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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 1er avril 1998

• 1534

[Français]

Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): La séance est ouverte. Comme l'indique notre ordre du jour, nous nous réunissons conformément au paragraphe 108(2) du Règlement pour procéder à un examen des services ferroviaires voyageurs offerts par VIA Rail et les moyens de revitalisation de ce mode de transport important, compte tenu des préoccupations financières et environnementales du gouvernement.

Nous sommes heureux d'accueillir M. Pierre-Yves Melançon, membre du Comité exécutif et responsable du dossier des transports à la Ville de Montréal. Un de ses collègues l'accompagne et je lui demanderais de bien vouloir nous le présenter.

Même si je ne devrais pas avoir à m'excuser au nom des députés absents, j'aimerais vous laisser savoir que les députés du parti gouvernemental sont moins nombreux parce que la plupart d'entre eux siègent à deux ou trois comités et que lorsqu'on tient un vote à un autre comité, ils doivent y être présents.

• 1535

Je vous invite à faire votre présentation. Dans une quinzaine de minutes, nous inviterons les députés à poser leurs questions.

M. Pierre-Yves Melançon (membre du Comité exécutif et responsable du dossier des transports, Ville de Montréal): Monsieur le président, je suis accompagné de Stéphane Brice, qui travaille au Service du développement économique de la Ville de Montréal.

Évidemment, comme membres d'une administration minoritaire au conseil municipal, nous comprenons toute l'importance d'être présents lors de la tenue d'un vote. Remarquez que notre moyenne au bâton est quand même pas mal chez nous aussi.

Monsieur le président et membres du comité permanent, j'ai le plaisir d'exprimer le point de vue de la Ville de Montréal devant le Comité permanent des transports sur l'avenir des trains de voyageurs au Canada.

La Ville n'est pas à sa première participation à une consultation ayant égard aux transports. Elle a déjà témoigné devant la Commission royale sur le transport des voyageurs au Canada, la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux, ainsi que le Comité permanent des pêches et des océans au sujet de la Garde côtière. La Ville est également intervenue lors des consultations tenues par votre comité à l'égard de la commercialisation du Canadien National et de la Loi maritime du Canada.

L'intérêt de la Ville de Montréal pour les questions de transport n'est pas fortuit. Montréal était et est toujours un carrefour des transports. Dans le cas du train de passagers, nos préoccupations demeurent légitimes, non seulement en tant que site du siège social de VIA Rail, mais aussi comme ville desservie. On trouve pas moins de 1 150 Montréalais à l'emploi de VIA Rail; il y en avait près de 2 700 en 1988, se répartissant entre le siège social, la gare centrale et les ateliers d'entretien. À chaque semaine, 111 trains, dont 89 affectés au corridor Québec-Windsor, quittent la Gare centrale.

Montréal a été un témoin—on ne peut pas dire privilégié—des turbulences qui ont rendu méconnaissable le paysage corporatif ferroviaire. Depuis plus d'une décennie, les deux grands chemins de fer, le CN et le CP, n'ont pas lésiné sur les moyens afin de rationaliser leurs opérations. En raison de la forte présence ferroviaire, Montréal a été la plus éprouvée de toutes les régions canadiennes.

Le président: Excusez-moi, monsieur Melançon, de vous interrompre. Le signal lumineux nous indique que nous devrons nous rendre en Chambre dans moins de 30 minutes pour un vote. Vous aurez donc le temps de finir votre présentation.

Je vous invite à continuer.

M. Pierre-Yves Melançon: Au moins, les blessures n'ont pas été vaines, car les deux chemins de fer ont passablement amélioré leurs performances et ont été capables de relancer leurs opérations à Montréal.

À cet égard, l'histoire récente de VIA Rail ressemble à celle des deux autres. La décision du gouvernement fédéral de fermer graduellement le robinet de sa subvention annuelle amorçait en 1990 un processus forçant VIA à entreprendre une sérieuse cure d'amaigrissement.

Certes, le niveau élevé des subventions méritait une sérieuse remise en question. Durant les années qui ont suivi, VIA Rail a déployé des efforts pour réduire considérablement sa dépendance financière de l'État en contrôlant davantage ses coûts, tout en maintenant son niveau de service et en adoptant une orientation davantage commerciale.

Là s'arrête le parallèle avec les autres chemins de fer. En effet, pour le CN et le CP, la rationalisation avait une finalité avouée. Outre l'amélioration de leur compétitivité, elle s'inscrivait dans un programme de croissance. Chez VIA Rail, la rationalisation est apparue comme un exercice imposé qui ne s'insérait pas dans une stratégie de redéveloppement.

Les présentes audiences du Comité permanent des transports arrivent à point nommé, puisque le sort de VIA Rail est plus que jamais en jeu. Elles permettront, nous l'espérons, de répondre à l'une des questions fondamentales à laquelle on n'a jamais répondu: qu'attendons-nous du train de passagers au Canada?

Cette question existentielle, si elle en est une, est au coeur de la définition du mandat de VIA Rail. Le mandat actuel demande à être précisé. D'une part, on considère VIA Rail comme un service public avec les obligations qui s'y rattachent; d'autre part, on souhaiterait que la société obtienne un rendement financier proche de celui d'une entreprise purement commerciale.

La communauté montréalaise croit à l'avenir du train voyageurs. Sa position n'est pas guidée par la nostalgie, mais par une conviction que le transport ferroviaire fait partie de la réponse à nos questions de développement économique, d'aménagement sensé et de préservation de l'environnement.

Malgré tous ses atouts, le train voyageurs au Canada a été pris de vitesse, non seulement par l'essor des autres moyens de transport, mais aussi par une urbanisation défavorable au transport collectif et par de nouveaux modes de vie.

• 1540

Avec la création de VIA Rail, on a tenté d'assurer la survie du train avec une certaine incrédulité quant à sa capacité de reprendre sa place. C'est ainsi que VIA Rail n'a jamais reçu de mandat clair, ni de moyens financiers pour amorcer sa relance.

M. Terry Ivany, président-directeur général de VIA Rail, a déjà identifié devant le comité les deux options auxquelles est confronté le train passagers: le statu quo ou la croissance. À notre avis, nous ne sommes pas les seuls à le penser; le statu quo équivaut à une forme d'agonie prolongée.

Les questions du cadre de régie et du financement sont liées. Tous reconnaissent que VIA Rail, dans sa structure actuelle, manque de moyens pour assurer une cadence d'investissement suffisante pour le renouvellement de l'équipement et des infrastructures. Pourtant, l'attrait du train passagers est intimement lié à une série de caractéristiques avantageuses que procure un voyage ferroviaire, et qui sont liées à l'amélioration continuelle des actifs de VIA.

Le dilemme financier semble compréhensible pour nous, puisque les municipalités sont sans cesse confrontées à des choix semblables, apparemment insolubles, comme ceux d'assurer la pérennité des équipements urbains et de contenir le fardeau fiscal tout en élargissant l'assiette fiscale.

L'accès aux marchés financiers pourrait combler ce manque, mais il est assorti d'exigences de rendement qu'un opérateur de trains voyageurs pourrait difficilement offrir. À travers le monde, aucun exploitant de trains passagers ne recouvre complètement ses frais d'exploitation. Certes, des exemples de services rentables existent, mais ils sont le fait d'une ligne particulière à haut volume et concernent rarement l'organisation en son entier. Malgré tout, des sociétés ferroviaires, comme Amtrak, affichent des performances honorables au chapitre du recouvrement des coûts.

Cette réalité des systèmes ferroviaires mène inévitablement à des formules mixtes privées-publiques. Nous n'avons pas la compétence pour concevoir la formule idéale. Malgré tout, il est permis d'émettre les observations suivantes qui aideront, nous l'espérons, la réflexion des membres du comité permanent.

Premièrement, le marché canadien ne permet pas la mise en place d'un système ferroviaire de voyageurs purement commercial. L'État doit avoir la possibilité de confier un mandat à la société exploitante en échange d'un soutien financier.

Deuxièmement, la participation du secteur privé est conditionnelle à une implication financière minimale de l'État. Il en est de même dans tous les autres modes de transport. Les compagnies aériennes privées comptent sur des infrastructures aéroportuaires qui ont été initialement financées par le gouvernement fédéral. L'exploitation des services d'autocars serait impossible sans l'accès à un réseau routier important financé par tous les contribuables.

Troisièmement, le calcul de la contribution financière publique doit tenir compte du soutien financier implicite dont jouissent les modes concurrents et les bénéfices externes que procure le train pour l'environnement.

Quatrièmement, en supposant qu'une formule permette d'attirer suffisamment de capital privé pour combler les besoins en matière d'investissement, il est fort probable, du moins pour un avenir prévisible, que le gouvernement fédéral continue de subventionner l'exploitation à un niveau équivalent à celui de 1998, à savoir 170 millions de dollars.

