Privilège / Immunité contre toute forme d'intimidation

Menace de refus de collaborer ou de communiquer certains renseignements, à moins que le député ne soumette ses questions orales à des fonctionnaires avant de les poser à la Chambre

Débats pp. 1559-61

Contexte

Le 6 février 1984, M. Cooper (Peace River) soulève une question de privilège au sujet de la conversation téléphonique d'une fonctionnaire du bureau du président de la Société canadienne des postes avec un membre de son personnel. M. Cooper, qui est porte-parole de l'Opposition pour la Société canadienne des postes, prétend que ce fonctionnaire est intervenu de façon déplacée, reprochant au bureau de M. Cooper de n'avoir pas soumis au bureau du président de la Société canadienne des postes les questions que le député entendait poser à la Chambre, et indiquant que si ces questions n'étaient pas préalablement soumises au service du président à l'avenir, M. Cooper devrait renoncer à toute forme de collaboration de la part de la société. Pour M. Cooper, on a essayé de porter atteinte à sa liberté de parole, d'infléchir son action à la Chambre et de l'empêcher de s'acquitter pleinement de son rôle de porte-parole de l'Opposition officielle. Il s'agit donc d'une atteinte à ses privilèges et d'un outrage au Parlement. M. Ouellet (ministre du Travail), responsable de la Société canadienne des postes, promet de faire enquête sur les allégations de M. Cooper et d'en faire rapport à la Chambre dès que possible. Le Président prend l'affaire en délibéré en attendant l'issue de l'enquête du ministre.

Le 9 février 1984, M. Ouellet signale à la Chambre qu'il s'est entretenu avec la fonctionnaire en cause, laquelle a nié avoir proféré des menaces. Le ministre déclare que d'après les explications qu'il a obtenues, les allégations de M. Cooper ne lui semblent pas fondées. Dans sa déclaration à la Chambre, le ministre conteste également la validité de la question de privilège de M. Cooper, dans la mesure où elle repose sur une conversation entre un de ses collaborateurs et une fonctionnaire de la Société canadienne des postes, conversation à laquelle le député n'a pas lui-même participé.

Le 14 février 1984, le Président recueille d'autres arguments et annonce qu'il réserve sa décision pendant quelques jours.

Question en litige

Une situation dans laquelle un fonctionnaire menace de refuser de collaborer ou de fournir certains renseignements à un député, à moins que celui-ci ne lui communique préalablement les questions qu'il entend poser à la Chambre, peut-elle, de prime abord, servir de fondement à une question de privilège ?

Décision

Oui. Il s'agit, à première vue, d'une question de privilège. [La motion est rejetée à l'issue d'un vote par appel nominal tenu au cours de la même journée.]

Raisons invoquées par le Président

Un fonctionnaire qui menace un député de lui refuser des renseignements ou sa collaboration empêche ce député d'exercer ses fonctions, et il s'agit donc d'une atteinte à ses privilèges. Il n'est pas nécessaire que le fait assimilable à une forme d'intimidation soit commis contre le député en personne pour constituer une violation de privilège. La présidence admet que le député et le ministre exposent tous les deux les faits tels qu'ils les conçoivent honnêtement, « mais lorsqu'un député affirme que son aptitude à exercer ses fonctions a été diminuée, la présidence se doit de tenir pleinement compte de la preuve, c'est-à-dire en l'espèce, de la déclaration péremptoire du député, qui affirme que les choses se sont déroulées comme il les a relatées ». Dans les circonstances, la présidence n'a d'autre choix que de déclarer qu'à priori, il y matière à soulever une question de privilège.

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Sources citées

Journaux, 4 septembre 1973, p. 532.

Beauchesne, 5e éd., p. 23, c. 67; p. 24, c. 74.

May, 20e éd., pp. 156-8.

Références

Journaux, 21 septembre 1973, p. 567.

Débats, 4 septembre 1973, pp. 6179-81; 6 février 1984, pp. 1101-6; 9 février 1984, pp. 1234-5; 14 février 1984, pp. 1382-4.