Les règles du débat / Décorum

Tenue vestimentaire d'un député : pratique établie

Débats, p. 10941-10942

Contexte

Le 15 février 1990, l'hon. Charles Caccia (Davenport) se voit refuser la parole lors du débat sur une motion du gouvernement relative aux droits linguistiques parce que, selon le président suppléant (l’hon. Steven Paproski), sa tenue n'est pas réglementaire[1] . Le 19 février, M. Caccia soulève une question de privilège à ce sujet en prétendant qu'on l'a privé de l'occasion de participer au débat. Il ajoute que parce qu'il n'a pas obtenu la parole à ce moment-là, le débat a pris fin et la motion a été mise aux voix et adoptée. D'autres députés qui désiraient intervenir ont ainsi été dans l'impossibilité de le faire.

M. Caccia se demande si l'institution du Parlement est bien servie lorsque le vêtement est plus important que le débat. Il affirme que les femmes ont le droit de se vêtir de différentes façons, selon la mode et les tendances du moment, et il se demande si la même latitude ne pouvait pas être accordée aux hommes. Il demande donc au Président de songer à renvoyer l'affaire devant le Comité permanent des privilèges et des élections et de rendre une décision afin que les députés sachent à quoi s'en tenir jusqu'à ce que le Comité fasse rapport.

Le Président déclare que la question a déjà été soulevée à maintes reprises et dit comprendre que le député se plaigne de n'avoir pu participer, à cause de sa tenue vestimentaire, à un débat qui allait se terminer faute d'intervenants. Il prend la question en délibéré et il indique qu'il fera rapport à la Chambre et au député aussitôt que possible[2].

Le 3 mai 1990, le Président rend sa décision. Celle-ci est reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président : Le lundi 19 février, le député de Davenport a invoqué la question de privilège parce qu'on lui avait refusé l'autorisation de participer au débat le jeudi précédent, soit le 15 février, alors que la Chambre étudiait la motion du gouvernement relative aux droits linguistiques. À ce moment-là, le président suppléant avait refusé de donner la parole au député de Davenport parce qu'il n'était pas vêtu convenablement.

Le député a demandé à la présidence de reconsidérer son interprétation traditionnelle de la pratique de la Chambre qui veut que les députés du sexe masculin portent le veston et la cravate. Dans son intervention, le député a souligné la latitude laissée aux femmes, qui ont le droit de se vêtir, a-t-il dit, « de différentes façons, selon la mode et les tendances du moment ».

Le député a également cité le vice-président, qui, le 14 décembre dernier, a mentionné l'ouvrage de Beauchesne, où il est question des pratiques que les députés sont tenus de respecter en matière vestimentaire[3]. Le député a toutefois souligné qu'il s'agissait d'une pratique et non d'une règle. C'est un fait qu'on ne peut nier, mais il s'agit en l'occurrence d'une pratique bien établie.

Des exceptions ont été faites à l'occasion, mais toujours dans le contexte de la pratique acceptée. Des députés, membres du clergé, ont sollicité le droit de porter leur col distinctif au lieu de la cravate et des députés qui avaient subi une blessure ont demandé qu'on les dispense de porter le veston ou la cravate pendant les courtes périodes où leur blessure rendait la chose impossible. J'aimerais signaler les cas de ce genre qui sont récents, soit celui du député de Humber­ Sainte-Barbe-Baie Verte (M. Brian Tobin) et du député de Trois-Rivières (M. Pierre Vincent)[4].

Ces exceptions, comme je l'ai dit, ont confirmé la pratique en question. La présidence se prononce périodiquement depuis plus de 60 ans en faveur de la pratique courante, et j'estime qu'il ne m'appartient pas en tant que Président de passer outre à cette pratique.

S'il y a lieu de la changer et si le député de Davenport veut la faire changer, je l'exhorterais à insister en ce sens auprès du Comité permanent des privilèges et des élections. Ce Comité a le pouvoir de faire enquête sur les règles et les pratiques de cette Chambre et il peut faire des recommandations visant à les modifier dans la mesure où il le juge à propos. La Chambre peut ensuite décider s'il y a lieu d'adopter ces recommandations. Le député voudra peut-être envisager cette façon de procéder.

Je dois dire à regret qu'il m'est impossible de conclure que la question soulevée par le député constitue une question de privilège valable.

F0710-f

34-2

1990-05-03

[1] Débats, 15 février 1990, p. 8414.

[2] Débats, 19 février 1990, p. 8485-8486.

[3] Débats, 14 décembre 1989, p. 6908.

[4] Le cas de M. Vincent est consigné dans les Débats du 5 avril 1990, p. 10242-10243, mais le Hansard reste muet sur celui de M. Tobin.