Cinquièmement, le modèle de franchise est attrayant et se concilie avec l'idée d'une formule mixte privée-publique, qui peut assurer une viabilité commerciale sans compromettre le mandat de service public. Toutefois, un système régional de franchises aurait l'inconvénient de fragmenter le réseau.

Sixièmement, l'option d'une société d'État à vocation commerciale, telle que proposée par la direction de VIA Rail, permet de redéfinir la société exploitante sans pour autant défaire la structure actuelle. Le modèle de société d'État s'intègre bien avec la possibilité d'un mandat public.

Le corridor Québec-Windsor, avec ses quelque 14 millions d'habitants étalés sur un axe de 1 000 kilomètres, représente sans aucun doute le marché le plus propice au Canada pour le train passagers. Les chiffres d'achalandage de VIA Rail le confirment. Près de 85 p. 100 de l'achalandage et 70 p. 100 des recettes y sont générés. Au-delà des nombres, le corridor correspond au foyer économique du pays, dont Montréal est un des pôles. L'accessibilité interurbaine reste l'une des conditions de développement de la région.

Ces exigences, surtout la fiabilité horaire, sont mises à rude épreuve sur les axes ferroviaires où la densité de trafic marchandises est le plus élevée. Le défi est d'autant plus grand que VIA Rail ne possède à peu près pas d'infrastructures et que les propriétaires de voies, c'est-à-dire le CN et le CP, ont eux-mêmes leurs propres contraintes de fonctionnement. La coopération et la coordination avec les chemins de fer de marchandises deviennent donc incontournables.

• 1545

La non-propriété des infrastructures en soi n'est pas un handicap, puisque le nouveau modèle britannique, sur lequel certains fondent beaucoup d'espoir, repose sur la scission de l'exploitation et de l'infrastructure.

Le corridor Québec-Windsor est également le théâtre d'une intense concurrence modale. Ce n'est pas une mauvaise chose en soi, puisqu'elle incite tous les transporteurs à innover et à améliorer la qualité de leur service. Les lignes aériennes offrent plus de 40 départs quotidiens de Montréal à Toronto et vice versa. Quant aux autocars, les départs vers Québec, Ottawa et Toronto s'effectuent à raison d'un à l'heure.

Il importe de reconnaître ces caractéristiques du marché du corridor avant de redéfinir le train passagers au Canada. Le modèle proposé ne peut se permettre de réduire le niveau de service. Il doit même le bonifier.

La mise en place d'un système de trains rapides constitue l'une des avenues les plus séduisantes pour la relance ferroviaire dans le corridor le plus peuplé au Canada. Le groupe de travail Carman-Bujold, dont le mandat lui avait été confié par les gouvernements du Québec et de l'Ontario, avait conclu en 1991 qu'un service ferroviaire à haute vitesse s'avérerait bénéfique au transport des voyageurs ainsi qu'au développement économique du corridor Québec-Windsor. Quoi qu'il en soit, la viabilité financière et commerciale n'a pas été encore démontrée en raison des coûts prohibitifs qu'un tel système suppose. Une participation importante de l'État était requise pour garantir un taux de rendement acceptable pour les investisseurs privés.

Toutefois, le groupe de travail avait opté pour le modèle TGV, une technologie performante mais très exigeante en infrastructures nouvelles. Dans le contexte actuel des finances publiques, il y aurait lieu d'évaluer des solutions de rechange qui puissent à la fois augmenter la rapidité des trains et s'accommoder des infrastructures en place.

Le recours à des solutions plus conventionnelles et moins ambitieuses ne diminue pas pour autant l'importance d'accroître significativement la vitesse des rames. La compétitivité des trains du corridor en dépend. Les temps de trajet entre Montréal et Québec et Montréal et Ottawa, par exemple, excèdent ceux de autocars, avec de surcroît des fréquences moindres. La plus achalandée et la plus rapide des lignes, Montréal-Toronto, offre au mieux un trajet de quatre heures dans un marché saturé de navettes aériennes qui font le trajet en 70 minutes.

L'amélioration des conditions d'accès aux voies ferrées ne doit pourtant pas se faire au détriment de l'exploitation des services de fret. Le transport des marchandises est lui aussi soumis à des impératifs d'efficacité et de rapidité. À l'instar du transport des marchandises, la stratégie intermodale élargit les occasions d'affaires. Une meilleure intégration des services aérien et ferroviaire, loin de nuire au dernier, aiderait plutôt à conquérir de nouvelles clientèles et à faciliter les déplacements des personnes.

Si l'intermodalité veut dépasser le stade de concept, des investissements dans les installations doivent être consentis.

Dans le cas de la région de Montréal, l'aérogare de Dorval est située à moins d'un kilomètre d'une gare ferroviaire qui jalonne à la fois une ligne de banlieue et une ligne de VIA Rail dédiée aux services du corridor. Le lien manquant a fait récemment l'objet d'une étude de faisabilité et a été jugé réalisable. Des occasions du même genre existent sûrement à l'échelle canadienne et méritent qu'on s'y attarde.

De la même manière, une meilleure intégration des services de trains passagers et d'autocars avantagerait les voyageurs, ceux-ci pouvant plus facilement correspondre et opter pour le parcours qui leur convient le mieux plutôt que d'être captifs dans l'un ou dans l'autre cas.

Toutefois, la structure de l'industrie du transport des personnes au Canada est telle que ces deux modes, au lieu d'être complémentaires, sont plutôt en concurrence sur à peu près tous les trajets interurbains majeurs.

Partout au Canada, VIA Rail offre déjà des correspondances par autocar pour compléter certains trajets. Ces exemples de complémentarité sont encore trop ponctuels et sont pratiquement inexistants dans le cas de Montréal. La ville est par ailleurs pénalisée par la distance significative qui sépare ses principales gares ferroviaire et routière. À Québec, la Gare du Palais, dans son aménagement actuel, semble l'un des rares exemples où cohabitent côte à côte les terminus de trains et d'autocars, à la grande satisfaction des usagers.

Un transporteur comme VIA Rail a intérêt à jouer la carte de l'intermodalité. D'une part, son réseau faiblement articulé hors des axes principaux ne peut prétendre desservir les centres urbains secondaires. L'autocar reste le moyen de transport collectif le plus approprié. VIA gagnerait des clientèles si ses liaisons interurbaines du corridor, les plus performantes, pouvaient mettre davantage à contribution l'apport de lignes régionales d'autocars.

• 1550

D'autre part, la plupart des marchés interurbains canadiens et transfrontaliers en dehors du couloir Ontario-Québec sont hors de portée de VIA Rail et appartiennent au domaine du transport aérien. Les liaisons de VIA peuvent jouer un rôle complémentaire dans les itinéraires qui partent des principaux aéroports, notamment de ceux de Montréal et de Toronto.

Les services transcontinentaux constituent un segment essentiel du train passagers au Canada. Ils façonnent l'image de confort et d'agrément liée à un voyage en chemin de fer. Cela a un impact sur la réputation touristique du pays et sur le soutien favorable des Canadiens envers le train.

La révision actuelle du rôle de VIA Rail lui donnera probablement une vocation davantage commerciale. Dans ce contexte, les services transcontinentaux risquent d'être mis à l'arrière-plan des produits plus lucratifs, comme les services du corridor. L'évaluation des lignes transcontinentales doit pourtant se faire à la lumière de plusieurs autres considérations. En voici trois.

Premièrement, le train voyageurs devra encore compter sur une forme quelconque de financement public. Il importe qu'il ne soit pas perçu comme l'apanage exclusif des régions centrales.

Deuxièmement, dans certaines régions, les services transcontinentaux représentent la solution la moins coûteuse pour les déplacements de longue distance. Finalement, les trains continentaux font partie du produit touristique canadien.

L'offre de service en régions éloignées se fait en vertu d'un mandat confié par le gouvernement fédéral et par le biais d'engagements contractuels. Il n'est pas de notre ressort de juger de la pertinence de ce service public.

Dans le cadre d'une refonte du rôle de VIA Rail, il importe que les engagements relatifs aux régions éloignées demeurent clairement distincts du mandat général et qu'ils ne préjudicient pas la position financière de la société ferroviaire.

Les perspectives du train voyageurs s'améliorent au rythme de nos préoccupations envers l'environnement. Elles tiennent des qualités intrinsèques du train: faible consommation d'énergie, faible occupation de l'espace, pollution modérée, réduction de la congestion routière, relative convivialité avec l'aménagement urbain.

Les axes autoroutiers, surtout à la périphérie des métropoles comme Montréal et Toronto, éprouvent un encombrement chronique et croissant. Les tissus urbains sont tels qu'ils ne peuvent plus accommoder de nouveaux corridors routiers. Par ailleurs, les administrations municipales sont confrontées à des dépenses croissantes liées à une détérioration prématurée de leur voirie.

Le comité, dans son examen de VIA Rail, ne doit pas limiter sa lecture au seul chapitre du potentiel commercial du train. Les incidences sur la qualité de vie, non seulement des voyageurs mais des individus en général, doivent être prises en compte.

