Passer au contenu

PROC Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

 

Parliament of Canada Code of Arms Crest
HOUSE OF COMMONS
CHAMBRE DES COMMUNES
OTTAWA, CANADA
K1A 0A6

 

 

 

Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a l’honneur de présenter son

CINQUANTE ET UNIÈME RAPPORT

1.      Conformément à l’ordre de renvoi de la Chambre des communes du 6 octobre 2005, le Comité présente le rapport suivant :

2.      Le 26 septembre 2005, le député Deepak Obhrai a soulevé en Chambre une question de privilège. Il a soutenu que M. Bernard Shapiro, commissaire à l’éthique, n’avait pas respecté la procédure d’enquête établie dans le Code régissant les conflits d’intérêts des députés, qui est annexé au Règlement, et il a donc accusé M. Shapiro d’outrage à la Chambre.

3.      Plus précisément, M. Obhrai a exprimé deux plaintes. Premièrement, M. Shapiro a donné une entrevue à M. Jack Aubry, journaliste du Ottawa Citizen, et a été cité dans un article paru le 15 septembre 2005 dans divers journaux du pays. M. Obhrai a indiqué que d’autres commentaires attribués à M. Shapiro et rapportés dans un article paru dans le National Post du 16 septembre 2005 ont aggravé la situation. M. Obhrai a fait remarquer que le paragraphe 27(7) du Code régissant les conflits d’intérêts exige que le commissaire à l’éthique « procède à huis clos et avec toute la diligence voulue ». M. Obhrai a soutenu que les réflexions du commissaire à l’éthique parues dans les médias avaient entaché sa réputation et nui injustement à l’enquête.

4.      La deuxième plainte de M. Obhrai était qu’il n’avait pas obtenu de préavis écrit lui indiquant qu’il faisait l’objet d’une enquête ainsi que la nature des accusations portées contre lui, contrairement aux dispositions du paragraphe 27(4) du Code. M. Joe Volpe, ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, avait fait parvenir les affidavits au commissaire à l’éthique et à la Gendarmerie royale du Canada le 9 mai 2005. M. Obhrai a cependant indiqué que ce n’est que le 4 août 2005 et le 23 août 2005 qu’il avait reçu des lettres de M. Shapiro l’informant qu’il faisait l’objet d’une enquête et des motifs de l’enquête. Le paragraphe 27(4) du Code régissant les conflits d’intérêts prévoit qu’un député doit obtenir un préavis par écrit raisonnable avant que le commissaire à l’éthique ne mène une enquête de sa propre initiative. De plus, le paragraphe 27(7) stipule qu’à tous les stades de l’enquête, le député doit avoir la possibilité d’être présent et de faire valoir ses arguments.

5.      M. Obhrai a conclu qu’il avait perdu confiance dans le commissaire à l’éthique. Il a soutenu que, parce qu’il n’avait pas suivi les règles, M. Shapiro devrait être déclaré coupable d’outrage à la Chambre.

6.      Dans sa décision du 6 octobre 2005, le Président a décrit la genèse du Code régissant les conflits d’intérêts des députés et de la fonction de commissaire à l’éthique, en soulignant que le Code contient des règles que la Chambre a adoptées pour sa gouverne et qu’elle a demandé au commissaire à l’éthique d’interpréter et d’appliquer.

7.      En ce qui concerne les deux allégations faites par M. Obhrai, le Président a indiqué qu’elles étaient troublantes en soi, et que la correspondance fournie par M. Obhrai renforçait ses arguments. Il a ajouté que même si la façon dont cette affaire avait été menée le préoccupait, le rôle qui lui incombait, le cas échéant, pour veiller à la bonne interprétation et à l’application adéquate du Code n’était pas clair. Une lecture attentive de la Loi et du Règlement indique que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre est chargé de la surveillance générale et qu’il a pour mandat « l’examen de toute question relative au Code régissant les conflits d’intérêts des députés et la présentation de rapports à ce sujet ». Le Président a fait observer que le Code est encore relativement récent et, par conséquent, il estimait qu’il serait utile, tant pour le Bureau du commissaire à l’éthique que pour la Chambre, que le Comité se penche sur cette question. Il espérait que cela donnerait l’occasion au commissaire d’expliquer le processus d’enquête et aux députés de faire part de leurs préoccupations, et qu’un tel dialogue entre le comité et le commissaire à l’éthique clarifierait la question pour tous les intéressés.

