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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 030 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je déclare ouverte la réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Le projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel, c’est-à-dire qui prévoit des peines minimales pour les infractions mettant en jeu des armes à feu, est à l’ordre du jour.
    Comparaissent devant nous le ministre, l’honorable Vic Toews et deux fonctionnaires du ministère de la Justice.
     Monsieur le ministre Toews, je vous laisse la parole pour présenter vos fonctionnaires puis nous écouterons votre présentation.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je suis heureux d’être de retour ici. J’avais promis hier à M. Ménard que je reviendrais, et me voici.
     J’ai le plaisir de présenter deux de mes fonctionnaires, Mme Julie Besner et M. Donald Piragoff. Ils me seconderont à l’égard de quelques points techniques.
     Monsieur le président, membres du comité, je suis heureux que le comité amorce son examen du projet de loi C-10qui vise à protéger la sécurité publique en s’attaquant aux problèmes des armes à feu et des gangs. Ce projet de loi fait partie de l’engagement de notre gouvernement de prendre des mesures pour protéger les Canadiens et rendre nos rues plus sûres.
     En voyageant aux quatre coins du Canada et en discutant de ces mesures et d’autres mesures de justice pénale, j’ai été frappé par les appels en faveur de mesures de lutte contre la criminalité mettant en jeu des armes à feu. Des mères, des chefs de police et des procureurs généraux nous ont dit clairement que nous devions prendre des mesures pour nous attaquer à cette criminalité dans nos rues. Le projet de loi C-10 imposera des peines minimales obligatoires nettement plus sévères pour des infractions graves ou des récidives mettant en jeu les armes à feu d’une façon à la fois mesurée et explicitement adaptée au problème qu’il vise à régler. Il créera également deux infractions visant explicitement le vol d’armes à feu lors d’un vol qualifié et lors d’introductions par effraction dans des résidences et dans d’autres endroits.
    Le projet de loi C-10 vise à renforcer le régime actuel de peines minimales pour certaines infractions mettant en jeu des armes à feu. Actuellement, des peines minimales obligatoires de quatre ans s’appliquent à dix infractions différentes liées à l’utilisation d’armes à feu. Pour d’autres actes criminels au cours desquels une arme à feu est utilisée, une peine minimale consécutive d’un an s’applique lors d’une première infraction; une peine de trois ans s’applique lors d’une deuxième infraction. Une poignée d’autres infractions mettant en jeu des armes à feu, mais non leur utilisation comme telle, sont actuellement assorties de peines minimales d’un an seulement, par exemple pointer une arme à feu et faire la contrebande d’armes à feu.
    Le projet de loi C-10 est une mesure ciblée qui vise les membres de gangs qui utilisent des armes à feu pour commettre leurs actes criminels et les individus qui utiliseraient des armes à feu à autorisation restreinte pour menacer des Canadiens et Canadiennes. Il s’agit d’une réponse directe au fléau des actes criminels commis avec des armes de poing avec lequel notre pays est aux prises, en particulier dans nos villes. Le projet de loi vise le nombre restreint de personnes qui commettent ces actes criminels et il fera en sorte qu’ils s’exposeront à des peines importantes pour leurs actes.
     Le projet de loi C-10 vise à étendre l’application de la loi en vigueur en prévoyant un régime de peines minimales obligatoires progressives. La peine applicable augmentera s’il y a récidive, comme c’est le cas pour les infractions de conduite avec facultés affaiblies. Cependant, comme l’éventail des infractions mettant en jeu des armes à feu est considérablement plus grand que celui des infractions de conduite avec facultés affaiblies, des régimes de peines progressives différents sont nécessaires.
    Le projet de loi C-10 propose trois régimes différents de peines progressives que je vous décrirai en détail dans un moment mais j’aimerais d’abord m’étendre sur la nature du problème auquel le gouvernement s’attaque avec ce projet de loi.
     Depuis les trente dernières années, les catégories d’armes à feu employées dans la perpétration d’actes criminels ou découvertes au cours d’enquêtes criminelles ont considérablement changé. Des policiers et en particulier ceux qui s’occupent de faire respecter la loi à l’égard des armes à feu m’ont dit qu’ils voient de plus en plus d’armes de poing illégales, en particulier dans le contexte de la violence des gangs et du trafic de stupéfiants. Il s’agit d’un changement radical par rapport aux années 1970 et 1980, alors que les armes à feu employées dans des actes criminels, en particulier dans des homicides, étaient surtout des armes d’épaule.
    Les statistiques disponibles de Statistique Canada appuient ce que les policiers nous disent. Nous avons transmis ces statistiques au greffier du comité. Les chiffres montrent que ces dernières années, les armes de poing sont devenues l’arme de choix dans les actes criminels mettant en jeu des armes à feu et qu’elles sont utilisées dans environ les trois quarts des crimes de violence mettant en jeu des armes à feu.
    Le projet de loi C-10 cible les infractions graves et les récidives mettant en jeu des armes à feu. Quand vous examinerez les infractions visées par ces régimes de peines minimales obligatoires, vous verrez que ce sont toutes des infractions graves mettant en jeu des armes à feu. Ces propositions couvrent les infractions liées aux armes à feu qui se rapportent habituellement à la conduite criminelle la plus grave. Nous pourrions dire que ce que nous faisons dans le projet de loi C-10, c’est codifier des facteurs aggravants précis dont les cours devront tenir compte en imposant des peines aux personnes trouvées coupables de ces infractions graves mettant en jeu des armes à feu. Nous avons proposé des peines minimales plus sévères de cinq ans pour une première infraction, de sept ans pour une deuxième infraction et de dix ans pour une troisième infraction.
(1535)
    Il y a huit infractions graves liées à l’utilisation d’armes à feu: tentative de meurtre, déchargement volontaire d’une arme à feu dans l’intention de blesser une personne ou de prévenir une arrestation, agression sexuelle armée, agression sexuelle grave, enlèvement, prise d’otage, vol qualifié et extorsion. Le régime de peines plus lourdes pour ces infractions ne s’appliquera que si l’un ou l’autre de deux facteurs aggravants est présent.
     Le premier facteur aggravant est le lien avec une organisation criminelle. Cela comprendrait les gangs de rue si ils sont composés de trois personnes ou plus ayant l’intention de commettre des infractions graves pour en tirer des gains matériels, peu importe la catégorie d’arme à feu employée. Il est donc important de se rappeler que le régime s’applique à toutes les catégories d’armes à feu employées dans le contexte de l’activité d’un gang et de l’activité criminelle en question.
     Le deuxième facteur est l’emploi d’une arme à feu à autorisation restreinte ou prohibée. Comme vous le savez, ces armes sont des armes de poing, des armes automatiques ou des armes d’épaule qui ont été modifiées d’une quelconque façon.
    J’aimerais prendre un moment pour clarifier une ou deux choses à propos de ce dernier point parce que je remarque qu’il semble avoir créé un peu de confusion au cours du débat en deuxième lecture. Le projet de loi C-10 ne propose pas d’imposer des peines minimales obligatoires plus lourdes uniquement lorsque des armes à feu à autorisation restreinte ou prohibées sont en jeu. Il est vrai que c’est un facteur aggravant particulier qui déclenchera l’imposition des peines minimales obligatoires plus lourdes pour les huit crimes graves ciblés par ce projet de loi.
     Cependant, l’autre facteur aggravant qui s’applique à ces infractions, à savoir si l’infraction a été perpétrée en rapport avec une organisation ou un gang criminel n’exige pas que l’arme à feu employée au cours de l’infraction soit une arme à feu à autorisation restreinte ou prohibée. Il pourrait s’agir de n’importe quelle arme à feu, y compris une arme d’épaule sans restriction si cette arme d’épaule est employée dans le cadre des activités d’un gang criminel. Un membre d’un gang qui utilise une arme à feu, peu importe la catégorie, pour servir ses fins criminelles sera assujetti au régime des peines minimales obligatoires prévu dans le présent projet de loi.
    Je veux également préciser que les infractions graves soi-disant sans utilisation, que je décrirai dans un moment, ne font pas de distinction en fonction de la catégorie d’armes à feu, sauf dans un cas lorsque la distinction existe déjà comme élément essentiel de l’infraction. Nous avons inclus le facteur aggravant explicite de l’utilisation d’une arme à feu à autorisation restreinte ou prohibée dans la perpétration d’infractions graves parce qu’il est directement lié à la nature des actes criminels auxquels nous nous attaquons.
     Comme je l’ai déjà expliqué, ce projet de loi est le résultat de la popularité grandissante des armes de poing chez les gangs de rue et les trafiquants de stupéfiants. Le projet de loi C-10 définit une condamnation antérieure comme une condamnation survenue dans les dix dernières années, abstraction faite du temps passé en détention. Autrement dit, si une personne a été trouvée coupable de l’utilisation d’une arme à feu dans la perpétration d’une infraction au cours des dix années précédant sa condamnation pour l’infraction dont la cour est saisie, cela comptera comme une condamnation antérieure. En calculant les dix ans, la cour exclura le temps passé en détention. Si le contrevenant a eu une condamnation précédente dans la période de dix ans, cela déclenchera l’application du régime des peines minimales obligatoires renforcé.
    Par conséquent, par exemple, une personne condamnée pour un vol qualifié commis avec une arme de poing et qui a deux condamnations préalables pour une infraction semblable au cours des dix dernières années se verra imposer une peine minimale obligatoire de dix ans. La ou les condamnations antérieures pourraient également concerner une autre infraction liée à l’utilisation d’une arme à feu, par exemple une tentative de meurtre avec une arme à feu.
     Nous proposons également dans le projet de loi C-10des peines minimales obligatoires plus lourdes pour d’autres infractions graves mettant en jeu des armes à feu mais au cours desquelles les armes à feu ne sont pas utilisées. Les peines minimales progressives dans le cas des infractions graves non liées à l’utilisation ne visent que les récidives mettant en jeu des armes à feu. Le régime progressif prévoit trois ans pour une première infraction et cinq ans pour une deuxième infraction et les suivantes pour les infractions graves non liées à l’utilisation que voici.
    Premièrement, la possession d’une arme à feu chargée, à autorisation restreinte ou prohibée. C’est un problème que les policiers ont explicitement porté à mon attention, c’est-à-dire la prévalence et en particulier dans les grandes villes comme Toronto et la présence de ces armes à feu chargées dans des véhicules automobiles en particulier.
    Nous avons ensuite le trafic d’armes à feu, la possession aux fins de trafic, la fabrication d’une arme à feu automatique, la contrebande d’armes à feu et une nouvelle infraction de vol qualifié en vue de voler une arme à feu. Par exemple, une personne se livrant à la fourniture d’armes de poing illégales et trouvée coupable d’une infraction de trafic d’armes à feu ferait face à une peine obligatoire de trois ans d’emprisonnement. Si l’accusé a déjà été condamné pour possession illégale d’une arme à feu à autorisation restreinte accompagnée de munitions, il ferait face à une peine minimale obligatoire de cinq ans.
(1540)
    Un régime de peines minimales progressives en trois étapes d’un an pour une première infraction, de trois ans pour une deuxième infraction et de cinq ans pour une troisième infraction ou une infraction subséquente s’appliquera aux infractions suivantes: possession d’une arme à feu obtenue par un acte criminel, possession d’une arme à feu à l’encontre d’une ordonnance judiciaire, une nouvelle infraction d’introduction par effraction en vue de voler une arme à feu et l’infraction d’utiliser une arme à feu ou une réplique d’arme à feu dans la perpétration d’autres actes criminels. Par exemple une personne trouvée coupable d’introduction par effraction dans des chalets en vue de voler des armes à feu pouvant être écoulées dans la rue ferait face au minimum à un an d’emprisonnement et si cette personne a des antécédents judiciaires de trafic d’armes à feu, disons deux condamnations dans les dix dernières années, elle se verrait alors imposer une peine minimale obligatoire de cinq ans.
    Ces peines visent directement la fourniture d’armes de poing et d’armes à autorisation restreinte aux éléments criminels dans nos rues. Elles représentent une réponse proportionnelle et nécessaire au problème des armes de poing auquel nous sommes confrontés et elles ciblent l’activité de fourniture illégale d’armes à feu. En ce qui concerne les infractions non liées à l’utilisation, il est important de signaler que les condamnations antérieures au cours des dix dernières années, abstraction faite du temps passé en détention pour des infractions liées ou non à l’utilisation d’armes à feu, déclenchera le régime de peines minimales obligatoires plus lourdes applicables aux récidives.
    Nous avons plusieurs raisons de proposer deux régimes de peines différents pour les infractions non liées à l’utilisation. En premier lieu, plusieurs de ces infractions peuvent couvrir une gamme assez vaste de conduites criminelles comportant différents degrés de gravité. En deuxième lieu, pour ce qui est de la possession d’une arme à feu à l’encontre d’une ordonnance judiciaire, cette infraction n’est pas assortie actuellement d’une peine minimale obligatoire, mais le projet de loi C-10 prévoit une modification à cet effet. Par ailleurs, l’article 85, qui crée l’infraction de possession d’une arme à feu ou d’une réplique d’arme à feu dans la perpétration d’un acte criminel comme un vol qualifié, est actuellement assorti d’une peine minimale obligatoire d’un an pour une première infraction et de trois ans pour une deuxième infraction. Ces peines minimales obligatoires sont maintenues compte tenu que les cours sont déjà tenues d’imposer ces peines obligatoires consécutivement aux peines imposées pour l’infraction principale. Toutefois, une peine minimale de cinq ans est proposée pour une troisième infraction ou une infraction subséquente.
    Le projet de loi C-10 propose également de créer deux infractions, l’introduction par effraction en vue de voler une arme à feu et le vol qualifié en vue de voler une arme à feu. Ces modifications qui se rapportent explicitement aux armes à feu visent à prendre en compte la nature plus grave de ces infractions lorsque l’accusé cherche à obtenir des armes à feu illégales, que ce soit pour son propre usage ou pour alimenter le commerce illicite des armes à feu. Ces propositions prévoient aussi des peines minimales progressivement plus lourdes en accord avec le régime de peines global pour les armes à feu graves mettant en jeu des armes à feu que nous proposons dans ce projet de loi.
    Avant de conclure, j’aimerais aborder des considérations constitutionnelles. Étant donné que le projet de loi C-10 traite de peines d’emprisonnement, il soulève des points à considérer en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. L’article 12 de la Charte dit que chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels ou inusités. Les cours canadiennes ont souvent eu à se prononcer sur la validité constitutionnelle des peines minimales obligatoires d’emprisonnement prévues actuellement dans le Code criminel et en particulier les nombreuses peines minimales qui s’appliquent aux infractions mettant en jeu des armes à feu. En statuant sur ces dispositions, les cours ont reconnu que le Parlement a le droit de prendre des mesures appropriées pour s’attaquer au problème pressant des crimes liés aux armes à feu. En proposant la nouvelle gamme de peines pour certaines infractions mettant en jeu des armes à feu, nous avons pris en compte les principes de détermination de la peine actuellement prévus dans le Code criminel.
(1545)
    Le Code stipule en guise de principe fondamental du régime canadien de détermination de la peine qu’une sentence doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. Il stipule également que l’objet de la détermination de la peine consiste à imposer des sanctions aux contrevenants qui sont justes et qui contribuent au respect du droit et au maintien d’une société juste, paisible et sûre.