En conclusion, monsieur le président, les membres du comité permanent sont face à un défi passablement exigeant. Ils doivent déterminer quelles pistes permettront de relancer le train voyageurs en se méfiant des solutions trop faciles. L'injection massive de fonds publics est à proscrire compte tenu des finances de l'État. Il en est de même d'une rationalisation drastique du réseau, celui-ci étant déjà modeste.

Les avenues les plus plausibles concernent à peu près toutes une forme de partenariat entre l'État et le secteur privé. Des exemples existent dans d'autres pays. Les membres du comité devront être imaginatifs pour assimiler ces expériences au cas canadien.

Peu importe les structures proposées, nous croyons qu'elles doivent être assujetties aux paramètres suivants:

- En toutes circonstances, un mandat clair doit être donné à la société exploitante.

- À mesure que la société exploitante intensifiera son orientation commerciale, le gouvernement ne devra pas renoncer à ses obligations quant à la détermination du niveau de services.

- La redéfinition du train passagers au Canada doit mener à sa revitalisation et non à son recul. Elle doit permettre à la société exploitante d'assurer la modernisation de ses actifs afin que le train devienne une solution de remplacement concurrentielle et accroisse significativement sa clientèle.

- Le corridor Québec-Windsor demeure la pierre angulaire du renouveau ferroviaire, avec les marchés interurbains les plus prometteurs.

- Compte tenu de la position centrale de Montréal dans le réseau ainsi que de sa masse critique dans l'industrie ferroviaire, il est tout à fait rationnel et avantageux que la société exploitante y maintienne son siège social et ses installations d'entretien.

- La société exploitante doit avoir les outils pour mener une stratégie intermodale.

- Finalement, la relance du train voyageurs doit concilier son orientation commerciale avec le développement durable dans le cadre d'une stratégie appropriée.

Je vous remercie, monsieur le président et messieurs les membres du comité, de l'attention que vous avez bien voulu m'accorder.

• 1555

Le président: Merci beaucoup, monsieur Melançon. Je m'excuse encore une fois du dérangement qui s'est produit. On s'aperçoit que le vote a été annulé. J'imagine qu'en Chambre, ils se comprennent. Il fallait que nous ne soyons pas là pour que cela se produise.

Nous allons maintenant passer à la période de questions. Normalement, on attribue cinq minutes à chacun des membres du comité pour poser une question et en entendre la réponse. On essaie de s'en tenir à cela.

[Traduction]

Monsieur Mark.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue au comité et vous remercier de votre rapport. Ayant déjà été maire, je suis très heureux de voir les municipalités participer à ces audiences publiques. Il ne fait aucun doute que VIA est un atout pour votre ville. Comme vous, je voudrais certainement que VIA le reste.

Vu que les municipalités ont des comptes à rendre, si la Ville de Montréal avait la possibilité de prendre en main le réseau de VIA—dans la conjoncture actuelle, comme nous le savons, le matériel roulant doit probablement être remplacé—pensez-vous que ce serait un investissement sage, même si la subvention actuelle de 170 millions de dollars était maintenue? Je vous pose l'une de ces questions hautement hypothétiques.

[Français]

M. Pierre-Yves Melançon: Je pense que la réponse doit être la suivante: nous sommes une municipalité et, en ce sens, nous voulons nous assurer qu'il existe un service ferroviaire pour l'ensemble de la région. Cependant, de là à nous transformer en exploitant, je vous dirais non. Je ne crois pas que ce soit là la mission d'une municipalité.

De même, quand je m'arrête aux exemples de ce qui s'est fait, que ce soit pour le CN ou par le Canadien Pacifique, où il y a eu diversification, je me dis qu'il est possible de fonctionner d'une façon différente. Mais il ne relève pas de la responsabilité des municipalités de s'engager dans une gestion ou une exploitation du réseau ferroviaire. Nos limites territoriales nous imposent une certaine modestie par rapport à la gestion d'un tel système.

[Traduction]

M. Inky Mark: Si vous me permettez de poursuivre dans la même veine, le trafic se concentre évidemment entre Montréal et Toronto. Cela ne fait aucun doute. J'ai demandé à un autre témoin si cela ne donne pas aux municipalités la possibilité d'exploiter les chemins de fer comme un service d'utilité publique. Je sais que vous exploitez déjà le métro. Pensez-vous que vous avez maintenant l'occasion, peut-être avec un partenaire comme Toronto, d'exploiter le réseau ferroviaire entre Montréal et Toronto comme un réseau de transport collectif?

[Français]

M. Pierre-Yves Melançon: Pour ce qui est de desservir le transport collectif sur le territoire de la Communauté urbaine, nous avons aussi un service de trains de banlieue, mais qui est exploité par le Canadien National et aussi par une filiale de la Compagnie de chemin de fer Saint-Laurent et Hudson.

S'assurer que nos citoyens puissent avoir accès à un système ferroviaire est une chose, mais nous ne pensons pas que nous ayons à nous immiscer dans la gestion du réseau ou dans son exploitation.

À cet égard, ce que fait la Société de transport de la Communauté urbaine... Mme Junca-Adenot, la présidente de l'Agence métropolitaine de transport, aurait pu vous parler de l'importance d'une contribution des municipalités et des usagers à un bon service de trains de banlieue. Toutefois, de là à ce que les municipalités exercent une action interne dans l'exploitation d'un système ferroviaire, je vous dis que je serais plutôt partisan de ne pas y mettre le pied.

On a parfois tendance à dire qu'il faudrait le faire, mais je pense que non. Ce serait une erreur vis-à-vis de nos citoyens. Ce serait s'engager dans une confusion des rôles. Si nous avons un mandat relatif au transport collectif, il concerne le territoire de notre municipalité ou de la Communauté urbaine. Je pense que nous n'avons pas à nous introduire sur des territoires autres que ceux de nos communautés urbaines ou de nos villes. Nous devons voir avec les acteurs, c'est-à-dire les propriétaires de chemins de fer ou les exploitants, à ce qu'un service adéquat soit assuré.

Le président: Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci beaucoup, monsieur Brice et monsieur Melançon. C'est un excellent mémoire que je vais conserver et dont je reparlerai.

• 1600

Vous montrez que le train de voyageurs, pour Montréal, représente un enjeu lié à beaucoup d'autres, au développement d'abord. Vous dites que pour assurer le développement, il faut qu'il y ait un investissement. Vous dites qu'on ne peut pas se livrer à des investissements à gogo comme cela s'est déjà fait, mais qu'en même temps, il faut investir, parce que si on ne le fait pas, si on essaie simplement de maintenir ce qui existe, on va reculer.

Vous dites ensuite que cela doit être lié à des considérations sociales et que l'intermodalité est importante, et vous rattachez cela sans doute à des recommandations, non seulement de la Ville de Montréal, mais aussi de la Communauté urbaine.

Je ne fais que passer à ce comité-ci, mais je transmettrai vos recommandations aux membres permanents que je représente. En somme, ce comité-ci a une responsabilité extrêmement importante pour ce qui est de l'avenir de Montréal en tant que ville et de Montréal en tant que région. Pourriez-vous élaborer davantage sur cette idée? Au fond, les décisions de ce comité vont avoir une influence sur l'avenir de Montréal.

M. Pierre-Yves Melançon: Je pense que le secteur ferroviaire, tant dans le cas des marchandises que dans celui des voyageurs, a une importance capitale pour la région de Montréal. C'est vrai en matière d'emplois, que ce soit dans les ateliers d'entretien ou dans les sièges sociaux. À l'heure actuelle, la mise en vigueur de la Loi sur les chemins de fer d'intérêt local fait en sorte qu'il y a encore une consolidation des entretiens et des activités sur le territoire de la ville de Montréal. On peut en juger par ce qui se fait. Par exemple, la Compagnie Saint-Laurent et Hudson vend un certain nombre de lignes régionales.

Il y a donc des partenariats qui se développent. Il y a une consolidation importante des efforts de rationalisation qui a été faite par le CN et par le CP, qui est Saint-Laurent et Hudson maintenant.

Nous sommes à l'heure actuelle à essayer de développer aussi nos trains de banlieue. C'est un enjeu qui est délicat et difficile parce qu'il demande des contributions additionnelles des municipalités. Cependant, sur le plan de ce qu'on appellerait le développement durable, il nous faut consolider la vocation régionale du chemin de fer pour assurer une desserte. En effet, en même temps que s'en trouvent réduits les coûts des infrastructures routières, la qualité de l'environnement s'en trouve améliorée. Je pense également que la fiabilité des réseaux ferroviaire aussi bien que routier est augmentée parce que la congestion diminue.

