Passer au contenu
;

AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 8 mai 2003




Á 1105
V         Le président (M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.))
V         M. Mark Corey (sous-ministre adjoint, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire)

Á 1110
V         Le président
V         M. Mark Corey

Á 1115
V         Le président
V         M. Michael Keenan (directeur général, Direction de la recherche et de l'analyse, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire)

Á 1120
V         Le président
V         M. Steve Verheul (négociateur principal en agriculture, Direction des politiques de commerce international, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire)

Á 1125
V         Le président
V         M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne)
V         M. Steve Verheul
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Steve Verheul
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Steve Verheul
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Steve Verheul
V         M. Howard Hilstrom
V         Le président
V         M. Michael Keenan
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Michael Keenan
V         M. Howard Hilstrom

Á 1130
V         M. Michael Keenan
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Michael Keenan
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Michael Keenan

Á 1135
V         M. Howard Hilstrom
V         Le président
V         M. Howard Hilstrom
V         Le président
V         M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ)
V         M. Michael Keenan
V         M. Louis Plamondon
V         M. Steve Verheul
V         M. Louis Plamondon

Á 1140
V         M. Steve Verheul
V         M. Louis Plamondon
V         M. Steve Verheul
V         Le président
V         M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.)
V         M. Michael Keenan
V         M. Mark Eyking

Á 1145
V         M. Michael Keenan
V         M. Mark Eyking
V         M. Michael Keenan

Á 1150
V         M. Mark Eyking
V         M. Steve Verheul
V         M. Mark Eyking
V         M. Steve Verheul
V         Le président
V         M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne)
V         M. Steve Verheul

Á 1155
V         M. Rick Casson
V         Le président
V         M. Rick Casson
V         M. Michael Keenan
V         Le président
V         M. Louis Plamondon

 1200
V         M. Steve Verheul
V         M. Mark Corey
V         M. Louis Plamondon
V         M. Steve Verheul
V         M. Louis Plamondon

 1205
V         M. Michael Keenan
V         M. Louis Plamondon
V         M. Michael Keenan
V         Le président
V         Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.)
V         M. Michael Keenan
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Michael Keenan

 1210
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Michael Keenan
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Michael Keenan
V         M. Mark Corey
V         Le président
V         Mme Rose-Marie Ur
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne)

 1215
V         M. Michael Keenan
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Michael Keenan
V         M. Mark Corey
V         Le président
V         M. Mark Corey
V         Le président
V         M. Phillip Douglas (directeur adjoint, Politique commerciale — Canada–États-Unis, Direction des politiques de commerce international, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire)
V         Le président
V         M. Phillip Douglas
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Michael Keenan
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Steve Verheul
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Steve Verheul
V         M. Garry Breitkreuz

 1220
V         M. Mark Corey
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Steve Verheul
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Steve Verheul
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Mark Corey

 1225
V         M. Michael Keenan
V         Le président
V         M. Louis Plamondon
V         M. Mark Corey
V         M. Louis Plamondon
V         M. Michael Keenan
V         Le président
V         M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.)
V         Le président
V         M. Bob Speller

 1230
V         Le président
V         M. Mark Corey
V         M. Steve Verheul

 1235
V         Le président
V         M. Michael Keenan
V         M. Bob Speller
V         Le président
V         M. Michael Keenan
V         Le président
V         M. Howard Hilstrom

 1240
V         M. Steve Verheul
V         M. Howard Hilstrom
V         Le président
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Steve Verheul
V         Le président
V         M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.)

 1245
V         M. Mark Corey
V         M. Michael Keenan
V         M. Rick Laliberte
V         M. Mark Corey

 1250
V         Le président
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Michael Keenan
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Michael Keenan
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Michael Keenan

 1255
V         Le président
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Steve Verheul

· 1300
V         Le président
V         M. Bob Speller
V         M. Michael Keenan
V         Le président
V         M. Mark Corey
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 029 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 8 mai 2003

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.)): Mesdames et messieurs, nous devons commencer la séance. Nous avons quelques minutes de retard.

