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SSLR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 2 février 2005




¼ 1815
V         Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.))
V         M. Paul Fraser (avocat et président du Comité spécial d'étude de la pornographie et de la prostitution,, Département de la Justice, de 1983 à 1985, À titre individuel)

¼ 1820

¼ 1825

¼ 1830

¼ 1835

¼ 1840

¼ 1845

¼ 1850
V         Le président
V         M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, PCC)
V         M. Paul Fraser

¼ 1855
V         M. Art Hanger
V         M. Paul Fraser

½ 1900
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ)
V         M. Paul Fraser
V         Mme Paule Brunelle

½ 1905
V         M. Paul Fraser
V         Le président
V         Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD)

½ 1910
V         M. Paul Fraser
V         Mme Libby Davies
V         M. Paul Fraser

½ 1915
V         Mme Libby Davies
V         Le président
V         M. Art Hanger
V         M. Paul Fraser
V         M. Art Hanger
V         M. Paul Fraser
V         M. Art Hanger

½ 1920
V         M. Paul Fraser
V         M. Art Hanger
V         M. Paul Fraser
V         Le président

½ 1925
V         Mme Paule Brunelle
V         M. Paul Fraser
V         Mme Paule Brunelle
V         Le président
V         Mme Libby Davies

½ 1930
V         M. Paul Fraser
V         Le président
V         M. Art Hanger

½ 1935
V         M. Paul Fraser
V         M. Art Hanger
V         M. Paul Fraser

½ 1940
V         M. Art Hanger
V         M. Paul Fraser
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle
V         M. Paul Fraser

½ 1945
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         M. Paul Fraser
V         Mme Libby Davies
V         M. Paul Fraser
V         Mme Libby Davies
V         M. Paul Fraser
V         Le président
V         M. Art Hanger
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle
V         Mme Libby Davies

½ 1950
V         Le président
V         Mme Lyne Casavant (attachée de recherche auprès du comité)
V         M. Paul Fraser
V         Mme Libby Davies
V         Mme Lyne Casavant
V         Le président
V         M. Paul Fraser
V         Le président
V         M. Art Hanger
V         M. Paul Fraser

½ 1955
V         M. Art Hanger
V         M. Paul Fraser

¾ 2000
V         Le président
V         M. Paul Fraser
V         Le président










CANADA

Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 004 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 2 février 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¼  +(1815)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)): La séance est ouverte. Nous avons le quorum. Nous sommes un peu en retard sur notre horaire et j'aimerais donc que nous procédions aussi rapidement que possible.

    Nous allons entendre ce soir M. Paul Fraser, coauteur du rapport Fraser. Nous sommes très heureux de vous accueillir ici ce soir, monsieur Fraser.

    Je vous ai informé de la façon dont nous procédions pour les déclarations préliminaires et les questions qui suivent ces déclarations. Nous aurons des rondes de sept minutes pour les députés et nous passerons ensuite à des rondes de trois minutes.

    Monsieur Fraser.

+-

    M. Paul Fraser (avocat et président du Comité spécial d'étude de la pornographie et de la prostitution,, Département de la Justice, de 1983 à 1985, À titre individuel): Merci, monsieur Maloney, et bonsoir aux membres du comité.

    Je vous suis reconnaissant de m'avoir invité parce que cela coïncide avec une sorte d'anniversaire pour moi. Cela fait 20 ans que le rapport, que vous avez certainement tous lu jusqu'à ce que vos yeux vous fassent mal, a été publié. Vingt ans se sont écoulés depuis lors et il est agréable d'être invité à en reparler.

    Comme vous le savez, ce sont là des questions importantes. Si quelqu'un avait voulu égoïstement laisser quelque chose à la postérité, il aurait certainement souhaité que le gouvernement ait été invité à étudier un autre sujet. Comme ma chère défunte mère le disait, lorsque ses amies lui demandait il y a 20 ans ce que faisait son fils, elle répondait que, pour elle, il étudiait le sens de la vie. Et je suis d'accord avec elle.

    Pour ce qui est de notre discussion de ce soir, j'espère que vous comprendrez que, depuis que le rapport a été rédigé et remis au ministre de la Justice de l'époque, John Crosbie, je n'ai pas suivi toutes les discussions dont ont fait l'objet ces questions.

    J'ai agi de cette façon—et je vous le dis pour le compte rendu—parce qu'il me semble que, lorsque l'on demande à des gens de faire un travail en utilisant des fonds publics, il convient de consigner complètement et intégralement ce qu'ils ont à dire à ce sujet et que ces personnes doivent ensuite prendre du recul par rapport au débat et donner la possibilité de participer à ce débat à ceux qui n'ont pas reçu de fonds publics et qui n'ont pas eu la possibilité de préparer un rapport de ce genre.

    Il y a aussi le fait qu'il aurait été trop facile de devenir, si je peux m'exprimer ainsi, une ressource institutionnelle que pourraient consulter les gens des médias, notamment, lorsqu'ils veulent parler de ces questions. La tâche qui est la vôtre est beaucoup plus importante que celle qui m'avait été confiée parce que vous serez amenés à prendre des décisions dans ce domaine.

    Il y a un aspect du processus qui m'a paru important—et mes collègues étaient d'accord avec moi sur ce point—c'est que dans des domaines aussi complexes que celui-ci, pour ce qui est de la réforme du droit et de l'étude du tissu social du pays, il n'est pas très utile que les personnes à qui ces tâches ont été confiées se contentent de dire qu'il faut changer le droit de façon à ce qu'il reflète toutes ces valeurs. Il me paraît beaucoup plus utile, si l'on envisage de recommander des changements législatifs, de s'imposer la tâche de rédiger les dispositions proposées, de façon à pouvoir dire au public que le droit se lira de cette façon si les recommandations sont acceptées. Et dans la mesure où nous avons pu le faire, je pense que nous avons tenu compte de cet aspect dans le rapport.

    Je suis venu vous parler de ce rapport aujourd'hui mais je tiens à soigneusement éviter de ne pas sembler vous en dire plus que je n'en sais réellement, parce qu'il faut tenir compte du temps qui a passé depuis le rapport et du fait que je n'ai pas suivi de près ces questions depuis cette époque. C'est en fait la situation telle qu'elle était il y a 20 ans que je connais. J'ai essayé avec ce document, qui, je crois, ne vous a été remis que récemment... C'est ma faute. Je ne l'ai remis à votre greffier que lundi matin et je vous demande de m'excuser de ce retard.

    J'ai essayé avec ce document, préparé avec l'aide précieuse d'une de nos étudiantes en droit, de vous montrer, en tant que personne-ressource peut-être, ce qui est arrivé aux recommandations que nous avions formulées, sur le plan législatif—la mesure dans laquelle les recommandations ont été acceptées, ou ne l'ont pas été—dans le but d'essayer d'évaluer de ce point de vue la situation actuelle.

¼  +-(1820)  

    Je vais tenir pour acquis, de façon à pouvoir vous parler d'autre chose, que vous aurez à un moment donné, si vous le souhaitez, la possibilité de lire en détail le mémoire que j'ai remis à votre greffier et dans la mesure où il pourra vous être utile, vous aurez dans votre boîte à outils ce dont vous avez besoin pour aborder ce sujet difficile—le rapport.

    Je devrais vous dire quelques mots, en particulier à ceux qui examinent ce document pour la première fois ou presque, de la façon dont nous avons choisi de procéder pour essayer de remplir ce qui nous paraissait être la partie la plus importante de notre mandat. Il s'agissait d'évaluer l'opinion publique et surtout, d'obtenir des renseignements auprès de la population pour en tirer un genre de modèle auquel nous pourrions raccrocher les renseignements que nous fournissaient d'autres sources institutionnelles.

    Nous étions sept sur ce comité. Et pour que vous sachiez quels étaient nos préjugés peut-être en vous basant sur la façon dont nous gagnions notre vie, je vous dirais qu'il y avait parmi les sept membres du comité quatre hommes et trois femmes. Il y avait un journaliste professionnel, un sociologue, qui était également doyen d'université, l'ancien chef de police de la ville de Montréal, qui était également un criminologue, un ancien doyen de faculté de droit et trois avocats en exercice.

    Notre mandat est celui qui est exposé à la première page du mémoire que je vous ai remis; il consistait principalement à étudier la prostitution au Canada, notamment le fait de flâner et de racoler dans la rue aux fins de la prostitution, d'exploiter une maison de débauche, de vivre des fruits de la prostitution, d'exploiter les prostituées, ainsi que les lois relatives à ces activités. Pour ce faire, on nous demandait de sonder l'opinion publique sur les façons de résoudre ces problèmes et d'étudier l'expérience des autres pays.

    Lorsque je réfléchissais à ce que j'allais vous dire ce soir, j'ai pensé aux choses que nous avons été obligés de préciser, étant donné que la création du comité avait fait l'objet d'une vive controverse. Sur le plan politique, certains disaient que le gouvernement de l'époque avait tenté, en formant ce comité, de se débarrasser d'une question et de la faire examiner par un comité plutôt que par le Parlement ou par les autres instances qui auraient dû s'en occuper. D'autres estimaient que le comité serait une source utile de renseignements pour le gouvernement et qu'il devait donc s'acquitter de son mandat.

    Le racolage public était une des principales préoccupations. Il y avait des gens d'affaires, des propriétaires, de toutes les régions du pays, qui étaient très choqués de la façon dont certaines personnes se comportaient dans la rue pour racoler les passants aux fins de la prostitution.