    Par conséquent, les objectifs de la détermination de la peine consistent à dénoncer les conduites contraires à la loi, à dissuader le contrevenant et d’autres personnes de commettre des infractions et de mettre les contrevenants à l’écart de la société au besoin. Les sentences doivent aussi contribuer à la réhabilitation des contrevenants, les amener à accepter la responsabilité de leurs actes et à réparer le préjudice qu’ils ont causé à leurs victimes ou à la société.
    La façon dont les peines minimales obligatoires les plus lourdes s’appliqueront vise à garantir qu’elles n’entraînent pas des peines nettement exagérées. Les peines les plus lourdes de dix ans pour l’utilisation d’une arme à feu et de cinq ans pour les infractions sans utilisation ne sont réservées qu’aux récidivistes qui ont déjà eu une condamnation relative aux armes à feu. Si un contrevenant a des antécédents pertinents et récents de perpétration d’infractions mettant en jeu des armes à feu, c’est-à-dire au cours des dix dernières années, il n’est pas déraisonnable de veiller à ce que la cour qui doit infliger la peine accorde la priorité aux objectifs spécifiques de dissuasion, de dénonciation et de retrait de la société des contrevenants ayant commis des actes criminels graves.
    Même si la tendance générale en matière d’infractions liées aux armes à feu est à la baisse, le Canada n’a pas encore réussi à faire des progrès importants en ce qui concerne les armes à feu et les gangs. Avec le projet de loi C-10, nous visons à renverser la tendance récente d’utilisation et de possession d’armes à feu illégales par les gangs de rue. En ciblant explicitement les infractions graves mettant en jeu des armes à feu et les récidivistes ou les criminels organisés et en prenant en compte les catégories d’armes à feu qu’ils utilisent, le projet de loi C-10 se concentre sur le problème qu’il tente de régler.
    Ce projet de loi offre aux policiers et aux procureurs les outils dont ils ont dit avoir besoin pour garantir que les infractions graves mettant en jeu des armes à feu donnent lieu à des sanctions sévères, en particulier lorsqu’elles sont le fait de gangs de rue.
    Je vous remercie beaucoup.
(1550)
    Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour cette présentation.
    Je donnerai maintenant la parole à l’opposition. Monsieur Larry Bagnell, c’est à vous.
    Merci monsieur le ministre de revenir nous voir aujourd’hui. Vous avez la couenne dure.
     Pour vous permettre de vous préparer pendant que je fais mon préambule, sachez que ma première question portera sur les Autochtones et j’aimerais que vous répondiez à cette question particulière.
    Je dirai d’abord que même si nous ne sommes pas contre le principe des peines obligatoires — nous en avons déjà créé plusieurs à l’égard des crimes mettant en jeu des armes à feu — nous sommes définitivement contre ce projet de loi pour plusieurs raisons, dont quelques-unes ont été exprimées par l’estimé ex-ministre de la Justice, Irwin Cotler. En premier lieu, nous verrions une hausse spectaculaire de l’incarcération d’Autochtones dans ce pays. La preuve abondante présentée par des experts lors de divers renvois à la Chambre montre que ces peines ne donnent rien. N’importe quel journaliste ou n’importe qui ici qui veut des détails à ce sujet devrait se reporter aux délibérations du 12 juin 2006, page 2225. Je n’en citerai ici qu’un passage: « Michael Tonry, dans Crime & Justice: A Review of Research publié en 1992 par les presses de l’Université de Chicago, a dit que les peines obligatoires sont un échec depuis au moins trois cents ans ».
    Dans mon discours sur cette page, je continue en expliquant que même la preuve présentée par le ministre prouve exactement le contraire, que cela ne fonctionne pas et le ministre, heureusement — j’en suis très heureux — dit dans les premiers dix mots qu’il cherche à protéger la sécurité publique. Cependant, si vous parcourez mon discours à la Chambre, je donne dix raisons pour lesquelles ce projet réduirait en fait la sécurité publique.
    Ma première question concerne donc les Autochtones. Comme je l’ai dit, nous sommes tous d’accord que les Autochtones représentent déjà une part démesurée de la population de notre système carcéral. Cette proposition augmenterait radicalement le taux. Cela aggraverait le problème et cela peut même être contraire au principe de la détermination de la peine, énoncé à l’alinéa 718.2e) du Code, qui prévoit l’examen de toutes les sanctions substitutives applicables aux délinquants autochtones, eu égard à leur situation et à leur condition.
    Si vous rendez ces peines obligatoires, le juge n’a donc pas la possibilité d’examiner ces options, ce qui est contraire aux principes établis dans le Code criminel. J’aimerais demander au ministre de nous faire part de ses commentaires à ce sujet. Nous enlevons au juge la capacité d’appliquer ce principe du Code criminel.
    Que va-t-il faire et que va faire son ministère pour réduire ce problème — sur lequel je suis sûr que tous les partis s’entendent — de la proportion démesurée d’Autochtones incarcérés au Canada?
    Parlons très brièvement du problème relatif aux Autochtones, parce que le député a fait des erreurs importantes dans sa déclaration, en premier par rapport aux Autochtones. J’aimerais insister sur le fait que ni la recherche ni l’analyse du problème n’a révélé que la nature du problème actuel lié à la criminalité mettant en jeu des armes à feu soit de quelque façon que ce soit propre aux Autochtones.
     En élaborant ces propositions, nous avons accordé une attention particulière à l’importance d’établir des catégories particulières de peines minimales obligatoires pour des catégories particulières d’activités et je me suis étendu assez longuement sur ce sujet. Ce n’est pas ciblé sans discernement et assurément, la proposition ne ciblerait pas les Autochtones de façon démesurée.
     Monsieur le président, mon cabinet a transmis au greffier plusieurs copies d’études sur les peines d’emprisonnement minimales obligatoires et malheureusement, ces études ne peuvent être traduites pour des raisons de droits d’auteur. Toutefois, elles établissent toutes un lien positif direct entre l’adoption de peines minimales obligatoires et une réduction des taux de criminalité.
    Prenons par exemple l’article de Levitt and Kessler, « Using Sentence Enhancements to Distinguish between Deterrence and Incapacitation », paru dans The Journal of Law and Economics, volume 62 —¸je crois que le chiffre romain est… à la page 343, les auteurs disent ceci à propos de la loi « des trois prises » de la Californie:
[TRADUCTION] Les actes criminels qui étaient visés par l’alourdissement des peines dans la proposition 8 ont diminué de 4 p. 100 par rapport aux actes criminels qui n’étaient pas visés, au cours de la première année après la réforme de la loi. L’effet du changement devient plus marqué puisqu’on constate une baisse supérieure à 20 p. 100 des crimes visés sept ans après son adoption.
    Dans une autre étude sur ces questions, le professeur Levitt et Thomas Miles...
(1555)
    Je m’excuse monsieur le ministre, je ne vous ai demandé que de parler des Autochtones. Cela ne se rapporte pas du tout aux Autochtones.
    Je ne vais pas continuer de répondre à une question alors que la prémisse même de votre question est erronée. Je vais donc simplement compléter mon idée. Je vais traiter de la question des Autochtones.
     Dans d’autres études sur ces questions, le professeur Levitt et Thomas Miles ont conclu dans The Empirical Study of Criminal Punishment qu’il y a une corrélation directe entre l’alourdissement des peines, comme l’imposition de peines obligatoires ou les lignes directrices relatives à la vérité dans la détermination de la peine, et un déclin du taux de criminalité. Ils attribuent ces constatations à la fois aux effets dissuasifs et à la mise hors d’état de nuire.
    Je devrais également mentionner que les auteurs parlent également de la nécessité d’affecter des ressources suffisantes à la police et de stratégies de lutte contre la criminalité, deux aspects sur lesquels notre gouvernement s’est engagé à se pencher. Je recommande ce chapitre à ceux qui veulent lire une excellente discussion de ces questions.
    Un autre exemple découle de l’étude exécutée par McDowell, Loftin, et...
    Monsieur le ministre, je ne veux pas que vous commentiez ces études. Ce n’est pas ce que je vous ai demandé. Vous ne répondez pas à la question sur les Autochtones...
    Eh bien monsieur le président, si l’interlocuteur présente des renseignements faux au comité, j’ai le droit de réagir.
    Je passerai à ma prochaine question.
    Monsieur le ministre, il y a...
    L’étude a été exécutée par McDowell, Loftin et Wiersema et elle a évalué les effets de modifications apportées aux lois visant les armes à feu. Les auteurs ont examiné l’imposition de peines minimales obligatoires pour les crimes mettant en jeu des armes à feu. Ils ont relevé une corrélation directe, de 1969 à 1979, avec la baisse du taux d’homicides à Détroit de dix par mois.
    Plusieurs autres études de cette nature sont disponibles pour étayer la proposition selon laquelle des peines minimales obligatoires ciblées entraînent une réduction directe des actes criminels visés.
    Quant à la question des Autochtones, lors de l’élaboration de ces propositions, nous avons accordé une grande attention à l’importance de faire en sorte que les peines minimales obligatoires plus lourdes ne visent pas ou n’ait pas de répercussion sur les Autochtones ou d’autres Canadiens qui utilisent des armes à feu à des fins légitimes, par exemple pour chasser. Par exemple, nous avons considéré la question des armes d’épaule mais nous l’avons limitée à la contribution à un crime mettant en jeu des armes à feu liées à des gangs, et non à un Autochtone parti à la chasse qui peut avoir fait une erreur ni même à un Autochtone qui utilise une arme d’épaule pour commettre un meurtre. Nous parlons explicitement de crimes mettant en jeu des armes à feu.
    Nous n’avons pas ménagé nos efforts pour garantir que les mesures plus sévères s’attaquent explicitement à la nature pressante du problème de criminalité lié aux armes à feu et à la violence.
     J’aimerais insister de nouveau sur le fait que ni la recherche ni l’analyse du problème n’a révélé que la nature du problème actuel de criminalité mettant en jeu des armes à feu est de quelque façon que ce soit propre aux Autochtones. Les données judiciaires disponibles ne fournissent pas l’information sur les caractéristiques démographiques des contrevenants, comme leur origine ethnique. Une partie de l’information provenant de nos partenaires provinciaux et des forces de l’ordre a révélé plutôt que la nature du problème actuel lié aux gangs et à la violence mettant en jeu des armes à feu auxquelles le présent projet de loi s’attaque varie considérablement dans chaque région où il se manifeste. La réponse proposée dans ce projet de loi est donc générale quant à son application mais très spécifique quant à sa portée et aux infractions ciblées.
    Il serait important de souligner que le projet de loi C-10 ne propose pas de modifier la peine minimale de quatre ans qui existe actuellement pour les cas où un fusil de chasse ou une carabine ordinaire est utilisé pour commettre une infraction et que le projet de loi ne vise pas non plus l’infraction de possession illégale simple d’une arme à feu, à moins que le contrevenant fasse l’objet d’une ordonnance d’interdiction de posséder des armes à feu rendue par la cour.
    Par conséquent, les exemples et le faux-fuyant que le député nous présente ne sont simplement pas justifiés. Il construit tout son argumentaire sur quelque chose que ce projet de loi n’aborde pas et il essaie d’utiliser ces exemples pour excuser la poursuite de la violence liée aux armes à feu, en particulier les armes de poing, par les gangs dans les rues de nos grandes villes.
    Je vous remercie monsieur le ministre.
     Monsieur Bagnell, c’est à vous, si vous voulez réagir.
    Merci.
    Nous attendons le témoignage des experts parce que la recherche montre abondamment que cela ne fonctionne pas. Vous avez simplement raclé le fond pour trouver ces deux résultats, dont ni l’un ni l’autre n’est canadien et vous n’avez aucune preuve se rapportant au Canada.
    Voulez-vous que je vous fournisse plus de preuves, monsieur Bagnell?
    Vous n’avez pas non plus répondu à ma question à savoir si vous allez faire quelque chose à propos des Autochtones. Je vais donc poser ma prochaine question.
    Non, attendez un instant.
    C’est le temps qui m’est alloué.
    Monsieur Bagnell, vous aimeriez peut-être réagir aux commentaires qu’il a faits.
    Comment réduiriez-vous le taux d’incarcération des Autochtones?
    J’ai clairement traité de ce point, monsieur le président, à propos des contrevenants autochtones et comment ce projet ne cible pas les contrevenants autochtones.
(1600)
    Vous n’avez pas dit comment vous réduiriez leur...
    M. Bagnell renvoie à des statistiques concernant l’augmentation du nombre de contrevenants autochtones dans les prisons alors que son gouvernement était au pouvoir pendant plus de treize ans, une situation, je me permettrai d’ajouter, à propos de laquelle son gouvernement n’a rien fait à mesure que le nombre de contrevenants autochtones augmentait dans les prisons.
    C’est donc un dossier distinct dont nous pouvons parler, mais c’est un faux-fuyant parce que ce projet de loi ne cible pas les Autochtones, il ne cible pas non plus les chasseurs autochtones ordinaires qui peuvent avoir utilisé une arme à feu à tort, même dans la perpétration d’une infraction très grave, s’ils ne sont pas mêlés aux activités de gangs.
    Eh bien le ministre se trompe, parce que nous avons fait quelque chose. Nous avons en fait mis en œuvre des peines avec sursis, ce qui a réduit ce problème de façon spectaculaire et amélioré l’efficacité du système, heureusement, malgré sa tentative de contrecarrer cette réussite alors qu’il était dans l’opposition.
    J’aimerais demander au ministre s’il a eu des commentaires… Hier il a fait une coupure, sans l’appui de son Ministère, sans preuve de la part du Ministère que ce point, la Commission de réforme du droit, devait être aboli. A-t-il obtenu des commentaires du ministère à l’effet qu’il devrait imposer ces peines minimales obligatoires et qu’elles seraient effectivement efficaces et qu’elles amélioreraient effectivement la sécurité?
    Je peux lire les copies des études sur lesquelles je viens encore d’attirer votre attention.
    Non, je m’intéressais aux recommandations du ministère.
    Oui, le ministère a préparé ce dossier pour moi, monsieur Bagnell. Deuxièmement, j’ai consulté abondamment les forces policières.
    L’une des préoccupations des policiers concernait le nombre croissant d’armes à feu à autorisation restreinte ou prohibées qu’ils trouvaient dans des véhicules automobiles. Dans le passé, c’était très rare qu’un policier trouve une arme à feu à autorisation restreinte ou prohibée dans un véhicule automobile dans les rues de Toronto, où j’ai parlé au chef de police. Des policiers des quatre coins de la ville se déplaçaient pour venir jeter un coup d’œil à l’arme à feu. De nos jours, cela se produit de façon régulière, quotidienne.
    Par exemple dans la ville de Montréal, le chef de police a annoncé il y a quelques mois qu’au cours des dernières années, on a constaté une augmentation de 25 p. 100 de l’utilisation d’armes de poing dans des actes criminels. À mon avis, 25 p. 100 représente une augmentation importante.
    Merci, monsieur Bagnell.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    D'abord, monsieur le ministre, j'apprécierais obtenir des réponses courtes. Je ne veux pas connaître l'histoire de votre vie ni avoir une épître aux Corinthiens. J'ai six questions et je veux avoir des réponses courtes. Je n'hésiterai pas à vous interrompre. C'est mon temps, et non le vôtre.
    Le point de départ logique, c'est qu'en 1996, on a adopté une loi qui donnait déjà quatre peines minimales pour quatre types d'infractions commises avec des armes à feu. Selon votre logique, vous semblez dire que le taux de criminalité qui concerne les infractions commises avec des armes à feu a augmenté.
    J'aimerais savoir quel est ce taux. Comment se fait-il qu'en 1995, les peines minimales n'ont pas fonctionné? Pourquoi fonctionneraient-elles maintenant?
    Je veux avoir une réponse courte parce que j'ai cinq autres questions à vous poser.
    Donc, je parle du taux de criminalité pour des infractions commises avec des armes à feu. Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné en 1995, alors qu'il y avait déjà des peines minimales? Et pourquoi cela fonctionnerait-il maintenant?

