé des pressions exercées sur les cadres intermédiaires. S'agit-il des principales causes de ces types de difficultés? Est-ce en raison de l'insuffisance des ressources? Avons-nous perdu des gestionnaires compétents? Y a-t-il trop d'ingérence politique? Quel est le problème, à votre avis?

+-

    M. Michael Nurse: Je crois qu'il y a de nombreux facteurs qui contribuent à cette situation, probablement un grand nombre de ceux que vous avez mentionnés. Des erreurs peuvent être commises, et dans certains cas il peut s'agir d'erreurs inintelligentes et d'erreurs intelligentes. Je pense que nous avons commis certaines erreurs inintelligentes dans certains cas, nous en commettrons d'autres demain et peut-être même plus tard, mais il s'agit de 250 000 personnes et de milliards de dollars. Les personnes à qui j'ai affaire traitent avec le public chaque jour sans exception d'un bout à l'autre du pays. C'est phénoménal, et nous nous débrouillons très bien. Ces gens croient vraiment en ce qu'ils font. Y aura-t-il des erreurs? Oui, mais lorsqu'on les découvre, elles sont présentées assez honnêtement, à mon avis. Il n'est pas facile d'admettre une erreur, c'est une situation délicate mais je crois que c'est la seule façon d'apprendre.

    Je considère en fait que les changements dont nous sommes en train de parler ici nous offrent la marge de manoeuvre qui nous permettra d'engager les candidats les plus compétents le plus rapidement possible. Les délégations dont nous parlons ici concernent deux gestionnaires, et je sais que cela soulève des préoccupations, en raison des arguments que vous avez avancés, mais 95 p. 100 des gens continuent à faire leur travail.

    Ce cadre de responsabilisation comporte aussi des mécanismes de recours en cas d'erreur, d'abus de pouvoir, ou si l'on décide de faire preuve de favoritisme à l'endroit d'un candidat au lieu d'engager la personne qui répond aux exigences du poste. Je crois que nous tâchons de munir ces personnes des outils qui leur permettront de faire leur travail. Je suis convaincu que si on attend le meilleur de leur part, on obtiendra le meilleur. Des erreurs seront-elles commises? Oui, mais elles seront minimes et nous pourrons en tirer une leçon. Entre-temps, la machine fonctionne. Nous devons trouver des moyens de leur faire comprendre que nous tenons à les aider à faire fonctionner cette machine de façon plus efficace.

Á  +-(1145)  

+-

    Mme Linda Duxbury: Cela revient à ce dont nous parlions au sous-comité. Il s'agit d'un grave problème de culture organisationnelle. Si vous tirez constamment sur le messager, ou si vous n'écoutez pas le messager, les gens ne voudront plus être les messagers ou ils mentiront—point final. C'est un grave problème de culture organisationnelle. Si vous encouragez le risque, mais que vous sévissez en cas d'erreur, les gens ne prendront pas de risque. Bien qu'à mon avis une grande partie du problème soit attribuable à la charge de travail, je crois que cette culture organisationnelle avec le temps est devenue très difficile. C'est pourquoi je considère que c'est le comportement de tous ceux qui font partie du système qui permettra de changer les choses.

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Je vous remercie.

    Monsieur Epp.

+-

    M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Merci beaucoup.

    Je tiens à vous remercier tous deux d'être des nôtres.

    J'aimerais commencer madame Duxbury. Vos titres de compétence indiquent que vous êtes directrice de la recherche pour le Centre for Research and Education on Women and Work. Je sais que le projet de loi ne met pas précisément l'accent sur cet aspect, mais considérez-vous que le projet de loi C-25 prévoit des initiatives suffisantes pour assurer une concurrence égale entre les hommes et les femmes au travail?

+-

    Mme Linda Duxbury: C'est une question très intéressante. Deux tendances se dégagent avec le temps. Il y a 10 ans, les femmes étaient beaucoup plus stressées que les hommes. Elles avaient plus de difficulté à concilier leurs vies personnelle et professionnelle, donc il existait de réels problèmes. L'équité en matière d'emploi a remédié à tout cela et désormais les hommes sont tout aussi stressés, pas parce que la situation des femmes s'est améliorée, mais parce que nous avons rendu la vie des hommes aussi plus difficile. Tout le monde est stressé. Aujourd'hui, les hommes font davantage de travaux ménagers, ils prennent plus ou moins le relais, et comme nous avons égalisé la situation à certains égards, sans traiter des causes systémiques du problème, ce sont désormais les hommes qui ont plus de difficulté à concilier leurs vies professionnelle et personnelle.

    Par ailleurs, un grand nombre des différences entre les sexes que nous constatons dans le cadre de notre recherche sont en fait attribuables à des différences au niveau des emplois. À bien des égards les hommes et les femmes vivent des expériences très similaires. Le problème, bien entendu, c'est que les femmes ont tendance à être concentrées dans la moitié inférieure de ce triangle et les hommes dans la partie médiane ou supérieure. Je considère que le projet de loi ne fait pas vraiment de distinction de sexe. Je ne vois pas de graves problèmes en ce sens.

+-

    M. Ken Epp: Vous avez indiqué que les hommes sont plus stressés qu'avant parce que—avec raison—ils assument désormais une plus grande part de responsabilité à la maison. Les femmes sont-elles plus stressées parce que—avec raison—elles assument désormais une plus grande part de responsabilité au niveau de la gestion au travail?

+-

    Mme Linda Duxbury: C'est précisément ce qui s'est produit. Pour les hommes et pour les femmes, la ligne de démarcation entre le travail et la vie personnelle est devenue de plus en plus floue. L'autre facteur qui intervient vraiment dans la charge de travail accrue et les niveaux de stress chez les hommes, c'est le soin des aînés. Les soins aux aînés, plutôt que les soins aux enfants, sont déterminés par le parent dont il s'agit. La maternité, c'est la maternité, mais dans le cas des soins aux aînés, c'est votre mère. Nous constatons des hausses très marquées des niveaux de stress. Les niveaux de stress chez les hommes ont augmenté de 18 points de pourcentage sur 10 ans; chez les femmes, ils n'ont augmenté que d'environ 4 p. 100.

+-

    M. Ken Epp: Intéressant.

    Je voulais vous interroger tous les deux à propos de la charge de travail excessive. Je ne suis pas sûr que le projet de loi C-25 ou tout projet de loi présenté par le gouvernement pourrait régler ce problème. À quoi est attribuable la charge de travail excessive? Deuxièmement, comment pouvons-nous tâcher d'atténuer ce problème?

Á  +-(1150)  

+-

    M. Michael Nurse: Au risque de me répéter, la meilleure définition que je peux donner est que le monde d'aujourd'hui est plus complexe. Pour exécuter une fonction particulière, l'intérêt des gens et les répercussions de votre travail sont beaucoup plus marqués. Les gens doivent composer avec la complexité accrue de leur travail. Par ailleurs, les fonctionnaires sont beaucoup plus intelligents, beaucoup mieux instruits, et leurs attentes sont élevées. Il faut donc porter attention à l'interaction et s'assurer d'obtenir la collaboration de l'organisation. Il ne s'agit plus du système de commandement et de contrôle qui existait il y a un certain nombre d'années. Le système est beaucoup plus interactif, ce qui est une bonne chose, mais cela prend du temps. Tous ces éléments prennent du temps, et le temps est vraiment un facteur très important.