    Avec le recul et en ayant l'avantage d'être plus âgé que la plupart de ceux qui sont ici dans cette salle, je répéterai pour le compte rendu ce que nous avons dit dans la préface, à savoir que dans un certain sens, le seul fait qu'on nous ait demandé d'examiner publiquement ces questions est très révélateur de l'attitude de la génération dont je fais partie, et que c'était peut-être les réticences des générations antérieures à aborder ouvertement, ou même à aborder tout simplement, certaines manifestations de la sexualité humaine qui expliquaient que des sujets comme la pornographie et la prostitution puissent faire l'objet de conversations discrètes mais n'étaient jamais examinés publiquement.

    Il est également important de mentionner ce que nous avons dit au sujet de la double dimension du travail que nous avons effectué. Nous avons reconnu que, dans des domaines aussi complexes que ceux qui nous avaient été confiés, il était parfois difficile d'en arriver à des certitudes. Il y a une question au sujet de laquelle nous étions sûrs que les réponses aux problèmes que soulevaient la pornographie et la prostitution au Canada ne pouvaient être simplement de nature juridique; nous avons constaté que ces réponses devaient émaner de la société et refléter la façon dont les Canadiens mettent en pratique les principes d'égalité, de dignité et de respect que reconnaît notre Constitution.

    Voilà qui décrit assez bien la façon dont nous avons abordé notre étude ou du moins l'attitude que nous avons adoptée pour essayer de faire un rapport impartial sur ces questions.

¼  +-(1825)  

    Après près de deux ans, après avoir lu quelque 564 ou 565 mémoires préparés par des citoyens ordinaires, des institutions ou des organismes de toutes les régions du pays, et après avoir tenu pendant quatre mois des audiences publiques dans diverses villes et collectivités canadiennes, des collectivités de taille variable où les problèmes étaient parfois identiques et parfois très différents, nous avons présenté nos recommandations.

    Nous les avons formulées en tenant compte des réunions privées que nous avions organisées et des rencontres que nous avons eues avec des gens qui pratiquaient concrètement ces activités—et là je parle uniquement de la question de la prostitution—de façon à pouvoir obtenir des renseignements concrets plutôt que d'obliger ces personnes à témoigner de façon officielle. Il nous a paru plus facile et certainement plus utile de parler à ces personnes en privé.

    Les mémoires se répartissaient presque également entre les deux sujets que nous devions examiner. Nous avons choisi de consulter les gouvernements et les organismes des différentes régions du pays. Nous avons largement consulté ces organismes. Parallèlement à nos travaux, le ministère de la Justice fédéral effectuait divers sondages et enquêtes dans ces domaines. Il y avait un autre comité, dont certains d'entre vous se souviennent peut-être, présidé par M. Badgley, qui examinait ces questions du seul point de vue des enfants. Nous avons en pratique travaillé en tandem et nos travaux se sont mutuellement enrichis.

    Nous ne sommes pas allés à l'étranger pour la simple raison que nous avons constaté que, dans la plupart des cas, comme vos assistants de recherche l'ont sûrement constaté, il était relativement facile de consulter la législation des autres pays, et que ces questions étaient aussi controversées ailleurs qu'au Canada et que nous disposions de renseignements suffisamment documentés pour ne pas avoir à passer du temps à l'étranger.

    J'ai pris le temps de vous décrire le processus que nous avons utilisé parce que je voulais que vous sachiez que nous avons été aussi transparent que nous le pouvions, pour ce qui est d'obtenir le point de vue de la population. Les résultats des enquêtes qu'on nous a fournis et que nous avons vérifiés de temps en temps auprès des personnes qui ont communiqué avec notre comité, soit comme participants aux audiences soit comme auteurs de mémoire, nous ont appris beaucoup de choses.

    Par exemple, on nous a dit que 92 p. 100 des répondants aux enquêtes du gouvernement et par déduction—même si c'est peut-être une fausse déduction—92 p. 100 des Canadiens pensaient que la prostitution ne disparaîtrait jamais. On pourrait peut-être être surpris de constater que le pourcentage est de 92 p. 100 et non pas de 100 p. 100 mais ce genre de renseignement nous a intéressé. Je tiens simplement à signaler que nous avons vérifié ces données par rapport à ce que nous disaient les personnes qui intervenaient au cours des audiences publiques.

    Nous avons constaté grâce aux données de ces enquêtes que la plupart des Canadiens, mais certainement pas tous, estimaient que la prostitution était un phénomène moralement inacceptable. Le fait d'échanger des services sexuels contre de l'argent était considéré comme étant mal, sur le plan moral, par 62 p. 100 des personnes interrogées mais ce pourcentage tombait à 53 p. 100 lorsque les services sexuels étaient échangés pour d'autre chose que de l'argent. Les hommes et les résidents des grandes villes acceptaient plus facilement la prostitution. Encore une fois, ce sont là les résultats des enquêtes. Je laisse à d'autres le soin de se prononcer sur la qualité de ces enquêtes.

¼  +-(1830)  

    Nous avons consacré pas mal de temps à l'histoire de la prostitution au Canada parce qu'il nous a paru—en fait cela nous est apparu à tous—qu'il y avait un malentendu au sujet de l'illégalité de la prostitution. En fait, la prostitution n'est plus illégale au Canada depuis 1972, année où la disposition relative au vagabondage contenue dans les anciennes dispositions visant les prostituées a été abrogée. Après 1972, la prostitution n'était plus illégale au Canada. Les dispositions législatives applicables dans ce domaine visent la façon dont la prostitution est exercée, et traitent principalement des revenus et de l'exploitation qui entourent cette activité—habituellement les prostituées ne retirent pas grand bénéfice de leur activité à la différence de ceux qui les exploitent.

    Je mentionne dans le cas où vos recherchistes souhaiteraient obtenir des références rapides que cette histoire est retracée en particulier vers la page 404 du second volume du rapport, qui traite uniquement de la prostitution. Nous avons constaté, et consigné dans notre texte, que la double image de la prostituée, paria à la fois sur le plan moral et juridique et la nécessité de protéger les femmes respectables contre les attaques des pervers ont continué à influencer le droit et son application tout au long du XXe siècle. J'ai peut-être été un peu trop mélodramatique mais je crois que cette image est assez exacte.

    Que dit donc le droit au sujet de la prostitution? J'ai déjà dit que l'activité elle-même n'était pas illégale. Vers la page 404 du rapport, nous affirmons que le droit, par l'intervention du législateur, incrimine trois types de comportements. L'un est l'institutionnalisation et la commercialisation de la prostitution, c'est-à-dire ce que l'on a appelé les infractions relatives aux maisons de débauche. Deuxièmement, il y a la promotion générale de la prostitution et le contrôle et la manipulation des prostituées, ce qu'on appelle parfois le proxénétisme et le fait de vivre des fruits de la prostitution. Il y a enfin les effets de nuisance publique qu'entraîne la prostitution exercée dans la rue, ce qu'on appelle le racolage public.

    Bien entendu, en 1985, nous attendions que les tribunaux interprètent certains aspects de la Charte qui avaient un effet important sur la façon dont le droit criminel tentait, pour ses propres fins, de surveiller le comportement des gens, même si la Cour suprême du Canada avait déjà rendu un certain nombre de décisions dans ce domaine.

    Nous nous retrouvons 20 ans après et nous avons l'avantage aujourd'hui de connaître la position des tribunaux sur la constitutionnalité de certaines dispositions législatives qui ont été adoptées. Nous pensions bien sûr à la constitutionnalité des mesures législatives susceptibles de découler de nos recommandations mais nous ne nous sommes pas sentis limités par cet aspect, dans le sens que nous ne nous sommes pas préoccupés de leur constitutionnalité au point de compromettre la recherche de solutions aux problèmes constatés.

    La Charte, en particulier les dispositions de la Charte qui touchent la liberté d'expression, la liberté d'association, la vie, la liberté et la sécurité de la personne, a un effet sur tous les aspects des dispositions législatives que vous examinez.

¼  +-(1835)  

    Je vous ai remis des notes et divers arrêts. Je dis « je vous ai remis » mais vous remarquerez peut-être que c'est une jeune étudiante en droit, particulièrement brillante qui les a préparées. Si vous trouvez des qualités à cette étude, c'est à elle qu'en revient le mérite. Si pour une raison ou une autre vous la trouvez insuffisante, j'en assumerai la responsabilité.

    Dans l'ensemble, la Cour suprême du Canada a, dans toutes les affaires qui lui ont été soumises, y compris dans les affaires où était contestée la constitutionnalité des dispositions législatives que nous avions recommandées dans notre rapport—et les trois quarts de ces affaires ont conclu à la constitutionnalité de ces mesures législatives—toujours jugé que ces dispositions législatives étaient contraires à la Charte et aux libertés qu'elle garantissait, celles que j'ai mentionnées, mais que, pour diverses raisons, elles étaient justifiées dans une société libre et démocratique comme la nôtre.

    Il me paraît important d'examiner nos recommandations en les replaçant dans leur contexte. Il est donc important de mentionner, pour être franc et honnête sur le plan intellectuel, de signaler que la recommandation 55 de notre rapport disait en substance ceci : « les activités reliées à la prostitution exercées par les prostituées et les clients ne devraient pas être visés par les dispositions du Code criminel, sauf dans la mesure où elles contreviennent à des dispositions du Code non reliées à la prostitution et où elles ne créent pas une ou plusieurs nuisances définissables ». Nous avons donc clairement exprimé notre point de vue selon lequel il fallait décriminaliser cette activité.

