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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 28 octobre 1999

• 0902

[Traduction]

Le président (M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, une étude sur l'avenir de l'industrie aérienne au Canada. Il s'agit de la dixième séance.

Nous souhaitons la bienvenue à nos témoins, le président et chef de la direction des Lignes aériennes Canadien International, M. Kevin Benson, et le vice-président principal, Affaires corporatives et gouvernementales, M. Stephen Markey.

Bonjour, messieurs, et soyez les bienvenus au Comité permanent des transports. Nous sommes impatients d'entendre votre exposé, lequel sera suivi de questions de la part de mes collègues.

Quand vous serez prêts, allez-y, nous vous écoutons.

M. Kevin Benson (président et chef de la direction, les Lignes aériennes Canadien International Ltée): Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs.

Je vous remercie de m'avoir invité à vous dire quelques mots ce matin. Je sais que mon temps de parole est limité et j'essaierai donc d'être précis et succinct.

On a beaucoup parlé ces derniers mois des problèmes auxquels se heurtent les Lignes aériennes Canadien, et notamment les défis qu'il nous faut relever si nous voulons mobiliser les capitaux à long terme essentiels à notre croissance future.

Le président: Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Benson.

Je demanderais aux cameramen d'éteindre leur caméra ou de quitter la pièce.

Allez-y, monsieur.

M. Kevin Benson: J'aimerais dire ce matin que le véritable problème aujourd'hui, ce n'est pas tant celui de Canadien International que celui de la structure de l'industrie dans laquelle nous évoluons. Même si nous savons fort bien que, dans les années 90, le rendement de Canadien a été moins qu'acceptable, il n'en demeure pas moins que celui d'Air Canada n'a guère été plus brillant. La marge d'exploitation de notre concurrent, en fait, a été environ deux fois moins importante que celle des principaux transporteurs américains, au cours des cinq dernières années. Jusqu'à ce que le ministre propose une option en vue d'en arriver à une solution éventuelle au début de l'année, les actions d'Air Canada avaient chuté de près de 14 p. 100 au cours des cinq dernières années par rapport à celles des principaux transporteurs américains, dont les actions ont augmenté d'environ 300 p. 100 au cours de la même période.

• 0905

Il est tout à fait vrai que dans les années 90, Canadien a perdu près de 1,6 milliard de dollars, à la même époque, Air Canada a perdu près de 300 millions de dollars, et cela après des bénéfices extraordinaires ou une plus-value réalisée sur des ventes uniques. Si l'on tenait compte des pertes d'exploitation antérieures à ces bénéfices exceptionnels, ces pertes seraient plutôt de l'ordre de 800 millions de dollars.

Pendant la décennie 90, donc, les deux compagnies aériennes nationales ont perdu près de 2,5 milliards de dollars. C'est donc bien la preuve que le statu quo n'est pas une option acceptable. Des changements s'imposent dans notre industrie, et sont même essentiels.

Pour parler du genre de changements qui s'imposent, à notre avis, il importe de réfléchir un instant aux caractéristiques de l'industrie aérienne. C'est une industrie mondiale et archi-concurrentielle. Elle est capitalistique. À l'heure actuelle, l'avion le moins cher qui soit coûte dans les 50 millions de dollars, et la plupart d'entre eux coûtent plutôt 100 millions de dollars. C'est une industrie travaillistique. Là encore, il suffit de se rappeler que 40 000 personnes travaillent directement dans ce secteur d'activité pour en prendre conscience.

C'est une industrie qui est également très sensible aux marges bénéficiaires. Elle procure de faibles marges et les moindres changements ont donc une incidence énorme. Par exemple, il suffirait de réduire de un cent les coûts unitaires pour que cela augmente de 450 à 500 millions de dollars les bénéfices des deux compagnies aériennes nationales.

À ces problèmes s'ajoutent trois défis qui sont propres au Canada: les caractéristiques géographiques, le duopole et le caractère saisonnier de l'industrie. J'aimerais dire quelques mots à ce sujet.

Le problème du Canada du point de vue géographique saute aux yeux. Cela vient du fait que notre pays couvre un énorme territoire et a une population assez restreinte. Il s'ensuit que les liaisons sont assurées entre de très petits marchés. En fait, on constate que 25 p. 100 de l'ensemble du trafic au Canada se fait entre trois paires de villes: Toronto-Montréal, Toronto-Vancouver et Toronto- Calgary.

Les 10 meilleures liaisons au Canada représentent 39 p. 100 du marché total. À titre comparatif, aux États-Unis, ce pourcentage n'est que de 4 p. 100.

Là encore, pour vous donner une idée des ordres de grandeur, comme nous sommes continuellement en concurrence avec les transporteurs américains, le Canada ne compte que cinq marchés qui sont plus importants que le cinquantième marché américain.

Ce problème d'ordre géographique est encore aggravé par la proximité de la frontière américaine et le fait que 90 p. 100 des Canadiens habitent à moins de 150 milles de cette frontière, soit une trentaine de minutes par la voie des airs.

Il s'ensuit que les déplacements intérieurs au Canada se font presque exclusivement d'est en ouest, de sorte qu'il est très difficile d'atteindre une masse critique économique essentielle à la viabilité d'une plaque tournante. À cela s'ajoute l'existence des énormes aéroports pivots américains juste au sud de la frontière qui sont très bien placés pour détourner le trafic du Canada.

Le deuxième défi est lié au duopole qui existe entre Air Canada et Canadien International depuis de nombreuses années. En fait, si l'on considère les principales liaisons aériennes au Canada, 82 p. 100 d'entre elles sont desservies par les deux grandes compagnies. Là encore, à titre comparatif, aux États-Unis il n'y a que 45 p. 100 des liaisons qui sont desservies par deux ou plusieurs compagnies aériennes.

Si l'on considère les vols exploités dans le cadre de ce duopole, 80 p. 100 d'entre eux décollent à 10 minutes d'intervalle. Pour la clientèle, cela ne se traduit pas nécessairement par un plus grand choix, mais simplement par un plus grand nombre de vols.

Tout le problème lié à ce duopole est encore aggravé par l'évolution récente des alliances internationales. Souvent, cela veut dire que lorsqu'un transporteur canadien ne dessert pas directement une destination internationale, il préfère faire affaire avec une compagnie aérienne étrangère pour envoyer ses clients canadiens plutôt qu'à l'autre compagnie canadienne, même lorsque cette dernière dessert directement le marché en question.

Étant donné tous ces problèmes, pour ce qui est des liaisons internationales au départ du Canada, seulement environ un tiers s'effectue sur les ailes de Canadien ou d'Air Canada. Si l'on pouvait augmenter ce nombre à 50 p. 100 à peine—soit la moitié des vols au départ du Canada—cela représenterait 850 millions à un milliard de dollars de plus de recettes qui resteraient au Canada, produisant des revenus et créant des emplois dans notre pays.

Le troisième problème est un des sujets favoris des Canadiens, soit le climat, et le caractère saisonnier qui en découle. En réalité, nous n'avons guère de destinations d'hiver au Canada. Pour l'essentiel, les déplacements sont regroupés au cours des quatre à cinq mois d'été, qui représentent pour nous les deux tiers de nos activités annuelles.

Il ne faut pas avoir la bosse des maths pour conclure que si les deux tiers des activités se déroulent en quatre ou cinq mois, il reste énormément de sièges libres à bord des avions pendant les sept ou huit mois restants. Ces sièges vides sont à l'origine d'une concurrence féroce, de ventes à rabais de billets, de sorte qu'au cours de cette période les compagnies aériennes ne sont guère rentables.

• 0910

Les années 90 ont été dures pour les Lignes aériennes Canadien. Elles ont été dures pour toute l'industrie aérienne. Nos ressources ont été mises à rude épreuve au cours de cette période et je suis fermement convaincu que notre compagnie, Canadien, est arrivée à un moment critique de son histoire.

On me pose souvent des questions au sujet des liquidités de Canadien et de sa capacité de survivre. Le défi qu'il nous faut relever pour répondre à cette question vient de ce que, lorsque nous calculons nos besoins en espèces pour les 12 prochains mois et évaluons notre capacité de faire face à ces dépenses, une bonne partie des calculs sont fonction de nos recettes futures, et des tendances futures en matière de réservation. C'est pourquoi, dans ce secteur d'activités où la santé financière d'une compagnie aérienne dépend de la confiance qu'ont les clients dans cette santé, il ne faut qu'un pas pour connaître un déficit d'exploitation et une véritable catastrophe financière. C'est pourquoi je crois que nous devons agir maintenant et rapidement pour effectuer les changements qui redonneront confiance aux Canadiens dans notre compagnie et dans toute l'industrie aérienne. Comprenez bien que, à l'heure actuelle, le temps est notre pire ennemi.

À mon avis, Air Canada admet également que des changements en profondeur s'imposent dans l'industrie aérienne. Des discussions détaillées entre nous et les responsables de cette compagnie, au cours du premier trimestre de l'année, nous ont démontré les synergies et les avantages d'une compagnie aérienne fusionnée: avantages pour les actionnaires, pour les employés et pour les passagers. Nos divergences portent surtout sur la façon de procéder pour en arriver là.

Au début de 1999, comme vous le savez, nous avons invité Air Canada à discuter plus ou moins en détail des bases d'une fusion amicale. En dernier ressort, même si nous nous sommes entendus en principe sur presque tous les points, les négociations ont été rompues lorsqu'elle a exigé un énorme paiement comptant. Par la suite, les responsables d'Air Canada ont essayé de résoudre certains problèmes de l'industrie en offrant d'acheter les liaisons internationales de Canadien, mais ils ont refusé alors de discuter des hypothèses sur lesquelles se fondait cette offre. Nous croyons et continuons de croire que c'est la Loi sur la concurrence qui a fait obstacle à l'époque à une discussion libre et ouverte avec notre concurrent. C'est pourquoi nous avons décidé de demander au ministre de trouver une façon de faciliter des échanges ouverts et de trouver des solutions novatrices à certains problèmes très complexes auxquels nous sommes confrontés. En invoquant l'article 47, nous estimons que le ministre a fait preuve de courage et de prévoyance et les propositions soumises par la suite par Onex et Air Canada en sont la preuve.

Je voudrais dire quelques mots, si vous le permettez, au sujet de ces propositions. J'insiste sur le fait que nous n'avons pas encore reçu d'offre officielle de la part d'Air Canada, et nos observations se fondent donc sur les renseignements qui sont du domaine public. D'après ce que nous savons, nous avons énoncé notre position en disant que la proposition d'Onex nous paraît supérieure à celle d'Air Canada et qu'elle obtiendra vraisemblablement l'aval des actionnaires des deux compagnies aériennes. À notre avis, le plan d'Onex va créer des possibilités énormes. Il nous permettra de supprimer le double emploi, d'améliorer les horaires et, du point de vue du client, d'accroître le nombre de vols sans escale. Ce plan nous permettra d'accroître la part de trafic international qui nous revient tout en permettant la croissance des transporteurs qui offrent des vols nolisés ou des vols à tarif réduit, ainsi qu'en favorisant la concurrence qui doit être l'élément essentiel de toute offre qui sera formulée, et point sur lequel, le ministre a bien insisté.

Malheureusement, toute la désinformation entourant le rôle d'American Airlines dans la nouvelle compagnie AirCo ou la nouvelle Air Canada a détourné l'attention des avantages de cette offre. Il y a eu des allégations selon lesquelles l'offre d'Onex ou d'AirCo donnera à American Airlines le contrôle de l'industrie aérienne canadienne. Je tiens à insister—et je crois que vous l'avez déjà entendu dire—sur le fait que cela n'est qu'une tactique alarmiste sans le moindre fondement. Je signale que tous les droits actuels que détient American Airlines à l'égard des Lignes aériennes Canadien prendront fin lors de la création de la nouvelle compagnie Air Canada. En fait, les responsables d'Onex ont stipulé clairement que c'est Onex et non American Airlines qui sera l'actionnaire principal de la nouvelle compagnie AirCo.

J'ajoute que l'intérêt d'American Airlines dans la nouvelle Air Canada, tout comme dans Canadien, se limite strictement à l'accès que cela lui donne vers l'Asie. American Airlines a très peu de désignations de route vers l'Asie. Aux États-Unis, ces autorisations ont été accordées à United et Northwest. Elle en a très peu et elle compte donc fortement sur notre réseau pour compléter le sien. Il va sans dire que ce trafic est très précieux pour nous également. L'an dernier, American Airlines a ajouté pour 60 millions de dollars de trafic à notre réseau sur l'Asie.

• 0915

Je rappelle qu'American Airlines n'a aucun intérêt à posséder ou contrôler la nouvelle Air Canada. En fait, ses responsables ont promis à leurs actionnaires—lesquels les ont tenus en otage à deux ou trois reprises... En fait, vous vous rappelez sans doute qu'en février, un débrayage de la part des pilotes a coûté 90 millions de dollars à American Airlines en quelques jours à peine. Les responsables ont bien précisé à ce groupe et aux autres employés qu'ils ont l'intention de vendre leur intérêt dans la nouvelle Air Canada d'ici deux ans environ.

La proposition d'Air Canada reconnaît également qu'un changement structurel s'impose au sein de l'industrie. Elle soulève toutefois un certain nombre de questions importantes.

Elle soulève des questions d'emploi. Son projet de compagnie distincte comporte un important risque de perte d'emplois, bien supérieur aux 2 500 mentionnés au début.

Elle soulève des questions d'équité étant donné que ce serait les employés de Canadien qui subiraient toutes les mises à pied et non pas le groupe fusionné.

Il y a des questions de litige, étant donné que les créanciers et les actionnaires privilégiés prendraient les nouveaux propriétaires à partie parce que les règlements avec les simples actionnaires s'effectuent au cours du marché tandis qu'on leur demande d'accepter une décote.

Il y a des questions d'intention en ce qui concerne l'intervention des créanciers qui pourraient entraîner rapidement la confiscation des avions et l'interdiction de vols pour la compagnie aérienne.

Il y a des questions d'efficacité. Nous n'arrivons pas à comprendre comment on peut exploiter trois compagnies aériennes de façon aussi efficace que le plan proposé par Onex, qui est d'ailleurs semblable au plan dont nous avions discuté directement avec Air Canada.

Il y a aussi la confusion que cela provoque dans l'esprit des passagers: de quel terminal les vols partent-ils, à quel terminal arrivent-ils, où se fait la correspondance, et surtout, quels transporteurs internationaux sont partenaires de quel transporteur canadien? Nous trouvons que les premières observations prêtent à confusion et nous considérons que le public sera aussi dans la même situation.

Monsieur le président, j'espère avoir montré pourquoi nous estimons que le changement est plus qu'essentiel—il est inévitable—et pourquoi nous croyons sincèrement que le statu quo n'est pas une option. Il s'agit d'une industrie à capital élevé et il faut qu'Air Canada et Canadien puissent avoir accès à ce capital à des taux raisonnables. Pour y arriver, nous avons besoin d'un rendement comparable à celui que touchent les principaux transporteurs américains. Ces transporteurs se trouvent immédiatement au sud de nos frontières et sont de vifs concurrents.

Nous ne pouvons plus nous permettre les coûts et l'érosion internationale de notre part du marché qu'entraîne un duopole. Onex a proposé une solution qui protégerait les emplois et les droits de tous les principaux intéressés et qui permettrait en fait de créer l'un des 10 principaux transporteurs aériens au monde, et dont seraient fiers à mon avis tous les Canadiens. J'aimerais voir le slogan: «Air Canada, une compagnie aérienne canadienne».