    Je crois que les nombreux gestionnaires dont je me fais le défenseur—je ne prétends pas les représenter—ont simplement besoin d'aide en matière de formation. Ils recherchent des possibilités de délégation, de prendre des décisions en fonction de certains paramètres qui leur permettront de faire leur travail, en s'attendant pleinement que s'ils ne le font pas correctement, ils seront tenus responsables. Nous leur indiquons ainsi notre volonté de leur accorder un certain répit. Cela éliminera-t-il le problème de la charge de travail? Absolument pas. C'est une réalité à laquelle nous faisons face. Je ne crois pas que ce soit particulier à la fonction publique, mais que cela existe dans tous les secteurs, y compris parmi les personnes ici présentes, mais nous devons réagir. Je crois qu'il est important de leur communiquer ce message.

+-

    Mme Linda Duxbury: La charge de travail est excessive au niveau des gestionnaires mais pas dans l'ensemble de la fonction publique. Il importe de faire la distinction. Si vous faites la comparaison par type d'emploi dans tous les secteurs, vous constaterez que les gestionnaires affichent le niveau de stress le plus élevé à la fonction publique, et que leur charge de travail est supérieure à celle de tout autre secteur. Ce n'est pas le cas du personnel de bureau, du personnel chargé du soutien administratif et technique; leur charge de travail est en fait comparable à celle des autres secteurs ou légèrement inférieure.

    Si j'examine les raisons pour lesquelles les postes de gestion sont ceux qui présentent les plus graves problèmes en matière de charge de travail à la fonction publique fédérale, je constate plusieurs choses. L'une, c'est le processus de promotion même, la façon dont on choisit les candidats qui seront gestionnaires. À l'heure actuelle, la seule façon de grimper les échelons à la fonction publique est de devenir gestionnaire. Pour bien des gens, ce n'est pas vraiment ce qui les intéresse, cela ne correspond pas vraiment aux compétences qu'ils possèdent. Nous ne leur donnons pas la formation nécessaire pour leur permettre d'exercer ces fonctions. Comme ils ont affaire à un travail moins routinier et à des travailleurs du savoir, il faudrait en fait réduire l'étendue des responsabilités. Nous ne l'avons pas fait. Nous continuons à partir du principe que le travail effectué est un travail courant, alors que ce n'est pas le cas. Je dirais que ce sont deux facteurs très importants. Et à mon avis nous devons tenir compte de la technologie. La fonction publique est unique en ce sens que sa gestion s'étend d'un bout à l'autre du Canada et que par conséquent il existe une énorme demande pour gérer à l'aide du courrier électronique, d'équipes virtuelles. Tous ces éléments ajoutent à la complexité du travail, ce qui alourdit la charge de travail.

    Je vois deux solutions. Soit on engage un plus grand nombre de gestionnaires, des gestionnaires intermédiaires en particulier, et je crois que cela permettrait de régler le problème d'un bout à l'autre du système, soit vous devez leur offrir un soutien accru pour l'exécution des aspects courants de leur travail, afin de les décharger de certaines de leurs fonctions. De nombreux gestionnaires font leurs propres photocopies, s'occupent même de l'envoi du courrier par messager. Cela ne leur laisse pas le temps de s'acquitter de certaines des fonctions qu'ils sont les seuls à pouvoir exécuter.

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Je vous remercie, monsieur Epp.

    Monsieur Szabo.

+-

    M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président et je tiens à remercier les témoins.

    Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous a des changements particuliers à recommander concernant ce projet de loi?

+-

    M. Michael Nurse: Non.

+-

    M. Paul Szabo: Très bien.

+-

    Mme Linda Duxbury: Non.

+-

    M. Paul Szabo: Très bien. C'est donc une chose de régler.

    La Commission de la fonction publique joue un rôle important dans tout cela. Je crois que tout le monde convient que nous voulons présenter un projet de loi qui fournira les outils voulus. Nous devons non seulement adopter ce projet de loi, mais nous devons en surveiller la mise en oeuvre pour nous assurer qu'on ne s'écarte pas de l'objectif visé. Cependant, la Commission de la fonction publique est une institution unique. Pourriez-vous commenter brièvement le rôle précis qu'elle joue par rapport aux autres aspects, parce que j'ai l'impression qu'elle joue un rôle plutôt non opérationnel. Pourriez-vous nous indiquer le rôle que joue la Commission de la fonction publique ou qu'elle devrait jouer?

Á  +-(1155)  

+-

    Mme Linda Duxbury: J'ai mes opinions sur la Commission de la fonction publique et pas forcément des opinions que je tiens à partager. J'ai parfois du mal à comprendre le rôle de la Commission de la fonction publique.

+-

    M. Paul Szabo: Tout comme moi.

    Michael.

+-

    M. Michael Nurse: Elle joue un rôle unique comme courroie de transmission avec le Parlement. Pour moi, elle est là pour faire respecter le principe du mérite, pour faire respecter par les gestionnaires de la fonction publique les valeurs et l'éthique de la fonction publique. Elle a la responsabilité de veiller à ce que les gens qui sont embauchés le soient sur la base des normes et des valeurs de la fonction publique. Son rôle à ce niveau est très important. Son rôle n'est pas de faire mais de veiller à ce que ce soit fait. C'est une différence importante. Il faut qu'elle conserve cette responsabilité.

+-

    M. Paul Szabo: Le projet de loi semble lui conférer des responsabilités opérationnelles puisqu'il lui donne une fonction de vérification. Je me demande si cette fonction est bien appropriée, vu son statut. Par exemple, en cas de réunion de sous-ministres, les représentants de la Commission de la fonction publique seraient également invités puisque celle-ci n'est pas simplement un agent mais je suppose, presque une agence. Les agences ont plutôt des responsabilités non opérationnelles et je trouve que cette fonction de vérification touche un peu trop à l'opérationnel compte tenu de son mandat.

+-

    M. Michael Nurse: Je ne sais si cela vous surprendra ou non, mais pour un gestionnaire supérieur, la vérification est un élément extrêmement important. J'ai parlé tout à l'heure d'erreurs, et que des professionnels puissent les déceler et nous les signaler, donc nous permettre de les corriger, est très important. Cette loi, si elle est adoptée, permettra à la commission de veiller à ce que les normes de justice et d'équité soient respectées par la fonction publique, donc d'assumer une de ces responsabilités fondamentales et en cas de problèmes, d'intervenir en faisant une vérification.

