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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie et de la technologie


NUMÉRO 110 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 12 février 2024

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Français]

    Je déclare la séance ouverte.
     Bonjour à tous et à toutes et bienvenue à la 110e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride conformément au Règlement.
    Je souhaite la bienvenue à tous les témoins présents aujourd'hui.
    De l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists, nous accueillons Eleanor Noble, présidente nationale, qui est accompagnée de Marie Kelly, directrice générale nationale. Nous accueillons également Me Stéphanie Hénault, directrice des affaires juridiques à l'Association nationale des éditeurs de livres, ainsi que Marie‑Julie Desrochers, directrice générale de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles. De la Guilde canadienne des réalisateurs, nous accueillons Dave Forget, directeur général national, et Samuel Bischoff, responsable des politiques et des affaires règlementaires. Enfin, de Music Canada, nous accueillons Patrick Rogers, président-directeur général.

[Traduction]

     Je vous remercie d'être des nôtres en ce lundi matin, qui nous approche de la fin de notre étude du projet de loi C‑27. Déjà, je vois que vous suscitez beaucoup d'enthousiasme dans la salle. Je vous remercie donc de prendre le temps de nous éclairer par votre témoignage et vos réponses à nos questions aujourd'hui.
     Sans plus tarder, nous commençons par Mme Noble, pour cinq minutes.
     La parole est à vous.
    Je m'appelle Eleanor Noble, et je suis la présidente nationale de l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists.
    Je vous remercie de l'occasion de m'adresser à votre comité au nom des 30 000 membres de notre syndicat. Je suis accompagnée aujourd'hui de Marie Kelly, notre directrice exécutive nationale. Elle m'aidera à répondre à toutes vos questions.
    Depuis plus de 80 ans, l'ACTRA représente des artistes professionnels du Canada qui donnent vie à des histoires canadiennes. Nous jouons un rôle essentiel dans une industrie de près de 14 milliards de dollars qui viabilise 240 000 emplois par année. Nous sommes venus à votre comité aujourd'hui parce que nous sommes préoccupés par l'utilisation de l'intelligence artificielle et de technologies du même type dans une industrie.
    Soyons clairs. L'utilisation responsable de la technologie dans notre industrie présente certains aspects positifs. Cela dit, nos membres craignent de plus en plus l'utilisation effrénée et débridée de l'intelligence artificielle dans notre industrie et ailleurs, qui risque d'être lourde de conséquences et néfaste pour la capacité de travailler et de gagner sa vie dans l'audiovisuel.
    L'an dernier, nous avons mené un grand sondage sur l'impact de l'IA, l'intelligence artificielle auprès de nos membres. Sauf en contexte de négociations collectives, nous n'avons jamais eu plus de réponses à un sondage auprès de nos membres. Permettez-moi de vous faire part de quelques-uns des constats de haut niveau: 98 % des artistes-interprètes de l'ACTRA craignent l'utilisation abusive de leur nom, de leur image ou de leur ressemblance par l'IA; 93 % des répondants craignent que l'IA finisse par remplacer les acteurs humains, en commençant par le travail de fond et le doublage.
    Nous avons déjà vu de vrais exemples d'utilisation préjudiciable. Il a été porté à l'attention de l'ACTRA l'an dernier que la voix d'une artiste-interprète d'âge mineur de l'ACTRA a été téléchargée sur une liste de voix de synthèse de texte en intelligence artificielle dans un site Web public qui permettait aux utilisateurs de manipuler sa voix et lui faire dire des vulgarités cotées R. Une mineure, je vous le rappelle! C'est inacceptable.
    De même, un artiste-interprète de l'ACTRA dans un jeu vidéo a été téléchargé par les joueurs qui, grâce à l'IA, ont réussi à manipuler la voix du personnage et à lui faire dire des obscénités et accomplir des actes sexuels, tout cela à l'insu et sans le consentement de l'acteur. Cette vidéo est restée en ligne pendant deux ans avant que l'acteur en apprenne l'existence et que l'ACTRA, mise au courant, n'intervienne.
    Ce sont là deux exemples seulement des manipulations préjudiciables auxquelles sont confrontés les artistes-interprètes, voire de nombreux Canadiens. Je pense que nous, les Canadiens, sommes convaincus que ces violations sont extrêmement préjudiciables. Ce projet de loi vous donne l'occasion de nous protéger, et c'est ce que nous attendons de vous.
     Nous sommes heureux de constater que le gouvernement applique une approche multidimensionnelle pour évaluer l'impact de l'IA. Nous croyons qu'il est important de mettre à jour le régime de protection de la vie privée au Canada et de mettre en place un cadre qui permettra le développement et le déploiement de l'IA en tenant compte des dangers que pourraient éventuellement présenter leurs technologies.
    Nous tenons à féliciter le gouvernement d'avoir présenté le projet de loi C‑27. En particulier, nous appuyons votre intention d'exiger le consentement de l'artiste-interprète à l'utilisation de ses données biométriques, comme son nom, son image et sa ressemblance. Nous espérons que la clarté exigée dans le consentement éclairé facilitera le travail que nous faisons pour veiller à ce que l'industrie ne piège pas les artistes-interprètes pour les forcer à renoncer à leurs droits.
    Votre comité doit aller encore plus loin dans ce projet de loi afin de clarifier le type de préjudice que les artistes subissent souvent. Non seulement l'IA cause des préjudices personnels à des artistes-interprètes comme moi, mais encore elle menace aussi nos moyens de subsistance et nos réputations. Dans le secteur du divertissement, notre réputation — y compris notre nom, notre image et notre ressemblance — est tout ce que nous avons. Nous sommes la marque, que nous protégeons. La différence entre décrocher un emploi un jour et en louper un le lendemain peut se résumer aux détails les plus infimes, comme la réputation.
    Malheureusement, le projet de loi C‑27 ne tient pas compte des atteintes à la réputation. La définition de « préjudice », qui inclut le « préjudice psychologique » ou la « perte économique subie par un individu », n'englobe pas suffisamment le préjudice à notre réputation. En raison de la nature de nos activités, il se peut que nous ne soyons pas en mesure de faire la preuve d'un cas exact de perte de travail en raison d'un hypertrucage ou d'une manipulation, mais il ne fait aucun doute que l'atteinte à la réputation d'un artiste entraîne une perte réelle et tangible dans sa carrière.
    Nous avons soumis à votre comité la formulation que nous proposons pour corriger cette lacune dans le projet de loi. Nous vous exhortons fortement à modifier la définition de « préjudice » afin de protéger les droits des artistes-interprètes par ce projet de loi.
(1105)
     Enfin, le gouvernement doit prendre des mesures pour modifier d'autres lois afin d'atténuer le préjudice que cause l'IA aux artistes-interprètes canadiens. Plus précisément, nous croyons que la Loi sur le droit d'auteur joue fondamentalement contre les artistes-interprètes en ne leur reconnaissant pas un droit moral. Nous engageons le Comité à agir sans tarder dans le contexte de ce projet de loi ou ailleurs, pour protéger les artistes-interprètes canadiens. Nous savons que le prochain projet de loi d'exécution du budget pourrait contenir des modifications à la Loi sur le droit d'auteur, et nous vous demandons de sensibiliser la ministre des Finances à l'urgence d'y prévoir des droits moraux pour les artistes, comme pour les musiciens.
    Mesdames et messieurs, nous reconnaissons que ce projet de loi ne fait qu'effleurer la surface des outils de politique publique dont dispose le gouvernement dans ce dossier. Nous vous exhortons à nous prendre au sérieux. Notre secteur est un moteur économique au Canada, avec de vrais travailleurs qui s'efforcent de gagner leur vie et de contribuer à la vie culturelle canadienne. Nous comptons sur les législateurs que vous êtes pour veiller à ce que nous puissions être protégés et continuer à travailler aujourd'hui et demain.
    Merci. Mme Kelly et moi serons heureuses de répondre à vos questions.

[Français]

     Merci beaucoup, madame Noble.
    Madame Hénault, vous avez la parole.
     Au nom de l'Association nationale des éditeurs de livres, je vous remercie de me recevoir à l'occasion de cette étude qui porte sur la première initiative législative visant à réglementer spécifiquement les systèmes d'intelligence artificielle au Canada.
    Je m'appelle Stéphanie Hénault et je suis directrice des affaires juridiques de l'Association, qui regroupe les maisons d'édition de livres francophones au pays. Avec l'association qui représente les auteurs au Québec, l'Union des écrivaines et des écrivains québécois, nous avons créé la société québécoise de gestion collective des droits de reproduction Copibec. Celle-ci offre aux utilisateurs et aux titulaires de droits des solutions adaptées à la gestion de droits et de redevances. Associés à la plus grande fédération d'éditeurs au monde, l'International Publishers Association, nous promouvons l'édition comme vecteur de développement économique, culturel et social, et demeurons à la fine pointe de son évolution. En participant collectivement à d'incontournables foires et salons internationaux, en accueillant des éditeurs, des libraires et des journalistes étrangers au pays ainsi que de nombreux projets structurants, nous multiplions les actions qui favorisent le rayonnement du livre franco-canadien.
    Voici quelques exemples. Nous avons créé l'Entrepôt ANEL‑De Marque, qui a permis le développement fructueux d'un modèle commercial complémentaire à celui de l'imprimé, et nous appuyons nos membres pour la mise en œuvre de stratégies numériques favorisant leur essor. Concrètement, nous promouvons le livre dans tous ses formats dans les pays francophones et encourageons sa traduction en Allemagne, en Argentine, en Chine, en Égypte, en Espagne, aux États‑Unis, au Mexique, en Islande, en Suède, en Serbie et en Turquie, pour ne nommer que ces pays.
    Plus la littérature canadienne se fait connaître à l'international, plus elle séduit les lecteurs. Plus elle se fait remarquer par les jurys, plus elle est primée et plus elle se vend sur tous les continents, y compris dans notre propre pays. Les quelques chiffres qui suivent illustrent le succès du livre francophone canadien. Au Québec seulement, la vente de livres neufs représente un marché d'environ 680 millions de dollars par année. Au Québec toujours, la part de marché des maisons d'édition francophones représente 50 % des ventes, même si quelque 900 éditeurs étrangers y distribuent leurs livres.
    À l'ère de l'intelligence artificielle, l'ensemble du secteur canadien du livre a plus que jamais besoin que vous le souteniez en établissant des politiques et des programmes actualisés et en encourageant l'offre légale de contenus dans ce domaine.
    C'est pourquoi nous avons pris part activement à la récente consultation portant sur l'intelligence artificielle générative et le droit d'auteur, en faveur du développement responsable de l'intelligence artificielle. Nous l'avons fait avec Access Copyright, l'Association of Canadian Publishers, l'Association des éditeurs de langue anglaise du Québec, la Canadian Authors Association, le Canadian Publishers' Council, Copibec, le Literary Press Group of Canada, le Regroupement des éditeurs franco-canadiens, le Writers' Union of Canada, l'Union des écrivaines et des écrivains québécois, ainsi qu'avec nos autres partenaires réunis au sein de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles.
     Le secteur mondial de l'édition s'appuie sur le droit d'auteur, en particulier le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire l'utilisation d'œuvres et d'accorder des licences moyennant rémunération. Ces droits sont engagés lorsque des œuvres sont intégrées dans des systèmes d'intelligence artificielle et lors de l'utilisation de ces systèmes si des œuvres y sont reproduites. Pour les titulaires, la faculté d'accorder ou non la permission d'en faire ces utilisations est aussi importante que la compensation pouvant en découler, en particulier quand la production du système d'intelligence artificielle concurrence l'œuvre, s'y substitue ou porte atteinte au droit moral de l'auteur, pour ne nommer que ces préjudices.
    Au Royaume‑Uni, en Europe et sur le marché nord-américain, on assiste à une multiplication d'actions pour violation du droit d'auteur contre des modèles d'intelligence artificielle ou à la conclusion d'accords commerciaux pour concéder sous licence du contenu pour la fouille de textes et de données.
    Au Canada, l'octroi de licences pour la fouille de textes et de données est un marché naissant. Nous implorons le gouvernement, au nom du secteur du livre, d'encourager celui-ci en modifiant la partie 3 du projet de loi C‑27 afin qu'il soit clairement établi que l'intelligence artificielle doit se développer et se déployer de manière responsable, et ce, de la façon suivante: premièrement, en appliquant des procédures qui garantissent le respect de la législation sur les droits d'auteur lors de l'entraînement de ses modèles; deuxièmement, en ayant des obligations de transparence comme la publication et la mise à disposition d'informations sur les contenus intégrés dans son système; et finalement, en précisant de façon claire et explicite dans ses propres conditions de licence avec ses utilisateurs que ceux-ci sont tenus de respecter le droit d'auteur.
    Dans les cas de contrefaçon impliquant un développeur, un fournisseur ou un utilisateur d'intelligence artificielle, la Loi sur le droit d'auteur offre des recours aux titulaires pour en disposer. Cependant, en amont, la législation encadrant spécifiquement l'intelligence artificielle doit au minimum énoncer la nécessité de respecter la propriété intellectuelle des Canadiens. Autrement, le marché canadien des droits risque d'être touché encore plus négativement, alors que des systèmes vont se développer et se déployer de manière opaque, injuste et illégale.
(1110)
    J'espère être bien claire: nous ne sommes pas contre l'intelligence artificielle, mais nous soutenons que tous les acteurs du marché canadien doivent soutenir les intérêts légitimes des auteurs et des maisons d'édition, de même que leur contribution essentielle à l'innovation, au savoir, à la culture, à la diversité, au rayonnement, à l'économie et à la richesse du pays. Nous insistons donc pour que vous vous assuriez que notre pays se conforme minimalement aux pratiques internationales respectueuses des auteurs et des éditeurs, comme le fait l'Europe avec sa nouvelle législation sur l'intelligence artificielle, pour éviter que le Canada ne passe pour une république de bananes de compagnies technologiques à l'échelle internationale.
    En terminant, permettez-moi de souligner qu'auteurs et éditeurs comptent également sur vous pour que soit améliorée la Loi sur le droit d'auteur, sans quoi ils ne pourront pas toucher les redevances légitimes que leurs homologues internationaux perçoivent lorsqu'on reproduit leurs œuvres dans certains établissements d'enseignement. Je me permets aussi de vous rappeler que cette priorité a été soutenue par le Comité permanent de la science et de la recherche dans son rapport de novembre 2023, intitulé « Soutien à la commercialisation de la propriété intellectuelle ».
    Au nom de l'Association nationale des éditeurs de livres, merci beaucoup de votre écoute. Je demeure disponible pour des questions.
(1115)
    Merci beaucoup, madame Hénault.
    Madame Desrochers, vous avez la parole.
     Monsieur le président et chers membres du Comité, permettez-moi de vous remercier de votre invitation et de saluer cette première occasion que vous offrez au milieu culturel de présenter ses commentaires à l'égard du projet de loi C‑27.
    Je suis la directrice générale de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles, qui célèbre cette année 25 ans d'existence. La Coalition réunit plus de 50 membres, soit des syndicats, des associations professionnelles et des sociétés de gestion francophones et anglophones du secteur culturel du Canada. Nous couvrons une large diversité de disciplines: l'audiovisuel, la musique, les arts numériques, le livre et l'édition, ainsi que les arts visuels et les arts vivants. Nous représentons plus de 350 000 créateurs et créatrices et près de 3 000 entreprises du milieu culturel.
    Aujourd'hui, je suis en bonne compagnie, entourée de trois membres de la Coalition: l'Association nationale des éditeurs de livres du Québec, la Guilde canadienne des réalisateurs et l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists. Ce petit échantillon n'illustre qu'un pan des effets du développement de l'intelligence artificielle sur notre milieu. Je vous invite à continuer à consulter le secteur culturel pour entendre aussi des représentants des artistes visuels, des scénaristes, des producteurs, des compositeurs, des auteurs et j'en passe.
    La Coalition a pour mission première de veiller à ce qu'une exception culturelle soit prévue dans les accords de commerce, afin de préserver la souveraineté culturelle canadienne. Nous veillons aussi à ce que le Canada adopte des politiques publiques qui assurent la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, incluant dans l'environnement numérique. Notre action s'appuie sur la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Cette convention de l'UNESCO a vu le jour grâce aux efforts concertés du Québec et du Canada, mais aussi de la France, et je rappelle que le Canada a été le premier pays à la ratifier.
    Nous sommes ici aujourd'hui afin de commenter un projet de loi qui vise à protéger les Canadiens et les Canadiennes des risques posés par les développements fulgurants de l'intelligence artificielle, notamment l'intelligence artificielle générative.
    La Convention de 2005 rappelle que la diversité culturelle est « indispensable à la paix et à la sécurité aux plans local, national et international ». Autrement dit, le développement d'une intelligence artificielle responsable doit prendre en compte cette diversité et s'assurer de la protéger. La diversité est essentielle à la sauvegarde de notre liberté d'expression, à la santé de notre démocratie et au maintien de notre souveraineté.
    Le projet de loi C‑27 traite essentiellement des risques posés à des individus par l'intelligence artificielle. Comme d'autres l'ont fait avant nous, nous souhaitons insister sur l'importance de prendre également en considération les risques sociétaux posés par l'intelligence artificielle.
    En effet, l'objet de la nouvelle loi proposée, à l'article 4, ou la définition de préjudice qu'on retrouve dans le texte sont trop restreints. Reprenant une formulation que l'on trouve dans la législation sur l'intelligence artificielle de l'Union européenne, nous suggérerons qu'un des objectifs de la nouvelle loi soit de protéger la santé, la sécurité et les droits fondamentaux inscrits dans la Charte, y compris la démocratie — dont la diversité des expressions culturelles est un pilier — et l'état de droit, ainsi que l'environnement contre les effets nocifs des systèmes d'intelligence artificielle.
    Le thème principal des témoins d'aujourd'hui est le droit d'auteur. Cela est réjouissant, puisque nous sommes convaincus que le projet de loi C‑27 a un rôle majeur à jouer en la matière.
    Récemment, le gouvernement du Canada a mené une consultation concernant les effets de l'intelligence artificielle générative sur le droit d'auteur. Le milieu culturel est unanime: contrairement à une perception répandue, la législation canadienne sur le droit d'auteur n'a pas besoin d'être modernisée de façon importante pour protéger les titulaires de droits en réaction aux développements de l'intelligence artificielle générative. En effet, elle protège déjà la création humaine et interdit l'utilisation non autorisée de contenus culturels protégés. Toutefois, en raison d'un manque de transparence concernant les données utilisées pour nourrir les systèmes d'intelligence artificielle, cette loi ne peut être mise en œuvre de façon optimale. C'est ici que le projet de loi C‑27 doit jouer un rôle.
    Voici deux pistes de solutions concrètes qui permettraient à la Loi sur le droit d'auteur de reprendre sa pleine efficacité, au bénéfice des titulaires de droits, mais aussi des Canadiens et des Canadiennes.
    Il faut s'inspirer de la législation européenne sur l'intelligence artificielle. Il faut aller plus loin que l'obligation de conserver des registres de données, comme cela est indiqué au nouveau paragraphe 7(2) proposé par amendement au projet de loi C‑27, et notamment prévoir qu'un résumé suffisamment détaillé de l'utilisation des données de formation protégées par le droit d'auteur est mis à la disposition du public.
    De plus, il faut inscrire plus clairement que le projet de loi C‑27 induit des responsabilités à l'égard de la Loi sur le droit d'auteur, comme l'a fait l'Union européenne.
(1120)
     Le cadre de responsabilisation indiqué au nouveau paragraphe 12(5) proposé par amendement au projet de loi C‑27 pourrait ainsi prévoir des politiques et procédures concernant la Loi sur le droit d'auteur et l'utilisation de la voix, de l'image ou de la réputation d'un individu.
    Ces ajouts seraient en phase avec la réglementation qui se met en place à l'international et favoriseraient le développement d'un marché de licence basé sur le consentement et la rémunération des ayants droit.
    Je vous remercie de votre attention et serais heureuse de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, madame Desrochers.
    Monsieur Forget, la parole est à vous.