8.      Bien qu’il hésitait à conclure, en l’absence d’une étude et d’une évaluation approfondies par le comité responsable, que la conduite d’un haut fonctionnaire du Parlement constitue un outrage à la Chambre, le Président se déclarait sensible à la demande de M. Obhrai, qui cherchait à savoir par quels moyens il pouvait résoudre cette très sérieuse question. Il précisait s’inquiéter tout particulièrement du fait que l’absence d’un processus clair pour ce genre de situation laisse les députés et le commissaire à l’éthique sans les règles précises auxquelles ils auraient droit dans l’exercice de leur rôle respectif. Par conséquent, le Président concluait que la question de privilège semblait fondée à première vue.

9.      Après la décision du Président, M. Obhrai a présenté la motion suivante, qui a été adoptée par la Chambre :

Que la procédure que suit le commissaire à l’éthique dans le contexte des enquêtes qu’il mène aux termes du Code régissant les conflits d’intérêts des députés et en particulier les questions soulevées à la Chambre par le député de Calgary-Est le lundi 26 septembre 2005 soient renvoyées au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

10.  Le 18 octobre 2005, le Comité a entendu M. Obhrai, qui a alors exposé ses objections aux règles suivies par le commissaire à l’éthique. M. Obhrai a déposé au Comité une chronologie détaillée des événements, ainsi que des copies des documents pertinents. Le commissaire à l’éthique, M. Shapiro, a comparu devant le Comité à trois reprises – le 20 octobre 2005; le 25 octobre 2005; et le 1er novembre 2005. De plus, M. Rob Walsh, légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes, a également comparu devant le Comité le 25 octobre 2005, afin de discuter de quelques questions soulevées par cette affaire et de donner des conseils fort appréciés.

11.  D’entrée de jeu, le Comité fait remarquer qu’il n’a ni le rôle ni le mandat d’examiner le fond des plaintes contre M. Obhrai. Le Comité ne s’intéresse qu’aux règles, ou aux procédures, en vertu du Code régissant les conflits d’intérêts des députés.

12.  Avant d’examiner les plaintes de M. Obhrai, le Comité souhaite faire quelques observations générales sur le Code régissant les conflits d’intérêts et le commissaire à l’éthique.

13.  Nous convenons avec le Président que le Code régissant les conflits d’intérêts a instauré un nouveau régime, que tous considèrent comme un processus en évolution. Il est inévitable qu’il soulève parfois des problèmes et des préoccupations à ce stade-ci de son développement. Il faut résoudre ces problèmes par un dialogue entre le commissaire à l’éthique et la Chambre des communes, par l’entremise de notre Comité. Au début de la présente Législature, le Comité a d’ailleurs créé le Sous-comité sur la déclaration en vertu du Code régissant les conflits d’intérêts des députés, en réponse aux préoccupations exprimées par les députés au sujet de la nouvelle déclaration confidentielle.