    Mais auparavant, je voudrais simplement signaler aux membres du comité que le président de l'assemblée législative du Kirghizistan—l'ancien Kurdistan, je pense—sera ici mardi prochain. Nous sommes invités à déjeuner, de midi à 13 h 30, à la salle Nouvelle-Zélande du restaurant parlementaire. Vous allez recevoir une invitation, et on nous demande de répondre le plus tôt possible. Donc, gardez cette invitation en tête et inscrivez-la sur votre calendrier pour mardi prochain.

    Nous entendrons ce matin des gens que nous avons déjà reçus. On dirait bien que c'est une habitude, Steve. Merci d'être revenus nous voir.

    Nous voulons poursuivre notre étude. Nous nous pencherons ce matin sur la U.S. Farm Security and Rural Investment Act of 2002—autrement dit, le Farm Bill, ou la loi agricole américaine. C'est une loi extrêmement complexe, que nous ne comprenons pas parfaitement—et je ne suis pas certain que les Américains la comprennent beaucoup mieux. Mais nos témoins pourront peut-être nous aider ce matin à mieux saisir en quoi cette loi nous concerne et quels pourraient être ses effets sur l'exportation des produits agricoles canadiens.

    Nous recevons de nouveau M. Mark Corey, qui était ici l'autre jour et qui est sous-ministre adjoint à la Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, ainsi que M. Steve Verheul, le négociateur principal pour l'agriculture à la Direction des politiques de commerce international. Et nous recevons également ce matin M. Michael Keenan, qui est directeur général de la Direction de la recherche et de l'analyse.

    Je pense que vous voulez nous faire une présentation à l'écran. Mark, c'est vous qui commencez encore aujourd'hui?

    Merci encore d'être venus. La matinée devrait être intéressante.

+-

    M. Mark Corey (sous-ministre adjoint, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Merci, monsieur le président.

    Je vais commencer par vous présenter un aperçu de la situation et quelques renseignements généraux sur le Farm Bill. Je laisserai ensuite la parole à Michael Keenan, qui est le directeur général de notre service d'analyses et qui pourra vous en dire plus long sur les effets concrets de cette loi et de certaines de ses dispositions. Ce sera ensuite au tour de Steve Verheul, le négociateur principal du Canada dans le domaine du commerce agricole, qui vous parlera brièvement de certaines des représentations que nous avons faites pour essayer d'apporter un peu de bon sens dans le Farm Bill, des contestations et des litiges commerciaux potentiels et, pour finir, des démarches à plus long terme que nous voulons entreprendre à l'Organisation mondiale du commerce. Il va vous parler de ces trois aspects, tandis que Michael va se concentrer surtout sur les dispositions du projet de loi en tant que telles et sur leurs effets.

    Peu après son arrivée au pouvoir, l'administration américaine a publié un document intitulé Food and Agriculture Policy: Taking Stock for the New Century, dans lequel elle énonçait les principes qui devraient guider d'après elle l'élaboration de la politique américaine. Lors du lancement officiel de ce document à Washington, le 19 septembre 2001, la secrétaire américaine à l'Agriculture, Mme Ann Veneman, a déclaré, comme le rapportait la U.S. Western Farm Press:

La politique agricole, y compris la mise en place d'un filet de sûreté, doit favoriser une prospérité plus durable pour les agriculteurs grâce à des mesures axées sur le marché, sans engendrer de dépendance à long terme à l'égard de l'aide gouvernementale.

    Ce avec quoi nous sommes entièrement d'accord.

[Français]

    Puis, à la mi-novembre, à Doha, les membres de l'Organisation mondiale du commerce, y compris les États-Unis, se sont engagés à mener des négociations globales pour en arriver à des améliorations substantielles de l'accès aux marchés, à des réductions de toutes les formes de subventions à l'exportation en vue de leur élimination et à des réductions substantielles du soutien interne à effet de distorsion sur les échanges.

    Toutefois, le débat sur le Farm Bill tenu au printemps 2002 ne semble refléter aucune de ces déclarations. L'ampleur même des subventions envisagées représentait un recul par rapport à la version précédente du projet de loi et à certaines dispositions comme l'inscription du pays d'origine sur les étiquettes.

Á  +-(1110)  

[Traduction]

+-

    Le président: Pouvons-nous nous interrompre un petit instant? Apparemment, nous avons un problème de communication.