[Traduction]

    Mes salutations au président, ainsi qu'aux membres du Comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de participer à cet important travail.
    Je m'appelle Dave Forget, et je suis le directeur général national de la Guilde canadienne des réalisateurs, la GCR. Je suis accompagné aujourd'hui de Sam Bischoff, responsable des politiques et des affaires réglementaires. Nous remercions le Comité de son invitation.
    L'IA générative menace l'écosystème de la création au niveau existentiel. Les créateurs devraient avoir le droit de refuser leur consentement et d'être rémunérés lorsqu'une entité d'intelligence artificielle utilise leur contenu protégé par droit d'auteur. À la croisée des chemins pour réglementer l'IA afin de nous protéger contre les préjudices, nous croyons qu'il est crucial de protéger les créateurs contre les préjudices économiques et moraux causés par la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, c'est‑à‑dire la LIAD.
    La Guilde canadienne des réalisateurs est une organisation syndicale nationale qui représente plus de 7 000 membres clés du personnel de création et de logistique des industries du cinéma, de la télévision et des médias numériques. Aujourd'hui, elle compte également plus d'un millier de réalisateurs qui travaillent dans tout le pays à la programmation audiovisuelle.
    Le secteur canadien du cinéma et de la télévision génère énormément de valeur, d'emplois et de puissance douce. En 2021‑2022, l'ensemble de la chaîne de valeur du secteur audiovisuel a contribué directement à l'économie canadienne à hauteur de 337 000 emplois, 16,6 milliards de dollars de revenu du travail et 23,3 milliards de dollars de PIB. Cependant, l'intelligence artificielle menace le cœur de cet écosystème. Les grands développeurs de modèles linguistiques reproduisent de vastes quantités de créations à des fins commerciales sans autorisation ni juste rémunération des auteurs.
    Le droit d'auteur demeure une loi-cadre centrale régissant notre industrie. La copie non autorisée pour former des modèles d'IA est du vol. De plus, il est très difficile pour les titulaires des droits de savoir quand leurs œuvres ont été utilisées sans leur consentement dans la formation de modèles d'IA. Les créateurs devraient pouvoir déterminer dès le départ si leurs œuvres sont copiées et utilisées pour des fins d'exploration. La transparence des systèmes d'IA doit être une condition préalable de la défense des droits des auteurs. Il s'agit d'un élément fondamental pour assurer un avenir favorisant l'épanouissement de la créativité humaine.
    Dans sa forme actuelle, la LIAD ne protège pas et ne respecte pas les principes fondamentaux du droit d'auteur. Nous avons besoin de la LIAD pour faire ce qui suit, dans le sens des protections offertes aux créateurs en vertu de la Loi européenne sur l'intelligence artificielle.
    Premièrement, confirmer que l'utilisation de contenu protégé par droit d'auteur nécessite l'autorisation du titulaire des droits. Cela serait assujetti à l'exception limitée pour la reproduction éphémère technique, qui représente l'exception très limitée du Canada pour les activités d'exploration de textes et de données, dans la mesure où elle s'applique.
    Deuxièmement, les systèmes polyvalents d'IA comme ChatGPT doivent être transparents au sujet des documents utilisés pour la formation. Ils doivent donner une description des renseignements sur les données utilisées pour la formation, les tests et la validation, et expliquer comment ces données ont été obtenues et sélectionnées.
    Troisièmement, les fournisseurs de modèles polyvalents d'IA devraient être tenus d'instaurer une politique pour respecter les lois canadiennes sur le droit d'auteur, y compris l'obtention du consentement pour fins d'exploration de textes et de données. Le fournisseur qui met sur le marché canadien un modèle polyvalent d'IA devrait se conformer à cette obligation, quel que soit le territoire où la formation a lieu.
    Je cède la parole à M. Bischoff.
(1125)
    Nos homologues européens ont pu obtenir ces droits cruciaux pour protéger leurs industries culturelles. Il ne devrait y avoir aucune raison pour que le gouvernement ne puisse pas assurer le même niveau de protection au Canada. Les règles applicables aux grandes plateformes bien financées comme Google, Open AI et Microsoft devraient être les mêmes au Canada que dans l'Union européenne.
    Le gouvernement canadien doit veiller à donner aux créateurs les moyens qu'il faut pour exercer leurs droits et prendre des décisions éclairées. Nous croyons que, contrairement aux dispositions de la Loi européenne sur l'intelligence artificielle et les données, qui comprennent un régime de retrait facultatif associé à une exception pour l'exploration de textes et de données, les créateurs et les titulaires de droits canadiens devraient bénéficier d'un système d'adhésion facultative pour octroyer des licences pour leurs œuvres.
    Un outil d'intelligence artificielle ne peut pas produire une œuvre artistique ni supplanter la créativité humaine. La valeur de la créativité n'est pas saisie ni comprise par les processus d'IA. Les exploitants de ces outils ont beau affirmer que leur utilisation est transformatrice, la réalité est tout autre. Les outils génératifs d'IA ne se transforment pas vraiment. Ils exploitent et blanchissent plutôt les œuvres de création qu'ils explorent. Il est impératif que les auteurs reçoivent une juste rémunération pour l'utilisation des œuvres existantes et pour toutes les utilisations futures.
    Nous remercions les membres du Comité de votre temps. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
     Merci beaucoup.
    Je vais maintenant passer à M. Rogers.
    Vous avez la parole.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de discuter avec vous du projet de loi C‑27 dans la perspective des grandes étiquettes de musique au Canada.
    La création de règles d'engagement pour l'IA arrive à point nommé pour l'industrie de la musique, au Canada comme à l'étranger. D'entrée de jeu, je dirai que notre industrie utilise déjà des éléments positifs de l'intelligence artificielle comme outil pour aider les artistes à faire de la musique plus intrigante et intéressante, et l'utilise, encore une fois comme outil, pour aider les artistes, y compris les artistes canadiens, à nouer des liens avec des admirateurs du monde entier.
    Bien entendu, ces aspects ne sont pas au cœur du projet de loi C‑27 ni des raisons pour lesquelles il faut pousser la réglementation. Je consacrerai le reste de mon temps à vous dire où vous pouvez le plus nous aider.
    Comme nous l'avons vu avec le téléchargement illégal dans la génération précédente, l'utilisation et la propriété de la musique sont un précieux canari dans la mine de charbon. Depuis, nous avons compris l'importance de réglementer la technologie pour son utilisation pratique et commune plutôt que d'inclure des exceptions dans nos lois et nos cadres économiques pour les cas de concentration. Nous avons appris que la valeur de la musique et d'autres formes d'expression créative ne peuvent pas être sacrifiées au profit du rythme de la révolution technologique, et nous avons appris que la musique de qualité, sûre et sous licence est aussi populaire auprès des amateurs de musique qu'auprès des artistes qui sont payés lorsque leur musique est jouée.
    C'est pourquoi Music Canada appuie les efforts déployés dans le projet de loi C‑27 en ce qui concerne la réglementation de l'IA générative.
    Il y a trois endroits où nous vous encourageons à aller encore plus loin.
    Il faut d'abord que les développeurs de l'IA tiennent et rendent disponibles des registres des œuvres qui ont été englouties et utilisées pour la formation. Une grande partie du cadre économique des industries qui seront touchées désormais par l'essor de l'IA suppose que tout le monde comprenne d'où part la formation en IA. Pour bien comprendre cela, ces registres sont indispensables.
    Les partisans les plus enthousiastes de la technologie débridée vous diront que cette demande se situe entre ne rien comprendre et dire que ce n'est pas possible. Je demande au Comité d'y réfléchir de la façon suivante: si l'IA est capable de guérir des maladies, de concevoir des villes nouvelles et meilleures pour l'avenir et de faciliter un peu les déplacements de députés toujours pressés, alors elle peut certainement générer un chiffrier ou dresser une bibliographie.
    Deuxièmement, le projet de loi peut aller plus loin en exigeant l'étiquetage des images et des vidéos générées uniquement par intelligence artificielle, surtout dans les cas où elles personnifient quelqu'un de connu. À l'heure actuelle, nous sommes au bord de la vallée de l'étrange avec l'IA. Lorsque vous aurez compris quoi chercher, vous pourrez comprendre que l'image du pape vêtue d'une veste bouffie blanche n'est pas une photo du pape, mais cette technologie ne sera jamais pire qu'elle l'est aujourd'hui. Chaque jour, elle s'améliore et, à bien des égards, elle est un outil de plus en plus dangereux de tromperie et de mésinformation. Exiger l'étiquetage est une étape importante pour régler ce problème.
    Troisièmement, il faut considérer les hypertrucages et les clones de la voix comme une menace et préparer notre système juridique afin d'amener tout le monde à reconnaître que la production d'hypertrucages et de clones de la voix à l'insu de la personne clonée est répréhensible.
    En tant qu'élus, vous savez qu'il faut toute une vie pour se faire la réputation qui ouvre les portes de la Chambre des communes. Vous savez aussi qu'il suffit d'un instant pour l'anéantir. De plus en plus, c'est un fait que les gens de toutes les professions, de tous les modes de subsistance et de tous les âges sont confrontés à la prolifération des hypertrucages et à la facilité avec laquelle ils peuvent être produits.
    Abacus Data a constaté que l'exposition aux hypertrucages est monnaie courante et que les Canadiens s'inquiètent des risques. Un Canadien sur deux a pris un hypertrucage pour une vidéo authentique. C'est encore pire chez les jeunes Canadiens, dont 77 % ont été trompés et 15 % disent que cela arrive tout le temps. Les Canadiens s'inquiètent des effets des hypertrucages sur les artistes, les dirigeants politiques et les chefs d'entreprise, mais 79 % des Canadiens s'en inquiètent aussi pour eux-mêmes. Presque à l'unanimité, à 93 %, les Canadiens sont d'accord pour dire qu'ils devraient avoir le droit d'interdire ces personnifications.
    Il est maintenant temps de renforcer le projet de loi C‑27 et toutes nos lois afin d'adapter aux réalités numériques d'aujourd'hui pour tous des lois analogiques désuètes dont l'objet était au départ d'interdire l'utilisation sans consentement d'images de célébrités dans les publicités diffusées dans les revues.
    Certains demanderont: Et la liberté d'expression? En ce qui concerne les hypertrucages, la réponse est simple: mettre vos mots dans ma bouche ne fait pas partie de la liberté d'expression.
    Et la parodie? Les hypertrucages ne sont pas de la parodie. Ils n'imitent pas l'exagération délibérée pour son effet comique. Ils visent à tromper, à mésinformer et à voler l'identité d'une personne au profit d'une autre. En 2024, dans un environnement numérique, c'est illégal, disons‑le clairement.
    Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.
(1130)
     Merci beaucoup.
    Merci à vous tous.
    Pour lancer la discussion, je donne maintenant la parole à M. Williams pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos témoins. C'est toujours un débat important, et c'est formidable d'entendre chacun d'entre vous.
    J'aimerais revenir sur le témoignage de Mme Desrochers.
     Vous avez formulé deux excellentes recommandations à la fin. Pourriez-vous les répéter en nous les explicitant.
     Je vais ensuite demander à d'autres témoins de commenter ces recommandations concernant le nouveau paragraphe 7(2), sauf erreur, de même que le nouveau paragraphe 12(5).