    Nous avons finalement recommandé de conserver dans le Code criminel, et de les appliquer strictement, les infractions reliées aux activités de prostitution qui avaient été créées, à notre point de vue, pour essayer de protéger les personnes qui exerçaient le commerce du sexe, même si ces efforts n'ont pas toujours été couronnés de succès. Lorsque vous examinez les dispositions du Code criminel que nous avons recommandées, vous constaterez que la majeure partie de notre succès... j'essaie, monsieur le président, en regardant la pendule, d'abréger mes commentaires, parce que je sais que vous préférez sans doute entamer une discussion.

    Nous voulions signaler ce qui nous paraissait être des lacunes manifestes du droit, tel que nous les avions constatées. Ces lacunes touchaient la façon dont le Code traitait les jeunes de moins de 18 ans—appelons-les des adolescents ou des mineurs—et l'absence dans le Code, tel que nous l'avons trouvé en 1983, de la disposition qui s'y trouve maintenant et qui a été adoptée à la suite de nos recommandations; elle incrimine ce comportement lorsqu'il implique des jeunes de moins de 18 ans. Et les peines sont effectivement très sévères.

    Nos recommandations concernant les personnes qui choisissent de vivre des produits de la prostitution des jeunes ont été acceptées et constituent aujourd'hui, comme je le mentionne, l'article 212 du Code. Il y a aussi une version aggravée de cette activité à l'article 212, qui traite du fait de vivre des produits de la prostitution des mineurs.

    Les recommandations et les préoccupations exprimées par le comité au sujet de l'exploitation sexuelle des jeunes de la rue, qui avaient pour effet de qualifier l'achat par des adultes de services sexuels de mineurs d'acte criminel étaient nouvelles, et c'est une de nos recommandations qui a été acceptée.

¼  +-(1840)  

    Les dispositions relatives au racolage que nous avons recommandées ont été acceptées en partie seulement. L'ancien article du Code parlait du racolage sur la voie publique et il a été examiné par la Cour suprême du Canada dans l'affaire La Reine c. Hutt. Cette affaire portait sur le caractère pressant et persistant que devait avoir le comportement reproché pour qu'il puisse être qualifié de criminel et sur la question de savoir si une voiture était un lieu public. Il fallait effectivement préciser toutes ces choses parce que le droit dans ce domaine soulevait de nombreuses interrogations et c'est ce qui s'est finalement passé pour ce qui est de nos recommandations. Il y a donc aujourd'hui un article 213 qui a remplacé l'article 195. La disposition relative au racolage, l'article 213, a été jugé—et je le mentionne dans le mémoire—constitutionnelle par la Cour suprême du Canada qui en a reconnu la validité.

    J'ai parlé de certaines de nos réussites sans avoir, je l'espère, paru vouloir en tirer crédit. Nous avons également connu des échecs retentissants qui touchent principalement nos recommandations au sujet des maisons de débauche et du proxénétisme. Comme certains de vous s'en souviennent peut-être, la presse s'en est donnée à coeur joie à propos des recommandations concernant les maisons de débauche. Ces recommandations ont bien sûr apporté de l'eau à leur moulin et les articles de journaux disaient qu'avec nos recommandations, il y aurait des quartiers réservés partout et que chacun pourrait faire ce qui lui plaît.

    En fait, nos recommandations étaient en gros les suivantes. Le point de vue que nous avions adopté découlait de l'idée que, si une personne, de sexe masculin ou féminin—et j'aurais dû dire plus tôt que les dispositions législatives s'appliquent maintenant aux deux sexes, ce qui n'était pas le cas auparavant—décide pour une raison ou une autre de gagner sa vie dans la prostitution, alors cette personne devrait recevoir le produit de son travail, qui est loin d'être facile, et que, sur le plan des principes, le droit ne devrait jamais permettre à un tiers de profiter financièrement de cette activité. Nous avions bien sûr constaté, comme tout le monde, que cette activité s'accompagnait toujours de violence, et tous les problèmes qui découlent de la présence de proxénètes et de parasites qui profitent de cette activité alors que les prostituées n'en tirent guère d'avantages.

    Les études comparatives que nous avons effectués, outre qu'elles critiquaient les politiciens, les législateurs, les membres du clergé et tous les autres pour avoir adopté une attitude hypocrite à l'égard de ces questions et ne pas avoir voulu leur trouver des solutions, nous ont montré, de façon quelque peu surprenante, que l'Angleterre, par exemple, avait changé en 1982 ses lois pour qu'une prostituée exerçant ses activités dans sa propre résidence—c'était toujours « sa » à cette époque—était soustraite à l'application des dispositions du droit pénal concernant les maisons closes. La loi précisait ensuite que le fait qu'une prostituée puisse opérer de cette façon dépendait non pas de la loi nationale de cet État unitaire mais plutôt des règles et règlements de zonage existants dans la localité.

¼  +-(1845)  

    Nous avons ensuite constaté en 1985 que le Comité de révision du droit pénal anglais recommandait que ce nombre passe de une à deux personnes, dans l'idée qu'il serait possible d'exploiter ce genre d'entreprise dans un secteur de la ville ou de la collectivité choisi pour cette fin et de sécuriser cette activité, une activité dont tout le monde pensait dès le départ qu'elle était probablement inévitable. Il fallait donc essayer de la rendre plus sûre et de faire en sorte que les bénéfices réalisés reviennent aux prostituées.

    Je ne peux vous dire exactement quelle est la situation actuelle en Angleterre, même si j'ai essayé de vous donner le résultat de nos recherches sur ce point mais je suis sûr que vos attachés de recherche n'auront aucune difficulté à trouver tout cela. Le système anglais que j'ai décrit continue existe toujours et, d'après ce que j'ai entendu dire, c'est une réussite.

    Nous avons ensuite examiné la situation en Australie et constaté qu'il existait dans la plupart des États australiens un système de permis très élaboré. En Australie, il y a au Queensland, en Australie du Sud, en Australie de l'Ouest et en Tasmanie des dispositions législatives qui interdisent absolument toute activité reliée à la prostitution et dans ce sens, leur droit est semblable au nôtre. Cependant, dans le Territoire du Nord, dans le territoire de la capitale de l'Australie, dans la Nouvelle-Galles du Sud—depuis 1978, je le signale en passant—dans l'État de Victoria, il existe une série d'options législatives qui autorisent l'exercice d'activités de prostitution, pourvu qu'elles soient légitimes et organisées.

    Nous n'étions donc pas exactement des pionniers et notre proposition était relativement modeste, si on l'examine dans le contexte des lois de zonage et dans celui des législatures provinciales et des législateurs municipaux qui doivent prendre des décisions essentiellement locales dans le but d'éviter le racolage sur les voies publiques et d'assurer la sécurité de cette activité. Comme je l'ai dit, nos recommandations ont été très mal comprises.

    Je me souviens de feu Jack Webster—qui, comme vous vous en souvenez probablement tous, pétait les plombs dès qu'il était sûr d'avoir raison, ce qui se produisait près de 24 heures par jour—qui me disait en ondes, sur un ton très religieux—et je ne pense pas qu'il ait jamais été pratiquant sauf dans des moments comme celui-ci—que l'idée d'avoir des quartiers réservés le choquait beaucoup. Il a continué pendant à peu près une minute et s'est finalement arrêté; la seule chose que j'ai pensé lui dire était que j'allais soigneusement noter qu'il n'était pas très en faveur de cette recommandation. Heureusement qu'une annonce publicitaire est arrivée, ce qui a mis fin à la discussion.

    Quoi qu'il en soit, je ne voudrais pas diminuer l'importance de tout ceci et j'espère que ce que je viens de vous dire vous sera de quelque utilité. Il est même possible que cela aide davantage vos attachés de recherche que vous-mêmes mais je serais heureux d'aborder tous les sujets que vous souhaitez.

    Merci, monsieur le président.

¼  +-(1850)  

+-

    Le président: Nous avons effectivement apprécié cet aperçu général.

    Nous allons passer aux rondes de sept minutes.

+-

    M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, PCC): Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Fraser, d'être venu devant le comité.

    Il semble que le rapport que vous avez préparé en 1985 ait été très complet. Je n'ai pas le rapport complet devant moi mais il semble qu'il traite effectivement de tous les aspects de la prostitution et de la façon dont cette activité touche la collectivité. En outre, la recherche portant sur les autres pays semble particulièrement intéressante, pour dire le moins.

    Il y a un aspect qui m'intrigue. Lorsque nous parlons des autres pays, que ce soit l'Angleterre ou l'Australie, et que nous regardions ensuite au sud de notre frontière dans la région de Las Vegas, je dois dire qu'ils ont pratiquement légalisé la prostitution dans cet État. Mais ils ont aussi un très grave problème de prostitution juvénile, un des plus graves d'Amérique du Nord et peut-être même au-delà, à cause de la légalisation de la prostitution; ils n'arrivent pas à remédier à ce problème, ce qui est assez intéressant. En fait, la population a dans cet État approuvé cette activité, en disant que la prostitution était une activité légale et acceptable.

    Avez-vous eu l'occasion d'examiner cette situation, étant donné qu'elle a eu un impact assez phénoménal sur la prostitution juvénile en particulier? Je ne pense pas qu'il existe une région du Canada qui voudrait voir se répéter une telle expérience.

+-

    M. Paul Fraser: Je trouve bien sûr tout à fait lamentable ce phénomène du mustang ranch, comme on l'appelait auparavant, ainsi que la commercialisation de cette activité et sa transformation en spectacle. Nous disons quelque part vers les pages 550 à 555 du rapport que nous estimons que ce genre de jeu ne peux que compromettre le tissu social ainsi que tous les principes que le droit vise à protéger.