Nous appuyons fermement la création d'une seule compagnie aérienne nationale qui offre des services complets et dessert l'ensemble du Canada tout en conservant sa juste part du marché international. Nous pressons le comité d'appuyer les changements législatifs nécessaires pour permettre sa création.

Voilà mes commentaires, monsieur le président. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Benson, pour votre présentation à notre comité ce matin.

Nous allons maintenant passer aux questions de mes collègues. Nous commencerons par Mme Meredith.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Je vous remercie, monsieur Benson et monsieur Markey.

Je vous remercie de vos commentaires, mais d'après la présentation que nous avons eue hier, j'ai eu l'impression que lorsque Don Carty vous téléphone et vous donne un ordre, vous vous empressez de l'exécuter. Est-ce que vous croyez que cela traduit fidèlement votre relation avec American Airlines?

M. Kevin Benson: Il faudrait d'abord qu'il m'appelle régulièrement. Nous sommes une très petite partie de son organisation, et ses appels sont très rares. Ce n'est absolument pas une question d'exécuter des ordres. Il ne s'occupe pas de nos affaires. Il ne prend pas nos décisions quotidiennes pour nous. Il ne décide pas de nos destinations, du type d'avions que nous utilisons ni de la fréquence de nos vols. Cette déclaration est donc tout à fait incorrecte.

Mme Val Meredith: Je vous remercie. Je pensais qu'il était important d'obtenir cette précision avant de passer à d'autres questions.

Vous ne niez pas que l'exploitation de Canadien n'a pas été aussi saine qu'elle aurait dû l'être au cours de cette période. Pouvez-vous nous donner une idée des raisons pour lesquelles Canadien se trouve dans la situation financière où elle est aujourd'hui?

Vous avez parlé de la nécessité d'agir rapidement, de faire vite. Peut-être pourriez-vous nous donner une idée des délais que nous devrions viser.

M. Kevin Benson: Je vais essayer de répondre à ces deux questions.

En ce qui concerne la première question, je remonterai seulement à quatre ans en arrière, car avant cela, il s'agirait de ouï-dire, ce qui ne convient pas vraiment ici.

Un certain nombre de facteurs ont influé sur Canadien. Dans l'ensemble, l'exploitation du transporteur aérien a été saine. Les frais d'exploitation ont été bien contrôlés et la technologie dont nous disposons grâce au système SABRE a été bien utilisée.

• 0920

Cependant, comme je l'ai dit plus tôt, il s'agit d'une industrie à fort coefficient de capital, et Canadien n'a jamais eu ce niveau de capital. En fait, Canadien n'a jamais eu d'actif qui n'est pas entièrement grevé et qui exige un service complet. C'est un énorme désavantage pour une industrie aussi cyclique que la nôtre.

J'utiliserai les principaux transporteurs américains comme exemple, parce que nous sommes peut-être un peu indépendants d'eux. Si vous examinez le rendement enregistré par les principaux transporteurs américains au cours des cinq dernières années, ce rendement est d'environ 15 à 18 p. 100 sur le capital. Si vous examinez la situation au cours des 15 dernières années, il tombe à 6 ou 7 p. 100. C'est donc une industrie extrêmement cyclique qui a besoin de capital pour traverser ces cycles.

En ce qui concerne notre position de trésorerie, nous avons entamé des négociations avec Air Canada en janvier. Nous l'avons fait à cette époque parce que même si nous avions l'impression que nous commencions à faire des progrès, nous estimions que nous ne pourrions pas réaliser des progrès suffisamment vite pour atteindre le seuil de rentabilité avant d'avoir épuisé nos liquidités. Nous sommes maintenant au dixième mois de l'année. Hier, nous avons publié nos résultats du troisième trimestre et révélé, lors de nos discussions avec les analystes, que si American Airlines ne s'était pas montré disposée à rester à nos côtés, nous aurions eu un déficit de caisse dès le premier trimestre de l'année prochaine.

Donc, comme je l'ai dit plus tôt, le temps est notre ennemi. Nous devons vraiment accélérer ce processus et le rendre aussi équitable que possible.

Mme Val Meredith: Serait-il juste de dire que tout ce débat public sur la situation de Canadien influe sur la confiance du public et sur le nombre de gens qui décident de voyager avec votre compagnie aérienne? Ce débat, qui fait les manchettes de tous les journaux nationaux, est-il en train d'avoir un impact à cet égard?

M. Kevin Benson: Non. À l'heure actuelle, il y a un certain nombre de facteurs qui ont atténué cet impact.

Le premier, c'est l'incroyable loyauté dont ont fait preuve nos clients, qui s'attendent à un règlement de ces problèmes, en temps opportun.

Le deuxième facteur, c'est que nos employés font du bon travail tout le temps et font un travail exceptionnel dans des conditions stressantes. Au cours des deux derniers mois, nous avons assuré un niveau de service, de ponctualité et de réponse aux besoins des clients qui en fait a créé des normes au sein de l'industrie qui suscitent même l'admiration des clients.

Donc à ce stade je dirais que non, ce n'est pas vrai.

Cependant, comme je l'ai dit plus tôt, s'il y avait une indication selon laquelle la situation risque de ne pas être réglée de façon rapide et satisfaisante, je pense que cela nous ferait rapidement perdre des clients car ils se préoccupent aussi de leurs points à long terme.

C'est un peu comme un avion de combat canadien qui fonce dans le ciel à la vitesse Mach 2 au moment où le moteur flanche: il n'y a que quelques secondes avant le désastre. Malheureusement c'est la façon dont cela fonctionne dans notre industrie en ce qui concerne les mouvements de trésorerie: à partir du moment où les clients commencent à se tourner vers d'autres transporteurs aériens, ce n'est alors qu'une question de semaines.

Mme Val Meredith: Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Meredith.

Monsieur Comuzzi, vous avez la parole.

M. Joe Comuzzi (Thunder Bay—Superior-Nord, Lib.): Je vous remercie.

Bonjour, monsieur Benson et monsieur Markey.

Lorsque le ministre a comparu devant nous l'autre jour, je lui ai demandé s'il pouvait remettre au comité la demande que vous lui avez présentée d'invoquer l'article 47—le document officiel qui, je suppose, a dû être transmis au ministre—et la réponse, le cas échéant. Nous ne les avons pas reçues. Hier, nous avons fait à nouveau cette demande par l'intermédiaire du système parlementaire. Je me demande si vous pourriez nous faciliter la tâche et nous fournir simplement votre demande officielle au ministre des Transports concernant l'invocation de l'article 47 de la Loi sur les transports au Canada.

M. Kevin Benson: Il s'agissait simplement d'une lettre au ministre. Je ne manquerai pas de consulter notre conseiller juridique dès que je quitterai cette réunion, et si je suis autorisé à publier cette lettre, je le ferai avec plaisir.

M. Joe Comuzzi: Il est évident, monsieur Benson, qu'en demandant que soit invoqué l'article 47, vous deviez présenter des raisons extraordinaires à l'appui de votre demande conformément à l'article de la loi. Cela a donc dû faire partie de votre demande.

M. Kevin Benson: En fait, assez étrangement, nous avons commencé à discuter de l'article 47 avec Air Canada, dans le cadre des discussions que nous avons tenues avec eux, car nous avons tous reconnu la nécessité de faire vite. Lors de nos discussions avec le ministère des Transports, nous avons demandé s'il existait des moyens d'accélérer ce que nous anticipions être un processus très long. Nous avons proposé un certain nombre d'options. L'article 47 en faisait nettement partie. Nous n'avons pas expliqué de façon détaillée pourquoi nous estimions que notre demande répondait aux exigences de l'article 47. Nous estimions que Transports Canada de toute évidence déciderait si c'était le cas ou non, mais nous demeurions convaincus que c'était la meilleure façon d'arriver rapidement à une solution.

• 0925

M. Joe Comuzzi: Mais, monsieur Benson, il devait y avoir des raisons qui accompagnaient la demande d'intervention que vous avez adressée au ministre.

M. Kevin Benson: Je pense que nos raisons étaient très simples, et je pense que le ministre les a comprises assez rapidement et assez facilement. Ces raisons étaient les suivantes: si on n'intervenait pas et si on ne trouvait pas une solution, cela entraînerait la faillite très rapide des Lignes aériennes Canadien. Les répercussions sur les différents groupes d'intervenants seraient catastrophiques. Ce serait le chaos tant sur le marché que pour le client.

J'aimerais prendre un instant, si vous me le permettez, monsieur le président, pour expliquer que lorsqu'un transporteur aérien fait faillite et que les avions sont soudainement retirés du marché, un autre transporteur aérien ne peut pas simplement prendre la relève et commencer à utiliser ces avions. Ces avions ont des configurations différentes; les postes de pilotage sont différents; ils ont différentes licences d'exploitation. Je soulignerais à cet égard l'échec de Eastern Airlines aux États-Unis et ses conséquences pour les prix, les tarifs et la disponibilité des services pour indiquer à quel point la situation pourrait devenir chaotique pour le public canadien.

M. Joe Comuzzi: Vous allez consulter, monsieur Benson, votre conseiller juridique. Pourrez-vous informer le président du comité s'il vous conseille de rendre cette lettre publique?

M. Kevin Benson: Absolument.

M. Joe Comuzzi: Je vous remercie.

Si nous examinons la chronologie des événements—et je ne conteste pas le processus—il me semble que le 26 mars, vous avez rencontré les représentants du ministère des Transports. Comme vous le dites, l'article 47 est l'une des possibilités. Peut-être pourriez-vous nous indiquer s'il y avait d'autres options disponibles. Mais j'y reviendrai dans un instant.

Puis, en ce qui concerne Canadien et Onex, ce n'est qu'en mai 1999 que pour la première fois Onex a pris part à la discussion. Y avait-il des postes vacants à votre conseil d'administration à cette époque, monsieur Benson?

M. Kevin Benson: Non, je ne crois pas que nous ayons eu de postes vacants en mai ou en juin. L'un de nos administrateurs est décédé à peu près à cette époque—je ne me souviens pas de la date exacte—ce qui a laissé un poste vacant.

M. Joe Comuzzi: Ce qui me préoccupe, c'est qu'au moment où vous avez demandé l'intervention du gouvernement—et ce processus a débuté en janvier—je pense que vous avez dit dans votre déclaration préliminaire qu'au début de 1999, le ministre vous avait proposé une solution au problème de Canadien. Je suis sûr que vous faisiez allusion au ministre des Transports.

M. Kevin Benson: Non, je ne pense pas avoir dit exactement ce que vous venez de répéter.

M. Joe Comuzzi: Qu'avez-vous dit au juste?

M. Kevin Benson: Si je peux faire un rappel rapide de la chronologie des événements, nous avons entamé des discussions avec Air Canada en janvier dans l'intention de trouver une solution. Nous avons évidemment informé le ministre des Transports, au moment où ces discussions étaient entamées, de la tenue de ces discussions. Je ne crois pas que nous ayons parlé de l'article 47 ou de toute autre question de ce genre avec Transports Canada à cette époque. Nous avons poursuivi nos discussions avec Air Canada. Lors de nos discussions avec Air Canada, nous avons évoqué, c'est- à-dire Air Canada et Canadien, différents moyens d'accélérer le processus.

M. Joe Comuzzi: Je vous remercie.

Ma dernière question, monsieur le président. Puis, en juin 1999...

Le président: Pourrions-nous entendre d'abord la fin de la réponse, monsieur Comuzzi? Nous étions en train d'avoir la chronologie des événements.

M. Kevin Benson: À la mi-avril, les discussions entre Air Canada et Canadien ont pris fin, et nous avons ensuite essayé de trouver d'autres solutions. Nous avons commencé à discuter avec Onex et une ou deux autres parties pour voir si nous pouvions obtenir qu'elles partagent notre vision, et elles ont évidemment pris le temps de le faire. Je crois que c'est aux alentours de la mi-juin et à la fin juin que nous avons soulevé pour la première fois auprès du ministère des Transports la possibilité d'utiliser l'article 47 en ce qui concerne cette transaction.

M. Joe Comuzzi: Je vous remercie, monsieur Benson.

J'ai une dernière question, monsieur le président. C'est donc à cette époque—évidemment puisqu'il n'y a pas de postes vacants à votre conseil d'administration—que vous avez augmenté le nombre de vos administrateurs. Cela m'étonne que vous nommiez à votre conseil d'administration un ancien adjoint du premier ministre, M. Carle, et que vous ayez nommé un sénateur de la Colombie-Britannique, le sénateur Fitzpatrick, en juin 1999. Est-ce exact?

M. Kevin Benson: Non, ce n'est pas exact, monsieur le président. Nous n'avons pas augmenté la taille de notre conseil d'administration. Tout d'abord, nous avions un nombre normal de départs à la retraite et nous les avons simplement remplacés. M. Fitzpatrick fait partie du conseil d'administration depuis longtemps. Il est là depuis plus longtemps que moi. Il était là lorsque je me suis joint au conseil d'administration et j'imagine qu'il y était depuis un certain nombre d'années déjà.

• 0930

J'ai commencé à envisager d'augmenter le nombre d'administrateurs cette année en prévision des postes qui allaient se libérer. Il est difficile de trouver des administrateurs qui sont prêts à consacrer leur temps et assumer la responsabilité financière d'un poste d'administrateur d'une compagnie qui est clairement dans une situation difficile.

Nous avons eu quelques difficultés à attirer les gens qu'il nous fallait. M. Carle satisfaisait à toutes les exigences. Il comprenait l'industrie. Nous avions de toute évidence déjà travaillé avec lui et nous estimions qu'il s'intéressait à la compagnie aérienne et qu'il était prêt à l'appuyer et à l'aider de son mieux. Il comprenait bien les dossiers concernant la région est du pays, particulièrement au Québec—des dossiers qui avaient beaucoup d'importance pour nous. Et surtout, il était enthousiaste et prêt à consacrer beaucoup de temps pour nous aider à régler certains de nos problèmes. C'était un administrateur idéal, et nous sommes très heureux qu'il se soit joint au conseil.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Comuzzi.

Monsieur Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur Benson, je vous remercie de témoigner devant nous ce matin. Vous êtes en mesure de constater que l'opposition, de ce côté-ci de la table, est très intéressée par votre témoignage. Je trouve dommage qu'à part M. Comuzzi, qui pose des questions très pertinentes, et mon collègue Hubbard du Nouveau-Brunswick, les gens de la majorité libérale ne s'intéressent pas beaucoup à votre témoignage. Mais, de notre côté, nous allons essayer de vous poser des questions pertinentes.

Monsieur Benson, à la page 12 de la version française de votre document, il est écrit, et je cite:

    En vérité, l'AMR a injecté du capital, du savoir-faire et des ressources sans aucun rendement en retour.

Vous l'avez dit tout à l'heure dans votre témoignage. Vous l'avez dit sans rire, mais c'est incroyable. C'est à s'arracher les cheveux de la tête. Est-ce qu'AMR est une organisation philantropique? Est-ce une organisation sans but lucratif? Est-ce une institution charitable? Peut-on penser que cette compagnie investit de l'argent chez Canadien pour le plaisir de la chose? Est-ce qu'AMR a tellement de patriotisme qu'elle veut absolument qu'une compagnie soit maintenue au Canada? C'est cela que vous nous dites? Ils ont investi sans aucun rendement en retour, dites-vous. Monsieur Benson, je pense que vous riez littéralement du comité quand vous affirmez des choses comme celle-là et qu'en plus vous les écrivez.

Monsieur Benson, selon la proposition d'Onex, AMR va investir 750 millions de dollars. Le président d'Onex, lors de rencontres personnelles que j'ai eues avec lui—et il va témoigner devant le comité—, a dit qu'AMR investirait 750 millions de dollars sans demander quoi que ce soit en retour, sans aucun droit de regard. Est-ce possible? Est-ce plausible? Est-ce que des choses comme celle-là se peuvent?