[Français]

    Nous pourrons aussi vous fournir plus d'informations par écrit.
    Ces recommandations rejoignent certaines de celles formulées par mes collègues. Si un de mes collègues veut renchérir, cela me fera plaisir.
     En ce moment, il est inscrit dans le projet de loi C-27qu'il faut conserver des données. Or, nous estimons que ce n'est pas suffisant et demandons que les données soient non seulement conservées, mais qu'elles soient aussi mises à la disposition du public.
    Ensuite, pour que la Loi sur le droit d'auteur soit plus efficace, nous demandons qu'elle soit clairement mentionnée dans le projet de loi C‑27 afin que soient précisées certaines obligations de transparence.
    Merci.

[Traduction]

    Pour les autres témoins qui veulent s'exprimer là‑dessus, disons qu'il faudrait réunir des données. D'après les témoignages, il semble bien que tout le monde est d'accord pour dire que c'est ce que nous voulons.
     Maintenant, la question est de savoir si c'est pour la Loi sur le droit d'auteur, avec d'autres consultations maintenant, ou pour la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, soit la LIAD elle-même. Je crois savoir que ce sera dans le cadre de la LIAD. Certaines parties renvoient à la Loi sur le droit d'auteur, mais c'est ce que nous voulons voir.
    Est‑ce que des témoins veulent en parler ou faire des commentaires à ce sujet?
    Oui. Je vous remercie de la question.
    Dans notre optique, malgré les diverses protections offertes par la Loi sur le droit d'auteur, la définition de « préjudice » dans le cadre de la LIAD, tel qu'elle existe actuellement, se limite aux particuliers. La Loi sur le droit d'auteur s'applique aux particuliers certes, mais aussi à la collectivité, et nous ne croyons pas que le texte actuel protège suffisamment les droits d'auteur pour leurs titulaires, les créateurs ou les auteurs.
     Nous aimerions voir une politique et une disposition précises qui indiqueraient que la Loi sur le droit d'auteur s'applique aux systèmes polyvalents d'IA.
    J'ai une inquiétude encore plus grande. Nous avons vu que ChatGPT a révolutionné et rendu publiques l'intelligence artificielle et ses capacités. Bien sûr, nous parlons de ce qui va arriver aux créateurs dans l'industrie de la musique.
    Monsieur Rogers, il existe un site Instagram sur l'intelligence artificielle qui s'appelle There I Ruined It. Il prend une certaine musique d'un créateur et la fusionne avec celle d'un autre. Ce matin, c'était Hank Williams qui chantait Still D.R.E., de Dr. Dre. Il peut prendre la musique et l'apporter sur un autre... C'est un site de parodie. Je pense qu'on fait là du bon boulot.
    Comment l'industrie de la musique va‑t‑elle être transformée si nous ne changeons pas les lois et n'apportons pas les changements qui s'imposent à la loi en ce qui concerne la musique et l'avenir de la musique au Canada?
(1135)
    Monsieur le président, je remercie le député de sa question.
    Écoutez, je pense qu'au bout du compte, il est très important de nous rappeler à ce stade que la technologie qui peut nous amuser est la même qui peut nous terrifier. Ce site en particulier est intéressant et peut nous faire rire.
     Nous serons peut-être un jour en mesure d'accorder des licences pour ces choses‑là, mais si elles sont volées, essentiellement, les renseignements et les données nécessaires pour les créer disparaissent d'Internet et le droit d'auteur est violé. Aucun des artistes dont l'œuvre a été reproduite de cette façon n'a donné son consentement et n'a été rémunéré, et cela nous préoccupe au plus haut point.
    Je pense qu'il est très important, dans le cadre de ce premier essai, de garder à l'esprit certains de ces principes fondamentaux. Nous savons que nous n'accepterions jamais cela autrement. Ce n'est pas parce que cela se fait rapidement et en grandes quantités que c'est plus légal.
    Êtes-vous donc à l'aise avec d'autres recommandations voulant que la source soit donnée et rendue publique?
    Oui, absolument. Le droit d'auteur n'est utile que si nous savons quel est le contenu. Or, la seule façon de connaître le contenu, c'est de le rendre largement accessible.
     Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, même s'il s'agit d'une très grosse feuille de calcul, cela ne devrait inquiéter personne.
     Madame Noble, vous avez dit représenter 30 000 créateurs. Je suis certain qu'une foule d'entre eux sont de petites entreprises, des artistes locaux qui écrivent un refrain publicitaire ou qui créent leur propre musique et qui ne font pas partie d'un conglomérat. Que pouvons-nous faire pour protéger ces créateurs locaux? Quelles parties de la loi pouvons-nous rédiger non seulement pour les Meta, Google et Amazon de ce monde, mais aussi pour les créateurs locaux?
    Nos membres sont des acteurs. Ce sont des artistes-interprètes. On les voit au cinéma et à la télévision. On les voit dans les jeux vidéo. Ils sont très exposés aux hypertrucages et aux abus. Ce que nous voulons faire ressortir ici, c'est que lorsqu'il s'agit d'acteurs et d'interprètes, nous sommes en quelque sorte des observateurs de l'extérieur qui suivent les protections du droit d'auteur. Nous prenons un peu de recul et disons que le premier problème pour les acteurs est que la Loi sur le droit d'auteur ne leur reconnaît pas de droits moraux pour les protéger au départ. Les musiciens ont eu des droits moraux lorsque Napster est apparu et a commencé à voler leur musique il y a quelques décennies. Aujourd'hui, nous avons la même situation avec les hypertrucages qui volent l'image des interprètes. La Loi sur le droit d'auteur ne nous donne pas de droits moraux. Nous disons qu'il faut y voir immédiatement.
    Dans le projet de loi C‑27, nous voyons également que « préjudice » comprend « préjudice physique ou psychologique ». Je dirais que pour prouver le préjudice psychologique, nous devrons sortir le DSM, le déposer devant le tribunal et expliquer la condition qui a été produite. Ce ne peut pas être le niveau pour un artiste-interprète. Ensuite, il y a le dommage aux biens d'un individu. Comme je viens de vous le dire, nous n'avons pas de protection du droit d'auteur. Il y a ensuite la « perte économique subie par un individu ». Ce qu'il faut comprendre, c'est que les artistes-interprètes ont un emploi précaire. Tous les jours, ils passent des auditions pour le prochain emploi. Ce peut être une journée de tournage dans une série ou un film. Chaque jour, ils doivent se chercher un nouvel emploi. Comment prouver qu'ils n'ont pas obtenu le rôle convoité dans Law & Order? Comment prouver qu'il s'agit d'une perte économique?
    Il ne faut pas oublier le préjudice à la réputation. Eleanor Noble vit de ce que vous voyez ici. Son nom, son image, sa ressemblance, elle s'en soucie dans tout ce qu'elle fait, dans ses activités professionnelles ou dans sa vie privée, parce qu'elle sait que son prochain boulot en dépend, et pourtant, elle est exposée aux risques constants des hypertrucages.
    Nos données sont maintenant faciles à saisir. Tout est diffusé en continu. Tout est sur votre téléphone. Dans votre ordinateur. Elles sont faciles à saisir, pour utilisation pour une bonne ou une mauvaise fin. Nous avons vraiment besoin que le Comité se penche sur les répercussions pour les artistes-interprètes au pays.
(1140)

[Français]

     Merci beaucoup.
    Monsieur Turnbull, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci à vous tous d'être ici.
    Je vous remercie vraiment de faire entendre votre voix dans cette importante conversation. Vous représentez tous des acteurs et des membres incroyablement importants de nos industries créatives, et je crois que nous sommes tous très préoccupés par l'IA et les préjudices qu'elle peut causer à des personnes qui gagnent leur vie et qui, dans bien des cas, je pense, ont bâti leur réputation pendant de nombreuses années, au prix d'un travail acharné. Je comprends toutes vos positions. J'ai lu à l'avance une bonne partie de vos mémoires et de vos documents. Je vous suis vraiment reconnaissant d'être ici. Permettez-moi de commencer par cela.
    J'entends constamment parler de l'intersection avec le droit d'auteur. C'est parfaitement normal. Je comprends qu'il y a des recoupements entre le projet de loi C‑27 et le droit d'auteur, même si nous savons que le projet de loi C‑27 ne traite pas du droit d'auteur. Le gouvernement du Canada mène des consultations et des tables rondes. Il a déjà tenu sept tables rondes.
    Je voudrais commencer par demander à chacun d'entre vous — peut-être un représentant de chaque groupe — si vous avez été consulté et si vous participez au processus de consultation sur le droit d'auteur. Le gouvernement du Canada cherche à déterminer si cette conversation mérite des amendements à la Loi sur le droit d'auteur dans le cadre d'un processus distinct, mais sans intervenir dans la portée de ce projet de loi.
    Madame Noble ou madame Kelly, l'Alliance of Canadian Cinema Television and Radio Artists, l'ACTRA a‑t‑elle participé à ces consultations?
    Oui. Nous avons eu des entretiens et des consultations à ce sujet. Je dois dire que nous aimerions beaucoup rencontrer le ministre. Nous n'avons pas encore pu le faire. Nous sommes un peu préoccupés par le fait que l'industrie des arts semble être exclue de cette conversation. Cependant, nous avons rencontré le personnel.
    Nous avons l'intention de vous inclure, je peux vous l'assurer.
    Madame Hénault, allez‑y.

[Français]

    Nous avons été impliqués lors de la consultation sur le droit d'auteur à l'ère de l'intelligence artificielle générative. Cependant, à l'instar de nos homologues européens, nous pensons que la législation sur le droit d'auteur doit être révisée. Nous pensons aussi que la loi qui encadre l'intelligence artificielle doit comprendre des dispositions qui protègent le droit d'auteur. Il est vraiment important que le Canada lance dans la loi encadrant l'intelligence artificielle ce message clair en faveur de sa culture.

[Traduction]

     J'y reviendrai, mais je vous remercie.
    Madame Desrochers, allez-y.

[Français]

    Dans le cadre de la consultation sur le droit d'auteur à l'ère de l'intelligence artificielle générative, nous avons aussi déposé un mémoire au nom de tous les membres de notre coalition. Comme Mme Hénault vient de le mentionner, nous croyons que des questions peuvent être réglées dans la Loi sur le droit d'auteur. Nous demandons cependant très peu de modifications, puisqu'elle est déjà assez robuste pour encadrer l'intelligence artificielle.
    Par contre, des dispositions doivent être ajoutées au projet de loi C‑27, notamment l'obligation de conserver et de mettre à la disposition du public les données qui sont utilisées pour l'entraînement des systèmes d'intelligence artificielle, afin de permettre l'autorisation et la rémunération des ayants droit. Cela doit se trouver dans le projet de loi C‑27. Il y a vraiment une articulation entre les deux lois.

[Traduction]

