Les comités / Rapports des comités

Recevabilité sur le plan de la procédure; limitation du débat; attribution de temps; régularité des délibérations; droits de la minorité; droits de la majorité; non-ingérence du Président dans les délibérations; conduite du président de comité; précédent : définition

Débats, p. 10074-10076

Contexte

Le 30 mars 1990, le Comité permanent des finances présente à la Chambre son rapport sur le projet de loi C-62, Loi visant à mettre en œuvre la taxe sur les produits et services[1]. Plus tard le même jour, M. Nelson Riis (Kamloops) invoque le Règlement pour exprimer des réserves sur la recevabilité du rapport étant donné la façon dont les délibérations du Comité ont été conduites sur le plan de la procédure[2]. Le député rappelle tout d'abord à la Chambre la question de privilège qui a été soulevée le 21 mars 1990 au sujet de la conduite du président du Comité, M. Don Blenkam (Mississauga-Sud), et la décision rendue à ce sujet le 26 mars 1990[3]. Il demande ensuite à la présidence si la décision que le président du Comité a prise le 20 mars 1990 lorsqu'il a imposé la limitation du débat fait précédent, si un président de comité peut imposer la clôture ou l'attribution de temps sans mettre cette décision en délibération et sans demander le consentement du Comité, si l'étude que le Comité des finances a faite du projet de loi C-62 est entachée d'une irrégularité suite à la décision du président et, enfin, si le rapport du Comité est toujours recevable à la Chambre.

Plusieurs députés interviennent sur cette question. Certains contestent l'interprétation de M. Riis sur la recevabilité du rapport sur le plan de la procédure alors que d'autres expriment des réserves sur les mesures prises par le président du Comité et s'interrogent sur les droits de la minorité et ceux de la majorité. Le Président suppléant (l'hon. Steven Paproski) prend l'affaire en délibéré. Le 2 avril 1990, le Président rend une décision qui est reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président: Le 30 mars 1990, le député de Kamloops a invoqué le Règlement pour exprimer sa préoccupation au sujet de la recevabilité, sur le plan de la procédure, du rapport du Comité des finances portant sur le projet de loi C-62, qui concerne la taxe sur les produits et services.

Le député a rappelé que, le 21 mars, on avait soulevé la question de privilège à la Chambre à propos de la conduite du président du Comité permanent des finances, le député de Mississauga-Sud. La présidence s'est prononcée à ce sujet le 26 mars.

Le député a déclaré que, comme le rapport et les témoignages du Comité étaient maintenant officiellement déposés à la Chambre, c'était le moment de contester la recevabilité du rapport, recevabilité qui, selon lui, dépend de la régularité des délibérations.

Dans ses observations, le député de Kamloops a soulevé un certain nombre de questions importantes. Beaucoup d'autres députés des deux côtés de la Chambre ont également présenté de solides arguments sur différents aspects de la situation. En tant que Président, je suis conscient de la vive préoccupation que suscitent cette affaire et les événements qui se sont déroulés au Comité des finances pendant la nuit du 20 mars 1990.

Un côté de la Chambre soutient que, bien que l'opposition ait le droit de s'opposer, le gouvernement a le droit et, en fait, la responsabilité de gouverner et de faire avancer son programme législatif. Dans cette optique, le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre (M. Albert Cooper) a soutenu que le président du Comité des finances avait l'obligation de maintenir l'ordre en mettant un terme à l'obstruction faite par l'opposition, permettant ainsi au Comité d'étudier et de mettre aux voix chaque article du projet de loi et d'en faire rapport à la Chambre, comme il en avait le mandat.