    Je pense que le résultat final est le suivant—et là je vous donne une opinion tout à fait personnelle—la soi-disant liberté qu'apporte ce genre de régime risque fort, d'après moi, d'être une illusion. Cela revient à commercialiser et à trivialiser cette activité, ce qui devrait tous nous inciter, à des degrés divers, à nous en inquiéter. Il paraît inévitable que les enfants qui voient des adultes exercer une activité qui semble leur plaire aient tendance à les imiter. Évidemment, ce n'est pas le genre de régime auquel nous pensions. Nous voulions discrètement faire en sorte que cette activité ne s'exerce plus dans les rues mais dans un environnement sécuritaire. Nous avons pris soin de préciser que ceux qui pensaient que nos recommandations étaient favorables au régime du genre mustang ranch se trompaient complètement.

¼  +-(1855)  

+-

    M. Art Hanger: En 1972, j'ai travaillé dans la rue comme patrouilleur pour l'escouade de la moralité du service de police de Calgary. Mon travail consistait à arrêter les prostituées. En 1972, la loi venait de changer, comme vous l'avez dit, les dispositions sur le vagabondage étant devenues les dispositions sur le racolage. Les services de police ont essayé de lutter contre la prostitution ce qui a donné lieu bien sûr à une série de décisions judiciaires qui sont devenues des précédents. Mon travail dans l'escouade des moeurs ne se limitait pas au racolage public. Nous nous occupions également des maisons de débauche et ce qu'on a appelé les services d'escorte sont aussi apparus vers cette époque. Dans tout cela, une chose était très claire—dès qu'il y avait des prostituées, il y avait des criminels, que ce soit des gars en fuite, qui avaient besoin d'un endroit pour se cacher, ou leurs proxénètes et les autres. On les retrouvait toujours ensemble. Les services de police canadiens, et même sans doute ceux d'Amérique du Nord et d'ailleurs, le savaient—là où se trouvaient les prostituées, il y avait des criminels.

    Je ne sais pas très bien quelle est la situation en Grande-Bretagne sur le plan des compétences, pour ce qui est des maisons qu'elles utilisent. L'expérience que j'ai acquise dans ce genre d'environnement et au sujet de l'activité de prostitution me donne à penser que rien ne changerait vraiment si l'on introduisait cela dans une collectivité, parce que les mêmes éléments se retrouveraient tout simplement dans un secteur résidentiel. D'après ce que j'ai appris, cela changerait beaucoup la collectivité. Cela modifierait très rapidement un quartier résidentiel, à cause des éléments indésirables associés à la prostitution. Je ne sais pas si c'est un aspect que votre comité a examiné en 1985 ou sur lequel vous avez fait de la recherche depuis cette époque.

+-

    M. Paul Fraser: Non, je n'ai pas fait vraiment de recherche depuis cette époque et la disposition dont vous parlez était relativement nouvelle au moment où nous l'avons étudiée. Je n'hésite pas à dire que les policiers qui étaient à pied et qui rencontraient les gens de la rue nous ont dit à peu près la même chose que vous. Vous pouvez certainement comprendre, comme je l'ai déjà mentionné, que lorsque nous avons constaté l'état du droit, nous avons été fort surpris. Nous nous sommes aperçus, en nous basant sur l'information qui paraissait dans les journaux à l'époque, que, premièrement, cette activité devait être exercée à partir de la résidence de la prostituée, ce qui voulait dire qu'elle ne pouvait louer un local et faire tout simplement du 9 à 5. Elle devait exercer cette activité dans l'endroit même où elle vivait et il fallait que le lieu soit enregistré au nom de la prostituée et non pas en celui d'une autre personne. Nous avons trouvé cela fascinant mais nous nous sommes demandés, je peux vous le dire franchement, si cela pouvait vraiment réussir.

    L'impression que j'ai, même si je m'avance peut-être un peu trop, est que cela a en fait donné d'excellents résultats—jusqu'au point où, comme je l'ai dit, ils ont fait passer ce chiffre à deux. Je vous suggère vivement—et j'aimerais beaucoup savoir ce que vous avez trouvé—de parler à vos collègues en Angleterre, parce qu'ils doivent avoir acquis beaucoup d'expérience dans ce domaine. Il a dû y avoir beaucoup d'endroits où ce genre d'activité n'était pas accepté. Il a dû y avoir beaucoup de personnes qui ont fait savoir qu'elles ne voulaient pas avoir ce genre de personnes dans leur quartier et que cela les inquiétait beaucoup. Le fait que le système ait survécu me donne à penser qu'il doit y avoir là quelque chose qui pourrait nous être très utile.

½  +-(1900)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Hangar. Nous y reviendrons au cours de la prochaine ronde.

    Madame Brunelle.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ): Bonjour, monsieur Fraser. C'est un plaisir de vous rencontrer.

    Vous nous dites que la réponse se trouve dans le domaine social. Il est certain que notre comité devra évaluer où en sont les débats dans notre société avant de proposer des solutions.

    Actuellement, on voit à quel point le mariage entre conjoints de même sexe est accueilli différemment selon que l'on est au Québec, où c'est largement accepté, ou ailleurs au Canada. Lorsque vous avez fait votre tournée, les positions étaient-elles très différentes selon les régions du Canada quant à ce qui pouvait être accepté en matière de prostitution, etc.? Pouvez-vous nous expliquer un peu ces différences pour que je puisse mieux comprendre?

[Traduction]

+-

    M. Paul Fraser: Oui, nous l'avons fait. Les différences étaient profondes. Je jette un coup d'oeil au rapport mais je ne pourrai pas vous donner les pages immédiatement. Nous avons constaté qu'il y avait effectivement des différences sur le plan des méthodes, de l'orientation et des points de vue.

    Si ma mémoire ne me trompe pas, nous avons constaté qu'en Colombie-Britannique, la façon d'aborder cette question était tout à fait différente de celle que nous avons rencontrée en Alberta et dans les Prairies. Je parle maintenant de choses très générales et je me trompe peut-être mais je crois que l'approche adoptée par la Colombie-Britannique n'était pas très différente de celle de l'Ontario. L'approche du Québec était très différente. Je pense que les préoccupations étaient plus vives et c'est ce qui nous a amenés à adopter dans notre rapport de nombreuses recommandations qui portaient sur la nécessité de procéder à des études empiriques. La grande préoccupation portait sur l'impact social de ce genre d'activités. On s'intéressait beaucoup à des solutions qui dépassaient largement le cadre du droit et qui avaient pour objectif principal d'aider les gens à comprendre leur situation et d'aider les législateurs à voir dans ce problème une question de justice sociale. Dans les Maritimes, les opinions étaient dans l'ensemble traditionnelles, si je peux m'exprimer ainsi, et franchement, pas très différentes de ce que nous avons constaté dans les provinces des Prairies.

    Oui, votre hypothèse est tout à fait exacte.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: En tant que porte-parole de mon parti en matière de condition féminine, je peux vous dire qu'on parle beaucoup, dans les groupes de femmes, de la violence faite aux femmes, principalement aux prostituées. Entre autres, beaucoup de femmes prostituées autochtones sont mortes. Quelle stratégie envisagez-vous? Un des mandats de notre comité est d'améliorer la sécurité des personnes prostituées et de la collectivité. Compte tenu de votre expérience, pouvez-vous nous suggérer des pistes de solution à cet effet?

    Je sais, entre autres, qu'il y a au Nevada des maisons où les femmes prostituées se sentent en sécurité. Selon certaines recherches effectuées au Québec, cela semblerait être une des pistes de solution. Les femmes prostituées demandent qu'il y ait des maisons où elles se sentiraient en sécurité, tant par rapport à la violence que sur le plan de la santé.

½  +-(1905)  

[Traduction]

+-

    M. Paul Fraser: Oui. Tout ce que je peux dire, c'est que la plupart des éléments que nous avons constatés, même si nous ne les avons peut-être pas aussi bien formulés que vous l'avez fait, se retrouvent dans la façon dont nous avons exposé la nature du problème, à notre manière. Les membres du comité ne s'entendaient pas sur la question de savoir s'il fallait adopter des lois pour contrôler la prostitution. Un des membres du comité n'était pas d'accord avec le reste du groupe qui pensait qu'en fait cette activité devrait arriver à trouver son propre niveau, son propre marché, sa propre forme d'expression, et que le droit était un moyen trop grossier pour essayer de réglementer ce phénomène. Nous étions très conscients de la grande diversité des points de vue.

    Il est difficile de simplifier les choses, même si Albert Einstein a dit que nous devrions tous les simplifier. D'une façon générale, il me paraît juste de dire qu'avec la multiplication du nombre des personnes qui participent à l'activité de prostitution lorsqu'elle est exercée comme une entreprise, avec le nombre des gens qui sont amenés à vivre ensemble, le problème s'aggrave et les gens estiment qu'ils peuvent alors profiter de la situation à cause de la sécurité que leur offre ce genre de système.

    Nous avons parlé à des membres d'associations qui avaient des points de vue très différents. Nous avons parlé à la Condition féminine parmi les organisations nationales. Nous avons parlé à REAL Women, comme cette association s'appelait à l'époque. On ne pourrait imaginer deux points de vue plus différents. Rares étaient cependant les personnes qui étaient prêtes à dire que le marché se réglementerait lui-même, que les forces du marché devaient déterminer la façon de régler ces questions. C'est ce que nous avons constaté.

+-

    Le président: Très bien.

    Madame Davies.

+-

    Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Je vous remercie.

