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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 12 avril 2000

• 1534

[Traduction]

Le président (M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.)): Chers collègues, bien le bonjour. En conformité avec l'ordre de renvoi adopté par la Chambre le 31 mars 2000, notre comité étudie le projet de loi C-26.

Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins de cet après- midi. Nous accueillons tout d'abord, du Bureau de la concurrence, Konrad von Finckenstein. Heureux de vous revoir, monsieur. Je vous remercie beaucoup d'avoir répondu à notre invitation. Il nous tarde d'entendre votre exposé, mais je vous demanderais auparavant de nous présenter votre adjoint et votre agent de commerce principal. Monsieur von Finckenstein, nous vous écoutons.

M. Konrad von Finckenstein (commissaire de la concurrence, Bureau de la concurrence): Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui afin de vous faire part de mon point de vue concernant le projet de loi C-26. Je ferai brièvement ressortir les principales modifications envisagées à la Loi sur la concurrence dans le projet de loi à l'étude, après quoi mes collègues et moi demeurerons à votre disposition pour répondre aux questions.

• 1535

Je vous présente Ray Pierce, sous-commissaire en charge des fusionnements, et Richard Annan, principal analyste du dossier des lignes aériennes.

J'aimerais d'abord vous parler de l'exemption temporaire des agents de voyage prévue dans le projet de loi à l'étude. Elle permettra aux agents de voyage de négocier collectivement avec un transporteur dominant les commissions touchées pour la vente de sièges sur des vols intérieurs. Dans ce contexte, il faudrait se rappeler que les agents de voyage sont de loin le plus important réseau de distribution des billets d'avion, représentant plus des trois-quarts des ventes de billet effectuées par les lignes aériennes régulières au Canada. Toutefois, l'exemption est temporaire et sera valable seulement jusqu'à ce que le transporteur dominant détienne 60 p. 100 ou plus des passagers-kilomètres payants à l'égard de l'ensemble des services intérieurs pendant les douze mois précédents. À tous les autres égards, la Loi sur la concurrence continuera de s'appliquer aux agents de voyage.

[Français]

Deuxièmement, le projet de loi définit, grâce à un règlement, les agissements anticoncurrentiels dans le domaine du transport aérien.

Aujourd'hui, je dépose devant vous une copie du règlement qui sera publié lorsque le projet de loi sera adopté.

[Traduction]

Monsieur le président, avec votre permission, j'aimerais déposer copie du règlement pour que les membres du comité puissent se faire une idée de ce qui entrera en vigueur.

[Français]

Le règlement souligne les types de comportement, incluant le prix d'éviction, qui sont susceptibles d'être contestés. Souvent, la ligne est mince entre un comportement proconrurrentiel et un comportement abusif. Le dépôt et la publication de ces lignes directrices établiront les limites d'un comportement acceptable pour l'industrie. Nous invitons tous les intéressés à faire parvenir leurs commentaires au Bureau de la concurrence.

[Traduction]

Troisièmement, la loi prévoit un nouveau pouvoir, soit l'ordonnance de cesser et de s'abstenir. Le commissaire pourra ainsi réagir rapidement pour mettre fin à tout agissement anticoncurrentiel avant qu'il n'entraîne des dommages permanents.

Au Canada, l'industrie aérienne est unique du fait qu'il y a un transporteur largement dominant. De plus, c'est une industrie ayant des éléments d'actif très mobiles et des coûts variables bas. Une ordonnance peut être émise pour une période allant jusqu'à 80 jours pendant le déroulement de l'enquête et elle est révisable par le Tribunal de la concurrence. Il est important de mentionner que le Bureau a consulté le ministère de la Justice pour s'assurer que ces pouvoirs sont compatibles avec la Charte des droits et libertés.

[Français]

Quatrièmement, le projet de loi introduit de nouvelles procédures concernant l'examen des fusionnements dans le domaine des transporteurs aériens.

Le projet de loi indique aux sociétés aériennes voulant se fusionner une démarche étape par étape concernant la notification à l'Office des transports du Canada, au ministre des Transports et au Bureau de la concurrence. Il donne au gouverneur en conseil la responsabilité de l'approbation finale. Ce processus permet aussi de traiter en même temps les questions de concurrence et les questions d'intérêt public.

De plus, le projet de loi contient tous les engagements pris par Air Canada lors des négociations avec le Bureau de la concurrence avant Noël. Il considère que le fusionnement a été approuvé en vertu de ces nouvelles procédures. Les engagements deviendront donc opposables et exécutoires. Alors, toute contravention à ces engagements peut maintenant résulter en des amendes et en une peine d'emprisonnement.

[Traduction]

Enfin, le projet de loi fournit un mécanisme permettant au commissaire et au ministre des Transports de s'échanger des renseignements confidentiels sur les fusionnements dans le domaine du transport aérien. La restriction actuelle voulant que l'information pertinente exigée par mon bureau et par le ministre des Transports ne puisse être échangée ou comparée sera abolie. Le processus gagnera en efficacité. Par contre, le partage ne peut se faire que lorsqu'il y a fusionnement de sociétés aériennes.

Cependant, la nouvelle loi seule ne fait rien pour attirer de nouveaux concurrents sur le marché. Même si les engagements pris par Air Canada abaissent les barrières à l'entrée, par exemple s'ils facilitent l'accès aux aéroports, ils ne garantissent pas l'arrivée de nouveaux venus sur le marché ou l'expansion des transporteurs existants.

[Français]

Je suis content de noter que le ministre des Transports a libéralisé la politique d'affrètement pour un vol international en s'inspirant sensiblement de nos recommandations.

• 1540

Même si ces modifications, les changements de la politique apportés par le ministre et les engagements concernant les opérations de liquidation pris par Air Canada respectent plusieurs des recommandations faites par le bureau, je demeure préoccupé par l'état de la concurrence dans l'industrie aérienne du Canada.

Afin d'illustrer mes préoccupations, permettez-moi d'ajouter quelques points. Avec cette transaction qui doit encore être finalisée, Air Canada émergera avec plus de 80 p. 100 des passagers du réseau intérieur, plus de 90 p. 100 des revenus intérieurs et une flotte dépassant 230 aéronefs.

Il est clair que les transporteurs émergents et les nouveaux arrivants sur les routes intérieures feront face à un formidable concurrent. Je n'ai aucune crainte concernant la future santé financière d'Air Canada.

[Traduction]

En février dernier, le bilan financier de la compagnie aérienne faisait état d'un bénéfice d'exploitation de 503 millions de dollars, d'une marge d'exploitation de 7,7 p. 100—la plus haute en 27 ans—et d'un cours de l'action de plus de 15 $, contre tout juste 6 $ l'été dernier.

Donc, la santé financière d'Air Canada ne m'inquiète pas. Toutefois, je maintiens qu'il n'y aura de véritable concurrence que lorsque nous libéraliserons l'accès à notre marché intérieur. Vous vous rappellerez que, dans ma lettre du 22 octobre au ministre et lors de mon témoignage devant ce comité, j'avais fait trois recommandations à ce sujet, soit une modification au règlement et deux modifications à la loi.

Permettez-moi de vous les rappeler brièvement. Il faut tout d'abord porter par voie de règlement le plafond de propriété étrangère à 49 p. 100 des actions donnant droit de vote des transporteurs aériens canadiens, la limite actuelle étant de 25 p. 100.

Ensuite, il faut que le gouvernement du Canada tente immédiatement de négocier avec les États-Unis une sixième liberté de l'air modifiée concernant les services aux passagers. Cela permettrait aux transporteurs aériens américains d'offrir un billet simple pour un voyage d'une ville canadienne à une autre ville canadienne en passant par une ville américaine.

Enfin, il faut que la Loi sur les transports au Canada soit modifiée afin de permettre aux transporteurs d'obtenir une licence d'exploitation limitée au réseau canadien. Il faudrait que de tels transporteurs soient libres de toute restriction relative à la propriété ou au contrôle canadien. Dans le cadre d'un pareil régime, qui se rapproche de ce qui est en vigueur en Australie actuellement, les transporteurs ne pourraient assurer le service qu'au Canada et ne pourraient offrir des vols vers des destinations étrangères. Ils se contenteraient de livrer concurrence à Air Canada, sur les marchés intérieurs.

En résumé, monsieur le président, à mon avis, le meilleur moyen de protéger le consommateur est d'ouvrir le marché canadien à la concurrence en effectuant les trois modifications que je vous ai exposées.

Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui. Je répondrai maintenant volontiers à vos questions.

Le président: Monsieur le commissaire, je vous remercie beaucoup de cet exposé.

Nous allons passer tout de suite aux questions.

Val Meredith.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Monsieur von Finckenstein, je tiens à vous remercier d'être venu témoigner aujourd'hui.

Nous avons entendu plusieurs témoins faire valoir des préoccupations parce que le transporteur dominant semble ne pas être disposé à renouveler les contrats qu'avait avec eux Canadien. Je crois que l'expression juste pour les décrire serait des «contrats de gros» pour des services que leur fournissait Canadien, soit au sol soit sur le plan des processus, des méthodes et du matériel de formation.

En dehors des audiences du comité, nous avons également entendu certaines personnes nous dire qu'elles ont le même problème, qu'elles avaient passé avec Canadien des marchés de gros et que les négociations avec le nouveau transporteur dominant sont vraiment très restrictives. Qui plus est, des porte-parole des aéroports nous ont dit que le transporteur dominant se sert presque d'eux comme moyen détourné pour empêcher d'autres transporteurs aériens comme WestJet et Canada 3000 d'utiliser l'aéroport de Dorval.

Voici donc ma question. Dans le cadre de votre enquête sur les répercussions de ces marchés post-fusionnement, tiendrez-vous compte des autres aspects, par exemple du comportement d'éviction, ou pouvez-vous fixer des conditions en ce qui a trait aux marchés passés avec des tiers et avec des aéroports?

M. Konrad von Finckenstein: Établissons au départ que vous parlez de Canadien. Comme vous le savez, le transporteur Canadien vient de se placer sous la protection des tribunaux en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Toute relation contractuelle jouit de la protection de cette loi. Dans la mesure où Canadien refuse de respecter ses engagements contractuels, les recours sont quelque peu limités par la procédure de faillite.

• 1545

Toutefois, après la faillite, une fois qu'Air Canada sera carrément propriétaire de Canadien, si nous recevons des plaintes au sujet du comportement d'Air Canada, si l'on prétend que la ligne aérienne abuse de sa position dominante ou refuse de fournir, par exemple, nous ferons enquête dans les limites de notre compétence.

Dans certains domaines que vous avez mentionnés, la Loi sur la concurrence ne s'applique peut-être pas, et je suis donc impuissant. Par exemple, vous avez parlé des autorités aéroportuaires locales. Ces autorités sont essentiellement un monopole local créé lors de la cession des aéroports fédéraux, des terres, et ainsi de suite.

Si l'autorité aéroportuaire est propriétaire de ses installations et qu'elle peut en disposer comme elle le juge bon, il n'y a vraiment rien qu'on puisse faire—à moins qu'il n'y ait collusion ou complot entre Air Canada et l'autorité aéroportuaire—en raison du monopole local qui a été créé par la vente des installations aéroportuaires. La Loi sur la concurrence a pour objet d'empêcher que la concurrence ne soit diminuée, mais dans ce cas-ci, il n'y a pas de concurrence au départ puisqu'il n'y a qu'un seul aéroport pour toute la région.

Mme Val Meredith: Vous dites en réalité que le Bureau de la concurrence ne pourra protéger l'accès des nouveaux transporteurs aux aéroports si l'autorité locale décide de privilégier le transporteur dominant parce que 90 p. 100 de son revenu vient probablement de lui. Vous ne pouvez pas empêcher ce transporteur dominant d'utiliser son pouvoir de dépenser ou sa force financière pour dicter ses conditions aux aéroports.

M. Konrad von Finckenstein: Pas à ce point. Vous exagérez. Si le transporteur aérien dominant se sert de son pouvoir pour dicter sa volonté aux autorités aéroportuaires locales afin de faire la vie dure à WestJet et aux autres, nous pouvons effectivement intervenir.

Mme Val Meredith: D'accord.

M. Konrad von Finckenstein: Toutefois, s'il se sert uniquement de sa taille, de son poids, pour obtenir une ristourne ou un tarif préférentiel, nous ne pouvons rien faire.

Mme Val Meredith: Donc, s'il s'agit par exemple de milles aériens dans le cadre d'un contrat passé avec Canadien... Dans le cas de Canada 3000, qui avait un arrangement en place pour la formation depuis pas mal d'années... Si j'ai bien compris, la direction des Lignes aériennes Canadien a changé, c'est plus ou moins Air Canada qui assure la direction de Canadien et elle a imposé des changements d'orientation—elle a annulé tous les contrats, essentiellement.

M. Konrad von Finckenstein: Tout d'abord, il y a des contrats en vigueur. Dans votre exemple, Canada 3000 a des droits contractuels. Ces droits peuvent prendre fin ou être limités par la procédure de faillite. J'ignore quelle en sera l'issue. Si l'entrepris survit, elle a naturellement ces droits contractuels.

Si, à l'expiration de ces contrats, Air Canada refuse de les renouveler, il faudra décider à ce moment-là si le refus par Air Canada de le faire équivaut à un refus de fournir au sens de la Loi sur la concurrence et s'il y a lieu de traîner Air Canada devant les tribunaux. Sans connaître les faits précis et la situation juste, je ne peux répondre à la question.

Mme Val Meredith: Donc, si une entreprise prétendait avoir été lésée en vertu de la Loi sur la concurrence, quelle sorte d'échéance... Par exemple, Canada 3000 invoque la Loi sur la concurrence, affirme qu'Air Canada a essayé de l'évincer. Combien de temps faudrait-il pour que vous fassiez enquête et que vous vous prononciez?

M. Konrad von Finckenstein: Je ne veux pas vous donner l'impression d'éviter la question, mais tout dépend tellement des faits. Le genre d'enquête qu'il faut mener est fonction de la preuve. Parfois, la preuve est assez directe, de sorte que nous pouvons mener l'enquête très rapidement. D'autre fois, il faut fouiller. Il faudra alors peut-être recourir à une enquête formelle et, en fait, fouiller des locaux pour obtenir la preuve. Tout dépend vraiment du genre de cas.

• 1550

Mme Val Meredith: Donc, comme un transporteur leur a donné un préavis de 30 jours, il n'y a pas grand chose que vous puissiez faire en réalité.

M. Konrad von Finckenstein: Non. Tout d'abord, Air Canada a peut-être le droit de résilier le contrat. Je n'ai pas lu le document. Il y a peut-être eu violation de contrat sur le plan du rendement, par exemple. Il y a donc là peut-être un litige parfaitement normal concernant le droit de résilier ou pas.

Ensuite, supposons qu'Air Canada a effectivement le droit de résilier le contrat ou de ne pas renouveler celui qui vient à expiration. À ce stade-là, le seul recours serait en fait de déposer une plainte et de nous demander d'enquêter pour voir s'il n'y aurait pas refus de vendre au sens de la loi, en somme qu'en dépit de leur volonté de payer, de leur solvabilité, le transporteur refuse de les approvisionner. Ce refus de fournir empêche la ligne aérienne de poursuivre son activité commerciale.

Ce sont là toutes des questions de fait. Par exemple, dans l'exemple que vous donnez, Canada 3000 peut-il acheter ailleurs l'instruction en vol? Peut-il l'obtenir aux États-Unis? À quelles conditions, et ainsi de suite? Si je n'ai pas ces détails, je suis incapable de vous répondre.

Mme Val Meredith: Je vous remercie.

Le président: Madame Meredith, vous avez épuisé le temps qui vous était alloué.

Dans la foulée simplement de la question posée par Mme Meredith, M. von Finckenstein, j'ai reçu aujourd'hui une lettre selon laquelle Canada 3000 a été avisée par écrit que les Lignes aériennes Canadien souhaitent se retirer des contrats relatifs aux appareils à Edmonton, à Winnipeg et à Whitehorse dès le 2 juin 2000. Pour en revenir à la question soulevée par Mme Meredith, je crois que l'on craint qu'étant donné le monopole dont jouit Air Canada, nous ne nous retrouvions dans le pétrin, car ce sont les Lignes aériennes Canadien qui annulent leur contrat avec Canada 3000, non pas Air Canada.