+-

    M. Paul Szabo: J'ai une dernière question qui concerne les relations entre la Commission de la fonction publique et le Parlement. La commission dépose un rapport annuel, et elle a demandé la possibilité de pouvoir déposer des rapports ponctuels chaque fois qu'elle le juge nécessaire. C'est une bonne recommandation, appuyée d'ailleurs par la vérificatrice générale si l'on en croit son témoignage. Avez-vous des suggestions à nous faire, puisque nous ne sommes pas ici pour modifier la loi, mais pour mettre en place des mécanismes qui permettent au Parlement de développer ou d'améliorer ses relations avec la Commission de la fonction publique afin de respecter les domaines respectifs de compétence et d'autorité?

+-

    M. Michael Nurse: Je ne sais pas si j'ai de bonnes suggestions à vous faire. La seule idée que me dicte ma propre expérience, c'est qu'il faut veiller à ce que les lignes de communication soient ouvertes, que soient en place une série de mesures prévues et comprises de tous. En d'autres termes, il faudrait que les rapports soient lisibles pour tous les intéressés. La complexité de certains rapports est telle qu'il est indispensable que la langue utilisée, que ce soit le français ou l'anglais, soit compréhensible afin que les parlementaires puissent vraiment juger des résultats. Je ne peux pas vous répondre mieux que cela.

  +-(1200)  

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci, monsieur Nurse.

    Madame Duxbury.

+-

    Mme Linda Duxbury: J'ai deux problèmes. Premièrement, si la fonction de rapports de la Commission de la fonction publique ralentit la procédure et est considérée comme un obstacle au progrès sur certains de ces dossiers, j'estime qu'il y a plus de danger à multiplier ce genre d'initiative qu'à ne rien faire. De plus, je ne suis pas certaine qu'il soit important de multiplier les rapports de la Commission de la fonction publique. Par contre, je pense qu'il est important que vous établissiez des passerelles de communication avec tous les ministères. Si vous pensez en ces termes à la Commission de la fonction publique et que vous lui donniez un rôle de filtrage de l'information, à mon avis, ce n'est peut-être pas la meilleure solution. C'est un simple avertissement.

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci, madame.

    Monsieur Lanctôt.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Merci, monsieur le président.

    D'abord, je tiens à dire que je regrette de ne pas avoir entendu votre allocution. Madame Duxbury, j'ai en main les notes de mon adjointe, et selon ces dernières, C-25 contient le minimum requis. Or, en réponse à M. Szabo, qui vous demandait si on pouvait modifier ou ajouter des choses au projet de loi, vous n'avez rien proposé. Vous comprendrez que je suis très surpris. J'aimerais comprendre. Il y a une dichotomie totale entre mes notes et ce que je viens d'entendre.

    D'ailleurs, sauf erreur, vous représentez les femmes au travail. Cependant, je ne vois absolument rien dans le projet de loi qui porte sur le harcèlement, alors que le sondage publié en décembre 2002 indique qu'une personne sur cinq serait victime de harcèlement psychologique ou autre dans la fonction publique. On parle ici d'un assez grand nombre de femmes.

    Je suis étonné que vous ne mentionniez pas qu'il s'agit là d'ajouts nécessaires. On se fait dire que dans le cadre de négociations entre les syndicats, les gestionnaires et la fonction publique, on n'a jamais réussi à faire inclure cela dans une convention collective. Je suis donc étonné que vous ne souleviez pas ce point.

    En outre, il y a sûrement beaucoup de femmes dans la fonction publique qui aimeraient être protégées. On est ici pour protéger les deniers publics de tous les Canadiens qui veulent venir ici mais qui n'ont pas de loi-cadre. Or, on ne parle pas, dans ledit projet de loi, de protection des dénonciateurs.

    Je pourrais continuer longtemps, parce qu'en ce qui me concerne, chose curieuse, j'en ai long à dire. J'aime le principe du projet de loi, mais il n'y a pas eu de changements depuis 35 ans; il serait donc temps qu'il y en ait. Mais va-t-il vraiment amener un changement de culture? J'en doute fort, surtout quand j'entends des témoins dire que les fonctionnaires ne prennent même plus de notes qui, jointes aux dossiers, permettraient qu'on y ait accès et que le travail soit fait convenablement. Je vous donne beaucoup d'information, mais ce n'est que pour vous dire à quel point je suis étonné que vous n'ayez rien à ajouter ou à modifier.

    J'aimerais finir sur une note humoristique. M. Nurse, je vous félicite de votre titre de champion ministériel pour les cadres intermédiaires. Mais vous n'étiez sûrement pas aux Travaux publics à ce moment-là.

    J'aimerais entendre vos commentaires.

[Traduction]

+-

    Mme Linda Duxbury: Si j'avais eu la responsabilité de rédiger la loi, aurais-je fait les choses différemment? Oui, mais est-ce que j'estime que c'est à moi de proposer des changements conséquents? J'irais tellement plus loin que ce qui est proposé que je ne pense pas qu'une de mes seules recommandations aurait une chance d'être acceptée. Par exemple, le champ des comptes à rendre devrait être beaucoup plus large et si j'osais, inclure les ministres. Vu la popularité des recommandations de ce genre, j'ai décidé qu'il était préférable de m'abstenir.

    Que faudrait-il faire, d'après moi? Il faudrait que les parlementaires reconnaissent que parfois, dans certains cas, ils ont une part de responsabilité puisqu'il ne suffit pas d'attirer l'attention sur la fonction publique et sur la législation sur la fonction publique pour résoudre le problème et qu'il faut que les parlementaires tout autant que les fonctionnaires soient comptables de leurs actes si nous voulons vraiment faire progresser les choses. En d'autres termes, il faut que vous reconnaissiez que si vous êtes partie prenante à la solution, vous êtes aussi partie prenante au problème. Je n'ai pas vraiment réfléchi à la chose mais pour commencer il faudrait que les ministres coupables soient remerciés. Beaucoup de gens m'ont dit que c'est le travail du greffier, que c'est le travail du premier ministre, et qu'on n'a pas besoin de loi de ce genre mais, ayant moi-même des contacts avec un certain nombre de ministères, je sais que ces problèmes existent. Quand on parle de harcèlement, on peut être victime du harcèlement de la fonction publique mais aussi du harcèlement des Canadiens, du harcèlement des médias, du harcèlement de nos employeurs, de nos clients. Légiférer une telle question est très difficile.

    Comme je l'ai dit, je crois que c'est une mesure nécessaire mais elle n'est certainement pas suffisante et il faut s'attaquer aux pratiques de gestion. Je suppose que c'est ce que je ferais, je me concentrerais sur les pratiques de gestion plutôt que de surlégiférer parce que j'aurais peur d'excès. Si j'avais le choix, je demanderais des comptes à tout le monde à tous les niveaux.

  +-(1205)  

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Monsieur Nurse, vous aviez quelque chose à ajouter?

+-

    M. Michael Nurse: J'ai peut-être mal compris, mais je croyais que cette question s'adressait avant tout à ma collègue.

    Je suis sous-ministre associé du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux depuis plusieurs années. Avant de devenir sous-ministre adjoint responsable de l'immobilier, le greffier m'avait demandé d'assumer la fonction de champion ministériel pour les cadres intermédiaires, responsabilité qui dépasse le simple cadre de mon ministère et qui s'étend à l'ensemble de l'administration gouvernementale. C'est tout ce que je peux dire.

