Privilège parlementaire / Droits des députés

Protection contre l’obstruction et l’ingérence : député qui se serait faussement présenté dans une annonce

Débats, p. 3961–3962

Contexte

Le 24 mars 2014, Isabelle Morin (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine) soulève une question de privilège. Elle allègue qu’en publiant une annonce dans un journal local pour inviter les habitants de plus d’une circonscription à le rencontrer pour discuter avec lui de sujets d’intérêt, Marc Garneau (Westmount—Ville-Marie) tentait de se présenter faussement à eux comme étant leur député, ce qui avait un impact sur la capacité de Mme Morin à représenter ses propres électeurs. D’autres députés font des observations et le Président prend la question en délibéré[1]. Le 25 mars 2014, M. Garneau répond qu’il a clairement indiqué dans son annonce quelle circonscription il représentait et que, étant donné qu’un grand nombre de ses électeurs habitent dans la zone où le journal en question est distribué, son invitation était légitime. Un autre député fait aussi des observations sur l’affaire[2].

Résolution

Le Président rend sa décision le 27 mars 2014. Il déclare n’avoir rien trouvé donnant à penser que M. Garneau se soit faussement présenté dans son annonce, ait déformé la vérité ou créé de la confusion dans l’esprit des électeurs ni que la députée ayant soulevé la question ait été empêchée d’exercer ses fonctions. Par conséquent, il conclut que l’affaire ne constitue pas de prime abord une question de privilège.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée le 24 mars 2014 par l’honorable députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine au sujet des récentes publicités qu’a fait paraître l’honorable député de Westmount—Ville-Marie.

J’aimerais remercier la députée d’avoir soulevé la question, ainsi que le leader à la Chambre de l’Opposition officielle et les députés de Beauséjour et de Westmount—Ville-Marie de leurs interventions.

Le 24 mars, l’honorable députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine a expliqué que, tout récemment, l’honorable député de Westmount—Ville-Marie avait fait paraître des publicités dans des journaux locaux afin d’inviter les électeurs à le rencontrer à l’occasion d’une discussion publique pour parler des questions qui les préoccupent. Elle a fait valoir que l’invitation ne visait pas seulement la circonscription du député, soit Westmount—Ville-Marie, mais également la sienne, Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, ainsi que la circonscription de Montréal-Ouest. Elle a ensuite ajouté que cette invitation était une tentative implicite du député de Westmount—Ville-Marie de se présenter comme le député de Notre-Dame-de-Grâce et de Montréal-Ouest, et que cette publicité entravait son travail de députée dans sa circonscription. La députée a également soutenu qu’elle considérait cette publicité comme un moyen de cibler de futurs électeurs, ce qui viole les règles de la Chambre interdisant l’utilisation des ressources de celle-ci à des fins électorales.

Dans sa réponse, le député de Westmount—Ville-Marie a contesté l’allégation de la députée selon laquelle il se serait faussement présenté à d’autres personnes. Il a souligné qu’en fait, le journal en question, le Free Press de NDG, était distribué dans les deux circonscriptions, et qu’il avait indiqué très clairement dans la publicité quelle circonscription il représentait. Il a aussi soutenu que, comme leurs circonscriptions respectives étaient voisines et que, par le fait même, elles avaient certaines préoccupations en commun, il était tout à fait acceptable d’inviter tous les citoyens à discuter de leurs préoccupations communes.

Comme les députés le savent, pour pouvoir déclarer qu’il y a, de prime abord, matière à question de privilège, il est essentiel d’établir précisément de quelle manière un député a été empêché de s’acquitter de ses fonctions parlementaires.

Ainsi qu’on le mentionne dans l’ouvrage d’O’Brien et Bosc, à la page 109 :

Pour qu’il y ait à première vue matière à question de privilège, la présidence doit être convaincue que les faits confirment les propos du député selon lesquels il a été gêné dans l’exercice de ses fonctions parlementaires et que la question a un lien direct avec les délibérations du Parlement.

Une décision rendue par le Président Milliken en 2004 a été présentée comme étant un précédent pertinent dans le cas présent. Or, après une analyse plus étroite, on constate que cette décision portait sur une affaire impliquant une fausse assertion.

Dans l’affaire qui nous occupe, j’ai soigneusement examiné la publicité en question et constaté qu’il y est très clairement indiqué que l’invitation provient du député de Westmount—Ville-Marie. D’ailleurs, la députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine a elle-même admis que le député de Westmount—Ville-Marie ne s’était pas fait passer pour le député de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine.

La députée a par ailleurs déclaré :

Faire des relations communautaires non seulement dans sa circonscription, mais aussi à l’extérieur fait bien sûr partie du travail d’un représentant politique.

Les députés et, bien entendu, la population canadienne conviendront de la véracité et de l’importance de cette déclaration, comme l’a fait le député de Westmount—Ville-Marie lorsqu’il a dit :

[…] notre priorité commune devrait être l’intérêt de nos électeurs.

Je signale à la députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine qu’il n’est pas du tout inhabituel non seulement qu’un député communique avec les électeurs d’un autre comté, mais également qu’il les rencontre. Par exemple, il y a à peine quelques semaines, son collègue, le député de Welland, s’est rendu dans la localité de Raymore dans ma propre circonscription de Regina—Qu’Appelle, où il a participé à une assemblée publique réunissant des citoyens des alentours.

Cela montre bien que les députés essaient de transcender les limites de leur circonscription pour le plus grand bien de tous.

Il ne semble donc pas raisonnable d’affirmer que le seul fait de faire paraître une publicité invitant les lecteurs — dont certains s’adonnent à habiter dans une autre circonscription — à venir rencontrer un député contrevient aux règles et constitue une atteinte au privilège.

La présidence n’a pu trouver aucune preuve démontrant qu’on a fait de fausses déclarations ou déformé la vérité, ou qu’on a pu semer la moindre confusion dans l’esprit des électeurs. En l’absence de telles preuves, je ne puis conclure qu’il y a eu atteinte à la capacité de la députée de Notre-Dame-de-Grâce—Lachine d’exercer ses fonctions parlementaires.

Pour ces raisons, je ne puis conclure qu’il y a, de prime abord, matière à question de privilège.

Je remercie les députés de leur attention.

Certains sites Web de tiers peuvent ne pas être compatibles avec les technologies d’assistance. Si vous avez besoin d’aide pour consulter les documents qu’ils contiennent, veuillez communiquer avec accessible@parl.gc.ca.

[1] Débats, 24 mars 2014, p. 3756–3758.

[2] Débats, 25 mars 2014, p. 3844–3845.