[Traduction]

    : La tendance relative aux actes criminels mettant en jeu des armes à feu a été généralement à la baisse, mais la situation a évolué ces dernières années. La proportion de crimes de violence mettant en jeu des armes à feu a diminué jusqu’à un creux de 2,2 p. 100 en 2002, mais elle a augmenté à 2,5 p. 100 en 2004. En proportion, cela représente une augmentation de 10 p. 100. Par conséquent, si les tendances nationales globales et à long terme montrent une diminution des crimes mettant en jeu des armes à feu au cours des dernières décennies, certaines catégories particulières de crimes de violence mettant en jeu des armes à feu augmentent dans certaines régions du pays.
     Par exemple, le nombre d’homicides commis avec une arme à feu a augmenté de façon assez spectaculaire à Toronto. J’ai remarqué que les policiers ont eu un certain succès en utilisant des méthodes policières très efficaces, mais ce n’est toujours que la moitié de l’équation. À Winnipeg et à Toronto, les homicides liés aux gangs et à la proportion d’armes de poing utilisées dans des crimes de violence constituent une source de préoccupation importante. C’est pourquoi les propositions incluses dans ce projet de loi se concentrent assez explicitement sur ce point, à cause de ce problème particulier faisant en sorte que le...

[Français]

    En 1995, il y a eu des peines minimales pour quatre infractions. Est-ce qu'il y a eu des études? Quelles sont les données probantes? Je vous remercie pour les statistiques, on va les consulter, On a des statistiques différentes, mais en 1995, selon votre logique, on avait des peines minimales pour quatre infractions. On se rappelle du vol, de l'homicide involontaire coupable, etc. Donc, si les peines minimales n'ont pas fonctionné en 1995, pourquoi cela fonctionnerait-il maintenant?
    Avez-vous des études canadiennes sur la façon dont le ministère a fait cette évaluation? Outre la plate-forme du Parti conservateur, y a-t-il des données probantes, des choses qui pourraient scientifiquement rassasier ce comité concernant simplement ce que vous nous proposez comme mesure législative?
(1605)

[Traduction]

    En fait, les lois de 1995 ont été utiles. Si le député propose, monsieur le président, que nous nous débarrassions simplement des lois de 1995, nous verrions une augmentation assez spectaculaire du nombre d’infractions mettant en jeu des armes à feu. Si le député propose d’abolir les peines minimales obligatoires qui existaient en 1995, nous verrions une énorme différence.
     Il est difficile de mesurer avec précision l’effet des mesures législatives, en particulier à l’égard des peines minimales obligatoires, en raison des nombreux facteurs qui pourraient influer sur les taux de criminalité. Une diminution de la proportion des crimes de violence mettant en jeu des armes à feu avait commencé avant d’atteindre les niveaux de 1995 et la baisse s’est poursuivie entre 1995 et 2002. Toutefois, il y avait déjà, bien entendu, d’autres peines minimales obligatoires en vigueur à cette époque.
    En 1995, 5,4 p. 100 de tous les crimes de violence mettaient en jeu des armes à feu. Cette proportion a chuté à 2,2 p. 100 en 2002, moins de la moitié du pourcentage de 1995. Depuis 2002 cependant, la proportion de crimes de violence mettant en jeu des armes à feu a continué d’augmenter.

[Français]

    D'accord. J'aimerais savoir si vous considérez que les juges ont mal fait leur travail et qu'ils n'ont pas donné des peines assez sévères ou imposé des peines minimales obligatoires? Que répondez-vous à ceux qui, de façon scientifique, disent que ce qui fait qu'une sanction est dissuasive, ce ne sont pas les peines minimales, mais la possibilité d'être pris et traduit devant la justice.
    Ce qui me dérange, dans votre projet de loi, sur le plan de la rigueur qu'on est en droit d'attendre d'un parlementaire, c'est que j'ai l'impression que vous n'avez pas d'études qui étayent les conséquences des peines minimales. J'ai également l'impression que c'est purement idéologique.
    Que reprochez-vous à la magistrature? En quoi les peines actuelles ne sont-elles pas appropriées? Avez-vous des études faites par votre ministère? Ne nous citez pas les Américains. Depuis 1995, des études ont-elles été faites pour étayer le projet de loi qui est devant nous? Sinon, on va être obligé de voter contre.

[Traduction]

    Si vous dites que c’est par idéologie que nous voulons retirer les contrevenants dangereux de la société, alors c’est par idéologie, parce que si on laissait ces contrevenants dangereux dans la rue, ils continueraient de commettre des actes criminels.
     Une étude en particulier a révélé que pour chaque infraction grave commise par un individu qui a été incarcéré pendant un an, douze autres infractions ne sont pas commises. Cela touche douze autres victimes, au moins. La question est donc que nous croyons que cette proposition va non seulement avoir un effet dissuasif, mais elle met directement hors d’état de nuire ce criminel particulier qui choisirait d’utiliser une arme à feu.

[Français]

    Ma question est celle-ci: avez-vous des études? Depuis 1995, y a-t-il quelqu'un au ministère de la Justice qui a fait des études pour nous renforcer dans nos convictions que les peines minimales ont un effet dissuasif? Je connais votre point de vue. Il est connu d'un océan à l'autre. Quelqu'un au ministère a-t-il fait des études depuis 1995, des études que vous pouvez déposer? Ne me parlez pas de Chicago, du Michigan ou de New York, parlez-moi de ce qui s'est fait au Canada. Avez-vous, oui ou non, des études?

[Traduction]

    Je ne peux faire mieux que ça. Toutes les statistiques que je vous ai fournies à propos du Canada proviennent de Statistique Canada.

[Français]

    Est-ce que depuis 1995, votre ministère a fait des études? Votre discours n'est pas logique. Depuis 1995, il y a des peines minimales pour des infractions commises avec des armes à feu. Vous dites que, malgré ces peines minimales, cela a continué d'augmenter. Nous avons des chiffres à l'effet contraire.
    Est-ce que votre ministère a suivi la situation pour nous convaincre vraiment que le projet de loi C-10 est pertinent? Ne me parlez pas de Chicago, du Michigan, du New Jersey ou de New York. Je vous parle de la réalité canadienne. Oui ou non, votre ministère a-t-il fait des études? Je pense qu'il n'en a pas fait. Les seules études que vous avez sont celles de Julian Roberts, qui prouvent le contraire du projet de loi C-10.

[Traduction]

    Je crois comprendre que plusieurs études portaient en fait sur des statistiques qui vous ont été communiquées, au greffier.
(1610)

[Français]

    De votre ministère? À part celle de Julian Roberts, je n'en ai pas vu. Je parle d'études de votre ministère, pas d'études américaines.
    Oui ou non, madame Besner, y a-t-il des études qui ont été faites par Justice Canada?

[Traduction]

    Non, cela vient du Centre canadien de la statistique juridique.

[Français]

    Sont-ce des statistiques qui prouvent qu'il y a un effet dissuasif à augmenter les peines? Vous êtes capable de déposer devant le comité une étude qui dit qu'il y a un effet dissuasif à augmenter les peines. Vous seriez prêt à jurer cela sur votre part de paradis.

[Traduction]

    Cela m’apparaît un propos plutôt étrange, de la part d’un député qui a appuyé un registre des armes à feu qui était absolument inefficace pour réduire la criminalité de quelque façon, malgré un milliard de dollars...

[Français]

    C'est vous qui n'appuyez pas le registre.

[Traduction]

    : Laissez-moi terminer. Je vous écoute déjà depuis un bon moment. Maintenant, laissez-moi répondre.
    Monsieur Ménard...

[Français]

    La curieuse réalité, c'est que vous êtes un ministre de la Justice qui ne croit pas à un registre des armes à feu. C'est ce qui est curieux, de la part d'un ministre de la Justice.

[Traduction]

    Monsieur Ménard, votre temps est écoulé.
    Vous ne voulez manifestement pas de réponse.

[Français]

    Avez-vous des études canadiennes, oui ou non?

[Traduction]

    Monsieur Ménard, votre temps est écoulé. Le ministre peut répondre à votre question.

[Français]

    C'est votre plate-forme électorale.

[Traduction]

    Ce que je peux dire, c’est que je vous ai fourni toutes sortes de statistiques, à propos desquelles vous pouvez tirer vos propres conclusions, mais la question, monsieur le président, c’est que voilà un député qui appuie un registre des armes à feu, un registre des armes d’épaule, qui a complètement échoué...

[Français]

    Monsieur le président, je veux faire un rappel au Règlement.
    Cela n'a rien à voir. Vous devriez avoir honte de permettre qu'il y ait plus...

[Traduction]

    Monsieur Ménard, avez-vous un point d’ordre que vous voudriez adresser à la présidence?

[Français]

    Monsieur le président, je ne tolérerai pas de procès d'intention de la part d'un ministre de la Justice qui veut qu'il y ait plus d'armes en circulation. La honte de ce pays, c'est qu'un ministre de la Justice veuille qu'il y ait plus d'armes en circulation.
    Allez au Collège Dawson. Seriez-vous prêt à venir au Collège Dawson avec moi?

[Traduction]

    Aimeriez-vous venir à Dawson College avec moi? Peu importe quand cela vous conviendra, je serai disponible.

[Français]

    Mais je ne tolérerai pas de procès d'intention de la part d'un ministre qui est prêt à appuyer...

[Traduction]

    Quel est votre point d'ordre, monsieur Ménard?

[Français]

    Montrez-nous vos études. Venez au Collège Dawson avec moi.