À la fin de ce processus, Air Canada devient aux termes de la nouvelle loi la ligne aérienne monopolistique. Canada 3000 se présente à Air Canada pour demander les services, les services au sol, etc., qui lui étaient fournis par Canadien. Air Canada répond que l'accord avait été passé avec Canadien, non pas avec elle. Elle dispose certes de beaucoup de moyens d'accomplir en douce ce qu'elle ne peut manifestement pas faire ouvertement.

Je suppose que si Canada 3000... Faut-il que ce soit l'entreprise visée et elle seule qui fasse appel au Bureau de la concurrence? Voici le problème. Tout se fait en douce parce qu'Air Canada affirme ne pas être partie au contrat. Je suppose qu'il faudrait que l'enquête dévoile si Air Canada a en réalité dicté à Canadien de refuser d'offrir ses services ou si c'est Canadien qui a refusé de les offrir et ainsi de suite.

M. Konrad von Finckenstein: Je ne crois pas que cela pose vraiment un problème. Air Canada vise ici à fusionner les deux compagnies. La raison pour laquelle elle le souhaite, c'est que Canadien a d'énormes pertes fiscales totalisant 6 milliards de dollars. Ce montant diminuera dans la mesure où la procédure de faillite fera baisser les dettes, car la perte fiscale sera diminuée d'autant. Elle ne sera donc pas de 6 milliards de dollars.

Tout cela ne vaudra que si vous fusionnez les deux compagnies. En fin de compte, tout sera décidé par Air Canada. Les tromperies que vous décrivez—prétexter qu'il ne s'agit pas de son entreprise et qu'on ne la contrôle pas, et ainsi de suite—je ne crois pas que ce soit le véritable enjeu. L'enjeu est de savoir si les agissements de l'entreprise fusionnée contreviennent à la Loi sur la concurrence. Est-ce un comportement anticoncurrentiel destiné à faire mal à la concurrence et à l'évincer du marché ou est-ce une concurrence vive à laquelle se livrent constamment des lignes aériennes rivales? Il est très difficile de faire la différence.

Le président: Voilà le terrain miné où craignent de s'aventurer les membres du comité et d'autres. Par le temps que le Bureau de la concurrence aura été prié d'enquêter sur les agissements de la ligne aérienne ou sur son inaction, dans le cas de Canada 3000, il sera trop tard pour cette dernière. Elle aura déjà dû faire ce qu'il faut pour survivre, probablement à un coût exorbitant, comme l'a fait valoir M. Angus, président de la compagnie.

• 1555

M. Konrad von Finckenstein: Je partage votre crainte. C'est pourquoi j'ai répété dans mon exposé que le meilleur remède à toute la situation est de permettre la concurrence sur le marché et, pour se faire, il faut abaisser les niveaux d'entrée. J'ai souligné les trois mesures qui permettraient selon moi de contribuer concrètement à l'arrivée de nouveaux venus et à la concurrence sur le marché intérieur.

Cela étant dit, ce n'est pas ce qu'on fait actuellement. Nous avons à notre disposition d'autres moyens. Avec un peu de chance, certains des transporteurs actuels prendront de l'expansion. Il ne faut pas oublier non plus Canadian Regional, qui a été mis en vente. Nous verrons si un acheteur se présente, si l'on réussit à attirer un partenaire aux poches bien remplies et à créer une nouvelle alliance avantageuse.

Nous demandons également un pouvoir d'interdiction dans cette loi, pour la raison que vous citez. Ce qui m'inquiète, c'est qu'au moment où normalement nous intervenons, il est trop tard. En vertu de ce pouvoir, nous intervenons, nous recevons une plainte, nous l'examinons et nous finissons par avoir la conviction que l'affaire est grave. Nous passons alors à ce que nous appelons une enquête, dans le cadre de laquelle j'autorise mes collègues à examiner la situation de près. À ce moment-là, nous pouvons émettre une ordonnance visant à interdire ces agissements. Cette ordonnance est valable pendant une période de 80 jours au maximum.

Dans votre exemple de Canada 3000, si on arrivait à la conclusion que l'un de ces agissements était anticoncurrentiel, on pourrait émettre une telle ordonnance. On mènerait une enquête et à l'intérieur de ces 80 jours, on déciderait, ou non, de saisir le tribunal de l'affaire, dans la mesure où il s'agit effectivement d'une affaire. Tout d'abord, Air Canada doit mettre un terme à ces agissements, quels qu'ils soient, pendant ces 80 jours. On s'adresserait ensuite au tribunal auquel on demanderait une ordonnance pour interdire ces agissements de façon permanente. Entre temps, pendant le cours des procédures, on demanderait une injonction interlocutoire pour que Air Canada cesse ces agissements, etc.

Avant toute cette procédure, on demande ce pouvoir ex ante, c'est-à-dire, le pouvoir de dire à Air Canada que l'on mène une enquête et qu'elle doit immédiatement cesser pareils agissements. Nous craignons que d'ici la fin de notre enquête, la société en question ait fait faillite ou sera tellement punie que plus personne ne s'intéressera à elle. C'est toute la raison d'être de ce pouvoir d'interdiction.

Le président: Nous avons donc encore plus intérêt à terminer nos travaux aussi rapidement que possible, j'imagine.

Monsieur Dromisky.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

À la lumière des genres de questions qui ont été soulevées par mes collègues ici, j'aimerais intervenir. Je ne suis pas avocat, si bien que je me demande comment vous interpréteriez ce genre de comportement.

Tout d'abord, il y a la situation présentée par le président, où les sociétés ont déjà été averties qu'à une certaine date, les services d'appoint vont être restreints et interrompus. Il se pourrait aussi que des contrats avec des tiers aient été signés avec la société qui, à son tour, est avertie du fait que les conditions ne sont pas les meilleures. Par conséquent, à ce moment-là, une fois que votre contrat est résilié, un nouveau contrat vous est présenté à des tarifs beaucoup plus bas. En d'autres termes, nous n'allons pas payer les services que vous obtenez actuellement.

Dans ces deux scénarios, est-il possible pour le transporteur dominant de dire: «Non, je ne vais pas discuter, je ne vais pas négocier. Voici mes conditions, si vous les acceptez tant mieux sinon, tant pis.» Comment cela pourrait-il être interprété?

M. Konrad von Finckenstein: J'ai demandé à mon collègue Dave McAllister, de venir à la table. Il est notre spécialiste dans le domaine du refus de fournir et sait tout de suite si un agissement correspond uniquement à de la concurrence ordinaire ou s'il représente une violation de la loi. Comme je l'ai dit plus tôt, il est très difficile de le déterminer. M. McAllister n'est pas avocat, si bien qu'il va pouvoir vous l'expliquer de façon très simple et directe.

M. Stan Dromisky: D'accord.

M. David McAllister (sous-commissaire adjoint intérimaire de la concurrence, Direction générale des affaires civiles, Bureau de la concurrence): Je commencerais en disant que nous avons déjà eu vent de plusieurs des préoccupations soulevées par les membres du comité. Dans le scénario d'après-fusion, il y a nécessairement un phénomène de restructuration et de bouleversement dans les contrats. La dynamique concurrentielle qui existait entre Canadien et Air Canada n'existe plus comme avant. Nous assistons donc à des bouleversements.

• 1600

Les gens soulèvent des questions et dans plusieurs de ces exemples, nous savons qu'ils explorent d'autres marchés ou qu'ils négocient avec Air Canada pour essayer d'arriver à une solution satisfaisante. Nous devons déterminer le genre de bouleversements qui se manifestent après la fusion et en connaître les effets dans ces domaines particuliers.

Si une société ne peut pas avoir accès à un service nécessaire dans un aéroport, où il n'y a pas d'autres solutions, où Air Canada refuse de négocier ou offre des conditions extrêmement difficiles, nous sommes certainement prêts à recevoir des plaintes, à agir le plus rapidement possible et à saisir le Tribunal de la concurrence de la question.

Comme le commissaire l'a indiqué, tout ceci est guidé par les faits et la plainte doit évidemment être présentée. Il ne suffit pas de dire: «Je n'ai plus les mêmes conditions qu'auparavant avec Canadien pour la manutention des bagages à Whitehorse». Il se peut qu'il y ait d'autres sociétés de manutention de bagages ou d'autres façons de résoudre ce problème. Au bout du compte toutefois, si Air Canada est le seul fournisseur—et c'est un élément essentiel—nous agirons en vertu de la loi.

M. Stan Dromiski: Très bien, merci.

Le président: Merci.

Michel Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Merci, monsieur le président. Je suis heureux que vous me donniez la parole à ce stade-ci plutôt que de donner la parole à M. Discepola, à M. Lincoln, à Mme Folco ou à Mme Jennings, qui ne sont pas ici aujourd'hui pour entendre les questions.

Le président: Michel, Michel, Michel...

M. Michel Guimond: Monsieur von Finckenstein, je voudrais vous dire qu'il y a quelque chose qui me fatigue. Vous avez peut-être entendu le témoignage de M. Collenette ou un de vos adjoints vous a peut-être fait rapport, mais avant de parler du fond de la question, je dois dire qu'il y a quelque chose qui me fatigue. Les Américains appellent cela une unfinished business et j'aimerais qu'on la règle tout de suite.

Ma compréhension de votre rôle, c'est que vous agissez, ni plus ni moins, comme chien de garde des intérêts des consommateurs. Ainsi, le gouvernement va légiférer au moyen de cette loi à laquelle vous avez suggéré qu'on apporte des améliorations, parce que, par définition, une loi est perfectible. On peut l'améliorer. Je voudrais comprendre votre rôle de chien de garde, car il y a quelque chose qui me fatigue.

Quand je suis allé à la conférence de presse du ministre, lors de laquelle il a annoncé le dépôt du projet de loi C-26, vous étiez présent. C'était le 17 février. Est-ce que c'est habituel? Est-ce que c'est une bonne idée? Je vous pose la question parce que je ne m'attendais pas à vous voir aux côtés de M. Collenette, non pas à cause de ce qu'il est comme individu, mais à cause de ce qu'il représente.

Je ne trouvais pas que c'était un conflit d'intérêts, mais quoi qu'il en soit, j'aimerais que vous clarifiiez cette situation pour nous.

M. Konrad von Finckenstein: Selon la loi, mon poste est indépendant. Je suis responsable de l'administration et de la mise en oeuvre de la Loi sur la concurrence. Le but est de maintenir un système concurrentiel au Canada.

Or, le projet de loi qui est devant vous apporte des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à la Loi sur la concurrence.

M. Collenette et moi étions à la conférence de presse ensemble parce que mon rôle était d'expliquer les modifications qui sont apportées à la Loi sur la concurrence, alors qu'il était là pour expliquer les modifications qui sont apportées à la Loi sur les transports.

À cette conférence, comme ici, j'ai énoncé mes idées pour apporter plus de concurrence dans le secteur du transport aérien. Ce sont les trois idées que j'ai mentionnées aujourd'hui. En vertu de la loi, j'ai aussi le mandat d'agir à titre de champion de la concurrence, de promouvoir des idées qui vont faciliter la concurrence sur le marché. C'est à ce titre qu'aujourd'hui j'ai présenté quelques idées sur lesquelles le ministre des Transports n'est pas nécessairement d'accord. Il était normal que je sois avec lui à la conférence de presse puisqu'on parlait des modifications à la loi dont je suis responsable.

M. Michel Guimond: D'accord. Lors du témoignage de M. Collenette devant le comité, il nous a régulièrement dit de nous adresser à Air Canada. À quelques reprises, il nous a dit de nous adresser à l'Office national des transports ou au commissaire de la concurrence. Je me demandais quasiment si c'était une loi qui concernait les transports.

• 1605

Je vais vous donner des cas précis. C'est peut-être juste le choix des mots qui me pose des problèmes; les mots, parfois, peuvent donner lieu à des interprétations, mais cela me fait rire de voir que vous écrivez, à la page 6 de la version française du document: «Je n'ai aucune crainte concernant la future santé financière d'Air Canada».

Je suis d'accord avec vous. C'est à peu près comme dire que je sais que je vieillis d'une journée à tous les jours. Mais avez-vous des craintes concernant la future santé financière de petits transporteurs comme Air Alma et Régionair, des charters, des compagnies de nolisement? Avez-vous des craintes? J'ai des cas précis et je vais vous les donner en rafale parce que mon temps file.

S'agit-il d'un cas qui va vous concerner et est-ce que l'ébauche de règlement que vous nous soumettez va couvrir ce cas-là? Un transporteur qui s'appelle Régionair commence à offrir des services à Bonaventure, en Gaspésie, et cela fait des années qu'Air Nova n'y va plus. Ils décident de recommencer à offrir ce service, mais pour 75 $ ou 100 $ de moins.

Quand on devient aussi gros, on est capable d'avoir une ligne déficitaire puisqu'on fait énormément d'argent dans d'autres corridors. En matière de coupures de prix, sur les routes monopolistiques, le ministre nous dit que son projet de loi va corriger le contrôle des prix. Mais là où il y a de la concurrence, quand une grosse entreprise arrive et commence à offrir des vols Montréal-Toronto pour 99 $ aller-retour, c'est comme quand les gros transporteurs ont tué Nationair.

C'est un exemple de coupure de prix. J'y reviendrai. J'ai deux ou trois autres cas.

M. Konrad von Finckenstein: Je vais répondre à vos questions l'une après l'autre.

D'abord, vous demandez si nous avons des craintes pour les autres compagnies aériennes et pourquoi je ne crains pas pour la future santé financière d'Air Canada.

Air Canada devient maintenant un transporteur dominant. Air Canada nous a donné des explications quant à la nécessité de dominer le marché pour assurer son avenir financier. J'ai donné trois chiffres pour vous indiquer que je n'accepte pas cette explication. Air Canada, à l'avenir, sera une compagnie très profitable, très lucrative.

Comme commissaire de la concurrence, j'ai la responsabilité de maintenir un système concurrentiel au Canada, notamment dans le domaine du transport aérien. Naturellement, je m'intéresse à la santé financière des petites compagnies aériennes. S'il y a des problèmes découlant d'agissements anticoncurrentiels de la part d'Air Canada, c'est mon domaine. S'ils ont des problèmes parce qu'ils ne sont pas efficients, parce qu'ils n'ont pas un bon gestionnaire ou quelque chose comme ça, c'est la concurrence qui va les tuer.

Maintenant, dans le cas que vous avez cité, nous avons fait ces règlements pour faire en sorte que s'il y a un cas de concurrence entre Air Canada et une petite entreprise et qu'Air Canada offre un service à un coût plus bas que normal—voidable cost en anglais— à ce moment-là, selon nous, c'est anticoncurrentiel et nous allons intervenir.

Si le coût est supérieur, à ce moment-là, c'est de la concurrence. Ce règlement-ci est vraiment un code de conduite pour Air Canada. S'ils ne font pas certaines choses, on va intervenir. S'ils respectent le code, ils n'auront pas de véritables problèmes avec la Loi sur la concurrence. En anglais, on appelle cela un code of behaviour. C'est pour cette raison que nous avons fait cette ébauche de règlement.

Le président: Merci, Michel.

Claude Drouin, s'il vous plaît.

• 1610

M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Merci, monsieur le président. Je constate que M. Dumas du Bloc québécois n'est pas ici aujourd'hui, non plus que l'attaché de recherche. Dois-je comprendre que cette séance est moins importante?

Monsieur von Finckenstein, lorsque vous traitiez de la quatrième modification principale à la Loi sur la concurrence, vous disiez:

    Ce processus permet aussi de traiter en même temps les questions de concurrence et les questions d'intérêt public. De plus, le projet de loi contient dans la législation tous les Engagements pris par Air Canada avec le Bureau de la concurrence avant Noël. Il considère que le fusionnement a été approuvé en vertu de ces nouvelles procédures. Les Engagements deviendront donc opposables et exécutoires. Alors, toute contravention à ces engagements peut maintenant résulter en des amendes et en une peine d'emprisonnement

Pourriez-vous nous en donner des exemples? Est-ce que ce sont les fortes sanctions qui feront en sorte que la compagnie aura intérêt à respecter ses engagements?