[Traduction]

M. Kevin Benson: Monsieur le président, laissez-moi préciser le rôle d'AMR. Nous n'avons certainement pas l'intention dans nos commentaires de nous moquer de quelque façon que ce soit du comité.

AMR—et c'est l'argument que nous tâcherons de faire valoir en ce qui concerne AMR—a conclu un contrat avec Canadien en 1994. Ce contrat prévoyait qu'AMR fournirait certains services et recevrait une certaine rémunération.

Ce que nous voulions dire dans nos commentaires, c'est qu'AMR a fourni des services bien au-delà de ce à quoi elle était obligée et n'a pas reçu le plein montant auquel elle avait droit. Vous vous souviendrez que pour permettre au plan actuel de progresser, elle a accepté des réductions d'environ 200 millions de dollars des montants qui lui étaient dus.

Donc, ce que nous tâchons de dire, monsieur le président, c'est que American n'a pas agi comme n'importe quel autre créancier. Elle a effectivement travaillé en collaboration avec nous. Elle a subi des pertes financières. Elle nous a prêté des gens. Elle nous a fait profiter de son savoir-faire pour essayer de nous permettre d'aller de l'avant.

Je pense que sa participation à la nouvelle AirCo est apparente. Je pense que les documents déposés peuvent être mis à la disposition du comité. Elle fournit de toute évidence un montant d'argent important. Comme je l'ai dit plus tôt dans ma présentation, ce qui l'intéresse surtout, c'est l'accès à nos routes.

Je voudrais faire une observation, monsieur le président. Comme je vous l'ai dit, l'année dernière, American a fait voyager des passagers sur nos avions vers l'Asie à hauteur de quelque 60 millions de dollars. Au cours de la même période, United a pris environ 110 millions de dollars de voyage d'Air Canada pour la traversée du Pacifique. Si les gens avaient voyagé à bord de Canadien plutôt que de United Airlines, l'écart aurait été de 110 millions de dollars qui seraient restés au Canada. C'est ce que nous avons tenté de faire comprendre, monsieur le président.

• 0935

[Français]

M. Michel Guimond: Monsieur Benson, dans le contrat qui lie Canadien à AMR, existe-t-il une clause de droit de veto sur tout projet d'acquisition ou de fusion qui impliquerait Canadien? Vous comprenez que c'est capital au niveau de l'offre d'Air Canada. À moins que cette disposition soit jugée invalide ou contraire à l'ordre public, il sera impossible pour Air Canada de tenter une fusion ou une acquisition de Canadien. Est-ce que ce droit de veto d'American Airlines existe?

[Traduction]

M. Kevin Benson: Monsieur le président, American Airlines a droit de veto sur certains gestes de Canadien. Ils ne peuvent pas poser certains gestes qui déclencheraient le veto. L'intention était qu'American investirait quelque 246 millions de dollars de capitaux dans Canadien et voulait avoir l'assurance que son argent serait dépensé dans les meilleurs intérêts de tous les actionnaires. Ils n'ont jamais invoqué cette disposition, en tout cas pas pendant que j'étais là, et je crois qu'ils ne l'avaient pas fait avant non plus.

Pour ce qui est des frais d'annulation, oui, il y a en effet des frais d'annulation. C'était un contrat commercial ordinaire d'une durée de 20 ans et des frais sont prévus en cas d'annulation.

Je signale cependant que durant nos négociations avec Air Canada au début de l'année, et je crois que cela se reflète également dans les documents déposés par AirCo, American s'était montré disposée à renoncer à ses actions privilégiées en échange d'un montant symbolique, à renoncer aux frais d'annulation sans rien exiger en échange, demandant seulement que la nouvelle compagnie Air Canada exécute le contrat avec SABRE sur la base de la nation la plus favorisée; autrement dit, à un prix plus attrayant que celui qui était offert à Canadien et à un prix plus attrayant, je crois, que celui qui était offert à Air Canada quand ils ont eu des discussions directes avec SABRE au début de l'année.

Le président: Merci, monsieur Guimond.

La parole est à M. Hubbard.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Monsieur le président, je voudrais faire suite à une question que j'ai posée au ministre quand il est venu témoigner. Vous avez commencé votre exposé en disant que l'industrie ne fonctionne plus. Comme je viens d'une région plutôt périphérique pour ce qui est du transport aérien, nommément le Canada atlantique, nous devons bien sûr nous inquiéter quand on dit que l'industrie est en panne, car nous voulons savoir si elle peut continuer de fonctionner de façon efficiente et rentable et peut continuer d'exister à l'avenir. Je voudrais donc vous interroger au sujet de vos partenaires régionaux. Si les grands transporteurs sont en panne, si l'industrie dans son ensemble ne fonctionne plus, comment les transporteurs régionaux peuvent-ils exister, dans votre optique de ce que devrait être l'industrie?

M. Kevin Benson: Monsieur le président, je pense que les transporteurs régionaux éprouvent exactement les mêmes problèmes que les grands transporteurs. Au niveau régional, on remplace de plus en plus les avions par des appareils plus petits. Par exemple, nous avons dans certains cas retiré le plus petit appareil que nous exploitons, c'est-à-dire le Dash 8 de 34 places, et l'avons remplacé par des appareils Beech de 19 places exploités par des sous-traitants. Je crois qu'Air Canada a fait exactement la même chose.

Ce qui s'est passé, c'est que les localités insistent sur la fréquence et comme les deux transporteurs insistent pour offrir des services parallèles, l'achalandage n'a pas augmenté suffisamment pour remplir ces appareils qui volent en parallèle et par conséquent, la taille des avions continue de diminuer. Nous sommes catégoriquement d'avis qu'en fusionnant les deux principaux transporteurs du pays, il faut absolument fusionner également les transporteurs régionaux.

Je pense que nous assisterons immédiatement à un certain nombre de phénomènes. Premièrement, on commencera à utiliser des avions de plus grande taille. Le client aura bien sûr l'impression qu'il n'y aura pas autant d'arrivées et de départs, mais les avions seront à l'heure et ils seront de plus grande taille. Je pense que ce sera un avantage considérable pour le service régional. Tout marché qui peut être desservi par deux transporteurs séparés aujourd'hui est assurément beaucoup plus attrayant pour un transporteur unique et il y a aujourd'hui un certain nombre de marchés qui n'ont aucun service ou du moins aucun service régulier et qui, j'en suis convaincu, deviendraient rentables si l'on fusionnait les deux compagnies aériennes.

M. Charles Hubbard: Cette nouvelle compagnie que vous envisagez offrirait-elle des garanties quelconques quant au service régional?

M. Kevin Benson: Monsieur le président, je dois signaler que mon propre rôle dans cette nouvelle compagnie est quelque peu incertain, de sorte que je suis...

M. Charles Hubbard: Je vous demande ce que vous entrevoyez.

M. Kevin Benson: Les membres du comité savent peut-être que le poste a été offert au PCD de mon concurrent, et je dois dire que j'ai appuyé cette offre.

Je pense que M. Schwartz a déjà annoncé son intention de maintenir tous les services qui sont actuellement offerts et de chercher constamment de nouveaux créneaux. Je pense qu'ils existent effectivement. J'ai vu les résultats de la modélisation indiquant quelles villes pourraient devenir rentables et je crois que le public canadien verra rapidement les avantages d'un transporteur amalgamé. Cela ouvre des possibilités fabuleuses pour les trois groupes d'intervenants.

M. Charles Hubbard: Monsieur le président, je me suis entretenu hier avec un monsieur qui voyage en direction du Labrador, et nous avons conclu qu'il en coûterait moins cher d'aller en Nouvelle-Zélande et d'en revenir que de faire l'aller- retour au Labrador. Il faut s'interroger là-dessus.

• 0940

Et puis il y a le public qui est plutôt méfiant. On nous a dit hier que l'on pourrait désormais être forcé de payer des frais quand on achète un billet d'un agent de voyage. Apparemment, c'est ce qui va se passer. On a vu également des gens être forcés de payer pour utiliser un aéroport; c'est un concept nouveau dans certains de nos aéroports, ce sont là de nouvelles stratégies, de nouvelles méthodes de comptabilité et d'administration. Au fil des années, j'ai été déçu de l'attitude des deux principaux transporteurs. En fait, si l'on va à Montréal avec Inter-Canadien et que l'on embarque là-bas à bord d'un avion d'Air Canada, il faut payer environ 100 $ de plus sur le prix du billet pour passer d'un transporteur à l'autre.

Je veux donc aujourd'hui me faire le porte-parole des Canadiens qui ont de vives inquiétudes et qui se méfient énormément de ce qui se passe dans l'industrie à l'heure actuelle. Je crois que M. Comuzzi y a également fait allusion.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Hubbard. C'est justement notre raison d'être.

Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Je voudrais une précision au sujet du nouvel administrateur qui a été ajouté à votre conseil au milieu de l'année. Comment s'appelle ce type?

M. Kevin Benson: M. Jean Carle.

Mme Bev Desjarlais: Travaille-t-il encore au Cabinet du premier ministre?

M. Kevin Benson: Non. Il est maintenant vice-président principal à la BDC.

Mme Bev Desjarlais: Ce M. Jean Carle... Je trouve que c'est une curieuse coïncidence. N'est-ce pas le même monsieur qui a fait parler de lui l'année dernière?

M. Kevin Benson: Je crois que c'est bien lui.

Mme Bev Desjarlais: Vous comprendrez qu'il y ait un peu de scepticisme chez les parlementaires et aussi les Canadiens dans toute cette affaire. Quand le comité se penche sur un dossier aussi crucial que le transport aérien au Canada, je trouve que c'est plutôt embêtant que l'on aille s'imaginer que nous n'examinerons pas tout cela d'un oeil méfiant. Il y a tout simplement trop de facteurs convergents pour croire qu'il n'y a pas quelque chose de louche. On vient encore aujourd'hui d'ajouter un autre facteur. Je me demande ce qu'Onex peut faire, ce que vous pouvez faire et ce que le ministre des Transports peut faire, maintenant que les Canadiens ont été mis au courant de tous les aspects louches de cette histoire, et je me demande comment on peut croire que tout se fait de façon transparente et honnête et que les gens s'efforcent vraiment d'offrir le meilleur service de transport aérien au Canada. Mettez-vous à la place des Canadiens et de nous, en tant que parlementaires; comment diable pouvez-vous croire que nous ne serons pas méfiants?

Le président: Je vais laisser passer cette question, mais je tiens à faire un avertissement. Il faut comprendre que le Comité des transports s'est toujours efforcé d'agir dans un esprit dénué de toute partisanerie. Je comprends, Bev, ce qu'est la politique. J'ai été à votre place. Mais en même temps, je ne veux pas que l'on pose ce genre de questions aux témoins, car je crois qu'ils sont ici pour faire de leur mieux et nous donner les meilleurs renseignements possible.

Monsieur Benson, si vous voulez répondre à cette question, vous pouvez le faire, mais vous êtes entièrement libre.

M. Kevin Benson: Je pourrais peut-être faire une observation que le comité pourra considérer comme une réponse ou simplement comme un commentaire, monsieur le président. Monsieur le président, si le statu quo était une option, j'aimerais plus que tout au monde rester aux commandes de Canadien et la ramener à la rentabilité et à la santé financière. Je crois que ce serait l'hommage ultime à rendre à un extraordinaire groupe de gens. Je parle des gens qui sont assis ici derrière moi. Mais ce n'est pas possible. Le statu quo n'est pas une option, à mon avis, et par conséquent, il nous incombe—et je soupçonne qu'en fin de compte il incombera au comité—de suggérer la meilleure option de remplacement. Ce que j'ai essayé de faire ce matin, c'est de suggérer une option.

Vous avez tout à fait le droit d'être méfiants, de vous poser des questions et d'en poser, et je suis sûr que vous le ferez.

Mme Bev Desjarlais: Je crois qu'il est indéniable que nous, parlementaires, avons la plus haute estime pour les employés des deux compagnies aériennes. Nous croyons qu'ils ont offert un excellent service. Mais c'est justement ce qui rend ce scénario encore pire, parce que ce sont eux qui seront en fin de compte le plus sérieusement touchés, eux et le public canadien. On dirait qu'il y a quelqu'un, tout en haut, qui les manipule comme des pions dans le grand jeu, et je pense que c'est très injuste pour les Canadiens et pour les employés.

• 0945

Le président: Vous n'avez pas de question?

Mme Bev Desjarlais: C'est tout pour l'instant.

Le président: Merci, madame Desjarlais.

Monsieur Dromisky.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Benson, on a beaucoup parlé ces derniers jours de pourcentages pour l'octroi de permis. Nous savons que plusieurs lois, notamment la Loi sur les transports au Canada, limitent vraiment la propriété étrangère des compagnies aériennes commerciales canadiennes à un maximum de 25 p. 100 des actions avec droit de vote. Il y a par ailleurs la Loi sur Investissement Canada, qui est aussi pertinente. Elle s'applique lorsqu'un unique investisseur étranger souhaite acquérir plus de 33 1/3 p. 100 d'une entreprise canadienne. De plus, on a beaucoup parlé de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, qui stipule que pas plus de 10 p. 100 des actions avec droit de vote ne peuvent appartenir à la même entité.

Je vais poser plusieurs questions et je pense que vous pourrez répondre à toutes en même temps: ces pourcentages permettent-ils de garantir la propriété canadienne? Autrement, ces pourcentages limitent-ils inutilement l'investissement étranger?

Bon, je crois que je vais m'arrêter là.

M. Kevin Benson: Monsieur le président, je vais essayer de répondre à ces questions portant sur les limites de 10 p. 100 et de 25 p. 100 dans notre industrie.

La règle des 25 p. 100, c'est-à-dire la limite de propriété étrangère d'une compagnie aérienne canadienne, nous a assurément inquiétés jusqu'à ce que nous ayons discuté avec des investisseurs étrangers, ce qui nous a permis de comprendre que ceux-ci ne sont pas vraiment intéressés à investir dans notre compagnie aérienne ou même dans notre secteur, à cause du niveau du rendement. Je pense donc que cette limite de 25 p. 100 est arbitraire. Le ministre a fait savoir que c'est un chiffre auquel il tient et ce n'est certainement pas un problème de notre point de vue, en tout cas je n'y vois aucun problème. Peut-être que quand le rendement sera plus élevé et que l'industrie deviendra plus attrayante pour les étrangers, cela pourra changer. Mais pour l'instant, je ne le crois pas.

Quant aux 10 p. 100, j'ai personnellement une opinion assez catégorique là-dessus. Je pense que toute limite de propriété d'une compagnie aboutit en réalité à rendre la direction de cette compagnie immuable, à empêcher un actionnaire puissant de discipliner éventuellement une équipe de direction. Nous avions nous-mêmes une telle limite de 10 p. 100 et nous l'avons supprimée en 1997. Nous avons demandé au gouvernement de l'Alberta de modifier l'ancienne loi régissant PWA afin d'éliminer ces 10 p. 100. Je suis catégoriquement en faveur de l'élimination de cette règle dans la Loi sur Air Canada, et j'étais d'ailleurs en faveur d'une telle modification longtemps avant cette discussion.

M. Stan Dromisky: Quelles autres mesures pourraient être prises pour garantir la propriété canadienne ainsi que le contrôle réel par des Canadiens, et dans quelle mesure la propriété canadienne et le contrôle réel par des Canadiens sont-ils importants, à vos yeux?