    Tout d'abord, monsieur Fraser, c'est un grand honneur de vous avoir ici et de vous entendre nous présenter cet aperçu historique qui porte sur un rapport de 1985 qui a fait sa marque. Lorsqu'on le relit et qu'on regarde les sujets que vous avez traités et vos recommandations, on constate qu'il est encore incroyablement adapté à la situation actuelle, non seulement pour ce qui est de la recherche et des sujets abordés, mais aussi pour les recommandations. Il faut parfois un peu de temps pour que les choses se mettent en place.

    Nous disions donc il y a un instant... j'étais membre du conseil municipal de Vancouver en 1985 au moment de la publication du rapport. Nous avons eu des réunions publiques particulièrement animées et bruyantes—des centaines de citoyens parlaient de ces questions jusqu'à deux ou trois heures du matin. J'estime que votre rapport a toujours joué un rôle très important et je pense que nous avons effectivement fait quelques progrès depuis sa publication; vous avez mentionné que vos recommandations au sujet de l'exploitation des jeunes étaient extrêmement importantes et que le droit a été changé sur ce point.

    Je trouve la question des adultes consentants très intéressante parce que votre recommandation au sujet de l'article 195 consistait essentiellement à indiquer clairement que l'emploi de paroles sexuellement choquantes dans un lieu public ne devrait pas être toléré. Nous nous sommes en fait retrouvés avec une loi sur la communication qui interdit pour l'essentiel toute communication. J'estime que cet article a eu un effet très nuisible, de sorte qu'encore une fois, vous étiez très en avance par rapport à votre époque.

    À la page 9 de votre mémoire—un excellent mémoire, je le signale en passant—vous dites :

Les modifications proposées traduisaient la position du comité, à savoir que les activités des prostitué(e)s et des clients ne devraient pas tomber sous le coup de la loi à moins qu'elle renvoie à une forme de comportement criminel indépendamment de leur décision mutuelle de se livrer à la prostitution ou de l'acte de se livrer à la prostitution.

    Je crois que cela touche tout à fait le sujet qu'a soulevé Mme Brunelle et la façon dont vous y avez répondu. Je pense que c'est également un élément tout à fait essentiel pour définir ce que doit être le véritable rôle ou objectif des dispositions législatives du Code criminel dans ce domaine.

    Je voulais vous interroger au sujet de l'autre recommandation que vous avez faite, au sujet de laquelle vous avez dit quelques mots, qui concernait l'idée de laisser plusieurs prostituées exercer cette activité dans leur propre résidence. Je pense qu'à l'époque vous aviez recommandé... Était-ce trois ou cinq? C'était peut-être trois. Jusqu'à trois?

½  +-(1910)  

+-

    M. Paul Fraser: Je me fie à ma mémoire mais je crois que finalement nous avons parlé d'une seule personne. Je pense que, lorsque nous avons préparé le texte dont nous parlons ici au sujet de la façon de faire fonctionner un tel régime—c'était qu'au-delà de trois, on allait au-delà de ce que nous espérions pouvoir faire.

+-

    Mme Libby Davies: Très bien.

    Lorsque vous avez présenté cette recommandation... Je suis curieuse de savoir si, à l'époque, d'après les témoins et les gens qui s'étaient manifestés—à une époque où le Code réprimait toujours les activités criminelles reliées à l'exploitation et à la coercition mais aussi où d'autres éléments de ce commerce n'étaient par coercitifs, lorsqu'il y a consentement et pour essayer de minimiser ce phénomène en en limitant la commercialisation—je me demande si vous pensiez qu'il existait un certain appui pour l'idée de supprimer... je me demande si vous sentiez qu'il y avait à cette époque un sentiment favorable à cette mesure. Je pense que c'est le cas aujourd'hui et je me demande si c'est bien ce qui s'est produit en 1985 ou si vous en êtes arrivé à cette décision sans influence extérieure?

+-

    M. Paul Fraser: Et bien, je crois que l'on peut dire que le courage, si je peux m'exprimer ainsi, qu'a manifesté le législateur anglais nous a beaucoup impressionné.

    Nous paraissions convaincus, et nous l'étions en fait, que le régime proposé répondait à un certain nombre de nos impératifs, à savoir assurer la sécurité des prostituées, et faire en sorte que le revenu de leur travail leur revienne bien à elles et non pas à d'autres. Cela correspondait à l'idée que nous avions, et dont vous vous êtes fait l'écho, d'après laquelle dans un environnement sécuritaire—un environnement qui ne permet pas à d'autres de profiter de cette activité—le droit pénal ne devrait pas se mêler des décisions morales que les gens prennent dans le cadre de leurs relations avec d'autres personnes. Dans un certain sens, tout cela a été réalisé. S'il était possible de faire en sorte que cette activité soit exercée en privé, pourvu que cela ne nuise pas aux personnes qui essaient de vivre à proximité des lieux où s'exercent ces activités... d'où la grande préoccupation que nous avions au sujet du zonage et ce genre de chose.

    Je suis convaincu, lorsque je réfléchis à ce que nous avons fait, que nous pensions que c'était une bonne solution qui pouvait fonctionner, qui aurait pu fonctionner, mais il y a eu pas mal de scepticisme à ce sujet. Nous avons eu l'avantage à l'époque de pouvoir présenter aux gens qui ont participé à nos audiences cette idée qui était sous-jacente à la législation anglaise, comme nous l'avons fait et nous avons également pu leur expliquer que ce système de permis, qui est très complet en Australie... La législation australienne que j'ai avec moi et que je vous laisserai si vous le souhaitez, est une brique et elle est étonnante : elle touche les moindres détails. Nous n'étions pas désespérément à la recherche d'une solution mais nous espérions qu'il serait possible d'étudier celle-ci. Dans l'ensemble, les gens à qui nous avons parlé et qui étaient principalement préoccupés par la nuisance publique que constituait le racolage public, par la sécurité des prostituées et les activités annexes, étaient, nous le pensions, également à la recherche d'une solution et ils ont semblé tout aussi enthousiastes que certains d'entre nous l'étaient à l'égard de celle-ci.

    Le fait que cette solution était mise en oeuvre dans un autre pays voulait dire que c'était une solution concrète et non pas simplement une idée qu'avait lancé un certain groupe de personnes qui étaient rémunérés pour se promener un peu partout en réfléchissant à des problèmes.

½  +-(1915)  

+-

    Mme Libby Davies: Merci.

+-

    Le président: Très bien, madame Davies.

    Monsieur Hanger.

+-

    M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.

    Pensez-vous que l'on devrait légaliser complètement la prostitution? Devrions-nous en faire une entreprise commerciale?

+-

    M. Paul Fraser: Je ne veux pas couper les cheveux en quatre, monsieur Hanger, mais il y a une chose qui m'a toujours inquiétée, parce que je ne suis pas un grand intellectuel; c'est le fait que les gens parlent de légaliser la prostitution, ce qui est un oxymore, parce que cela n'est pas illégal, comme je l'ai mentionné. Étais-je à l'époque et suis-je encore aujourd'hui—si cela est vraiment important—en faveur d'un régime qui permettrait aux gens, qu'il s'agisse de prostituées ou de clients, de satisfaire leurs besoins ou leurs désirs dans un endroit autre que la rue, qui limiterait les risques de violence et qui pourrait être contrôlé discrètement, en respectant la sécurité et la décence et le reste... La réponse à cette question serait oui.

    Je ne suis pas en faveur d'un régime qui viserait à commercialiser, et dans ce sens, à légaliser l'acceptation de cette activité.

+-

    M. Art Hanger: Vous parlez dans votre rapport de décriminalisation partielle. Qu'entendez-vous par là?

+-

    M. Paul Fraser: Je crois que vous m'avez eu avec cette question, dans la mesure où nous étions des avocats qui utilisaient des termes généraux et non pas scientifiques et que la décriminalisation partielle est, pour les motifs que je viens de mentionner, un oxymoron. Nous voulions dire, en utilisant cette expression de décriminalisation, que les dispositions relatives aux maisons de débauche, qui sont clairement de nature pénale, devraient être dépénalisées de façon à tenir compte des circonstances spéciales que nous venons de décrire. C'est cela que nous entendions par décriminalisation.

+-

    M. Art Hanger: Dans le mémoire de mise à jour que vous nous avez remis, vous mentionnez que certaines de vos recommandations ont été mises en oeuvre par voie législative. La Colombie-Britannique vient de connaître une affaire de meurtres en série particulièrement horribles, et elle s'en ressent encore; cette affaire traite de prostitution—pour la plupart, des prostituées de rue. Pensez-vous que vos recommandations ou que les mesures législatives qui les ont mises en vigueur pourraient éviter que se répète une situation de ce genre ou pourrait avoir un effet sur cette affaire particulière?

½  +-(1920)  

+-

    M. Paul Fraser: Et bien, je ne peux faire de commentaires sur cette affaire, parce que je n'en sais que ce qu'en ont dit les journaux. Comme vous le savez, il y a eu des ordonnances d'interdiction qui nous ont empêchés d'en savoir autant que nous aurions voulu.

    Mais pour ce qui est de cette idée générale, si le droit visait à décourager et non pas à encourager le racolage public, le racolage dans la rue, si le droit prévoyait, de façon générale, des exceptions, pour que les gens puissent exercer cette activité en privé de la façon dont nous en avons parlé au sujet de l'Angleterre, alors je pense que logiquement, dans cet esprit, les gens ne se retrouveraient pas dans la rue mais dans un environnement plus sûr.