    Je vais y revenir, mais je vous remercie.
    Monsieur Forget, allez‑y.
    Merci beaucoup de la question.
    Nous parlons de l'intersection entre les deux lois, alors...
    Je suis désolé. Je ne veux pas vous interrompre, mais je veux simplement savoir si vous avez participé à la consultation.
    Oui. J'aurais dû commencer par cela.
    C'est très bien.
     J'aimerais poser d'autres questions, mais voulez-vous faire un bref commentaire? C'était censé être une réponse rapide.
    Bien sûr. La réponse rapide est oui.
    Je peux attendre que vous reveniez à moi.
    D'accord. Merveilleux.
    Monsieur Rogers, allez‑y.
    Pour nous, la réponse est oui. Nous avons participé à la consultation. Music Canada partage la position selon laquelle, bien sûr, l'ingestion de musique est liée au droit d'auteur et, bien sûr, l'utilisation de l'IA est liée au droit d'auteur, et qu'aucun de ces cadres ne fonctionnera sans cela.
    Oui, nous savons qu'il y a une intersection ici, évidemment.
     Je pense, madame Desrochers, que vous avez fait un excellent commentaire sur la façon dont les deux fonctionnent ensemble et sur la façon dont les exigences accrues en matière de transparence prévues dans le projet de loi C‑27 aideraient en fait le droit d'auteur à s'appliquer aux industries créatives. La plupart d'entre vous hochent la tête, alors je suppose que vous êtes d'accord.
    Ne pensez-vous pas que le projet de loi C‑27 et les amendements proposés font plusieurs pas dans la bonne direction? Pouvons-nous peut-être commencer par là et demander ensuite si nous devons aller plus loin? À mon avis, l'identification du contenu généré par l'IA et le renforcement de l'application de la loi ont permis de réaliser des progrès importants.
    Monsieur Forget, êtes-vous d'accord?
(1145)
    Je pense qu'il y a encore du travail à faire. Pour terminer mon commentaire de tout à l'heure, je pense qu'on a fait écho au fait qu'à l'intersection des deux, le droit d'auteur est un cadre permettant de garantir la rémunération et l'application des droits moraux, etc. Dans le contexte de l'IA et des utilisations de matériel protégé par le droit d'auteur, nous pouvons créer un cadre pour déterminer quand et comment cela se produit.
    Par exemple, l'une de nos priorités est de veiller à ce que les données qui constituent la base du matériel que les systèmes d'IA utilisent... Soyons clairs, il s'agit d'oeuvres existantes qui ont été créées par des réalisateurs de la GCR et d'autres créateurs dans notre écosystème, selon le média. Il est important d'appliquer efficacement les exigences du droit d'auteur afin d'assurer le consentement, la rémunération et le crédit, et de les lier à l'IA.
    Par conséquent, nous devons renforcer le volet IA de l'équation pour assurer une plus grande transparence des données utilisées et une plus grande participation proactive, lorsqu'il y a consentement à cet égard pour faire en sorte que les organisations comme la nôtre ou les artistes puissent obtenir la rémunération à laquelle ils ont droit.
    Merci.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Malheureusement, mon temps est écoulé. J'aurais aimé avoir plus de temps pour entendre tous les témoins. Ce sera peut-être au prochain tour.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Turnbull.
    Monsieur Garon, allez‑y.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à l'ensemble des témoins.
    Je vais commencer en vous avisant que les questions que je vais vous poser, tout comme celles de mes collègues, ont été faites à partir d'un algorithme d'intelligence naturelle et que cela a très bien fonctionné.
    Des voix: Ha, ha!
    Passons aux choses sérieuses.
    Madame Desrochers, j'aimerais que vous nous parliez de la question de l'utilisation non autorisée d'œuvres artistiques, parce qu'on parle beaucoup des artistes et des compensations financières. Dans l'esprit du public, si vous proposez de rendre accessible, aux artistes ou au public, la liste des œuvres utilisées dans l'entraînement des systèmes d'intelligence artificielle générative, c'est nécessairement parce que les artistes veulent être payés, ce qui serait tout à fait légitime.
    N'est-ce pas le droit le plus fondamental d'un artiste que de contrôler ce qui arrive à son œuvre, notamment de refuser l'utilisation de celle-ci pour une production cinématographique ou pour des adaptations? Pourquoi serait-ce différent avec l'intelligence artificielle? Pourquoi ces modèles peuvent-ils actuellement utiliser tout cela gratuitement, sans consentement et sans même qu'on le sache?
     Merci pour cette très bonne question.
    À l'heure actuelle, les modèles n'ont pas le droit d'utiliser tout cela gratuitement ou sans avoir obtenu de consentement. Nous demandons tout simplement que cela reste ainsi et que l'on n'introduise pas une exception dans la Loi sur le droit d'auteur qui rendrait possible la fouille de textes et de données.
     Ensuite, nous demandons de mettre en place les conditions qui permettront le développement d'un marché de licences, dans lequel les ayants droit pourront autoriser l'utilisation de leurs œuvres s'ils le souhaitent, ou la refuser sinon. S'ils l'acceptent, ils pourront être payés pour l'utilisation de cette œuvre, tout simplement.
    Est-ce qu'il existe des exemptions comme celles-là pour le moissonnage ou la prospection de données?
    Oui, cela existe dans d'autres territoires.
    Où existent-elles, par exemple?
    Il y en a dans l'Union européenne, malheureusement. En effet, quand je parle à mes homologues des coalitions européennes, ils mettent le Canada en garde de ne pas faire la même erreur qu'eux. En effet, cela vient avec un lot de complexités beaucoup plus importantes.
    Notre système législatif entourant le droit d'auteur est un système qui repose sur le consentement positif et nous sommes donc protégés. Par contre, avec une exemption comme celle-là, qui repose sur le consentement négatif, il revient aux ayants droit de se retirer d'un système qui permet par défaut l'utilisation de leurs œuvres. Or, ce fardeau est beaucoup trop lourd pour des créateurs, et j'ai assisté à des conférences où certains d'entre eux disaient qu'ils passaient des heures sur des tonnes de sites Internet à retirer leur consentement.
    Pour notre part, c'est l'inverse que nous voulons: les personnes qui acceptent que leurs œuvres soient utilisées doivent pouvoir simplement donner leur autorisation et permettre l'émergence d'un marché de licences collectif.
    Merci beaucoup.
    Vous avez dit que, pour que les artistes, le marché et tout le monde puissent prendre des décisions éclairées, ça prend de la transparence.
    Imaginons que j'ai écrit un roman, ce qui n'est pas le cas, je vous assure. Si je veux savoir si un algorithme a utilisé mon roman comme source d'inspiration, s'il l'a lu et s'il en a copié des parties, autrement dit, si je veux savoir si un algorithme y a eu accès, quels sont les moyens à ma disposition?
(1150)
    Bien, je…
    Je vois que Mme Hénault aussi pourrait répondre.
    Si je comprends bien votre question, vous voulez savoir si le roman que vous avez écrit se retrouve dans l'algorithme. Est-ce bien ça?
    Est-ce qu'il y a moyen que je le sache, est-ce qu'il y a une liste?
    Non, c'est très difficile. Actuellement, le milieu dénonce l'opacité dans la création des systèmes. Comme je l'indiquais, en Europe, ça va changer parce qu'il y a des obligations de transparence très claires en faveur des droits individuels en lien avec la création et l'exploitation des œuvres.
    Nous ne retrouvons pas nécessairement ça dans le projet de loi C‑27.
    C'est exact. Il faut améliorer le projet de loi, comme le fait l'Europe dans le domaine.
    Je vais me faire l'avocat du diable et vous dire que l'intelligence artificielle est une créatrice au même titre qu'un être humain, qu'elle fait preuve de créativité et qu'elle s'inspire de toutes sortes de choses.
     Aucun artiste ne fonctionne en vase clos. Une personne qui écrit un livre a certainement lu beaucoup de romans dans sa vie: 1 000 livres, 2 000 livres, voire 10 000 livres. Chacun de ces romans aura été une inspiration. Or, si un artiste publie un livre à un moment donné, tous les livres que cet artiste aura lus pour s'inspirer ne seront pas considérés comme une utilisation non autorisée. Il est donc difficile de comprendre pourquoi cela serait différent pour une machine qui, somme toute, est également une créatrice.
    Non, la machine n'est pas une créatrice, la machine est un logiciel programmé pour donner des résultats. D'ailleurs, elle donne parfois des résultats saugrenus parce que c'est une machine, pas un humain.
    Puisque les industries qui développent ces machines négocient des licences pour être rémunérées, leurs fournisseurs de données doivent eux aussi être rémunérés. C'est pourquoi il se développe un marché de licence. Il y a des agences spécialisées dans l'octroi de licences pour la fouille de textes et de données propres et libres de droits.
    Si je comprends bien votre logique, vous considérez qu'une œuvre artistique créée par une intelligence artificielle générative à partir d'autres œuvres est en soi une espèce d'amalgame d'adaptation des œuvres originales.
    C'est un produit, premièrement, et ce produit, créé par une machine, peut faire l'objet d'une poursuite en contrefaçon. Si on reconnaît une œuvre qui est protégée et dont l'utilisation n'a pas été autorisée, cela pose problème à l'utilisateur.
    Quand vous achetez et lisez des livres et que vous vous en inspirez, le droit d'auteur le permet parce que, en commercialisant le livre, on vous a permis de le lire. Cependant, nos membres négocient constamment des licences pour toutes sortes de services, qu'ils soient dans le domaine de la technologie ou du livre imprimé. Chaque fois, ça se monnaie et on autorise l'utilisation.
     La fouille de textes et de données peut se faire avec des œuvres qui sont autorisées avec ou sans rémunération ou avec des œuvres qui appartiennent au domaine public. Lorsqu'il s'agit d'œuvres protégées, ça prend des licences au même titre que des services qu'on veut utiliser, et pour lesquels il faut lire les conditions, payer et s'engager. Pour nous, c'est la même chose avec la propriété intellectuelle.
     Merci, madame Hénault.
    Ça me fait plaisir.
    Merci, monsieur Garon.
    Monsieur Masse, la parole est à vous.

[Traduction]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'aujourd'hui.
    La semaine dernière a été très intéressante. Nous avons reçu Google, Microsoft, Amazon et Meta. Très franchement, j'ai trouvé sidérant d'avoir devant nous un groupe de sociétés qui avaient été condamnées à des amendes de plusieurs milliards de dollars dans le monde, alors que nous n'avions pas eu le même genre de surveillance ici. Ces sociétés détiennent aussi des droits de distribution sur bon nombre des oeuvres que vous produisez ici.
    Depuis lors, en fait, Microsoft, qui était présente ici, a été mise en cause dans son rachat d'Activision, qui touche bon nombre d'entre vous et les gens que vous représentez. La société vient d'annoncer qu'elle allait licencier un grand nombre d'employés chez Activision, alors qu'elle avait précédemment déclaré qu'elle ne le ferait pas. Les États-Unis prennent donc des mesures plus énergiques à cet égard.
    J'aimerais simplement m'adresser à tous les témoins maintenant, parce que nous devons prendre une décision au sujet de ce projet de loi, qui, essentiellement, fait passer beaucoup de choses du côté de la réglementation. Dans le meilleur des cas, il sera mis en oeuvre dans probablement trois ans, ou nous pouvons le remanier de façon générale, en commençant presque du début. C'est aussi parce que le gouvernement ne veut pas séparer les aspects liés à la Loi sur la protection des renseignements personnels, où je pense qu'il y a beaucoup de points communs, des aspects liés à l'IA.
    Nous pourrions peut-être commencer par l'ACTRA.
    Devrions-nous recommencer à zéro ou essayer de continuer notre travail? Je ne sais pas trop quoi penser à ce sujet. Très franchement, j'ai été très déçu par la réunion de mercredi dernier... Je n'ai jamais vu, pendant toutes les années que j'ai passées ici, un groupe de témoins constitué d'entreprises ayant une influence sur tant de Canadiens, qui ont été condamnées à payer des amendes — et des poursuites judiciaires — notamment à d'autres gouvernements à travers le monde, pour des milliards de dollars. Nous n'avions jamais eu un groupe de témoins comme celui-là, et pourtant ils sont entrés dans la salle et en sont repartis comme si de rien n'était. Ils ont envoyé des gens chargés des relations gouvernementales, dont certains avaient fait partie d'équipes gouvernementales du passé, et dont ils ont acheté les services.
    Allons-nous poursuivre un processus qui nous expose à une éventuelle réglementation que le Parlement déléguera à bien des égards — pour sa mise à jour — ou essayons-nous de retravailler les choses et de remettre le Parlement sur le devant de la scène?
(1155)
    À mon avis, il n'est pas acceptable que le gouvernement ne fasse rien. Partout dans le monde, les gouvernements sont aux prises avec ce problème, et nous comprenons qu'il s'agit d'une question très difficile qui touche tant d'industries différentes, qui touche autant les entreprises que les gens. Nous comprenons que c'est difficile. Nous croyons également qu'il faudra mettre en place un ensemble de mesures de protection. Il ne peut s'agir uniquement du projet de loi C‑27.
    Lorsque je faisais du lobbying dans mon ancienne vie, on me disait toujours: « Obtenez ce que vous pouvez maintenant parce que le gouvernement ne réexaminera pas la question avant une autre décennie. » Ce ne peut pas être le cas ici. Nous devons faire de notre mieux, chaque fois que nous en avons l'occasion, pour protéger les Canadiens, les travailleurs et la société.
    Ce que je vous dirais, au sujet du projet de loi C‑27, c'est que nous appuyons l'intention de veiller à ce que le consentement soit requis pour les renseignements biométriques. Nous comprenons que cela va commencer à protéger le nom, l'image et la ressemblance, mais vous nous entendez dire, même au sujet du projet de loi C‑27, qu'il ne va pas assez loin pour les artistes. Ce projet de loi doit prévoir de meilleures mesures de protection, mais il faut agir. Je dirais simplement au gouvernement qu'il faut agir rapidement.
    Je veux m'assurer que tout le monde aura la parole.
    Merci. J'ai compris.

[Français]

     C'est une grande question. Je vous avoue candidement que je n'ai pas fini d'y réfléchir. J'ai pris connaissance de cette législation de façon accélérée. Je croyais à tort qu'elle touchait davantage les données personnelles. Nous avons des suggestions visant à l'améliorer.
    Comme ma collègue Mme Kelly l'a dit, je pense qu'il faut légiférer, mais il faut aussi manifestement améliorer ce projet de loi pour qu'il protège réellement les Canadiens à l'ère de l'intelligence artificielle.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Moi aussi, je vous dirais qu'il est important d'agir pour encadrer davantage l'intelligence artificielle. Le milieu culturel arrive peut-être un peu tard dans le processus, mais il n'est jamais trop tard. Nous apportons des propositions concrètes. Nous tendons la main pour vraiment poursuivre la discussion avec vous et arriver avec des mesures concrètes qui vont bien prendre en compte l'ensemble des intérêts du milieu culturel.

[Traduction]

    Je vous remercie de la question.
    Ma réponse sera oui, nous devrions aller de l'avant, mais le contexte évolue si rapidement. Le projet de loi C‑27 a été rédigé avant que l'IA générative n'ait des répercussions telles que nous les voyons maintenant. Il y a un peu plus d'un an, dans mon conseil d'administration élu, ce sujet est passé de l'arrière-plan à l'avant-plan.
    Je peux me faire l'écho de certains des commentaires que vous avez entendus. Selon nos propres sondages auprès de nos membres, qui travaillent non seulement comme réalisateurs, mais dans une cinquantaine de catégories d'emploi différentes, cela les touche de différentes façons, et cela les touche profondément.
    C'est une préoccupation majeure, et il est donc vraiment important d'agir rapidement, tout en apportant les améliorations nécessaires, dont nous sommes heureux de discuter ici aujourd'hui, précisément pour pouvoir protéger les créateurs.
    Allez de l'avant de façon réfléchie, mais essayez de le faire rapidement. Ce serait notre conseil.
     Monsieur Masse, je vous remercie de votre question.
    Écoutez, j'encourage tout le monde à continuer d'aller de l'avant avec le projet de loi C‑27 dans sa forme initiale, qui était un cadre pour toutes ces autres mesures. Je pense que si j'étais vous ou n'importe quel membre du Comité, j'irais au caucus mercredi matin, j'irais au micro et je dirais: « J'ai entendu des choses vraiment effrayantes au sujet des hypertrucages et nous devons faire quelque chose à ce sujet maintenant. »
     S'il faut plus de temps au Parlement pour étudier le projet de loi C‑27, très bien, mais je pense qu'il y a des mesures que vous pourriez prendre dès maintenant afin de poser des gestes concrets et significatifs pour notre industrie et, en fait, pour tous les Canadiens.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Perkins, vous avez la parole.
(1200)
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    J'aimerais que chacun des groupes réponde par oui ou par non.
    Avant le dépôt de ce projet de loi, il y a presque deux ans, avez-vous été consultés? Il a été déposé en juin 2022. Avez-vous été consultés avant cela au sujet de ce projet de loi?
    Non.

[Français]

     Non.

[Traduction]

    Non.
    Je ne veux pas être pointilleux, mais il y a eu une consultation publique sur l'IA au cours de laquelle la plupart des représentants de l'industrie ont dit qu'ils n'étaient pas prêts à parler de l'IA.
    Presque tous les témoins que nous avons entendus au cours des derniers mois n'ont pas été consultés au préalable.
    Le ministre a fait grand cas de la consultation de 300 groupes après le dépôt du projet de loi. Je viens de parcourir cette liste, et un seul d'entre vous a été consulté, d'après la liste qui a été déposée auprès du Comité. Est-ce exact?
    Depuis lors, avez-vous rencontré le ministre, et avez-vous été consultés au sujet de ce projet de loi?
    Non.

[Français]

    Non.