M. Kevin Benson: Je pense que le contrôle est important. Les Canadiens veulent contrôler leur industrie, en particulier le secteur du transport aérien. Celui-ci semble susciter davantage d'intérêt public et de fierté publique que bien d'autres industries. Je pense qu'il est très important d'en garder le contrôle au Canada et que le ministre a l'intention de le faire.

M. Stan Dromisky: Ces pourcentages sont-ils semblables à ceux d'autres modèles? Par exemple, quelle est la situation dans les pays européens?

M. Kevin Benson: Je pense qu'il n'y a pas d'énormes différences. Je pense que la plupart des pays protègent leurs industries nationales du transport aérien. La plupart des pays ont des limites sur la propriété étrangère de leur secteur du transport aérien. Je ne pense pas que le Canada sorte le moindrement de l'ordinaire à cet égard.

M. Stan Dromisky: Êtes-vous au courant des pourcentages ailleurs?

M. Kevin Benson: Ils vont de 10 p. 100, je crois, à 33 p. 100, de sorte que nous sommes au milieu du peloton.

Ce qui est particulier au Canada, c'est que nous avons une faible population, et j'en ai d'ailleurs parlé tout à l'heure, ainsi qu'une situation géographique particulière, et nous devons constamment faire concurrence à cinq ou six gigantesques transporteurs immédiatement au sud de la frontière. C'est tout un défi en termes de capitaux, en termes de coûts et de concurrence, et je pense que tout cela fait ressortir encore davantage le besoin de créer une seule compagnie aérienne solide, nationale, appartenant aux Canadiens.

M. Stan Dromisky: Merci beaucoup, monsieur Benson.

Le président: Merci, monsieur Dromisky.

Monsieur Casey.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Merci.

Je vous souhaite la bienvenue.

Vous avez dit tout à l'heure que vous avez des employés extraordinaires, surtout compte tenu de la pression qui s'exerce sur eux. Vendredi, je rentrais à la maison en passant par Montréal et Moncton, et quand je me suis présenté à la billetterie de Canadien, on m'a accueilli avec un grand sourire. Cette femme était tout à fait professionnelle, elle a fait du très bon travail et je suis reparti en riant. Elle était très drôle; elle avait un très bon sens de l'humour. Ça a été la même chose à bord de l'avion. Le service a été fort professionnel sur le vol de Montréal et la même chose vers Moncton. Cela m'a vraiment frappé: ces gens-là, compte tenu des pressions qu'ils subissent au travail, ont fait et continuent de faire de l'excellent travail.

J'ai même pensé un instant que j'étais peut-être plus préoccupé par tout cela qu'ils ne l'étaient. Je sais que ça ne peut pas être vrai, mais en tout cas, ils n'en ont rien laissé paraître. Ils m'ont fait forte impression et je reprendrai probablement les mêmes vols demain.

• 0950

Ce qui me tracasse dans tout cela, c'est le processus. Je trouve incroyable que l'on nous confie la responsabilité d'essayer de restructurer une industrie de l'aviation vieille de 60 ans, qui compte des milliers d'employés, qui touche des centaines d'aéroports et de localités, et qui met en cause l'avenir de toutes les localités où il y a actuellement un aéroport, et que l'on nous donne 90 jours pour faire tout cela. Je trouve que c'est fou. Comme je l'ai dit tout à l'heure, on ne peut même pas acheter une maison en 90 jours. On nous donne le mandat de trouver la meilleure idée pour réorganiser tout cela, et je pense que le processus est mauvais. J'aimerais bien que l'on puisse prendre le temps de faire les choses comme il faut.

Pour ma part, je crois que ni l'une ni l'autre des propositions qui ont été faites ne règle la question qui me semble primordiale, à savoir le problème de la concurrence. Je pense que le processus nous a fait rater beaucoup d'occasions et d'idées parce que tout se fait trop vite et parce que les règles ont changé. Même si le ministre avait annoncé dès le premier jour de la période de 90 jours qu'il envisageait de changer la règle des 10 p. 100, cela aurait peut-être fait surgir d'autres idées et suscité l'intérêt d'autres investisseurs. C'est un changement fondamental, et annoncer cela alors qu'il ne reste que 16 jours ne laisse pas la possibilité à qui que ce soit de faire quoi que ce soit.

Cela étant dit, je vous signale que si vous constatez un certain émoi parmi nous, c'est parce que nous prenons cette question à coeur. C'est peut-être plus difficile pour vous, mais c'est aussi un défi à relever pour nous.

Venons-en maintenant à mon travail. Vous avez dit tout à l'heure qu'en avril, vous aviez commencé à négocier une éventuelle fusion avec Onex. Avez-vous eu des relations étroites entre avril et juillet? Les négociations étaient-elles fréquentes?

M. Kevin Benson: Tout d'abord, monsieur le président, permettez-moi d'apporter une précision.

En fait, je crois que c'est au début de mai que nous avons rencontré Onex pour la première fois. En plus d'Onex, nous avons rencontré d'autres personnes dont je préfère taire le nom, puisqu'il s'agissait de discussions confidentielles. Ensuite, il a fallu convaincre ces parties—c'est Onex que nous avons le mieux réussi à convaincre—des mérites de notre projet et des possibilités que nous offrions à tous les intervenants. Je ne pense pas qu'Onex ait pris nos propos pour argent comptant. Ses représentants ont fait des recherches minutieuses. Ils ont fait appel à des experts, ils ont construit leurs propres modèles.

Je peux donc dire que pendant cette première période de deux mois et demi à trois mois, il y a eu un échange d'idées et d'informations. Ce n'est qu'à la toute fin du jeu que nous avons eu l'indication qu'Onex était prête à passer à l'action. On sait maintenant officiellement, je crois, que même pendant la semaine où l'article 47 a été invoqué, Onex et American continuaient les discussions et les négociations. Les deux compagnies étaient en désaccord, et elles ont cessé de négocier.

M. Bill Casey: La période considérée est très importante. Vous dites qu'à la fin juin, vous avez parlé à Transports Canada de la suspension de l'article 47. Est-ce que vous en avez fait part à Onex dans vos discussions?

M. Kevin Benson: Oui. Dès les premiers jours, nous avons insisté auprès d'Onex sur le fait que la rapidité était pour nous un élément essentiel et que si elle envisageait une procédure normale d'évaluation de la concurrence qui, à notre avis, pouvait durer de 12 à 35 mois, nous ne pouvions accepter une telle éventualité. Nous ne pouvions nous laisser dépasser par les événements. Nous avons dit qu'il y avait une façon plus rapide de procéder, ce qui les a laissés très perplexes. Ils avaient reçu l'avis de spécialistes expérimentés, qui considéraient cette procédure comme peu vraisemblable.

Néanmoins, nous avons maintenu notre demande auprès de Transports Canada pour obtenir une procédure accélérée, que ce soit par l'article 47 ou autrement, et nous avons constamment informé Onex de nos démarches en ce sens.

M. Bill Casey: À la même époque, vous le savez certainement, le volume des transactions sur les actions d'Air Canada a monté en flèche. Il est passé de 200 000 actions par jour à près d'un million d'actions. M. Schwartz a reconnu qu'il avait commencé à acheter des actions le 23 juin, je crois.

En tout cas, si Onex achetait des actions d'Air Canada et savait que vous discutiez avec Transports Canada d'une éventuelle suspension, alors que les autres actionnaires qui vendaient leurs actions ignoraient cette possibilité, ne pensez-vous pas qu'il en résultait non pas un délit d'initié, mais un avantage concret pour les gens qui achetaient des actions? Ceux qui ont vendu à 6,50 $ ne savaient pas que Transports Canada envisageait la suspension de l'article 47.

• 0955

M. Kevin Benson: Monsieur le président, je ne suis pas avocat spécialisé en valeurs mobilières et je ne peux vous donner qu'un avis profane sur le sujet.

Tout d'abord, l'article 47 figure dans la loi et tout le monde peut le consulter.

Deuxièmement, nous n'avons jamais été certains que l'article 47 serait invoqué. Je me souviens très bien du jour où s'est tenue la conférence de presse. J'étais à Vancouver et j'ai parlé à Steve Markey, qui était ici à Ottawa, qui disait qu'il fallait absolument savoir ce que disait le ministre. Nous n'avions pas accès à la télévision et nous voulions savoir, éventuellement en écoutant la radio, ce que le ministre allait dire.

Nous n'avons jamais affirmé à Onex que les choses allaient se passer ainsi. Bien au contraire. Nous avons toujours considéré que c'était une idée saugrenue, et c'est aussi ce que nous disaient les conseillers d'Onex.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Casey.

Madame Parrish, s'il vous plaît.

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): Merci beaucoup. Vous voudrez bien m'excuser d'avoir manqué le début de la séance. On a peut-être déjà répondu à mes questions.

Tout d'abord, le 13 août, pendant la suspension de l'article 47, avez-vous pensé qu'il était possible de modifier la règle des 10 p. 100?

M. Kevin Benson: Nous n'en avons jamais été certains. Permettez-moi de le dire sans ironie, monsieur le président, nous avons toujours considéré qu'une simple demande ne nous engageait à rien.

Mme Carolyn Parrish: Mais vous avez pensé que c'était une possibilité dès le 13 août.

M. Kevin Benson: Nous avions obtenu la suppression des 10 p. 100. Nous savions qu'il avait été question, dans le camp d'Air Canada, de la suppression des 10 p. 100. Je dois dire que nous le savions parce que nous avions échangé des commentaires à ce sujet un an ou un an et demi plus tôt. Mais nous n'étions pas certains qu'une telle chose pouvait se produire.

Mme Carolyn Parrish: Mon point de vue est sans doute un peu partial. Je vole sur Canadien depuis que j'ai été élue. C'est la compagnie que je préfère, à cause de l'attitude de ses employés.

Pouvez-vous nous faire un bref historique des diminutions de salaires et du gel des salaires? J'en entendais parler à bord des avions de Canadien. Les employés acceptaient des diminutions et des gels de salaire pour éviter les licenciements. Pouvez-vous nous en parler brièvement?

M. Kevin Benson: Monsieur le président, je ne peux remonter qu'à 1995, à l'époque où je suis arrivé à la compagnie.

En 1995... je préfère commencer un peu plus tard. Au milieu de 1996, lorsque nous avons constaté qu'il allait falloir modifier considérablement notre plan d'entreprise, nous avons cherché à stabiliser la compagnie aérienne et nous avons décidé que si la croissance des revenus ne pouvait intervenir avant un certain temps, on pouvait s'attaquer immédiatement à nos coûts. Pour cela, il fallait viser en priorité ceux qui représentaient les coûts les plus importants, et qui avaient aussi le plus à perdre. Il n'est guère utile de rogner 10 ou 15 p. 100 sur un petit compte de dépenses.

Notre plus important poste de dépenses est celui des salaires; nous avons donc commencé par nos employés en leur demandant d'accepter une diminution de salaire. Tous les employés de la compagnie qui gagnent plus de 25 000 $ par an ont accepté une diminution de salaire de 10 p. 100. Nous avons ensuite signalé à Ottawa que nous assumions des dépenses importantes en taxes sur le carburant, en droits d'atterrissage, en droits de contrôle de la navigation aérienne, etc., et que nous voulions un allégement, notamment, du moins, pour la taxe sur les carburants. Nous nous sommes ensuite adressés à American Airlines, l'un de nos principaux fournisseurs de services, et nous lui avons aussi demandé un allégement. Grâce à ces trois opérations, nous avons réalisé des économies annuelles de l'ordre de 160 à 180 millions de dollars par an, la contribution des employés étant de l'ordre de 30 à 35 millions de dollars.

Mme Carolyn Parrish: Est-ce que c'est ce qui explique l'apparition du problème de l'ancienneté? On dit que les clients de Canadien sont consternés, mais les seuls qui se sont adressés à moi dans ma circonscription, à part quelques hommes d'affaires qui considèrent que la proposition d'Onex est intéressante, sont les pilotes d'Air Canada, pris d'une véritable hystérie. Est-ce ce qui explique que vos employés semblent avoir de meilleurs avantages liés à l'ancienneté que ceux d'Air Canada?

M. Kevin Benson: Non. Pour l'essentiel, ce que disent les pilotes d'Air Canada n'a rien à voir avec cela, et n'est pas nécessairement lié non plus à la date de recrutement.

Pour autant que je sache, les contrats des pilotes d'Air Canada prévoient qu'en cas d'acquisition d'une autre compagnie aérienne par Air Canada ou de fusion avec une autre compagnie, les pilotes de cette compagnie seront intégrés avec des conditions d'ancienneté inférieures. Pour un pilote, c'est très important. C'est ce qui détermine le matériel utilisé, les horaires de travail et, évidemment, la rémunération. Tous les autres syndicats, je crois, ont obtenu une disposition selon laquelle les employés venus de l'extérieur sont intégrés selon leur ancienneté.

Encore une fois, je ne suis pas spécialiste des relations de travail. On a prétendu que la disposition dont bénéficient les pilotes d'Air Canada ne résisterait pas devant la Commission des relations de travail, et c'est ce qui rend furieux les pilotes d'Air Canada.

Mme Carolyn Parrish: Je voudrais poser une autre question, sur laquelle j'ai eu des explications de M. Schwartz. Mais comme il ne s'occupe pas encore de transport aérien, je préférerais avoir votre avis. J'ai entendu dire que la convention des pilotes d'American Airlines prévoit que lors d'un vol international qui rapporte un profit de plus de 6,5 p. 100 à la compagnie, l'équipage doit se composer de pilotes d'American Airlines. Est-ce exact?

• 1000

M. Kevin Benson: C'est absolument faux. Je veux dire deux choses: tout d'abord, depuis 1984, nous avons augmenté de 300 p. 100 les sièges-milles offerts sur les vols internationaux. American Airlines n'a augmenté les siens que de 55 p. 100. La seule disposition qui s'applique, c'est qu'American Airlines a accepté de considérer les sièges-milles offerts sur les vols internationaux assurés par des pilotes d'American Airlines en 1995, et si par la suite, le nombre des sièges-milles offerts sur les vols qu'ils assurent tombe à moins de 95 p. 100 de ce chiffre, les pilotes d'American Airlines auraient le droit d'insister pour que le code d'American Airlines soit retiré de nos vols. C'est tout.

Ils ne peuvent pas nous empêcher d'effectuer des vols. Et c'est précisément ce qui s'est produit en 1998. En 1997, la proportion est passée à 94 p. 100, on a calculé l'écart et nous avons perdu le code d'American Airlines sur les nouveaux vols internationaux pendant neuf mois. C'est le seul... il n'y a pas d'autres réserves. La seule autre chose, c'est la promesse d'American Airlines à ses pilotes, selon laquelle elle ne possédera jamais plus de 15 p. 100 de Canadien ou de toute autre compagnie aérienne.

Mme Carolyn Parrish: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Parrish.

Monsieur Bailey, s'il vous plaît.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Merci, monsieur le président, et je prie mes collègues et nos invités de m'excuser pour mes allées et venues, mais nous nous occupons en ce moment d'autres questions de transport.

Cela semble étrange... Il y a 100 ans, le Canada se passionnait pour la construction des chemins de fer et Will Rogers, qui visitait le Canada, a déclaré que les Canadiens construisaient des chemins de fer par plaisir. Il me semble que cette affirmation rejoint un peu la situation des compagnies aériennes, si l'on tient compte des vols qui font double emploi chez nos deux transporteurs actuels.

Je vois dans votre rapport qu'entre vous et Air Canada, il y a actuellement 350 avions qui volent.

M. Kevin Benson: À peu près.

M. Roy Bailey: Avec la réorganisation, on pourrait sans doute réduire le nombre des avions à 300 sans occasionner de diminution de services. Est-ce bien cela?