Ce que nous vivons dans la région montréalaise est sûrement tout aussi vrai dans la région de Toronto ou dans les autres grandes régions au Canada. Je pense que, de ce côté, la vocation de VIA Rail dans le cadre de son nouveau mandat, qui sera peut-être suggéré par le comité ici et éventuellement par le gouvernement, devra tenir compte de chacune des réalités économiques et de la présence du ferroviaire dans chacune de ces régions à travers le Canada.

Pour nous, c'est vital, fondamental. On mentionnait qu'on a 1 800 employés. Donc, pour nous, c'est important. Il y a sûrement d'autres efforts de rationalisation à faire, mais il faut les faire en investissant.

Je donne l'exemple de la Saint-Laurent et Hudson qui, après la restructuration du Canadien Pacifique, a fait des efforts de rationalisation, au point qu'elle embauche maintenant du personnel, entre autres dans ses centres de traitement régional. Ses profits lui rapportent maintenant des profits.

Je pense que ces efforts de rationalisation sont à prendre en exemple quant aux possibilités d'investissements. Il ne s'agit pas de reculer. Cela peut engendrer un recul temporaire en matière d'emploi, mais peut avoir un effet de relance à court et à moyen termes.

Le président: Merci. Monsieur Drouin.

M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Merci, messieurs Melançon et Brice, de votre témoignage. Sans aller aussi loin que mon collègue, M. Mark, je vous demanderais si vous participez actuellement, de façon indirecte ou quelconque, au maintien de la gare ou du siège social chez vous. Sinon, est-ce que ce serait envisageable? Est-ce qu'il y aurait des possibilités que non seulement Montréal, mais aussi d'autres municipalités tout au long du corridor Québec-Montréal-Toronto-Windsor apportent une aide au chemin de fer lui-même? Avez-vous déjà envisagé cela?

• 1605

M. Pierre-Yves Melançon: Je vous dirais qu'à l'heure actuelle, non. Nous, de la ville, lorsque nous avons à travailler avec nos amis du chemin de fer, c'est beaucoup plus pour tenter de faciliter la rénovation de la gare. Cela s'est fait pour la Gare Windsor. On fait des efforts de cette nature, mais on ne fait pas d'investissements. Il y a actuellement un débat, et je pense que tout le monde le connaît, sur l'exemption de taxes foncières pour les entreprises ferroviaires. C'est un débat qui relève du gouvernement du Québec, dans le cadre de la Loi sur la fiscalité municipale, mais ce sont des revendications qui ont des incidences sur notre budget. Pour nous, l'incidence d'une telle exemption serait une diminution de revenus, dans les coffres de la ville, de l'ordre de 4 millions de dollars. Pour nous, 4 millions de dollars, c'est 1 ¢ par 100 $ d'évaluation.

Toutefois, des efforts sont tentés. Si on trouve une façon de réduire le fardeau fiscal du réseau ferroviaire, c'est un effort auquel nous pourrons éventuellement consentir, mais qui doit avoir une incidence sur la consolidation de la vocation ferroviaire pour l'ensemble de la région. Cela fait aussi partie du calcul et des discussions que nous avons avec le gouvernement du Québec.

M. Claude Drouin: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Casey.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Je vais passer mon tour et écouter, si vous me le permettez.

Le président: D'autres questions? Monsieur Bailey.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Merci.

Vous savez probablement que vous n'êtes pas le premier témoin à venir nous exposer les avantages de VIA Rail. Il est vrai que, d'un océan à l'autre, et en particulier dans le corridor central, on trouve de nombreux partisans de VIA Rail. Vous n'êtes pas différent des autres, en ce sens que vous nous avez donné les diverses raisons pour lesquelles vous appuyez VIA Rail et les avantages qui en découlent pour votre ville.

La dernière fois que nous nous sommes réunis, j'ai mentionné que, dans une perspective canadienne, VIA Rail est bien malade. Certaines parties de son corps sont vraiment très mal en point. Le service transcontinental, à mesure qu'on s'approche des régions peu peuplées du Canada, est une entreprise extrêmement déficitaire, c'est évident. Mais dans le corridor central de Windsor à Montréal, il y a un espoir. Malgré tous ses partisans et toutes les raisons de l'appuyer, VIA Rail est frappé par une maladie qui ne peut être guérie que par une injection massive, une injection périodique ou une dose périodique de ce remède que nous appelons l'argent. C'est le seul remède que je vois actuellement pour guérir VIA Rail.

Donc, à Montréal, si le reste échouait, ne pensez-vous pas que vous devriez envisager la situation sous un autre angle pour voir si un service ferroviaire rapide dans la ville et vers la périphérie est viable? Je ne pense pas que nous guérirons VIA Rail avant l'an 2000, et VIA Rail pourrait bien mourir de sa belle mort.

[Français]

Le président: Monsieur Melançon.

M. Pierre-Yves Melançon: Nous sommes bien conscients que la réalité canadienne se vit très différemment d'une région à l'autre et que, par conséquent, les régions peuvent être desservies plus ou moins adéquatement. Cependant, je n'oserais prétendre, et je ne voudrais pas qu'on croie que je veux éluder la question, qu'on doit décider, à partir de Montréal, ce qui doit se faire dans l'Ouest ou dans l'Est.

Pourtant, il me semble que dans la mesure où le gouvernement ou le comité suggère qu'il y ait une politique nationale en matière de transport des passagers par train, il y a forcément des réalités auxquelles il sera confronté. Il y a des régions éloignées au Canada et nous en sommes conscients.

Je ferai le parallèle, si vous me le permettez, avec ce qui s'est fait dans le cadre du recouvrement des coûts de la Garde côtière. Nous reconnaissons tous qu'il est important d'avoir une desserte maritime dans les territoires du Nord. Donc, dans ces circonstances, le gouvernement canadien a décidé qu'il était important de maintenir une forme de subvention au transport maritime. Pourtant, on a appliqué une politique de recouvrement des coûts sur la côte du Pacifique et sur celle de l'Atlantique, de même que le long du Saint-Laurent. Une décision a été rendue, qui témoignait de la reconnaissance de cette réalité. Il y a des gens qui vivent là, des gens qui ont besoin d'être alimentés par bateau. Donc, on le fait.

• 1610

Par rapport à la situation canadienne, je pense qu'il peut y avoir des solutions mixtes. Peut-être que les solutions dans l'Ouest canadien seront différentes, compte tenu des réalités et des infrastructures locales, de celles qu'on souhaiterait pour la région de Montréal ou pour Halifax ou Toronto? Je pense que là-dessus, il faut avoir de la souplesse. Je pense que vous êtes beaucoup mieux placés que moi pour connaître la réalité canadienne dans ses aspects particuliers.

En ce sens, je pense qu'il y a sûrement moyen de se donner un plan de match, si je puis dire, qui permettra au patient de survivre. Est-ce que cela supposerait des investissements majeurs? Lorsqu'il faudra décider de la politique concernant les trains passagers, je pense qu'il y aura des choix difficiles à faire. Mais il y a peut-être aussi un plan commun financier qui devrait être ajouté à cela, grâce auquel on pourrait envisager des solutions de partenariat entre secteurs privé et public, selon un certain nombre d'axes; on pourrait conserver des priorités transcontinentales tout en adoptant, sur le plan régional, divers accords de partenariat. Je pense que c'est le grand défi que vous avez à relever, comme membres du comité permanent. S'il nous est possible de contribuer à vous aider à notre façon, cela nous fera plaisir.

[Traduction]

Le président: Monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Oui, c'est un rapport intéressant. Vous avez déclaré, essentiellement, que vous seriez satisfait si VIA Rail songeait à créer une société d'État commerciale et si le gouvernement s'engageait à continuer de verser au moins la subvention de 170 millions de dollars par année.

J'ai fait trois constatations ici depuis que nous examinons ce dossier. Je crois que, peu importe la forme de cohabitation entre VIA et le CN et le CP, il faudra évidemment un plan d'exploitation détaillé. Il faudra trouver une structure de gestion qui permettra une prise des décisions coordonnée. Et il faut du bon matériel roulant.

Dans le corridor entre Windsor et Québec, la question des emprises ferroviaires se posera sans aucun doute parce que, sur certains tronçons, le CP a la meilleure voie et sur d'autres, c'est le CN. Essentiellement, le CN a la meilleure ligne de Toronto à Montréal. Entre Windsor et Toronto, c'est le CP. De là, une autre voie ferrée mène jusqu'à Montréal.

Le partage des voies est une idée, et j'aimerais que vous me disiez si vous pensez que c'est faisable. Le CN et le CP nous ont déclaré que si un train de voyageurs à haute vitesse circulait sur leurs voies, cela leur coûterait jusqu'à quatre ou cinq trains de marchandises. Ils sont évidemment en affaires pour transporter des marchandises et ils veulent être indemnisés. J'aimerais que vous m'indiquiez comment nous pourrions élaborer un plan d'exploitation détaillé pour rendre ce corridor viable.