[Traduction]

    Non, vous avez raison.
    Non.
    Nous avons parlé au personnel.
    Music Canada est le seul nom que je vois sur la liste, alors je ne suis pas surpris qu'il se soit trompé à ce point dans cette partie du projet de loi s'il n'a pas parlé aux groupes les plus concernés.
    Lorsque j'achète un livre ou qu'une entreprise achète un livre, ou lorsque j'achète un billet pour assister à une représentation ou que je télécharge une chanson, depuis que Napster n'est plus là, je paie pour l'utiliser à des fins personnelles ou pour en faire une certaine utilisation au sein de l'entreprise. Si une université veut photocopier une partie d'un manuel, elle doit payer le droit d'auteur parce qu'elle l'utilise à des fins commerciales, n'est‑ce pas? Elle paie pour ce droit.
     Est‑ce que l'un d'entre vous, ou l'un de vos organismes, a été payé pour une oeuvre de vos membres, artistes et écrivains qui a été utilisée par OpenAI, ChatGPT, Microsoft ou AWS? Y en a‑t‑il parmi vous qui ont été payés pour une de ces oeuvres jusqu'à présent?
    Pas à notre connaissance, mais nous ne le saurions pas, parce que nous ignorons de qui ils ont utilisé les œuvres et quelles images ils ont volées.

[Français]

     À ma connaissance, ce n'est pas le cas.
    Ce n'est pas le cas à ma connaissance non plus.

[Traduction]

    Non. Nous n'avons pas été en mesure de les identifier.
    De toute évidence, dans le secteur de la musique, nous sommes déjà passés par là, et nous avons donc fait de gros efforts pour obtenir des licences pour la musique de la meilleure façon possible, mais pour bon nombre des choses que vous avez énumérées, il n'y a pas encore de licences.
    La Loi sur le droit d'auteur s'applique, mais ils ne paient pas pour cela. De toute évidence, ils construisent leurs grands modèles de langage sur le travail d'artistes, d'écrivains, d'interprètes, de musiciens — d'artistes en tout genre —, mais vous n'avez pas été payé, et ils gagnent de l'argent avec ce que vous faites.
    Êtes-vous en train de dire que la Loi sur le droit d'auteur n'est pas assez bonne et qu'il faut prévoir les dispositions précises qu'un grand modèle de langage doit respecter pour toutes les données qui sont utilisées pour l'élaborer? Ils doivent payer, tout comme moi. Si j'achète un livre ou que j'assiste à un spectacle, je dois payer pour avoir le droit de le voir ou de le lire. Est‑ce ce que vous demandez dans ce projet de loi?
    Tout d'abord, il faut donner aux acteurs des droits moraux dans la Loi sur le droit d'auteur. Nous n'avons pas cela.
     Deuxièmement, nous devons pouvoir donner notre consentement s'ils veulent utiliser notre image. Nous devons exercer un contrôle sur la façon dont elle est utilisée, et nous devrions être indemnisés pour cela.
     Tous ces problèmes doivent être réglés.
    Monsieur Rogers, je vois que vous avez levé la main.
    Oui. Je vous remercie de me permettre de faire un commentaire.
    Il y a deux façons de procéder. Soit vous dites qu'il n'y a pas d'exceptions pour l'IA, que l'IA est comme tout le reste, et vous pouvez le faire dans une mesure législative comme le projet de loi C‑27 et faire référence à la Loi sur le droit d'auteur, soit vous apportez le changement dans la Loi sur le droit d'auteur et vous dites que c'est le cas.
    Nous n'avons pas créé de droits d'auteur pour la presse à imprimer. Nous avons créé le droit d'auteur pour Dickens et la reconnaissance que l'œuvre valait plus que ce que vous aviez payé immédiatement, et nous avons prolongé la durée du droit d'auteur pour les enregistrements sonores parce que les gens commençaient à vivre assez longtemps pour entendre leur chanson à la radio sans être payés. Nous avons donc apporté ce changement.
    Si nous disons que nous savons qu'ils récupèrent nos créations, et que nous savons que c'est une utilisation — qu'elle a de la valeur —, nous pouvons simplement convenir maintenant que c'est le cas et mettre fin à ce genre de conversations théoriques amusantes où l'on dit: « Je ne sais pas. Est‑ce une copie? » Je sais que c'est une copie. Je sais qu'ils l'ont faite parce que nos créations ont de la valeur.
(1205)
     Merci.
    Nous avons discuté des deepfakes et des images de partenaires intimes.
    Croyez-vous que ce projet de loi devrait ériger en infraction criminelle le fait de réaliser un deepfake ou une image de partenaire intime?
    Je vais commencer par l'ACTRA.
    Je vais demander aux témoins de répondre brièvement, car nous n'avons plus de temps.
    Comme nous l'avons dit, il s'agit d'une question à multiples facettes. Oui, le Code criminel devrait avoir une incidence sur les cas flagrants de vol d'images de personnes et de leur intégration dans du matériel pornographique. Vous savez, tout ce qui...
    Tout ce qui est fait sans leur consentement.
    Exactement.
    C'est une question qui me tient à cœur. Nous sommes ici en quelque sorte en tant que groupe d'experts des industries culturelles, mais, mesdames et messieurs les députés, si vous pensez aux gens... En musique, nous appelons cela VNIR: voix, nom, image et ressemblance.
    Il n'est pas nécessaire que ce soit l'exemple extrême. Il n'est pas nécessaire que ce soit pornographique. Il n'est pas nécessaire que ce soit un premier ministre. Ce pourrait être ma fille. Ce pourrait être vos paroles dans sa bouche sans son consentement. J'ai de sérieuses inquiétudes à ce sujet.
    Je vous demande à tous de prendre des mesures immédiates dès que possible.

[Français]

     D'accord, merci beaucoup.
    Madame Lapointe…

[Traduction]

    Je vais me tourner vers M. Forget.
    Oui.
    Monsieur Forget, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je serai bref.
    Oui, je pense qu'il est dans l'intérêt du public d'assurer sa sécurité. La forme exacte que cela prendra reste à voir, mais la réponse à votre question est oui. Il devrait y avoir un mécanisme pour prévenir ce genre de préjudices.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Forget.
    Madame Lapointe, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue, M. Turnbull.
    Ma première question s'adresse à M. Rogers.
    J'ai remarqué que l'une des modifications que vous avez suggérées est que les développeurs aient l'obligation de tenir des registres complets des données utilisées pour l'entraînement de l'IA et pour les copies d'ingestion. Qu'espérez-vous accomplir avec cet amendement? J'aimerais mieux comprendre.
    Encore une fois, je suis d'avis qu'il s'agit bien sûr du droit d'auteur. Pour moi, ce n'est même pas discutable. Je sais que certains pensent le contraire, mais je ne comprends pas. Pour que le reste du cadre du droit d'auteur fonctionne, je dois savoir ce qui a servi a entraîner l'IA, afin que les gens qui méritent à juste titre d'être payés pour cet entraînement puissent l'être.
    Puis‑je ajouter très rapidement quelque chose en réponse aux questions de M. Garon?
    Il y a deux ans, quand c'était de la science-fiction, il était facile d'imaginer une tête de robot spatial apprenant toute la musique et écrivant sa propre musique. Maintenant que nous en voyons l'application générale, l'IA sert à voler les groupes que vous connaissez et aimez en générant des nouvelles chansons qui sont du plagiat, ou à générer une image avec des symboles de droit d'auteur grâce au vol d'une photo avec un logo de droit d'auteur. Nous savons que c'est du vol et du moissonnage.
    D'accord.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Kelly et à M. Forget.
    En ce qui concerne la propriété intellectuelle, la protection de la vie privée et le contrôle de la création, comment la législation en dehors de la Loi sur le droit d'auteur peut-elle aider à lutter contre les mauvais acteurs de l'IA générative?
    Je pense qu'il va falloir rassembler un grand nombre d'éléments différents.
    Le droit d'auteur est essentiel. Vous nous entendez dire cela en tant qu'acteurs. Je pense qu'il faut protéger les données que vous examinez dans le projet de loi C‑27. Je crois très important que nous examinions la façon dont elles sont récupérées et ce qui en est fait. Nous devons savoir d'où proviennent ces données pour être en mesure de retracer les mauvais acteurs — et les bons acteurs qui les prennent par hasard sans le savoir.
    Qu'allez-vous faire dans le cas d'un travailleur dont l'employeur s'approprie les données pour générer un programme, comme une session de formation, etc.? Pourquoi ne pas inclure dans la Loi sur les normes d'emploi une disposition protégeant tous les travailleurs contre l'utilisation de leur nom, de leur image et de leur ressemblance sans consentement, sans contrôle et sans compensation?
    Les lois sur la protection des renseignements personnels doivent être renforcées pour que nous ayons ces protections.
    Je suis sûre qu'il faudra plus que cela. Il va falloir un ensemble d'éléments.
(1210)
    Très bien.
    Monsieur Forget.
     Je pense que cela illustre bien la dichotomie entre les droits individuels et les droits collectifs. Nous avons dit un peu plus tôt à quel point nous ne pensons pas qu'il existe une vision globale de ce que nous appelons les droits collectifs. Nous négocions des droits collectifs, et nous voyons donc cela tout le temps.
    Pour ce qui est des mauvais acteurs, je dirais que l'une des solutions consiste à encourager les bons acteurs. Pour ce faire, il faut qu'il y ait de l'ordre sur le marché et qu'il y ait un marché prévisible où la musique, les films et la télévision sont largement disponibles à un prix abordable pour que les clients puissent les acheter. C'est ainsi que l'on dissuade les mauvais acteurs.
    J'aimerais vous faire part d'une réflexion qui me semble pertinente. Nous avons beaucoup parlé de la mesure dans laquelle les problèmes qui surviennent... D'ailleurs, l'une des réponses directes à votre question est que l'une des façons de décourager cette pratique est d'empêcher la dilution de la valeur en veillant à ce que les acteurs qui ne sont peut-être pas des mauvais acteurs, mais qui surfent sur le travail existant d'autres personnes pour créer de nouvelles choses le reconnaissent, obtiennent une autorisation et aient un modèle. Il s'agit également d'un impératif économique. Nous sommes heureux de pouvoir — nous concluons constamment des accords de ce genre — nous asseoir pour négocier ce que pourrait être un accord de licence. Nous constatons que cela se produit de plus en plus, donc alors c'est manifestement possible.
    Mon dernier commentaire sera pour souligner la logique perverse. Les mêmes entités qui sont occupées à exploiter des œuvres protégées par le droit d'auteur dans le but de créer quelque chose de nouveau veulent faire fi du droit d'auteur sur les données d'entrée, mais cherchent ensuite à obtenir la protection du droit d'auteur sur les données de sortie. Je tiens à souligner, pour que ce soit bien clair, que ce sont les humains qui sont les moteurs de la création et non les logiciels. De plus, pour revenir au lien avec un marché ordonné et prévisible, il est problématique que du matériel dont vous n'avez pas obtenu la licence alimente quelque chose qui n'a pas été fabriqué par un être humain.
    Je suppose que la question est la suivante: qu'advient‑il de cela en termes de...? Quand je pense au travail que font nos membres, je constate qu'il s'agit de millions de dollars d'investissement dans la création de films, de programmes télévisés et de médias numériques. L'enjeu est de taille, et les investisseurs voudront savoir qu'ils disposent d'un moyen d'exploiter ces œuvres et de générer des revenus.
    Je suis désolé pour ma longue réponse, mais la question comportait de nombreux éléments.
    C'était un très bon témoignage. Merci.
    Je suis désolé, monsieur Turnbull, mais nous aurons peut-être plus de temps à la fin. Ne l'oubliez pas.

[Français]

     Monsieur Garon, la parole est à vous.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Desrochers, des témoins ont comparu à notre comité et ils nous ont dit que, pour rendre plus sécuritaire l'environnement dans lequel tous les types de modèles d'intelligence artificielle se déploient, il devrait peut-être y avoir un registre au gouvernement fédéral. Quand on a un modèle à incidence élevée, les compagnies devraient en déposer le code et avoir un plan d'atténuation des risques.
    Je reviens à la question de la diversité culturelle. Ce qui est intéressant, c'est que les représentants des Google, Apple, Facebook et Amazon de ce monde qui sont venus témoigner ici nous ont défini des modèles à incidence élevée et à haut risque mettant en cause la santé, la sécurité et, je pense, l'intégrité des gens. Croyez-vous que la diversité culturelle devrait être incluse dans cette définition? Si c'est le cas, comment cela pourrait-il s'opérationnaliser?
    En effet, je pense que la diversité culturelle, que nous appelons la diversité des expressions culturelles, devrait être prise en considération. C'est une question sur laquelle je pourrais vous fournir une réponse complémentaire, mais nous pourrions certainement réfléchir à des indicateurs, des façons de mesurer les répercussions du développement de ces systèmes sur la diversité de nos expressions culturelles.
    Il y a des inquiétudes sur le fait que, plus la culture est produite de façon globale — je pense que nous pourrions parler d'une culture centralisée — , moins ça porte naturellement à la diversité.
    Je vous ferais la réflexion suivante. Supposons qu'ici, au Canada, nous allions beaucoup plus loin que nos partenaires en matière de protection du droit d'auteur, des photos, des œuvres littéraires, et ainsi de suite. Ça ferait évidemment moins de moulée pour entraîner les modèles d'intelligence artificielle et nos œuvres seraient donc moins présentes dans les résultats de l'intelligence artificielle.
    Par conséquent, si nous protégeons trop nos œuvres, ne serait-ce pas un vecteur de disparition de la culture québécoise de la culture globale?
     C'est une bonne question.
    D'abord, même si toutes nos œuvres étaient traitées par les machines, elles demeureraient minoritaires dans toute l'information qui est traitée par ces machines. Je ne pense pas donc que cela suffirait à protéger la diversité de nos expressions culturelles ou à refléter adéquatement notre culture dans ces modèles.
    La question des cultures et des langues minoritaires est étudiée par plusieurs personnes en ce moment. Il y a toutes sortes de projets qui se développent pour voir comment l'intelligence artificielle peut contribuer à propulser ces cultures minoritaires ou à assurer leur sauvegarde.
    Ensuite, on peut réfléchir à la possibilité de mettre en place des solutions innovantes pour s'assurer que notre culture continue d'avoir sa place dans un environnement où l'intelligence artificielle s'installe, mais en conservant le plus possible le contrôle de nos données et de nos histoires. Il y a toutes sortes de propositions qui circulent en ce moment.
    On reconnaît que le développement de l'intelligence artificielle reproduit les dynamiques de domination ou d'hégémonie qui se retrouvaient déjà dans l'environnement. Il ne faudrait donc pas rendre nos données disponibles à bas prix, sans consentement et dans des conditions qu'on ne contrôle pas et espérer que la culture québécoise se retrouve tout d'un coup mieux représentée dans les systèmes d'intelligence artificielle.
(1215)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Masse, vous avez la parole.