M. Konrad von Finckenstein: Vous vous rappelez peut-être que nous avions conclu un contrat avec Air Canada dont les dispositions stipulaient que le fusionnement serait permis sous réserve de certaines conditions. On prévoyait entre autres que la compagnie Canadian Regional Airlines devait être mise en vente sur le marché; que nous fixerions, avec l'aide d'experts financiers, son prix de vente, que nous garderions naturellement secret; et que si un acheteur se montrait disposé à payer un prix plus élevé que le prix de réserve, Air Canada devait lui vendre Canadian Regional Airlines. Voilà une des choses qu'Air Canada s'est engagée à faire.

M. Claude Drouin: Qu'arriverait-il si elle ne respectait pas les règlements établis?

M. Konrad von Finckenstein: Je porterais ce dossier devant la cour et lui demanderais d'ordonner à Air Canada de s'acquitter des obligations prévues dans le contrat qu'elle a signé avec nous. Si Air Canada ne respectait pas ses promesses au sujet de Canadian Regional Airlines, je demanderais à la cour la permission de vendre la compagnie.

M. Claude Drouin: D'accord. Dans ce cas précis, des amendes peuvent être imposées. Est-ce que vous avez établi des critères précis relativement à ces amendes ou est-ce que vous les établirez au fur et à mesure? Est-ce que la compagnie sait que si elle enfreint tel règlement, il lui en coûtera tant?

M. Konrad von Finckenstein: Dans le projet de loi qui est devant nous, on précise les amendes et les pénalités qui seraient imposées à Air Canada si elle ne respectait pas ses engagements.

M. Claude Drouin: D'accord, on retrouve cela dans la loi. Bien que vous ayez dit qu'Air Canada respecte plusieurs des recommandations formulées par votre bureau, vous dites être préoccupé par le fait que certaines de vos recommandations n'ont pas été retenues. Est-ce qu'il s'agit de recommandations majeures? Si oui, quels sont les impacts que cela pourrait avoir sur la clientèle?

M. Konrad von Finckenstein: Non. Vous devez vous rappeler que l'accord qu'on avait conclu avec Air Canada avant Noël faisait suite à une enquête approfondie des Lignes aériennes Canadien. Nous avions tous convenu que les Lignes aériennes Canadien étaient au bord de la faillite et il nous fallait décider s'il était préférable qu'elles déclarent faillite et que tous leurs actifs soient vendus, ou si nous devions permettre une fusion d'Air Canada et des Lignes aériennes Canadien, sous réserve de certaines conditions, notamment au niveau des créneaux à l'aéroport et de la vente des aéronefs en surplus. Nous estimions que ces engagements qu'avait pris Air Canada représentaient une solution plus favorable à la concurrence que ne l'aurait fait une faillite. C'est pour cette raison que nous avons préféré conclure une entente. Je demeure toutefois convaincu que ce n'est pas une solution idéale. Lorsqu'un seul joueur détient 80 p. 100 du marché, nous ne sommes pas face à une situation qui favorise la concurrence.

• 1615

C'est pour cette raison que nous avons premièrement dû forcer Air Canada à respecter tous ses engagements. Deuxièmement, je crois qu'on doit modifier les barrières aux entrées afin qu'il y ait plus de concurrence sur le marché.

M. Claude Drouin: Avez-vous relevé certains problèmes qui sévissent à l'heure actuelle? On semble entendre la clientèle se plaindre entre autres des surréservations. Avez-vous eu vent de cela et êtes-vous en train de faire des vérifications à ce niveau-là?

M. Konrad von Finckenstein: Non, cela ne relève pas de ma compétence. Mes responsabilités se limitent aux pratiques anticoncurrentielles, par exemple la publicité trompeuse. Il ne m'appartient pas d'étudier les questions relatives à la prestation de services. Je crois cependant que la meilleure façon de combattre de tels problèmes est de s'assurer qu'il y ait de la concurrence.

M. Claude Drouin: Merci, monsieur von Finckenstein.

[Traduction]

Le président: Merci, Claude.

Bev Desjarlais, s'il vous plaît.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Merci. Je ne peux m'empêcher de remarquer que nous envisageons maintenant une approche quelque peu différente de celle présentée lors de votre comparution à d'autres séances. Je dois dire que peut-être je n'y avais pas fait attention, mais c'est la première fois que j'entends parler d'une distinction faite entre une forte concurrence ordinaire et un comportement anticoncurrentiel.

Pendant tout ce processus, on nous a assurés qu'il était possible de prévoir des règlements; qu'entre le Bureau de la concurrence, l'OTC et tous ces merveilleux groupes qui existent, nous serions en mesure de contrôler le monopole. Je ne peux m'empêcher de me demander si cela relève même du possible maintenant—si on se retrouve dans une situation où il est difficile de définir ce qu'est une forte concurrence ordinaire par rapport à un comportement anticoncurrentiel.

La question que je pose à l'un ou à l'autre—puisque vous êtes le spécialiste non juridique de la question—est la suivante: Pouvons-nous rendre les choses plus claires, si une telle situation se présente, ou préférez-vous décider dans le flou s'il s'agit d'un agissement anticoncurrentiel ou d'une forte concurrence?

M. Konrad von Finckenstein: Avant de céder la parole à mon collègue, permettez-moi de préciser un point. Je ne dis rien de différent de ce que j'ai dit en décembre dernier. Si vous lisez ma déclaration de décembre, vous verrez que je dis exactement la même chose. J'ai dit que je m'inquiétais; selon moi, les barrières ne doivent pas être aussi hautes et trois mesures législatives devraient être prises. Je le répète ici.

Je vous ai ensuite expliqué que nous avons besoin d'un pouvoir particulier pour traiter de ces questions comme celles de l'abus de position dominante et du comportement nuisible, qui sont des notions très difficiles à définir.

Cette ébauche de règlement qui vous est présentée est en fait un code de comportement qui précise que ces agissements sont jugés anticoncurrentiels. David va les passer en revue avec vous dans un instant.

En fait, si Air Canada agit d'une de ces façons-là, nous examinerons la situation. Si Air Canada s'abstient d'agir d'une de ces façons-là, il est fort probable qu'elle n'est pas anticoncurrentielle, mais qu'il s'agit uniquement de forte concurrence.

David, voulez-vous expliquer le règlement en détail?

M. David McAllister: Certainement. Ce règlement s'appuie en fait sur ce qui se trouve déjà dans...

Mme Bev Desjarlais: Puis-je simplement demander...

M. David McAllister: Certainement.

Mme Bev Desjarlais: Je demandais en fait ce qu'il est possible de faire pour rendre les choses plus claires. Si vous dites que ce règlement va rendre les choses plus claires, je n'ai pas de problème. Je ne veux pas que vous répondiez à ma question en expliquant le règlement. Ce que je veux savoir, c'est s'il est possible de faire autre chose en plus du règlement.

M. Konrad von Finckenstein: J'espère que ce règlement va dans une grande mesure permettre de rendre les choses plus claires à cet égard. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à David de le parcourir avec nous.

M. David McAllister: C'est exactement ce que je voulais dire. À mon avis, le règlement s'appuie sur ce qui se trouve déjà dans la Loi sur la concurrence. Compte tenu de la jurisprudence découlant des dispositions de la Loi sur la concurrence à propos de l'abus de la position dominante, nous savons comment déterminer le comportement anticoncurrentiel.

Ce règlement va permettre de préciser les limites dans le contexte de l'industrie aéronautique. En outre, une fois ce règlement adopté, nous prévoyons publier une directive d'application qui indiquera plus précisément comment le bureau appliquera ces dispositions. Je crois donc qu'il est possible de faire bien des choses et je ne vois pas cela comme un problème insurmontable.

En même temps, chacun de ces cas doit être examiné séparément et il faut tenir compte de tous les faits et de toutes les circonstances du marché. Il y a également un élément de jugement qui entre en ligne de compte. C'est pour cela que nous sommes payés, j'imagine.

Peut-être pourrais-je prendre quelques secondes pour résumer le règlement qui vous est présenté. C'est à mon avis un document assez simple. Si nous examinons les divers alinéas, les alinéas a) à c) visent le comportement anticoncurrentiel des pratiques déloyales de fixation des prix, que ce soit sur les routes existantes en augmentant la capacité ou dans les cas où Air Canada utiliserait une entreprise de transport à moindre coût, à rabais. Ces alinéas visent à régler ce problème.

• 1620

Les alinéas d) à f) visent la préemption par Air Canada d'installations, la mise en réserve de ces installations ou le fait d'empêcher les concurrents d'avoir accès aux installations et aux services dans les aéroports, alors qu'ils en auraient besoin pour percer le marché et pour faire concurrence à Air Canada. Nous essayons donc de régler ces genres de problèmes.

Mme Bev Desjarlais: À ce sujet, en particulier, Mme Meredith a parlé d'un cas à l'aéroport de Dorval—je parle de cet aéroport uniquement parce que c'est le seul qui me vient à l'esprit—où Air Canada occupe le haut du pavé. Air Canada est en mesure de négocier de meilleurs tarifs à Dorval—car l'administration aéroportuaire en a le contrôle—que WestJet, qui n'a que quelques vols. En quoi les règles du jeu sont-elles équitables?

M. David McAllister: Je pense qu'il faudrait examiner tout le contexte—y a-t-il un élément de discrimination par les prix ou autre chose entre l'administration aéroportuaire et les divers transporteurs, etc.

Mme Bev Desjarlais: Si je vous comprends bien, toutefois, c'est que cette société peut faire de la discrimination par les prix, vu qu'elle est l'utilisateur le plus important, si bien qu'elle peut négocier une meilleure entente. Lorsque vous achetez dix boîtes de macaroni, elles vous coûtent moins cher que lorsque vous n'en achetez qu'une seule.

M. David McAllister: C'est exact. Les rabais pour grandes quantités, du fait que vous êtes une société importante, ne sont pas, en eux-mêmes nécessairement anticoncurrentiels.

Mme Bev Desjarlais: Cela ne permet toutefois pas des règles du jeu équitables et c'est la question que je pose. Que peut-on faire pour que les règles du jeu soient équitables?

M. Konrad von Finckenstein: C'est cependant la réalité d'un marché concurrentiel. Vous payez peut-être plus, mais vos coûts d'exploitation sont moins élevés, parce que vous êtes une petite société, vous n'êtes pas syndiqué, etc. Chaque société a des avantages et des désavantages concurrentiels différents.

Dans l'exemple que vous donnez, si cette société ne faisait que des rabais pour grandes quantités, cela ne poserait pas de problème. Si elle essayait en quelque sorte d'user de son pouvoir pour influer sur l'administration aéroportuaire pour faire une discrimination par les prix contre WestJet, pour donner à cette société des créneaux d'atterrissage peu pratiques ou pour lui imposer des prix élevés artificiellement, ce serait anticoncurrentiel. C'est en quelque sorte la différence.

Mme Bev Desjarlais: Merci.

Le président: Merci, Bev.

Bill Casey, s'il vous plaît.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Merci.

Je suis sûr que vous êtes au courant des récents articles de journaux critiques à l'égard du Bureau de la concurrence. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

On peut lire dans l'un d'eux:

    Dans le cas du Canada, le Bureau de la concurrence a donné l'impression qu'il est sensible à l'ingérence politique ou qu'il a fait l'objet d'ingérence politique.

Par conséquent:

    Le Canada est le seul pays du G-7 à être doté d'une ligne aérienne de monopole.

Je me demande simplement ce que vous en pensez. Pensez-vous qu'il y ait eu ingérence politique dans ce cas, ou avez-vous eu l'autorité prévue par la loi qui vous permet de faire votre travail correctement?

M. Konrad von Finckenstein: Comme vous le savez, la Loi sur la concurrence a été suspendue pendant 90 jours. Lorsque Onex a fait une offre publique d'achat, certaines parties de la loi ont été suspendues et nous n'avons pas pu exercer tous nos pouvoirs. Cependant, on nous a demandé de conseiller le ministre des Transports et je vous ai transmis ces conseils qui, je crois que sont devenus l'un des éléments de la solution.

Deuxièmement, une fois la période de suspension de 90 jours terminée, nous avons eu la responsabilité de superviser la fusion. Nous avons négocié avec Air Canada et il n'y a certainement pas eu d'ingérence politique à cet égard. Au contraire, je crois que nos attentes vis-à-vis d'Air Canada ont été aussi grandes que possible. Comme je l'ai dit plus tôt lorsque j'ai répondu à l'un de vos collègues, nous n'avions pas vraiment un fort atout, car nous avions le choix entre la faillite et la prise de contrôle par Air Canada assortie de concessions. Aucune solution n'était idéale, mais je crois que nous avons tiré le meilleur parti possible de la situation qui était fort peu reluisante.

M. Bill Casey: Pensez-vous que cette suspension de 90 jours devait être imposée?

M. Konrad von Finckenstein: La loi prévoit un tel mécanisme. La décision est prise par le gouverneur en conseil, c'est une décision du gouvernement. Il faudrait que vous posiez cette question aux décideurs.

M. Bill Casey: Pensez-vous qu'elle devait être imposée?

M. Konrad von Finckenstein: C'est une disposition de la loi, c'est prévu par la loi. Je respecte la loi, je suis payé pour appliquer la loi.

M. Bill Casey: Je le sais, mais ce que je ne sais pas...

M. Konrad von Finckenstein: Vous me demandez s'il faudrait modifier la loi pour supprimer ce pouvoir. C'est une toute autre question.

M. Bill Casey: Le faudrait-il?

M. Konrad von Finckenstein: La loi prévoit...

Le président: Excusez-moi, messieurs. Bill, nous devons rester dans le sujet. Nous ne faisons pas ici le contre-interrogatoire du Bureau de la concurrence, mais examinons le rôle qu'il a joué dans la fusion des lignes aériennes.

M. Bill Casey: Oh, je ne pense absolument pas m'écarter du sujet.

Le président: Je vais rendre une décision à ce sujet, Bill, si bien que vous pouvez poser une autre question. Si vous n'êtes pas satisfait, je vous couperai la parole.

• 1625

M. Bill Casey: Ma question suivante porte sur la page 6 où vous dites que vous ne vous inquiétez pas au sujet de la future santé financière d'Air Canada, compte tenu de sa marge d'exploitation de 7,7 p. 100, la plus haute en 27 ans. Je pense qu'on ne se trompe pas en disant que si Air Canada a augmenté ses marges, c'est parce qu'elle a augmenté sa capacité ou son nombre de passagers. Y a-t-il un point où vous interviendriez dans un monopole? Si la société doublait ses marges, cela éveillerait-il votre intérêt ou non?

M. Konrad von Finckenstein: Si j'ai indiqué ces données, c'est uniquement parce qu'Air Canada a défendu sa position en disant qu'elle a besoin d'être forte pour être concurrentielle sur la scène internationale et que même avec cette fusion, sa position reste vulnérable. Je ne l'accepte pas. C'est à mon avis une ligne aérienne excessivement solide, comme vous pouvez le voir d'après ces chiffres.

M. Bill Casey: Si ces chiffres augmentent, si la marge augmente au-delà de tout ce que la société a connu lorsqu'il y avait de la concurrence, cela attirerait-il votre attention?

M. Konrad von Finckenstein: Ce qui attire mon attention, ce n'est pas la taille, ce n'est pas le profit, ce sont les mesures que vous prenez vis-à-vis vos concurrents.

Si une société prend de l'expansion grâce à son succès, bravo. Nous n'interviendrons que si elle prend des mesures anticoncurrentielles.