    D'accord, c'est rétabli. Vous pouvez recommencer.

+-

    M. Mark Corey: Je vais me contenter de vous faire un bref résumé de ce qui a pu être manqué jusqu'ici.

    À la mi-novembre 2001, à l'OMC, tous les membres—y compris les Américains—ont déclaré qu'ils s'engageaient à tenir des négociations complètes. Ils cherchaient à améliorer sensiblement l'accès aux marchés, à réduire toutes les formes de subventions aux exportations en vue de leur élimination et à réduire substantiellement les mesures de soutien intérieur ayant des effets de distorsion sur les échanges, y compris aux États-Unis.

    Mais le U.S. Farm Bill déposé au printemps 2002 ne reflétait aucun de ces engagements. L'ampleur même des subventions envisagées contraste nettement avec les lois agricoles antérieures. Nous étions ici récemment pour vous parler de l'inscription du pays d'origine sur les étiquettes et des répercussions de cette partie du Farm Bill. L'introduction de nouvelles subventions est, encore une fois, très préoccupante pour nous.

    Le 10 avril, au moment où le Sénat et la Chambre ont entamé le processus de conciliation du Farm Bill, le ministre Vanclief a prononcé, à l'occasion d'une importante conférence sur les politiques aux États-Unis, un discours dans lequel il faisait la mise en garde suivante:

Doha représente une étape importante pour ceux qui préconisent une meilleure compréhension et une meilleure coopération à l'échelle internationale, et une libéralisation du commerce entre les pays. Mais le message que nous voulons vous transmettre ici aujourd'hui, à Washington, est que, dans leur forme actuelle, les dispositions du Farm Bill risquent de nous faire régresser.

    Il a dit aussi:

Dans le contexte actuel de mondialisation du marché, il n'est pas possible de travailler en vase clos. Les mesures prises par un pays se répercutent sur l'ensemble du système. Les retombées sont d'autant plus grandes en raison des liens économiques étroits qui existent entre nos deux pays—d'autant plus que votre pays sert de point de repère pour l'établissement des prix mondiaux des denrées agricoles.

    Bref, c'est depuis le tout début que le gouvernement du Canada demande aux Américains de prêcher par l'exemple, et il continuera de le faire.

    L'énoncé initial de la politique américaine, Food and Agriculture Policy: Taking Stock for the New Century, condamne explicitement les subventions agricoles, et je cite :

Même l'intervention gouvernementale la plus minutieusement orchestrée cause une distorsion des marchés et fausse l'affectation des ressources, comporte des conséquences non intentionnelles et répartit inégalement les avantages. Nous ne pouvons nous permettre de toujours réapprendre la même leçon.

    Et, plus loin:

Nous croyons fermement que la politique agricole doit reconnaître que le marché représente le meilleur guide pour l'affectation des ressources et qu'il récompense sans parti pris l'efficacité et la saine gestion.

[Français]

    Des études, dont certaines menées par le ministère américain de l'Agriculture, le USDA, confirment que l'augmentation constante des subventions finit par nuire aux producteurs et que les subventions minent la créativité, l'innovation et l'esprit d'entreprise et encouragent les producteurs à faire des choses qui ne sont pas conformes aux signaux des marchés.

[Traduction]

    Le ministre Vanclief a déjà dit à plusieurs reprises devant votre comité que cette situation encourage les producteurs à moissonner leur boîte aux lettres plutôt que leurs champs, comme il dit, et que c'est ce qui crée le cycle de dépendance que nous constatons aujourd'hui. Et le Farm Bill perpétue cet état de choses aux États-Unis.

    Le Canada a choisi une tout autre approche. Notre Cadre stratégique pour l'agriculture met l'accent sur une stratégie complète visant à fournir à l'industrie les outils dont elle a besoin pour répondre aux besoins des consommateurs mieux que ses concurrents mondiaux. C'est notre objectif. Parce qu'il reconnaît les défis urgents qu'engendrent la concurrence internationale et l'évolution des marchés pour les producteurs canadiens, le gouvernement a élaboré une série de mesures supplémentaires immédiates pour aider l'industrie à s'adapter aux nouveaux programmes du CSA et à en accélérer les retombées positives. Nous avons également travaillé activement, aux États-Unis, à la mise en place d'une stratégie ciblée de promotion de nos intérêts commerciaux qui met clairement l'accent sur les politiques et les intérêts du Canada en matière de commerce dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire et qui introduit ces éléments avec insistance dans le dialogue sur la politique américaine. Nous continuons également à analyser et à recueillir des preuves qui vont nous permettre d'entamer des contestations commerciales.