[Traduction]

     Merci, monsieur le président.
    Ce que nous avons entendu de la part d'un certain nombre de témoins différents est intéressant. Souvent, ils nous disent de faire quelque chose, mais ils nous disent aussi de veiller à nous aligner, dans une certaine mesure, sur les États‑Unis et l'Europe. Je ne sais pas comment nous pourrions faire les deux.
    Je pourrais peut-être m'adresser à Mme Noble à ce sujet. Nous avons parlé dans les grandes lignes de la façon dont l'IA peut vous exploiter, mais je sais que l'ACTRA représente également les enfants acteurs. Je me demande à quoi ressemble maintenant le modèle d'autonomisation en termes de vulnérabilité, même en dehors de l'IA, lorsqu'il s'agit d'essayer d'obtenir un contrat, de renoncer aux droits visuels, à votre voix et à toutes les autres choses qui pourraient être capturées, même sans une IA aussi perfectionnée qu'elle l'est aujourd'hui, en raison des enregistrements et des choses qui peuvent arriver, et à quel point cela peut être effrayant pour l'avenir et pourrait peut-être empêcher plus de gens d'exercer leurs droits si nous ne faisons pas bien les choses.
    Nous perdrions complètement notre gagne-pain. Nous serions simplement remplacés. Nous voyons déjà cette menace nous guetter. Nous avons entendu parler d'acteurs de fond qui sont scannés lorsqu'ils se rendent sur le plateau, qui sont amenés dans une pièce séparée pour être scannés à leur insu ou sans leur consentement éclairé. Ils n'ont alors plus de programme de tournage complet. Ils ont perdu beaucoup de travail, parce qu'ils sont déjà remplacés par l'IA et qu'ils ne sont pas indemnisés pour cela. Cette situation nous touche de plein fouet. Nous avons déjà entendu dire que Marvel fait planer la menace sur des grandes vedettes de Hollywood. Cela leur arrive aussi. On veut les scanner, les reproduire et ne pas avoir à les utiliser dans des suites.
    C'est une menace énorme. On a parlé du doublage et du fait que c'est un marché énorme, surtout au Québec, pour ce qui est du doublage des séries Netflix. Tout cela disparaîtra du jour au lendemain. La technologie a déjà été mise au point. Des milliers d'artistes, particulièrement au Québec, vont complètement perdre leur gagne-pain du jour au lendemain. C'est ce qui m'a permis de gagner ma vie pendant 30 ans.
    Il y a de nombreux domaines. Toute menace... Nous ne savons pas ce qui se passe maintenant lorsque nous allons à une audition. Nous enregistrons nous-mêmes la plupart de nos auditions. Nous les envoyons dans le cybermonde. Nous n'avons aucun contrôle sur leur destination ou sur ce qui en sera fait. Ce ne sont que des auditions. Nous ne sommes pas payés pour les auditions. Si elles sont utilisées d'une autre façon — moissonnées, scannées, utilisées à des fins malveillantes ou autres —, nous n'avons aucun contrôle là‑dessus.
    J'ai participé à quelques conférences aux États-Unis, cet été, dans le cadre de mes activités entre le Canada et les États-Unis. Certaines de ces entreprises parlaient de la façon dont elles essayaient de corriger leurs préjugés ethniques et culturels en ce qui concerne les données réelles introduites dans l'intelligence artificielle, et de la façon dont elles construisent leurs modèles. Elles reconnaissaient qu'il y avait des lacunes importantes.
    Ce que vous dites, je suppose, c'est que l'information qui est maintenant recueillie sur l'artiste pourrait être reproduite et utilisée dans des représentations biaisées sur des plateformes multimédias pendant des générations, alors que l'artiste serait toujours là.
    Vous avez tenu des propos semblables, monsieur Rogers, au sujet de l'artiste. J'ai trouvé cela très intéressant, parce que vous avez raison. J'étais ici pour l'examen du droit d'auteur. C'était en partie parce qu'ils pouvaient littéralement s'entendre chanter, car ils vivaient plus longtemps. Cela peut aussi être l'héritage que l'artiste laissera derrière lui.
    Très rapidement, je sais que parfois, nous signons tous des contrats aux dispositions nébuleuses dans le cadre desquels nous renonçons à notre vie privée. Est‑ce la même chose dans votre industrie? Les artistes doivent-ils comprendre à quoi ils renoncent dans ces longs formulaires, et tout ce qu'on leur présente au dernier moment? Ce genre de vulnérabilité existe‑t‑il?
(1220)
     C'est une bonne question.
    J'aimerais vous donner un petit aperçu de la vie des artistes. Premièrement, ils savent très bien que s'ils sont difficiles, ou perçus comme tels sur le plateau, cela va se savoir et ils n'obtiendront pas un autre emploi. Lorsqu'ils se présentent, les artistes veulent faire plaisir au réalisateur, au producteur et aux gens sur le plateau. Ils arrivent bien trop souvent à 6 heures du matin, pour se coiffer et se maquiller. On leur remet un contrat et on leur dit de le signer. On leur remet un épais contrat. Ils ne sont pas avocats. Ils n'ont pas d'avocat avec eux, mais ils savent que s'ils ne signent pas, s'ils ne cèdent pas ce que le contrat leur demande de céder, ils n'obtiendront pas cet emploi, et peut-être un autre emploi.
    Ce sont des travailleurs précaires qui doivent vraiment se préoccuper de leur prochain emploi. Ce ne sont pas eux qui font obstacle aux droits qu'ils devraient avoir dans notre société. Vous avez entendu parler de l'artiste ou de l'acteur en difficulté qui doit exercer un deuxième emploi, souvent dans un bar ou un restaurant. C'est la vérité. Ils ne peuvent pas payer leur loyer avec le salaire qu'ils gagnent en faisant le travail qu'ils aiment, et ils doivent ensuite faire face à la réalité d'être perçus comme étant difficiles à gérer.
    Ils signent ces contrats, et ils ne savent pas ce à quoi ils renoncent.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Monsieur Généreux, vous avez la parole.
    Je remercie tous les témoins.
    Mesdames Hénault et Desrochers, la francophonie canadienne et la francophonie québécoise risquent-elles de disparaître littéralement à l'avenir?
    Je sais que c'est une grande question.
    En effet, c'est une grande question.
    En tant que représentante d'une coalition canadienne, je pense que, si nous sommes ici, c'est que nous travaillons fort pour protéger et promouvoir la spécificité culturelle partout au Canada, que ce soit la francophonie québécoise ou celle des communautés linguistiques en situation minoritaire.
    La francophonie canadienne et la francophonie québécoise sont bel et bien à risque. C'est pour cela que nous sommes vigilants et que nous sommes ici aujourd'hui, pour vous interpeller. Nous devons agir sur plusieurs fronts pour protéger et promouvoir la diversité de nos expressions culturelles.
    Madame Hénault, avant que vous ne répondiez, j'aimerais ajouter le fait que vous avez dit tantôt qu'il ne faudrait pas que le Canada devienne une république bananière. Considérez-vous le projet de loi C‑27 comme celui d'une république bananière?
    Ce n'est pas ce que j'ai dit.
    Je suis contente que vous me posiez la question et vous en remercie.
    L'édition étant une industrie mondiale, nous avons de fréquents échanges avec des partenaires internationaux. Or, nos homologues à l'étranger sont parfois très surpris de constater que la législation canadienne sur le droit d'auteur accuse du retard dans tous les secteurs.
     La directive européenne vise à protéger les expressions culturelles, ce qui est un des objectifs de la législation européenne sur l'intelligence européenne, je crois, ainsi que la richesse de la francophonie et celle de toutes les langues. Or, dans le contexte de l'intelligence artificielle, il est encore plus important d'avoir de bonnes politiques publiques pour soutenir les industries culturelles en langue minoritaire.
     Évidemment, l'anglais est une langue dominante qui voyage plus facilement, mais cela représente quand même des défis pour le marché anglophone du Canada, parce que le grand marché américain qui est juste à côté lui fait concurrence.
    Pour ce qui est de l'industrie francophone du livre, les politiques publiques québécoises ont vraiment favorisé son essor, contrairement à d'autres industries culturelles. D'ailleurs, les chiffres sont là pour le démontrer. La part de marché de 50 %, un très bon pointage, a été obtenue grâce aux politiques publiques du Québec et du Canada, qui ont été structurantes pour le développement de l'industrie du livre.
    Cependant, il est évident que ces politiques doivent être actualisées et modernisées. Le projet de loi à l'étude est une occasion d'aider la culture canadienne à continuer à émerger.
    Je vais maintenant m'adresser à tout le monde.
    Plusieurs d'entre vous ont parlé à plusieurs reprises d'interopérabilité avec ce qui se fait ailleurs dans le monde, particulièrement en Europe et aux États‑Unis. Croyez-vous que le projet de loi C‑27 va assez loin, même s'il était amélioré grâce aux amendements proposés par le gouvernement? D'après les réponses que vous donnez depuis le début, cela ne semble pas être le cas.
    Pour assurer la viabilité de vos organisations respectives, jugez-vous important que le projet de loi C‑27 intègre les éléments que vous proposez?
(1225)
     Nous sommes prêts à travailler très fort avec vous pour améliorer ce projet de loi. Les fournisseurs de modèles d'intelligence artificielle, que ce soit ceux à usage général ou les grands modèles d'intelligence artificielle générative, doivent être soumis aux mêmes obligations en matière de culture que celles que l'Europe est en train de mettre en place. Nous ne voulons pas qu'il n'y ait que de la culture européenne francophone, au Québec. Nous voulons que notre propre culture puisse émerger. En tout cas, nous sommes pleins de bonne volonté pour ce qui est de réglementer les technologies de l'intelligence artificielle de façon respectueuse et dans l'intérêt collectif.
    La semaine dernière, M. Bengio est venu nous dire qu'il fallait adopter ce projet de loi rapidement, malgré ses imperfections. Par contre, plusieurs autres témoins nous ont dit de ne pas aller trop vite, car, si nous donnions un cadre trop rigide au Canada et que nous ne prenions pas le temps de nous adapter à ce que fait l'Europe pour assurer l'interopérabilité de nos régimes respectifs, nous risquerions de diminuer l'innovation et la recherche.
    Croyez-vous que nous devons à la fois améliorer le projet de loi et prendre notre temps pour nous assurer d'aligner nos lois en la matière sur celles des autres pays?
    L'innovation et la protection des ayants droit vont de pair. Je dirais même que, pour les entreprises innovantes, le fait de travailler dans un environnement où les balises sont claires et où il est facile de rémunérer les ayants droit et d'obtenir leur consentement est à leur avantage. C'est à l'avantage de tout le monde, en fait. L'innovation et la protection des créateurs ne devraient pas être des choses qui s'opposent.
    Sur l'importance d'adopter ce projet de loi rapidement, je vais renchérir sur ce que disait Mme Hénault: nous sommes prêts à travailler avec vous pour l'améliorer, mais on a besoin d'un encadrement. Il y a des choses qui doivent être réglées rapidement, car cela se développe à toute vitesse.
    Merci beaucoup.
    Avant de passer la parole à M. Turnbull, je vois que M. Rogers veut intervenir.

[Traduction]

     Je voulais simplement dire, au sujet de la question des hypertrucages aux États-Unis et dans l'Union européenne, que la No AI FRAUD Act aux États-Unis est un projet de loi bipartite que notre industrie appuie largement, et nous encourageons tous les membres du Comité à l'examiner. Je pense que cela fournit un excellent cadre pour la question des hypertrucages dont nous avons discuté.
    Merci.
    Monsieur Turnbull, vous avez la parole.
    C'est formidable d'avoir un peu plus de temps pour revenir à mes questions.
    D'après ce que j'ai compris en lisant la LIAD et les amendements proposés, les organisations qui construisent des systèmes à vocation générale capables de générer des résultats doivent faire de leur mieux pour s'assurer que les résultats de ces systèmes peuvent être détectés facilement ou à l'aide d'un logiciel libre.
     C'est une première chose. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction. Je vais vous poser une question dans un instant, mais j'aimerais aborder quelques autres sujets.
    D'autre part, cela renforce sensiblement le cadre d'application de la protection des renseignements personnels et exige un consentement explicite et significatif lorsque des renseignements personnels de nature délicate sont recueillis, utilisés ou divulgués. À mon avis, cela couvre l'information biométrique, qui s'appliquerait à tous vos acteurs, créateurs, interprètes et réalisateurs, etc. Il y a peut-être des exceptions.
    De plus, les entreprises qui créent les systèmes d'intelligence artificielle sont également tenues de conserver les données relatives à la création et à l'exploitation des systèmes, ce qui peut suggérer qu'elles doivent tenir des registres sur la façon dont elles entraînent leurs systèmes.
    Je comprends que nous pourrions aller plus loin, et que certains d'entre vous le souhaiteraient, mais ce sont là trois étapes qui semblent importantes pour accroître la transparence.
    Je voudrais d'abord m'adresser à l'ACTRA. Il me semble que ce sont vraiment des mesures positives. Ne convenez-vous pas que ce sont des mesures très positives qui ont été ajoutées au projet de loi?
    Oui, nous en convenons, et nous avons commencé notre exposé en disant que nous sommes reconnaissants que le gouvernement se penche sur cette question et que le projet de loi C‑27 ait été présenté. Cela nous a permis d'avoir cette conversation.
    Il y a des changements importants que nous aimerions y voir, mais nous sommes heureux d'en discuter. Nous sommes heureux d'être ici pour discuter du projet de loi C‑27.
(1230)

[Français]

    Oui, on fait des pas dans la bonne direction, mais je vous avoue que, comme juriste, j'ai été très surprise de lire la partie du projet de loi traitant de l'intelligence artificielle générative et de ne pas y retrouver les éléments clés de la législation européenne. Toutefois, je comprends que notre projet de loi a peut-être été conçu avant que les grands modèles d'intelligence artificielle générative, notamment capables de générer du texte et des images, soient universalisés.
    Il faut donc adapter notre législation à cette réalité, notamment en s'inspirant de la législation européenne sur l'intelligence artificielle, à laquelle vous aurez bientôt accès. Celle-ci contient des ingrédients qui peuvent nous aider à améliorer notre propre législation pour qu'elle protège réellement les créateurs et les entrepreneurs canadiens.

[Traduction]

     Merci.
    Madame Desrochers, vous avez la parole.

[Français]

     Sur les deux premiers points, je laisserai répondre les collègues qui représentent plutôt des interprètes.

[Traduction]

Pour ce qui est de tenir des registres et de les rendre publics, il ne suffit pas de les tenir. Que faisons-nous de ces registres s'ils ne sont pas publics? Nous ne le savons pas. Oui, c'est une amélioration, mais il faut encore faire mieux.
    Je crois comprendre que certains de ces modèles d'intelligence artificielle pourraient inclure 70 milliards d'éléments d'information, alors est‑il réaliste de les rendre publics? Vous pensez peut-être que oui, mais je m'attends à ce qu'il y ait des défis logistiques à ouvrir toutes grandes les portes et à ce que tout cela soit public. Y avez-vous réfléchi?
    Eh bien, je n'ai pas à m'occuper de toutes ces données. Les entreprises le font, alors je suppose qu'il y a un moyen de le faire.
    Je comprends cela, mais je pense que vous devez avoir de l'empathie pour ce que nous, les législateurs de notre côté, essayons de faire, c'est‑à‑dire être pratiques. Il y a des entreprises qui utilisent l'IA pour faire toutes sortes d'excellentes choses. Si nous leur imposons un fardeau très lourd, cela pourrait nuire à leur capacité de faire certaines des très bonnes choses qu'elles font aussi. Je veux simplement que vous le sachiez.
    Merci. Je comprends parfaitement.
    Je vais revenir au français.