M. Bill Casey: Une autre ligne aérienne internationale m'a dit que dans les circonstances actuelles, Air Canada détient le monopole des routes reliant 12 villes canadiennes au Royaume-Uni. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

M. Konrad von Finckenstein: Je ne sais pas si c'est vrai. Comme vous le savez, les routes internationales font l'objet de négociations bilatérales ou multilatérales. Si tel est le cas—en supposant que ce soit vrai, je ne le sais pas vraiment—ce serait par suite de négociations qui ont été menées conformément aux accords bilatéraux internationaux.

M. Bill Casey: Je crois que la question des lignes d'apport se pose également. Il n'est pas pratique pour une ligne aérienne internationale de desservir ces régions, car Air Canada a maintenant le monopole et sert de ligne d'apport.

M. Konrad von Finckenstein: C'est une toute autre question.

Une ligne d'apport... Je ne sais pas de quelles villes vous parlez, mais de toute évidence, auparavant, c'était Air Canada ou Canadien qui servait de ligne d'apport, nous avions cette alliance, comme vous le savez. Vous parlez maintenant, je crois, d'anciens partenaires de l'alliance qui maintenant se retrouvent sans ligne d'apport.

M. Bill Casey: Exactement.

M. Konrad von Finckenstein: Ils peuvent maintenant s'entendre avec une autre petite ligne aérienne, comme WestJet, etc., qui deviendrait leur ligne d'apport, ou ils peuvent acheter les lignes Canadien régional, qui est une autre solution—bien sûr, il faut que ce soit un partenaire canadien, à cause des restrictions en matière de propriété—ou ils peuvent essayer de négocier une entente avec Air Canada.

Effectivement, il y a moins de concurrence aujourd'hui qu'auparavant. C'est une des raisons pour lesquelles je suis inquiet, une des raisons pour lesquelles je dis qu'il faut ouvrir le marché. La concurrence intérieure qui permet également d'établir les liaisons d'apport avec la concurrence internationale est la solution. Si ma proposition relative à un transporteur uniquement canadien était adoptée, très rapidement, les lignes aériennes Virgin créeraient la société Virgin Canada, de la même façon qu'elles ont créé la société Virgin Australia; cela susciterait de la concurrence au Canada et pourrait également servir de ligne d'apport. C'est une des raisons pour lesquelles je ne cesse de répéter qu'il faut ouvrir le marché.

M. Bill Casey: Peut-être pourriez-vous donner plus de détails à ce sujet, car je ne comprends pas pourquoi cela offrirait un tel avantage. Expliquez le fait que ce soit complètement à l'intérieur des frontières du Canada.

M. Konrad von Finckenstein: En ce moment, notre trafic aérien international est assujetti à des accords multilatéraux et bilatéraux. Nous avons la politique des ciels ouverts avec les États-Unis, ce qui veut dire que nos transporteurs peuvent se rendre dans des villes américaines et vice versa. Avec les autres pays, nous avons des accords bilatéraux, par exemple avec le Royaume-Uni, l'Allemagne ou la France.

Pour chacun de ces pays, vous désignez les transporteurs nationaux auxquels ils peuvent avoir accès. Au Canada, les transporteurs nationaux sont des transporteurs sous propriété et contrôle canadiens—la propriété étrangère ne doit pas dépasser les 25 p. 100 et le contrôle doit rester canadien.

C'était ce qui se passait auparavant. Maintenant, nous parlons de la situation après-fusion où Air Canada a 80 p. 100 de la part du marché. Je propose de créer un transporteur qui pourrait être sous propriété étrangère à 100 p. 100, mais qui ne pourrait fonctionner qu'à l'intérieur du Canada, si bien qu'il ne pourrait pas tirer parti des accords bilatéraux ou multilatéraux en place. À l'intérieur du Canada toutefois, il pourrait soutenir la concurrence avec Air Canada en fonction des mêmes politiques de coûts, des mêmes règlements, des mêmes coûts de main-d'oeuvre, des mêmes impôts, etc. Ainsi, il y aurait concurrence au sein du Canada et les Canadiens obtiendraient le meilleur service possible. Bien sûr, un tel transporteur pour le service intérieur au Canada seulement appartiendrait probablement à une ligne aérienne étrangère, comme Virgin, et lui servirait de ligne d'apport.

• 1630

Dans mon exemple, Virgin desservirait la route entre le Royaume-Uni et le Canada. Cette société ne pourrait avoir de vols qu'à destination du Canada toutefois; elle ne pourrait pas desservir le marché canadien. Par conséquent, elle desservirait la route Londres-Toronto, mais pour aller de Chicoutimi, de Moose Jaw, de Vancouver, etc., à Toronto, il y aurait Virgin Canada. Ce serait la situation. Par conséquent, sur la scène internationale, Air Canada soutiendrait la concurrence avec Virgin. Sur la scène intérieure, en ce qui concerne le trafic d'apport, Air Canada soutiendrait la concurrence avec Virgin Canada.

M. Bill Casey: J'ai une autre question, si j'ai le temps.

Le président: C'est un tour de dix minutes et il vous en reste quelques-unes.

M. Bill Casey: Avez-vous quelque chose à dire au sujet des dispositions relatives au champ d'application que l'on retrouve dans les conventions collectives des pilotes? Ont-elles un effet sur le Bureau de la concurrence?

M. Konrad von Finckenstein: La Loi sur la concurrence, comme vous le savez, soustrait les conventions collectives de son champ d'application, si bien que vous ne trouveriez pas l'exacte... Ray, pouvez-vous lire la disposition exacte?

Essentiellement, tout ce qui a trait aux syndicats ne tombe pas sous le coup de la loi.

M. Raymond Pierce (sous-commissaire adjoint de la concurrence, Direction générale des fusions, Bureau de la concurrence): Elle soustrait les activités liées aux négociations collectives de son application. Essentiellement, rien dans la Loi sur la concurrence ne s'applique aux associations ou aux activités des travailleurs ou des employés liées à leur propre protection. En d'autres termes, la négociation collective légitime n'est pas visée par les dispositions de la loi.

Le président: Murray Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Il y a un point qui me préoccupe. Lorsque tout cela sera terminé, il faudra examiner ce qui a été fait et comment cela fonctionne. En vertu de la loi actuellement, si je comprends bien, d'ici trois ans, il y aura un processus d'examen. Je me demande si vous avez une idée de ce qui devrait être en place à ce moment-là. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Il est question ici de la nomination de conseillers indépendants. Qui et comment? Quels titres devraient-ils avoir au moment de leur nomination? Avez-vous pensé à des ombudsmans indépendants dans ce processus? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Konrad von Finckenstein: Je crois qu'il est très important d'avoir l'information pertinente pour savoir ce qui se passe, comment cette fusion et la restructuration du marché aérien se déroulent. Il va falloir recueillir l'information qui convient. C'est Air Canada qui, en premier lieu, va détenir l'information. Le ministère des Transports en aura une partie. Nous en avons une partie, mais nous sommes limités dans la façon dont nous pouvons l'utiliser, vu que nous devons, avant tout, appliquer la loi.

Si vous envisagez un ombudsman, je crois qu'un ombudsman dont le poste serait prévu par la loi présenterait un certain avantage, puisqu'il pourrait avoir accès à l'information et pourrait l'obtenir—l'exiger, la classer, etc.—si bien qu'il serait garanti que vous disposez d'une vérification ou de preuves indépendantes. Il serait aussi sans doute en mesure de faire connaître les questions et s'il examinait un point particulier et suggérait des changements qui ne seraient pas adoptés, il pourrait le dire publiquement et ainsi forcer la société à respecter ses décisions.

L'inconvénient, bien sûr, c'est qu'il y aurait un autre organisme de supervision, ainsi qu'une une charge financière pour Air Canada. Cela limiterait-il sa capacité de concurrence, sur la scène intérieure—j'en doute—et sur la scène internationale? C'est une bonne question. Air Canada, contrairement à d'autres, dirait sans doute que ce serait effectivement le cas. C'est un jugement de valeur qu'il va falloir porter.

Dans toutes ces situations de monopole ou de quasi-monopole, il s'agit toujours essentiellement d'avoir une information précise et à jour. La société qui a le monopole ou le quasi-monopole est la principale détentrice de l'information. Il est possible d'obtenir de l'information supplémentaire auprès d'autres sources, comme les aéroports, les usagers, les agents de voyage, etc., mais certains risquent d'hésiter à vous donner cette information par crainte de représailles de la part de la ligne aérienne dominante. Il y a aussi un élément de retard.

• 1635

Je ne peux pas vraiment vous en dire plus. Je sais que le ministre des Transports va nommer un expert qui va vous présenter un rapport. Je suis sûr qu'Air Canada va coopérer avec cette personne. Dans quelle mesure elle va coopérer et dans quelle mesure l'information sera opportune et à jour, il est difficile de le dire pour l'instant.

M. Murray Calder: Y a-t-il quelque chose que l'on puisse mettre en place pour s'assurer que l'information est à jour, précise, etc., afin que les évaluations et les examens soient également crédibles et précis? Pouvez-vous envisager un mécanisme que l'on pourrait prévoir à cette fin?

M. Konrad von Finckenstein: Je dois dire que votre question me prend au dépourvu, je ne m'y attendais pas.

Je ne connais pas les pouvoirs du ministère des Transports actuellement et je ne sais pas s'il est en mesure d'ordonner à Air Canada de fournir une telle information. C'est une question que vous voudrez peut-être poser au ministère, pour être sûr qu'il possède ces pouvoirs.

M. Murray Calder: Merci.

Le président: Merci beaucoup, Murray.

Simplement en complément à la question de M. Calder, le Bureau de la concurrence ou l'OTC accepte-t-il des appels de clients qui lui diraient, par exemple, j'ai perdu mes bagages, mon vol a été en retard, à cause de surréservations, j'ai dû passer la nuit dans un hôtel ou encore, j'ai dû faire la queue trop longtemps et comme il faisait trop chaud, je me suis évanoui?

Le Bureau de la concurrence souhaite-t-il des appels comme ceux-ci? Est-il équipé pour répondre à de tels appels?

M. Konrad von Finckenstein: La réponse aux deux questions est non; cela ne fait pas partie de notre mandat. Nous avons le mandat de nous assurer qu'il n'y a pas d'agissements anticoncurrentiels qui visent essentiellement à nuire aux concurrents, ou qu'il n'y a pas de publicité mensongère. C'est essentiellement notre mandat.

Tous les problèmes liés à la perte de bagages, au service, à la qualité, etc., ne nous concernent pas. Si vous nous téléphoniez à ce sujet, nous vous renverrions probablement à Air Canada ou à l'OTC. Maintenant, s'agit-il du mandat de l'OTC ou non, il faudrait le lui demander.

Le président: J'imagine que l'OTC nous donnerait probablement la même réponse que vous. Ce n'est qu'une supposition.

M. Calder vous a posé une question au sujet d'un ombudsman. Pour avoir un ombudsman ayant tous les pouvoirs statutaires, etc., je crois que nous nous dirigeons—avec le ministre et d'autres—vers la solution d'un ombudsman qui recevrait les appels sur les bagages, sur les attentes, sur les problèmes posés par la ligne aérienne, etc. Cet ombudsman et ses deux employés n'ont pas besoin d'un étage entier ou de toute une nouvelle bureaucratie pour fonctionner. Ils répondent aux appels, les filtrent et si nécessaire, transmettent les problèmes au Bureau de la concurrence, ou à l'OTC, si c'est ce qu'il faut faire.

Vous comprenez le ministre. Lorsqu'il a comparu devant nous, il nous a dit qu'il n'avait pas besoin d'un autre niveau de bureaucratie. Le Bureau de la concurrence ou l'OTC se chargeront de toutes ces questions pour nous.

Je ne suis pas sûr toutefois que ce soit possible. En effet, vous nous dites que vous ne le ferez pas, que vous ne voulez pas le faire.

M. Konrad von Finckenstein: Non, je ferai ce que la loi me charge de faire.

Le président: J'ai compris.

M. Konrad von Finckenstein: La perte de bagages ne fait pas partie de mon mandat; c'est aussi simple que cela.

Le président: C'est la conclusion à laquelle nous arrivons également.

M. Konrad von Finckenstein: Je sais que des questions ont été posées au sujet de l'ombudsman et nous nous sommes en fait penchés sur ce point. Le seul élément de comparaison se trouve au ministère des Finances; lorsque le ministre a annoncé sa nouvelle politique sur les services financiers, il a proposé la création d'un poste d'ombudsman chargé des services financiers canadiens qui serait indépendant des institutions financières et aurait à sa disposition des directeurs indépendants. Le ministre des Finances approuve les lettres patentes et l'ombudsman a le pouvoir de recommander les dédommagements à verser aux clients qui s'estiment lésés. Il peut faire des recommandations non exécutoires, essentiellement, et présente un rapport chaque année au ministre.

Si je comprends bien, vous envisagez un ombudsman qui essentiellement a le pouvoir de mener des enquêtes et de rendre publiques ses conclusions, etc.

Le président: Est-ce qu'un genre d'ombudsman comme celui-ci faciliterait le travail du Bureau de la concurrence?

M. Konrad von Finskenstein: Non, je ne pense pas que cela ait quoi que ce soit à faire avec la concurrence. C'est à vous de décider si un tel poste s'impose pour les clients des lignes aériennes.

Le président: Merci.

Roy Bailey, s'il vous plaît.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Messieurs, pour utiliser une métaphore, je dirais que le voyage en avion de notre comité est plutôt long. Nous avons eu déjà beaucoup de turbulences et si je comprends bien, le capitaine vient juste de nous dire que nous pouvons nous attendre à en avoir encore plus.

• 1640

Je ne le dis par manque de respect à votre égard. C'est simplement que nous ne semblons pas être en mesure d'obtenir les réponses que recherche notre comité.

J'imagine que je pourrais faire une comparaison avec la période des questions où nous posons des questions et où parfois nous n'obtenons pas de réponses.

Je ne vais pas discuter avec vous au sujet de ce que vous avez dit à propos des nouveaux pouvoirs d'interdiction qui vous seraient donnés. Comme l'a indiqué notre président, notre comité a envisagé la possibilité d'un poste d'ombudsman. Nous avons cru qu'un ombudsman résoudrait plus rapidement les problèmes et les adresserait à qui de droit. Le ministre nous a assuré que cela était inutile, puisque nous avions l'OTC, etc.

L'un des problèmes qui se pose, monsieur, est celui-ci. Il est recommandé de prendre des mesures rapides pour mettre un terme au comportement abusif ou à tout autre comportement anticoncurrentiel. C'est là, à mon sens, que se pose le problème qui est celui-ci: ce qui, d'après notre comité, est un comportement anticoncurrentiel risque de ne pas être interprété comme tel par votre groupe.

Vous dites, à raison, que nous n'avons pas le pouvoir de le faire, mais en ce moment, notre comité se demande—et peut-être ne suis-je pas aussi vif que les autres—à qui il faudrait s'adresser pour obtenir une définition un peu plus concrète de ce qu'est un comportement anticoncurrentiel? Si cette définition correspond simplement ce qui apparaît dans les documents...

Je reconnais qu'au dernier paragraphe vous dites que «ce règlement a pour but d'établir une liste non exhaustive.» Je n'en doute absolument pas, mais le fait est qu'à cause de cette situation de monopole au Canada, nous pourrions vous donner cinquante exemples aujourd'hui même. Vous pourriez probablement dire—et avec raison, selon les pouvoirs—que ce ne sont pas des agissements anticoncurrentiels et pourtant, nous les jugeons comme tels.

Quels conseils avez-vous donc à donner à notre comité?

M. Konrad von Finckenstein: Lorsque nous parlons d'agissements anticoncurrentiels au bureau, nous parlons de la concurrence entre lignes aériennes. Ce dont vous parlez en fait me semble se rapprocher de la protection du consommateur. Vous voulez faire en sorte que les consommateurs et les usagers des transports aériens obtiennent la meilleure affaire et le meilleur service, qu'ils ne soient pas rejetés d'un endroit à l'autre et que leurs bagages ne soient pas perdus.

M. Roy Bailey: Non, monsieur, ce n'est pas du tout cela. Nous avons reçu des témoins qui nous ont fait remarquer que certaines mesures prises ouvertement ou qui, à notre avis, ont été prises, peuvent facilement détruire les routes qui existent actuellement.