    À plus long terme, notre objectif, dans le cadre des négociations de l'Organisation mondiale du commerce, est de faire réduire le plafond des subventions pour que nos partenaires commerciaux ne puissent plus jamais offrir une aide atteignant des niveaux aussi importants.

    Monsieur le président, je propose que nous laissions maintenant Michael Keenan vous expliquer un peu plus longuement les dispositions du Farm Bill, après quoi Steve Verheul pourra vous parler des efforts de promotion de nos intérêts commerciaux, des litiges possibles et des négociations à l'OMC.

Á  +-(1115)  

+-

    Le président: Monsieur Keenan, s'il vous plaît.

+-

    M. Michael Keenan (directeur général, Direction de la recherche et de l'analyse, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Bonjour et merci, monsieur le président.

    Quand les gens parlent du Farm Bill, ils font le plus souvent référence aux programmes relatifs aux produits primaires. Mais, en réalité, il s'agit d'un vaste ensemble de dispositions législatives touchant de multiples aspects de la politique américaine en matière d'agriculture, d'environnement et d'alimentation.

    Le Farm Bill représente manifestement un recul dans la mesure où il accroît le soutien accordé à la production des denrées primaires classiques aux États-Unis. En même temps, il comprend également des investissements dans des politiques tournées vers l'avenir, par exemple des programmes de conservation, d'innovation, de nutrition et de bioénergie, qui encouragent—dans ce dernier cas—l'utilisation du maïs pour la production d'éthanol.

    Permettez-moi de vous décrire brièvement deux des principaux changements apportés aux programmes du Farm Bill relatifs aux produits primaires. Le premier concerne le programme dit de « taux de prêt ». Il s'agit de l'élément du Farm Bill qui a le plus grand effet de distorsion sur la production puisque les paiements sont directement liés au niveau de production. Il garantit aux producteurs un prix correspondant au taux de prêt pour chaque boisseau produit, quel que soit le prix du marché. Le Farm Bill a relevé les taux de prêt pour les neuf produits primaires traditionnels, sauf celui du soja, qui a été réduit. Ce qui est particulièrement inquiétant, c'est que le Farm Bill a étendu cette protection à certaines légumineuses. Bien que ses répercussions soient difficiles à prévoir, cette mesure pourrait clairement favoriser une hausse de la production américaine et avoir un effet significatif, compte tenu de la taille relativement restreinte du marché mondial pour ce type de produits comparativement à celui des produits primaires traditionnels.

    Le deuxième changement d'importance apporté aux programmes relatifs aux produits primaires est l'introduction des nouveaux paiements contracycliques. Même si ceux-ci auront fort probablement un effet de distorsion moindre que les taux de prêt, puisqu'ils ne dépendent pas de la production courante, il n'en reste pas moins qu'ils sont liés aux prix courants. Les paiements de ces programmes augmentent ou diminuent selon que les prix fléchissent ou se raffermissent. Le montant total est établi en fonction de la production antérieure. Mais le changement le plus fondamental qu'a apporté le Farm Bill, c'est qu'il a permis aux producteurs d'actualiser leurs superficies et leurs rendements de base pour calculer leur admissibilité aux paiements contracycliques, ce qui laisse augurer des mises à jour futures qui pourraient faire en sorte que certains producteurs soient admissibles plus tard en fonction de leur production actuelle et qui pourraient stimuler dans une certaine mesure la production aux États-Unis.

    Il est clair que le Farm Bill crée de la distorsion, mais ses effets sur les marchés mondiaux dépendent d'un certain nombre de facteurs. Premièrement, les subventions font augmenter les prix et les coûts de location des terres agricoles aux États-Unis, ce qui gonfle les coûts de production. Deuxièmement, le Farm Bill augmente la taille d'un certain nombre de réserves. Par exemple, la superficie des terres visées par le programme de réserves de conservation passera de 36,4 à 39,2 millions d'acres. Il s'agit en fait d'un programme de mise en réserve qui soustraira certaines terres à la production agricole et contrebalancera en partie les effets des subventions plus élevées.