[Français]

M. Pierre-Yves Melançon: M. Tellier l'a mentionné très clairement, je pense, lorsqu'il est venu témoigner devant le comité, en disant qu'on ne réglemente pas les voyageurs et qu'on ne réglemente pas les marchandises. Il y a donc une autre façon de le faire. Nous en sommes tout à fait conscients.

Je dirai peut-être une bêtise; il y a peut-être moyen, sur certains tronçons, de doubler ou de tripler les voies, si cela peut se faire, afin que lorsqu'il y a rencontre, un train ne soit pas obligé de s'arrêter pour laisser passer l'autre. Il y a peut-être moyen de faire les investissements nécessaires pour doubler ou tripler les lignes, non pas sur l'ensemble du réseau, mais à certains endroits. En ajustant les horaires, on pourrait peut-être en arriver à une meilleure cohabitation entre le fret et le passager.

Je ne sais pas si je dis des bêtises. Cependant, pour ce que je connais du réseau ferroviaire dans la région de Montréal, je me dis que c'est peut-être faisable. En milieu urbain, on ne peut pas ajouter une deuxième voie à celle qui existe déjà car il n'y a pas de place, mais c'est peut-être faisable à d'autres endroits.

• 1615

Pour ce qui est de la gestion, si ma mémoire est fidèle, cette possibilité d'avoir des droits d'utilisation dans le cadre des franchises a aussi été évoquée par le président de VIA Rail. Sur ce point, je serais porté à penser qu'il y a sûrement moyen de s'entendre sur des modalités avec les propriétaires des lignes de chemin de fer.

Cependant, il faut quand même se dire que le CN et le CP se font concurrence. Jusqu'à présent, c'est le CP qui était présent dans le port de Montréal. Dorénavant, le CN va aussi offrir des services, grâce à de nouvelles alliances stratégiques qu'il a conclues avec des armateurs européens. Donc, ils sont en concurrence.

Sommes-nous en mesure de les faire s'asseoir tous les deux à une même table pour s'entendre sur une forme de cohabitation ou de coexistence? Je sais qu'à un moment donné, ils voulaient, l'un et l'autre, s'acheter. Je ne sais pas qui voulait acheter l'autre. Je ne sais pas qui était la grenouille et qui était le boeuf. Mais je sais qu'ils voulaient le faire, même si cela ne s'est pas concrétisé.

Sur ce plan, est-ce que c'est l'intervention gouvernementale qui pourrait réaliser cela? Je n'ai pas de réponse plus précise que ce que je viens de vous dire. Monsieur Brice?

M. Stéphane Brice (adjoint de recherche, Ville de Montréal): À propos du partage des voies, on se rappellera que les deux sociétés à l'est de Winnipeg avaient envisagé de se fusionner. C'est donc dire qu'il y aurait eu des infrastructures excédentaires, à l'époque. Actuellement, on se retrouve au point où on n'a pas assez d'infrastructures pour convenir au train de passagers. Dans un autre contexte, on avait des infrastructures excédentaires. Il y a donc probablement moyen de faire une meilleure allocation des voies, quitte à ce que le CN utilise certains tronçons du CP ou vice versa.

On sait que VIA Rail utilise beaucoup plus les chemins de fer du Canadien National. Évidemment, si VIA Rail provoque plus d'obstruction sur les lignes du CN, celui-ci se trouve désavantagé, moins concurrentiel, comparativement au CP. Il faudrait probablement une solution et des accommodements qui fassent qu'ils ne se nuisent pas entre eux, pas plus l'un que l'autre.

C'est peut-être pour cela que M. Tellier a réagi plus fortement sur la question de la cohabitation, étant donné que c'est probablement le CN qui était visé davantage. Toutefois, la vérité, c'est qu'on disait avoir des voies excédentaires dans l'Est. Il faudrait peut-être qu'elles servent à quelque chose.

[Traduction]

Le président: Très brièvement, monsieur Calder.

M. Murray Calder: Cela m'amène à ma dernière question. Je ne vois pas vraiment la Ville de Montréal se mêler de la gestion des trains de voyageurs, mais cela pourrait relever de la structure de gestion. Les sociétés ferroviaires sont très sensibles aux taxes municipales sur leurs emprises. Bien souvent, le taux d'imposition est établi en fonction de la valeur marchande. Si nous nous engageons maintenant dans une véritable structure de gestion et avons un plan de redressement du transport ferroviaire des voyageurs, un allégement fiscal pour les sociétés qui élaborent cette stratégie du transport des voyageurs serait probablement le bienvenu. Au lieu de la taxation des emprises ferroviaires fondée sur la valeur marchande, j'aimerais que vous me donniez votre opinion sur la taxation des emprises, à la campagne ou dans la ville.

[Français]

M. Pierre-Yves Melançon: À l'heure actuelle, la taxation est structurée, pour les entreprises ferroviaires, d'une façon qui varie selon la municipalité. Elle était fonction de l'évaluation à l'intérieur de la municipalité et fonction de la valeur des terrains. Dans une petite municipalité éloignée, la valeur du terrain est moindre que, par exemple, en plein centre-ville de Montréal.

En ce sens-là, si la loi provinciale décrétait que le taux est uniforme indépendamment de la région de la province où on se trouve... C'est ce qu'on appelle le pelletage des factures par le gouvernement du Québec dans la cour des municipalités. Dans le débat au Québec, je suis convaincu que l'Union des municipalités serait aux aguets sur un tel point. Mais je pense que la voie est possiblement tracée dans cette direction, que le taux soit uniforme ou qu'il y ait un taux uniforme de zéro. Il y aurait donc exemption de taxes.

Comme on parle ici de politique canadienne, je sens que le débat constitutionnel va se rouvrir. Est-ce que le gouvernement fédéral pourrait s'assurer qu'il y ait uniformité dans l'ensemble du Canada? Est-ce que le gouvernement de l'Ontario serait d'accord, de même que le gouvernement du Nouveau-Brunswick et ainsi de suite, pour que le concept d'allègement fiscal pour les emprises ferroviaires soit identique d'un océan à l'autre?

• 1620

Il y a là un enjeu. Il y a aussi un enjeu par rapport à l'implantation d'entreprises dans chacune des provinces. On connaît le dynamisme de M. McKenna quand il essaie d'attirer des entreprises dans sa province, pour diverses raisons qui sont les siennes, bien sûr. À partir de là, il faut bien admettre qu'il y a des enjeux en cause. C'est vrai de l'Ontario qui offre des avantages, et du Québec qui en offre certains autres et ainsi de suite. Cela fait partie du jeu de la concurrence interprovinciale pour attirer des investissements étrangers.

Donc, je n'oserais pas traverser la frontière du Québec à propos de cet aspect, mais je pense que c'est une orientation dont il faudrait tenir compte pour voir comment il serait possible de la faire partager. Peut-être faudrait-il une conférence constitutionnelle des ministres des Transports au Canada.

Le président: Vous avez répondu très habilement.

Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Messieurs, je m'excuse d'avoir été absent lors de votre présentation, mais j'assistais à la réunion d'un autre comité. Pouvez-vous m'informer de la situation qui prévaut actuellement à Montréal relativement à la Gare centrale et à la Gare Windsor? Est-ce que les deux fonctionnent à pleine capacité en ce qui concerne les trains de passagers? Qu'est-ce qui se passe là?

M. Stéphane Brice: La Gare Windsor est affectée principalement aux trains de banlieue, alors que la Gare centrale reçoit tous les trains de VIA Rail plus une voie de trains de banlieue qui y aboutit. Cela découle d'une situation historique du partage entre le Canadien Pacifique et le Canadien National, selon lequel les lignes qui sont utilisées sont liées aux gares qui se trouvent là. Mais VIA Rail est concentré à la Gare centrale.

M. Roy Cullen: Avez-vous l'impression qu'il y a duplication de l'infrastructure ou si elle est bien organisée comme elle est?

M. Stéphane Brice: Si je me fie à la fois aux gens du CN et à ceux de la Saint-Laurent et Hudson maintenant, le partage des rails par les trains de banlieue semble faire leur affaire. Cela fait aussi la nôtre, jusqu'à un certain point, parce que ces deux entreprises se sont associées pour faire la promotion des trains de banlieue parce qu'elles ont des dessertes complémentaires, non pas concurrentielles, mais complémentaires.

En ce qui concerne le transport des personnes, je vous dirai que l'enjeu est beaucoup plus au niveau de l'intermodalité entre l'autobus, le taxi, la voiture et aussi les trains de banlieue pour ce qui est de la desserte des grandes régions. Il aurait été intéressant que Mme Adenot de l'Agence métropolitaine de transport ait pu se présenter ici pour vous en expliquer les tenants et aboutissants, mais il y a des enjeux financiers importants d'engagés. De plus, jusqu'à présent, les deux partenaires importants se sont associés dans un conseil des trains de banlieue pour la région de Montréal et ils travaillent de concert. Je présume que lorsqu'on réussit à travailler ensemble, c'est qu'on est satisfait de la situation.