M. Kevin Benson: Oui, je crois, monsieur le président. On pourrait certainement retirer les avions les plus anciens, les DC-9 d'Air Canada, les DC-10 de Canadien et sans doute un certain nombre de F-28 de Canadien également, et tous les vols pourraient être effectués avec les avions restants, ainsi qu'avec des avions plus récents commandés par les deux compagnies.

M. Roy Bailey: Dans ces conditions, est-ce que je peux supposer, en tant que membre du comité et client de Canadien, que comme les compagnies auront moins de vols à assurer—disons six plutôt que huit—elles n'auront aucune raison d'augmenter les tarifs? Ce serait plutôt le contraire.

M. Kevin Benson: Je crois, monsieur le président, que M. Schwartz a publiquement donné des garanties au ministre à cet égard. Ce qui est essentiel, c'est que le rendement d'un avion ne dépend pas ultimement du tarif. Devant un auditoire comme celui-ci, Gerry Schwartz aime bien poser la question «Qui, dans cette salle, estime que les tarifs aériens sont bas?» Je suis le seul à lever la main. Les Canadiens ne trouvent pas que les tarifs aériens sont bas, et ils ont raison.

Le problème, c'est que sur un avion de 130 places, on ne vend que 10 à 15 p. 100 des places au plein tarif. Ensuite, selon la période de l'année, le reste des places est vendu à rabais, un rabais pouvant parfois atteindre 85 ou 90 p. 100. Quand on se débarrasse de ces sièges, on le fait en se disant que la compagnie qui fait traverser le pays pour moins de 600 $ perd de l'argent. À ce prix-là, des transporteurs à tarifs réduits comme Canada 3000, Air Transat ou Royal gagnent de l'argent. Ce sont des compagnies aériennes différentes.

Il faudrait que nous cessions de concurrencer les compagnies de ce groupe en pratiquant leurs tarifs. La nouvelle compagnie aérienne ne va pas augmenter ses tarifs supérieurs, mais elle devra vendre moins de sièges à 600 $ et un peu plus de sièges à 1 000 $, ce qui pourrait même lui permettre de baisser ses prix. Je ne veux pas l'affirmer parce que vous vous moqueriez de moi, alors que c'est une question très sérieuse, mais cette possibilité est bien réelle. Dans un réseau aérien destiné aux hommes d'affaires, on va maintenir un vol de huit ou dix passagers de crainte de les voir passer à une autre compagnie aérienne, et le vol impose une lourde perte qu'il va falloir récupérer ailleurs. Et on la récupère auprès de celui qui présente le moins de risque, à savoir l'homme d'affaires, qui est obligé de voyager. S'il était possible de remplir le même avion avec des voyageurs qui paient un tarif raisonnable, il serait moins essentiel de récupérer cette perte.

M. Roy Bailey: Monsieur Benson, vous avez certainement entendu parler des préoccupations concernant les régions.

• 1005

Les trois premiers coups de téléphone que j'ai reçus sur cette question pendant l'été émanaient de personnes qui ne voulaient pas qu'on touche à WestJet. Cela étant dit, vous comprenez pourquoi les gens de ma région, c'est-à-dire du sud de la Saskatchewan, apprécient tant WestJet, à cause de ses conditions financières, de ses itinéraires, etc.

J'espère que vous allez tenir compte de cet avertissement, parce qu'il s'agit là d'un transporteur qui assure un service rapide, de bonne qualité et à prix modique, et il ne faudrait pas que les transporteurs régionaux soient éliminés à l'occasion de cette fusion. Puis-je avoir votre avis là-dessus, s'il vous plaît?

M. Kevin Benson: Les transporteurs régionaux et les transporteurs à tarifs réduits, dont certains ont des raisons qui dépassent l'échelle régionale, se sont montrés tout à fait favorables à cette transaction, ne serait-ce que par leur silence. En tout cas, ils ne s'y sont pas opposés.

En effet, ils reconnaissent comme nous qu'ils vont bénéficier de retombées de 500 à 800 millions de dollars par an. Autrement dit, nous allons cesser de leur soutirer des clients. WestJet a connu une forte croissance, même si Canadien et Air Canada lui font concurrence dans l'Ouest.

La nouvelle compagnie aérienne va s'efforcer de conserver nos vrais clients, non pas ceux qui sont prêts à consacrer une journée à un trajet entre deux villes. Notre vrai client est celui qui doit se rendre à destination pour 8 heures du matin, quelle que soit l'heure du départ, qui veut avoir un vol à sa disposition et qui est prêt, pour cela, à payer un supplément. Voilà notre client, et c'est sur lui que la nouvelle compagnie aérienne va concentrer son attention.

M. Roy Bailey: Une dernière question, rapidement.

Le président: Je vous remercie, monsieur Bailey; excusez-moi.

Monsieur Comuzzi, s'il vous plaît.

M. Joe Comuzzi: Merci, monsieur le président. Dans mes premières questions, monsieur Benson, je ne vous ai pas donné l'occasion d'expliquer ce qui, selon vous, est inexact dans votre déclaration, comme vous l'avez dit.

Par ailleurs, la compagnie Canadien avait-elle d'autres recours que l'invocation de la suspension de l'article 47? Je crois qu'elle en avait d'autres, mais j'aimerais avoir votre point de vue.

Je voudrais revenir sur ce qu'ont dit Bev Desjarlais et M. Casey. Malgré les accords d'exclusivité, et je les ai lus, je pense que vous avez une possibilité de vous entendre. J'ai parlé hier soir au représentant d'Air Canada. Nous sommes véritablement au pied du mur. Je ne peux pas croire que nous sommes en train d'évoquer cette question aujourd'hui, alors que nous avons dans ce pays deux belles compagnies aériennes qui, pour une raison ou une autre, ont passé les bornes et ne parviennent pas à régler leurs différends ni à aborder le problème de façon que nous puissions nous-mêmes y trouver une solution. Au lieu d'exiger l'intervention d'une tierce partie, au lieu d'exiger l'intervention de ce comité ou du gouvernement, vous devriez vous asseoir ensemble et discuter entre vous.

J'ai parlé à chacune des deux compagnies. De part et d'autre, vous paraissez raisonnables. Comme ces personnes l'ont dit, je ne peux par croire que Canadien et Air Canada soient incapables de s'asseoir ensemble, de régler leurs différends et de fonctionner selon les règles de la concurrence. Un concurrent n'est pas nécessairement un ennemi. Vous ne pouvez pas fonctionner en concurrence. J'aimerais donc que mon temps soit consacré à ces trois sujets: une précision sur votre déclaration, les autres voies de recours et les raisons pour lesquelles vous ne pouvez vous entendre.

M. Kevin Benson: Monsieur le président, lorsque nous avons cherché des solutions pour accélérer la procédure, nous avons vu les possibilités de l'article 47 et nous avons trouvé que c'était une bonne façon de régler le problème dans les délais impartis. Lorsque nous avons plaidé notre cause auprès de Transports Canada, nous l'avons fait régulièrement, car nous n'avons pas toujours été accueillis à bras ouverts, et Transports Canada nous a fait comprendre très clairement que toutes les options seraient envisagées, à savoir la fusion avec Canadien, le statu quo, la solution proposée par l'industrie des transports aériens; le ministère prendrait ensuite la décision qui s'impose.

Je ne sais pas exactement quelles options ont considérées les fonctionnaires, mais ils ont dit qu'ils allaient les étudier en profondeur. Et l'article 47 a fait partie des options envisagées. C'était notre solution préférée, comme je l'ai dit, pour sa rapidité.

En ce qui concerne la possibilité de discuter avec Air Canada, je me considère, monsieur le président, comme une personne tout à fait raisonnable, et c'est sans doute M. Milton qui pose un problème.

Je suis tout à fait d'accord avec votre déclaration; malheureusement, l'histoire s'est déroulée différemment.

M. Joe Comuzzi: Eh bien, nous sommes ici pour changer l'histoire.

M. Kevin Benson: Ou pour la faire.

M. Joe Comuzzi: Nous préférerions ne pas la faire. Je vous le dis bien franchement, monsieur Benson. Nous préférerions ne pas la faire.

• 1010

Je veux revenir sur cette question. Vous n'avez pas parlé de la déclaration du ministre. Vous avez dit qu'il était intervenu au début de la procédure. Peut-être pourriez-vous nous donner quelques précisions.

M. Kevin Benson: Nous l'avons informé. Si vous me permettez de revenir en arrière et de répondre conjointement aux deux questions, j'étais bien de votre avis, et c'est pour cela que nous nous sommes mis en rapport avec Air Canada. Nous avons amorcé la discussion au tout début de février et nous avons discuté activement jusqu'au 14 avril, où nous avons appris que le prix de la fusion obligerait quelqu'un, à savoir American, à signer un chèque d'environ 1,7 milliards de dollars. American Airlines n'était pas prêt à payer un tel montant, ce qui a mis un terme à la discussion.

Le ministre savait que les discussions étaient en cours. Son ministère devait être tenu informé de leur déroulement, et nous lui avons signalé qu'elles étaient terminées.

Nous avons passé l'essentiel du mois de mai à essayer de partager une vision commune et de vendre un rêve. Nous pensions que si Air Canada, comme cela semblait être le cas, acceptait chaque aspect de la fusion, à part son effet sur le bilan de la compagnie, et si l'on réussissait à trouver quelqu'un pour assumer ce bilan, les préoccupations d'Air Canada seraient apaisées et la compagnie pourrait même accepter cette solution.

Nous ne sommes pas retournés voir le ministre, sinon pour dire aux fonctionnaires que nous poursuivions nos recherches, et à la fin juin, nous avons vu qu'Onex était plus qu'intéressée. Elle consultait à grand frais des experts-conseils, ce qui est toujours bon signe, pour se renseigner sur les possibilités d'une entente. Nous avons trouvé qu'Onex était très intéressée et nous avions hâte de savoir si nous pourrions bénéficier d'une procédure accélérée.

Si vous me permettez de le dire pour terminer, je pense qu'un an de délibérations entre Onex et le Bureau de la concurrence ou quelqu'autre service ne nous serait d'aucune utilité, et nous le savions.

Le président: Merci, monsieur Comuzzi.

Monsieur Guimond, s'il vous plaît.

[Français]

M. Michel Guimond: Monsieur Benson, au cas où vous ne le sauriez pas, je suis avocat et j'ai appris en droit que lorsqu'on interroge des témoins, on doit toujours leur poser des questions dont on connaît la réponse. M. Comuzzi est un avocat réputé de Thunder Bay et on voit qu'il pratique souvent cette technique. Je connais la réponse à la question que je vais vous poser. Quel est le pourcentage de francophones chez Canadien, globalement ou catégorie d'emploi par catégorie?

[Traduction]

M. Kevin Benson: Je n'ai aucune idée du pourcentage des francophones, des anglophones ou des allophones. Ce que je sais, c'est que j'ai 16 000 employés et que je peux compter sur chacun d'entre eux.

[Français]

M. Michel Guimond: Canadien n'a pas la réputation d'embaucher également les francophones, particulièrement chez les pilotes.

Deuxièmement, j'ai questionné le ministre des Transports à la Chambre au sujet de l'allocation des routes internationales. Entre autres, je lui ai demandé si on ne pourrait pas octroyer un vol sur Hong Kong à un deuxième transporteur. Le volume de trafic justifie amplement la désignation d'un deuxième transporteur. Le ministre m'a répondu à la Chambre que cela pouvait paraître inéquitable, mais qu'il fallait bien donner une chance à Canadien, qui est dans des difficultés financières.

Donc, Air Canada, dans une certaine mesure, est pénalisée pour sa bonne gestion financière.

Monsieur Benson, trouvez-vous que l'actuel système d'allocation des routes internationales au Canada est juste et équitable?

[Traduction]

M. Kevin Benson: Pour répondre à cette question, je pourrais remonter à l'année dernière, lorsque Air Canada a obtenu l'itinéraire de Taïwan pour des chiffres que nous avons jugé très marginaux, et Canadien n'a rien reçu en contrepartie. Nous n'avons eu aucun traitement de faveur.

Mais votre question soulève un problème plus important: est-ce que le Canada et les Canadiens profitent du système actuel par opposition à la situation dans laquelle un transporteur unique assurerait tous les vols? Je ne le pense pas. Au départ, le pays a été divisé, le monde l'a été également, et certains itinéraires ont été attribués à Air Canada, tandis que d'autres étaient attribués aux prédécesseurs de Canadien. Évidemment, à mesure que les marchés ont augmenté, chacun a essayé de s'approprier les marchés de l'autre. Canadien a été réduit à l'impuissance. Certains marchés qui nous intéressent, comme ceux de Heathrow, de la Guardia et de O'Hare ont des créneaux limités et nous ne pouvons y accéder. C'est pourquoi nous avons une demi-douzaine de vols quotidiens entre l'est du Canada et la Guardia, en fait quatre ou cinq, alors qu'Air Canada en a 34 ou 35, grâce aux créneaux qu'elle a obtenus.

Le système n'est donc pas toujours équitable, et je crois que tous les Canadiens profiteraient de la refonte du système d'attribution des itinéraires et de la création d'une compagnie aérienne unique. Regardez simplement la liste des destinations desservies par Canadien et celles d'Air Canada. Toutes ces destinations seraient accessibles à tous les Canadiens.

• 1015

[Français]

M. Michel Guimond: Voici ma dernière question, monsieur le président.

Monsieur Benson, je dois vous dire que je vais manquer la fin de votre témoignage parce que je dois aller faire un discours en Chambre étant donné que c'est aujourd'hui la journée d'opposition du Bloc québécois et que j'ai déposé une motion dont on discutera toute la journée. Je vous signale que je vais manquer la fin de votre témoignage parce que je ne veux pas me faire servir l'argument que j'ai servi tout à l'heure à mes collègues libéraux.

À la page 15 de la version française de votre document, il est stipulé:

    La troisième possibilité, que j'estime la plus sensée, est de regrouper nos ressources et celles d'Air Canada et de créer une seule grande compagnie aérienne nationale.

Comment s'appellera cette compagnie, où sera situé son siège social et quel système de réservations cette nouvelle compagnie utilisera-t-elle?

[Traduction]

M. Kevin Benson: Comme je l'ai dit, mon rôle dans la nouvelle compagnie aérienne est incertain, et je ne suis pas même sûr d'en avoir un. Mais d'après ce qu'ont dit M. Schwartz, Onex et AirCo, la nouvelle compagnie s'appellera Air Canada et son siège social sera à Montréal.

En ce qui concerne le système de réservations, tout dépendra du choix de la nouvelle équipe de gestion. Je signale qu'à l'heure actuelle, le système SABRE est utilisé par 50 compagnies aériennes et qu'Air Canada a déjà entrepris des négociations en cours d'année pour s'affilier à ce système. SABRE va bientôt proposer des formules d'amélioration de revenu, et je pense que toutes les compagnies aériennes du monde voudront en profiter.

[Français]

M. Michel Guimond: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Guimond.

Monsieur Calder, s'il vous plaît.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Vous m'excuserez, on m'a demandé dans un autre comité.

Hier, j'ai demandé à M. Milton ce qu'allait être cette nouvelle compagnie aérienne. J'ai abordé la question de ce qu'on désigne couramment «l'énorme endettement de Canadien», alors que dans votre cas ce montant est de 930 millions de dollars et pour Air Canada, à l'heure actuelle, il est d'environ 3,2 milliards de dollars. Donc, en ce qui concerne le nouveau transporteur aérien résultant de la fusion, dès le départ, Air Canada apporte à la table environ 70 p. 100 de la dette du nouveau transporteur aérien éventuel.