    Enfin, le Farm Bill sera appliqué dans le contexte d'un marché mondial très vaste, et ses effets dépendront des réactions des producteurs des autres pays. La concurrence la plus intense pour les produits en vrac sur les marchés mondiaux vient aujourd'hui, notamment, des pays producteurs ayant des coûts peu élevés, par exemple l'Argentine, où la production d'oléagineux a augmenté de 59 p. 100 dans la deuxième moitié des années 90, et le Brésil, où la production a connu une hausse de 35 p. 100 pendant la même période. Ces pays ont vu leur part du marché mondial augmenter, tandis que celle des États-Unis diminuait. Dans la mesure où le Farm Bill va stimuler la production américaine et abaisser les prix mondiaux, les producteurs des autres pays vont répliquer en réduisant leur production, ce qui atténuera les effets globaux de la loi américaine sur les prix mondiaux.

    Dans l'ensemble, jusqu'ici, les analyses de divers modélisateurs, chercheurs et analystes économiques d'un peu partout dans le monde semblent converger vers la conclusion que le U.S. Farm Bill aura un effet positif modeste sur la production américaine et, par conséquent, un effet négatif modeste sur les prix mondiaux. Cependant, il pourrait avoir plus d'influence sur la production et sur les prix mondiaux si ceux-ci sont plus bas que ce à quoi la plupart des gens s'attendent, parce que ces programmes généreraient plus de paiements et auraient ainsi un effet de distorsion plus prononcé.

    Pour résumer, le Farm Bill est sans conteste une mauvaise politique agricole. Il fausse les marchés, et il fausse la production. Une grande partie des paiements pourraient être capitalisés dans la valeur des terres agricoles et faire grimper les coûts de location pour les producteurs américains. Ce sont les propriétaires fonciers qui en profiteront. Ces propriétaires peuvent être en même temps des agriculteurs, mais il arrive bien souvent que ce ne soit pas le cas. C'est aussi une mauvaise politique parce que la loi axe le soutien sur neuf cultures classiques et qu'elle enferme ainsi le gros des ressources agricoles américaines dans un carcan qui dissuade les producteurs de faire preuve d'innovation et de passer à de nouvelles cultures ou à de nouveaux produits, puisque les programmes faussent fondamentalement leurs décisions personnelles.

Á  +-(1120)  

    Le Farm Bill crée également un précédent tout à fait déplorable pour l'agriculture mondiale, et on peut dire qu'il fait obstacle à la réforme de la politique mondiale, qu'il s'agisse des modifications à moyen terme prévues dans la PAC, à l'Union européenne, ou des positions des participants à la ronde actuelle des négociations de l'OMC. En fait, un certain nombre de pays invoquent le Farm Bill pour résister, publiquement ou en privé, à toute réforme en profondeur, et d'autres souhaitent l'utiliser comme motif pour mettre en place de nouvelles barrières commerciales.

    Steve va maintenant vous parler des activités de promotion du commerce, des éventuels litiges commerciaux et des négociations de l'OMC sur l'agriculture, en ce qui a trait au Farm Bill.

+-

    Le président: Monsieur Verheul.

+-

    M. Steve Verheul (négociateur principal en agriculture, Direction des politiques de commerce international, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Merci.

    Il ne fait pas de doute que le secteur agroalimentaire canadien a subi des pressions croissantes sur la scène internationale au cours des dernières années. Nos politiques ont été contestées, et nous avons dû composer avec les politiques de nos partenaires commerciaux.

    Le Farm Bill américain, en particulier, constitue un pas très inquiétant dans la mauvaise direction, et il aura un effet négatif sur la possibilité, pour le Canada, d'affronter la concurrence dans des conditions équitables sur les marchés agricoles mondiaux. Nous travaillons activement à trouver des moyens de contrer les répercussions néfastes du Farm Bill et, notamment, nous préparons des dossiers en vue de contestations commerciales éventuelles. Certains intervenants du secteur agroalimentaire pressent le gouvernement de prendre des mesures commerciales agressives ou offensives en leur nom.