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Madame Sgro.

+-

    Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Madame Duxbury, heureuse de vous revoir, et monsieur Nurse, commentaires intéressants. Je crois qu'ils ont choisi la bonne personne pour être le champion ministériel des cadres intermédiaires de la fonction publique. Il est clair que cette question vous passionne.

    Écouter vos interprétations respectives du cheminement ayant abouti au dépôt de cette loi est instructif. Vous êtes d'accord sur une chose, il faut dépasser le stade du symbole. Au moins cette loi propose un changement, mais quelle va être la suite? Changer la loi est une chose mais ce sera aux observateurs, aux parlementaires de veiller à ce que ces changements soient appliqués. Comment voyez-vous la chose?

+-

    M. Michael Nurse: Je pense que le vrai travail commence à ce moment-là. Un travail colossal a déjà été fait. Chaque fois qu'on vous présente un projet de loi, on y a déjà investi beaucoup de travail, mais je vous dirais, du point de vue de la fonction publique, que si le projet de loi est adopté et que nous avons un texte de loi qui nous permet de travailler, c'est alors que le travail commence parce que nous devons prendre tous les éléments que nous offre cette loi et commencer à l'appliquer dans le respect des attentes que suscite la nouvelle loi.

    Parlons maintenant des pratiques en tant que telles, nous pouvons désormais en effet sous-déléguer, dans un cadre redditionnel approprié, et déléguer aux administrateurs généraux et aux gestionnaires le pouvoir d'engager des personnes et de doter des postes. On s'attend à ce que les gestionnaires établissent des liens plus serrés et coopèrent davantage avec leurs collègues des syndicats au niveau opérationnel. On s'attend à ce que les problèmes futurs soient réglés dès le départ, au lieu de s'engager dans un processus qui n'en finit plus, qu'il s'agisse des appels relatifs à la dotation ou des questions relatives au harcèlement. On s'attend à ce qu'un montant d'argent raisonnable—j'allais dire beaucoup d'argent, mais tout est relatif—soit réservé pour former les personnes à l'application de la nouvelle loi. On s'attend aussi à ce que mes collègues, les administrateurs généraux, et moi, la Commission, le Conseil du Trésor, et tous les autres disions que nous avons maintenant une loi en main, servons-nous-en, sans quoi nous allons la perdre.

    Plusieurs tentatives ont déjà été faites en ce sens au cours des dernières années. Nous en sommes maintenant au stade où nous aurons une loi, où nous pourrons opérer de vrais changements, et les gens verront dans ce changement une bouffée d'air frais et réagiront en conséquence. S'il y a un petit nombre de gens qui croient que c'est une mauvaise chose—et je ne le crois pas—, il y aura des freins et contrepoids qui rassureront ces personnes. Quand on exige le maximum de ces personnes, on obtient le maximum. Je crois que d'ici cinq ans, avec ce genre de changement, nous allons voir une vraie différence dans la façon dont les employés réagissent, dans le genre d'employés que nous allons engager, dans la faculté que nous aurons de mettre en oeuvre les nombreuses priorités et initiatives de la fonction publique. Je crois que nous aurons une fonction publique agile, mais avec la même reddition de comptes et la même structure en place. Je crois que les gens auront davantage d'outils à leur disposition pour faire le travail qu'ils doivent faire, et qu'ils n'auront plus le sentiment qu'ils ne disposent pas de ces outils, comme c'est le cas maintenant.

  +-(1210)  

+-

    Mme Judy Sgro: L'adoption du projet de loi C-25 leur donnera, on l'espère, les outils qu'il leur faut pour entrer dans cet état d'esprit.

+-

    M. Michael Nurse: Oui. La psychologie intervient tout le temps. Certains pensent que cette loi ne connaîtra pas de lendemain, il y a un certain scepticisme—il peut s'agir aussi de cynisme, mais je préfère le mot scepticisme. Certains ont le sentiment qu'on a déjà essayé ce genre de choses. Je crois pour ma part que nous allons opérer de vrais changements, et je crois que lorsque cela se produira, certains en seront alarmés : c'est déjà le cas, donc faisons de quoi, nous avons des choses à prouver, si bien que d'ici sept ans, lorsque nous allons revoir la loi, nous pourrons dire que c'était une vraiment une bonne mesure; nous avons avancé, et voici ce que nous avons réussi à faire. J'ai énuméré certaines de ces choses, mais sans vouloir prendre trop de temps, je dirais que cette loi nous offre dès maintenant des centaines de possibilités que nous pourrons exploiter. C'est un signal que le gouvernement va lancer, à tous les niveaux de gouvernement, y compris vous-même, qui êtes très importants, que nous sommes prêts à effectuer ce changement et à aller de l'avant.

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci.

    Monsieur Nurse, vous avez dit que vous espériez voir des tas de changements d'ici cinq ans, puis vous avez parlé de cette révision au bout de sept ans. Le projet de loi prévoit une révision dans sept ans. Pensez-vous qu'un examen dans cinq ans serait mieux?

+-

    M. Michael Nurse: Non. Je me suis corrigé en parlant. J'ai tendance à travailler par cycles de cinq ans avec les budgets, mais je me suis rendu compte que c'était sept ans. On a besoin de temps, comme je l'ai dit, donc sept ans, c'est parfait, à mon avis. J'ajouterais aussi, soit dit en passant, qu'il sera raisonnable d'y revenir dans sept ans et de poser ces questions difficiles.

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): D'accord.

    Madame?

+-

    Mme Linda Duxbury: J'aimerais revenir à ce que disait M. Forseth il y a un moment. Il y a des mesures administratives qui devront être prises une fois que le projet de loi aura été adopté et qui sont aussi essentielles, sinon plus importantes, que le projet de loi à mon avis. Je crois que la fonction publique, pour opérer de vrais changements, devra définir, dans toute une série de catégories, un nouveau comportement. La fonction publique aime parler des valeurs de la fonction publique, et c'est très bien, mais nous devrons articuler la concrétisation de ces valeurs, puis il faudra les mesurer, et on devra rendre de vrais comptes à ce sujet, au niveau du recrutement, des comportements relatifs au harcèlement, dans toute une série de domaines. Très franchement, on ne réussira pas à opérer de changement culturel si l'inconduite n'est pas punie.

    Ce projet de loi vise de nombreux secteurs, et on donne aux décideurs davantage de pouvoirs pour instaurer le genre de comportement qu'il faudra et voir si l'intendance suit. Si on vous donne la responsabilité de recruter, il y aura des conséquences si vous ne faites pas les choses comme il faut, etc. Je crois donc que ce seront les éléments administratifs qui suivront l'adoption de ce projet de loi qui permettront d'effectuer des changements ou non, mais comme je l'ai dit plus tôt, l'aspect symbolique de ce projet de loi est critique.

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci, madame.

    Monsieur Forseth.