[Traduction]

    Ce n’est pas un point d’ordre. C’est un point de débat.
    Nous passons à M. Comartin.
     Monsieur Comartin.
     Monsieur le président, j’ai une objection.
    Monsieur Lee.
    Je ne suis pas habitué aux audiences de comité de ce type. Je désire souligner qu’au cours des deux dernières minutes, le ministre a pour des raisons personnelles — car nous avons la liberté de parole ici — utilisé des arguments ad hominem et fait des références personnelles au membre, alors qu’autour de cette table, nous sommes censés discuter de politique gouvernementale en faisant particulièrement référence à ce projet de loi.
    Je crois qu’il serait très utile de centrer nos délibérations sur celui-ci. Je demande au président de nous aider à le faire, car nous n’avancerons pas beaucoup si les échanges partisans de ce type continuent.
    Monsieur Comartin.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur le Ministre, ainsi que vos fonctionnaires, de votre présence.
    Permettez-moi de m’étendre sur cette question avec un peu moins d’ardeur que M. Ménard et sous un angle différent.
    Dans la dernière partie du projet de loi, en particulier dans la dernière moitié, vous traitez de crimes particuliers et de peines croissantes pour ces crimes. Avez-vous une analyse?
    Comme exemple, j’utilise l’article sur la tentative de meurtre dans lequel vous avez des condamnations croissantes et des peines croissantes. Je dois vous demander ceci, car j’ai acquis une certaine expérience à ce sujet. En une année au Canada, combien y a-t-il eu de cas d’une personne qui a commis un meurtre ou une tentative de meurtre pour la troisième fois au cours d’une période de dix ans?
    Je suis désolé, mais vous ne comprenez pas. Il n’est pas nécessaire que la condamnation précédente ait trait à une tentative de meurtre. Il pourrait s’agir d’un vol qualifié, par exemple.
    Même si c’est le cas, qu’en est-il du nombre — permettez-moi d’utiliser la terminologie car nous semblons l’utiliser beaucoup — de crimes de violence graves?
(1615)
    Une infraction grave pour laquelle il y a usage d’une arme à feu.
    Combien d’entre elles sont commises avec usage d’une arme à feu? Le savez-vous?
    Je dois vous dire, monsieur le Ministre, que d’après moi il y en a très peu. Je me demande combien d’efforts et de craintes nous avons suscités dans notre pays au sujet des chiffres. D’après moi, ce projet de loi ne visera que très peu de personnes.
    Est-ce le cas et dans l’affirmative, pouvez-vous en faire part au comité?
    Les documents se trouvent à l’annexe 2. Le greffier les a reçus et ils se trouvent donc là.
    Au sujet du point que vous soulevez, si ce que vous dites est exact et qu’une situation de ce type ne se produit que rarement, la mesure n’est certainement pas disproportionnée. Elle cible de grands criminels qui utilisent des armes à feu pour la deuxième et la troisième fois.
    Je peux vous signaler à l’annexe 2 les statistiques sur les articles du Code criminel relatifs aux armes à feu pendant la période située entre 1998 et 2004. C’est une étude préparée le 23 mai 2006 par la Division de la recherche et de la statistique de Justice Canada. La source est l’Enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes menée par le Centre canadien de la statistique juridique.
    Une analyse connexe est-elle en voie d’être réalisée sur le nombre de personnes qui seront emprisonnées, le nombre d’années additionnelles d’emprisonnement et le coût de ces mesures?
    Une minute, je vais mettre la main sur les documents.
    Nous adressons un message sérieux à ceux qui auraient tendance à s’impliquer dans des crimes graves avec usage d’une arme à feu. S’ils prennent le message à cœur, il ne sera pas nécessaire d’agrandir les prisons; mais s’il faut loger un plus grand nombre de détenus dans les pénitenciers fédéraux par suite de l’imposition de peines plus sévères à ceux reconnus coupables de infractions graves mettant en jeu des armes à feu, des fonds ont été réservés dans le budget pour satisfaire ce besoin.
    On estime que le nombre de détenus sous responsabilité fédérale pourrait augmenter d’environ 270 par année d’ici à la cinquième année après l’entrée en vigueur, moyennant un coût d’environ 246 millions de dollars au cours d’une période de cinq ans — cela comprend les dépenses en immobilisations et les dépenses de fonctionnement — et 40 millions de dollars de dépenses régulières. Ces sommes ont été incluses dans le budget du Service correctionnel du Canada. On ne s’attend pas à ce que la population carcérale provinciale augmente considérablement par suite de l’imposition des peines proposées, mais à cause de leur durée, on s’attend à ce qu’il y ait probablement des coûts associés aux poursuites et à l’administration de la justice par suite de ces mesures.
    Lors de la récente réunion des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice, une discussion a eu lieu sur les effets du cumul des coûts des nouvelles réformes du système de justice pénale et des fonctionnaires continueront à chercher des moyens de rationaliser les services dans ce système. Toutefois je dois dire que généralement, les ministres provinciaux ont exprimé beaucoup d’appui pour les propositions.
    Lors de cette dernière réunion, les ministres provinciaux ont préparé un rapport que vous avez refusé de rendre public jusqu’à maintenant — votre ministère tout au moins a refusé de le faire. Ce rapport comprend-il une analyse des coûts additionnels que les provinces devront payer pour l’aide juridique, des poursuivants additionnels, des juges additionnels, le temps additionnel des tribunaux? Cela a-t-il été analysé?
    D’après moi, il n’y aura pas d’augmentation de ce type, car si une peine minimale obligatoire de quatre ans d’emprisonnement est imposée à quelqu’un, disons en application de l’ancienne loi, il n’y aura pas de changement si la peine minimale est maintenant de cinq ans. Selon moi, la proposition de peines minimales obligatoires d’emprisonnement de quatre ans pour les crimes impliquant des armes à feu — que votre parti a appuyée pendant les élections — n’augmentera d’aucune façon le budget de l’aide juridique. Dans le cas des infractions de ce type, que la peine obligatoire soit de quatre ans, de cinq ans, de sept ans ou de dix ans, tous les accusés sont admissibles à l’aide juridique. Je rappelle que durant les élections, l’ancien ministre de la Justice Irwin Cotler s’est également prononcé en faveur de peines minimales obligatoires d’emprisonnement.
(1620)
    Ne croyez-vous pas que les accusations assorties de peines croissantes lors de la deuxième et de la troisième infraction vont prolonger la durée des procès?
    Non, je ne le crois pas.
    Croyez-vous que les accusés vont être davantage prêts à plaider coupable ou à tout le moins aussi disposés en ce sens que maintenant?
    Aussi disposés qu’auparavant. Je ne crois pas qu’il y aura une différence importante à ce sujet.
    Votre perspective sur le fonctionnement des tribunaux est différente de la mienne, monsieur le ministre.
    Vous n’êtes pas d’accord sur cette hypothèse, mais je vais la formuler. Selon mon hypothèse, il y aura effectivement un plus grand nombre de procès lors de la deuxième et de la troisième infraction, car les peines peuvent être beaucoup plus sévères que dans la loi actuelle...
    Permettez-moi de vous interrompre pendant une seconde, car vous avez signalé que cela se produirait si rarement que ce serait presque jamais…
    Vous avez également créé de nombreuses nouvelles infractions.
    Elles ne seront donc pas aussi rares que vous l’avez dit.
    Non. Ma question n’avait pas trait aux nouvelles infractions...
    Bien.
    ...elle avait trait aux infractions existantes, monsieur le ministre. Vous devriez peut-être...
    Être un peu plus attentif.
    J’essayais d’éviter d’échauffer de nouveau les esprits, monsieur le ministre, et je n’étais pas pour le dire.
    Par suite des nouvelles infractions et du nombre d’années additionnelles qui peuvent être imposées, je présume que le taux de détention avant le procès augmentera; dans ma province de l’Ontario tout au moins, il est actuellement très élevé.
    Oui, il l’est.
    À ce sujet, je suis également préoccupé par l’accumulation des affaires et la possibilité que leur nombre augmente par suite de l’application de ce projet de loi. Même si vous ne croyez pas que mes hypothèses sont fondées, a-t-on analysé les conséquences sur le nombre d’accusés détenus avant leur procès, la possibilité d’une accumulation plus importante et le risque d’une situation analogue à celle qui a occasionné l’arrêt Askov?
    Ce qui fait augmenter le nombre d’accusés détenus avant leur procès n’est pas les peines minimales obligatoires d’emprisonnement, mais les pratiques adoptées par les avocats et la pratique des tribunaux qui consiste à mettre en crédit du temps double ou triple pour la détention avant le procès. C’est une question importante qui doit être résolue. D’après moi, cela ne fera pas augmenter les chiffres.
    Comme vous le dites, il est plutôt rare qu’une personne soit accusée une deuxième ou une troisième fois au cours d’une période de dix ans. Les conséquences ne seront pas aussi importantes que vous le laissez entendre, mais les individus très dangereux seront emprisonnés pendant une plus longue période.
    Monsieur Comartin, votre temps est écoulé.
     Monsieur Moore.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre, de votre présence ici. Je suis étonné qu’aucun de mes collègues ne l’ait mentionné, mais c’est au moins la cinquième fois que vous comparaissez devant notre comité et je veux faire votre éloge à ce sujet. Vous étiez ici hier et nous apprécions que vous comparaissiez de nouveau devant le Comité.
    J’aimerais que vous commentiez quelques questions. L’une d’elles est l’extrait suivant du programme électoral libéral que je vais vous lire, si vous me permettez:
Un gouvernement libéral déposera de nouveau des dispositions législatives destinées à empêcher les crimes violents et le gangstérisme,
      — ce qui est exactement ce que vous proposez ici  —
et à doubler les peines minimales prévues dans le cas d’actes criminels commis au moyen d’une arme à feu.
     Mon interprétation d’une peine deux fois plus élevée pour un crime grave serait une peine minimale de quatre ans portée à une peine minimale de huit ans lors de la première infraction.
    C’est exact.
    Je vais maintenant lire un extrait du programme électoral du NPD:
Augmenter les peines minimales obligatoires pour la possession, la vente et l’importation d’armes illégales comme les armes de poing, les fusils et les armes automatiques. Faire passer chacune de ces peines minimales d’un an, comme c’est le cas à l’heure actuelle, à quatre ans. Ajouter des peines minimales obligatoires pour les infractions avec d’autres armes à feu. Imposer une peine minimale de quatre ans pour usage d’armes à feu lors de la perpétration d’un crime comme de « porter des armes dissimulées ».
    Selon mon interprétation, dans certains cas cela dépasse le projet de loi gouvernemental.
    J’apprécie que vous-même et votre ministère aient déposé des preuves à l’appui du projet de loi C-10. Je crois que c’est un projet de loi bien réfléchi. Je fais l’éloge de vos efforts pour que les peines soient proportionnées aux infractions en tenant compte du fait que certains crimes sont commis par des récidivistes.
    Je veux également donner l’occasion aux membres libéraux et néo-démocrates de ce comité de présenter les preuves qu’ils ont étudiées pour inclure cela dans leur programme électoral. J’aimerais leur donner la même occasion qu’à vous-même de déposer les études réalisées pour parvenir à leurs propositions et à leur programme électoral qui dépassent notre projet de loi gouvernemental. J’espère que vous déposerez ces preuves.
    M. Bagnell a cité l’ancien ministre Cotler de la Justice d’après qui des peines minimales sont quelquefois requises pour transmettre un message de « dénonciation » aux délinquants potentiels. Je suis d’accord avec lui à ce sujet.
    Pouvez-vous faire un commentaire sur le caractère proportionnel et graduel de ce projet de loi et de quelle façon il n’est pas aussi rigoureux que le programme électoral libéral, qui proposait l’imposition d’une peine minimale obligatoire de huit ans pour la première infraction?
(1625)
    Exactement.
    J’ai étudié la proposition libérale visant à imposer une peine obligatoire d’emprisonnement de huit ans pour la première infraction. D’après moi, c’est disproportionné. Nous avons essayé de suivre la suggestion du NPD dans son programme électoral, d’après laquelle chaque infraction commise à l’aide d’armes à feu entraînerait l’imposition d’une peine minimale obligatoire de quatre ans au moins. Nous avons essayé d’établir une distinction entre le non-usage et l’usage et de prévoir des peines proportionnelles.
    Au lieu de la peine obligatoire de huit ans que les libéraux voulaient, nous disons que nous avons décidé de prévoir une peine de cinq ans pour la première infraction, une peine de sept ans pour la deuxième infraction — encore une fois une année de moins que celle prévue par les libéraux — et une peine minimale obligatoire de dix ans seulement après la troisième infraction. Plutôt que d’adopter l’approche libérale qui rappelle un éléphant dans un magasin de porcelaine — d’après moi, elle ne tient pas compte de certaines questions constitutionnelles — nous voulions que les peines soient proportionnelles, dénoncent le comportement et dissuadent de l’adopter, mais ne mettent pas en danger le projet de loi comme les libéraux voulaient faire.
    Dans le cas du NPD, j’ai étudié sa proposition d’une peine minimale obligatoire de quatre ans pour la première infraction. Encore une fois, ils n’établissaient pas de distinction entre les adultes et les jeunes. Nous avons décidé que dans le cas de certaines infractions, ce serait trop sévère. Nous avons donc prévu une peine de trois ans pour la contrebande et le commerce illicite, par opposition à la peine de quatre ans que le NPD voulait. Ce sont des peines d’un an, de trois ans et de cinq ans, par opposition à la peine uniforme de quatre ans que le NPD voulait proposer.
    Si vous examinez le projet de loi que nous proposons, non seulement son application n’est pas systématique, mais il cherche très précisément à résoudre le problème relevé, celui des gangs qui utilisent des armes à feu en rapport avec les drogues et d’autres situations.
    Nous avons entendu parler de nombreuses situations graves. Récemment, un policier a été abattu à Windsor dans des circonstances très déplorables. Si vous tenez compte des faits rapportés dans le journal, vous constaterez que notre projet de loi vise précisément les activités de ce type — pourvu que les faits rapportés soient exacts.
    Merci, monsieur le ministre.
    Je crois que certaines personnes estimeraient que cela prête à confusion. Il y a quelques mois, les libéraux et le NPD vous auraient dit que ce projet de loi ne va pas assez loin. D’après ce que j’entends maintenant, ils disent qu’il va trop loin, ce qui est un peu étonnant. Or, il établit le juste équilibre. Les mesures sont proportionnelles et il cible des infractions d’un type très précis.
    J’habite dans une circonscription dont certaines parties sont rurales. Pouvez-vous faire quelques commentaires sur les deux nouvelles infractions créées dans ce projet de loi, qui sont la source de préoccupation dans ma circonscription: le vol qualifié d’une arme à feu et l’introduction par effraction pour voler une arme à feu ou avec l’intention d’en voler une? Nous estimons que c’est très sérieux. Pourquoi ciblez-vous ces infractions particulières dans ce projet de loi?
    C’est une très bonne question.
    Les armes à feu viennent évidemment de quelque part. La plupart d’entre elles — 95 p. 100 des armes de poing utilisées pour commettre des homicides et des crimes liés aux drogues — sont volées ou obtenues illégalement. Nous ne voulons rien faciliter pour celui qui vole des armes à feu en s’introduisant par effraction dans des domiciles. Je sais qu’au sujet du projet de loi C-9, le NPD, les libéraux et le Bloc disent que l’introduction par effraction n’est pas une infraction très grave, car c’est une infraction contre les biens. L’essentiel est que de nombreuses armes de poing et de nombreuses armes à feu sont volées dans des domiciles. Nous voulons dissuader d’adopter précisément un comportement de ce type en portant la peine minimale obligatoire à trois ans pour la première infraction… ainsi que pour le commerce illicite.
    Nous voulons mettre fin à l’offre d’armes à feu. Il ne suffit pas de renforcer notre surveillance des frontières, comme notre gouvernement l’a fait, pour arrêter le flux d’armes à feu au Canada. C’est très important. Nous savons que de nombreuses armes à feu viennent des États-Unis. La possession de ces armes à feu est illégale et il est important de mettre un terme à ce commerce illicite.
    Nous voulons également prendre des mesures relatives à notre propre pays. Je ne veux pas simplement blâmer les Américains pour nos problèmes si nous ne faisons pas les efforts requis pour arrêter l’introduction par effraction dans les domiciles où les armes à feu sont volées. Encore une fois, une mesure majeure pour mettre un terme à l’offre d’armes à feu consiste à prendre des mesures concrètes à l’intérieur du Canada.
    Pour être clair, dans le cas de l’introduction par effraction — je peux me tromper — lors de la première infraction, la peine est d’un an pour les armes à feu et de trois ans s’il s’agit d’un vol qualifié.
(1630)
    Merci, monsieur Moore.
    Monsieur Lee.
    Merci.
    Tout d’abord, je demande au ministre s’il a les données de 2006 pour Toronto relativement aux incidents impliquant des armes à feu et aux homicides commis à l’aide d’une arme à feu. Je suppose qu’il n’en a pas, mais...
    Oui, j’en ai.
    Vous en avez pour cette année?
    Je crois qu’il a été généralement rapporté dans les journaux récemment que par suite des mesures très efficaces prises par les policiers, le nombre de crimes commis à l’aide d’une arme à feu a baissé. Le point soulevé...
    C’était le point que je soulevais et je vous remercie de l’avoir soulevé.
    Mais attendez, le deuxième point...
    Non, je ne vais pas attendre. C’est mon temps de parole, monsieur le ministre. Vous avez répondu à ma question. Si vous disposez de données, vous pouvez nous les donner. Si vous ne disposez pas de données, vous n’avez pas à nous les donner. Vous semblez...
    Je n’ai pas fini.
    J’ai fini, car je vais maintenant poser ma question. Vous avez répondu à la mienne. Merci beaucoup.
    Hon. Vic Toews: C’est bien. J’y répondrai plus tard.
    M. Derek Lee: J’apprécie la manière condescendante du ministre à l’égard de son secrétaire parlementaire; il le complimente en lui disant « bonne question, excellente question ».
    Hon. Vic Toews: C’est incroyable, incroyable.
    Mr. Derek Lee: Ce n’est pas de cette façon que je suis habitué de procéder devant un comité, un comité parlementaire.
    À l’ordre! Je suis d’accord avec le ministre. C’est la façon de procéder.
    J’ai pris note de la question du ministre et de son admirable réponse au secrétaire parlementaire.
    À l’ordre! Posez votre question, monsieur Lee. Posez votre question au ministre.
    C’est mon temps de parole, monsieur le président.
    Le nombre d’incidents mettant en jeu une arme à feu à Toronto a donc beaucoup baissé. La question que je soulève, car nous semblons tous être en train de soulever des questions autour de cette table, est que l’an dernier, il y a eu une baisse importante du nombre d’incidents avec usage d’armes à feu.
    Dans vos observations précédentes, monsieur le Mmnistre, vous avez mentionné que vous aviez certaines données basées sur des recherches. Vous avez cité le nom des auteurs et dit que vous ne pourriez peut-être pas fournir toute l’étude ou...
    Non, parce que nous ne pouvions pas la faire traduire à cause des droits d’auteur et c’est pour cette raison que j’ai fourni les renseignements ici.
    Nos chargés de recherches peuvent la consulter facilement et je présume qu’ils l’ont déjà fait ou qu’ils le feront, car ces données sont utiles et évidemment pertinentes.
    Il y a le projet de loi C-10, mais également le projet de loi C-9 et le projet de loi C-27. Chacun de ces projets de loi, monsieur le Ministre, a trait à la détermination de la peine dans le Code criminel. Je me demande pourquoi nous avons trois projets de loi. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas tout simplement déposé un seul projet de loi sur la détermination de la peine dans le Code criminel, les peines avec sursis, les peines minimales obligatoires et les délinquants dangereux? Cela n’aurait-il pas été une mesure simple et prudente? Pourquoi avez-vous choisi de déposer trois projets de loi au lieu d’un seul?
    Parce que chacun d’eux a trait à une question différente, à un aspect différent de la détermination de la peine.
    Nous avons constaté par exemple — pour revenir à la question précédente, monsieur le président — que dans d’autres administrations, lorsque des personnes sont simplement arrêtées mais ne sont pas emprisonnées pendant de longues périodes, le taux de criminalité est de nouveau en hausse. Ainsi que je l’ai dit en réponse à la question précédente lorsque j’ai été interrompu, les services de police sont un aspect important, mais s’il n’y a pas de suites concrètes, si les individus ne sont pas retirés de la circulation, vous constatez que les taux de criminalité sont de nouveau en hausse.
    Les policiers de Toronto ont accompli un excellent travail en arrêtant ces individus et en les plaçant sous garde. Mais si vous consultez les statistiques sur les individus qui ont commis des infractions à l’aide d’une arme à feu et qui sont libérés sous caution, vous pouvez constater que lorsque ces individus sont libérés, ils commettent des infractions avec usage d’armes à feu. Donc, s’il n’y a pas de peines sévères… et je suppose que c’est pour ce motif que M. Lee, pendant les élections, s’est prononcé en faveur des peines obligatoires d’une durée de huit ans dans le cas des infractions commises à l’aide d’une arme à feu. Il a adopté exactement la même position.
(1635)
    Il vaut probablement la peine de signaler, monsieur le ministre, que le succès obtenu par le service de police de Toronto et d’autres services de police en prenant des mesures relatives aux actes de violence commis au cours des deux dernières années… que ce progrès a été accompli en appliquant les lois existantes, pas de nouvelles lois. Les policiers ont vraiment beaucoup de succès en appliquant les lois existantes.
    Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas modifier ces lois et j’imagine qu’il n’y a pas beaucoup de Canadiens qui ne veulent pas que nous augmentions la sécurité du public en modifiant le Code criminel et la détermination de la peine. Notre comité et la Chambre étudieront donc ce projet de loi de façon juste.
     Je sais qu’au cours de la dernière campagne électorale, mon parti a annoncé qu’il augmenterait le nombre de peines obligatoires dans le Code criminel. Je suppose que l’essentiel est que les conservateurs sont maintenant au pouvoir, que c’est eux qui ont déposé ce projet de loi qui devra être soumis à un examen ici.
    Oui, par opposition à vos promesses électorales qui seront soumises à un examen lors des prochaines élections.
    Un honorable membre: Quand auront-elles lieu? Pouvez-vous nous dire quand elles auront lieu?
    Non, je suis désolé, je ne le sais pas.
    Un honorable membre: C’est vous qui êtes au volant.
    Merci, monsieur Lee.
    Monsieur Lemay.