    Nous sommes pleinement conscients des défis qu'ont dû surmonter nos agriculteurs. Il est nécessaire que les règles du jeu internationales soient uniformisées pour permettre à nos producteurs et à nos transformateurs d'affronter la concurrence sur le marché mondial. Il faut aussi qu'ils puissent compter sur un système d'échanges mondial fondé sur des règles établies par des accords multilatéraux pour éviter que ce ne soit la loi du plus fort qui détermine l'environnement dans lequel ils font des affaires.

    Comme Mark l'a mentionné, nous défendons activement les intérêts du Canada au moyen d'un certain nombre d'activités à court, à moyen et à plus long terme.

    À court terme, le Canada met tout en oeuvre pour que notre opposition aux dispositions du Farm Bill au sujet de l'inscription du pays d'origine sur les étiquettes soit bien connue au sud de la frontière. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral, de concert avec l'industrie et les provinces, continue d'axer ses efforts sur des activités de défense de nos intérêts de manière à présenter les meilleurs arguments possibles en faveur du retrait de ces dispositions par le Congrès. Ses efforts semblent d'ailleurs commencer à porter fruit. Les gens sont de plus en plus conscients et mécontents des conséquences imprévues de l'inscription du pays d'origine sur les étiquettes. Nous avons clairement fait savoir que le Canada envisagera concrètement la possibilité de recourir à une contestation commerciale si ces dispositions deviennent obligatoires.

    Nous avons entrepris toute une série d'activités de défense de nos intérêts afin de manifester activement notre opposition à ces mesures touchant l'inscription du pays d'origine sur les étiquettes et, de façon plus générale, à d'autres mesures préoccupantes prévues dans le Farm Bill. M. Vanclief a rentré son homologue américain, la secrétaire Veneman, à plusieurs reprises pour exprimer ses préoccupations au sujet de la loi agricole américaine. De son côté, le ministre Pettigrew a rencontré à diverses reprises le représentant au commerce des États-Unis, Robert Zoellick, pour lui faire part de ses doléances. Et le premier ministre a rencontré le président Bush pour discuter du Farm Bill et, plus particulièrement, de l'inscription du pays d'origine sur les étiquettes.

    Nous avons également eu un certain nombre de rencontres au niveau des fonctionnaires. Nous avons tenu des rencontres trinationales à Nogales, en Arizona, de même que d'autres rencontres à divers autres endroits, notamment à Chicago. Et notre ambassade à Washington s'est opposée très efficacement à diverses mesures contenues dans le Farm Bill.

    L'an dernier, le Canada a orchestré les efforts de certains autres pays, dont de nombreux membres du groupe de Cairns, qui s'opposaient à l'orientation de la loi agricole américaine et aux politiques qui y sont énoncées. Nous l'avons fait en particulier à l'occasion des réunions du Sommet mondial de l'alimentation.

    Nous sommes également intervenus dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Les réunions ordinaires du comité de l'agriculture de l'OMC continuent de nous fournir une tribune utile pour remettre en question tant les politiques commerciales que les niveaux de soutien d'autres pays comme les États-Unis. Le Canada a aussi dirigé une action collective de plusieurs pays pour contester vivement divers aspects du Farm Bill américain lors d'un certain nombre de réunions ordinaires du comité de l'agriculture de l'OMC l'an dernier.

    Le gouvernement continue en outre d'évaluer quel serait le moment propice pour contester les niveaux de dépenses des États-Unis dans le cadre du Farm Bill et comment les arguments pourraient être structurés.

    Les fonctionnaires continueront, en étroite collaboration avec les intervenants intéressés, à réunir des arguments en vue de contestations qui pourraient être présentées à court terme et à préparer le terrain pour d'autres plaintes, afin que nous soyons prêts à aller de l'avant au moment opportun.

    Si les négociations de l'OMC sur l'agriculture devaient aboutir à une impasse cet automne après la conférence ministérielle de Cancun, il est probable qu'un certain nombre de pays chercheraient à monter des contestations commerciales pour défendre leurs intérêts, et nous voulons être prêts à faire de même.