+-

    M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

    À ce sujet, vous avez parlé de la concrétisation des valeurs. Chose certaine, dans cette opération de renouvellement de la fonction publique, nous voulons que nos meilleurs éléments pensent que le fait de travailler dans la fonction publique est une carrière honorable et enrichissante, de telle sorte que nous pourrons attirer les meilleurs éléments et les conserver. Vous avez dit plus tôt, lorsque vous parliez du mérite, qu'il y a une disposition qui permet de recruter une personne à titre temporaire ou intérimaire. La personne reste en poste quelque temps, puis, tout à coup, un concours a lieu, et cette personne n'obtient pas l'emploi. Vous avez peut-être pensé qu'elle n'était pas assez méritante. Mais je vais vous donner l'envers de la médaille.

    Disons que nous avons un gestionnaire qui a tendance à exercer de la discrimination et qui veut engager un ami, ou disons qu'il fait la courte échelle à une personne, donc cette personne est engagée à titre temporaire, et elle occupe son poste pendant un certain temps. Nous avons maintenant cette disposition qui dit que si cette personne reste en poste pendant un certain temps, elle sera titularisée. Donc les autres personnes qui travaillent dans la même section n'ont pas la possibilité de postuler son poste. Il peut s'agir d'un poste de gestionnaire local. Mais c'était justement l'intention du gestionnaire supérieur: il ne voulait pas que quiconque dans la section au niveau local ait même la possibilité de postuler cet emploi. Il y a peut-être des personnes très talentueuses dans cette section, mais à cause de certaines circonstances ou de considérations occultes ou autres, ce gestionnaire veut favoriser quelqu'un. On passe donc par la nomination temporaire, puis cette personne devient un employé permanent; à cause de ce processus, toutes les personnes sur place n'ont même pas la possibilité de postuler cet emploi. Vous pouvez imaginer l'effet que cela a sur le milieu de travail, à quel point c'est décourageant, et toute la méfiance qu'on suscite à l'égard du système. La question du mérite comme telle n'est jamais intervenue dans la nomination de cette personne parce qu'elle ne s'est pas présentée à un concours quelconque fondé sur le mérite pour l'emploi temporaire. Et tous les autres qui s'attendaient à de l'avancement ou qui voulaient avoir la possibilité de postuler le poste de gestionnaire local n'ont jamais eu la moindre chance.

    Ce que je dis, c'est qu'à ce moment-là, lorsqu'un employé temporaire est sur le point d'être nommé à un poste de gestionnaire local permanent, il doit y avoir un concours quelconque, où le principe du mérite interviendra dans le système et sera respecté. Pouvez-vous nous parler de ce genre de dynamique?

  +-(1215)  

+-

    Mme Linda Duxbury: Le scénario que vous venez de décrire se déroule déjà dans le système actuel, ce qui confirme ma thèse comme quoi le système actuel est en panne et que le mérite n'a plus le même sens dans le système actuel. Nombreux sont ceux qui croient que les exposés de fonction sont rédigés pour permettre de recruter un candidat en particulier, qui du même coup devient le plus méritant. Je pense que l'essentiel ici, c'est qu'on donne en fait la responsabilité aux gestionnaires, pour pouvoir évaluer leur rendement, et s'ils ne réussissent pas à recruter équitablement le meilleur candidat. ils perdront leur poste de gestionnaire. C'est l'élément administratif qui accompagne ce projet de loi. Tant qu'on ne donnera pas la responsabilité voulue aux gestionnaires, et c'est ce que nous faisons avec ce projet de loi, nous ne pourrons pas sévir contre le gestionnaire qui commet des abus, parce que selon la définition actuelle du mérite, il est difficile de prendre le gestionnaire en flagrant délit.

+-

    M. Paul Forseth: C'est ce qui ne me plaît pas dans ce projet de loi. La définition du mérite, c'est en partie la possibilité raisonnable qu'on a de postuler un emploi et de voir son mérite évalué. Le mérite ne veut rien dire si on ne vous permet même pas de vous faire valoir. À l'alinéa 30(2)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, on dit que la Commission doit être convaincue que la personne nommée possède les qualités essentielles pour faire le travail. On pourrait peut-être ajouter la mention «et est la plus méritante» dans un certain contexte. On peut dire dans un contexte philosophique, oui, nous respectons le principe du mérite, mais si l'on ne peut pas le concrétiser, aussi bien ne pas en parler.

+-

    Mme Linda Duxbury: Ce qui m'intrigue, c'est comment on définirait opérationnellement la mention «la plus méritante» dans un certain contexte.

+-

    M. Paul Forseth: Est-ce que ce n'est pas essentiellement ce qu'on fait dans tous les concours? Si vous interviewez six personnes, vous avez un barème objectif quelconque, un système de notation, des questions normalisées, de sorte qu'on va poser essentiellement les mêmes questions aux six candidats.

+-

    Mme Linda Duxbury: Mais en fait, vous avez six éléments qui sont tous importants, et la personne A excelle dans un et deux mais est moins forte dans trois et quatre. Vous allez aboutir avec six candidats qui sont tous excellents pour cet emploi, tous sont méritants, et c'est alors qu'interviennent les éléments intangibles. C'est ce qu'on voit lorsqu'on engage des travailleurs du savoir. Nombre de ces éléments sont flous.

  +-(1220)  

+-

    M. Paul Forseth: Voilà pourquoi nous avons des catégories comme les qualités personnelles qui sont évaluées, mais à tout le moins, il existe un processus où l'on évalue le mérite et où le mérite intervient. Ce que je dis, c'est qu'avec cette définition, on dirait qu'on va créer un régime où le mérite des candidats n'interviendra jamais.

+-

    Mme Linda Duxbury: Je ne vois rien de la sorte.

+-

    M. Michael Nurse: Moi non plus. Tout ce que je peux faire, c'est vous parler de mon expérience personnelle et dans mon rôle—et je tiens à rappeler que c'est du fait de mon rôle que je suis ici aujourd'hui—je parle à des centaines et à des centaines d'excellents gestionnaires qui, comme je l'ai dit, résident dans vos diverses circonscriptions. Lorsque certains d'entre eux engagent des personnes dans le cadre du processus d'emploi temporaire, ils le font parce qu'ils n'ont pas d'autre moyen de procéder. Ils ont désespérément besoin de quelqu'un pour faire le travail. Je sais qu'il y en a qui pensent le contraire, mais les gestionnaires respectent le principe du mérite. Je disais que c'était comme ouvrir et fermer la porte. Je ne crois pas avoir jamais rencontré quelqu'un qui n'aurait pas dit, je veux recruter la meilleure personne qui soit pour faire le travail. Très souvent, ce qu'ils disent, c'est que j'ai besoin de cette personne demain.