J'ai moi-même subi les agissements d'un concurrent qui ne respectait pas les normes habituelles du transport aérien. Je me suis retrouvé dans un hôtel et j'ai dû me faire réveiller à six heures du matin uniquement à cause de surréservations.

À qui dois-je me plaindre? C'est un comportement anticoncurrentiel.

Le président: C'est une position dominante abusive.

M. Roy Bailey: Exactement.

C'est pourquoi nous avons toute cette turbulence. Nous avons beaucoup d'exemples du genre.

M. Konrad von Finckenstein: À mon avis, vous parlez en fait d'un comportement irresponsable de la part de la ligne aérienne vis-à-vis les plaintes du client, etc., en raison de la position dominante qu'elle occupe. Cela toutefois ne correspond absolument pas à ce qu'est la loi et ce que dit la jurisprudence en matière d'agissements anticoncurrentiels.

Vous avez deux modèles, en fait. Vous avez le modèle réglementaire où l'on prescrit tout ce que les sociétés peuvent faire, ainsi que les tarifs qu'elles peuvent imposer, tarifs qui leur assurent une marge de profit. C'est un régime réglementaire à 100 p. 100. C'est ce que l'on avait auparavant.

Nous avons ensuite ouvert le marché en disant que si les sociétés étaient libres de se faire concurrence, elles produiraient d'énormes efficiences, ce qui se traduirait par un meilleur service et aussi par des prix plus bas pour les consommateurs. C'est ce que nous avons depuis dix ans.

Malheureusement, une des lignes aériennes ne s'en est pas bien sortie. La seconde l'a rachetée et nous avons, au moins pour l'instant, une ligne aérienne complètement dominante. Cette ligne aérienne qui n'est pas maintenant assujettie au jeu de la concurrence se lance dans des activités que vous qualifiez d'anticoncurrentielles.

Je n'ai pas le mandat de... C'est peut-être en partie le mandat de l'OTC, en vertu de ces modifications. C'est à vous de le décider. Essentiellement, comme je ne cesse de vous le dire, la seule façon de s'assurer qu'il y a de la concurrence consiste à modifier les règles pour que la situation devienne rentable et que d'autres percent le marché.

Je ne crois pas qu'il y ait d'autres solutions.

• 1645

M. Roy Bailey: D'accord. J'ai simplement une observation rapide à faire, monsieur. Je comprends ce que vous dites, mais peut-être que pour avoir cette concurrence, l'OTC, ou vous-même, devriez peut-être intervenir—y compris le gouvernement par l'entremise de la réglementation—pour dire, écoutez, le service au sol a toujours existé et vous devez le partager au risque de supprimer les vols à destination de l'Arctique et du nord du Québec, etc... Cela relève d'une responsabilité ministérielle. En tant que membre de ce comité, je ne vais pas me contenter d'attendre pour voir ce à quoi je m'attends—étant donné que le capitaine m'a averti que je peux m'attendre à des turbulences. Nous ne pouvons le permettre.

M. Konrad von Finckenstein: Dans l'exemple que vous donnez, une ligne qui dessert le Nord et qui obtient son service au sol par l'entremise d'Air Canada se voit refuser ce service par Air Canada et par conséquent ne peut plus desservir le Nord...

M. Roy Bailey: C'est un bon exemple.

M. Konrad von Finckenstein: Prenons donc cet exemple. Je vais demander à David de vous indiquer ce que nous ferions en pareil cas. Peut-être cela pourra-t-il...

M. Roy Bailey: D'accord.

Le président: Monsieur McAllister.

M. David McAllister: Merci, monsieur le président.

À mon avis, c'est l'article 75 de la Loi sur la concurrence qui s'imposerait de la façon la plus évidente. Il s'agit du refus de fournir. Un plaignant viendrait nous dire qu'il n'est pas en mesure d'obtenir ce genre de service sur le marché pertinent. Il faudrait démontrer qu'il est touché de façon conséquente du fait qu'il ne peut pas obtenir ce service, qu'il est prêt à respecter les conditions habituelles du fournisseur, qu'Air Canada n'est pas limitée en ce qui concerne sa capacité, etc. et qu'elle peut fournir ce service.

Si ces conditions sont réunies, nous pouvons alors demander au Tribunal de la concurrence une ordonnance contre Air Canada pour qu'elle fournisse le service. Là encore toutefois, nous devons être sûrs qu'il n'y a pas d'autres solutions de marché.

C'est le genre de situation que nous examinons. Une disposition de la loi est prévue dans le cas où une plainte serait effectivement présentée.

M. Roy Bailey: Par conséquent, il y aurait un avis de 30 jours et vous pourriez exercer votre pouvoir d'interdiction pendant 80 jours, n'est-ce pas?

M. David McAllister: Nous n'avons pas ces pouvoirs d'interdiction pour l'instant.

M. Roy Bailey: Non, je le sais.

M. David McAllister: Mais on pourrait prévoir que ce serait ainsi que les choses se passeraient si ces pouvoirs nous étaient accordés à l'avenir.

M. Roy Bailey: Merci, monsieur le président, je pense que j'ai épuisé mon temps de parole.

Merci, messieurs.

Le président: M. Bailey nous montre à tous la confusion qui existe entre la position du ministre et le travail de l'OTC et du Bureau de la concurrence. Il m'apparaît clairement que si le problème se pose entre deux lignes aériennes, le Bureau de la concurrence peut intervenir. Si le problème se pose à propos du tarif d'une ligne aérienne, l'OTC peut intervenir.

Ce qui prête à confusion au comité, je crois, c'est que l'on ne sait pas ce qui arrive au consommateur qui a des problèmes avec la ligne aérienne. Effectivement, il peut s'adresser à la ligne aérienne, mais c'est cette dernière qui fait la loi. En effet, à quoi sert-il de s'adresser à la ligne aérienne? Vous espérez obtenir satisfaction de la ligne aérienne, mais dans le cas contraire, quel peut être votre recours? Ce qui est clair, c'est qu'il inutile de s'adresser au Bureau de la concurrence ou à l'OTC.

Et il faudrait peut-être que nous nous demandions si les deux personnes indépendantes que le ministre veut nommer pour s'occuper de ce genre de choses a) sont en mesure de s'en occuper et b) si oui, ce qu'elles feront alors. En étant indépendants, auront-ils assez d'influence pour signaler à la compagnie aérienne qu'il y a un problème et qu'elle doit le régler? Mais, de toute façon...

Merci Roy.

Claude Drouin, allez-y.

Vous avez deux minutes.

[Français]

M. Claude Drouin: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Le temps est compté.

[Français]

M. Claude Drouin: Je dois revenir à la charge, monsieur von Finckenstein. Lorsque nous avons parlé de surréservations tout à l'heure, vous avez dit que cette question ne relevait pas du Bureau de la concurrence. Je comprends que lorsqu'on perd des valises, on puisse parler de service à la clientèle. Cependant, lorsqu'une nouvelle entreprise entre sur le marché, elle n'a pas nécessairement les reins solides puisqu'elle en est à ses débuts. Il peut s'avérer difficile pour elle de faire concurrence à une compagnie qui a les reins solides, qui fait des surréservations et qui lui enlève ainsi certains clients, ce qui pourra la forcer à quitter le marché. Je ne suis pas convaincu que la question des surréservations échappe à votre rôle. On peut comprendre qu'une compagnie fasse la surréservation de deux ou trois sièges, mais je ne crois pas que cela devrait être une pratique fréquente. Les compagnies savent quel nombre de sièges elles peuvent mettre en vente. Je puis comprendre que les compagnies savent qu'il y a toujours des désistements à la dernière minute, mais elles ne devraient pas empêcher une nouvelle compagnie de prendre son envol. À mon avis, de telles pratiques sont anticoncurrentielles.

M. Konrad von Finckenstein: Il faut tenir compte de deux choses. Premièrement, qu'arrive-t-il aux passagers lorsqu'il y a surréservation? Est-ce qu'ils ne peuvent prendre aucun autre vol?

• 1650

M. Claude Drouin: Leur départ et leur arrivée sont retardés. Ce retard peut être d'une journée. Je souligne toutefois qu'ils n'ont pas eu recours aux services de la nouvelle compagnie pendant ce temps-là. Comment cette dernière pourra-t-elle rester en affaires pendant six mois si l'autre compagnie a fait des réservations qu'elle n'a respectées que le lendemain?

M. Konrad von Finckenstein: Selon les dispositions de la loi qui portent sur l'abus de position dominante, à l'article 79, quand on a recours à une politique systématique dans le but de faire exactement ce que vous dites, nous pouvons intervenir.

M. Claude Drouin: Merci, monsieur von Finckenstein.

[Traduction]

Le président: Merci Claude.

Michel Guimond pour deux minutes.

[Français]

M. Michel Guimond: Merci, monsieur le président.

Monsieur von Finckenstein, je soulèverai à nouveau brièvement les exemples que j'avais donnés tout à l'heure. En réponse à ma question au sujet de la réduction des prix, vous m'avez référé à votre projet de règlement, où vous définirez les agissements anticoncurrentiels dans le domaine aérien. Je vais donner un autre exemple et je vous demanderai de m'indiquer quelles dispositions de votre règlement s'appliqueront.

Prenons l'exemple d'un petit transporteur régional qui a été affilié aux Lignes aériennes Canadien pendant 20 ans. Air Canada lui dit qu'elle comprend les liens qu'il entretenait avec Canadien et l'assure que Canadien est une entité qui va continuer à exister. Elle lui dit cependant qu'en tant que propriétaire de Canadien, elle refuse de continuer à respecter les ententes passées. Il faut comprendre que ce petit transporteur avait été un concurrent direct d'Air Alliance/Air Nova pendant plusieurs années. N'y a-t-il pas ici une démonstration évidente de concurrence? Si le petit transporteur quitte le marché, la concurrence va être altérée. Pourriez-vous m'indiquer à quel endroit dans le règlement on indique qu'il y aurait agissements anticoncurrentiels afin que nous puissions dire au transporteur de se référer à ces dispositions du règlement?

Mon deuxième exemple porte sur les points de grand voyageur.

M. Konrad von Finckenstein: Est-ce qu'on peut arrêter ici?

M. Michel Guimond: Non, parce que le président va m'interrompre après deux minutes. Écoutez mes deux questions.

Je lis et je relis, dans le projet de règlement, au point g)... Non, excusez-moi; c'est le point h), où on traite de primes plus généreuses que la normale. Le cas que je vais vous citer n'y est pas couvert. Prenons l'exemple d'un petit transporteur régional qui fait concurrence à un transporteur affilié à Air Canada, donc un transporteur dont le numéro de vol a comme préfixe les lettres AC et qui offre des points de grand voyageur. Lorsque le petit transporteur régional qui est en poste depuis plusieurs années dit à Air Canada qu'afin de maintenir la concurrence, il voudrait faire partie du programme des points de grand voyageur et d'Aeroplan, on lui répond qu'on lui donnera probablement une réponse favorable au mois de juin, mais que l'entente ne pourra être mise en oeuvre que le 1er janvier 2001. Ce petit transporteur nous dit que s'il doit attendre jusqu'en janvier 2001, il sera probablement décédé d'ici ce moment-là. Il y a donc des agissements qui vont nuire à la concurrence. Par quelles dispositions de l'ébauche de règlement que vous avez déposée ces deux cas-là seront-ils couverts?

[Traduction]

Le président: Merci Michel.

[Français]

M. Konrad von Finckenstein: Mon collègue M. McAllister va répondre à votre première question, et M. Annan à la deuxième. D'accord?

[Traduction]

David.

M. David McAllister: Je vais peut-être simplement passer la parole à Richard Annan. Je pense qu'il en est question dans les engagements pris par Air Canada au sujet...

M. Konrad von Finckenstein: La première question a trait au refus de respecter les ententes.

M. David McAllister: Si on refuse de respecter des ententes sur les correspondances intercompagnies ou les points de grand voyageur... Il y a des dispositions précises qui obligent Air Canada à offrir des programmes à ce sujet.

[Français]

M. Michel Guimond: Vous devriez répondre, monsieur von Finckenstein, puisque vous êtes peut-être la seule personne à pouvoir le faire.

M. Konrad von Finckenstein: Je vais laisser M. Annan répondre à la deuxième question, après quoi nous pourrons revenir à la première.

[Traduction]

Richard.

M. Richard Annan (agent de commerce principal, Direction des fusionnements, Bureau de la concurrence): Si je vous ai bien compris, vous demandez essentiellement s'il y a des dispositions dans le projet de loi ou dans le règlement pour aider les petits transporteurs. Je pense qu'il faut tenir compte des engagements qu'Air Canada a dit au commissaire vouloir respecter et qui vont faire partie du règlement ou de la loi.

Par exemple, au sujet du programme des points de grand voyageur dont vous avez parlé, Air Canada s'est engagé à continuer d'offrir pendant cinq ans le programme Aeroplan aux petits transporteurs canadiens en commençant le plus tôt possible mais au plus tard le 1er octobre 2000. Les dispositions des engagements—qui traitent notamment du programme de points de grand voyageur d'Air Canada—devraient contribuer largement à régler les problèmes de ce genre pour les petits transporteurs canadiens. Pendant cinq ans et en vertu de conditions commercialement raisonnables, ils auront accès au programme Aeroplan.

• 1655

En outre, il y a d'autres engagements qui vont aider les petits transporteurs. Par exemple, Air Canada est obligé de prévoir des ententes sur les tarifs et les correspondances intercompagnies. Il y a aussi des créneaux et des portes qui seront mis à la disposition des autorités aéroportuaires. Ils pourront être attribués à de plus petits transporteurs prêts à offrir des services. Il y a donc des aspects des engagements qui vont aider directement les plus petits transporteurs.

M. Michel Guimond: Mais s'il ne s'agit pas d'un transporteur canadien d'origine ou du programme des points de grand voyageur?

M. Richard Annan: On parle des transporteurs aériens canadiens admissibles, ce qui comprend un ancien partenaire de Canadien, par exemple.

[Français]

M. Konrad von Finckenstein: Je reviens maintenant à votre première question qui, si je m'en souviens bien, avait trait à un petit transporteur qui transigeait auparavant avec Canadien et qui, puisque son entente avec Canadien est maintenant terminée, n'est pas en mesure de faire concurrence s'il ne peut la renouveler avec le nouveau propriétaire. Le contrat qui le liait avec Canadien était essentiel à sa survie.

M. Michel Guimond: C'est exact.

M. Konrad von Finckenstein: Dans ce cas-là,

[Traduction]

il s'agit du refus de continuer à respecter une entente au sujet...

M. David McAllister: Je pense que cela ressemble beaucoup à l'exemple donné plus tôt au sujet de la prestation de services de manutention des bagages. Si ces services sont essentiels pour le petit transporteur et qu'Air Canada est la seule compagnie à offrir des services valables dans ce domaine, on peut alors considérer qu'il s'agit du refus de respecter les dispositions de la Loi sur la concurrence. Nous agirions sûrement rapidement si nous recevions une plainte de cette nature.

Le président: Merci Michel.

Val, avez-vous une question à poser avant le départ des témoins?

Mme Val Meredith: Oui. Merci monsieur le président.

J'aimerais simplement avoir des éclaircissements. Vous avez laissé entendre plus tôt que, même si Canadien est sous la protection de la Loi sur les faillites, vous considérez toujours qu'il y a deux compagnies qui se font concurrence, Canadien et Air Canada. Est-ce exact?

M. Konrad von Finckenstein: Pas tout à fait. Air Canada n'a pas acheté Canadien. C'est une société à numéro qui l'a fait. Une société à dénomination numérique a placé Canadien sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies pour faire approuver la réduction du fardeau de la dette de l'entreprise. Une fois que le tribunal aura approuvé la restructuration de la dette, il y aura fusion entre Air Canada et la société à numéro, et donc avec Canadien.