[Français]

    Ne parlons pas d'élections, parlons de droit.
    J'ai une question très précise, monsieur le ministre. Vous verrez que j'ai fait mes devoirs. Est-ce que l'on pourra tenir compte, dans les sentences qui seront rendues, si votre projet de loi est adopté, est-ce qu'on devra tenir compte du casier judiciaire des jeunes contrevenants?
    [Note de la rédaction: difficultés techniques]
    On réduit le temps qui m'est accordé. Ce temps-là ne compte pas, n'est-ce pas, monsieur le président? Il est très important de connaître la réponse à cette question.

[Traduction]

    Généralement, je suis plutôt généreux.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je laisse un fonctionnaire répondre à cette question.

[Français]

    Alors, attendez. Excusez-moi, maître Besner, mais je vais poser ma question de façon très précise: ce sera encore plus facile.
    Prenons l'exemple d'un jeune de 17 ans...

[Traduction]

    Mais elle m’a donné une explication satisfaisante et je suis sûr que vous aimeriez l’entendre.
    Ce n’est pas le cas? Bien.

[Français]

    Non, monsieur le ministre. Ce que je veux vous dire, c'est que je vais poser ma question au complet, ce qui permettra à Me Besner de...
    Prenons l'exemple d'un jeune qui vient d'avoir 18 ans et qui, à l'âge de 16 ans, avait reçu une sentence pour deux vols par effraction. Imaginons qu'au cours de ces deux vols par effraction, entre autres, dans des résidences, il ait volé des armes de poing, des revolvers. Il se présente devant le juge alors qu'il vient d'avoir 19 ans. On sait que les antécédents judiciaires de jeunes contrevenants, selon moi, s'appliquent.
    Quelle sera la sentence minimale obligatoire que le tribunal devra lui imposer, si le projet de loi C-10 est adopté? Est-ce que j'ai bien compris, si je vous dis qu'elle sera de cinq ans au moins?
    Il n'y a pas de changement dans la politique quant à ce qui s'applique comme peine, en vertu de la loi, dans le cas des jeunes adolescents. Dans les cas où la Couronne peut demander une peine pour adulte, la même politique s'appliquerait. Il n'y a pas de modification à ce sujet dans le projet de loi.
    Si la personne a un casier judiciaire, à la suite d'infractions ou de condamnations visées par ce projet de loi, le procureur sera capable d'examiner son casier judiciaire et de prendre une décision, à savoir s'il va demander une peine plus grave parce qu'il s'agit d'une récidive et, dans ce cas, donner un préavis pour indiquer que c'est ce qu'il demandera, s'il le juge approprié dans les circonstances.
(1640)
    Donc, il est possible qu'un jeune de 19 ans qui reçoit une première sentence en tant qu'adulte écope d'une peine de cinq ans de pénitencier?

[Traduction]

    Je reçois des avis contraires à ce sujet. C’est pourquoi j’étais…
    Mon opinion est qu’un adolescent n’est pas reconnu coupable d’une infraction à ces fins. Cela se produit seulement dans le cas d’un adulte. Mais lorsqu’un adulte commet une infraction grave perpétrée avec arme à feu — une tentative de meurtre, par exemple — il y aura une peine minimale obligatoire de cinq ans.

[Français]

    Non, attendez. Ma question est plus subtile, monsieur le ministre. Je prends le nouvel article 98 proposé, que j'ai lu. Je vous ai dit que j'avais fait mes devoirs.
    En vertu du nouvel article 98 que vous voulez faire adopter, il se trouve qu'un jeune —  cela se sait, parce que dans les petites communautés, on connaît les antécédents judiciaires de nos bons clients; je le sais, j'en ai rencontré — de 19 ans pourrait être condamné au pénitencier pour un minimum de cinq ans pour des vols par effraction au cours desquels il a volé des armes. C'est ce que prévoit le nouvel article 98.

[Traduction]

    Il me faut vérifier de nouveau car je n’en suis pas sûr.

[Français]

    D'accord. Cela me permet d'enchaîner avec ma prochaine question, à laquelle vous allez me donner une réponse bientôt.
    Monsieur le ministre, deux décisions importantes de la Cour suprême ont été rendues, dont l'arrêt Smith, en 1987, que tout le monde ici connaît, j'en suis convaincu. Dans cette décision, la cour déclarait que les sentences d'emprisonnement minimales obligatoires de sept ans, pour l'importation ou l'exportation de stupéfiants, étaient des sentences cruelles et inusitées. C'est une décision de la Cour suprême datant de 1987 qui n'est pas, je pense, contestée.
    En 2000, il y a eu l'arrêt Morissey, rendu par la Cour Suprême également...

[Traduction]

    Je suis désolé, j’essaie seulement de suivre, car au sujet de l’importation, c’est longtemps avant 1997 que la disposition sur la peine minimale obligatoire a été déclarée inopérante, lorsque le...

[Français]

    Non, en 1987.

[Traduction]

    Je m’excuse, c’était en 1987. Pardonnez-moi.