    La nécessité rend ingénieux, et les gestionnaires, comme tout le monde, sont très novateurs, et ils ont trouvé des solutions. En fait, ils essaient de contourner le processus et le système qui est en place maintenant, et ils exercent leur jugement lorsqu'ils cherchent la personne la plus méritante à engager. Lorsque le processus s'enclenche, bien sûr, cette personne peut avoir acquis une certaine expérience et t avoir démontré des possibilités ainsi qu'un certain mérite, mais je crois que les gestionnaires observent le principe du mérite. Je pense que le mérite intervient dans tout ce qu'ils font. C'est courtiser le malheur si on n'engage pas la meilleure personne, surtout dans cette économie du savoir, où le bassin de recrutement est limité, et si vous n'engagez pas la meilleure personne, vous allez vous en apercevoir tout de suite.

    Je crois qu'avec ce processus, on inverse les choses et on dit, vous êtes comptable à l'intérieur d'un certain cadre redditionnel, et on vous permettra de faire ceci et cela. Mais nous avons certaines attentes. Vous avez consulté vos collègues des syndicats, qui ont exprimé certaines attentes. Vous allez faire ceci et cela, et si vous n'engagez pas la bonne personne et que le travail n'est pas fait, vous allez risquer votre tête. Donc allez engager cette personne. Nous allons vous donner les outils qu'il faut, nous allons vous former pour que vous puissiez comprendre ce que veut vraiment dire le mérite, si vous ne comprenez pas—moi je crois qu'ils le savent. S'ils ne font pas le travail voulu, ils ne pourront pas s'acquitter de leurs fonctions. Ce qu'ils disent en ce moment, c'est, je ne peux pas obtenir personne, je vais donc me débrouiller par n'importe quel moyen. Ils engagent des personnes à contrat s'il le faut. Les gestionnaires ont simplement besoin de monde pour faire le travail, c'est pour cela qu'on les paie, c'est pour cela qu'ils ont été formés.

+-

    M. Paul Forseth: Je crains que le mot innovateur ne soit un euphémisme pour profiter du système. Vous avez exposé des problèmes administratifs qui ébranlent le principe du mérite. Si vous avez un problème administratif, parce que vous ne pouvez pas recruter du monde, vous devez régler ce problème administratif sans remettre la loi en question. C'est ce que je disais plus tôt.

+-

    M. Michael Nurse: Je respecte votre point de vue.

+-

    Mme Linda Duxbury: J'aimerais simplement ajouter qu'il existe à mon avis un danger réel. Il est sans doute vrai qu'un petit nombre de gestionnaires abusent du système, mais on n'adopte pas une loi pour un petit nombre de délinquants, on adopte une loi pour la majorité des bons gestionnaires. Il n'est que raisonnable pour eux, surtout s'ils doivent rendre compte du travail de ceux qui relèvent d'eux, qu'on leur permette d'engager le personnel capable de faire le travail.

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci.

    Madame Bennett.

+-

    Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci beaucoup.

    Ma question fait suite à celle de M. Lanctôt. Le projet de loi est-il parfait, ou y a-t-il des changements que notre comité devrait recommander?

+-

    M. Michael Nurse: La perfection n'est pas de ce monde. Ce que nous avons sous les yeux, c'est un projet de loi qui reflète des consultations intensives auprès de toute une série d'intéressés. Il s'est déroulé un processus très long, très difficile, où certains ne voulaient pas faire certaines choses, c'est donc le résultat d'un certain compromis. Je crois que ce que nous avons, c'est un texte de loi que tout le monde était prêt à vous soumettre. De ce point de vue, je suis satisfait. Le projet de loi est-il parfait? Probablement pas, mais ce sera mieux que rien du tout, et c'est ce que je veux dire. Ce texte de loi va donner à mes gens, à ces personnes dont je suis le champion, les outils qu'il leur faudra dans les années à venir pour faire leur travail, parce qu'ils vont bien voir qu'on les aide, et je crois pour ma part qu'ils sauront rendre des comptes parce qu'ils seront plus efficients dans leur travail, et nous allons voir ces résultats.

  +-(1225)  

+-

    Mme Linda Duxbury: Je ne pense évidemment pas que le projet de loi est parfait. J'ai fait partie de la commission Fryer; je représentais les gestionnaires. Nous avons discuté point par point pendant deux ans et demi du texte de nos recommandations et en fin de compte, il y a eu des compromis. J'ai renoncé à certaines choses et j'en ai obtenu d'autres. Je ne pense pas qu'il serait juste que je dise aujourd'hui qu'en dépit des négociations, je me rétracte et j'exige autre chose. À bien des égards, j'estime que ce projet de loi n'est pas parfait car il représente l'aboutissement de nombreux compromis sur divers plans. Vous ne pouvez pas interpréter les intentions. C'est comme une pile de cartes : En en retirant une, tout s'écroule. Je ne veux pas qu'on touche à une seule de mes cartes sur le plan de la gestion. Car c'est en renonçant à certaines choses que j'en ai obtenu d'autres.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Comme vous le savez, il s'agit d' un nouveau comité et on peut espérer que nous tisserons des liens en ce qui concerne les opérations gouvernementales. Manifestement, relativement aux pratiques de gestion et au changement culturel, vous préconisez que les parlementaires demeurent vigilants ce qui mènerait, selon vous, à un partenariat évident. Selon vous, que devraient rechercher les parlementaires? Y a-t-il des mesures permettant de vérifier les résultats? Pour ce qui est de recruter et de garder le personnel , y a-t-il un moyen de calculer combien d'étudiants se portent candidats à la fonction publique? Comment pourrons-nous savoir si c'est le meilleur employeur? Comment les parlementaires peuvent-ils mesurer cela? Comment savoir si ce sont les sujets créateurs et innovateurs qui se portent candidats? Comment savoir, au contraire, s'ils ne s'orientent pas tous vers le secteur privé? Comment démêler tout cela?

    Deuxièmement, l'Organisation internationale de normalisation a publié une liste de pratiques de gestion. Comment la situation se compare-t-elle aux pratiques de gestion de l'ISO en ce qui concerne la productivité, la culture, et tous ces autres facteurs?

+-

    Mme Linda Duxbury: Il y a un grand nombre de repères très simples que l'on peut appliquer pour recruter et garder le personnel. Par exemple, combien de temps faut-il pour combler un poste? Combien de temps les employés, surtout les jeunes, demeurent-ils au sein de la fonction publique? Il faut procéder à des entrevues au moment du départ pour en connaître la raison. J'ai engagé un étudiant diplômé pour préparer une étude sur la valeur-travail qui varie d'une génération à une autre. Il a fait un sondage par l'intermédiaire d'Internet et le Sous-secrétaire du Conseil du Trésor a accepté que les fonctionnaires y participent. Il est difficile de trouver des fonctionnaires de moins de 30 ans—mais ça c'est autre chose—mais plus de 1 000 personnes ont répondu aux questions du sondage dans les quatre jours de sorte que je pourrais vous donner des renseignements sur ce groupe et leur sentiment. Il y a donc certaines méthodes assez faciles d'utilisation.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Est-ce qu'on devrait rendre obligatoires les entrevues de départ?