+-

    M. Art Hanger: Je trouve cette affirmation assez intéressante parce que dans un autre État, qui se trouve être celui de New York, on a adopté la solution contraire. C'est sans doute l'État d'Amérique du Nord qui a adopté les lois les plus dures à l'égard des clients des prostituées et la prostitution est activement réprimée. Les policiers prennent des photos. Les clients sont poursuivis par les autorités. Cette répression a entraîné toutes sortes d'effets secondaires positifs—des lois plus strictes contre la prostitution, des lois très strictes contre les clients et ils sont en train de régler un problème très grave.

    Bien sûr, cela concerne l'application de la loi. Ils n'ont pas essayé de contrôler le problème de la prostitution en assouplissant ou en supprimant les lois pénales, ce qui amènerait les autorités à faire du babysitting pour s'assurer que les prostituées se conduisent correctement, par opposition à l'autre côté, qui consiste à appliquer les lois non seulement aux personnes qui exercent cette activité mais aussi aux clients.

+-

    M. Paul Fraser: Cette activité s'exerce dans la rue, et c'est le phénomène que tout le monde essaie de contrôler, et cela décrit bien la nature du problème. Si cette activité n'était pas exercée dans la rue, il me semble que, sur le plan de l'application de la loi, il devrait être plus facile de la contrôler que de contrôler dans un lieu public l'activité du client et du fournisseur de services.

    Bien sûr, lorsque nous avons examiné ce sujet, nous avons constaté que, dans ce système, la seule personne qui risquait d'être poursuivie était la prostituée. C'est pourquoi, à la suite de nos recommandations, les clients peuvent aujourd'hui également être poursuivis.

    Le phénomène que vous avez décrit au sujet de l'Europe est un phénomène que nous avons également constaté, par exemple—et je ne suis pas certain que Mme Davies soit d'accord avec moi—à Vancouver. À un moment donné, les services de police ont décidé d'arrêter et d'inculper les clients et c'est presque devenu un jeu. Les prostituées racolaient toujours sur la voie publique mais les clients recherchaient les services des prostituées; alors il faut faire des clins d'oeil et des avances et l'on fait courir des risques aux policières en les faisant agir de façon clandestine. C'est une situation très dangereuse.

    Je dois vous dire, et cela ne correspond peut-être pas à votre expérience, que sur le plan des preuves empiriques, les États-Unis constituent une sorte de bar à salade. Il y a 50 États et à cause de la constitution, chaque État a le droit d'adopter son propre droit pénal, alors qu'ici, il n'y a que vous qui puissiez le faire.

    Nous n'avons pas réussi à trouver la raison d'être de ces différents régimes. Ce qui donnait de bons résultats dans un État, en donnait de mauvais dans un autre. Il me semble qu'en fin de compte, il faut s'adapter à la situation locale. Je ne sais pas si l'expérience de New York mérite d'être partagée ou si elle veut même dire quelque chose ailleurs.

+-

    Le président: Merci, monsieur Hanger.

    Madame Brunelle.

½  +-(1925)  

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: Lorsque je regarde l'ensemble des activités dans notre société, je constate que l'activité sexuelle n'a jamais été aussi exposée. On peut observer ce phénomène à la télévision, dans les publicités, et l'on peut même parler d'une sollicitation à toute heure du jour. Pour ce qui est de la commercialisation de l'activité sexuelle, on voit que, de plus en plus, les gens qui veulent en vivre se raffinent dans leurs façons de faire, par exemple en utilisant Internet. Pensez-vous que cette ouverture à l'activité sexuelle change la donne pour le législateur? Ne sommes-nous pas déjà en retard par rapport à cela? Cela est-il l'indication d'une ouverture d'esprit de notre société par rapport à la commercialisation du sexe, ou plutôt d'une grande hypocrisie?

[Traduction]

+-

    M. Paul Fraser: Cela montre effectivement que la curiosité des gens est insatiable. Vous avez fait une excellente remarque et elle rend un peu désuète une bonne partie de ce qui se trouve dans notre rapport; le phénomène de l'Internet n'existait pas à cette époque. L'accès aux images, le secret qui permettait de transmettre les images, et la contrebande qui existait à l'époque se sont en réalité multipliés aujourd'hui et il est très facile de se procurer ce genre de matériel. Il n'y a plus de frontières, comme nous le savons. Il n'y a rien que nous puissions faire ici pour isoler notre pays.

    Tout ce que je peux dire à ce sujet est qu'il est possible qu'il en sorte quelque chose de positif. Le phénomène Internet peut également favoriser l'éducation et la compréhension et il ne faudrait pas être trop pessimiste. Bien sûr, une bonne partie des activités dont nous parlons, qui deviennent un loisir populaire sur Internet, a des effets sur les jeunes que nous n'aimons pas beaucoup—sur des jeunes qui n'ont pas les moyens d'aborder les questions intellectuelles et philosophiques que pose tout cela et qui sont dans l'ensemble amenés, à cause de leur âge et de leur manque d'expérience, à réagir sans trop réfléchir.

    Je ne sais pas si je réponds exactement à votre question, si ce n'est que je peux dire que l'Internet pourrait être un outil très efficace pour aider les gens, de façon paradoxale, à préserver une certaine intimité, parce qu'il pourrait être intéressant d'avoir un service dont on pourrait faire la publicité discrètement sur Internet, même si cela est peut-être une pente un peu dangereuse.

    C'est un phénomène dont nous n'avons pas eu à nous occuper. Lorsque je pense à l'autre aspect de nos travaux—la pornographie—qui heureusement est un sujet dont nous n'avons pas à parler ce soir, je constate que le rapport est tout à fait dépassé sur cette question parce que le monde a beaucoup changé.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Allez-y si vous avez une autre question.

+-

    Mme Libby Davies: Je reviens à vos premiers commentaires sur la visibilité du phénomène et sur l'idée d'exercer la prostitution ailleurs que dans la rue, un milieu particulièrement violent et qui soulève de nombreuses préoccupations, je dirais qu'il est arrivé une chose depuis la publication de votre rapport à savoir la croissance considérable qu'ont connu les services d'escorte et les salons de massage, qui, je crois que la plupart des gens le savent, sont le plus souvent de la prostitution déguisée.

    À l'époque où vous avez rédigé notre rapport, ces services en étaient à leur tout début ou reflétaient peut-être une réaction à certaines décisions judiciaires. Cela est très intéressant parce que ces activités ne soulèvent de nos jours à peu près plus de controverse. Personne ne sait vraiment, pour ce qui est des pourcentages, quelle est l'ampleur de la prostitution qui se pratique de cette façon-là par rapport à celle qui s'exerce dans la rue. Cela est tout à fait contradictoire parce que l'on déploie encore beaucoup d'énergie pour appliquer la loi et souligner la visibilité du racolage public. Cela renforce même peut-être votre argument, ou l'idée que vous avez mentionnée au tout début, selon laquelle lorsqu'il est possible d'exercer une activité ailleurs que dans la rue et de créer un environnement où il y a des permis, des dispositions en matière de sécurité ou des inspections, alors... Cela soulève peut-être la question de l'exploitation des femmes dont on fait le trafic au Canada.

    Mais c'est une évolution très intéressante que de constater que nous ne nous intéressons pas beaucoup à ce phénomène parce qu' apparemment ce n'est plus un problème. Je me demande si vous pouvez faire des commentaires à ce sujet.

½  +-(1930)  

+-

    M. Paul Fraser: Tout d'abord, je pense que tout ce que vous avez dit est exact. Il y a vingt ans, je ne pense pas qu'on aurait pu prédire que les services d'escorte auraient été aussi bien tolérés qu'aujourd'hui, ce qui est une de vos principales remarques. Je me souviens qu'on avait exprimé de graves préoccupations au sujet de ces nouveaux services d'escorte. On craignait qu'ils n'aggravent l'exploitation des femmes au lieu de la réduire. Il était en fait impossible de savoir ce qui se passerait. Bien sûr, tout cela se faisait de façon clandestine. De nos jours, il suffit de prendre les pages jaunes dans une grande ville pour constater qu'il y en a des pages et des pages.

    Quoi qu'il en soit, je suis d'accord avec vous; compte tenu de la tolérance dont bénéficie cette activité, compte tenu du fait que nous ne pouvons juger de la qualité de ces activités, si je peux m'exprimer ainsi, sur le plan de la sécurité et du reste, par ce que nous en disent les médias, je dirais que depuis une vingtaine d'années ces activités ne semblent guère susciter de préoccupations. Cela a plutôt été le contraire. Je pense qu'empiriquement, cela montre l'intérêt de ce genre de petite entreprise auquel nous pensions.

+-

    Le président: Merci, monsieur Fraser.

    Monsieur Hanger.

+-

    M. Art Hanger: J'ai récemment lu dans le journal qu'on avait fait une descente dans des maisons abritant des services d'escorte parce qu'il y avait trop de prostitution ou qu'on exerçait trop d'activités reliées à la prostitution dans ces lieux. Je pense que cela était à Toronto. Vous avez raison. Je ne sais pas s'il est exact, de nos jours, de voir dans les services d'escorte et les salons de massage un refuge pour la prostitution et les activités qui y sont reliées. Je pense pas que les services de police s'intéressent beaucoup à ces activités, sauf lorsqu'elles prennent trop d'ampleur. Il faut des ressources pour surveiller les activités qui s'exercent dans ces lieux particuliers.

    Pour ce qui est de l'autre partie de votre rapport initial, je dirais que je ne souscris pas nécessairement à toutes vos recommandations. Mais je pense qu'il y a une question que vous avez vraiment bien abordée, c'est celle de la pornographie—la pornographie dans ses rapports avec la prostitution et bien sûr, au-delà de ce dernier phénomène. Il ne semble pas toutefois que les modifications apportées au Code criminel aient tenu compte de vos recommandations. Ce phénomène a atteint des proportions incroyables à cause de l'Internet, qui n'existait pratiquement pas en 1983 ou 1985. En fait, cela n'existait pas.