L’autre côté de la Chambre soutient que la majorité a le droit de gouverner, mais que ce droit n'est pas absolument sans entraves. Comme le député de Kamloops et d'autres l'ont affirmé, par les règles qu'elle adopte pour la conduite de ses travaux, la Chambre elle-même impose certaines restrictions au droit de la majorité et assure ainsi la protection des droits de la minorité. Ils prétendent que certains actes du président du Comité des finances enfreignent ces règles établies et qu'il faudrait par conséquent déclarer le rapport irrecevable du point de vue de la procédure, pour qu'un solide précédent interdise à un président de comité de prendre des décisions arbitraires.

Votre Président est éminemment conscient du caractère délicat des questions que soulèvent cette affaire et du message que cette décision transmettra aux autres comités de cette législature et de celles qui suivront.

Qu'on me permette de donner le point de vue de la présidence sur les répercussions de cette affaire en matière de procédure.

Je vous répéterai un commentaire que j'ai fait dans ma décision du 26 mars [1990], à la page 9756 du Hansard, et je cite :

Le Président a souvent informé la Chambre que les incidents et les points de procédure qui interviennent en comité devraient être réglés en comité, à moins que le comité ne fasse d'abord rapport à la Chambre. J’ai toutefois dit à la Chambre que cette pratique n'avait pas un caractère absolu et que, dans des circonstances spéciales très graves, le Président peut devoir se prononcer sur une question intéressant un comité bien que le comité n'ait pas fait rapport à la Chambre.

À titre d'information, je signale que le Comité des finances n'a pas fait rapport d'une présumée atteinte aux privilèges ni de quelque autre irrégularité que ce soit. Il fait simplement rapport du projet de loi C-62 avec des propositions d'amendement.

La présidence doit rappeler une fois de plus que, normalement, la Chambre n'est saisie d'incidents survenus aux comités que lorsqu'il lui en est fait rapport. Je renvoie les députés au commentaire 76 de la cinquième édition de Beauchesne et je donne comme exemple le rapport que le Comité des affaires indiennes et du développement du Nord a déposé le 28 avril 1987[4].

Toutefois, comme je l'ai expliqué le 26 mars 1990, la présidence accepte de juger de situations extraordinaires qui peuvent survenir au comité sans qu'il en soit fait rapport officiellement.

Voyons pour commencer la première question concrète que la présidence doit trancher, celle de savoir si le rapport du Comité permanent des finances sur le projet de loi C-62 est recevable. J'ai étudié avec soin les arguments invoqués par le député de Kamloops ainsi que les observations formulées par le député de Kingston et les Îles (M. Peter Milliken) et par celui d'Edmonton-Est (M. Ross Harvey). J'ai également examiné une décision mentionnée par le député de Kamloops qui a été rendue, il y a environ 70 ans, relativement au pouvoir du Président de se reporter aux délibérations d'un comité pour déterminer si un rapport est recevable. Le Président Rhodes dit à la page 4469 du Hansard du 1er juillet 1919 :

L’objection relative aux procédures faites devant le comité aurait dû être soulevée devant le comité. La Chambre n'étant saisie de ces procédures que par le rapport qu'elle a reçu du comité, et ce rapport ne parlant aucunement de question soulevée au comité, je dois décider qu'elle ne peut aller au-delà du rapport qui est en sa possession. Le rapport du comité paraissant régulier, je décide que l'objection n'est pas fondée et que nous devons nous guider d'après le rapport du comité tel qu'il paraît devant nous.

J'ai longuement réfléchi au droit du Président d'aller au-delà du rapport à la Chambre et d'examiner ce qui s'est réellement passé au comité mais, comme le Président Rhodes, je conclus que la présidence ne pouvait procéder ainsi dans le cas d'un rapport dont la recevabilité n'est pas en cause. Il importe que les députés et le public qui nous regarde comprennent qu'aucune des plaintes soulevées ne portait sur le rapport même du Comité. Dans le cas présent, personne n'a soutenu que les amendements ou le projet de loi n'avaient pas été adoptés à la majorité.