M. Milton m'a répondu hier que vous êtes un petit transporteur aérien et que vous avez des problèmes financiers, et que le montant de 930 millions de dollars n'a pas vraiment d'intérêt pratique. J'aimerais avoir d'abord vos commentaires à ce sujet.

Si nous nous acheminons vers une fusion, dès le départ, elle entraînerait des répercussions très importantes sur deux plans—le service futur aux collectivités et ensuite, évidemment, le traitement des employés, parce que la question que j'ai posée hier à M. Milton, portait sur le fait qu'il y a 16 000 personnes qui travaillent pour Canadien, dont 4 000 travaillent dans la région de Toronto. En vertu de cette proposition, il semble qu'on mettra à pied environ 2 500 personnes, et je voulais savoir comment cela allait se faire.

Je crois comprendre que dans le cadre de la proposition initiale d'Onex—et il pourrait y avoir une autre contre- proposition qui sera présentée aujourd'hui en prévision de la réunion du 8 novembre—il s'agissait de 5 000 personnes. Cela me préoccupe parce que c'est une décision que le comité doit prendre, c'est-à-dire s'assurer que ces employés sont traités de façon équitable.

J'aimerais que vous commentiez ces deux aspects, et j'aurai d'autres questions à vous poser.

M. Kevin Benson: En ce qui concerne la dette, c'est une question sur laquelle M. Milton et moi-même nous entendons, du moins sur la forme. Je crois que ce n'est pas le niveau d'endettement qui est important dans l'une ou l'autre compagnie mais la capacité d'assurer le service de cette dette. Donc, les montants totaux ne donnent peut-être pas une idée de l'ensemble de la situation; il faut examiner la capacité d'assurer le service de la dette, et je crois qu'Air Canada est clairement mieux en mesure que nous d'assurer le service de sa dette aujourd'hui.

En ce qui concerne les employés, c'est une question qui me tient à coeur et à M. Schwartz aussi, je crois. Si vous me le permettez, je dirais simplement que nous faisons face à l'heure actuelle à un certain nombre d'enjeux. Si je peux présumer que le comité acceptera ce que j'ai recommandé plus tôt, et que le gouvernement fera de même—et je suis conscient que c'est beaucoup présumer—et que nous en arrivions à la fusion des compagnies aériennes, l'un de nos principaux défis consistera à intégrer ces 40 000 employés en une seule équipe au sein de l'industrie des services. Ce sera un défi de taille pour tout cadre de direction. Je crois que cela est uniquement possible si chaque employé du transporteur fusionné sent qu'il est traité équitablement, sent qu'il ne sera pas mis à pied ni rétrogradé de façon arbitraire, et sent que la décision prise tient compte de ses préoccupations et de sa contribution à la compagnie aérienne pour laquelle il travaillait auparavant.

• 1020

Je pense que M. Schwartz l'a clairement indiqué. Premièrement, comme il nous l'a clairement indiqué lors de nos discussions, tout emploi qui serait perdu au début et serait remplacé dans les deux ans ne devrait absolument pas être perdu. Vous gardez simplement les employés.

Deuxièmement, je crois qu'il est disposé—et il faudrait que vous le lui demandiez—à s'engager à ce qu'il n'y ait pas de mises à pied involontaires pendant au moins deux ans. Je crois sincèrement que dans le cas des 5 000 emplois, les mises à pied se feront surtout au moyen de l'attrition, et que nous avons tous les deux indiqué notre appui à cet égard. C'est la principale raison pour laquelle Canadien tient autant à appuyer la proposition d'Onex.

M. Murray Calder: La contre-proposition d'Air Canada prévoyait entre autres le lancement d'un transporteur régional à tarif réduit en Ontario, qui fonctionnerait à partir de l'aéroport de Mount Hope. Or, ce qui risque probablement de se passer lors de la fusion de ces deux transporteurs aériens, c'est qu'il y aura évidemment des avions excédentaires. À mon avis, ces avions excédentaires pourraient logiquement être utilisés par ce transporteur régional.

Mais disons, par exemple, que vous ayez des DC-9, des DC-10 et des B-737 excédentaires mais que vous ne les vendez pas au Canada; vous les vendez plutôt à l'étranger. Ici, nous avons des lois assez strictes en matière de sécurité, entre autres. Il est facile pour l'avion de sortir du pays mais il sera extrêmement difficile qu'il y revienne parce qu'il devra subir tous ces contrôles et satisfaire à toutes les exigences en matière de sécurité qui existent ici. À mon avis, cela risque de nuire au lancement et à la concurrence d'un transporteur régional à tarif réduit. Qu'en pensez-vous?

M. Kevin Benson: Monsieur le président, c'est une question générale. Je dirais toutefois que l'une des difficultés qui se posent lorsque vous achetez un avion usager de qui que ce soit c'est qu'il est probable que les caractéristiques de son poste de pilotage et de son bloc-office diffèrent de votre propre flotte.

Par exemple, lorsque nous achetons des avions usagés Boeing 767 et que nous les reconfigurons—nous en avons achetés deux l'année dernière—il faut compter entre 3 millions et 5 millions de dollars américains pour reconfigurer entièrement ces avions afin qu'ils aient la même configuration que le reste de la flotte, ce qui doit être fait à moins de vouloir utiliser un avion non conforme.

Donc, tout d'abord, en transférant l'avion du Canada à une partie à l'extérieur, il faut satisfaire à toutes les conditions de retour. C'est donc immédiatement un processus coûteux. Deuxièmement, il faut alors que l'acheteur reconfigure cet avion en fonction des propres caractéristiques de son poste de pilotage et probablement de son bloc-office. Il ne sert à rien d'avoir un avion qui arrive quelque part lorsqu'il ne peut pas accepter d'aliments parce que les blocs-offices ne sont pas compatibles. En ce concerne le poste de pilotage, cela est aussi nécessaire pour des raisons de sécurité.

Par conséquent, la vente d'une flotte de configuration normalisée, disons, de B-737 ou de DC-9 à un nouveau transporteur serait intéressante sur le plan financier en ce sens que le nouveau transporteur pourrait adopter la configuration du poste de pilotage de cette flotte en particulier en tant que configuration de sa flotte. Il ne serait pas obligé d'apporter tous ces changements coûteux. Il n'aurait pas non plus à exporter ou importer de nouveau l'avion. Donc il est probable que cela présente un solide avantage financier. Il ne faut pas oublier qu'un B-737 ne vaut que 5 à 6 millions de dollars américains et je soupçonne qu'un DC-9 vaut moins que cela.

M. Murray Calder: J'ai une dernière brève question.

Le président: Non, je suis désolé, monsieur Calder. Vous avez épuisé votre temps.

Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais: Que prévoyez-vous faire si à la suite, par exemple, de la réunion des actionnaires, on décide de conserver la règle du 10 p. 100 et que les actionnaires ne se montrent pas disposés à prendre un engagement envers l'une ou l'autre proposition?

M. Kevin Benson: Je ne suis pas en mesure de vous répondre. Je suppose que je ne me suis jamais lancé dans une entreprise en partant du principe que nous ne réussirions pas. Il est possible que nous ne réussissions pas, et dans ce cas nous devrons examiner d'autres options, le cas échéant. J'ai l'impression, aujourd'hui, que ces options seraient rares.

Mme Bev Desjarlais: Vous voulez me faire croire que votre entreprise, votre compagnie aérienne n'a pas prévu d'autres stratégies au cas où les choses ne se déroulent pas comme vous le voudriez?

M. Kevin Benson: Non. Nous avons épuisé toutes les sources possibles de financement, et d'investissements à long terme. Nous n'y sommes pas parvenus. Comme vous le savez, nous avons l'appui d'American Airlines pour ce qui est de notre encaisse au cours des 12 prochains mois. Je crois comprendre que nous bénéficions de cet appui uniquement à cause de l'existence d'un plan possible. Si ce plan disparaît, il est fort probable que cet appui disparaîtra aussi.

Mme Bev Desjarlais: Donc, si cela ne marche pas, vous n'aurez aucun financement pour poursuivre vos activités; vous disparaissez automatiquement.

M. Kevin Benson: Non, rien n'est automatique, mais il est peu probable que la compagnie aérienne survive.

Mme Bev Desjarlais: Ça s'arrête là? Vous n'avez pas de délai prévu?

• 1025

M. Kevin Benson: Comme je crois que nous l'avons indiqué, nous avions besoin de l'appui d'American pour gérer notre trésorerie jusqu'à la fin du premier trimestre. Cependant, comme je vous l'ai également indiqué un peu plus tôt, pour déterminer notre capacité à respecter nos obligations futures, nous nous basons sur des tendances normales en matière de réservations. Si ces tendances en matière de réservations ne se concrétisent pas, les 80 ou 90 millions de dollars inscrits à notre bilan durent environ 10 à 12 jours au plus—et je pense que c'est le cas pour la plupart des transporteurs aériens dans le monde. Les dépenses annuelles d'Air Canada, j'imagine, s'élèveraient aux alentours de 5 milliards de dollars et son bilan aujourd'hui n'est sûrement pas de 5 milliards de dollars. Donc sa capacité à respecter ses obligations futures se base aussi sur une certaine tendance des réservations.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Dromisky.

M. Stan Dromisky: Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Benson, par souci de justice, je dois vous poser les mêmes questions que j'ai posées à votre concurrent hier afin de déterminer comment vous comptez vous occuper de cet énorme problème.

Il s'agit du problème de l'endettement, dont on a déjà parlé ce matin. Nous savons que votre compagnie est lourdement endettée, mais nous savons aussi que ce processus—qui entre dans son 77e jour aujourd'hui n'est-ce-pas?—a coûté très cher à votre compagnie. Il continuera probablement à vous coûter assez cher pendant un certain temps, jusqu'à ce que toute cette question soit réglée, mais il a aussi coûté cher à l'autre compagnie. De plus, vous devez aussi tenir compte d'une pénalité de dix ans, prévue par Air Canada dans le contrat qu'elle a conclu avec ses partenaires de l'alliance. Par ailleurs, si possible—j'ignore si vous allez opter pour cette mesure—si on rachète les contrats des employés, il faudra prévoir des fonds en conséquence.

Je pourrais continuer à parler de l'accumulation des dettes auxquelles vous devrez faire face si vous devenez la compagnie qui desservira les Canadiens. J'aimerais vraiment savoir, de même que le public qui nous écoute, comment vous comptez gérer cette dette. Quel est l'impact pour le consommateur? Tous ceux qui nous écoutent ont une grande préoccupation. Ils ne s'intéressent pas à la haute finance des deux entreprises ni aux aspects politiques de la question. Ce qui les intéresse en premier lieu c'est le montant d'argent qu'ils devront débourser pour acheter un billet d'avion auprès de cette nouvelle compagnie.

L'histoire dans ce pays et dans d'autres régions du monde nous a appris que lorsque des mégasociétés se fusionnent et dorment dans le même lit, cela comporte d'énormes coûts qui sont absorbés par ceux qui reçoivent le service et les produits de ce conglomérat.

Donc, monsieur Benson, comment comptez-vous gérer cette dette?

M. Kevin Benson: Monsieur le président, je trouve que c'est une excellente question et je suis très heureux qu'on me l'ait posée. C'est une excellente question parce qu'elle souligne exactement ce que nous sommes en train de faire valoir.

Votre dernière déclaration, à mon avis, est pertinente, à savoir que le consommateur doit absorber le coût. Nous avons un système extrêmement inefficace. Il suffit de demander à un agent de voyage de parcourir la liste des vols d'hier et d'examiner le facteur de charge moyen à bord des vols de la région la plus achalandée de l'ensemble du Canada, ce triangle de l'Est, c'est-à- dire Ottawa-Toronto-Montréal. Je suis prêt à parier que vous constaterez que les facteurs de charge dans l'ensemble n'ont pas dépassé 60 p. 100 pour l'une ou l'autre compagnie aérienne hier. Autrement dit, 40 p. 100 de chaque avion—lors de chaque vol, les avions de 200 sièges comptaient 80 sièges vides et les avions de 100 sièges comptaient 40 sièges vides, et ce après deux annonces récentes de solde de sièges par Air Canada, deux tentatives pour remplir des sièges qui resteraient vides, ce qu'Air Canada savait et ce que nous savions.

Il s'agit d'une inefficacité flagrante pour laquelle le consommateur et le public canadiens paient. Ce que je suis en train de vous dire, c'est que si vous devez être à Ottawa ou à Montréal à 8 heures demain matin, je vous y amènerai, mais vous devrez me payer 800 $. Ce que je devrais vous dire, c'est qu'effectivement, il y a un vol à 8 heures du matin, seulement un, et je n'ai pas besoin de 800 $. J'ai simplement besoin de remplir 80 p. 100 des sièges et je peux vous demander 700 $ ou 600 $.

C'est là l'occasion qu'il faut saisir, l'occasion d'éliminer les sièges vides. Si nous nous contentons d'économiser du carburant, d'éviter l'usure de l'avion, d'économiser sur les frais d'atterrissage et de navigation... Chaque fois qu'un avion atterrit, il paie un droit d'atterrissage basé sur sa masse brute totale. Même s'il n'y a qu'une personne à bord, ce droit d'atterrissage est calculé comme si l'avion était plein à craquer de carburant, de marchandises et de passagers. Éliminez ces coûts et vous vous retrouvez en fait avec d'énormes économies qui peuvent être utilisées pour offrir des programmes de départ à la retraite, et d'allégement de la dette. D'après notre analyse, sans avoir à contracter un sou de plus de dette, la nouvelle compagnie aérienne peut rembourser la totalité de sa dette en cinq ans. Chaque cent de la dette existante peut être remboursée d'ici cinq ans.

• 1030

M. Stan Dromisky: Merci beaucoup.

Le président: Je vous remercie, monsieur Dromisky.

Monsieur Casey.

M. Bill Casey: C'est une déclaration incroyable, mais il faut que je vous demande ce que vous entendez par un avion non conforme.

M. Kevin Benson: Un avion non conforme est un avion qui est configuré différemment des autres avions d'une flotte. Il faut par conséquent que l'équipage soit formé en conséquence compte tenu des différences et cet équipage ne peut voler que dans cet avion.

M. Bill Casey: C'est aussi précis que cela?

M. Kevin Benson: Monsieur le président, il est évident pour les pilotes—et il y en a beaucoup qui sont assis derrière moi—que s'ils tendent le bras pour actionner une manette en cas d'urgence, il faut que la manette soit là. Ils ne peuvent pas commencer à chercher dans le poste de pilotage la manette d'extinction d'un incendie.

M. Bill Casey: Bon argument.

Vous avez indiqué plus tôt que l'article 47 semblait être une stratégie intéressante à envisager pour tâcher de trouver une solution. Quels sont les aspects de l'article 47 qui étaient intéressants? Était-ce le fait qu'il vous permettait d'éviter le délai d'attente du processus d'examen ou était-ce le fait que vous pouviez négocier? Je crois comprendre que vous êtes en train de négocier de toute façon. Lequel était-ce?

M. Kevin Benson: C'était entièrement une question de rapidité, monsieur le président. C'était entièrement afin de pouvoir agir rapidement. Le simple fait que l'article 47 prévoit un processus de 90 jours incite tout le monde à agir dans le cadre de ce processus de 90 jours, et c'est l'aspect qui était intéressant. Je pense que même dès avril et mai, la raison pour laquelle nous estimions que le temps était contre nous est devenue de plus en plus apparente.

M. Bill Casey: Les ministres ne peuvent invoquer l'article 47 qu'en cas d'interruption extraordinaire ou imminente du service national de transport. Était-ce le cas, à votre avis?