Mme Val Meredith: Je comprends cela, mais votre bureau considère-t-il qu'Air Canada est propriétaire de Canadien et est un transporteur dominant actuellement? Devez-vous attendre la restructuration de la dette et la fusion d'Air Canada et de la société à numéro avant de considérer qu'il y a un monopole dans l'industrie aérienne?

M. Konrad von Finckenstein: Non. Il faut être prudent ici. D'abord, Air Canada a pris beaucoup d'engagements. La société à numéro a également signé ces engagements. Il est donc certain qu'ils doivent être respectés, que ce soit par Air Canada ou Canadien, ou encore la société à numéro.

Pour ce qui est de savoir s'il y a un transporteur dominant, sur le plan légal, Canadien n'appartient pas encore à Air Canada, mais à cette société à numéro. Nous n'avons pas fait d'enquête ou reçu de plainte à ce sujet.

Actuellement, avant la fusion, Air Canada contrôle-t-elle la société à numéro à tous les égards ou non? J'imagine qu'il ne serait pas très difficile de le déterminer, mais il faudrait établir qu'Air Canada contrôle effectivement la société à numéro et par conséquent Canadien. Étant donné que les liaisons ont été restructurées, qu'on a annoncé des vols communs et que les deux programmes de points de grand voyageur sont interchangeables, j'imagine qu'il serait assez facile d'établir cela. Mais, à proprement parler, nous ne l'avons pas encore fait.

• 1700

Mme Val Meredith: La Loi sur la faillite prime-t-elle sur la Loi sur la concurrence?

M. Konrad von Finckenstein: Oui. C'est le jugement de faillite qui prévaudra. L'engagement pris avec le Bureau de la concurrence prévoit que, s'il y a une faillite, ce qui comprend une procédure de faillite en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la situation sera essentiellement la même que si Air Canada avait acheté Canadien, et les engagements seront maintenus. Si la faillite entraîne la vente forcée de Canadien à quelqu'un d'autre, les engagements ne tiendront plus.

Mme Val Meredith: Merci.

Le président: Merci Val de ces questions pertinentes.

Monsieur von Finckenstein, nous vous remercions de votre témoignage devant le comité. Messieurs, merci d'avoir répondu à nos questions.

M. Konrad von Finckenstein: Merci.

Le président: Chers collègues, sans plus attendre, nous allons inviter Adrienne Rosen à s'approcher pour faire sa déclaration et répondre à nos questions.

• 1701




• 1704

Le président: Chers collègues, nous accueillons Adrienne Rosen, qui représente International Courier.

Madame Rosen, merci d'être venue rencontrer le comité pour lui exposer votre point de vue. Nous sommes impatients de vous entendre. Vous avez cinq à huit minutes pour faire votre déclaration et nous vous poserons ensuite des questions. Merci.

Mme Adrienne Rosen (présidente, International Courier): Mesdames et messieurs, les membres du comité et du public, je comparais aujourd'hui en tant que femme d'affaires, portant un vif intérêt aux changements qui sont intervenus dans le secteur des transports aériens parce qu'ils affectent l'industrie du fret aérien.

• 1705

En tant que présidente directrice générale d'une petite société de fret aérien, je suis très consciente de l'impact négatif de la fusion entre Air Canada et les Lignes aériennes Canadien sur notre industrie, et des problèmes éventuels qu'elle posera à l'ensemble des Canadiens.

Faisons une petite analyse du marché du fret et des transporteurs aériens. Les désignations de cargaison aérienne et de fret aérien font référence à l'industrie pouvant expédier de grosses cargaisons qui ne sont généralement pas sensibles au facteur temps. En d'autres mots, de par leur nature, ces marchandises ne nécessitent pas une livraison immédiate. Elles peuvent prendre de un à trois jours pour atteindre leur destination finale et, en général, ces marchandises ne requièrent pas de manutention spéciale et ne sont pas considérées dangereuses. Les marchandises de ce type représentent la majorité des cargaisons de l'industrie du fret aérien et elles supposent le transport régulier de biens achetés et utilisés tous les jours par les Canadiens et les sociétés canadiennes. Parmi elles, on trouve les pièces de voitures, les livres, les documents imprimés, l'électronique, etc.

Les services de cette industrie sont assurés par les transitaires de fret aérien ou par les compagnies qui ont un compte direct avec la compagnie aérienne elle-même. Si la compagnie de transport aérien est soumise aux règlements de l'IATA, alors, certains prix et codes tarifaires sont régis par l'IATA.

L'industrie des transports aériens est composée de deux ou trois marchés différents. Premièrement, celui des compagnies de transport aérien qui possèdent leurs propres avions et desservent le Canada pendant la nuit. Deuxièmement, celui des compagnies de transport aérien qui possèdent ou non leurs propres avions. Elles peuvent faire appel à des sociétés commerciales ou à des compagnies d'avions nolisés et elles desservent le Canada en un ou deux jours. Troisièmement, les compagnies de transport aérien qui ne possèdent aucun avion mais qui desservent le Canada, et le monde entier, sur la base du prochain vol. Au plan national, ces services sont assurés au Canada dans la même journée.

Je laisserai de côté la première catégorie, celle des compagnies de transport aérien qui possèdent leurs propres avions, parce que, pour des raisons évidentes, elles ne sont pas affectées par la fusion.

Je parlerai de la deuxième et de la troisième catégories en même temps.

Personne ne peut dire avec certitude à quand remontent les débuts de l'industrie des transports. Les Grecs vous diront qu'elle est née avec Pégase, le cheval ailé, et la Société canadienne des postes vous dira qu'elle a vu le jour au Canada au début des années 70 pendant une grève postale. Cette question pourrait faire l'objet de recherches plus approfondies par le gouvernement. Ce n'est pas notre propos aujourd'hui.

Avant tout, je voudrais vous en dire un peu plus sur ma société. Vous pourrez ensuite la comparer aux sociétés appartenant à la deuxième catégorie dont Purolator, DHL et Emery font partie.

Helen Mills, Myra White et moi avons fondé la société International Courier en 1984. Nous avions déjà à l'époque une grande expérience de l'industrie des transports lorsque nous avons remarqué que l'économie changeante nécessitait le transport toujours plus rapide des marchandises et de l'information. Nous avons accaparé un créneau, qui fonctionne 24 heures sur 24, sept jours par semaine, fondé sur les exigences de la clientèle. Le Canada et les États-Unis sont desservis le jour même sur la base du prochain vol et les autres villes dans le monde sont desservies sur la base du prochain vol.

Notre clientèle principale est composée d'imprimeurs financiers aux écrasantes émissions d'actions nouvelles dont les cargaisons doivent atteindre leur destination sur-le-champ et de sociétés biopharmaceutiques qui procèdent à des essais cliniques. Nous pouvons livrer des valvules cardiaques qui doivent être acheminées dans la salle d'opération en quelques heures pour être transplantées sur un enfant mourant, ou de simples crêpes devant être livrées à une nation africaine pour que les cadres du pétrole puisent célébrer le Stampede de Calgary.

Le dénominateur commun de toutes ces sociétés est la nécessité d'un service immédiat, d'une manutention spéciale et l'assurance personnelle que leur cargaison sensible au facteur temps sera traitée avec diligence. Si la livraison de ces marchandises est retardée, celles-ci perdront toute leur valeur. Il est impérieux pour International Courier d'avoir accès à un espace sur un avion et, pour ce, nous payons un taux majoré aux compagnies aériennes afin de garantir le transport de nos cargaisons.

Pour ce qui est des compagnies aériennes, la structure du taux de fret des compagnies est composée des éléments suivants: d'abord, le niveau de service. Le service le moins cher et le plus courant porte la mention «marchandises diverses» dont le transport est assuré en une journée. Les marchandises portant la mention «Air express» seront transportées plus rapidement que les précédentes, mais plus lentement que celles avec la mention «garantie», qui indique que la cargaison sera transportée sur un vol précis à une heure précise.

La structure du taux dépend aussi du volume alloué à la compagnie aérienne et de l'accord contractuel mis en place par la compagnie aérienne. La compagnie aérienne fait bénéficier ses plus gros clients et ses clients favoris des meilleurs rabais. Par exemple, le client x paie la compagnie aérienne 90 cents par kilogramme pour le service express et le client paie 2 $ par kilogramme pour le même service. Pour rester compétitives, les deux sociétés doivent facturer le même prix à leur client. Il est évident que le client x est avantagé puisqu'il réalise le plus gros profit.

• 1710

Au sujet d'International Courier et des compagnies aériennes, étant donné la variété des compagnies aériennes qui offrent des services d'expédition d'urgence, et afin d'accélérer les formalités douanières, International Courier se sert des compagnies aériennes basées à Detroit ou à Buffalo pour toutes ces expéditions urgentes vers les États-Unis.

Pour nos expéditions à l'intérieur du Canada, nous traitons depuis plusieurs années, et autant que possible, avec les Lignes aériennes Canadien, choix motivé par les raisons suivantes: une volonté de fournir un excellent service à la clientèle, une capacité de donner une garantie et de faire l'impossible pour l'avenir, un taux de défaillance presque négligeable et des prix abordables.

Par contre, chez Air Canada, nous avons pu constater ce qui suit: aucune volonté de fournir un bon service à la clientèle; on a d'ailleurs été impoli avec nous et on nous a raccroché au téléphone; un taux de défaillance de 20 p. 100 sur toutes les expéditions garanties et des prix élevés.

Nous reconnaissons que la fusion est un fait accompli et nous savons bien qu'il serait inutile d'en garder rancune. Toutefois, nous sommes préoccupés par deux principaux aspects de la fusion, négligés, je crois, par le gouvernement fédéral lors des négociations sur la fusion. Il s'agit du manque de capacité de fret disponible et de la tarification.

Pour ce qui est de la capacité de fret disponible, l'annexe A contient des copies d'horaires de compagnies intérieures pour le 10 avril 1999 et le 10 avril 2000. Il s'agit d'horaires de vols intérieurs partant de Toronto pour aller à Vancouver, Calgary, Edmonton, Winnipeg, Halifax, Montréal et Ottawa. Le nombre de vols annulés depuis la fusion me préoccupe beaucoup et mérite la même attention de votre part. Au Canada, la plupart des avions intérieurs sont des 737, des Airbus A-320 et, moins souvent, des 767. Les 737 ne fonctionnent qu'au chargement à vrac, ce qui veut dire qu'ils sont trop petits pour les conteneurs d'expédition qui sont chargés mécaniquement. Il faut donc qu'une personne charge la marchandise manuellement dans le ventre de l'avion. Par contre, les Airbus A-320 peuvent transporter jusqu'à sept conteneurs LD 345, dont chacun peut contenir un poids maximum de 1 052 kilos, ou 2 319 livres. Multipliez ce chiffre par sept et cela vous donne une charge maximale de 7 364 kilos, ou 16 233 livres de marchandise par avion. Chaque vol d'Airbus annulé se traduit donc par une perte de 7 364 kilos de capacité de fret disponible. Ça, c'est une quantité énorme de pêche, de pièces mécaniques, d'imprimés ou de babioles. C'est une quantité énorme de marchandise qui fait son entrée au port de Halifax ou de Vancouver, et que l'on doit ensuite distribuer à l'échelle du pays.

Pour avoir une meilleure idée de cette perte de capacité de fret, imaginez ce que cela représente par marché. L'an dernier, il y a 17 vols chaque jour pour Vancouver, contre 14 cette année. Il y a eu 14 vols chaque jour pour Halifax l'année dernière, contre 11 cette année. En avril dernier, il y a eu 41 vols chaque jour pour Montréal contre 32 actuellement, et 33 vols chaque jour pour Ottawa en avril dernier, contre 26 actuellement.

Si le Canada est le deuxième pays le plus grand du monde, comment donc réussirons-nous à expédier de la marchandise à travers ce pays avec une perte si démesurée de capacité de fret disponible? Je vois venir le jour où les produits domestiques seront plus chers que les produits importés.

Au sujet des tarifs et de l'accès à l'espace cargo, qui aura accès au peu de capacité de fret qui reste à bord d'un avion? De nombreuses grosses compagnies de fret aérien achètent d'avance la capacité de fret des compagnies aériennes à des prix d'aubaine, de façon à pouvoir toujours offrir de la capacité de fret au meilleur prix à leurs clients. Doit-on les laisser faire la loi avec l'unique compagnie aérienne au Canada? Si l'on donne la priorité à la capacité de fret, comment ferons-nous pour expédier la marchandise à délai de livraison critique? Que dira le public canadien si le prix des pêches et des pommes monte en flèche pour cause de pénurie?

• 1715

La semaine dernière, nous avons reçu notre nouveau contrat d'Air Canada/Lignes aériennes Canadien International, et nos tarifs pour Montréal et Ottawa ont fait un bond de 65 p. 100—j'ai bien dit 65 p. 100!

Lorsque je me suis plainte au Bureau de la concurrence, on m'a dit qu'il n'y avait pas de concurrence, de sorte qu'on ne pouvait pas m'aider. Quand je me suis plainte à Air Canada, on m'a dit qu'on n'augmentait pas les tarifs de Canadien, qu'il s'agissait seulement de les uniformiser avec ceux d'Air Canada.

Ce n'est certes pas un mensonge, et pourtant c'est le prix qu'offre Air Canada à ses clients ordinaires, plutôt qu'à ses clients à grand volume d'expédition. Chez Lignes aériennes Canadien International, on me considérait comme un client à grand volume d'expédition, mais maintenant, voilà qu'il me faut mériter ce statut auprès d'Air Canada. Je vais devoir payer, monsieur le président. Il semblerait que certaines qualités n'ont pas été fusionnées à la nouvelle compagnie.

J'ai fait part de ces craintes dans une lettre adressée à l'honorable David Collenette lors des négociations de fusionnement, mais il ne m'a jamais répondu. Cependant, M. Gerald Schwartz, lui, a bien répondu à une lettre semblable que je lui ai adressée, et il a su comprendre mes préoccupations. Aussi m'a-t-il laissé entendre que le fusionnement venu, il utiliserait des avions à gabarit supérieur ayant une plus grande capacité de chargement de marchandises, de sorte que de tels problèmes seraient résolus.

Il est évident que ni M. Milton, ni M. Collenette n'ont pris en considération ces problèmes réels. Quant à la tarification, je peux même imaginer le jour où il sera moins cher d'expédier de la marchandise à Vancouver en passant par Détroit ou Buffalo.

En résumé, monsieur le président, je suis préoccupée par le fait qu'ici, dans le deuxième pays du monde en superficie, notre besoin le plus important, c'est-à-dire le transport, est désormais dans les mains d'une seule compagnie qui décide sans restrictions de sa tarification et de son mandat. Je crains que ce genre de monopole ne fasse monter en flèche les prix intérieurs de tous les produits et services.

Je vous demande de regarder le tableau dans son ensemble. Cela dépasse nettement les spéciaux vacances d'hiver à Fort Lauderdale de monsieur et madame Tout-le-monde. Il s'agit plutôt du transport de denrées du champ jusqu'à la table, de machines essentielles à la fabrication de pièces d'automobile et de transplants et de greffons qu'il faut faire livrer sans délai aux salles d'opération des hôpitaux.

Je vous lance un défi aujourd'hui: n'abandonnez pas l'industrie aux ambitions d'une seule compagnie, ne l'abandonnez pas aux caprices d'un seul groupe d'actionnaires ou aux idées grandioses d'un seul homme, qui s'est vanté que «ça dépasse l'imagination de la plupart des gens». Nous ne l'imaginons que trop bien: cette compagnie est trop grosse, et il faut la réglementer.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci, madame Rosen.

Madame Meredith, je vous prie.

Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président.

J'en déduis, d'après votre exposé, que vous avez eu certains contacts avec Air Canada récemment, c'est-à-dire après le fusionnement, même s'il semble que le fusionnement n'existe pas. Est-ce à ce moment qu'on vous a informée de la nouvelle tarification, de l'augmentation de 65 p. 100, ou ces tarifs ont-ils toujours été beaucoup plus élevés que ceux de Canadien?

Mme Adrienne Rosen: Ils ont offert à leurs meilleurs clients le même tarif que ceux que je paie actuellement à Canadien. On me fait maintenant passer au tarif général que vous payeriez, par exemple, si vous envoyiez une lettre à vos parents.