Malgré l'insistance des députés indignés par ce qui s'est passé au Comité, la présidence doit résister à la tentation d'aller au-delà du rapport pour mettre en question d'autres façons de procéder. Cela ne ferait que miner l'indépendance traditionnelle des comités. Le Président risquerait ainsi qu'on s'adresse à lui pour en appeler des décisions prises par ses homologues des comités permanents, spéciaux et législatifs, particulièrement dans les cas controversés et les débats politiques vigoureux comme celui-ci. Ni notre Règlement ni nos usages ne prévoient un tel rôle pour le Président. Cela dit, je ne peux que répéter la position que j'ai prise le 26 mars.

Comme le Président de la Chambre, le président d'un comité est le serviteur du corps qui l'a élu. Il répond de ses actes devant le comité, et c'est là que l'on devrait normalement se prononcer sur sa conduite tant que le comité n'a pas, le cas échéant, choisi de faire rapport à la Chambre.

Voilà la tradition de la Chambre des communes canadienne. Pour respecter cette tradition, je devrai donc éviter de faire des interventions sur la conduite du député de Mississauga-Sud et laisser le Comité donner suite à cette affaire, s'il le désire.

Le Comité a décidé, à la majorité, de ne pas soumettre son dilemme à la Chambre, et je ne peux pas substituer mon jugement au leur.

Toutefois, sur la question de savoir si cette affaire constitue un précédent, je veux être sûr de m'être bien fait comprendre. Dans leur ouvrage intitulé An Encyclopedia of Parliament, Norman Wilding et Philip Laundy expliquent qu'un précédent est :

Soit une décision antérieure de la présidence, soit une procédure ou un usage bien établi qui fait autorité ou qui sert d'exemple dans un cas semblable[5].

Dans la décision que j'ai rendue le 26 mars [1990, à la page 9757 des Débats], j'ai statué sur la question de savoir si un incident survenu en 1984 dans les travaux du Comité permanent de la justice et des questions juridiques constituait un précédent, et je cite :

[...] Ce qui s'est produit ne consiste qu'en une série d'événements et de décisions prises en comité par la majorité. Ni la Chambre, ni le Président n'ont accordé à ces incidents quelque valeur de précédent en matière de procédure. On doit faire preuve de circonspection avant d'attacher à de tels faits et incidents la qualité de balises en matière de procédure.

Le même raisonnement s'applique dans le présent cas. La majorité des membres du Comité permanent ont appuyé la décision du Président. La controverse qui s'en est suivie et qui continue de préoccuper la Chambre et la présidence ne peut nous amener à juger cet incident comme une procédure bien établie. Le Règlement actuel n'est pas assez explicite sur la conduite des délibérations. Bien sûr, les députés savent que des mécanismes sont prévus pour réviser ces règles et recommander des modifications.

Post-scriptum

Le 30 avril 1990, le Comité permanent des finances dépose son quatrième rapport dans lequel il recommande « d'examiner les règles de procédure qui ont trait à la limitation des débats lorsque les travaux d'un comité sont dans l'impasse » et que cette proposition soit soumise au Comité permanent des privilèges et des élections. Le rapport est adopté le même jour[6] et, par conséquent, le Comité des privilèges et des élections est saisi de cette question. Le vingt-cinquième rapport du Comité permanent des privilèges et des élections intitulé « Procédure relative à la clôture des débats en comité » est déposé à la Chambre le 20 mars 1991 mais n'a jamais été adopté.[7]

F0906-f

34-2

1990-04-02

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[1] Journaux, 30 mars 1990, p. 1443.

[2] Débats, 30 mars 1990, p. 10003-10020.

[3] Cette décision est traitée dans le présent chapitre.

[4] Voir, dans ce chapitre, la décision du 14 mai 1987.

[5] N. Wilding et P. Laundy, An Encyclopedia of Parliament, 4e éd., Londres: Cassell, 1972, p. 570.

[6] Journaux, 30 avril 1990, p. 1612-1613.

[7] Journaux, 20 mars 1991, p. 2727.