M. Kevin Benson: Tout à fait, monsieur le président. Comme je l'ai déjà dit, notre industrie est complexe. Ce n'est pas comme commander une tasse de thé, lorsque vous pouvez décider comment vous la voulez et qu'il est probable qu'elle vous sera servie en cinq ou dix minutes. C'est un processus gigantesque et compliqué.

Nous craignions que si nous en arrivions au point où même en avril, mai ou juin de l'année prochaine, Canadien commençait à avoir des difficultés financières, et que si nous en arrivions à ce point sans avoir trouvé de solution, le public l'apprendrait très rapidement. Une semaine après que cela se saurait, nous aurions une catastrophe financière sur les bras, qui se répercuterait alors sur le consommateur canadien une semaine après. Par conséquent, il était nécessaire d'agir rapidement avant que cela ne devienne évident pour tout le monde.

Je dois vous dire que les représentants de Transports Canada ne nous ont jamais indiqué que notre argument les avait convaincus. Ils nous ont indiqué qu'ils comprenaient le problème, mais ils ne nous ont jamais laissé entendre que l'article 47 était la bonne mesure à prendre. Mais nous leur avons clairement indiqué qu'une catastrophe se préparait et qu'elle éclaterait s'ils n'intervenaient pas immédiatement.

M. Bill Casey: Compte tenu de toute la controverse, le fait que vous ayez réussi à garder votre clientèle est vraiment un témoignage de confiance à l'égard de Lignes aériennes Canadien.

M. Kevin Benson: Je pense que c'est une combinaison de trois facteurs. Le premier, à mon avis, c'est un appui solide de la part d'une formidable clientèle. Le deuxième, c'est le niveau de service qui résulte de l'engagement que nous avons pris envers nos clients. Le troisième, c'est l'espoir que ce processus et ce comité trouveront une solution équitable à ce problème.

M. Bill Casey: J'ai une dernière question qui me vient à l'esprit. En incluant le comité spécial qui s'est réuni en septembre dans cette salle, votre présentation est la vingt- septième sur cette question conçue pour m'aider à la comprendre. Sur ces présentations, 25 ont soulevé des préoccupations concernant la concurrence. Air Canada et vous êtes les seuls à ne pas avoir soulevé de préoccupations concernant la concurrence. Pouvez-vous nous en parler? Pour la plupart des gens, je pense que c'est leur protection: la discipline du système qui protégera les consommateurs. Les deux propositions qui sont devant nous à l'heure actuelle ne parlent pas de concurrence.

M. Kevin Benson: Monsieur le président, de toute évidence la raison pour laquelle le public met l'accent sur cette question, c'est que les passagers sont ceux qui ont nettement profité de certaines des guerres de prix acharnées entre les deux transporteurs aériens nationaux au cours des dernières années. Comme je l'ai dit plus tôt aujourd'hui, toutefois, ces guerres de prix nous ont mis dans une situation où le statu quo n'est tout simplement plus une option. Donc la question à laquelle je tâcherai de répondre, c'est quelle sera la concurrence une fois que ces deux transporteurs aériens auront fusionné?

Nous avons déjà entendu parler de certains transporteurs à rabais, certains affréteurs, qui grossissent leur flotte en prévision d'un tel dénouement. Je pense que nous assisterons à l'essor de ces transporteurs. Je pense que nous verrons WestJet commencer immédiatement à grossir sa flotte et continuer à ajouter de nouvelles liaisons. Je pense que nous constaterons la même situation avec deux ou trois autres transporteurs. Il y a quatre autres transporteurs qui desservent le Canada, et je pense que nous les verrons tous grossir leur flotte. Et il ne fait aucun doute que même si le nouveau transporteur, la nouvelle compagnie Air Canada, continuera d'offrir certains sièges à rabais et certains soldes de places, ils seront plus rares qu'auparavant. Mais ces sièges seront repris par les affréteurs, qui assureront une certaine concurrence.

• 1035

Le dernier argument que j'aimerais faire valoir est un argument que j'ai déjà mentionné. Il y a au moins cinq importantes plaques tournantes américaines à une heure de vol de nos principales villes. N'importe laquelle de ces plaques tournantes est en mesure d'ajouter une série de deux ou trois vols par jour vers ces villes principales, et de faire directement concurrence à ce qu'elle considère être un marché bien tarifé. Je considère que ce serait un réel mécanisme de contrôle pour le transporteur canadien. S'il coûte moitié moins cher de passer par Chicago pour aller de Toronto à Vancouver, je pense qu'il y a beaucoup de gens qui opteront pour cette solution.

Le président: Je vous remercie, monsieur Casey.

Monsieur Comuzzi.

M. Joe Comuzzi: Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur Benson, j'ai trouvé intéressant ce que vous avez dit à propos de vérifier les listes de vols d'hier et de constater que vous fonctionnez à environ 55 ou 60 p. 100 de votre capacité. Cela a toujours été une source de préoccupation pour moi.

Je viens d'une région où nous avons Canadien et nous avons Air Canada, et les vols de votre compagnie partent à 7 h 20 et les vols d'Air Canada partent à 7 h 30. Vous avez donc tous les deux des vols à moitié pleins. Cela dure depuis quatre ou cinq ans. Ce n'est pas comme si on n'en avait jamais parlé et comme si on ne s'en était jamais rendu compte.

Il y a deux ans, c'est le premier ministre lui-même qui a dit qu'il fallait fusionner les deux compagnies aériennes. Elles ne peuvent pas continuer à se concurrencer de cette manière. Ce n'est pas efficace ni bon pour les consommateurs canadiens. Cela dure depuis trop longtemps, et nous avons atteint la limite. Tout le monde se rend compte maintenant qu'il faut faire quelque chose.

J'en reviens à ce que je disais au départ. Monsieur Benson, on nous a dit hier que vous vous entendiez très bien avec la personne d'Air Canada qui était là. Lorsque les discussions ont commencé entre les deux compagnies, en janvier, Canadien et Air Canada s'entendaient très bien. C'est à partir du moment où Air Canada a dû traiter avec AMR que toute la mécanique s'est bloquée; ce n'est pas moi qui le dit, ce sont les témoignages.

En dépit de l'entente qui vous lie avec Onex—et je pense que vous avez une certaine latitude là-dessus tout de même—il me semble évident que vous devriez faire une nouvelle tentative avec Air Canada pour voir si vous ne pourriez pas trouver une solution ensemble. Je pense que les Canadiens seraient prêts à accepter un accord entre les deux compagnies aériennes si elles sont capables de trouver un terrain d'entente. Je me demande si le comité pourrait les aider à trouver ce genre d'entente ou à se rencontrer de cette manière.

Je ne sais pas si cela relève de notre compétence, monsieur le président, mais cela me semblerait être une solution évidente.

M. Kevin Benson: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais faire une remarque sur un des points de cette question.

M. Joe Comuzzi: Je ne sais pas si c'est une question ou pas, je crois que c'était plutôt un plaidoyer, monsieur Benson.

M. Kevin Benson: Je crois qu'une de vos remarques laisse planer une fausse impression. On a l'impression que les deux transporteurs canadiens s'entendaient parfaitement jusqu'au moment où American Airlines est intervenu, et que les choses ont commencé à se détériorer à ce moment-là. En fait, ce n'est pas du tout le cas. American est intervenu parce que cette compagnie devait intervenir dès le début de nos entretiens avec Air Canada. En fait, ils étaient là dès la première rencontre. Don Carty m'a accompagné à la toute première rencontre que nous avons eue avec Lamar Durrett et M. Fraser.

Dès le départ, American s'est montrée prête à effacer les indemnités dues en cas de dénonciation de l'entente et a accepté un montant nettement inférieur à la juste valeur marchande pour ses actions privilégiées. Ils ont vraiment fait un gros effort pour essayer de trouver une entente. Toutefois, je pense qu'en définitive, les attentes d'Air Canada étaient très différentes des leurs, et ce que je voudrais dire très clairement au comité, c'est qu'il y avait deux parties en présence qui n'ont pas été capables de s'entendre sur un juste montant, mais qu'il ne faut pas en faire porter toute la responsabilité sur l'une ou l'autre de ces deux parties.

Pour ce qui est de réunir les deux compagnies aériennes, tout ce que je peux vous dire, c'est que nous avons essayé. Il y a des divergences fondamentales, et je crois que ce sont les actionnaires qui vont avoir très bientôt l'occasion de se prononcer, et non plus la direction des compagnies. Peut-être serait-il bon d'entendre le point de vue des actionnaires, après quoi nous dirons si nous pouvons reprendre la discussion.

• 1040

Le président: Merci, monsieur Comuzzi.

Pour compléter la question de M. Comuzzi, monsieur Benson, est-ce que ce n'est pas cela qui va se produire après le 8 novembre si la proposition est rejetée? Est-ce qu'Air Canada et Canadien ne vont pas devoir se réunir pour mettre au point quelque chose si les actionnaires disent non à Onex et non à la proposition d'Air Canada?

M. Kevin Benson: Monsieur le président, je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à cette question. Si les actionnaires d'Air Canada disent non à Onex ainsi qu'à nous-mêmes, la seule possibilité d'entente serait que les deux équipes de direction se réunissent pour essayer de proposer quelque chose d'acceptable aux actionnaires. Je suis tout à fait prêt à accepter une telle démarche.

Je dois toutefois vous dire que je suis extrêmement sceptique quant à l'issue d'une telle discussion. Nous avons eu cette négociation du début février à la mi-avril, à une époque où la pression sur Canadien était beaucoup moins forte. Encore une fois, et je le dis sans la moindre amertume, l'objectif n'a pas changé. Air Canada pense pouvoir parvenir à ses fins d'une manière différente, et se dit peut-être que ce serait plus facile si Canadien disparaissait purement et simplement. Je pense que c'est là leur objectif pour l'instant.

Le président: Merci, monsieur Benson.

Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président.

Je voudrais vous poser une question sur la concurrence. Le Commissaire à la concurrence nous a parlé hier de deux recommandations qu'il avait faites. La première était de créer une compagnie aérienne desservant exclusivement le Canada, qui pourrait être entièrement sous contrôle étranger mais qui ne volerait qu'à l'intérieur du Canada. La seconde suggestion était de porter la limite de propriété étrangère à 49 p. 100, ce qui permettrait à nos compagnies aériennes, qui sont des entreprises fortement capitalistiques, de bénéficier d'un plus gros apport de capitaux étrangers. Avez-vous des commentaires à formuler sur ces recommandations du Commissaire à la concurrence pour garantir la concurrence dans la perspective d'une nouvelle compagnie aérienne?

M. Kevin Benson: J'aimerais évidemment pouvoir examiner ce rapport de façon un peu plus détaillée, monsieur le président. À priori, je dirais que ces deux objectifs sont peut-être contradictoires. Je pense que la seule façon d'attirer des investissements étrangers, c'est de permettre à notre industrie d'avoir un rendement au moins égal à celui d'autres investissements. Les États-Unis sont manifestement la plus importante source d'investissements de ce genre. Les investisseurs susceptibles d'être intéressés que nous avons contactés comparent toujours les rendements dans les deux pays et nous demandent toujours pourquoi ils devraient prendre un risque au change s'ils n'ont pas la certitude d'avoir un rendement nettement plus élevé.

Si vous regardez notre bilan—nous avons publié hier nos résultats pour le troisième trimestre—vous constaterez que nos rendements sur les vols internationaux et transfrontaliers sont confortables, et qu'ils ont bien progressé sur ces deux fronts. C'est sur le marché intérieur que nous sommes en recul. L'explication de ce recul—c'est ce que je vous ai exposé ici—c'est l'excédent de sièges et la pratique excessive des prix réduits. Si l'on crée un autre transporteur intérieur qui aura des vols uniquement à l'intérieur du Canada, j'ai l'impression qu'on ne fera qu'aggraver le problème et réduire les recettes potentielles de la compagnie internationale. Si l'on interdit totalement à la compagnie internationale d'avoir des vols intérieurs, il faudra en tout cas qu'il y ait des liens très étroits entre les deux compagnies, car si je veux aller de Hamilton à London et que je passe par Toronto, je vais vouloir avoir une bonne correspondance. Je n'ai aucune envie d'attendre deux, trois ou quatre heures parce que les deux compagnies ne s'entendent pas. Et une fois qu'on aura créé un accord intercompagnies pour avoir un réseau efficace, quel est l'intérêt d'avoir deux fois des frais généraux? Tout ce que l'on va faire, c'est prendre cette flotte de 300 avions, la séparer en deux parties et essayer de concurrencer ces flottes de 800 avions aux États-Unis. Je pense là encore que ce serait une perte d'efficacité.

Pour répondre à votre question, je ne vois donc pas en quoi la création d'une compagnie desservant exclusivement le Canada nous permettrait de fonctionner de manière plus efficace et, par conséquent, d'attirer des capitaux étrangers.

Mme Val Meredith: Bien, merci. Je dois partir à la Chambre pour y poursuivre un autre débat, mais avant cela, je voudrais vous dire publiquement, à vous le président-directeur général de Canadien, que moi aussi j'ai bien apprécié le service que j'ai eu dans vos avions, et que j'espère que votre compagnie sera préservée quel que soit le fusionnement qui pourra intervenir.

M. Kevin Benson: Merci beaucoup.

Le président: Merci, Val.

Monsieur Benson, j'ai l'impression que la situation du Bureau de la concurrence est plutôt confortable. Quand il examine la concurrence, il se penche uniquement sur la question de la concurrence et non sur les facteurs de complexité que constituent le service régional, la propriété, les employés ou les tarifs. Enfin, il examine les tarifs dans une certaine mesure, puisque cela fait partie de la question de la concurrence. Mais il est tout de même dans une situation assez confortable dans la mesure où il n'a pas à se préoccuper de toutes ces autres questions sur lesquelles notre comité est évidemment amené à se pencher de très près.

• 1045

S'il s'agissait simplement de deux entreprises qui n'avaient pas autant d'importance pour notre pays que l'industrie aéronautique, la réponse serait très simple. Mais pour répondre à la question de Mme Meredith, si nous réussissons à constituer une compagnie aérienne en définitive, n'est-il pas logique de penser que, comme vous l'avez dit, il y aura suffisamment d'argent pour assurer le succès de cette compagnie, qu'il ne sera pas nécessaire de porter la participation étrangère à 49 p. 100 et d'emprunter à l'étranger ou même chez nos voisins simplement?

M. Kevin Benson: Je le pense en effet, monsieur le président. Les modèles que nous avons examinés avec Onex vont aussi dans ce sens. Si le rendement de la nouvelle compagnie correspond à ce qui est prévu, on pourra trouver au Canada des capitaux considérables.

Le président: Merci.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vais poursuivre sur ce que disait M. Comuzzi, car il s'agit là de questions très intéressantes.

Vous dites qu'à l'époque où vous étiez en négociation, il n'y avait pas de difficulté entre Canadien et Air Canada. C'est seulement quand AMR est entrée dans le tableau que les choses se sont compliquées, non?

M. Kevin Benson: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Quelqu'un a laissé entendre que les deux compagnies s'entendaient très bien jusqu'au moment où American Airlines est intervenue, et j'ai essayé de dire que c'était une impression fausse et qu'en fait, les trois parties avaient négocié ensemble dès le début. Vous vous souviendrez que j'ai dit que M. Don Carty, le PDG d'American, avait assisté à la toute première rencontre avec Air Canada.

Dès le début, nous avons constaté que les indemnités et les pénalités dues à American étaient trop importantes pour être payées en totalité et qu'il faudrait donc qu'American soit intégrée à la solution du problème et renonce à une partie de cette indemnisation. Dès la première rencontre, les représentants de cette compagnie nous ont dit qu'ils étaient prêts à réduire considérablement leurs exigences.