  +-(1230)  

+-

    Mme Linda Duxbury: Oui. Non seulement devraient-elles être obligatoires mais les renseignements devraient être utilisés. Actuellement, l'entrevue est assez aléatoire et dans bien des cas, son résultat n'est pas utilisé. Cela devrait être fait de façon régulière. Je reviens au harcèlement. Si l'on découvre que les gens quittent leur emploi non pas à cause du fonctionnariat mais pour échapper à un patron peu recommandable, cela signifie qu'il y a quantité d'éléments qui viennent se greffer au processus de promotion. Tout cela fait partie de l'intervention de l'administration.

    L'image d'une fonction publique dépend du point de comparaison mais la Grande-Bretagne, la Nouvelle-Zélande et l'Australie modifient de façon très appréciable leurs méthodes de gestion des fonctionnaires. J'ose espérer qu'on nous félicitera pour nos pratiques exemplaires à cet égard.

+-

    Ms. Carolyn Bennett: Comment rendre obligatoire une entrevue de départ? Comment s'assurer que les renseignements recueillis sont utilisés à bon escient.

+-

    Mme Linda Duxbury: Cela relèverait du Conseil du Trésor, n'est-ce pas?

+-

    Mme Carolyn Bennett: Cela devrait-il figurer dans le projet de loi?

+-

    M. Michael Nurse: Je n'ai peut-être pas compris votre argument. À mon avis, ce genre de procédures ne devraient pas figurer dans le projet de loi.

    À propos de la bonne gestion, il peut arriver qu'on exprime des impressions alors que la réalité se fait jour quand on s'entretient avec les gens. Un bon échantillon d'entrevues de départ transformé en renseignements fournis à la gestion est sans doute la meilleure forme de rétroinformation. Les gens sont susceptibles de parler très franchement et de dire ce qui les préoccupe et ce qui les a amenés à décider de partir. On pourra également glaner quelques bonnes suggestions : si vous voulez que je revienne et si vous voulez pouvoir compter sur mes conseils, voilà les éléments que vous devriez considérer. Cette forme de rétroinformation est précieuse. Je pense qu'on devrait pouvoir compter là-dessus. Au ministère, nous avons ce que nous appelons un bilan social. C'est ainsi que l'on cerne le moteur de l'organisation du point des ressources humaines. C'est presque l'équivalent d'un examen budgétaire. On se penche sur les griefs, les appels, la rétroinformation à partir des entrevues de départ, le choix de mots, le meilleur et le pire, et cela donne un résultat remarquable. Il faut que ce genre de renforcement se fasse régulièrement. À mon avis, c'est tout simplement de la bonne gestion.

+-

    Mme Linda Duxbury: Il faut également tenir compte de choses très concrètes. Le recours aux médicaments d'ordonnance et au Programme d'aide aux employés n'ont rien à voir avec les impressions. Je sais que leur utilisation s'est intensifiée de façon appréciable. Ce sont de solides repères.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Vous parlez des chiffres, n'est-ce pas? Vous pouvez de façon anonyme en faire un instrument d'évaluation pour la gestion, n'est-ce pas?

+-

    Mme Linda Duxbury: Oui, nous l'utilisons couramment.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Vous comptez le nombre d'employés qui prennent des antidépresseurs, des anxiolytiques, etc., n'est-ce pas?

+-

    Mme Linda Duxbury: Oui, tout à fait.

+-

    M. Michael Nurse: Il suffit de voir quelle est la tendance. Point n'est besoin de s'immiscer dans la vie privée des gens. Le programme d'aide aux employés est épatant. On peut même avoir une idée de ce qui provoque les visites. Dans certains cas, il s'agit du soin aux personnes âgées : l'employé explique qu'il n'a pas assez de temps à consacrer à son travail à cause d'une situation difficile. C'est ainsi que l'on peut déceler certaines tendances. En tant que gestionnaires, nous nous demandons comment gérer ces tendances. Les gens s'inquiètent au sujet des garderies, mais le soin des personnes âgées constitue désormais un vrai problème. Voilà le genre d'éléments que je cite. Le Programme d'aide aux employés est un des indicateurs que nous prenons en compte. Sans faire entorse à l'aspect confidentiel, on peut apprendre énormément en analysant ce genre de tendances.

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci beaucoup, madame Bennett.

    Monsieur Lanctôt.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Merci, monsieur le président.

    Je comprends bien qu'on essaie de rendre plus flexibles et plus rapides la dotation et les nominations, mais il s'agit d'un retour du balancier. Vous aviez un cadre très rigide, et en instaurant une notion de mérite sans particularité, sans critère, vous rendez le processus très subjectif et non plus objectif.

    Je n'ai pas besoin de vous dire que si quelqu'un n'est pas dans la manche du gestionnaire, il peut avoir de graves problèmes. Serait-il possible, à votre avis, d'améliorer le projet de loi pour éviter d'aller à l'extrême et de rendre le processus tellement subjectif qu'il y aurait tous ces problèmes, dont celui de la contestation? Il n'y a plus que deux motifs de contestation: l'abus de pouvoir et le déni d'une évaluation dans la langue officielle de son choix. C'est limitatif et exhaustif. Tout compte fait, il ne reste qu'un seul critère: l'abus de pouvoir. Vous savez comme moi à quel point il est difficile de faire la preuve de ça.

    Donc, il y a deux choses. Pourquoi ne pas adopter un processus qui inclurait le mérite, mais qui comprendrait des lignes directrices très précises? Des syndicats sont venus nous dire qu'il fallait exiger qu'il y ait une négociation sur l'établissement des critères de qualification et sur la notion du mérite. Autrement, une personne ou un petit groupe de personnes pourrait facilement... On veut quelque chose de non partisan, d'indépendant, quelque chose de très bien fait, mais à cause de la rapidité, on est en train de passer à l'autre extrême. Comme on le disait tout à l'heure, ça peut créer tout un problème si on veut améliorer la fonction publique.

  +-(1235)  

[Traduction]

+-

    Mme Linda Duxbury: Je comprends ces inquiétudes mais je pense que ce qui est capital, c' est d'avoir des gestionnaires compétents, et cela nous ramène à l'aspect administratif. Il faut bien choisir, bien former, donner le temps qu'il faut pour faire le travail et ensuite trouver des motivations. Des gestionnaires compétents veulent compter sur des employés compétents. Je le répète, s'il y a trop de discours, ce sera interprété comme un manque de confiance dans les gestionnaires et cela pourrait renverser la vapeur, nous porter au cynisme. Même si on reconnaît que certaines personnes abuseront de leur pouvoir, ce n'est quand même pas la norme. Il y aura toujours un certain nombre d'employés à tous les niveaux qui essaieront de profiter du système, mais on ne gère pas la minorité mais la majorité.

    Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question mais je crains que votre souhait de veiller à ce que le principe du mérite soit respecté laisse entendre que vous doutez que les gestionnaires fassent de leur mieux.

+-

    M. Michael Nurse: Je ne peux qu'abonder dans le même sens. D'un point de vue pratique, quel que soit le système, quelles que soient les vérifications possibles, il y aura toujours certaines personnes, une très infime minorité, qui va en abuser.