14.  Par ailleurs, les membres du Comité sont très préoccupés par le fonctionnement du Bureau du commissaire à l’éthique, et plus particulièrement, par le traitement des plaintes et les enquêtes. Nous nous inquiétons de l’absence apparente de rigueur au sein du Bureau en ce qui concerne l’élaboration des mécanismes pertinents. C’est cette lacune qui explique le peu de minutie et d’attention aux exigences des contrôles préalables qui caractérise cette affaire. Il nous semble que le Bureau du commissaire à l’éthique ne connaît pas assez bien les dispositions du Code régissant les conflits d’intérêts des députés et qu’il ne veille pas autant qu’il le devrait à en faire respecter l’esprit et la lettre. Il semble exister au Bureau une confusion ou un flou inacceptables entre ce qui distingue le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d’intérêts et l’après-mandat, qui s’applique aux ministres, aux secrétaires parlementaires et à 3 000 à 4 000 titulaires de charge publique et qui existe depuis de nombreuses années, du Code régissant les conflits d’intérêts des députés, que la Chambre a adopté au printemps 2004. Nous sommes conscients que le Bureau du commissaire à l’éthique est dans une certaine mesure une nouvelle organisation et qu’il a eu ses problèmes de croissance depuis que M. Shapiro a été nommé en mai 2004. Les députés sont cependant en droit de s’attendre à un niveau de professionnalisme plus grand que celui dont on a fait preuve jusqu’ici.

15.  Le Code régissant les conflits d’intérêts des députés confie au commissaire à l’éthique et à son personnel des responsabilités très délicates. Les députés doivent déclarer toutes leurs affaires financières et fournir d’autres renseignements personnels. De plus, le commissaire doit faire enquête sur les infractions présumées au Code avec objectivité, professionnalisme et célérité, sans donner l’impression de préjugé. Pour que le régime fonctionne, il est essentiel que les députés aient pleinement confiance dans le commissaire, son personnel et le processus. Les allégations de M. Obhrai soulèvent de graves préoccupations chez les députés et sapent la crédibilité et l’intégrité du régime. Comme l’a indiqué M. Walsh, le Code envisage le non-respect de ses dispositions par les députés, mais dans ce cas-ci, il est question de présumé non-respect du Code par le commissaire.

16.  Lorsque le Comité a élaboré le Code régissant les conflits d’intérêts des députés, l’un des objectifs clés était l’indépendance du commissaire à l’éthique. Il estimait que, pour assurer la confiance du public et la crédibilité, il fallait éliminer tous les éléments de partisanerie dans l’application du Code et la conduite des enquêtes. C’est pour cette raison que le commissaire à l’éthique devenait l’unique responsable de l’application quotidienne du Code. Ce Code a cependant été adopté par la Chambre des communes, conformément à une résolution, et son existence repose sur les privilèges parlementaires de la Chambre. Étant donné que l’établissement du Code repose sur le privilège de la Chambre de régir ses affaires internes et son pouvoir sur les députés, la Chambre a la responsabilité finale du Code. Elle a délégué cette responsabilité de surveillance à notre Comité. Comme nous l’avons expliqué dans notre 40e Rapport, à la Deuxième session de la 37e Législature, déposé à la Chambre le 13 juin 2003, « nous proposons que la surveillance générale du Code et du travail du commissaire à l’éthique soit confiée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Son travail consisterait à examiner le rapport annuel du commissaire à l’éthique, à revoir les règles que celui-ci pourrait proposer et à faire rapport des règles à la Chambre aux fins d’approbation finale. En outre, nous recommandons que le Comité procède à un examen exhaustif du Code tous les cinq ans. Nous avons porté notre choix sur ce comité parce que c’est le principal comité permanent de la Chambre et parce qu’il est très bien placé, en raison de sa composition, pour évaluer les opinions et les expériences des députés ».

17.  Durant les audiences du Comité, on a évoqué l’article 30 du Code, qui prévoit ce qui suit :

30. (1) Le commissaire soumet au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre tout projet de règle d’application du présent code.

(2)     Les règles agréées par le Comité font l’objet d’un rapport présenté à la Chambre et entrent en vigueur dès l’adoption du rapport par celle-ci.