[Français]

    Dans mon allocution, j'ai fait référence à un extrait du projet de législation de l'Union européenne sur l'intelligence artificielle, qui n'est pas encore finalisée. On y prévoit l'obligation de mettre à la disposition du public un résumé suffisamment détaillé de l'utilisation des données d'entraînement protégées par la législation sur le droit d'auteur. Je crois que si on peut le faire dans l'Union européenne, on peut le faire au Canada.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Forget, en ce qui concerne les trois étapes ou les trois ajouts que j'ai soulignés au début, pouvez-vous nous dire s'ils sont positifs de votre point de vue?
     Nous croyons que la protection actuelle offerte par la LIAD ne va pas assez loin. Pour reprendre le commentaire de ma collègue, Marie-Julie Desrochers, ce n'est pas suffisant sur le plan de la transparence.
    Plus précisément — pour donner un exemple concernant l'IA générative —, il n'y a actuellement aucune autorisation de la part des titulaires de droits pour utiliser les données à des fins d'exploration, d'exploitation. Les résultats ne peuvent pas être protégés par le droit d'auteur. Au moins, on s'entend pour dire que ces résultats sont problématiques parce que nous ne savons pas quelles données ont été utilisées. Cela pose un problème pour les créateurs — par exemple, pour les membres de la GCR — chaque fois qu'ils utilisent ou aimeraient utiliser un résultat d'IA, mais aussi pour tous les Canadiens, selon nous, et...
    Je ne veux pas vous interrompre, mais je suis sûr que mon temps touche à sa fin.
    Pour résumer ce que vous dites, vous voulez que le droit d'auteur soit protégé avant qu'un modèle d'IA ne soit créé ou entraîné. Est‑ce bien ce que vous voulez? Aidez-moi à comprendre comment... Si un modèle d'IA prend 69 milliards d'éléments d'information, êtes-vous en train de dire qu'il faudrait conclure une entente avec chaque titulaire de droits — la personne qui a créé ce contenu — pour chaque élément d'information qui entrerait dans l'un de ces modèles? Est‑ce bien ce que vous dites?
(1235)
    Non. En fait, nous n'avons pas actuellement accès à l'information, comme nous l'avons dit, sur la quantité de données utilisées et sur la façon exacte dont elles sont utilisées, ce qui signifie que cela crée un certain niveau d'incertitude.
     Je viens de dire que les constructeurs de ces systèmes polyvalents doivent faire de leur mieux pour s'assurer que l'on peut détecter la façon dont ils ont créé le résultat en question. N'est‑ce pas exact? Si nous inscrivons cela dans le projet de loi, cela ne règle‑t‑il pas le problème que vous soulevez?
    L'autre dimension qui a été soulevée est celle des données publiques et du fait qu'elles peuvent être largement partagées ou facilement accessibles, et détaillées au point où un auteur, un titulaire de droits, soit en mesure d'y accéder.

[Français]

    Merci, monsieur Turnbull.
    Je passe à la parole à…

[Traduction]

    Je suis vraiment désolé. Je sais que je suis à l'écart ici. Puis‑je?
    Oui, monsieur Rogers.
     Je crois que les amendements du ministre sont un pas dans la bonne direction. Je pense que, comme nous en avons discuté, ils peuvent aller plus loin.
     Cependant, je trouve désespérant qu'on puisse dire que, parce qu'il s'agit de gros chiffres ou que c'est compliqué, cela ne devrait pas être réglementé ou ne devrait pas être nécessaire.
    Vous avez maintenant accès, sur votre téléphone, à presque toutes les chansons jamais enregistrées, et cela de façon légale et autorisée, parce qu'il y a eu une entente entre les titulaires de droits et les plateformes. C'est génial. À une certaine époque, on disait que ce n'était pas faisable. Des gens se sont assis ici et ont dit aux parlementaires: « Voulez-vous vraiment que j'aille chercher les droits de tous les titulaires de droits sur les chansons? Ne savez-vous pas qu'il existe un droit d'enregistrement et un droit écrit? Cela prendra une éternité. » Nous avons maintenant un processus de musique important, florissant, légal et autorisé sur de multiples plateformes.
    C'est donc faisable. Je supplie les parlementaires de ne pas se laisser entraîner sur la voie du « c'est trop compliqué pour que vous compreniez. » Vous devez rejeter cela. Nous ne l'accepterions pas pour la réglementation nucléaire ou bancaire. Nous ne pouvons pas le permettre pour le vol des arts et de la culture.
    Merci pour ce point.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Vis, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais obtenir une précision.
    Certains intervenants, dont bon nombre d'entre vous aujourd'hui, se sont dits préoccupés par le fait que la Loi sur l'intelligence artificielle et les données ne protège pas adéquatement le droit d'auteur des créateurs canadiens. C'est bien établi aujourd'hui.
    Cependant, Mark Schaan, sous-ministre adjoint principal du ministère, a expliqué au Comité, lors de sa comparution en octobre, que les aspects les plus efficaces pour répondre aux préoccupations relatives au droit d'auteur se trouvent dans la Loi sur le droit d'auteur, et que le gouvernement a annoncé une consultation sur le lien entre l'intelligence artificielle et le droit d'auteur. Certains de ces aspects ont été abordés.
    Pour que ce soit bien clair pour moi et pour le ministère, pourquoi pensez-vous que les questions liées au droit d'auteur doivent être traitées explicitement dans la LIAD plutôt que dans la Loi sur le droit d'auteur? Quelqu'un veut‑il faire un commentaire à ce sujet? Des modifications à la Loi sur le droit d'auteur pourraient-elles être apportées à la place ou en plus des dispositions explicites sur le droit d'auteur de la LIAD? Si oui, lesquelles?
    Si quelqu'un veut apporter ces précisions, ce serait très utile.
    Monsieur Rogers, vous avez la parole.
    Puis‑je simplement dire, sans vouloir dénigrer qui que ce soit, que les parties prenantes peuvent seulement tirer la mauvaise carte?
    Le projet de loi dont le Parlement est saisi est le projet de loi C‑27. Un examen du droit d'auteur est en cours. Si nous ne parlons pas de l'IA et de son interaction avec le droit d'auteur dans le cadre du projet de loi C‑27, nous aurons manqué le bateau. Si nous ratons l'occasion d'en parler pendant les consultations sur le droit d'auteur, il y a de fortes chances qu'on nous suggère d'en parler dans le cadre du projet de loi C‑27.
    Merci. Je suis d'accord.
    Cela ne reflète en rien mon opinion personnelle du sous-ministre adjoint, qui est brillant à mon avis, mais un peu naïf, à certains égards, de différencier les choses de cette façon.
    Oui. Je pense que ce pour quoi nous sommes tous ici, de différentes façons... Encore une fois, je pense que l'aspect humain de l'IA est très important. Si vous vous fondez sur les principes, vous pouvez modifier les lois comme bon vous semble.
    Merci. C'est très intéressant.
    Madame Noble, votre témoignage au tout début m'a frappé.
    Je viens de la vallée du Fraser et je représente la vallée et le canyon du Fraser. Tous les films Hallmark d'Amérique du Nord ont probablement été tournés dans ma circonscription, la plus importante au Canada, Mission—Matsqui—Fraser Canyon. L'année dernière, je passais littéralement toutes les semaines dans le centre-ville d'Abbotsford ou de Mission, et je voyais des films en plein tournage. Puis, il y a eu la grève aux États-Unis et l'industrie s'est arrêtée. En fait, les deux voisins de part et d'autre de ma maison travaillent dans l'industrie cinématographique et n'ont pas reçu de chèque de paie pendant près d'un an. Ces familles ont été très touchées. Ce sont de bons emplois bien rémunérés.
    Tout d'abord, que disent les acteurs et les auteurs au sujet des lois équivalentes ou des problèmes équivalents aux États-Unis? Où devons-nous trouver l'interopérabilité avec les lois américaines, particulièrement en ce qui concerne la programmation en langue anglaise, pour nous assurer que nos écrivains, nos artistes et nos interprètes ne sont aucunement désavantagés?
(1240)
    Je vais laisser Marie Kelly vous répondre. Cependant, l'un des grands enjeux de leur grève était justement celui‑là. Cela nous a touchés. Mme Kelly pourra vous donner plus de détails.
     C'était l'enjeu clé de la grève SAG‑AFTRA aux États-Unis. Nos membres comprennent, aux États-Unis comme au Canada, la nature précaire de la façon dont notre produit est détenu. Ils font du lobbying en Californie et ailleurs pour obtenir des lois sur les hypertrucages. Ils savent que cela doit figurer dans la convention collective, mais aussi dans les lois. Ils examinent également le consentement, le contrôle et l'indemnisation. Vous en entendez parler aux États-Unis également. Ils parlent du nom, de l'image et de la ressemblance. Nous avons également besoin de ces protections dans la loi.
    Je dois dire une chose. Nous n'avons pas parlé du fait que la diversité, l'équité, l'inclusion et l'appartenance font défaut dans notre industrie. La situation s'améliore, mais la réalité est que vos écrans de télévision ne reflètent pas l'ensemble de notre société. Lorsque nous parlons des données qui entrent dans l'apprentissage automatique, c'est une préoccupation que nous devons avoir. Les données discriminatoires qui sont introduites vont produire — et il y a de nombreux articles à ce sujet — le même genre de données. Il faut le dire ici.
    Merci.
    Madame Hénault, je sais que vous souhaitiez intervenir sur le dernier point. Voulez-vous faire un bref commentaire sur le droit d'auteur?

[Français]

     Oui, je voulais parler de la distinction entre la Loi sur le droit d'auteur et le projet de loi C‑27. La Loi sur le droit d'auteur régit les ayants droit, tandis que le projet de loi C‑27 porte sur la gestion et la confection des modèles d'intelligence artificielle générative.
     Il est important de réglementer cette industrie par des obligations d'intérêt collectif, y compris le respect du droit d'auteur. Dans d'autres lois, par exemple celles sur la construction des avions ou sur les transports, j'imagine qu'on indique qu'il faut respecter des normes dans l'intérêt collectif. C'est de la même façon que nous percevons le projet de loi C‑27. Il faut dire très clairement que les développeurs doivent mettre en place des politiques pour entraîner leurs modèles de façon équitable et respectueuse, et doivent les rendre disponibles. Il doit aussi y avoir des politiques à l'égard des utilisateurs pour que ceux-ci comprennent bien que ce n'est pas un passe-droit pour enfreindre le droit d'auteur d'un tiers.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Vis. Je suis désolé, mais c'est tout le temps que vous aviez.
    Je passe maintenant la parole à M. Sorbara.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bienvenue à tous au Comité et bon début de semaine.
    Les témoignages que vous avez livrés donnent facilement à penser que l'impact de l'intelligence artificielle est tout à fait comparable à celui causé par l'invention de la presse à imprimer il y a quelques centaines d'années. Je dis cela après une longue réflexion historique sur le sujet. En effet, la révolution industrielle nous a permis de faire rouler des trains sur des rails à travers le monde. On insiste beaucoup sur les possibilités offertes par l'intelligence artificielle dans votre domaine et dans votre secteur, mais on constate qu'il règne également une certaine fébrilité dans l'univers de l'intelligence artificielle dans lequel vous évoluez ou au sein de ce secteur technologique.
    Madame Noble et madame Kelly, je vais commencer par vous. L'impact de l'intelligence artificielle est‑il plus fort du côté du droit d'auteur ou du côté de l'intelligence artificielle générative, où les humains ne seront peut-être plus nécessaires? Je vous demande cette précision parce que nous tenons actuellement des consultations sur le droit d'auteur et parce que la partie 3 du projet de loi, la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, ne touche pas le droit d'auteur. J'aimerais avoir votre avis là‑dessus. Si vous deviez nous donner un pourcentage de l'impact dans les deux cas, quel serait‑il?
(1245)
    Il est difficile pour nous de diviser l'impact que cela aura sur les individus et sur leur vie quand ils perdent leur travail et se font voler leur image qui se retrouve dans le pire genre matériel. Dans les deux cas, c'est terrible, mais nous n'avons pas beaucoup parlé de la perte de travail. La réalité, c'est qu'il y aura une perte de travail massive dans tous les secteurs.
    Nous sommes inquiets parce que nous sommes une industrie culturelle. Je ne crois pas que l'on puisse créer une culture au moyen de l'intelligence artificielle. Les gens peuvent s'en servir comme outil. Aux États-Unis, il existe déjà une jurisprudence en vertu de laquelle si aucun humain ne participe à la création d'une œuvre d'art, et que celle‑ci est créée uniquement par une machine, elle n'est pas protégée par le droit d'auteur.
    L'impact de l'intelligence artificielle sur les emplois, les individus et la société est considérable.
    Je ne suis pas avocat, mais je continue de réfléchir à ce que vous avez dit au sujet de la jurisprudence actuellement en place aux États-Unis.
    Je passe maintenant à Music Canada. Je vais essayer de m'adresser à chacun de vous. Si le temps me manque, ne le prenez pas personnellement.
    Je reviens aux systèmes à incidence élevée. Bon nombre des témoins que nous avons entendus au Comité font une distinction entre les systèmes à incidence élevée et les systèmes à faible incidence. Dans le secteur de la musique et des arts, où vous situez-vous à cet égard et pourquoi? Nous voulons nous attaquer aux systèmes à incidence élevée, sans pour autant paralyser l'innovation. Nous voulons nous assurer que des garde-fous sont en place pour les systèmes à incidence élevée, sans toutefois nuire à l'innovation.
    Dans sa forme actuelle, je ne crois pas que le projet de loi parle d'incidence élevée dans le cas de la musique. Je serais étonné que quelqu'un, après avoir suivi nos délibérations des deux dernières heures, pense que l'intelligence artificielle n'a pas eu une incidence élevée sur l'ensemble des secteurs culturels. Toute tentative de laisser l'intelligence artificielle bafouer les lois sur le droit d'auteur aura des répercussions extrêmement graves sur nous. C'est quelque chose que vous pouvez corriger aujourd'hui même dans le projet de loi C‑27, en précisant simplement que l'intelligence artificielle doit payer pour toute utilisation de matériel protégé par le droit d'auteur.
    Je m'adresse maintenant à Marie-Julie Desrochers.

[Français]

     Je vous souhaite la bienvenue. Ma question concerne le projet de loi C‑27.