[Français]

    L'arrêt Smith était en 1987. Je ne me peux quand même pas me tromper, c'est impossible.

[Traduction]

    Je croyais que vous parliez d’un autre...
    Monsieur Lemay, posez votre question rapidement, votre temps est écoulé.

[Français]

    Voici ce que je veux savoir. Avez-vous effectué des analyses, des études afin de savoir si votre projet de loi C-10 pourrait passer le test de la Cour suprême, à la lumière de l'arrêt Smith de 1987? Croyez-vous qu'il le pourrait?

[Traduction]

    Exactement. Je crois que c’était ma préoccupation au sujet de la proposition du NPD qui prévoyait une peine minimale obligatoire de quatre ans, sans se soucier du type d’infraction impliquant une arme à feu dont il s’agissait, et de la peine minimale obligatoire de huit ans proposée par les libéraux. D’après moi, cela posait de graves problèmes de proportionnalité. Nous avons donc ciblé très précisément huit infractions graves perpétrées avec une arme à feu.
    Vous vous souviendrez que dans l’affaire Smith, une personne qui importait un joint de marijuana était passible d’une peine de sept ans. L’essentiel n’était pas qu’il n’aurait pas été approprié d’imposer une peine de sept ans pour l’importation d’une livre de marijuana. C’était la possibilité que l’importation d’un joint puisse entraîner une peine de sept ans, sans qu’il n’y ait de proportionnalité, de façon similaire à l’approche libérale sur l’imposition d’une peine de huit ans. Nous avons donc décidé que dans le cas d’une première infraction, la peine serait de cinq ans, parce que cela est compatible, d’après moi, avec les décisions rendues par la Cour suprême du Canada sur les peines minimales obligatoires d’emprisonnement pour les infractions graves perpétrées avec une arme à feu — encore une fois, des infractions très précises — et certaines des autres peines minimales obligatoires, une peine obligatoire d’un an dans le cas de l’introduction par effraction pour voler une arme à feu. Dans le cas du trafic illicite ou de la contrebande sans faire usage d’une arme à feu, la peine sera de trois ans. Encore une fois, il s’agit d’une peine proportionnée au type de crime commis.
    Je crois que dans ce cas, l’analyse juridique est tout à fait solide, alors que l’approche libérale prévoyait l’imposition d’une peine de huit ans à toute personne reconnue coupable d’une infraction avec usage d’une arme à feu; elle aurait été très rapidement déclarée inopérante en se basant sur l’affaire Smith. Mais relativement à ce type de situation, le Ministère a analysé la jurisprudence pour s’assurer que la mesure prévue était proportionnée au crime commis initialement.
(1645)
    Merci, monsieur Lemay.
    Monsieur Brown.
    Merci, monsieur Hanger.
    Merci, monsieur le ministre, de comparaître de nouveau devant notre comité. J’ai fait votre éloge lundi par suite de vos nombreuses comparutions devant nous et vous avez montré encore une fois aujourd’hui que vous prenez le temps d’écouter les membres du Comité permanent de la justice exprimer leurs préoccupations.
    Je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre, que le statu quo est inadéquat et c’est justement ce que j’ai entendu dans ma circonscription et dans le Centre de l’Ontario. Je suis d’avis que la population veut qu’un plus grand nombre de mesures dissuasives soient prises et j’appuie ce projet de loi avec enthousiasme, car je crois que c’est exactement son but.
    J’ai entendu certaines personnes rationaliser le statu quo. Mais je crois que si vous parlez aux Canadiens moyens, ce n’est pas ce que vous entendez. Je sais qu’habituellement, nous entendons dire que les infractions impliquant une arme à feu sont commises dans les grandes villes, mais ce n’est pas le cas. Je suis originaire d’une municipalité de 130 000 habitants et dans Letitia Heights, un quartier tranquille, il y a récemment eu une fusillade. Les Canadiens méritent de se sentir en sécurité dans leur quartier et je crois que ce projet de loi est une mesure en ce sens.
    Ma question comprend donc deux volets, monsieur le ministre. Premièrement, vos recherches semblent-elles indiquer que ce projet de loi inspire le sentiment qu’il dissuadera les criminels et quels effets positifs ce sentiment accru de dissuasion des criminels qui utilisent des armes à feu aura-t-elle sur la sécurité du public canadien? Deuxièmement, avez-vous consulté les policiers et les associations de policiers canadiens et quelles ont été leurs rétroactions? J’ai entendu un de mes collègues faire l’éloge des policiers de Toronto et en plus de faire leur éloge, nous devrions les écouter. Qu’est-ce que ces policiers vous ont dit?
    Au cours de mes entretiens non seulement avec l’Association de police de l’agglomération de Toronto, mais également avec le chef de police de Toronto, ils m’ont exprimé leur appui non seulement à l’égard du projet de loi C-10C-10, mais également à l’égard du projet de loi C-9C-9 que l’opposition a malheureusement vidé de son contenu.
    En ce qui concerne la sévérité accrue des peines, nous croyons que cela a une importance égale aux services de police. Vous ne pouvez avoir l’un sans l’autre. Il est inutile d’adopter simplement des lois rigoureuses s’il n’y a pas de services de police. L’été dernier, les policiers de Toronto ont accompli un travail exceptionnel, ciblé et très difficile. Je crois que vous devriez inviter le chef de police pour qu’il vous parle de l’utilisation de ses ressources afin d’arrêter ces individus. Les policiers m’ont raconté des histoires incroyables sur le nombre de policiers dont ils ont besoin.
    Ils ont beaucoup investi dans la présence policière, mais si les peines imposées ne sont pas appropriées, le phénomène de la porte tournante se répète constamment. Ils font état des nombreuses tueries et des nombreuses fusillades à Toronto commises par des détenus libérés sous caution. Les chiffres sont tout simplement stupéfiants. Cela vous montre donc encore une fois que le fait de mettre ces individus hors d’état de nuire sauvera vraiment des vies, même si cela ne les dissuadera pas de recommencer lorsqu’ils seront libérés.
    Nous avons donc cherché à écouter les policiers… Par exemple, un problème croissant est celui de l’arme à feu chargée ou à autorisation restreinte dans un véhicule, la simple possession. Chaque policier qui s’approche d’une voiture doit maintenant présumer qu’il s’y trouve une arme à feu chargée. C’est une situation intolérable qui ne se serait jamais produite…
    Je me souviens qu’en 1977, j’étais poursuivant. À deux heures du matin sur la grand-route 1, un policier a arrêté une voiture, la porte s’est ouverte et l’arme de poing est tombée. C’était alors une situation exceptionnelle. Maintenant, ils présument que cela se produira.
    Les armes de poing sont déposées sous le siège du conducteur. Trois ou quatre membres du gang se trouvent dans la voiture et il est très difficile de prouver la possession. Nous croyons que si vous vous déplacez avec une arme de poing chargée dans votre voiture, cela devrait entraîner de lourdes conséquences.
    Selon le NPD, dans une situation de ce type la peine imposée devrait être de quatre ans et je dis oui, imposons une peine de quatre ans. Mais ce n’est pas ce que nous avons fait; nous avons plutôt prévu une peine de trois ans.
    Encore une fois, je ne suis pas d’accord avec ce que les libéraux ont fait. Par exemple, il ne me semble pas que l’imposition d’une peine de huit ans à un Autochtone qui a utilisé une arme d’épaule ait du sens. La mesure doit être proportionnelle. Je rejette donc l’approche libérale qui augmenterait sans nécessité le nombre de détenus d’un certain type, alors que je crois qu’il est possible de les dissuader autrement qu’en utilisant cette approche.
(1650)
    Merci, monsieur Brown.
    Monsieur Easter.
     Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre.
    Je ne serai pas aussi accommodant que vos collègues vis-à-vis, car je crois que vous avez la responsabilité d’être présent devant ce comité lorsque vous déposez un projet de loi.
    C’est exact, car on pourrait croire que le ministre est venu seulement pour écouter les membres vis-à-vis.
    Il est vrai que je veux écouter.
    C’est bien.
    Vous avez la responsabilité d’être ici, mais plus encore, je crois que vous avez la responsabilité de nous fournir des preuves concrètes, pour que le Comité puisse prendre des décisions basées sur des preuves et des données sur le contexte, pas sur des hypothèses. Voici un exemple que vous venez d’utiliser. Je ne crois pas que vous ayez fourni de preuves au Comité. Il y a quelques instants, vous avez simplement dit que les policiers vous affirment que les peines imposées ne sont pas appropriées. Je m’attends à ce que les policiers disent cela.
    Non, ce n’est pas ce que j’ai dit.
     Dans certains cas, ce n’est pas ce qu’ils disent.
    Ce n’est pas ce que j’ai dit. J’ai dit que c’était difficile.
    Vous avez dit et je vous cite « les chiffres sont tout simplement stupéfiants » en parlant de ceux qui sont libérés sous caution. Possédez-vous des preuves écrites? Pouvez-vous fournir au comité...
    Oui, je peux les obtenir pour vous.
    ...l’information documentaire sur ce que vous venez de dire, les peines imposées?
    Non, cela concerne les cautionnements, pas les peines.
    Les cautionnements. Eh bien, il va falloir donner un peu de substance au comité. Les décisions doivent être basées sur des faits.
     D’après ce que je comprends, avec ce projet de loi, vous tenez principalement à imposer des peines minimales obligatoires, et je crois qu’en réponse à M. Comartin, vous avez dit qu’il fallait envoyer un signal. Or, toutes les observations dont nous disposons jusqu’ici indiquent en fait, monsieur le ministre, que la sévérité de la peine n’a aucun effet dissuasif, et que la présence policière, les mesures préventives et l’information sont énormément plus efficaces que le simple fait d’envoyer un signal sur la sévérité des peines. Êtes-vous d’accord avec cette observation?
    Non, la présence policière n’est pas suffisante. C’est un aspect important.
     En ce qui concerne les statistiques, je suis certainement disposé à prendre connaissance des chiffres que votre parti a pris en considération lorsqu’il a décidé de fixer des peines d’emprisonnement minimales de huit ans, car je ne crois pas que cette mesure-là soit justifiée non plus. Il faut une réponse proportionnée. Mais si vous pouviez me faire connaître ces informations, je pourrais peut-être prendre une décision plus éclairée sur l’opportunité de modifier l’approche graduelle que nous avons adoptée, l’approche proportionnée et adaptée à l’infraction, par opposition à votre peine de huit ans appliquée sans nuance. J’aimerais voir ces informations, et cela m’aiderait peut-être à changer mon point de vue. Je suis sûr que vous pouvez me les communiquer.
(1655)
    C’est vous, le ministre. Toutes les informations du ministère sont à votre disposition. Je suis sûr que vous pouvez les obtenir.
    Je trouve intéressant de constater qu’en réponse à une question de M. Lee, vous avez parlé des statistiques de 2005 mais passé sous silence celles de 2006, parce que celles de 2006 n’appuient pas votre argumentation au sujet de la flambée de...
    Si vous me permettez, c’est là que M. Lee m’a interrompu et ne m’a pas laissé répondre, si vous vous souvenez.
    Eh bien, je vais faire comme lui.
    D'accord.
    Ma dernière question concerne le fait que le projet de loi vise principalement les armes prohibées et les armes de poing. Les crimes commis avec un fusil de chasse sont-ils visés aussi?
    Oui. En fait le projet de loi traite d’un contexte précis, celui des gangs. Par exemple, une personne qui utilise un fusil de chasse dans le contexte d’une activité de gang encourt ces peines minimales obligatoires, tout comme si elle utilise une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte. Cependant, la loi ne s’applique pas aux fusils d’épaule dans les cas pour lesquels M. Bagnell souhaitait porter à huit ans la peine minimale obligatoire. Par exemple, si un chasseur autochtone blesse quelqu’un avec sa carabine à la suite d’une altercation, la nouvelle peine minimale obligatoire ne s’applique pas. Nous croyons que la solution de M. Bagnell ne serait pas appropriée pour un chasseur autochtone dans ces circonstances. Vous pouvez voir que les actes visés par le projet de loi, qu’ils soient commis avec une arme prohibée, une arme à autorisation restreinte ou une arme d’épaule, sont des actes liés à des gangs. Cela règle aussi, monsieur Easter, le problème du risque de remplir les prisons avec des personnes qui n’ont pas besoin d’y séjourner si longtemps. C’est très circonscrit, ce n’est pas un minimum obligatoire appliqué à tout le monde.
    Merci, monsieur Easter.
     Monsieur Thompson.
    ): Merci, monsieur le ministre, de votre présence ici.
    Je ne fais que remplir les devoirs de ma fonction.
    Je comprends cela. Mais surtout, je veux vous remercier d’avoir déposé ce projet de loi. Je suis ici depuis treize ans, et je me réjouis toujours profondément quand je vois le législateur se préoccuper des victimes. C’est ce que je vois ici, et je veux vraiment vous en remercier, car cela fait longtemps que j’en ai vu une.
    Treize longues années.
    C’est vraiment une bonne chose de se préoccuper des victimes. C’est la meilleure façon de traiter le problème de la criminalité, c’est ce qu’il faut faire.
     En ce qui concerne les gangs, avant les élections, l’an dernier, j’ai visité des pénitenciers et je me suis informé sur le nombre de détenus appartenant à des gangs ainsi que sur leurs activités. Après les élections, j’ai continué de m’intéresser de très près à cette question jusqu’à la rentrée parlementaire en avril. Mais j’ai rencontré les personnes responsables de la surveillance des activités de gangs dans les pénitenciers. J’ai aussi rencontré des membres de ces gangs. J’ai vu des Posse, des Bandidos, des Warriors, des gangs asiatiques, des bandes de motards. Il y en avait de toutes les sortes.