[Traduction]

M. Roy Cullen: Pouvez-vous m'indiquer quelles régions sont servies par les trains de banlieue dans le West Island? Y a-t-il d'autres régions desservies? Ses services s'autofinancent-ils ou sont-ils subventionnés? Je pense aux trains de banlieue à partir de la Gare Windsor.

M. Stéphane Brice: Seul le West Island est servi à partir de la Gare Windsor. Le service du nord-ouest, vers Deux-Montagnes, s'effectue à partir de la Gare Centrale.

[Français]

M. Roy Cullen: Deux-Montagnes. Mais la plupart des services partent de la Gare Windsor, n'est-ce pas?

M. Stéphane Brice: Un peu plus de la Gare Windsor, mais c'est une question de marché. Le marché du West Island est légèrement plus important que celui du nord-ouest. Toutefois, cela tend à s'équilibrer.

[Traduction]

M. Roy Cullen: Les services s'autofinancent-ils ou sont-ils subventionnés par les gouvernements?

[Français]

M. Pierre-Yves Melançon: Ce sont des opérations subventionnées. Il y a un prix de base par passager; si ma mémoire est fidèle, c'est 1,35 $. Pour la communauté montréalaise, les subsides s'élèvent à 17 ou 18 millions de dollars pour les deux trains de banlieue.

• 1625

M. Roy Cullen: Est-ce la Ville de Montréal qui accorde ces subsides?

M. Pierre-Yves Melançon: C'est l'ensemble des municipalités ainsi que l'Agence métropolitaine de transport, qui dispose de fonds qui proviennent du 1,5 ¢ par litre d'essence qui est perçu dans l'ensemble de la région montréalaise et des droits sur l'immatriculation des véhicules automobiles. Le fonds général de l'Agence sert aussi à subventionner les trains de banlieue, le transport collectif, le métro, les voies réservées, etc.

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur Morrison.

M. Lee Morrison (Cypress Hills—Grasslands, Réf.): Merci.

Bon après-midi, monsieur Melançon. Il est intéressant que vous ayez abordé au passage le dossier de la Garde côtière. À titre de citoyen de l'Ouest, j'aimerais bien pouvoir vous faire une offre: je renonce au service transcontinental de VIA Rail et vous renoncez aux brise-glace subventionnés dans le port de Montréal et nous sommes quittes.

J'aimerais revenir sur la question qui a été soulevée par plusieurs témoins au sujet du contrôle municipal de VIA. Comme vous le savez, le gouvernement de l'Ontario s'est retiré récemment du train GO et l'a essentiellement délesté. Il l'a cédé aux municipalités en leur disant de se débrouiller pour continuer à offrir le service, sinon il allait disparaître. N'y a-t-il pas une possibilité, pas seulement pour la région métropolitaine de Montréal mais aussi pour toutes les municipalités visées, de se réunir, de former une société d'exploitation et d'offrir dans le corridor un service ferroviaire qui n'aurait pas de lien direct avec le reste du pays, qui serait tout à fait indépendant, de le considérer comme un métro géant qui roulerait jusqu'à Toronto?

En tant que conseiller municipal, ne croyez-vous pas que ce serait possible? Les municipalités du sud de l'Ontario devront trouver une solution de ce genre pour le train GO, qu'elles le veuillent ou non.

[Français]

M. Pierre-Yves Melançon: À l'heure actuelle, la plupart des municipalités font évidemment face, comme tous les gouvernements, à des contraintes financières extrêmement difficiles. On a tendance à ne pas vouloir augmenter le fardeau fiscal de nos contribuables.

Cependant, en parcourant l'histoire de nos municipalités, on constate que nous avons dû assumer certains types de responsabilités dont, par exemple, le transport collectif. Nous devons gérer, pour l'ensemble de la Communauté urbaine de Montréal, la Société de transport de la Communauté urbaine, qui est constamment en régie, pourrait-on dire. C'est-à-dire qu'elle est essentiellement et exclusivement régie par des employés appartenant à la Société.

Si on était en mesure de faire en sorte qu'on ait, sur le plan régional, une très bonne société de transport qui bénéficierait de l'apport financier des usagers et des municipalités, et le retrait des gouvernements pour ce qui est des subventions, je ne serais pas porté à vouloir que ces sociétés aient une expansion territoriale importante. Il me semble qu'à l'heure actuelle, les solutions en matière de gestion des transports collectifs devraient se diriger davantage vers ce qu'on pourrait appeler des sociétés d'économie mixte, où il y a des formes de partenariat entre le public et le privé.

Personnellement, je n'aurais pas tendance à encourager les municipalités à aller au-delà de leurs propres dessertes en vue de satisfaire aux besoins régionaux. Au-delà de cela, on risquerait de se retrouver à refaire l'histoire du CN, mais différemment. Je ne pense pas que cela puisse intéresser les municipalités. Nous aurions alors tendance à trop normaliser les règles de gestion et à ne pas pouvoir faire les ajustements nécessaires parce qu'on devrait satisfaire aux besoins de l'ensemble des régions du pays. En ce sens-là, je pense que ce serait un fardeau beaucoup trop important pour les municipalités.

Le président: Oui, monsieur Brice.

M. Stéphane Brice: À mon avis, les municipalités ne sont pas les juridictions appropriées pour gérer un système de trains passagers interurbains, d'autant plus que toutes les municipalités du corridor ne profitent pas du même niveau de service.

• 1630

Nous aurions beaucoup de difficulté à en arriver à un consensus sur la formule de partage des coûts. J'imagine que les villes qui n'ont pas de gare, mais où le chemin de fer passe, refuseraient de payer quoi que ce soit, tandis que les villes qui ont des gares seraient plus intéressées. Il serait donc plus approprié de demander aux villes de faire de la gestion municipale et de s'acquitter de l'entretien.

D'ailleurs, la taxe sur l'essence que perçoit le gouvernement fédéral n'est pas nécessairement investie dans le transport, tandis que celle que perçoivent les municipalités de la région de Montréal sert à financer nos trains de banlieue. Je crois que la taxe d'accise sur l'essence est largement excédentaire à la somme nécessaire pour financer un système comme VIA Rail.

Le président: Monsieur Melançon.

M. Pierre-Yves Melançon: Permettez-moi d'ajouter un détail. Habituellement, celui qui fournit les subventions est celui qui décide en dernière instance. Imaginez-vous la difficulté que nous avons lorsque les 25 municipalités de la Communauté urbaine doivent en venir à un consensus local sur la gestion des ordres de service. Si on augmente le nombre de décideurs le long d'un corridor majeur, on risque d'avoir un processus décisionnel, à partir des élus, qui sera tout particulièrement complexe et difficile à gérer. Quand vous investissez un dollar dans une entreprise, vous vous attendez à avoir un rendement pour votre dollar. Alors, imaginez-vous ce qui arrive lorsqu'on amplifie la situation.

Je rappelle aussi qu'il y a un mandat à la fois québécois et canadien. Le gouvernement du Canada a des responsabilités importantes en matière de transport ferroviaire, aérien et maritime. Ça relève de sa juridiction. Au niveau du Québec, on parle beaucoup plus du transport collectif ou du transport par camionnage, des responsabilités qui sont de la compétence du gouvernement provincial. Il est certain que les municipalités doivent offrir à leur population des services de transport collectif, et nous nous sommes effectivement dotés de sociétés de transport. Je ne saurais vous dire à quand remonte la première commission de transport de Montréal ni comment elle était constituée, mais j'imagine que c'est depuis ce temps-là qu'on offre des services de transport et qu'ils sont localisés. On ne saurait s'attendre à retirer des responsabilités à ceux qui doivent les assumer. Ce sont les mandataires élus qui doivent prendre des décisions et déterminer comment ils assumeront ces responsabilités.

[Traduction]

Le président: Monsieur Morrison.

M. Lee Morrison: M. Melançon vient de répondre à la question que j'allais poser.

[Français]

Le président: Passons maintenant au deuxième tour. Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Comme professeure d'histoire, je trouve que la situation est un peu ironique parce que certains historiens affirment que la Confédération a été faite essentiellement pour que les provinces s'allient afin de pouvoir emprunter ensemble pour que le train puisse développer l'Ouest.

Il faut donc d'abord qu'une volonté politique s'exprime ici, de concevoir le train voyageurs comme un élément de développement. C'est ça d'abord. Si on le perçoit uniquement comme un problème économique, je vous conseille de remettre tout cela entre les mains du Québec, qui essaiera d'en faire quelque chose, parce qu'on a l'intime conviction, au Québec, qu'on a besoin du train de voyageurs.

Je voudrais aussi vous demander si vous ne trouvez pas que VIA Rail pourrait se forcer un peu plus pour donner du service qui a du bon sens. J'ai souvent été une des usagers de VIA Rail et j'estime qu'il n'y a pas assez de trains, que les heures ne me conviennent pas et qu'on ne fait pas tout ce qu'on pourrait faire pour inciter un plus grand nombre de clients à utiliser le train.