    En même temps, nous ne ménageons aucun effort pour que les négociations de l'OMC sur l'agriculture débouchent sur des résultats tangibles. Ces négociations offrent le meilleur potentiel de gains véritables pour nos producteurs, non seulement par l'interdiction des subventions à l'exportation, l'élimination ou la réduction substantielle des subventions qui faussent les échanges et une nette amélioration de l'accès aux marchés pour tous les produits agroalimentaires, mais aussi par l'élaboration de nouvelles règles qui profiteraient à nos producteurs et qui interdiraient clairement, à long terme, les pratiques des pays comme les États-Unis. Le Canada travaille aussi de façon stratégique avec une foule d'autre pays, y compris des pays en développement, pour promouvoir ses intérêts dans tous les dossiers faisant l'objet de négociations.

    Pour conclure, le Canada va continuer de se servir de tous les moyens dont il dispose, y compris des mesures prévues dans le Cadre stratégique pour l'agriculture, des efforts de promotion que nous poursuivons, des contestations commerciales que nous serons prêts à entreprendre et des négociations de l'OMC sur l'agriculture, pour défendre et promouvoir les intérêts du Canada dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

Á  +-(1125)  

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci beaucoup de vos présentations—de vos bonnes présentations. Je suis sûr qu'elles susciteront une foule de questions.

    Nous allons commencer par M. Hilstrom, pour sept minutes.

+-

    M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne): Merci.

    Bienvenue, messieurs.

    Le ministre Vanclief a dit très clairement que l'accès aux marchés et la réduction des barrières tarifaires étaient les principaux objectifs du Canada pour la nouvelle ronde de négociations. Est-ce vrai?

+-

    M. Steve Verheul: Oui, c'est vrai.

+-

    M. Howard Hilstrom: J'en suis ravi, parce que c'est extrêmement important. Nous sommes un pays commerçant.

    Pensez-vous que le Canada est suffisamment irréprochable, dans sa politique intérieure et sa politique internationale et dans son Cadre stratégique pour l'agriculture, pour pouvoir réclamer en toute légitimité que les États-Unis fassent le ménage chez eux sans risquer qu'ils nous demandent de faire la même chose?

+-

    M. Steve Verheul: En fait, je pense que nous sommes très bien placés pour ce genre de discussion. Le Farm Bill américain est considéré dans le monde entier comme une mesure très régressive. J'ai l'impression que les Américains ont été surpris des réactions qu'il a suscitées.

+-

    M. Howard Hilstrom: Dans notre Cadre stratégique pour l'agriculture, le plan quinquennal en place ne mentionne pas de soutien pour les trois piliers de la gestion de l'offre. Est-ce vrai ou non?

+-

    M. Steve Verheul: Le Cadre stratégique pour l'agriculture fait clairement mention du soutien à la gestion de l'offre.

+-

    M. Howard Hilstrom: Oui, et il précise que ces trois piliers de l'accès aux marchés seront maintenus. C'est un engagement clair et précis qui se retrouve dans le Cadre stratégique pour l'agriculture. C'est là, et ce n'est pas négociable à l'OMC. C'est bien notre position, n'est-ce pas?

+-

    M. Steve Verheul: Si je comprends bien, le ministère travaille de concert avec les groupes de gestion de l'offre pour en arriver à une entente sur le texte exact qui devrait figurer dans le Cadre stratégique pour l'agriculture.

+-

    M. Howard Hilstrom: Est-ce que c'est négociable ou non, Michael?

+-

    Le président: Merci, monsieur Hilstrom. M. Keenan pourrait répondre. Je pense qu'il veut répondre à votre question.

+-

    M. Michael Keenan: Monsieur le président, je voudrais apporter un complément d'information. Il me semble que le chapitre 17 de l'accord-cadre sur le Cadre stratégique pour l'agriculture dit—je le cite de mémoire, mais nous pourrions fournir le texte exact au comité—que les gouvernements reconnaissent que les programmes de gestion de l'offre sont des programmes de gestion du risque. En un sens, ils reconnaissent ainsi explicitement la gestion de l'offre dans l'accord-cadre. Il y a eu des discussions au sujet d'une mention à cet égard dans les accords bilatéraux en négociation avec les provinces.