    Il y a une chose qui m’a un peu surpris, c’est que dans tous les gangs, il y avait des gens de tous les groupes sociaux. Autrement dit, dans les gangs indiens, pour ainsi dire, il n’y avait pas que des Autochtones. Il y avait des personnes d’autres races, parce que, au fond, tout ça est une question d’argent.
    J’ai eu des conversations intéressantes avec eux, monsieur le ministre, au sujet de ce qui se passerait si on mettait un terme à leurs activités. J’ai trouvé triste de les entendre me répondre qu’ils n’avaient pas trop de quoi être inquiets pour l’instant, qu’il ne pouvait pas leur arriver grand-chose. « C’est sûr que certains d’entre nous se sont retrouvés en-dedans pour la vie, mais c’est une conséquence normale quand on a tué quelqu’un. » Mais il y a bien d’autres choses à dire. Ce sont des gens qui essaient vraiment de changer de vie et qui veulent faire quelque chose.
    Je leur ai demandé ce qu’ils pensaient du registre. Ils m’ont répondu en riant: « Personne ne vous a dit comment ça marche dans les gangs? On n’enregistre pas nos armes. » Non, effectivement, personne ne m’avait jamais dit ça. Mais je m’en doutais. Ils ont ajouté: « Pourquoi est-ce que vous ne rendez pas les lois plus sévères? Pourquoi est-ce que vous ne construisez pas plus de prisons, si c’est ça qu’il faut? Il y a plein de membres de gangs en liberté, et il faut les isoler. » Voilà les mots mêmes prononcés par des personnes qui ont été condamnées et qui écoulent maintenant leurs jours dans des pénitenciers. Ce sont les membres mêmes des gangs qui nous disent: « C’est rendu hors de proportion. Quand je suis entré là-dedans, je ne pensais pas que ça se développerait à ce point-là, mais ça n’arrête pas d’empirer. »
     C’est pourquoi je vous félicite pour cette loi, parce qu’elle n’est pas molle envers les criminels. J’en ai plus qu’assez d’entendre parler du registre, qui n’a pas sauvé une seule vie à ma connaissance. Pas une seule! Il faut faire quelque chose pour protéger les innocents, les victimes, et je vous applaudis parce que c’est ce que vous faites. Je crois que c’est ce que ce projet de loi va faire.
    C’est ce que j’avais à dire.
     J’ai une question, c’est au sujet de Mayerthorpe. Je n’oublierai jamais le drame de Mayerthorpe. C’est un des pires que nous ayons vus au Canada: quatre policiers y ont laissé leur peau. Connaissez-vous le grand responsable de cet acte, le criminel en cause? Si ce genre de loi avait été en place, quelles sont les probabilités que cette personne aurait pu commettre ce genre de crime?
(1700)
    Je suis d’accord pour dire que l’affaire de Mayerthorpe a été un drame horrible. En fait, c’était plus qu’un drame, c’était un crime. Je préfère toujours appeler un crime un crime au lieu de parler de drame. Un drame, pour moi, c’est plus ou moins quelque chose qu’on ne peut pas prévenir, et je préfère voir dans ces actes des crimes commis de sang froid.
     Je ne sais pas quels étaient les antécédents de cet individu. Je ne peux qu’être d’accord avec M. Comartin pour dire que les cas de récidive sont assez rares pour ce genre de crime, mais n’est-ce que pas eux que l’on devrait cibler, les récidivistes qui reviennent toujours et qui utilisent des armes à feu pour blesser leurs concitoyens et blesser les policiers qui sortent dans la rue tous les jours pour nous permettre de vivre nos vies? Je ne sais pas s’il avait un casier judiciaire.
    Il est évident que si cet individu avait survécu, il aurait été accusé de meurtre au premier degré. C’est sont les libéraux qui ont instauré la peine minimale de 25 ans pour les meurtres au premier degré, et je suis d’accord avec cette mesure: l’emprisonnement à perpétuité pour les personnes déclarées coupables de meurtre au premier degré.
     Dans ce cas en particulier, si l’individu s’en était sorti vivant, et supposons que les policiers n’auraient pas été tués, qu’ils auraient été plutôt blessés, il aurait alors certainement été possible de le poursuivre en vertu des dispositions pénales sur les délinquants dangereux. Depuis l’arrêt de 2003, le nombre de requêtes visant des délinquants dangereux a fondu de moitié au pays. Il est passé d’environ 25 par année — car on parle ici de gens vraiment dangereux — à une douzaine. Donc, ce que nous essayons de faire avec notre législation sur les délinquants dangereux, c’est de restaurer la loi dans l’état où elle était avant cet arrêt de la Cour suprême pour que les 12 ou 13 individus qu’on laisse maintenant courir soient repris dans les mailles de la justice et que la population soit protégée. C’est ce que nous essayons de faire.
    Allons-nous mettre la main au collet de tous les délinquants dangereux? Non. Mais nous pourrons obtenir des résultats nettement plus satisfaisants. Entre autres grâce aux peines d’emprisonnement minimales. Entre autres aussi grâce à la présence policière. Entre autres aussi, et c’est un aspect auquel je crois profondément en passant, grâce à l’organisation d’activités pour les jeunes, qui auront pour effet de réduire l’attrait et l’emprise des gangs sur eux. C’est un aspect très important, et c’est pourquoi je suis fier des efforts de mon gouvernement sur ce plan.
     Donc, on ne peut pas dire que ce projet de loi est une panacée. Ce n’est pas une panacée. Il faut une approche globale pour lutter contre la criminalité.
    Je suis fier d’appartenir à un gouvernement qui favorise la déjudiciarisation. Je suis fier des programmes de la Stratégie de justice applicable aux Autochtones auxquels contribue mon ministère. Mais il ne faut jamais oublier qu’avec tout l’argent qu’on consacre aux programmes sociaux, aux programmes éducatifs, au programmes communautaires, si on laisse dans la rue les individus qui se promènent avec des armes et de la drogue, quelles sont les chances de la génération suivante, qui se fera recruter à huit, neuf, dix, onze, douze ans? Si on laisse ces individus dans la circulation, quelles sont les chances de voir ces jeunes s’en sortir?
    C'est donc aussi une façon de donner une chance au jeune, car lui aussi est une victime, quand il est tenté par la vie des gangs à un jeune âge. J’ai vu ce phénomène au cours des quinze dernières années dans des endroits comme Winnipeg, en particulier, qui est la ville que je connais le mieux. Le genre de criminalité de gangs que nous connaissons aujourd’hui n’existait pas en 1990. En 1991, il y a eu une explosion de criminalité de gangs. Il faut trouver des outils appropriés. La déjudiciarisation en est un, mais la présence policière aussi — il faut donc donner aux services de police les moyens d’agir — et troisièmement, il y a les peines d’emprisonnement minimales obligatoires pour ceux qui ne veulent rien entendre.
(1705)
    Le recrutement de jeunes dans la rue était un des phénomènes qu’ils avaient mentionnés comme prenant des proportions inouïes.
    Merci, monsieur Thompson.
    Monsieur Murphy.
    Merci, monsieur le président.
    Il existe un consensus selon lequel les peines minimales obligatoires sont utiles dans ce genre de contexte. Les effets de l’introduction des peines minimales obligatoires en 1995 n’ont probablement pas fait l’objet d’une étude empirique objective assez poussée pour qu’on puisse voir leur effet dissuasif. Ce serait une bonne chose d’y songer.
    La deuxième chose que je suis heureux de vous entendre dire — et je veux l’enregistrement —, c’est que vous considérez que les libéraux, du moins durant la campagne, ont été plus sévères que les conservateurs envers les criminels; c’est un commentaire que j’apprécie.
    Je vais vous poser toutes mes questions en même temps, car vous montrez beaucoup de passion dans vos réponses: vous n’avez pas nécessairement toujours raison, mais vous ne doutez jamais. Je ne veux pas que vous manquiez de temps pour me répondre, alors je vais énumérer toutes mes questions tout de suite.
    Lorsque les fonctionnaires du ministère de la Justice sont venus nous brosser un tableau de la situation, il y avait un certain M. Daubney, qui avait préparé un rapport pour le ministère, et à moins que les choses aient radicalement changé depuis — et il faut dire que j’étais nouveau à mon poste —, je ne crois pas que le ministère de la Justice ait recommandé avec beaucoup d’enthousiasme le recours accru aux peines minimales obligatoires. J’aimerais vous demander s’il y a au ministère de la Justice une nouvelle religion fanatique basée sur la punition et la condamnation publique dont j’aurais raté l’arrivée.
    Au sujet des études, vous mentionnez que vous avez des noms. Nous avons hâte de mettre la main dessus lorsque les problèmes de droits d’auteur de la traduction auront été réglés.
    Nous ne pourrons pas traiter du problème des droits d’auteur de la traduction, mais...
    Monsieur le président, question de procédure: j’aimerais seulement poser toutes mes questions, après quoi le ministre pourra laisser libre cours à sa passion.
    Vous avez mentionné entre autres Levitt et Kessler. Mais, comme vous le savez, il y a aussi Loftin et McDowell et toutes les autres études qui disent le contraire, à savoir que l’effet dissuasif des peines minimales obligatoires est une chimère. Les études empiriques n’appuient pas vos allégations, et nous n’avons entendu que des réponses tièdes au sujet de ces études en général.
    Sur la question des Autochtones, je ne crois pas que vous ayez fait justice à la question de M. Bagnell. Dans votre réponse, vous faites comme si — et je vais attendre que vous ayez fini d’écouter votre conseil avant de poser ma question pertinente...
    : Il faut que j’essaie de mémoriser toutes vos questions.
    Je sais, et je les pose rapidement pour vous laisser plus de temps pour répondre, monsieur le ministre. Nous aimons tous vous écouter, surtout lorsque vous dites que les libéraux sont plus sévères que les conservateurs avec les criminels. Ces mots sont magiques.
    En élection.
    C’est bien ce que j’ai dit: je ne vous ai pas cité hors contexte.
    Au sujet des crimes commis par des Autochtones et du nombre disproportionné de détenus autochtones, comment allons-nous pouvoir continuer d’appliquer l’alinéa 718.2e), « Principes de détermination de la peine », si on augmente le nombre de peines minimales obligatoires? Et, plus important que ce que vous dites et que ce que je dis, est-ce que les associations qui représentent les Autochtones — dont nous avons lu les interventions aujourd’hui dans certains cas, comme celle du chef Brazeau, qui est un ami de votre gouvernement —, appuient votre position au sujet des peines minimales obligatoires?
(1710)
    Réglons d’abord cette question sur le fanatisme au ministère de la Justice. Quand je suis arrivé au ministère de la Justice, il y a eu un dialogue très intéressant. Nous avons eu un dialogue extraordinaire sur le moyen le plus efficace de réaliser les promesses formulées par notre parti pendant les élections.
     Par exemple, vous remarquerez que nous avions promis que la peine infligée pour une infraction liée aux armes à feu serait de dix ans. Alors nous nous sommes penchés sur cette question, et nous nous sommes demandé si c’était une réponse proportionnée. C’est ce que dit le ministère. Ce qui peut être justifié, c’est que… et c’est eux qui ont élaboré le programme pour nous, de sorte que ce n’est qu’à une troisième infraction que la peine minimale obligatoire de dix ans sera applicable.
    J’ai aussi entendu ce que les libéraux ont dit pendant les élections. Alors je me suis dit, un libéral parle de huit ans, voyons voir ce qu’on peut faire avec ça. Nous avons entendu M. Comartin pendant les élections, ou son parti, du moins, parler d’un minimum de quatre ans. Alors nous avons mis tout cela ensemble et nous nous sommes demandé ce qui constituerait une réponse proportionnée. Donc, j’ai eu un dialogue très fructueux avec le ministère.
    Je peux vous dire que ce n’est pas moi qui ai rédigé le projet de loi que vous avez devant vous. Ce texte est le fruit d’un long dialogue avec le Ministère, et avec des groupes d’intérêt de tout le pays.
    Maintenant, au sujet de votre suggestion de demander aux Autochtones ce qu’ils pensent du projet de loi... ce projet de loi ne cible pas les Autochtones. L’Association canadienne des policiers, pour citer cet exemple, comprend de nombreuses organisations autochtones, des organisations policières. Or, elle appuie sans réserve ce genre de projet de loi, et je suis sûr que les agents de police ont été consultés.
     Nous voudrions aussi faire remarquer que le projet de loi ne vise pas le genre de cas cité par M. Bagnell, le cas d’une personne qui en blesse une autre avec son fusil de chasse. Par exemple, si vous avez un type qui revient bredouille de la chasse au canard et qui dévalise une boutique en se servant de sa carabine, il n’écopera pas de la peine d’emprisonnement minimale, sauf de celle qui existe déjà et qui a été instaurée, si je ne m’abuse, par votre gouvernement: la peine minimale de quatre ans.
    Donc, ce qu’il faut retenir, c’est que ce projet de loi ne change rien aux principes de détermination de la peine. Ce qu’il fait, c’est qu’il cible les activités des gangs et l’utilisation des armes à feu dans ce contexte, et par conséquent, nous croyons que c’est une réponse proportionnée. C’est une réponse proportionnée à un problème très grave.
    Donc, simplement…
     Vingt secondes?
    D’accord pour vingt. En fait, votre temps est écoulé.
    Donc, vous diriez que selon l’article 239, sur les tentatives de meurtre, si quelqu’un essaie trois fois, on parle du chasseur qui revient bredouille — et je chasse moi-même le canard, mais je ne reviens pas toujours bredouille. Si vous entrez dans une boutique, ou peu importe, c’est une tentative de meurtre. La troisième fois, c’est un minimum de quatre ans selon les modifications de 1995. La troisième fois, si je suis membre d’un gang ou d’une organisation criminelle, c’est un minimum de dix ans, et il y a une différence parce que ce n’est pas le même genre d’arme.