Mme Val Meredith: Cet arrangement vous semble-t-il être un prix de gros? En d'autres mots, achetez-vous au prix de gros de l'espace dans la soute à fret, par opposition à des sièges dans l'avion?

Mme Adrienne Rosen: Non, ce n'est ni l'un ni l'autre. Nous utilisons les services de classe supérieure, ce qui signifie que nos expéditions, comme elles sont si cruciales, voyagent la plupart du temps avec les bagages, de sorte que nous bénéficions de tarifs spéciaux des Lignes aériennes Canadien, tarifs qu'Air Canada offre aussi à nos concurrents.

Mme Val Meredith: Non, je suppose...

Mme Adrienne Rosen: Nous n'achetons pas de l'espace à l'avance.

Mme Val Meredith: Donc, vous n'achetez pas d'espace en gros.

Mme Adrienne Rosen: Non. Nous ne sommes pas une entreprise de fret aérien; nous offrons un service d'expédition par le vol suivant. Nous ne savons jamais jusqu'à ce que nous recevions un appel téléphonique quand se présentera la prochaine urgence.

Mme Val Meredith: Vous affirmez donc que le volume d'expédition que vous avez auprès de Canadien n'a pas été reconnu par Air Canada, qu'Air Canada en fait vous oblige à repartir de...

Mme Adrienne Rosen: La case départ.

Mme Val Meredith: ...zéro et de mériter le volume à bord de l'appareil.

Mme Adrienne Rosen: C'est juste.

Mme Val Meredith: Toutefois, si vous parvenez à établir que le volume est juste, Air Canada vous offrira-t-il le tarif privilégié?

Mme Adrienne Rosen: Dans un an peut-être, mais comme l'espace se fera rare, je doute que nous y parvenions en un an. Je doute que nous obtenions tout l'espace dont nous avons besoin pour établir un pareil volume.

• 1720

Mme Val Meredith: Y a-t-il une autre ligne aérienne au Canada—WestJet, Canada 3000, Air Transat, Royal, ou je ne sais quoi encore—qui peut offrir des liaisons régulières répondant à vos besoins?

Mme Adrienne Rosen: Non, aucune, car nous avons besoin de pouvoir utiliser le vol suivant. Même si Canada 3000 offrait le vol suivant, elle exige que le fret soit livré à l'aéroport cinq heures avant le départ parce qu'elle n'offre habituellement qu'un service de fret aérien. Elle n'offre pas ce service accéléré.

Mme Val Meredith: Donc, essentiellement, Air Canada en tant que transporteur dominant, que transporteur monopolistique, est le seul service que vous et votre entreprise pouvez utiliser.

Mme Adrienne Rosen: C'est juste, et nous n'avons d'autre choix maintenant que de lui payer 65 p. 100 de plus que ce que nous payons actuellement.

Mme Val Meredith: Quand vous vous êtes plainte au Bureau de la concurrence, on vous a dit qu'on ne pouvait pas vous aider parce que...

Mme Adrienne Rosen: Il n'y a pas de concurrence, m'a-t-on dit. Le mandat du Bureau de la concurrence n'est pas de fixer les prix et, comme il n'y a pas de concurrence à laquelle comparer Air Canada, parce qu'Air Canada est maintenant propriétaire de Canadien, il ne peut pas y avoir de plainte.

Mme Val Meredith: Ils ne s'inquiétaient donc pas que vous... Aviez-vous un contrat écrit avec Canadien pour la prestation de ces services?

Mme Adrienne Rosen: Oui.

Mme Val Meredith: Quand ce contrat devait-il expirer?

Mme Adrienne Rosen: En réalité, ils passaient leur temps à renouveler le contrat. Habituellement, nous avions un contrat d'un an, mais quand les pourparlers de fusionnement ont débuté, on ne nous a offert qu'un contrat de deux mois parce qu'on prévoyait des changements de prix.

Mme Val Meredith: On peut donc dire qu'actuellement, vous n'avez pas de contrat avec qui que ce soit, parce que j'imagine... ou avez-vous un...

Mme Adrienne Rosen: Non, nous en avons un. La semaine dernière, on nous a remis un nouveau contrat prévoyant une augmentation de 65 p. 100. On me demande de le signer pour signifier mon acceptation.

Mme Val Meredith: Est-ce négociable? Avez-vous communiqué avec Air Canada pour voir si l'augmentation de 65 p. 100 était négociable?

Mme Adrienne Rosen: On m'a répondu que le tarif n'était pas négociable du tout.

Mme Val Meredith: Je vous remercie.

Mme Adrienne Rosen: C'est moi qui vous remercie.

Mme Val Meredith: Cela dit tout, n'est-ce pas?

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Je vous remercie beaucoup de cet excellent exposé. Avez-vous des suggestions à nous faire quant à la façon... Manifestement, vous connaissez maintenant leurs tarifs. Comment cela vous affectera-t-il? Cette hausse de 65 p. 100 va-t-elle affecter votre entreprise?

Mme Adrienne Rosen: Elle va avoir tout un impact sur mes clients. Nous avons des concurrents au sein de l'industrie. Même si nous occupons un créneau, nous avons deux ou trois concurrents. Malheureusement, ils transigent avec Air Canada depuis de nombreuses années. Ils n'auront donc pas à payer la surprime de 65 p. 100.

Mis à part le fait que toute cette situation est très déprimante, j'aurais quelques suggestions. Je vous proposerais de trouver un moyen quelconque, soit un ombudsman ou un organe distinct, de faire en sorte qu'Air Canada, si elle va éliminer tous les dédoublements de services sur le marché... Il faudrait qu'elle utilise des appareils de gabarit supérieur qui peuvent transporter beaucoup plus de marchandises, sans quoi il y aura une pénurie grave d'espace. Je ne parle pas seulement de mon entreprise. Le produit que nous expédions n'a rien d'ordinaire et doit être livré très rapidement. Je parle même de produits courants qui aboutissent sur votre table. Si Air Canada n'utilise pas des appareils plus gros et plus larges pour transporter la marchandise jusqu'à tous ces marchés, nous allons être incapables de transporter quoi que ce soit. Nous en arrivons au point où l'entreprise de fret aérien qui achète le plus d'espace et qui a été la plus loyale à l'égard d'Air Canada sera la première servie.

Il faut qu'on réglemente jusqu'à un certain point la taille des appareils et que l'on surveille les codes tarifaires que peut imposer Air Canada. S'il faut vivre avec un monopole dans un secteur aussi important, il ne faudrait pas que la compagnie puisse saigner à blanc les petites entreprises.

M. Ovid Jackson: Donc, vous affirmez qu'Air Canada a un nombre suffisant de ces gros appareils pour le faire?

Mme Adrienne Rosen: Elle les aura si elle commence à utiliser certains appareils de Canadien. Je soupçonne cependant qu'elle va plutôt essayer d'utiliser certains de ses plus petits appareils. Elle n'a fait élargir aucun de ses appareils encore, et je soupçonne que les petits appareils pourront accueillir le nombre de passagers à transporter. Toutefois, nul n'a vraiment réfléchi à l'espace requis pour le fret aérien. Je crois que le fusionnement a essentiellement eu comme objectif le transport de passagers et les économies à réaliser, plutôt que la capacité de fret aérien. C'est un point important.

M. Ovid Jackson: Je vous remercie.

Le président: Ovid, merci.

Michel.

• 1725

[Français]

M. Michel Guimond: Merci, monsieur le président. Madame Rosen, je vous remercie pour votre présentation. Vous soulevez une problématique sérieuse.

En passant, je vais vous faire un petit commentaire. Vous dites que M. Schwartz a bien répondu à votre lettre et qu'il vous a dit qu'il comprenait vos préoccupations. C'est parfait, mais il y a là une situation. On ne peut pas vivre dans le passé. Il y a un tribunal qui a déclaré que son offre était illégale. Je comprends que vous soyez nostalgique, mais c'est un commentaire que je voulais faire.

Il faut vivre avec la réalité: Air Canada est devenue propriétaire de Canadian Airlines et nous, comme législateurs, nous devons adopter une loi qui va régir les nouvelles règles du jeu. Pour poursuivre un peu dans la même veine que mon collègue Ovid, on entend des témoins pour connaître leur opinion quant à la façon d'améliorer cette loi. Je pense que tous mes collègues ici, autour de la table, vont être d'accord avec moi pour dire que vous soulevez là une question de survie pour votre firme. Je suis persuadé que votre compagnie n'a pas les moyens d'assumer une augmentation de 65 p. 100 et que vous n'avez pas le moyen non plus de refiler la facture aux usagers. Je comprends cela. J'aimerais que vous fassiez parvenir à notre greffière, dans les meilleurs délais, vos suggestions pour des amendements qu'on devrait apporter à ce projet de loi et dont on devrait discuter en comité.

Sur la question de l'ombudsman, j'ai déjà fait mon lit: je demeure convaincu que le ministre, avec le projet de loi C-26, ne répond pas aux voeux du comité et j'annoncerai que je déposerai, au nom de mon parti, des amendements pour qu'il y ait un ombudsman pouvant traiter de telles choses.

Faites-nous des suggestions. Dans votre conclusion, vous nous demandez de regarder le tableau et vous ne voulez pas qu'on vous abandonne, mais cela demeure quand même des voeux. Suggérez-nous des amendements au projet de loi C-26, dont on pourra débattre en comité et, s'il y a lieu, à la Chambre. C'est une demande que je vous fais. Qu'en pensez-vous? Êtes-vous d'accord là-dessus? Trouvez-vous que cela a du bon sens?

[Traduction]

Mme Adrienne Rosen: Je ne crois pas qu'il soit très raisonnable de me demander de proposer aujourd'hui des modifications, car ce n'était pas le but de mon témoignage.

M. Michel Guimond: Je ne vous demande pas de faire ces propositions aujourd'hui.

Mme Adrienne Rosen: Je me suis préparée à venir vous raconter une histoire, et ce n'est pas de la nostalgie. Je dois vous dire que je ne suis pas du genre nostalgique. Je suis plus préoccupée par mon activité commerciale et par le fonctionnement du pays.

Je crains beaucoup que le pays ne fonctionne pas très bien si nous ne trouvons pas un moyen d'arranger cela. Vous, mesdames et messieurs, êtes les experts et on vous a confié la charge très importante d'écouter ce qu'ont à dire des gens comme moi et de proposer de sages solutions.

J'ai fait quelques suggestions que j'estime importantes. L'idée d'un ombudsman est excellente, et j'espère qu'elle se concrétisera. Je ne vois pas d'autres moyens, sauf peut-être d'adopter une loi—j'ignore comme il faudrait la structurer—qui engage Air Canada à utiliser suffisamment d'appareils pour transporter la marchandise d'un bout à l'autre du pays et qui prévoit un moyen d'empêcher le transporteur monopolistique d'abuser de sa position dominante.

Je ne suis pas une experte de ces questions. Je suis une femme d'affaires. Ce sont là les deux seules suggestions que je peux vous faire. Je suis navrée de ne pas répondre à vos attentes, mais c'est le mieux que je puisse faire.

[Français]

M. Michel Guimond: Je veux juste clarifier quelque chose.

[Traduction]

Je ne souhaite pas avoir aujourd'hui les modifications que vous proposez.

Mme Adrienne Rosen: Oh! D'accord.

M. Michel Guimond: Nous devons nous prononcer en tant que comité ou en tant que membres individuels du comité, mais si vous pouvez nous envoyer un document, j'aimerais l'avoir avant que nous ne passions à l'étude article par article, le 8 mai. Si vous ne l'envoyez pas, alors nous tiendrons compte de vos observations.

[Français]

Merci, monsieur le président. Je n'ai pas d'autres commentaires.

[Traduction]

Le président: Merci, Michel.

• 1730

Pour faire suite aux observations de Michel, madame Rosen, vous avez dit que vous étiez une femme d'affaires. Je crois qu'en tant que telle, vous comprendrez que le gouvernement ne veuille pas s'immiscer dans la direction d'une entreprise.

Mme Adrienne Rosen: Effectivement.

Le président: Je me fais simplement l'avocat du diable.

Votre entreprise livre concurrence à d'autres entreprises.

Mme Adrienne Rosen: Oui.

Le président: Vous avez mis tous vos oeufs dans le panier Canadien. Vos concurrents les ont mis dans le panier d'Air Canada. En tant qu'entreprise, vous comprendrez que, si vous ne pouvez plus transiger avec Canadien, il vous faudra transiger avec Air Canada.

Nous n'avons pas reçu de plaintes, d'appels ou de demandes de la part de vos concurrents, probablement parce que, comme vous l'avez vous-même laissé entendre, ils ont droit à un traitement privilégié d'Air Canada, en reconnaissance de leur loyauté.

Mme Adrienne Rosen: En réalité, ce n'est pas le cas. J'ai reçu beaucoup d'appels. Nous sommes en train de mettre sur pied un nouvel organisme qui tiendra sa première réunion le 1er mai. Il sera connu sous le nom de Air Courier Association of Canada. Je puis vous dire dès maintenant que certains ne lisent peut-être pas les journaux ou n'écoutent peut-être pas la radio très bien, mais qu'aucun membre de l'industrie des messageries aériennes ou du fret aérien avec lesquels je me suis entretenue n'étaient au courant des audiences de votre comité.

Le président: Oh non, l'industrie du fret aérien est très au courant.

Mme Adrienne Rosen: L'industrie des messageries, alors, n'est peut-être pas au courant—du moins pas l'industrie des messageries aériennes, pas les gens avec lesquels nous avons parlé, ce qui inclut entre autres DHL, Federal Express et Purolator.

Le président: Malgré tout, je ne crois pas qu'il nous appartienne de faire en sorte que vous...

Mme Adrienne Rosen: Non, et ce n'est pas ce que je voulais dire.

Le président: Tant mieux.

Mme Adrienne Rosen: Toutefois, les gens ne sont pas au courant.

Le président: Quoiqu'il en soit, ce que j'essaye de faire valoir, c'est que vous êtes en concurrence avec d'autres entreprises qui poursuivent une activité qu'elles ont jusqu'ici menée avec succès et qu'elles sont alliées à Air Canada actuellement.

Mme Adrienne Rosen: Oui.

Le président: Vous paierez probablement plus qu'eux pour traiter avec Air Canada, comme vous l'avez laissé entendre tout à l'heure.

Mme Adrienne Rosen: Oui, mais je n'ai pas d'autres portes où frapper, car il n'y a plus de concurrence.

Le président: C'est bien là la nature de la concurrence.

Vous livrez concurrence à d'autres. Les autres ont une tête d'avance sur vous, ce qui cadre avec la nature de la concurrence. Autant vous faites concurrence à d'autres qui se sont alliés à Air Canada, autant vous faites concurrence à FedEx, à UPS et à Purolator... Purolator en particulier, parce qu'il livre le lendemain et qu'il essaye de capter le marché des colis. Je l'ai vu, lui aussi, livrer des transplants. Vous faites donc face à de la concurrence.

Mme Adrienne Rosen: Ceux-là ne sont pas mes concurrents. Je crois que vous avez mal compris. Nous évoluons dans un secteur tout à fait différent. Certaines des entreprises que vous venez de mentionner ont leurs propres appareils. En fait, Purolator en a.

Le président: Oui.

Mme Adrienne Rosen: Nous n'avons pas le même genre d'activité commerciale. Nous utilisons le vol suivant. Nous expédions des marchandises qui doivent absolument partir à toute heure du jour. Nous ne pouvons pas attendre jusqu'à 20 heures et expédier la marchandise à bord d'un vol de nuit. Nous ne fermons jamais, et les vols ne cessent jamais. Nous surveillons sans cesse l'écran qui énumère 250 000 vols un peu partout dans le monde.

Le président: Fort bien. Mettons-les à part. Vous avez dit qu'il y a trois autres entreprises qui offrent le même service que vous?

Mme Adrienne Rosen: Oui, de plus petites entreprises.