Mes questions sont aux deux bouts: d'une part, l'histoire, et d'autre part, les horaires.

Le président: Je pourrais peut-être vous faciliter la tâche. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici: tout le monde s'entend pour dire que VIA Rail s'est grandement amélioré et perfectionné, et qu'il est au bout du chemin. Il ne peut pas en faire plus.

Mme Francine Lalonde: Avec les mêmes sommes d'argent, c'est ça.

M. Pierre-Yves Melançon: C'est ce qu'a reconnu le ministre, lorsqu'il est venu témoigner devant vous: on est rendu au bout du rouleau. VIA Rail a fait tous les efforts possibles et a fait face aux contraintes qui lui ont été imposées sans, disait-il, pour autant réduire les services à la population. Le président-directeur général de VIA Rail, M. Ivany, a dit pratiquement la même chose.

• 1635

Je vais vous répondre ironiquement. Aujourd'hui, le train allant à Ottawa partait à 10 heures. J'aurais été ici à 12 heures. L'autre partait à 15 heures. Donc, j'aurais été en retard. Est-ce qu'il y a des ajustements à faire par rapport à la clientèle? J'avais rendez-vous ici aujourd'hui à 15 h 30. Peut-être que VIA Rail n'a pas à modifier son horaire que pour moi ou pour nous.

Je pense que VIA Rail fait régulièrement des sondages de clientèle sur lesquels il se base pour faire son plan d'affaires.

Mme Francine Lalonde: C'est peut-être à cause du fret.

M. Pierre-Yves Melançon: Cela peut être à cause du fret, parce qu'il y a effectivement des difficultés de cohabitation.

Mme Francine Lalonde: Ah...

Le président: C'est un véritable problème et il a été identifié à maintes reprises. Madame Lalonde, vous avez terminé?

[Traduction]

Monsieur Mark.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

Dans votre rapport, vous indiquez qu'il y a actuellement 1 150 employés au siège social et aux services d'entretien de VIA à Montréal. Notre comité a le mandat de décider de l'avenir de VIA et vous avez entendu que cette société sera peut-être démantelée, par le franchisage et d'autres moyens. J'aimerais que vous me décriviez l'incidence actuelle de VIA Rail sur la ville. Je vous le demande parce que le pire scénario, c'est l'incidence monétaire advenant un départ de Montréal.

[Français]

M. Pierre-Yves Melançon: Je vais répondre à la question sur l'apport économique. Je vais y aller au pifomètre, mais on pourra, au niveau interne, transmettre aux membres du comité les détails plus précis. Il faut calculer le nombre d'employés: environ 1 800 personnes qui touchent un salaire moyen de 50 000 $. Il y a des bâtiments, des immeubles. Si ma mémoire est fidèle, dans le cas du CN, à l'époque, c'était... Stéphane, viens à ma rescousse.

M. Stéphane Brice: Tout dépend de l'époque.

M. Pierre-Yves Melançon: Quand on avait parlé du CN, on avait estimé la valeur de l'apport en termes de milliards de dollars. Il faut aussi calculer les achats que fait VIA, ses dépenses pour l'entretien des équipements, le nombre d'employés. Ce sont des sommes extrêmement importantes. Ce n'est pas comme Pratt & Whitney. Vous avez une entreprise qui a toute une série d'incidences. Elle ne fait beaucoup d'exportation, mais c'est une entreprise ferroviaire. Il y a donc l'entretien de son parc de véhicules, ainsi que tout le personnel au siège social, les immeubles, les propriétés, etc. Il faudrait vérifier, mais c'est forcément important.

[Traduction]

Le président: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président.

J'aimerais parler brièvement du service de transport collectif à Montréal. Étant donné que nous nous engageons dans des questions constitutionnelles toutefois, je ne me pardonnerais pas de ne pas mentionner l'une des tragédies très malheureuses qui surviennent au Canada actuellement. En ce qui concerne le service passagers et Montréal, je suppose que les passagers qui partent de Montréal sont plus nombreux que ceux qui y viennent.

Dans le cas du service vers le West Island à partir de la Gare Windsor, pensez-vous que le métro de Montréal s'étendra un jour au point de concurrencer complètement le train de banlieue vers le West Island? Dans l'affirmative, qu'arriverait-il du train de banlieue qui part de la Gare Windsor?

[Français]

M. Stéphane Brice: Le train de banlieue, surtout celui de l'ouest, n'est pas vraiment en concurrence avec le métro. Il n'y a aucune possibilité que le métro soit prolongé et double le train de banlieue. Ils ont chacun une vocation différente, complémentaire.

M. Pierre-Yves Melançon: Les coûts d'investissement pour la construction d'un tunnel de métro et d'un ajout seraient élevés. Compte tenu de la population montréalaise sur l'île, dont le nombre s'élève à approximativement 1,6 million ou 1,7 million, l'analyse des coûts et bénéfices indique qu'il ne serait pas justifié de construire des stations de métro additionnelles. Il y a peut-être des volontés politiques pré-électorales qui le suggèrent, mais ceci est d'un autre ordre.

• 1640

Cependant, même à cela, le choix de la mise en place de l'Agence métropolitaine de transport visait justement à s'assurer qu'il y ait une harmonisation dans le développement du transport collectif intermodal: autobus, taxis, voies réservées, métro et trains de banlieue. Quand on regarde les axes potentiels de développement des trains de banlieue, on constate qu'il y a une complémentarité avec le réseau actuel du métro. Donc, il n'y a pas de concurrence entre le train et le métro. Autrement, on se tirerait dans le pied ou on jetterait de l'argent à l'eau.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bailey.

M. Roy Bailey: Vous avez répondu à un grand nombre de questions et avec brio en ce qui concerne le rôle de la Ville de Montréal et ses liens avec VIA Rail ainsi que l'avenir de VIA Rail.

Imaginons la situation plutôt désagréable où le comité doit prendre une décision unilatérale ou faire une recommandation au sujet de l'avenir de VIA Rail. Supposons que ce soit une décision unilatérale. Si nous maintenons VIA Rail—il est évident, et nous sommes tous d'accord, que ce sera dans le corridor central—ne pensez-vous pas qu'au lieu que le gouvernement fédéral dicte une politique et vous dise: Voilà VIA Rail, prenez-le et soyez contents...? Ne semble-t-il pas plus logique de faire participer VIA Rail, le CN, le CP, la Ville de Montréal, la Ville de Toronto, les provinces, de nous asseoir autour de la même table et de chercher une solution ensemble?

Je ne crois vraiment pas que le gouvernement fédéral affirmera unilatéralement que c'est votre chemin de fer et que si vous n'êtes pas contents... Il me semble que vous êtes aussi importants à Montréal que les gens de Toronto ou de Windsor. Pourquoi ne pas créer un vaste comité—appelez-le comme vous voulez—entre Windsor et Montréal et voir ce que nous pouvons en tirer? Je ne crois pas qu'on puisse simplement prendre une décision et vous dire que c'est à prendre ou à laisser... Collaboreriez-vous à une entreprise de ce genre?

[Français]

M. Pierre-Yves Melançon: Ma réponse doit obligatoirement être oui. Nous sommes ici parce que nous voulons collaborer avec le comité parlementaire et le gouvernement canadien, et éventuellement avec VIA Rail.

Cependant, comme représentant de la Ville de Montréal, je me dis qu'il est important, à la fois pour l'offre de service que nous fait VIA Rail et aussi, bien sûr, pour la vitalité économique de Montréal et pour la préservation de son industrie ferroviaire et de l'ensemble de ses composantes, qu'on ait une politique pancanadienne du transport des passagers.

Cependant, les solutions économiquement viables peuvent varier d'une province à l'autre, dans les alliances stratégiques. Air Canada doit développer ses marchés internationaux par des alliances stratégiques au niveau aérien. C'est vrai pour toutes les entreprises. C'est la tendance actuelle du marché aérien. Au niveau ferroviaire, le marché est un peu plus réduit en termes d'acteurs pour des alliances stratégiques, mais rien n'empêche d'avoir une politique avec VIA Rail, qui dessert les grands corridors.

Je ne pense pas que les Canadiens soient opposés à contribuer au financement d'une politique canadienne dont chaque Canadien ne serait pas nécessairement le bénéficiaire. Je vais vous donner un exemple. Comme contribuable québécois, je paie l'assurance-maladie et je suis bien content de ne pas être malade. Mais je suis content de dépenser mon argent parce que je pense que tous les Québécois ont droit à un service de santé de base de qualité. Cependant, quand je vois ce qui se passe dans les hôpitaux, je me demande parfois si mon argent est bien dépensé. On peut rechercher une meilleure efficacité du service de santé. Comme Canadien, je pense qu'on doit avoir un service pancanadien minimal, qui dessert un certain nombre de régions, mais dans le modus operandi de VIA Rail, il peut y avoir des façons de faire qui soient différentes d'une région à l'autre.