     Je chasse le canard. J’avais un fusil de chasse la première fois. La deuxième fois, j’avais une arme à autorisation...
    On parle d’un gang qui entre dans une boutique?
    Avec une arme à autorisation restreinte.
    Même une carabine, par exemple.
    Oui, j’essayais de prendre un exemple simple.
(1715)
    Cinq ans, première infraction dans le cadre d’une activité de gang; alors que si c’est le chasseur bredouille, ce sera quatre ans.
    Mais pour le chasseur, la troisième fois, c’est toujours quatre ans minimum. Il écopera de plus que ça, je le sais, mais c’est minimum quatre ans. Pour le membre d’un gang qui a une carabine, disons, la troisième fois, c’est dix ans.
    C’est ça.
    Même arme, activité différente, on fait plus que doubler le...
    C’est ça. Autre contexte. C’est exact.
    Merci, monsieur Murphy.
    Monsieur Breitkreuz.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Merci, monsieur le ministre.
    Comme vous le savez, je m’intéresse à cette question depuis un bon moment. Je trouve très intéressant de constater que durant la campagne électorale, les libéraux ont énoncé des principes conservateurs dans ce dossier et que lorsque tout a été fini, ils sont revenus à leurs positions libérales typiques — et je crois que vous avez déjà fait cette observation —, c’est-à-dire la mollesse envers les criminels.
    L’autre chose sur laquelle j’aimerais dire un mot, c’est le fait que nos opposants demandent des preuves. Je trouve cela très intéressant, quand on sait qu’ils ont instauré un registre des armes à feu sans la moindre preuve que cela marcherait — et il n’y en a toujours pas. Par ailleurs, j’aimerais aussi faire remarquer que quand j’écoute leurs discours sur cette question à la Chambre, ils prétendent que ces mesures ne sont pas efficaces, et, par extension, que les peines n’ont aucun effet dissuasif. Autrement dit, il faut fermer les prisons et recourir aux condamnations avec sursis et aux mesures du même acabit. Je trouve tout cela absurde. Très souvent, les gens ne font pas cette observation.
    C’est qu’ils n’arrivent pas à faire la distinction entre la dissuasion, d’une part, et l’isolement et la neutralisation, d’autre part. Nous savons que si nous gardons une personne dangereuse en prison pendant un an, par exemple, il y aura un effet indéniable sur le taux de criminalité.
     C’est l’effet dissuasif en général qui est plus douteux, et il y a diverses études. Je crois que M. Murphy a indiqué qu’il y aurait probablement lieu de faire plus d’études, en fait, sur la question de la dissuasion. Ça, je n’en doute pas un instant. Quant à la neutralisation, à l’isolement, et à leur effet sur le taux de criminalité, cela ne fait aucun doute.
    Dans une des études que j’ai lues sur cette question en particulier — et je m’éloigne un peu de ma question première —, on disait qu’en communiquant clairement aux éléments criminels — et en particulier dans les secteurs de la ville où les gangs sévissent — que les peines ont été prolongées, on réduisait effectivement le nombre de crimes commis avec une arme à feu. Non seulement il faut mettre en place ces mesures, mais il faut aussi faire savoir clairement que ces actes ont maintenant des conséquences beaucoup plus graves.
    C’est une des études que j’ai lues et qui disait que ce genre de mesure était très efficace pour réduire la fréquence des actes criminels commis avec une arme à feu.
    On peut dire la même chose du délit de conduite avec facultés affaiblies, par exemple. Il y a un lien évident entre les programmes de sensibilisation du public conjugués à l’établissement de peines plus sévères.
    J’aimerais revenir sur un élément qui a été soulevé par nos opposants: le coût de l’incarcération. Une des études que j’ai lues démontre — et je crois qu’elle avait été réalisée à la Simon Fraser University, mais on me corrigera si je me trompe — que la non-incarcération pourrait coûter douze fois plus cher que l’incarcération. Le coût pour la victime, le coût pour la société, est beaucoup plus élevé que le coût de l’incarcération.
    Je me demandais si vous n’auriez pas des commentaires à formuler à ce sujet.
    Oui. Par exemple, et c’est une chose qu’on m’a fait remarquer à la chambre de commerce de Surrey, le cocaïnomane moyen vole 1 000 $ de biens par jour — j’admets qu’on ne parle pas de crimes commis avec une arme à feu —, ce qui représente un coût direct de 365 000 $ par année parce que les cocaïnomanes ne font jamais relâche. Ils doivent s’activer jour après jour. Donc, si on regarde le coût économique direct pour les entreprises, il est beaucoup plus élevé que l’incarcération.
     Et je ne parle pas des coûts indirects pour la victime et des coûts liés à la détérioration de la valeur des propriétés. Si on prend cela en compte, le coût devient carrément faramineux. Encore une fois, si on pense à la neutralisation et à l’isolement, sans entrer dans la dissuasion, je crois qu’on peut facilement admettre que pour chaque personne écrouée pendant un an, on évite une douzaine d’infractions graves. On voit tout de suite l’avantage.
    L’autre jour, pendant la période des questions, j’ai entendu un argument intéressant en faveur du registre des armes à feu selon lequel si ce registre avait réussi à sauver ne serait-ce qu’une vie, l’argent qu’on y a consacré a été bien dépensé. Pour être franc, je trouve qu’il y a un moyen bien plus efficace de dépenser ce milliard de dollars, autrement qu’en le consacrant à un registre des armes à feu, pour sauver bien plus qu’une vie. Je crois que même si toute mort est regrettable — toute mort est regrettable —, compte tenu que nos coffres ne sont pas sans fond, il faut se demander ce qui est le plus efficace quand on étudie les principes de la détermination de la peine, y compris l’exemplarité, y compris la réinsertion, si on pense à tous ces éléments. Quelle est la mesure la plus efficace qu’on puisse prendre avec une personne qui a été condamnée, par exemple, trois fois pour une infraction grave, ce qui est rare, et qui encourt dix ans? Je crois que dans ce cas, du simple point de vue économique, c’est cette voie qui est la plus efficace.
(1720)
    Exact. Monsieur le ministre, sur cette question, celle du milliard consacré au registre des armes à feu, j’ai lu une étude qui indiquait que si nous avions utilisé ce milliard de dollars pour augmenter la présence policière dans les rues, on aurait réduit considérablement le taux de criminalité et sauvé bien des vies. Rien ne prouve qu’on a sauvé des vies avec le registre.
     Je crois que c’est une considération fondamentale, qu’il faut mettre en place des lois qui nous en donnent pour notre argent, alors j’apprécie votre intervention.
    Merci.
    Merci, monsieur Breitkreuz.
    Monsieur le ministre, j’aimerais poser une question. Compte tenu que la loi que nous sommes en train d’étudier est très pointue, comme vous l’avez vous-même fait remarquer, et je crois qu’il y avait lieu de le faire. Il y a des gangs, et ces gangs utilisent des armes à feu, mais il y a une autre question plus générale. Ces gangs n’existent pas pour rien. En grande partie, ils existent à cause de l’appât du gain. Ils sont souvent très bien organisés. Et évidemment, il y a aussi toute la question de la drogue. La drogue est la cause d’une grande partie de ce qui se passe. Il y a des fusillades dans les rues, et des gens innocents risquent de tomber sous une balle perdue, et les gangs continuent leurs vendettas sans répit.
     Quel est votre plan — et je sais qui vous y avez fait allusion à quelques reprises dans votre présentation d’aujourd'hui — pour vous attaquer à ce problème de drogue que nous avons dans notre pays? Nous avons une stratégie nationale en matière de drogues qui manque d’envergure et d’efficacité, mais à laquelle on consacre des fonds. Quel avenir voyez-vous pour cette stratégie?
    J’ai mené de vastes consultations sur cette question, et en particulier sur les peines associées à la stratégie en matière de drogue. Par exemple, dans une ville comme Vancouver, une personne sur treize va en prison pour trafic de drogue. Dans le reste de la Colombie-Britannique, c’est généralement une sur sept. Et cela... la situation évolue.
     Les gens m’ont fait part de leurs préoccupations, par exemple, au sujet des laboratoires de méthamphétamines, et du danger qu’ils représentent pour les pompiers qui arrivent sur les lieux d’une explosion, ouvrent la porte et son étouffés par des émanations toxiques. Ces laboratoires représentent des risques d’incendie. D’après ce qu’on m’a dit, dans la grande région de Vancouver, un incendie résidentiel sur huit est causé par un laboratoire de production de drogue. C’est très dangereux dans un quartier.
    J’ai visité ces quartiers, et ce sont loin d’être des quartiers défavorisés. On parle de maisons qui coûtent entre un demi-million et un million de dollars. Et ces individus s’en sortent avec une amende, que la plupart d’entre eux considèrent plus ou moins comme une taxe d’affaires. Si la maison brûle, ils ont perdu un million de dollars, mais ils ne tardent pas à s’en trouver une autre et à tout recommencer.
    Dans une rue où je suis allé dans la région de Coquitlam, sur les vingt-cinq maisons de la rue, huit abritaient des cultures de marijuana, ou des laboratoires de méthamphétamines ou des laboratoires de MDMA. Je ne suis pas trop au fait de la différence, mais je sais que ce sont toutes des drogues illégales et très dangereuses. La quantité de boues toxiques qui est évacuée de ces maisons — huit sur vingt-cinq dans une seule rue — pour contaminer les égouts est ahurissante.
     Ce que les citoyens réclament, ce que la police réclame, ce que les organisations réclament, c’est une peine de prison minimale obligatoire pour certains types d’infractions liées à la drogue. C’est ça, qu’ils réclament.
    Mon ministère, de concert avec Santé Canada et d’autres partenaires, est en train de développer cette stratégie nationale en matière de drogues. Encore une fois, je tiens à rappeler que ce projet de loi ne touche qu’un aspect de cette stratégie nationale. Certaines des mesures qui m’ont été proposées — les cures de désintoxication, la collaboration avec les autorités provinciales pour ouvrir des lits, etc. — en font aussi partie.
    Donc, je peux vous dire que nos ministères travaillent sur ce dossier et que nous proposerons à terme une stratégie nationale efficace.
(1725)
    Avec cette stratégie, il est indéniable que ces trafiquants ne pourront plus profiter autant de leur argent, et qu’il y aura moins d’armes à feu dans la rue.
     Merci, monsieur le ministre.
     Monsieur Bagnell, vous avez le mot de la fin. Vous avez du temps pour une question, deux au maximum.
    Merci.
    J’ai seulement une question, monsieur le ministre. Sans cette loi, les juges pourraient toujours infliger, s’ils le souhaitent, des peines encore plus sévères que ces minimums. De ce point de vue, considérez-vous que les juges canadiens prennent des décisions judicieuses à partir des options qui leur sont offertes actuellement?
    Oui, car la loi est rédigée de telle sorte que...
     Par exemple, au sujet des condamnations avec sursis, quand j’étais ministre provincial de la Justice, au Manitoba, votre gouvernement a promis que les condamnations avec sursis ne seraient jamais appliquées pour des crimes graves ou violents. C’était une promesse très claire faite par Allan Rock et réitérée par Anne McLellan. Donc, lorsqu’il y a eu mort d’homme, lorsqu’il y avait conduite avec capacité affaiblie causant la mort et qu’une peine de condamnation avec sursis a été prononcée — ce qui, à cause des amendements que vous avez réintroduits dans le projet de loi C-9, continuera de se produire —, nous avons saisi la Cour suprême du Canada. Et la Cour suprême du Canada a jugé que la condamnation avec sursis était une option valide. Qu’un juge avait le droit d’y recourir.
    Nous avons donc considéré qu’il fallait corriger la lettre de la loi, pour que les promesses faites par vos ministres soient respectées, à savoir que ce genre de peine ne soit pas infligée dans ce genre de cas.
    Mais vous venez de dire que les juges prennent des décisions judicieuses. S’ils prennent des décisions judicieuses, ils pourraient prendre la même décision que celle que vous voulez les obliger à prendre avec votre projet de loi; ils n’ont pas besoin de cette loi.
    Non, vous avez mal interprété mes propos. Ils prennent des décisions judicieuses à la lumière du texte de loi. Les juges appliquent la loi. Ils n’arrêtent pas des politiques sociales. C’est le Parlement qui arrête les politiques sociales. Donc, sur le plan des politiques sociales, en tant qu’élu, je dis que dans un cas de conduite avec capacité affaiblie causant la mort, la condamnation avec sursis ne devrait pas être une option. Alors le juge, quand il lira la loi, conclura que la condamnation avec sursis n’est pas une option dans un cas de conduite avec capacité affaiblie causant la mort. C'est une politique sociale, traduite dans une loi, que le juge applique. Si le juge l’applique, il pratique le droit judicieusement. Mais on ne peut pas blâmer un juge d’avoir infligé une condamnation avec sursis si...
    Il n’est pas obligé de choisir la condamnation avec sursis. Vous avez dit qu’il a fait un choix judicieux en choisissant la condamnation avec sursis. Il aurait pu condamner le chauffard à une peine d’emprisonnement.
    Je n’ai pas dit qu’il avait fait un choix judicieux.
    Vous avez dit qu’ils faisaient des choix judicieux.
    Tout ce que j’ai dit, c’est qu’il appliquait la loi correctement.
    Vous dites qu’ils font des choix judicieux.
    Monsieur, monsieur Bagnell.
    Merci, monsieur le ministre et mesdames et messieurs les fonctionnaires, pour votre présence à cette réunion et pour nous avoir informés au sujet du projet de loiC-10.
    La séance est levée.