Recueil de décisions du Président Andrew Scheer 2011 - 2015

Le processus législatif / Étapes

Dépôt et première lecture : recevabilité; projet de loi prétendument de forme incomplète; sommaire

Débats, p. 2803–2804

Contexte

Le 6 février 2014, Nathan Cullen (Skeena—Bulkley Valley) invoque le Règlement au sujet du projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et modifiant certaines lois en conséquence. M. Cullen, citant un contenu contradictoire dans les versions anglaise et française du sommaire, prétend que le projet de loi est de forme incomplète et que l’ordre portant deuxième lecture doit donc être révoqué, conformément au Règlement. Peter Van Loan (leader du gouvernement à la Chambre) réplique qu’étant donné que le sommaire n’est pas considéré comme faisant partie du projet de loi et que la version présentée à la Chambre et affichée sur le site Web est correcte, le projet de loi est, dans la forme voulue. Après avoir entendu d’autres députés, le Président suppléant (Bruce Stanton) prend la question en délibéré[1].

Résolution

Le Président rend sa décision le 10 février 2014. Il déclare que l’incohérence dans le sommaire se trouve uniquement dans l’exemplaire anticipé et qu’elle a été corrigée dans la version officielle du projet de loi déposée à la Chambre et affichée sur le site Web du Parlement du Canada. Le Président confirme aussi que le sommaire ne fait pas partie, à proprement parler, du projet de loi. Rappelant à la Chambre qu’un projet de loi est jugé incomplet s’il porte uniquement un titre ou que sa rédaction n’est pas terminée, il se dit convaincu que le projet de loi C-23 est en bonne et due forme.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à me prononcer sur le rappel au Règlement soulevé le 6 février 2014 par l’honorable leader à la Chambre de l’Opposition officielle concernant la forme du projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et modifiant certaines lois en conséquence.

Je remercie l’honorable leader à la Chambre de l’Opposition officielle d’avoir soulevé cette question, ainsi que l’honorable leader du gouvernement à la Chambre des communes et la députée d’Abitibi—Témiscamingue de leurs commentaires.

Le leader à la Chambre de l’Opposition officielle a affirmé qu’une importante erreur s’était produite lors de la rédaction et du dépôt du projet de loi, à savoir qu’il existait une discordance entre les versions française et anglaise du sommaire. Plus précisément, il a expliqué que la notion d’exemption, qui est un élément central de la partie en question du sommaire, était absente de la version française.

Pour appuyer sa prétention selon laquelle le projet de loi est, de ce fait, dans une forme incomplète, il a invoqué un passage de la page 728 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, où il est dit ceci :

Le Président a déjà donné instruction d’annuler l’ordre de deuxième lecture de certains projets de loi après avoir découvert qu’on ne leur avait pas donné leur forme finale et qu’ils n’étaient donc pas prêts à être présentés.

Il a également invoqué l’article 68(3) du Règlement[2], qui prévoit ceci : « Aucun projet de loi ne peut être présenté en blanc ou dans une forme incomplète ». Il a aussi indiqué que dans des cas pareils, on ne pouvait régler le problème en faisant des corrections sur un site Web ou dans les réimpressions des projets de loi.

L’honorable leader du gouvernement à la Chambre a répliqué que le sommaire n’est pas considéré comme faisant partie du projet de loi et que, pour cette raison, la présence d’une erreur, même grave, ne peut constituer un motif permettant de conclure que le projet de loi est de forme inacceptable. Il a cité des précédents pour illustrer que les Présidents n’avaient auparavant retiré des projets de loi que lorsque ceux-ci n’étaient pas dans leur forme définitive ou même rédigés, signalant que, le 17 mai 1956, le Président Beaudoin avait conclu que pour être dit de forme incomplète, un projet de loi devait comporter des blancs.

L’honorable leader du gouvernement à la Chambre a par ailleurs affirmé que le libellé était correct dans la version du projet de loi que la Chambre était en train d’étudier ainsi que dans la version affichée sur Internet.

En attirant l’attention des députés sur la discordance qui se trouvait dans le sommaire de l’exemplaire anticipé du projet de loi, le leader à la Chambre de l’Opposition officielle nous a rappelé l’importance d’une rédaction adéquate. À ce sujet, on peut lire ce qui suit à la page 720 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition :

L’édiction d’une loi par le Parlement est l’aboutissement d’un long processus qui commence par la proposition, la formulation et la rédaction d’un projet de loi. La rédaction du projet de loi est une étape cruciale de ce processus — étape qui oblige les décideurs et rédacteurs à prendre soigneusement en considération des contraintes qui, si elles ne sont pas respectées, peuvent avoir des conséquences néfastes sur l’interprétation et l’application éventuelles de la loi et sur le bon déroulement du processus législatif.

Il est donc réconfortant de savoir que les députés prennent leur responsabilité au sérieux et qu’ils examinent soigneusement les projets de loi dont est saisie la Chambre.

Cela dit, je me dois d’informer les députés que, dans la version officielle du projet de loi, celle qui a été imprimée et qui se trouve sur notre site Web, la notion d’exemption n’a pas été omise. Autrement dit, la discordance repérée par le leader à la Chambre de l’Opposition officielle a été attrapée et corrigée dans la version du projet de loi dont la Chambre est officiellement saisie. Il semble donc, pour cette raison, que l’affaire soit résolue.

Or, j’aimerais prendre un instant pour ajouter que le sommaire n’est pas en soi considéré comme faisant partie du projet de loi. Cela est dit très clairement à la page 733 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, où l’on peut lire ceci :

Le sommaire est une récapitulation exhaustive et habituellement succincte de la substance du projet de loi. Il propose un « résumé clair, factuel et impartial de l’objet du projet de loi et de ses principales dispositions ». Le sommaire vise à favoriser la compréhension du projet de loi, dont il ne fait pas partie.

De plus, les autorités en matière de procédure et la jurisprudence sont sans équivoque quant à ce qui constitue un projet de loi de forme incomplète. À la page 728 de l’ouvrage d’O’Brien et Bosc, on peut lire ceci :

Un projet de loi en blanc ou de forme incomplète est un projet de loi qui se résume à un titre ou dont la rédaction n’est pas terminée.

Dans les circonstances actuelles, la présidence est convaincue que le projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et modifiant certaines lois en conséquence, est en bonne et due forme.

Je remercie les honorables députés de leur attention et j’espère que les références que j’ai fournies leur seront utiles pour l’étude du projet de loi tout au long de son cheminement dans le processus législatif.

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[1] Débats, 6 février 2014, p. 2678–26802714–2715.

[2] Voir l’annexe A, « Dispositions citées : Règlement de la Chambre des communes », article 68(3).

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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