• 1645

C'est une décision qui relève du gouvernement fédéral, qui s'inspirera peut-être des suggestions que vous lui ferez. Est-ce que le système de chemins de fer de passagers doit faire l'objet d'une politique pancanadienne, locale ou régionale? C'est une des grandes questions que devez poser et à laquelle vous devez sûrement répondre. Ce n'est pas une question facile.

Pour ma part, je pense qu'il doit y avoir une politique canadienne des trains de passagers. Comment cela se fait-il en pratique? On peut questionner cela et exiger qu'il y ait un plan d'affaires et des objectifs. À partir de là, on peut dire: «Écoutez, ce n'est pas suffisant; voici la façon dont on va corriger les choses.» Quand il y a eu la restructuration de toute l'industrie ferroviaire, des chemins de fer ont voulu se départir de certaines lignes. Au Québec, la solution a été de créer une Loi sur les chemins de fer d'intérêt local. Ces lignes ont été achetées et sont rentables. Donc, on peut conclure des alliances particulières qui peuvent varier d'une région à l'autre.

Je ne parlerai pas pour les gens de l'Ouest, de l'Est ou de l'Ontario, mais je peux vous parler de la région de Montréal. C'est une décision hautement politique, au même titre que les décisions qu'on a dû prendre sur nos politiques nationales en matière de santé, d'énergie, etc. afin d'assurer une certaine équité. C'est à vous de...

[Traduction]

Le président: Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): J'ai un bref commentaire qui découle en grande partie de l'intervention de M. Bailey. J'espère l'avoir mal compris. Il a indiqué qu'il était plus que probable que le marché serait conclu dans le corridor, et j'ai eu l'impression qu'il écartait tout service ailleurs.

M. Roy Bailey: C'est là qu'il survivra.

Mme Bev Desjarlais: Et je suis ravie que notre témoin réponde que c'est un tout et qu'il existe pour l'ensemble du Canada. C'est ainsi que je le comprends, en tous cas. Il n'a pas déclaré que Montréal prendrait cette part de choix qui sera rentable, parce que, pour être franche, je suis un peu égoïste. J'aimerais utiliser certains de ces fonds publics, parce que je sais qu'il en faudra dans certaines régions qui n'ont pas beaucoup de moyens financiers—et je pense plus particulièrement à Churchill et à Pukatawagan, où il n'y a pas d'autre moyen de transport.

D'un autre côté, il y a beaucoup de routes engorgées et je pense que nous devons trouver une solution à ce problème. Je pense que les contribuables canadiens ne sont pas tout à fait conscients des sommes qu'ils consacrent aux routes et qu'ils ne consacrent pas au transport ferroviaire des voyageurs. Je pense que, si l'on savait présenter le problème sous le bon angle, ils seraient très prêts à investir dans un réseau de trains de voyageurs—probablement davantage qu'ils ne font actuellement, mais seul l'avenir nous le dira.

Le président: Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président.

Durant le premier mandat du gouvernement actuel, lorsque j'ai été élu en 1993, il y avait une ligne secondaire sur le point de fermer dans ma circonscription. Elle allait de Collingwood à Barrie, puis à Orillia et on prévoyait la démanteler. J'ai travaillé avec les municipalités et nous avons élaboré une stratégie municipale pour acheter la voie et les emprises ferroviaires. Les municipalités de Collingwood, de Barrie et d'Orillia et toutes les petites villes et les villages des alentours ont participé. Nous avons réussi et cette ligne fonctionne actuellement. Essentiellement, les municipalités la louent à une compagnie de chemin de fer secondaire, qui s'en sort très bien.

Je m'occupe d'une autre ligne dans la nouvelle circonscription qui est la mienne durant ce mandat, et ce dossier avance bien lui aussi.

Donc, pour le moment—si nous nous en tenons au corridor, parce c'est évidemment de cela qu'il s'agit actuellement, c'est un bon point de départ quant à la stratégie qui pourrait fonctionner dans le reste du pays—nous avons de grands intervenants, ceux qui seront touchés. Il y a le Canadien National, le Canadien Pacifique et VIA. Les organismes publics en cause sont essentiellement le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Il y a aussi la province de Québec et les municipalités. D'autres parties intéressées pourraient être les fournisseurs de matériel ferroviaire. Évidemment, si VIA cesse d'offrir son service, il y a d'autres parties intéressées, qui vont des promoteurs immobiliers jusqu'au train à grande vitesse.

Ma question porte sur l'imposition des emprises ferroviaires de manière à obtenir un taux uniforme entre le point A et le point B. Ce serait évidemment utile pour VIA, parce que cela rationaliserait un des coûts d'exploitation, soit les taxes foncières. Je sais que nous avons une responsabilité en ce qui concerne l'amortissement du matériel roulant, la taxe sur le carburant et que sais-je encore et que nous réfléchirons à tout cela également.

• 1650

Si vous êtes si intéressés par ce corridor, êtes-vous prêts à participer activement à cette stratégie?

[Français]

Le président: En toute justice, c'est une question qui est très difficile parce que M. Melançon n'a pas le mandat de prendre des engagements, mais peut-être pourrait-il parler de cette question en général.

M. Pierre-Yves Melançon: La Ville de Montréal n'a pas l'intention de se désengager de toute forme de collaboration. On a fait des efforts. Par exemple, lorsqu'on a parlé de la possible fermeture des ateliers de l'AMF, la Ville a fait des efforts importants avec plusieurs partenaires pour trouver une façon de sauver les ateliers.

On est prêts à collaborer. Cela ne veut pas dire qu'on va investir de l'argent. Cela ne veut pas dire qu'on accepterait autre chose ou qu'on s'impliquerait en termes de partenariat avec d'autres. Cependant, la Ville a toujours dit oui à la collaboration, et je pense qu'on ne se défilerait pas devant une responsabilité semblable.

Ce qui est important, c'est que vous ayez suggéré des solutions. Vous avez eu une menace. Nous avons vécu la menace des ateliers. Vous avez vécu une fermeture de ligne. Vous avez trouvé une solution qui était la vôtre, qui correspondait à votre façon de faire, ainsi que le montage financier nécessaire à la survie. Vous dites que ça fonctionne bien maintenant.

Dans ce genre de situation, il faut essayer d'être en amont des crises. C'est ce que j'ai cru comprendre de l'attitude du ministre quand il est venu témoigner ici et disait: «On arrive au bout, on est essoufflés et on va se donner le temps nécessaire. Ce n'est pas quand on sera en état de crise qu'on va commencer à réfléchir intelligemment. On va le faire en amont du processus.» Je trouve que c'est une approche qui est tout à fait acceptable, intelligente, etc.

En politique, on a toujours tendance à essayer de le faire, mais ce sont plutôt les crises qui nous rejoignent. Donc, si on est capables de collaborer, on va le faire de notre mieux, dans le respect des mandats des uns et des autres. Je pense que la démarche canadienne est une bonne démarche. La façon de faire est à trouver. Elle n'est pas évidente. Je pense qu'on est sur les bons rails pour aller dans la bonne direction.

Le président: Bien dit.

On va faire un troisième tour. Vous pouvez poser des questions d'une minute. Veuillez prendre note des questions afin de pouvoir y répondre en même temps, s'il y en a.

[Traduction]

Nous allons passer à un troisième tour de questions d'une minute. Les témoins répondront à toutes les questions en même temps, s'il y en a.

[Français]

Personne? Cela indique que vous avez bien répondu aux questions. Lorsque les témoins tournent autour d'une question, il faut reposer la question de huit différentes manières. S'il n'y a plus de questions, c'est parce que vous avez été très ouvert avec nous. On l'apprécie. On vous invite à faire des commentaires de clôture si vous le désirez.

M. Pierre-Yves Melançon: Merci. J'ai beaucoup apprécié les questions. Vous êtes des politiciens. On nous reproche souvent d'essayer de faire dévier la conversation, mais si on est capables de répondre le plus directement possible aux questions, la qualité de nos politiciens et politiciennes s'en trouvera rehaussée.

Le président: Vous avez soulevé plusieurs excellentes questions. Il y en a une en particulier qui n'avait pas été soulevée auparavant. C'est qu'on peut doubler les voies en territoire rural, mais on semble toujours penser que si on ajoute une autre voie, il faut le faire tout le long. Ce n'est pas nécessaire. Cela pourrait être une solution très intéressante parce qu'il y a des façons modernes de changer les directions.

Merci beaucoup. Nous avons beaucoup apprécié votre participation à tous les deux.

M. Pierre-Yves Melançon: Merci. Cela nous a fait extrêmement plaisir. Au plaisir de collaborer à nouveau avec le Comité des transports. En fait, j'en ai pour jusqu'au 1er novembre. On verra par la suite. On est en période électorale.

[Traduction]

Le président: Merci.

La séance est levée.