    En examinant cette question de ce point de vue et en vous plaçant aujourd'hui, quels sont les moyens que l'on pourrait prendre pour contrôler cette activité insidieuse? Aujourd'hui, il n'y a plus de frontières dans ce domaine. Je pense que les services de police de tous les pays sont à la recherche de solutions qui leur permettraient de lutter contre ce phénomène. Ils ont obtenu quelques succès mais il y a encore beaucoup à faire.

½  +-(1935)  

+-

    M. Paul Fraser: L'idée sous-jacente aux recommandations concernant le volet pornographique—et vous avez raison, pratiquement aucune d'entre elles n'ont été adoptées—était qu'il n'existait peut-être aucun moyen pratique et réaliste de faire disparaître ce genre de matériel. Si cela était vrai à cette époque, c'est encore plus vrai aujourd'hui à cause de la multiplication des moyens de communication.

    C'est ce qui a amené le comité à proposer des solutions réalistes—bien trop réalistes, auraient dit certains de nos critiques. Le régime que nous avions envisagé, monsieur Hanger, consistait à classer ce matériel, depuis le magazine Playboy, qui était et qui est toujours, d'après moi, aussi pernicieux mais de façon différente que la pornographie dure, parce que ce magazine incite les gens à en vouloir davantage. Comment classer ce genre de matériel? La raison pour laquelle il est important de classer ce genre de matériel, du point de vue des recommandations que nous avions faites, était que cela influençait la façon dont le matériel pouvait être vendu ou acheté par le public, de sorte que si un matériel était classé dans une catégorie, cela pouvait limiter la façon dont il pouvait être mis en vente auprès du public, et la façon dont les législateurs pouvaient essayer d'éviter que les enfants n'y aient accès.

    Avec le régime que nous avions envisagé—et je crois que, dans une certaine mesure, les commerçants qui sont sensibles à cet aspect le font d'eux-mêmes—ce matériel serait entreposé de façon à ce que les enfants ne puissent le voir. C'est ce à quoi nous avions pensé. En 1985, le Parlement n'était pas disposé à donner suite à cette suggestion, et aucun gouvernement, quel que soit le parti politique qu'il représente, n'a été disposé à traiter ce problème de cette façon depuis la publication du rapport.

    Par contre, vous avez tout à fait raison, je crains que la plupart des choses que nous avons dites à ce sujet ne vous seront guère d'utilité à cause du phénomène Internet.

+-

    M. Art Hanger: Cela serait probablement utile dans certaines circonstances, si vous pouviez définir clairement—ce qui figure dans votre rapport comme je l'ai vu—ce qu'est la pornographie et la classer en conséquence. Personne ne veut faire cela aujourd'hui; on parle plutôt de mérite artistique ou d'autre chose, selon les décisions qu'a prononcées la Cour suprême et la façon dont elles ont été interprétées.

    Pour en revenir aux recommandations qui ont été mises en oeuvre par l'adoption de mesures législatives, comme l'adoption de peines plus strictes, il est facile de dire que les peines ont été aggravées mais si le tribunal ne les impose pas aux contrevenants et qu'il peut continuer à prononcer des peines minimales—si le tribunal ne fixe pas ce genre de peines, alors à quoi sert d'avoir la possibilité d'en imposer s'il y a toujours des façons de contourner la loi? Il faut absolument prévoir des peines minimales, pour que les tribunaux soient obligés de les imposer aux contrevenants.

+-

    M. Paul Fraser: C'est un autre débat. Je comprends votre point de vue et je le respecte. Je pense néanmoins, malgré le barrage de critiques que l'on fait constamment aux juges des différentes juridictions, que le fait de supprimer la discrétion judiciaire en fixant des peines automatiques, sauf dans les cas où la population est manifestement d'accord...

    Par exemple, le Code criminel rend obligatoire la peine d'emprisonnement lorsqu'un conducteur a été condamné un certain nombre de fois pour conduite avec facultés affaiblies. Personne ne manifeste dans la rue pour s'opposer à ce genre de loi et je dirais que, d'après mes souvenirs, cette loi reflète un consensus qui s'est construit progressivement.

    Nous avons apporté une contribution modeste, dans le sens que nous avons incriminé l'activité lorsqu'elle a été exercée par des jeunes, alors que ce n'était pas le cas auparavant...

½  +-(1940)  

+-

    M. Art Hanger: C'est vrai.

+-

    M. Paul Fraser: ... et nous avons recommandé que les peines maximales soient augmentées de façon à ce que les législateurs puissent indiquer aux tribunaux, grâce au seuil prévu pour la peine maximale, qu'ils considèrent que l'infraction est grave, ou plus grave qu'auparavant, et que cela devrait se refléter dans les peines.

+-

    Le président: Merci, monsieur Fraser.

    Madame Brunelle.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: Combien de temps ai-je?

[Traduction]

+-

    Le président: Vous avez trois minutes.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: D'accord.

    Votre comité a conclu dans son rapport que « des réformes économiques et sociales susceptibles d’atténuer les causes véritables de la prostitution » devraient être faites et que le gouvernement devrait s'engager à « éliminer les inégalités économiques et sociales entre les sexes », notamment. Il devrait y avoir des programmes sociaux, etc. Lorsque vous regardez cela avec le recul, croyez-vous que l'on ait avancé à ce moment-ci? Le gouvernement a-t-il posé des actes ou pris des mesures sociales afin de donner une chance aux gens dans le domaine de la prostitution et de favoriser leur réinsertion sociale?

[Traduction]

+-

    M. Paul Fraser: Le rapport contient un certain nombre de recommandations—plus d'une douzaine, je pense, qui touchent les mesures correctives que les gouvernements pourraient prendre pour aider la population à comprendre ce phénomène, et pour l'éduquer. Je dois dire que les institutions gouvernementales que j'ai observées ne reflètent aucunement ces recommandations et je trouve cela décevant.

    Ce qui n'est pas décevant et qui me paraît très important c'est que les citoyens ont commencé à parler de ces questions, ainsi que les ONG, comme on les appelle, qui apportent des contributions très variées que les gouvernements, à cause de leur lourdeur, ne seraient peut-être pas en mesure d'apporter eux-mêmes. Les associations et les groupes qui se sont formés ont fait, à mon avis, beaucoup de travail—et de l'excellent travail—pour aider ces personnes à comprendre comment améliorer leur vie.

    Il est possible que, maintenant que je les examine avec un certain recul, nos recommandations aient été trop paternalistes, qu'elles aient trop fait appel à la participation du gouvernement et à des stratégies qui devaient se traduire par des infrastructures et ce genre de choses. Je crois que les gens ont tout simplement constaté que ces questions les intéressaient et les préoccupaient tellement que beaucoup de gens ont fait preuve de générosité pour aider les autres et que, dans l'ensemble, le public a fait ce qu'il fallait faire et s'est résolument engagé dans cette voie.

    Je me réjouis lorsque je constate que dans l'ensemble du pays, il y a tant de gens de tous les partis politiques qui travaillent dans le même sens. Il y a vingt ans, ces groupes s'opposaient les uns aux autres, dans une certaine mesure, et cela était regrettable. J'y ai fait allusion tout à l'heure, je dois dire très franchement qu'aujourd'hui ces groupes semblent mieux collaborer et c'est une chose très positive.

½  +-(1945)  

+-

    Le président: Madame Davies.

+-

    Mme Libby Davies: Une brève remarque, j'ai pensé qu'elle vous intéresserait parce que nous avons reçu ici lundi des fonctionnaires du ministère de la Justice.

    Une de vos principales recommandations qui a été approuvée et qui s'est traduite par des changements législatifs est celle qui voulait que les règles soient appliquées aussi bien à la prostituée qu'à son client, que l'application de la loi devait s'engager dans cette voie, et que c'est en fait ce qui s'est produit, comme vous le savez probablement.

    Ils nous ont fourni des statistiques pour 2004 et elles se répartissent à peu près également : 56  p.  pour les hommes et 44 p. 100 pour les femmes. Mais pour ce qui est de la détention, l'écart est très grand : 92 p. 100 de femmes et 17 p. 100 d'hommes.

+-

    M. Paul Fraser: La détention après l'inculpation et la condamnation?

+-

    Mme Libby Davies: Oui, après avoir été déclaré coupable et ensuite, incarcéré. Il y avait 92 p. 100 de femmes et 17 p. 100 d'hommes qui étaient, je crois, des clients. Je pensais simplement que cela vous intéresserait.

    Ils ont également mentionné un autre aspect, la possibilité de choisir une autre méthode. Ils ont pris l'exemple du jeu, qui est illégal, mais qui grâce à des règlements et à une délégation de pouvoir aux provinces fait parfois l'objet d'exceptions. Je me demandais si vous aviez envisagé également cette possibilité et si cela pourrait se traduire jusqu'au niveau municipal. Il pourrait y avoir certaines dispositions générales mais par règlement, dans une zone particulière, on pourrait autoriser certaines activités.

+-

    M. Paul Fraser: En fait, c'est l'idée que nous avions présentée, celle de procéder par exception. Vous invitez des personnes à venir et vous leur expliquez qu'elles peuvent être de bons voisins et que cela pourrait être à l'avantage de tous.

    Il faut agir par exception. C'est pour l'essentiel le régime qui existe en Australie et en Angleterre, d'après mes souvenirs.

