Le privilège parlementaire

Introduction

La Chambre jouit collectivement, tout comme les députés à titre individuel, de droits et d’immunités sans lesquels ils ne sauraient, ni elle ni eux, s’acquitter de leurs fonctions. Ces droits et immunités, qui ne se prêtent pas facilement à une classification, se regroupent sous le titre de « privilège parlementaire ». Dès qu’un député croit qu’il a été porte atteinte à ses droits de député ou qu’un outrage à la Chambre a été commis, il soulève une question de privilège pour protester. En exposant ses arguments, le député soutient que la violation de privilège a une telle importance qu’elle doit avoir préséance sur tous les autres travaux de la Chambre. Il appartient alors au Président de juger du bien-fondé de la plainte, c’est-à-dire de déterminer si elle mérite, de prime abord, ou dans la mesure où les premiers éléments permettent d’en juger, un examen immédiat.

Pour évaluer la plainte, le Président entend d’abord un exposé succinct de la part du député qui soulève la question; il peut ensuite, sans y être contraint, entendre les commentaires d’autres députés. Le Président Fraser procédait généralement ainsi et intervenait souvent dans les échanges pour ramener l’attention des députés sur le point précis en litige. Même si, en théorie, le débat sur une question de privilège ne commence, à proprement parler, qu’une fois que le Président a statue qu’il y a de prime abord matière à soulever une question de privilège, celui-ci est la plupart du temps précédé en pratique de longues discussions et généralement la décision du Président règle l’affaire. Par exemple, dans le cas des huit questions de privilège soulevées sous la présidence de John Fraser qui ont paru fondées a première vue, seulement deux des motions autorisées par le Président après avoir rendu sa décision ont fait l’objet d’un débat; les six autres ont été mises aux voix sans débat. Conjuguée au fait que les décisions du Président sont sans appel, cette tendance donne à la présidence beaucoup d’autorité et une responsabilité correspondante. C’est pourquoi, sauf dans les cas les plus clairs, le Président Fraser prenait habituellement l’affaire en délibéré après l’exposition initiale de l’affaire en litige afin de pouvoir revenir devant la Chambre pour rendre une décision éclairée.

Avant de prendre ce genre de décision, le Président examine les faits et les arguments invoqués à la Chambre et revoit habituellement les règles, les textes faisant autorité en la matière et la jurisprudence. De plus, au cours de ses délibérations, le Président Fraser avait parfois dans ses appartements des discussions avec les députés intéressés. Il est également bon de rappeler que, en dehors du bien-fondé de la plainte, la décision du Président peut dépendre d’autres facteurs, comme le libellé de la motion que le député veut présenter et la preuve que la question a été soulevée à la première occasion, que le préavis requis a été donné et que la question a été soulevée au moment opportun.

La décision, d’abord de laisser les questions soulevées déterminer l’organisation de la matière à l’intérieur du chapitre puis de faire appel à deux types de classification, l’une d’ordre procédural, l’autre d’ordre thématique, pour tenter de faire ressortir le lien inévitable entre les deux, a précédé la préparation de ce recueil. Pour faciliter ce genre d’intégration, des décisions au sujet de certaines questions de privilège ne figurent pas dans le chapitre sur le privilège parlementaire, mais plutôt dans un chapitre ou elles cadrent mieux. Plusieurs décisions rendues en réponse à des questions de privilège relatives aux comites se retrouvent, par exemple, dans le chapitre sur les comites; de même, les décisions qui ont trait aux délibérations sur le budget ou les crédits apparaissent dans le chapitre sur la procédure financière tandis que celles concernant les affaires en instance judiciaire se trouvent dans le chapitre sur les règles du débat. Il en résulte que le présent chapitre se divise en deux parties. La première — Les droits de la Chambre — porte sur les questions qui visent l’ensemble des députés, tandis que la seconde — Les droits des députés — traite de ce qui touche les députés à titre individuel. À l’intérieur de ces deux grandes divisions, les décisions sont regroupées de façon thématique.