18.  Le Comité fait remarquer qu’au moment de ses audiences, le commissaire à l’éthique n’avait encore proposé aucune règle. Dans une lettre du 10 novembre 2005, M. Shapiro a soumis au Comité toutes les « règles d’application du Code » que son bureau avait élaborées jusque-là. Le Comité entend en faire l’examen afin de s’assurer que les procédures énoncées dans le Code sont appliquées. Lorsqu’il a témoigné pour la première fois devant le Comité sur cette question, le 20 octobre 2005, M. Shapiro a présenté des résumés des règles à suivre pour les divers types d’enquêtes qui peuvent être menées en application du Code. Ces règles sont utiles, mais elles n’éliminent pas la nécessité de les présenter officiellement au Comité et de les faire approuver par la Chambre, ainsi que les autres procédures pertinentes.

19.  Dans la même veine, les plaintes de M. Obhrai, et les explications de M. Shapiro, soulèvent des inquiétudes au sujet de l’interprétation de diverses expressions employées dans le Code. Ainsi, qu’entend-on par donner « par écrit au député un préavis raisonnable » (paragraphe 27(4))? Qu’est-ce qui constitue une enquête « à huis clos » ou, dans la version anglaise, « in private » (paragraphe 27(7))? Qu’entend-on par donner au député « la possibilité d’être présent et de lui faire valoir ses arguments par écrit ou en personne ou par l’entremise d’un conseiller ou d’un autre représentant » (paragraphe 27(7))? Ces expressions sont employées dans les codes sur les conflits d’intérêts d’autres pays, dont l’expérience pourrait peut-être nous guider.

20.  Le Comité souhaite clarifier une question qui a été soulevée dans l’examen de cette question de privilège. M. Shapiro a soutenu à maintes reprises qu’il ne pouvait pas fournir de renseignements au Comité en raison des dispositions du Code en matière de confidentialité. Dans un cas, le Comité a accepté de se réunir à huis clos, afin de pouvoir obtenir des réponses à certaines questions. Comme on l’a indiqué à ce moment-là, cette situation place le Comité dans une position difficile puisque les réponses ne sont pas du domaine public.

21.  Les dispositions en matière de confidentialité font partie intégrante du Code et ont été conçues de manière à ce que les renseignements très personnels et délicats collectés par le commissaire à l’éthique restent tout à fait confidentiels. Même si la Chambre se battra pour qu’elles s’appliquent aux personnes extérieures à la Chambre, ces dispositions ne peuvent être invoquées pour empêcher la Chambre d’avoir accès aux renseignements. Du fait qu’elle a renvoyé cette question de privilège au Comité, la Chambre a autorisé le Comité à obtenir tous les renseignements pertinents et on peut en déduire qu’elle a ainsi autorisé le commissaire à l’éthique à les fournir – de manière responsable – au Comité. De plus, comme l’a expliqué M. Walsh, un comité parlementaire a indéniablement le droit de poser toutes les questions qu’il souhaite à un témoin, et le témoin n’a pas le choix de répondre ou non. Le Comité n’a pas insisté pour que M. Shapiro réponde publiquement à certaines questions, mais il aurait pu le faire. Il convient de souligner également que, même si le Comité ne le lui avait pas demandé, M. Obhrai a écrit au président du Comité le 21 octobre 2005 pour lui indiquer qu’il renonçait à ce que s’appliquent les dispositions relatives à la confidentialité dans une enquête que le commissaire à l’éthique pourrait mener à son sujet.

22.  En ce qui concerne les plaintes présentées par M. Obhrai, le Comité conclut ce qui suit :

23.  Premièrement, il y a la question du préavis donné au député pour l’informer qu’une enquête a été ouverte. Le paragraphe 27(4) du Code régissant les conflits d’intérêts des députés prévoit ce qui suit :

Le commissaire peut, de sa propre initiative, après avoir donné par écrit au député un préavis raisonnable, faire une enquête pour déterminer si celui-ci s’est conformé à ses obligations aux termes du présent code.

