Les règles du débat / Divers

Documents : pratique établie pour l'utilisation des « bleus »

Débats, p. 1904-1905

Contexte

Le 6 novembre 1986, au cours d'une discussion sur un rappel au Règlement soulevé par l'hon. Allan McKinnon (Victoria) à propos de pétitions, M. Doug Lewis (secrétaire parlementaire du vice-premier ministre et président du Conseil privé) cite des commentaires de députés qui ont présenté des pétitions plus tôt ce jour-là.

Plus tard au cours de la discussion, M. Marcel Prud'homme (Saint-Denis) attire l'attention de la présidence sur une ancienne pratique de la Chambre voulant qu'un député qui n'a pas participé à un débat sur une motion ou une résolution ne puisse obtenir un exemplaire de la transcription préliminaire, mieux connue sous le nom de « bleus ». Il signale aussi qu'il croyait qu'un député ne pouvait avoir en sa possession les « bleus » du discours d'un autre député tant qu'ils n'ont pas été diffusés. Il demande au Président de rendre une décision à ce sujet.

En réponse aux commentaires de M. Prud'homme, M. Lewis déclare qu'avec la télévision, on peut facilement réentendre un moment particulier des délibérations et le transcrire ensuite. Le Président décide de prendre l'affaire en délibéré et mentionne la pratique habituelle au sujet des « bleus » tout en précisant qu'il s'agit d'une question qui pouvait nécessiter d'autres discussions en raison des répercussions de l'enregistrement électronique[1].

Le 9 décembre 1986, le Président rend sa décision dont le texte complet est reproduit ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président: Le 6 novembre, au cours d'un débat sur un rappel au Règlement concernant les pétitions, le député de Saint-Denis a signalé à la présidence que le secrétaire parlementaire du vice-premier ministre et président du Conseil privé semblait citer les feuillets bleus. Le député de Saint-Denis a rappelé à la Chambre que, selon un usage de longue date, il était interdit de citer les « bleus » dans le cours d'un débat; on ne peut citer que le seul compte rendu officiel: les Débats de la Chambre des communes ou Hansard.

L’honorable secrétaire parlementaire a fait remarquer que, grâce à la télévision et à la nouvelle technologie disponible, il est maintenant possible de réentendre un discours ou une intervention et d'en faire la transcription et de l'utiliser plus tard dans un débat le jour même.

La présidence est heureuse d'informer l'honorable député de Saint-Denis que la pratique habituelle a bel et bien été respectée par le Hansard; les « bleus » de l'honorable député de Windsor-Walkerville (M. Howard McCurdy) ou de l'honorable député de Winnipeg-Nord-Centre (M. Cyril Keeper) n'ont pas été fournis par le Hansard au secrétaire parlementaire ou à un autre député. En effet, comme on peut le constater à la page 1149 des Débats du 6 novembre, lors de la discussion en Chambre, le secrétaire parlementaire n'a pas dit qu'il citait des « bleus ».

La plus récente décision de la présidence qu'on a pu trouver sur l'utilisation des feuillets bleus dans le cours d'un débat remonte au 2 décembre 1976, juste avant l'avènement de la télévision à la Chambre des communes. Le Président Jerome a réaffirmé l'interdiction de citer les « bleus » au cours des délibérations[2]. La raison en est bien évidente. Les feuillets bleus sont les notes des sténographes auxquelles il est souvent apporté des corrections pour former le compte rendu officiel. Il ne serait pas raisonnable de donner une place dans le débat à des épreuves qui risquent de prendre, le lendemain, une forme définitive différente. En tant que Président de la Chambre, je me sens lié par cette pratique et je continuerai de rappeler aux députés qu'ils doivent s'abstenir de citer autre chose que le compte rendu officiel de la Chambre.

Cette décision place cependant la Chambre dans une position délicate : grâce à la transmission électronique, les députés peuvent se procurer le texte de discours prononcés Je jour même et ils peuvent en citer des extraits pendant le débat sans les relier au compte rendu officiel. Voici dans quel dilemme nous nous trouvons : la présidence applique-t-elle une pratique dépassée par la technologie? Ce faisant, elle encourage les députés à faire indirectement ce qu'ils ne sont pas censés faire directement. En outre, Je citoyen canadien moyen qui possède un magnétoscope et qui reçoit la transmission des débats des Communes peut enregistrer n'importe quelle partie des délibérations et la repasser instantanément. Bien que le Hansard demeure Je compte rendu officiel des délibérations, sa parution 24 heures plus tard ne répond plus à la demande d'information d'un public de plus en plus pressé et averti sur le plan technologique.

La présidence croit donc fermement, tout en maintenant l'interdiction d'avoir recours aux « bleus » qu'il est temps que le Comité permanent des élections, des privilèges et de la procédure étudie la question des« bleus », de leur distribution et de leur rapport avec le Hansard officiel et ce que l'on appelle le hansard électronique. Mes prédécesseurs ont souvent demandé pareil examen et, bien que j'aie eu la tentation de l'entreprendre, j'ai décidé que je ne devais rien imposer à la Chambre dans ce domaine, car il est très important. J'espère recevoir bientôt des directives à ce sujet du Comité permanent et de la Chambre.

Je remercie beaucoup les députés de leurs interventions, spécialement l'honorable député de Saint-Denis et les autres parce qu'il s'agit d'une question très importante. Aussi, j'espère que l'invitation de la présidence pour considération en comité de cette question très importante recevra l'appui des députés de la Chambre des communes.

F0712-f

33-2

1986-12-09

[1] Débats, 6 novembre 1986, p. 1147-1151.

[2] Débats, 2 décembre 1976, p. 1601.