[Traduction]

    N'est‑il pas important que nous adoptions enfin ce projet de loi et le mettions en œuvre? Vingt ans se sont écoulés. Ne pensez-vous pas que les examens législatifs de la partie du projet de loi portant sur l'intelligence artificielle — même de la législation sur le droit d'auteur, qui est en cours — devraient avoir lieu à des intervalles beaucoup plus courts?
    Désolée, je n'ai pas compris la fin de la question.
    Je parlais des intervalles. L'examen de ces textes législatifs ne devrait‑il pas avoir lieu à des intervalles beaucoup plus courts, compte tenu de la rapidité de l'innovation technologique?
    Oui, bien sûr. Au rythme où vont les choses, l'idéal serait de les réviser à intervalles réguliers.
    J'ai une question pour M. Forget, de la Guilde canadienne des réalisateurs.
    Votre organisation et vos membres faites un travail difficile; si je comprends bien, vous êtes l'élément créatif du monde. Comment vos membres se sentent-ils ces temps‑ci?
    Je vous remercie pour cette question. Je vous remercie également d'avoir fait allusion aux répercussions des deux grèves de l'an dernier sur nos membres, particulièrement en Colombie-Britannique.
    Je dois dire qu'il y a eu beaucoup d'anxiété au cours de la dernière année. Nos membres exercent une diversité de fonctions. En plus des réalisateurs, il y a les monteurs de films et de bandes sonores, les régisseurs, les comptables de production, les coordonnateurs de production, les concepteurs et j'en passe.
    Quand nous demandons à nos membres s'ils utilisent l'intelligence artificielle et comment ils voient l'avenir de cette technologie et l'impact qu'elle aura sur notre travail, nous entendons un point de vue bien différent, naturellement. Les concepteurs nous disent que le niveau d'appréhension est très élevé. Comme ce sont eux qui créent le monde que vous voyez à l'écran, ils sont responsables de l'œuvre d'art qui se trouve sur le mur dans la maison de la personne, là où se trouve le personnage. Les monteurs s'inquiètent des répercussions, de même que les réalisateurs et les auteurs, bien entendu.
    Dans l'ensemble, je dirais que bon nombre de nos membres voient l'intelligence artificielle comme une technologie de transformation. Cela correspond à la définition que j'ai en tête d'une technologie qui aura une incidence élevée, tant pour les Canadiens que pour la culture, et sur la façon dont les œuvres sont produites.
    Permettez-moi de faire un dernier bref commentaire. Nous avons l'habitude de l'innovation. Nous sommes passés au numérique il y a 30 ans. Nous n'utilisons plus de pellicule pour produire des films, car nous nous sommes empressés d'adopter les nouvelles technologies dès le début. Vous avez peut-être raison de faire une analogie avec l'invention de la presse à imprimer, mais nous avons connu l'arrivée de nombreuses technologies nouvelles qui font maintenant partie du travail quotidien de nos membres.
    Bref, l'intelligence artificielle est perçue comme une technologie différente, mais plus importante et plus transformatrice.
    J'espère que cela répond à votre question.
(1250)
    De toute évidence, cela crée un climat d'incertitude pour vos membres, des Canadiens qui travaillent fort ici et à l'étranger et qui ont un grand talent artistique, si je peux m'exprimer ainsi.
    Mon temps est écoulé.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Monsieur Garon, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais faire un commentaire sur la question de la transparence. Un de mes collègues, M. Turnbull, en a parlé. Il a dit que ça pourrait être compliqué de trouver, parmi des milliards d'éléments d'information, l'identité des œuvres qui ont été utilisées. Or, j'ai comme l'impression qu'un système d'intelligence artificielle qui est capable de lire 100 millions de livres par jour est capable de chercher dans une liste. Ce serait à vérifier.
    Cela dit, des intervenants sont venus nous dire que le projet de loi C‑27 ne faisait pas l'affaire. Beaucoup de représentants des géants du Web sont venus nous le dire. Cela sous-entendait presque qu'il fallait s'en débarrasser, repartir à zéro, modifier toutes sortes d'autres lois et travailler encore je ne sais combien d'années là-dessus. Nous avons cette option. Il y a aussi l'option d'aller de l'avant, de continuer d'amender le projet de loi C‑27 et de faire le mieux possible. Il y a peut-être l'option d'attendre et d'imiter l'Europe puisque, après tout, le Canada est un petit joueur.
    Il y a toutefois une autre solution: on pourrait ajouter une disposition obligeant une mise à jour périodique de la loi, par exemple tous les trois ou cinq ans. Ça forcerait le Parlement à revoir complètement la loi et lui donnerait l'occasion, de manière périodique, d'arrimer la loi à la législation d'autres pays pour que le Canada demeure concurrentiel, tout en lui permettant de participer au processus de réflexion internationale.
    Madame Hénault, que pensez-vous d'une telle disposition?
    Je préférerais que nous tâchions de bien faire les choses dès maintenant, à la lumière des informations que nous avons et de nos besoins en matière de politiques structurantes. Je vais y penser et je vous transmettrai mes commentaires.
    Y a-t-il d'autres témoins qui souhaitent s'exprimer sur l'opportunité d'ajouter une disposition de révision périodique au projet de loi?

[Traduction]

    Oui. Comme comme nous l'avons répété à maintes reprises aujourd'hui, nous sommes des détenteurs de droits d'auteur. La Loi sur le droit d'auteur comporte un article à cet égard.
    Vous avez une excellente occasion d'examiner la loi pour vous assurer qu'elle est conforme aux normes internationales, mais ce n'est absolument pas une solution miracle à ce problème. Cela créera un cycle de lobbying sans fin, comme un cycle électoral sans fin. Ces mesures sont souvent utiles dans les gouvernements minoritaires. C'est quelque chose que vous devriez ajouter, mais vous ne devriez pas en dépendre.
    Nous pensons que le gouvernement doit absolument agir. Nos membres en subissent déjà les préjudices.
    J'adore l'idée de faire des examens législatifs plus souvent. Je ne sais pas si une mesure législative est nécessaire pour cela. J'espère que nous avons un bon gouvernement qui se penche sur cette loi à intervalles réguliers. Cette technologie prend de l'ampleur de jour en jour. Elle évolue. Ce dont nous parlons aujourd'hui prendra un nouvel éclairage dans un mois.
    En tant que Canadienne, j'aimerais croire que notre gouvernement se préoccupe de ces enjeux et qu'il va continuer à en examiner toutes les facettes et à apporter les changements nécessaires en temps opportun.
    Je signale que nous regardons souvent ce qui se passe ailleurs dans le monde, mais je suis fière d'être Canadienne. Je pense que nous pouvons et devons être des chefs de file dans ce domaine.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Masse, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Ma première intervention concerne le prochain défi que nous devons relever, parce que vous avez démontré aujourd'hui que c'est là‑dessus que nous allons vous consulter au sujet du projet de loi C‑27 afin de régler la question du droit d'auteur. Nous allons nous y attaquer après l'adoption du projet de loi C‑27. Pour le NPD, ce n'est pas suffisant. Il est clair pour nous que nous pouvons relever ces deux défis. Ou nous reléguons cette réglementation aux oubliettes — c'est vraiment ce qui se passe — ou bien nous démantelons ce que nous avons ici.
    La solution de rechange à laquelle je pense consisterait à l'étudier dans une optique de sécurité nationale ou presque. Nous pourrions même demander à un comité permanent de la Chambre et du Sénat de se pencher sur la question du droit d'auteur dans l'ensemble des provinces, parce que, techniquement parlant, le droit d'auteur ne fait pas partie de ce projet de loi. En réalité, toutefois, il englobe tout ce que vous avez dit et fait ici d'une manière beaucoup plus exhaustive que dans beaucoup d'autres secteurs.
    Je vais faire un rapide tour de table pour savoir ce que vous pensez de l'idée de désigner un commissaire à l'intelligence artificielle. Ce commissaire devrait‑il être indépendant et avoir le pouvoir d'imposer des amendes pour toute utilisation abusive de l'intelligence artificielle, si jamais cette fonction est prévue à la loi?
    Nous pourrions commencer par l'ACTRA.
(1255)
    Oui.
    Oui, à la condition que nous ayons un cadre pour déterminer la nature de l'abus en question et c'est là que le projet de loi joue un rôle.
    C'est oui à l'unanimité. C'est très bien.
    Je sais que c'est vraiment fondamental, mais je n'ai plus qu'une trentaine de secondes, je pense.
    Je préfère votre idée de faire appel à un comité permanent parce qu'elle se rapproche davantage de ma conviction que ce projet de loi-cadre constitue un important premier pas. Comme nous ne cesserons jamais de rédiger des lois sur l'intelligence artificielle, nous devons nous assurer que nous nous entendons clairement sur le contenu au fur et à mesure que nous avançons.
    Merci.
    Merci beaucoup, chers collègues.
    Il nous reste environ cinq minutes, alors si vous avez d'autres questions à poser, je vous cède la parole.
    Je donne la parole à M. Perkins.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question est pour Mmes Noble et Kelly.

[Traduction]

     Madame Kelly, dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de « droits moraux ». Pouvez-vous expliquer au Comité ce que vous entendez par là, s'il vous plaît?
    Avec l'avènement de Napster, il y a quelques décennies, il a été décidé que les lois sur le droit d'auteur devaient offrir un certain niveau de protection. Il existe plusieurs niveaux de protection du droit d'auteur. Le droit moral, comme nous l'appelons, permet aux musiciens de défendre leur musique. Lorsque leur musique est diffusée à travers le monde et que quelqu'un la vole, ils peuvent ainsi démontrer qu'ils détiennent un droit de propriété. Les artistes-interprètes ne jouissent pas de ce droit. Cela me semble bizarre de dire cela, mais les artistes n'ont pas ce droit. Il est vrai qu'il n'y avait pas de Napster pour les artistes-interprètes.
    À l'époque, personne ne pouvait s'approprier un film dans lequel vous figuriez. Aujourd'hui, nous évoluons dans l'espace numérique et les hypertrucages permettent facilement de le faire. Le problème, c'est que les studios... Mme Noble travaille pour un studio. Supposons qu'elle figure dans un film. Le studio est propriétaire de sa ressemblance et de sa performance dans ce film, mais si quelqu'un vole son image, la diffuse sur Internet et la modifie, elle n'a aucun droit moral pour se protéger contre cela. Elle devrait avoir ce droit.
    Merci.
    Je vous remercie, monsieur Perkins.
    Monsieur Vis, c'est à vous.
    Très brièvement, l'article 33 du projet de loi propose la désignation d'un commissaire à l'intelligence artificielle et aux données. Les vastes pouvoirs qui lui seraient conférés sont énoncés dans les amendements présentés par le ministre.
    Certains groupes de témoins que nous avons entendus se demandent si le public canadien serait bien servi par un commissaire qui relèverait directement du ministre ou s'il ne serait pas souhaitable, compte tenu de l'impact important que l'intelligence artificielle aura sur la société et sur chacun d'entre nous, que le commissaire rende compte directement au Parlement, et non au ministre.
    Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    La professeure Catherine Régis de l'Université de Montréal en a déjà parlé, mais j'aimerais avoir plus de temps pour y réfléchir. C'est une question très importante que vous posez là parce que la séparation des pouvoirs...

[Français]

    Je ne sais pas pourquoi je parle en anglais, je crois que vous allez mieux comprendre si je réponds en français.
    En français, c'est mieux. Je comprends.
(1300)
    Cette question est importante. C'est possiblement le Parlement qui doit faire les lois et il doit y avoir des organismes indépendants pour s'assurer du respect de ces lois. C'est une question sur laquelle nous allons aussi vous fournir une réponse, si vous le voulez bien.
    J'attends votre courriel. Merci.
    J'en profite pour rappeler aux témoins de ne pas hésiter à faire parvenir au Comité tout amendement précis ou commentaire qui leur viendrait à l'esprit après la réunion.
    Monsieur Turnbull, vous avez la parole.

[Traduction]

    Brièvement, j'aimerais avoir des précisions sur les exigences de la loi de l'Union européenne. Pour faire suite à la discussion que nous avons eue quand j'avais la parole, j'aimerais avoir des précisions sur les exigences relatives à l'enregistrement et au suivi des données utilisées pour alimenter ces modèles. L'Union européenne exige-t-elle la tenue d'un registre public de la totalité des données, ou seulement un résumé pour les titulaires de droits d'auteur?
    Ma question s'adresse à Mme Desrochers ou à Me Hénault.
    Désolée. Je n'ai pas le texte devant moi à l'écran, mais je vais vous donner le numéro exact de l'article de la loi de l'Union européenne que nous devrions examiner à ce sujet.
    Concernant le droit d'auteur, je pense que c'est une obligation pour toutes les sortes de modèles génératifs, qu'ils soient à risque élevé ou à faible risque.
    C'est exact. Si je ne me trompe pas, il s'agit d'un résumé.
    Madame Desrochers, pouvez-vous répondre?
    Oui, d'après ce que j'ai lu tout à l'heure, il s'agit d'un résumé assez détaillé.

[Français]

    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Généreux, la parole est à vous pour une dernière question.
    La semaine dernière, M. Bengio a dit que, d'ici la prochaine décennie, il y aura des personnages — je ne sais pas trop comment les appeler — autonomes ou assez intelligents pour faire à peu près n'importe quelle tâche, incluant le fait de créer. Est-ce que ce type de créateurs — à numéro ou un autre nom qui leur sera donné — sont des créateurs de culture pour vous?
    Vous parlez sans doute de produits purement générés par l'intelligence artificielle. Dans le mémoire que nous avons récemment déposé aux ministères de l'Industrie et du Patrimoine canadien et portant sur l'interaction entre le droit d'auteur et l'intelligence artificielle générative, nous nous opposons à ce que des droits d'auteur soient accordés à des produits qui seraient purement générés par l'intelligence artificielle. Cependant, nous ne nous opposons pas à ce que des artistes utilisent l'intelligence artificielle comme outil de création et puissent continuer de bénéficier de droits d'auteur.
    Merci beaucoup.
    C'est ce qui conclut cette réunion, qui était fascinante. Au nom du Comité, chers témoins, je vous remercie d'avoir pris le temps d'y participer et de nous avoir éclairés de vos lumières, et aussi de tout le travail que vous faites pour la défense et la promotion des créateurs et des artistes au Québec et au Canada.
    Monsieur Garon, vous aviez la main levée. La parole est à vous.
    J'ai une question rapide à poser sur un autre sujet.
    Pour la réunion de mercredi, il avait été question de recevoir les entreprises de téléphonie cellulaire au sujet de leurs tarifs. La plupart d'entre elles seront déjà à Ottawa pour témoigner devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, et le Comité se réunira en soirée. Est-ce qu'il est toujours prévu que ces entreprises comparaissent devant le Comité?
    Malheureusement, trois des quatre entreprises n'étaient pas disponibles mercredi soir. Ce que nous avons proposé, avec la greffière, c'est d'y revenir au retour de la pause parlementaire. Nous pourrons alors recevoir la majorité des compagnies de télécommunications.
    Cependant, monsieur Garon, je serais heureux d'en discuter avec vous après cette réunion et de voir comment nous pourrions planifier les travaux du Comité.
    Je remercie encore tout le monde et je vous souhaite une très bonne journée.
    La séance est levée.
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