24.  Il y a trois façons de déclencher une enquête en vertu du Code : par un renvoi de la Chambre; par une demande d’un député; ou à l’initiative du commissaire à l’éthique. Comme l’a fait remarquer M. Walsh, l’obligation de donner un préavis au député visé n’est pas cohérente dans l’article 27 du Code, qui exige un préavis écrit uniquement pour les enquêtes à l’initiative du commissaire. Lors de son témoignage, le 1er novembre 2005, M. Shapiro a cependant lui-même admis que les règles de justice naturelle et de l’équité en matière de procédure exigent dans tous les cas que le député en question obtienne un préavis suffisant afin qu’il soit informé des allégations portées contre lui. De toute évidence, les dispositions de l’article 27 devront être examinées et probablement modifiées. Mais rien n’empêche le commissaire à l’éthique d’élaborer des règles afin de donner un préavis en attendant l’adoption de modifications au Code.

25.  L’une des questions qui ont été soulevées dans cette affaire est à quel moment débute officiellement une enquête en vertu du Code. M. Shapiro a noté qu’il est tenu, en vertu du Code, de déterminer si une demande d’enquête est « frivole ou vexatoire ou n’a pas été présentée de bonne foi ou qu’aucun motif suffisant ne justifie la tenue ou la poursuite d’une enquête » (paragraphe 27(6)). Sa position semble être que jusqu’à la fin de juillet 2005, son bureau cherchait à déterminer si les affidavits présentés par M. Volpe justifiaient une enquête. Mais comme on l’a fait remarquer, des personnes à l’extérieur de la Chambre ont été interrogées, et au début de juin 2005, le Bureau du commissaire à l’éthique avait entrepris des démarches en vue de retenir les services d’un avocat en Inde pour qu’il participe à l’enquête sur les allégations contre M. Obhrai. Signalant que pour l’heure, l’affaire était une question de jugement, M. Walsh était d’avis qu’une enquête débute dès qu’un contact est établi avec quelqu’un à l’extérieur du Bureau du commissaire à l’éthique ou de la Chambre. À cet égard, le Comité fait remarquer que la tâche du commissaire à l’éthique ressemble à celle du Président sur une question de privilège : le Président doit déterminer si, compte tenu des faits exposés, il y a, de prime abord, matière à privilège. Il se peut que le commissaire à l’éthique doive procéder à une enquête préliminaire et ce type d’enquête est nécessaire pour que le commissaire puisse rendre une décision en vertu du paragraphe 27(6). Pour la protection des députés cependant, nous croyons que ces enquêtes devraient se limiter au strict minimum. Le commissaire est toujours libre de mettre fin à une enquête en cours s’il détermine qu’elle est frivole ou vexatoire, et ainsi de suite.

26.  Il semble y avoir eu une certaine confusion dans l’esprit de M. Shapiro et de son personnel au sujet de la disposition de l’article 27 qui s’appliquait dans le cas de M. Obhrai. Tel qu’indiqué, M. Volpe a transmis à M. Shapiro deux affidavits au sujet de M. Obhrai. Les députés peuvent demander que le commissaire mène une enquête, mais lorsqu’il a rédigé le Code, le Comité a bien pris soin d’exiger que cette demande prenne une forme particulière. Le paragraphe 27(2) énonce les conditions pour qu’une demande d’enquête d’un député soit valide :

(2)    La demande d’enquête est présentée par écrit et énonce les motifs pour lesquels il est raisonnable de croire que le présent code n’a pas été respecté.

27.  Il est clair que la lettre de M. Volpe du 9 mai 2005 ne remplit pas ces conditions. Il est donc difficile de comprendre pourquoi, aussi tard que le 18 juillet 2005, M. Shapiro soutenait que l’enquête découlait d’une demande d’un député en vertu du paragraphe 27(1) du Code. C’est d’ailleurs M. Obhrai qui a dû corriger cette méprise.