    Je pense honnêtement que beaucoup de gestionnaires ont l'impression que le système actuel leur échappe. Ils font de leur mieux pour le cerner mais ils sont à la merci d'autres personnes quand ils veulent faire quelque chose, quand il s'agit de décider combien de temps une tâche prendra. Comme cela leur échappe, ils cherchent d'autres méthodes et on en a cité quelques-unes aujourd'hui, pour que le travail se fasse. Si j'ai bien compris, nous tenons actuellement à leur donner le pouvoir de faire le travail. Je pense qu'il y a toutes sortes de vérifications possibles dans le processus, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils risquent de ne pas être maintenus en poste s'ils ne répondent pas aux attentes. Voilà que nous disons que nous allons leur laisser le champ libre avec certaines indications, mais c'est à eux d'agir. Voici l'analogie que je fais: C'est comme si nous les placions à côté d'une chaîne de montage et qu'ils nous disaient ne pas pouvoir s'en servir pour faire le travail, au quel cas ils doivent trouver d'autres moyens. Donnons-leur le champ libre et laissons-les prendre des décisions avec un cadre indicatif, et l'on constatera que dans 99.999 p. 100 des cas, la décision tiendra compte du principe du mérite, aboutira au choix de la meilleure personne capable en l'occurrence de faire le travail. Je pense qu'on constatera une différence maquée dans l'attitude des gens, car dès lors ils auront l'impression d'appartenir à une fonction publique qui veut évoluer et s'acquitter de sa tâche dans un environnement très dynamique.

    Je lance une exhortation. Il s'agit d'un environnement difficile, ingrat. Actuellement, ils se disent qu'ils sont des ratés, et ce n'est pas vrai. Les erreurs sont proclamées et on ne se demande pas pourquoi quand les choses vont bien. Comme je l'ai dit, des milliers de gens font ce qu'il faut tous les jours et envers et contre tout dans certains cas. Il nous faut leur donner les outils et il n'y aura pas de déception, j'en suis convaincu.

  +-(1240)  

+-

    Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci, monsieur Lanctôt.

    Monsieur  Szabo, une dernière question.

+-

    M. Paul Szabo: Vous parlez d'un groupe d'employés qui évoluent dans un environnement politique et puisque le dénigrement des politiciens est devenu un sport national, je ne pense pas que la partie soit jamais gagnée mais vous n'avez rien à perdre avec les dispositions de ce projet de loi.

    Je pense que l'exemple le plus éloquent de l'évolution culturelle est celui que vous avez donné, monsieur Nurse. Trouver une recrue est beaucoup plus facile quand on a recours au travail à contrat ou à court terme que lorsqu'on se sert du long terme, d'un contrat d'une durée indéterminée. L'incidence de ce genre de pratique montre bien que l'attitude est bien ancrée. Étant donné donc la culture qui prévaut dans la fonction publique depuis un certain temps sans changement—il est malheureux que le changement se soit fait attendre si longtemps mais voilà qu'il va se produire—pensez-vous qu'il y a un coup d'envoi assez emballant, suffisamment marqué pour que tous se serrent les coudes, ou prévoyez-vous que le changement sera plus difficile à réaliser? Devrions-nous donc prévoir un coup d'envoi éclatant afin que tous soient convaincus que nous sommes du même bord?

+-

    M. Michael Nurse: Je vais vous donner mon opinion personnelle. Dans mon travail, je vous l'ai dit, je suis appelé à m'adresser à des groupes de cadres intermédiaires. Nous avons commencé à réunir les cadres intermédiaires suivant une formule de forum et je m'adresse à eux. La question posée est la suivante: Ce changement va-t-il vraiment se produire? Comme je l'a dit, je pense que oui, dans la mesure où il aura assez de renseignements, assez de consultations, et qu'une masse critique de gens aura reconnu le changement mais quand le changement se produira, il faudra que nous en soyons fiers.

    Je pense qu'il est important que l'on reconnaisse universellement que ce projet de loi est une réponse aux besoins de changement après des années et que le changement signifie une reddition de comptes plus intense, l'injection d'argent au titre de la formation et de l'apprentissage en tant qu'appui, et qu'avec la reddition de comptes, on s'attend à un partenariat plus soutenu avec nos collègues des syndicats. Je pense qu'il faut que le message soit très clair à cet égard car la communication est un instrument imparfait. Quelques-uns d'entre nous entendrons le message parce que cela fait partie de leur vie quotidienne mais pour joindre 40 000 personnes, c'est autre chose. Je m'y emploie depuis cinq ans et la moitié d'entre eux est restée impassible. La communication est extrêmement importante. Il importe de présenter les aspects positifs mais de signaler les attentes, et seuls les gens à qui nous allons confier une responsabilité peuvent répondre à ces attentes. Ce n'est pas du ressort des sous-chefs. Il faut pouvoir compter sur les gestionnaires, les cadres—et en fait, les employés, mais mon propos ici porte sur les gestionnaires. Effectivement, la communication sera très importante.

+-

    Mme Linda Duxbury: Cela suffit-il? Comme je l'ai dit, c'est un début mais seulement un début. La communication est-elle cruciale? Oui. Le discours suffit-il? Non. C'est le comportement au fil du temps qui fera la différence et qui réalisera le changement. Les gens seront-ils emballés? Je pense en toute honnêteté qu'ils seront étonnés si le projet de loi est adopté. Je pense qu'ils seront contents mais je ne crois pas qu'ils soient emballés. Ils vont attendre de voir la différence que cela représentera pour eux. Ils vont attendre de voir le premier comportement limite. Qu'advient-il d'un gestionnaire qui ne respecte pas le principe du mérite? Si rien n'est fait, cela ne fera qu'ancrer les vieilles habitudes. Si on ne donne pas suite à certaines de ces mesures, si le comportement est le même malgré les dispositions de la loi, cela ne fera pas de différence.

+-

    M. Paul Szabo: Monsieur le président, ce que je viens d'entendre m'inquiète. Il y aura une réaction de surprise si la loi est adoptée plutôt qu'une manifestation d'optimisme prévue. Si c'est le cas, si les gens se montrent cyniques dès le départ, nous nous préparons à une période très difficile, voir désastreuse, dans la fonction publique. Ce n'est tout simplement pas acceptable. Nous ne pouvons pas nous permettre un faux départ. Si quiconque dans la fonction publique pense qu'il est acceptable de dire: «Je serai étonné si cela marche», cela signifie qu'ils ne sont pas du bon bord. Il faut que vous fassiez cause commune avec nous ou que vous réfléchissiez à votre avenir.

  -(1245)  

+-

    Mme Linda Duxbury: J'ai dit qu'ils seraient surpris mais vous ne devez pas leur en vouloir. Je pense que vous nous pouvez pas imaginer le degré de cynisme qui existe. Si l'on se lance en ayant conscience du cynisme qui existe, tant mieux car à mon avis c'est important.

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    Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci beaucoup d'être venus témoigner ce matin.

    Je vous rappelle que nous nous réunissons cet après-midi dans la même salle à 15 h 30.

    La séance est levée.