M. Murray Calder: Très bien.

Mais même dans ces conditions, voyons un peu la situation d'ensemble. American Airlines et United Airlines rivalisent et se font concurrence sur le marché. United fait partie de Star Alliance et American de Oneworld. Air Canada fait partie de Star Alliance et Canadien de Oneworld.

Que se passe-t-il si l'une de ces deux ententes n'est pas acceptée par les actionnaires et qu'il faut opter pour une troisième option, de sorte que malheureusement, il faudra maintenir encore quelque temps le statu quo? Vous nous avez déjà dit que le temps jouait contre vous. Pensez-vous qu'American Airlines vous laisserait tomber parce que Oneworld perdrait sa composante canadienne et qu'en revanche, la composante canadienne demeurerait au sein de Star Alliance, qui prendrait une longueur d'avance?

M. Kevin Benson: Il est évident qu'American souhaiterait que nous restions au sein de Oneworld et voudrait bien nous aider à continuer à en faire partie. Le problème, c'est que cette compagnie a une flotte beaucoup plus importante que la nôtre et des effectifs beaucoup plus considérables aussi.

Si vous prenez les frais d'exploitation des différentes compagnies, vous constaterez que les nôtres sont parmi les plus faibles de toute l'industrie. Ce que les employés d'une compagnie aérienne craignent, c'est de passer à une autre compagnie moins chère, une compagnie qui a des frais moins élevés.

Les employés d'American Airlines ne sont pas différents des autres. Lors d'un conflit relativement mineur à l'époque de l'acquisition de Reno, les pilotes d'American se sont mis en congés de maladie concertés. Je vous ai dit tout à l'heure que cela avait coûté 90 millions de dollars américains à la compagnie en une dizaine de jours. Donc, même si American souhaite aider à la survie de la compagnie Canadien, je ne crois pas qu'elle puisse le faire sans risquer d'avoir de la part de ses employés une réaction qui lui coûterait excessivement cher.

Je pense donc qu'une fois qu'il sera évident qu'il n'y a pas de solution, cette compagnie se résignera la mort dans l'âme à se retirer. Air Canada en est peut-être aussi consciente, et cela fait peut-être partie de sa stratégie.

• 1050

M. Murray Calder: Donc, si les actionnaires acceptent l'une des deux offres, en définitive soit Star Alliance, soit Oneworld en sortira gagnant. Il n'y aura pas de solution équilibrée. Ce qui va se passer c'est que l'on va avoir une nouvelle société Air Canada qui fera partie soit de Star Alliance, soit de Oneworld.

Vous êtes d'accord avec cela?

M. Kevin Benson: Je dirais tout d'abord que ce sont tous les Canadiens qui seront gagnants. Je crois que c'est le premier objectif. Il s'agira à ce moment-là de voir qui sera gagnant à l'étranger.

Je crois que les ententes qu'AirCo a signées précisent que la nouvelle compagnie Air Canada pourra avoir une coprésidence avec n'importe qui d'autre en dehors des États-Unis. La seule restriction, c'est le lien avec American. Il est évident qu'American apporte de l'argent et veut nous alimenter.

En dehors de cela, la compagnie pourra avoir n'importe qui comme coprésident, et elle ne sera pas obligée d'appartenir à une alliance quelconque. Elle pourra en fait faire affaire avec d'autres parties. Elle pourra avoir d'autres transactions, avoir une coprésidence, etc.

Il faut commencer par voir ce qui est avantageux pour les Canadiens. C'est quelque chose que je dis rarement, et je ne le dis pas pour brandir le drapeau du nationalisme. Je crois que vous n'étiez pas là quand j'ai dit qu'aujourd'hui, si Air Canada a un client qui veut aller à une destination que nous desservons mais qu'eux ne desservent pas, comme Beijing par exemple, ce client va prendre un vol de United Airlines. En fait, il faudrait pouvoir conserver le profit de ce client au Canada.

Si nous avons un client qui veut aller en Allemagne, nous pouvons l'amener jusqu'à Londres où il sera pris en charge par un de nos partenaires. Air Canada a des vols directs vers l'Allemagne. Nous devrions essayer de voir tout cela dans la perspective des Canadiens.

M. Murray Calder: Personne ne le souhaite plus que moi, mais je tiens à vous assurer qu'en tant que membre du comité, je n'ai pas l'intention de m'aventurer là-dedans les yeux fermés.

M. Kevin Benson: Je sais.

M. Murray Calder: Je sais bien qu'il y a toute une situation d'ensemble sur laquelle interviennent diverses forces.

Globalement, si l'on prend Air Canada, par exemple, l'argent que cette compagnie va recevoir de CIBC, Lufthansa et United, il y a déjà des contrats qui sont signés et qui stipulent que la compagnie va devoir continuer à faire partie de Star Alliance ou sinon qu'elle devra verser des indemnités.

Il est donc des forces extérieures qui s'exercent en même temps. C'est pour cela que je vous pose ces questions.

Le président: Merci, monsieur Calder.

Monsieur Asselin.

[Français]

M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Monsieur Benson, vous avez sensibilisé le ministre et le ministère des Transports ainsi que le comité à l'importance de réagir très rapidement. Le gouvernement doit réagir très rapidement à cause des difficultés financières de Canadien. Si le gouvernement ne réagissait pas assez rapidement, Canadien pourrait faire faillite.

Monsieur Benson, quel est le climat de travail chez Canadien, alors qu'on sait que si le gouvernement n'intervient pas rapidement, l'entreprise risque de faire faillite? Si Onex prend la compagnie, il y aura possibilité de coupures de 5 000 à 10 000 emplois. Si Air Canada fusionne avec Canadien, il y aura possibilité de pertes de 2 000 à 2 500 emplois. Bref, en bout de ligne, il y aura des coupures d'emplois. Vous nous avez dit tout à l'heure qu'il n'était pas normal qu'un avion rouge et blanc portant le nom d'Air Alliance ou d'Air Canada—en région, c'est Air Alliance—arrive à 8 h 55 et qu'un avion de Canadien arrive à 9 h 10, et que cela n'existerait plus dans une compagnie aérienne fusionnée. Il n'y en aurait qu'un seul. Ce sont des pilotes en moins. Ce sont des agents de bord, des techniciens et des informaticiens en moins. Bref, il y aura une réorganisation administrative et des pertes d'emplois en bout de ligne.

Quelle est la situation des relations humaines au sein de votre entreprise? Voyant que Canadien a des difficultés financières, pourrait-on penser—et là je ne voudrais alarmer personne, surtout pas vos passagers—que Canadien a tendance à prolonger les délais d'entretien de certains appareils?

[Traduction]

M. Kevin Benson: Pour répondre à cette dernière question, monsieur le président, pas du tout. Permettez-moi de faire un ou deux commentaires.

• 1055

Tout d'abord, nous avons déjà entendu les membres du comité, et je voudrais répéter que le comportement, le niveau de service et l'ambiance à bord de nos avions montrent bien une seule chose, c'est que notre compagnie est incroyablement dévouée au service de la clientèle.

Je ne crois pas—et je pense que c'est M. Casey qui l'a dit il y a un petit moment—que nos clients aient le sentiment que nos équipages sont inquiets ou même informés de ce qui se passe. En fait, ils sont informés et inquiets, mais cela ne se voit pas.

Pour ce qui est des pertes d'emploi, Onex a dit qu'elle prévoyait que 5 000 emplois environ disparaîtraient d'ici deux ou trois ans. Ils l'ont dit honnêtement et dès le début. Ils ont promis que ces réductions d'effectifs se feraient uniquement par attrition ou sous forme de départs volontaires.

Si on examine l'offre d'Air Canada où il n'est question que de 2 500 emplois, on peut se demander où cette compagnie va trouver des gains d'efficacité si 2 500 emplois seulement disparaissent. Ce qui nous inquiète le plus, la réponse qui semble flagrante ici, c'est qu'il ne s'agit que d'une première étape. La phase deux, ce sera la discussion avec les créanciers et avec les actionnaires privilégiés, discussion à la suite de laquelle il est vraisemblable que d'autres avions seront retirés de la circulation, ce qui veut dire que leurs équipages seront aussi mis hors circuit.

Nous pensons donc que la proposition d'Air Canada telle que nous l'interprétons actuellement ne dit pas toute la vérité à ses employés.

Ce qui est prioritaire pour le client, ce n'est pas de créer ou de maintenir une marque distincte. Ce que veut la clientèle, c'est un service rapide, efficace et bon marché. C'est ce que peut proposer la compagnie aérienne résultant de la fusion.

Pour terminer, si vous le permettez, monsieur le président, je dirais que le public ne devrait pas avoir la moindre inquiétude à se faire en matière de sécurité. Sur ce plan, notre bilan est incroyable. Nous en sommes très fiers et il n'est pas question que nous fassions voler un avion si nous ne sommes pas convaincus qu'il est sûr à 100 p. 100. Je ne crois pas qu'un seul de nos équipages accepterait de voler sur un avion qui n'est pas sûr à 100 p. 100. Ce n'est donc pas un problème, cela n'a jamais été un problème et cela devrait pas en être un aujourd'hui.

Le président: Merci, monsieur Asselin.

Monsieur Casey.

M. Bill Casey: Merci.

Nous avons parlé tout à l'heure de l'influence qu'aurait American Airlines si cette proposition de fusion se réalisait. Je pense qu'American Airlines va injecter des millions de dollars dans ce projet, mais qu'elle va aussi investir des millions de dollars par l'intermédiaire d'Onex. Ils vont prêter des centaines de millions de dollars à Onex qui va aussi ajouter à cela quelques centaines de millions de dollars.

Si Onex doit des centaines de millions de dollars à AMR, cette compagnie va pouvoir influer sur les décisions d'Onex. Par exemple, quand il faudra se prononcer sur SABRE, la décision sera soumise au conseil d'administration. Si je comprends bien, Onex et AMR auront neuf des treize sièges du conseil d'administration. Si les membres du conseil d'administration qui font partie d'Onex savent que leur compagnie doit à AMR quelque chose comme 275 millions, je crois, est-ce que cela ne va pas représenter une pression considérable sur eux et est-ce que cela ne va pas influencer leurs votes? Même s'ils n'ont pas tous ces membres au conseil d'administration et ce pourcentage de propriété, la pression sera quand même énorme.

M. Kevin Benson: Monsieur le président, je ne crois pas. C'est en fait à M. Schwartz qu'il faut poser cette question. C'est lui qui siégera à cette table si la transaction se fait.

Je dirais toutefois qu'à mon avis les prêts d'American et les recettes d'American déprendront du rendement d'AirCo, qui dépendra du rendement de la nouvelle compagnie Air Canada. J'imagine mal un conseil d'administration décider de diminuer son rendement et par conséquent sa capacité de rembourser ses emprunts. Je pense au contraire qu'ils seront motivés à essayer d'obtenir les prix les plus efficaces, les conditions les plus efficaces, et que c'est ce qu'on constate dans l'entente qui se négocie avec SABRE. La nouvelle compagnie Air Canada a la possibilité de conclure un contrat SABRE sur la base de la nation la plus favorisée. Il n'y a pas mieux que cela.

M. Bill Casey: Vous dites que la nouvelle compagnie Air Canada a un contrat?

M. Kevin Benson: AirCo a négocié la possibilité pour Air Canada de conclure un contrat avec SABRE sur une base de prix qui correspond en fait à la base de la nation la plus favorisée. Air Canada a la possibilité de le faire. Cela pourra être nettement mieux que ce que nous avons actuellement.

M. Bill Casey: Y a-t-il d'autres ententes qui ont été conclues dans l'attente de cette résolution?

M. Kevin Benson: Je crois qu'on a tout déposé. Il y a tout un ensemble d'ententes conclues entre les lignes aériennes American, Onex et la nouvelle compagnie. Il est clair que la compagnie Onex avait au départ comme objectif de s'assurer que toute négociation qui devait avoir lieu dans l'intérêt de la compagnie AirCo ou dans l'intérêt de la nouvelle société Air Canada serait conclue avant de prendre des engagements à l'égard de cette nouvelle offre. Bien sûr, c'est à ce moment-là qu'Onex était le mieux placé pour négocier.

• 1100

M. Bill Casey: Une courte question en ce qui concerne le retranchement. Le Commissaire à la concurrence a déclaré qu'il préférait, au nom de la concurrence et des consommateurs, le retranchement des lignes aériennes régionales du transporteur dominant. Comment intégrera-t-on les pilotes et les équipages de ces lignes aériennes régionales dans cette nouvelle société? Pourriez-vous nous donner votre point de vue en ce qui concerne l'observation du Commissaire du Bureau de la concurrence selon lequel le retranchement serait la meilleure solution? Qu'est-ce que vous envisagez?

M. Kevin Benson: Il est évident, monsieur le président, que mon plan ne compte pas pour grand-chose; c'est plutôt le plan de l'équipe de la haute direction et de Gerry Schwartz. D'après le plan existant, les deux transporteurs régionaux seront tous les deux intégrés dans un seul transporteur qui va desservir la nouvelle ligne aérienne. Que la nouvelle ligne aérienne soit la propriétaire de ce transporteur régional ou non, il est important de prévoir une fusion efficace des réseaux de ces deux lignes aériennes, précisément pour la raison que j'ai expliquée tout à l'heure.

Si je voyage de Hamilton jusqu'à Kelowna, ce qui m'oblige d'abord à prendre un vol jusqu'à Toronto et peut-être à Vancouver pour ensuite me rendre à Kelowna, je veux m'assurer que les réseaux soient bien reliés pour permettre des correspondances convenables. Le client ne veut pas mettre deux jours et demi pour se rendre d'une ville à une autre. Par conséquent, si la ligne aérienne principale n'est pas propriétaire de la ligne aérienne régionale, il faut conclure une entente pour relier les réseaux, pour établir les droits qu'on versera à la ligne principale quand elle envoie des passagers à la ligne régionale, pour déterminer le pourcentage des frais administratifs que je vais vous payer, et ainsi de suite. À un moment donné, ce coût va simplement faire partie des frais administratifs. Par conséquent, on perd les avantages de la synergie. Du point de vue opérationnel, c'est la même chose.

M. Bill Casey: Et l'impact sur les employés de ces lignes aériennes régionales?

M. Kevin Benson: Encore une fois, je crois que la société AirCo et la société Onex ont fait les mêmes promesses aux lignes aériennes régionales—en d'autres mots, la fusion totale des transporteurs, la protection des emplois, des licenciements volontaires ou par l'entremise de l'attrition. Je crois que c'est exactement la même chose. Je crois que les gens seront traités de la même façon.

Permettez-moi de dire, et il est clair que nous sommes favorables à l'offre de la société Onex, que dès le départ Onex s'est intéressée au problème des ressources humaines. C'est quelque chose que j'appuie sincèrement. Cette ligne aérienne ne va pas pouvoir fonctionner de façon efficace si on ne règle pas les questions de ressources humaines de façon rapide et convenable. Et cette compagnie fait beaucoup d'efforts afin de faire précisément cela.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Casey.

Collègues, nous travaillons depuis deux heures. Nous devons libérer la salle à 11 heures. Nous tenons à vous remercier, monsieur Kevin Benson et monsieur Stephen Markey, pour avoir témoigné devant nous aujourd'hui et pour avoir répondu à toutes nos questions. Si vous voulez nous fournir des renseignements supplémentaires, je vous prie de les envoyer au greffier qui va s'assurer de leur diffusion aux membres du comité.

Nous reprenons nos travaux à 15 h 30. La séance est levée.