Toutefois, ce dont je me plains, c'est que, s'il existe un monopole d'une aussi grande importance pour le pays, pour sa structure, pour son infrastructure, il faudrait assurément qu'il y ait un moyen quelconque de recourir à la médiation au sujet des prix et que l'on fasse en sorte que de l'espace soit disponible pour le transport de marchandises absolument vitales.

Le président: J'espère que vous communiquez avec ces autres entreprises. Si vous arrivez à vous entendre avec toutes ces autres entreprises pour dire que c'est un fait, le comité serait obligé de vous entendre en tant que groupe et de tenir compte de ce que vous proposez comme modification à la loi.

Par contre, si les autres affirment ne pas avoir de problème, vous ne pouvez pas nous demander d'obliger par règlement une entreprise à transiger avec vous comme elle le fait déjà avec une clientèle privilégiée ou avec des gens avec lesquels elle transige depuis des années. Il serait très difficile de justifier l'adoption d'un pareil règlement.

Mme Adrienne Rosen: Vous aurez de mes nouvelles au mois de mai.

Le président: Formidable. Je suis impatient de connaître vos suggestions.

Mme Adrienne Rosen: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Calder, je vous prie.

M. Murray Calder: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. En fait, vous avez déjà abordé les questions au sujet desquelles je désirais interroger le témoin.

J'ai analysé certains chiffres qui figurent dans votre tableau de comparaison pour la période allant d'avril 1999 à avril 2000. D'après vos chiffres, la perte de capacité de fret, entre Toronto et Vancouver, est de 22 000 kilogrammes, entre Toronto et Halifax, de 22 000 kilogrammes, entre Toronto et Montréal, de 66 000 kilogrammes, et entre Toronto et Ottawa, de 54 000 kilogrammes.

• 1735

Est-ce que cette capacité de fret était utilisée dans le passé?

Mme Adrienne Rosen: Oui. En fait, nous avions parfois de la difficulté à trouver de l'espace cargo, même à bord des avions de Canadien, au moment où... notre client nous avise quand il veut expédier quelque chose en quelque part. Donc, si Canadien n'avait pas d'espace disponible, on faisait appel à Air Canada. À certains moments, il n'y avait absolument pas d'espace cargo disponible, parce que les avions des deux compagnies étaient pleins. Les sièges étaient vides. Il n'y avait pas de passagers à bord de ces avions. Mais ils étaient pleins. C'est ce qui me préoccupe aujourd'hui. D'accord, on a le bon avion, de la taille voulue compte tenu du nombre de passagers, mais qu'arrive-t-il s'il n'y a pas de capacité de fret disponible? Qu'allons-nous faire à ce moment-là?

M. Murray Calder: Eh bien, il me semble que, si cette capacité de fret existait dans le passé, que les sièges pour passagers étaient vides, mais que les soutes, elles, étaient pleines, il existe manifestement un débouché que quelqu'un va s'empresser d'exploiter. N'êtes-vous pas d'accord?

Mme Adrienne Rosen: Cela dépend de la question de savoir s'il s'agit de marchandises qui doivent être livrées immédiatement à bord du prochain vol, ou si c'est quelque chose qui peut attendre. Cela dépend de ce que transportent ces vols particuliers. Il peut arriver à l'occasion, et ce même si on utilise des avions de la compagnie WestJest, qu'on n'ait pas suffisamment d'espace cargo, à moins d'augmenter la jauge de l'avion qui dessert ces centres.

M. Murray Calder: Qu'en est-il des transporteurs régionaux? On Vous proposez, entre autres, d'utiliser l'aéroport de Hamilton, que l'on appelle affectueusement l'aéroport international Keyes.

Une voix: C'est exact.

M. Murray Calder: Ils vont accueillir des vols en provenance de l'Est, et si WestJet décide de ne plus atterrir à Mount Hope, qui sait, ils pourraient décider de desservir la région de l'Ouest. Avez-vous songé à faire appel aux transporteurs régionaux, ou est- ce quelque chose qu'ils font déjà?

Mme Adrienne Rosen: Nous avons toujours fait appel aux transporteurs régionaux. Nous utilisons tous les avions que nous pouvons trouver.

M. Murray Calder: D'accord.

Mme Adrienne Rosen: Je tiens à préciser que si nous devons acheminer un coeur en quelque part, des pièces détachées ou des produits pharmaceutiques, nous allons utiliser le prochain vol, qu'il s'agisse d'un avion de la compagnie Pem Air ou d'un autre transporteur. S'il y a un vol, nous voulons être à bord. Il sera un peu plus difficile de transporter quelqu'un qui a besoin d'une intervention d'urgence du centre-ville de Toronto, en pleine heure de pointe, à Hamilton. Mais si c'est la seule façon de le faire, nous le ferons.

M. Murray Calder: D'accord. Donc, il y a eu perte de capacité de fret disponible, d'après les chiffres que je viens de citer, mais ce n'est pas comme si vous n'aviez plus d'options. Vous en avez d'autres.

Mme Adrienne Rosen: Nous ne savons pas pour l'instant ce qui va arriver. La situation évolue de jour en jour. Des vols sont annulés, d'autres sont rajoutés. La situation entourant les deux compagnies aériennes—ou la compagnie, c'est selon—est très confuse. Certains jours, Canadien existe, d'autres jours, elle n'existe pas. Si vous parlez au Bureau de la concurrence, la compagnie n'existe plus.

Quoi qu'il en soit, ils peuvent fournir des avions additionnels, ou encore choisir de ne pas le faire. Nous ne le savons pas. Or, le comité pourrait faire en sorte qu'on établisse des exigences en matière de capacité de fret. Mon rôle ici est de vous communiquer des renseignements importants pour que vous puissiez les prendre en considération dans le cadre de vos travaux.

M. Murray Calder: J'ai terminé, monsieur le président.

Le président: Merci, Murray.

Monsieur Asselin.

[Français]

M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Dans la version française, à la page 10, on voit qu'il y a trois vols de moins pour Vancouver, trois vols de moins pour Halifax, un vol de plus pour Montréal, neuf vols de moins pour Ottawa et pour chacun des vols en moins, dans lesquels vous auriez pu mettre sept conteneurs, il y a une perte maximale de 16 233 livres de transport. Je présume que les compagnies aériennes essaient de maintenir le transport de passagers. Or, on sait que le transport de passagers implique aussi des bagages.

• 1740

Les compagnies aériennes sont régies par des lois sur la pesanteur. Lorsqu'on calcule le passager plus ses bagages, il reste beaucoup moins de disponibilité. Je présume que la compagnie aérienne qui va de Montréal à Vancouver ne laissera pas 20 clients au comptoir parce qu'il y a sept conteneurs à mettre à bord. L'équivalent en poids pourrait correspondre à 20 passagers avec leurs bagages. À ce moment-là, peut-être que la première préoccupation du transporteur est de déplacer les passagers en direction de Vancouver d'abord, incluant leurs bagages, et si la pesanteur est suffisamment réduite pour lui permettre de le faire en vertu de la loi, il peut transporter un certain nombre de conteneurs. Est-ce que c'est ça, le problème?

[Traduction]

Mme Adrienne Rosen: Oui. Il ne date pas d'hier. Je ne sais pas où vous voulez en venir. Bien entendu, le transport des passagers est assuré.

Voici comme les choses se passent. Il y a les passagers, les bagages, ensuite les colis de Postes Canada, les marchandises transportées en exclusivité, ainsi de suite. Personne n'a laissé entendre que les bagages des passagers ne sont pas acheminés. Je n'ai rien dit qui puisse vous faire penser une telle chose.

[Français]

M. Gérard Asselin: Ce que je veux dire, c'est que compte tenu de la diminution du nombre d'avions, la réduction de neuf vols par jour pour Ottawa dont vous faites mention dans votre rapport représente beaucoup de gens qui ne sont pas répartis dans ces neuf avions. Si on avait maintenu une croissance comme celle qui existait avant, on se serait retrouvé avec des passagers, leurs bagages et la poste, comme vous le dites, et dans certains avions on aurait pu mettre certains conteneurs. Peut-être que le problème est attribuable au fait qu'on a diminué le nombre de vols. En diminuant le nombre de vols, on s'assure que les sièges sont tous remplis d'abord, ou à peu près tous remplis, incluant les bagages, et ensuite on ajoute des conteneurs si les restrictions quant à la pesanteur le permettent. Mais à ce moment-là, il ne reste plus de place, en termes de pesanteur, pour ajouter des conteneurs.

[Traduction]

Mme Adrienne Rosen: Eh bien, c'est ce que je dis. Il faudrait utiliser des avions plus gros. Ce n'est pas comme si le transport de marchandises ne rapportait rien. Il rapporte beaucoup, à un grand nombre de personnes. En fait, il rapporte encore plus qu'on ne le pense, si vous jetez un coup d'oeil sur les chiffres. Le service fret prioritaire des Lignes aériennes Canadien International a été plus rentable que celui d'Air Canada. Donc, nous ne perdons pas d'argent si nous transportons des marchandises. Nous devons tout simplement faire preuve d'un peu plus d'ingéniosité côté distribution.

[Français]

M. Gérard Asselin: Cela veut donc dire que vous recommandez au comité d'intervenir auprès d'Air Canada pour qu'elle augmente ou maintienne le nombre de ses vols et augmente la grosseur des avions afin de permettre que plus de marchandises soient transportées. Je me demande jusqu'à quel point on peut faire une intervention pareille auprès d'une compagnie comme Air Canada. Peut-on leur dire de grossir leurs avions, d'augmenter le nombre de vols quotidiens tout en tenant compte du volume de marchandises qu'ils transportent en plus des passagers?

[Traduction]

Mme Adrienne Rosen: Peut-être pas, mais vous pourriez, si vous jugez la situation préoccupante, créer un sous-comité qui se chargerait d'examiner la question de la capacité de fret au Canada. Il serait peut-être utile de se pencher là-dessus avant d'en parler.

Le président: Merci, monsieur Asselin.

Avant de lever la séance, je voudrais vous poser une question, madame Rosen.

J'aimerais apporter une précision au sujet de la tarification. L'article 4 du projet de loi C-26—vous en avez une copie—modifie l'article 66 de la Loi sur les transports au Canada. L'Office aura le pouvoir d'examiner les prix passagers et les tarifs marchandises. Vous pourrez, dans le cadre de cet examen, communiquer avec l'Office des transports du Canada et lui faire part de vos vues, et cela lui donnera l'occasion de se pencher là- dessus, si besoin est. Voilà pour la question de la tarification.

• 1745

Pour ce qui est de la capacité de fret, je crois comprendre... J'aimerais vous poser une question au sujet du produit qui doit être transporté à bord du prochain vol, dans l'heure qui suit. Quel pourcentage de marchandises doivent être acheminées rapidement?

Mme Adrienne Rosen: Toutes. C'est ce que nous faisons.

Le président: Un instant. Vous avez parlé de pêches, de pièces mécaniques...

Mme Adrienne Rosen: Non. Je parlais du manque de capacité qui existe à l'échelle nationale. Ce n'est pas la même chose. Je ne transporte pas des pêches ou des pièces mécaniques, sauf s'il y a une panne en quelque part et que des personnes perdent des centaines de milliers de dollars par jour.

Le président: Donc, nous nous entendons pour dire que, en ce qui concerne ce type de marchandises, nous ne réglementerons pas la compagnie aérienne pour faire en sorte qu'elle prévoie de l'espace pour ce genre de choses.

Mme Adrienne Rosen: Non. Il s'agit là de marchandises que je qualifie de périssables, et qui engloberaient les organes pour les greffes, les produits biopharmaceutiques, de même que ce que j'appellerais les arrêts machines, qui font perdre des centaines de milliers de dollars aux gens. J'inclurais cela dans la notion de marchandises périssables.

Le président: Je vais pousser mon argumentation plus loin. Si quelqu'un a besoin de produits pharmaceutiques, ou encore si GM a besoin d'une pièce aussi grosse qu'une boîte de carton, et que vous voulez éviter de faire perdre aux gens des centaines de milliers de dollars... Ils vont faire en sorte que la pièce soit acheminée, peu importe le coût. Elle va se rendre à destination, et rapidement.

Mme Adrienne Rosen: Oui, je suis d'accord avec vous. Nos clients attachent peu d'importance au coût. Toutefois, je tiens à dire que mes prix ont subi une hausse de 65 p. 100, et que je trouve cela tout à fait injuste.

Le président: Je vais donc revenir à ma question. Ce sont vos prix qui ont augmenté de 65 p. 100. Si vous revenez voir le comité avec les autres transporteurs de l'industrie qui partagent votre avis, nous pourrons à ce moment-là faire quelque chose. S'il est strictement question de concurrence entre votre compagnie et la leur, et qu'ils vous font payer plus parce que vous ne faisiez pas partie de l'équipe au départ, tout comme ces autres transporteurs, et qu'ils ont réussi à obtenir une meilleure entente parce qu'ils étaient là, ou qu'ils acheminent plus de marchandises que vous, peu importe la raison...

Mme Adrienne Rosen: Je peux vous fournir des preuves sans difficulté. Je peux vous apporter des contrats. Ce n'est pas un problème.

Le président: Ce ne sont pas eux qui sont en cause, mais les autres.

Mme Adrienne Rosen: Oui, je comprends.

Le président: Je pense qu'il faut analyser la situation dans son ensemble, et pas se pencher uniquement sur le cas d'une entreprise qui se plaint que ses tarifs ont augmenté. Comme je l'ai indiqué, vous pouvez vous adresser à l'OTC. Vous n'avez pas besoin d'un règlement un règlement pour cela. Vous voulez plutôt qu'on examine la question de la capacité de fret.

Mme Adrienne Rosen: C'est exact.

Le président: Je n'aime pas tellement l'idée de réglementer une compagnie aérienne, qu'il s'agisse de WestJet, d'Air Canada ou de n'importe quel autre concurrent qui, nous l'espérons, fera son entrée dans le marché. Je n'aime pas l'idée de dire à des compagnies que nous allons les réglementer, surveiller la taille des avions qui assurent la liaison entre Toronto et la Colombie- Britannique, exiger qu'elles utilisent des avions un peu plus gros pour que Mme Rosen puisse acheminer des marchandises.

Mme Adrienne Rosen: Ce n'est pas ce que je dis, monsieur le président. Je vous fais part d'un problème qui me préoccupe, soit le transport de marchandises d'un océan à l'autre sur la deuxième superficie en importance au monde. Je suis très attachée à ce pays...

Le président: C'est évident.

Mme Adrienne Rosen: ...et ce qui m'inquiète, c'est que nous ne serons pas en mesure d'assurer le transport de produits que nous utilisons tous les jours en tant que consommateurs, en tant que Canadiens vivant dans ce grand pays.

Le président: C'est à cela qu'il faut s'attaquer, madame Rosen. Nous avons déjà établi que le transport des pêches et des babioles sera assuré. Toutefois, il ne le sera pas dans l'heure qui suit, et il n'est sans doute pas nécessaire que ces produits soient transportés dans l'heure qui suit. Il est question ici des marchandises que vous acheminez: des valvules cardiaques, des produits bio...

Mme Adrienne Rosen: Non, vous n'avez pas compris. S'il n'y a pas de capacité de fret, si elle est réduite, si la situation perdure jour après jour, les marchandises seront maintenant acheminées non pas en deux ou trois jours, mais en une semaine. Les pêches vont commencer à se gâter au bout d'une semaine. Il est question ici de la perte de capacité de fret et des conséquences que cela peut avoir. Vous pourriez peut-être vous pencher là- dessus.

Le président: D'accord. Madame Rosen, je vous remercie beaucoup de votre exposé. Je vous demanderais de bien vouloir transmettre au greffier tout autre renseignement que votre groupe pourrait juger utile. Vous voudrez sans doute laisser de côté la question de la tarification, parce qu'elle fait déjà l'objet d'un examen. Toutefois, pour ce qui est de la capacité de fret, nous aimerions avoir votre point de vue sur la question, mais en tant que groupe.

Mme Adrienne Rosen: Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Chers collègues, nous nous réunirons demain matin, à 9 heures. La séance est levée. Merci.