28.  Le Comité estime essentiel que le préavis donné aux députés faisant l’objet d’une enquête précise clairement la nature des plaintes contre eux, et indique avec précision quelles dispositions du Code auraient été enfreintes. M. Obhrai a indiqué que bien qu’il avait reçu un préavis officiel d’enquête de M. Shapiro le 4 août 2005, le commissaire à l’éthique ne l’a informé de l’objet de l’enquête que le 23 août 2005.  Comme M. Obhrai l’a déclaré à la Chambre, « à ce moment-là, 103 jours avaient passé depuis le premier entretien avec ma belle-sœur sur cette question ». Il n’est pas clair non plus qu’un préavis a été donné pour indiquer les dispositions du Code qui n’auraient pas été respectées.

29.  La deuxième plainte de M. Obhrai porte sur les propos attribués à M. Shapiro dans les médias à la mi-septembre. Il a expliqué que le 14 septembre 2005, il avait reçu à son bureau un courriel lui indiquant que Jack Aubry, de l’Ottawa Citizen, désirait obtenir ses commentaires sur l’enquête du commissaire à l’éthique le concernant. Quand il a demandé à M. Aubry comment il avait appris l’existence de cette enquête, ce dernier lui a répondu que c’était en interviewant M. Shapiro. « Il lui a également dit que M. Shapiro lui avait révélé qu’il possédait des documents laissant entendre que quelque chose de répréhensible se produisait. ». Le lendemain, le 15 septembre 2005, des articles ont paru dans les principaux journaux du pays. On y lisait que M. Shapiro aurait déclaré : « J’ai des documents qui donnent à entendre que quelque chose de répréhensible est en train de se produire. » Il y déclarait aussi que M. Obhrai faisait l’objet d’une enquête. M. Obhrai a fait remarquer également que des commentaires que M. Shapiro a faits publiquement sont rapportés dans un article de M. Aubry paru dans le National Post du 16 septembre 2005, où on lit : « Nous sommes devant un groupe de gens qui essaient de faire ce qui est bien mais qui font parfois tout le contraire ». 

30.  Le paragraphe 27(7) du Code régissant les conflits d’intérêts des députés stipule que :

Le commissaire procède à huis clos et avec toute la diligence voulue, en donnant au député, à tous les stades de l’enquête, la possibilité d’être présent et de lui faire valoir ses arguments par écrit ou en personne ou par l’entremise d’un conseiller ou d’un autre représentant.

31.  M. Shapiro a expliqué qu’il croit que le fait qu’une enquête est en cours peut être rendu public, mais que la teneur de l’enquête doit rester confidentielle. Il a fait remarquer que le paragraphe 27(5) du Code stipule qu’« une fois qu’une demande d’enquête a été adressée au commissaire, les députés devraient respecter le processus établi par le présent code et permettre son déroulement sans formuler d’autres commentaires à ce sujet ». L’intention de cette disposition est claire – une fois qu’une question fait l’objet d’une enquête par le commissaire à l’éthique, les députés devraient s’abstenir de faire des commentaires publics à son sujet tant que l’enquête n’est pas achevée. Afin de savoir quand ils devraient s’abstenir, les députés doivent savoir quand une enquête a commencé.

32.  La difficulté dans cette affaire est que, de l’avis du Comité, les propos attribués à M. Shapiro semblent aller plus loin que confirmer simplement l’existence d’une enquête et semblent porter un jugement sur l’affaire. Ce n’était peut-être pas l’intention de M. Shapiro. Il a affirmé au Comité qu’il avait répondu à une demande d’entrevue sur la première année de son mandat et qu’il ne s’attendait pas à être interrogé sur des affaires particulières. Il a en outre indiqué ne pas avoir conservé d’enregistrement de l’entrevue et ne pas en avoir reçu, mais que les propos qui lui étaient attribués semblaient probables et qu’il ne les niait pas. Lorsqu’il a témoigné devant le Comité, M. Shapiro a reconnu que si c’était à recommencer, il agirait différemment.