+-

    Mme Libby Davies: Très bien. Nous déciderons peut-être d'approfondir cet aspect.

+-

    M. Paul Fraser: Je l'espère. Avec la loi australienne, le processus d'exception est très efficace. On ne peut exercer le genre d'activités dont nous avons parlé ce soir sans avoir obtenu un permis, sans avoir suivi un processus qui permet aux autorités de décider si vous avez droit à une exception. C'est un processus rigoureux, apparemment, d'après ce que j'ai lu; il semble que ces permis ne sont pas facilement attribués.

    Je vous remercie donc parce que vous avez mieux formulé que moi le genre de régime que nous avions envisagé.

+-

    Le président: Je propose aux membres du comité de poursuivre la séance jusqu'à 20 heures. Nous avons commencé avec un peu de retard et il serait peut-être préférable de poursuivre pendant quelque temps plutôt que d'interrompre la séance.

    Cela dit, je vous propose de faire une dernière ronde très rapidement.

    Monsieur Hanger, voulez-vous poser une brève question à laquelle M. Fraser pourrait répondre rapidement? Et ensuite, nous pourrons tous prendre la parole?

+-

    M. Art Hanger: Je vais m'abstenir pour le moment, si cela ne vous fait rien de me redonner la parole plus tard.

+-

    Le président: Madame Brunelle.

[Français]

+-

    Mme Paule Brunelle: J'étais un peu déconcentrée, monsieur le président, vu la journée qu'on a eue. Je n'ai pas de questions non plus.

[Traduction]

+-

    Mme Libby Davies: J'allais demander si les attachés de recherche avaient des questions à poser, comme nous en avions convenu au cours de notre dernière réunion ou si le président souhaite le faire. Il me paraît tout à fait normal que le président pose des questions.

½  +-(1950)  

+-

    Le président: Je vais laisser les attachés de recherche passer en premier et je poserai ensuite une question.

+-

    Mme Lyne Casavant (attachée de recherche auprès du comité): Merci.

    L'exposé était...

+-

    M. Paul Fraser: C'est évidemment ce que ferait un membre du Nouveau Parti démocratique.

+-

    Mme Libby Davies: Nous avons convenu la dernière fois de procéder ainsi.

+-

    Mme Lyne Casavant: Nous avons trouvé que l'exposé était instructif et très clair. Nous n'avons pas d'autres questions à poser pour le moment.

    Merci.

+-

    Le président: La question que je voulais vous poser est la suivante. Lorsque vous avez fait votre étude, est-ce que le phénomène du trafic de personnes existait, est-ce qu'on introduisait au Canada des personnes venant de l'étranger, par le biais des proxénètes, y-avait-il un trafic entre les provinces, ou entre les grands centres urbains et les petites villes, disons entre Montréal et Niagara Falls en Ontario? Vous a-t-on parlé de ce genre de situations?

+-

    M. Paul Fraser: Quelquefois, monsieur Maloney. Je dois vous dire que ce phénomène n'était pas un de ceux qui nous inquiétaient beaucoup. Cela semblait être un phénomène accessoire que l'on retrouvait surtout dans les petites villes le long de la frontière, il y avait des gens qui passaient d'un côté à l'autre de cette frontière, ce qui nous a été mentionné.

    À peu près à l'époque où nous effectuions nos travaux, des groupes du Manitoba, et je pense de quelques autres endroits aussi, nous ont invité à examiner la situation à l'étranger et à réfléchir à la question de savoir si l'on pouvait poursuivre au Canada une personne qui avait commis une infraction dans un autre pays. Comme vous le savez, nous avons maintenant des dispositions législatives qui l'interdisent.

    Mais cela ne faisait que commencer. Aujourd'hui, je suis convaincu que vous pourrez trouver de l'information pour savoir si le trafic de personnes constitue effectivement une industrie.

+-

    Le président: Monsieur Hanger, le dernier mot.

+-

    M. Art Hanger: Il semble que notre comité va se rendre aux Pays-Bas. Je ne peux pas dire que j'ai entendu beaucoup de choses positives au sujet de la libéralisation de leurs lois concernant la prostitution. Je sais qu'il y a eu beaucoup de violence associée à la prostitution lorsqu'elle a été libéralisée et je ne sais pas très bien ce qu'il en est aujourd'hui. C'est un des pays examinés. Je note que ce pays faisait partie de votre liste des lieux visés par votre recherche, comme l'était la Suède. Je crois savoir que la Suède a adopté une position beaucoup plus sévère, qui est contraire à l'orientation qu'ont pris les Pays-Bas.

    J'aimerais savoir si le fait d'avoir examiné les renseignements concernant ces deux pays a influencé certaines de vos recommandations.

+-

    M. Paul Fraser: Il me semble que l'information que nous avons eue concernant les pays étrangers n'était pas aussi complète que nous l'aurions souhaité. L'impression que j'avais à l'époque et que j'ai toujours est que certains pays sont devenus en quelque sorte célèbres pour ce qu'ils ont fait, pour ce qui est de créer des quartiers réservés. Il y a vingt ans si quelqu'un m'avait demandé s'il existait un pays au monde où l'on pouvait voir des gens dans une fenêtre vous faire des signes pour vous inviter et que ce comportement était autorisé, c'est Amsterdam qui me serait venu à l'esprit.

    Je dois reconnaître que je n'ai pas le souvenir d'avoir obtenu des renseignements concrets, sur le genre de choses dont vous parlez, et nous nous sommes uniquement basés sur les renseignements qui nous avaient été fournis.

    Nous avons pris une mauvaise décision. Ce n'était pas une décision très courageuse mais nous avons décidé de ne pas demander au gouvernement du Canada de nous permettre de faire cela. Il aurait été préférable de chercher à examiner les choses directement, c'est ce que je pense aujourd'hui. Le problème que soulevait la méthode que nous avons utilisée était qu'elle ne permet pas de poser des questions à un document. On ne peut pas contre-interroger un document, si je peux m'exprimer ainsi. Il n'est pas facile d'obtenir de cette façon les renseignements qui vous paraissent vraiment importants.

    Je pense que ces deux pays et, d'après moi, l'Angleterre sont des endroits où vous devriez aller ou envoyer quelqu'un en votre nom.

½  +-(1955)  

+-

    M. Art Hanger: Trouvez-vous que l'initiative sur laquelle nous travaillons à l'heure actuelle est importante?

+-

    M. Paul Fraser: Elle me paraît très importante. Permettre aux gens de vivre leur vie en assurant leur sécurité et leur dignité est une responsabilité qui appartient à tous mais tout particulièrement aux députés. Les gens qui observent un phénomène et écrivent des rapports comme nous l'avons fait s'intéressent à ces questions. Pour utiliser la vieille comparaison de l'Alberta lorsqu'on pense aux oeufs et au bacon, on peut dire que le poulet est intéressé mais le cochon est directement concerné; lorsque vous êtes député et qu'on vous demande d'examiner ce genre de questions, on s'attend à ce que vous proposiez quelque chose. Je ne vous envie pas mais je suis sûr, après avoir passé quelque temps avec vous ce soir, que votre expérience vous sera très utile.

    Nous avions l'ancien chef du service de police de Montréal, une personne très agréable, qui avait été patrouilleur comme vous dites et qui avait dû bousculer un peu les gens. Il avait sa façon de faire les choses, j'en suis sûr, pour lutter contre le problème tel qu'il se posait à cette époque, et le fait d'être assis à côté de quelqu'un qui n'avait jamais eu cette expérience. C'est à cause de nos différences... C'est un peu, dans un certain sens, comme notre pays, nous pouvons nous réjouir de notre diversité.

    C'est pourquoi je suis certain que les membres du comité pourront, grâce à leur expérience particulière et grâce à leurs origines... Mme Davies représente une région de notre pays où les gens se reprochent d'avoir été négligents à l'égard de ces questions, ce qui a eu des répercussions fâcheuses, et je suis heureux que le comité ait décidé d'entreprendre ce travail. Si vous me le permettez, je dirais même qu'il est préférable de confier ce travail à un comités parlementaire qu'à des gens de l'extérieur, comme moi. La décision de confier ce travail au processus des comités parlementaires est une bonne décision; au cours des années, j'ai observé le processus parlementaire, et j'ai pu constater qu'il y avait des députés qui, pour une raison ou une autre, n'ont pas été aussi actifs dans ce domaine qu'ils auraient voulu l'être et qui le regrettent.

    C'est pourquoi je pense que vous faites quelque chose de très important et je vous souhaite bonne chance. Je vais reprendre mon existence confortable et vous laisser le soin de trouver une solution à ces problèmes.

    Comme quelqu'un l'a dit, si le rôle d'un chef politique est de réconforter les opprimés, il faut parfois opprimer les gens pour qu'ils se décident à aborder des problèmes qui ont été mis de côté pendant des années.

    Je vous remercie.

¾  -(2000)  

+-

    Le président: Monsieur Fraser, je vous remercie des commentaires que vous avez présentés au comité ce soir. Vous avez parlé très franchement et vous nous avez fait des observations pénétrantes; votre rapport remonte peut-être à près de 20 ans mais vous êtes toujours une mine d'informations sur ces questions. Nous sommes très heureux que vous ayez pris le temps de vous rendre à Ottawa pour nous aider dans nos travaux.

    Merci encore.

+-

    M. Paul Fraser: Merci à tous.

-

    Le président: J'aimerais dire quelques mots aux membres du comité, à huis clos peut-être, parce que nous voulons revoir la liste des témoins. Nous allons procéder à huis clos pour faire cela.

    [La séance se poursuit à huis clos.]