33.  En l’occurrence, les membres du Comité sont unanimes sur le fait que la seule réponse convenable à faire aux questions des médias au sujet du dossier Obhrai était « Pas de commentaire ». Beaucoup de hauts fonctionnaires sont priés de se prononcer publiquement sur diverses affaires, mais s’en abstiennent. En tant que haut fonctionnaire de la Chambre chargé de dossiers dont beaucoup présentent un grand intérêt pour le public, le commissaire à l’éthique doit connaître les dangers de la communication avec le public. Il doit développer un flair pour la communication et une grande habileté dans ses rapports avec les médias.

34.  Les députés sont des personnages publics, dont la réputation et l’intégrité comptent parmi les plus précieux atouts. Nous sommes tous au courant du cynisme public au sujet de notre système politique. Lorsque le Code régissant les conflits d’intérêts des députés a été élaboré, on a exprimé de grandes préoccupations au sujet de la possibilité que soient faites des allégations non fondées, susceptibles d’entacher irrémédiablement la réputation des députés. C’est pour cette raison que des mesures de protection ont été prévues dans le Code. C’est pour cette raison également que les enquêtes doivent se dérouler à huis clos. Il est donc essentiel de ne pas commenter publiquement les enquêtes en cours et de ne pas aller plus loin que confirmer leur existence. Même cette confirmation gêne certains membres du Comité, car elle peut donner lieu à des suppositions injustes.

35.  Au fil de ses travaux, le Comité a constaté que certaines modifications au Code devraient être envisagées. Elles porteraient sur les aspects suivants :

·         Précision de la règle à appliquer par le commissaire à l’éthique pour ouvrir une enquête de sa propre initiative;

·         Ajout de l’exigence de donner immédiatement au député, pour tous les types d’enquête, un préavis écrit indiquant les dispositions du Code auxquelles on allègue une infraction et le délai dans lequel il doit répondre aux allégations ou fournir des explications;

·         Clarification du moment où débute une enquête et à quel moment elle est terminée ou suspendue;

·         Obligation explicite pour le commissaire à l’éthique d’informer le Président qu’une enquête a débuté;

·         Plus de clarté quant aux limites des commentaires publics du commissaire à l’éthique;

·         Sens des expressions « en privé » et « à huis clos » dans le contexte d’une enquête; et

·         Des détails sur ce dont le commissaire à l’éthique doit faire état dans ses rapports annuels à la Chambre.

36.  Pour le moment, le Comité souhaite toutefois se limiter à la question plus étroite qui lui a été posée, soit si le commissaire à l’éthique a porté outrage à la Chambre.

37.  Après avoir examiné avec soin tous les témoignages et éléments de preuve, ainsi que les questions soulevées dans cette affaire, le Comité conclut que le commissaire à l’éthique n’a pas respecté les dispositions du Code régissant les conflits d’intérêts des députés. Il a donc porté outrage à la Chambre des communes. Le Comité est cependant disposé à accepter que le non-respect n’était pas délibéré ni intentionnel.

Le Comité conclut que le commissaire à l’éthique a commis un outrage à la Chambre des communes. Dans les circonstances, toutefois, il ne recommande aucune sanction.

38.  Le Comité souhaite exprimer publiquement sa préoccupation que les procédures et les règles prévues par le Code soient élaborées avec beaucoup plus de soin et suivies scrupuleusement afin qu’une telle situation ne se répète pas. Les risques pour les députés, et l’intégrité même du Code, n’en demandent pas moins.

39.  Le Comité souhaite également indiquer qu’il s’attend à ce que les règles d’application du Code proposées lui soient présentées dans les meilleurs délais, conformément au paragraphe 30(1) du Code. De plus, le Comité a l’intention de recourir à ses pouvoirs généraux de surveillance du Code – conférés par le sous-alinéa 108(3)a)(vii) du Règlement et l’article 33 du Code régissant les conflits d’intérêts des députés – pour examiner le Code et recommander des modifications afin de corriger les lacunes ou les anomalies qui ont été constatées.

 

Un exemplaire des procès-verbaux pertinents (réunions nos 47 à 52) est déposé.

 

 

 

Respectueusement soumis,

Le président,

 


DON BOUDRIA