+-

    M. Howard Hilstrom: La gestion de l'offre va faire partie du nouveau programme du CSRN, n'est-ce pas? Ce sera accessible à titre de mesure de gestion du risque. C'est vrai, je vous assure. Pourquoi la gestion de l'offre serait-elle incluse dans le nouveau CSRN si elle doit en réalité demeurer telle quelle?

+-

    M. Michael Keenan: Vous faites allusion à des questions tout à fait fondamentales qui se rattachent à des détails très spécifiques et très importants du CSA, à sa mise en oeuvre et à la gestion du risque. Je pense que le ministre, qui doit comparaître devant votre comité le 13 mai, il me semble, serait mieux placé pour répondre à beaucoup de ces questions.

+-

    M. Howard Hilstrom: Mais vous reconnaissez que la gestion de l'offre fait augmenter le prix des terres? Bien sûr, les prix de quota sont un élément important de la gestion de l'offre. Êtes-vous prêt à dire que le programme de couverture végétale qui est prévu dans le Cadre stratégique pour l'agriculture, et qui va faire en sorte que tout le sud de la Saskatchewan va être transformé en pâturages et utilisé pour la production de fourrage et l'élevage de bovins...? Êtes-vous prêt à reconnaître que cela va fausser la production intérieure et avoir aussi des effets de distorsion sur les marchés mondiaux?

Á  +-(1130)  

+-

    M. Michael Keenan: Monsieur le président, je pense que nous avons là le noeud d'une question fondamentale, à savoir la mesure dans laquelle les politiques prévues dans le CSA vont fausser les décisions du marché, comparativement en particulier au Farm Bill américain, dont il est question aujourd'hui.

    Voici ce que je fais pour replacer cette question dans son contexte. Il y a aujourd'hui une divergence entre la politique agricole des États-Unis et celle du Canada. Il y avait une certaine convergence au milieu des années 90, puisque les Américains appliquaient une politique ayant moins d'effet de distorsion et que nous mettions en oeuvre, de notre côté, des réformes qui avaient aussi moins d'effet de distorsion. Avec le CSA, le Canada continue à se rapprocher de programmes de gestion du risque et d'autres programmes complémentaires qui s'appliquent à l'ensemble de l'activité agricole, qui mettent davantage l'accent sur la stabilisation et qui ont moins d'effet de distorsion. C'est une tendance qui existe depuis un certain nombre d'années, et c'est un autre progrès important en comparaison…

+-

    M. Howard Hilstrom: Je suis désolé de vous interrompre, mais je n'ai pas beaucoup de temps.

    Comment la gestion de l'offre favorise-t-elle le commerce international et l'accès aux marchés, non seulement dans notre pays mais dans d'autres également? D'autres pays ont leur façon d'empêcher nos produits laitiers d'entrer chez eux. Mais comment la position du Canada s'inscrit-elle au niveau mondial, pour ce qui est de faciliter l'accès aux marchés et d'abaisser les barrières tarifaires, si nous maintenons exactement cette position?

+-

    M. Michael Keenan: Monsieur le président, je voulais parler des éléments de la politique du CSA auxquels des changements ont été apportés. Il n'y a pas de grand changement en ce qui a trait à la gestion de l'offre comme telle. Il y a cependant des changements majeurs apportés à l'ensemble des programmes de gestion du risque. Ces changements vont nous orienter de plus en plus vers une approche visant l'ensemble des activités de la ferme plutôt que certains produits en particulier, une approche qui aura moins d'effet de distorsion et qui contribuera à permettre aux producteurs canadiens de prendre des décisions fondées véritablement sur le marché, de diversifier leurs activités en fonction des conditions du marché.

    La comparaison avec ce qui se passe aux États-Unis est éloquente. Le Farm Bill va dans la direction opposée. En augmentant les taux de prêt pour les neuf cultures classiques visées par le programme et en étendant cette protection à de nouvelles cultures, la loi américaine est en un sens un retour en arrière, qui entraînera plus de distorsion fondée sur les produits dans les décisions que prendront les producteurs au sud de la frontière.

    Je pense que cela résume bien la comparaison et le contraste entre les orientations des programmes de gestion du risque au Canada et aux États-Unis.

+-

    M. Howard Hilstrom: Il y a pas mal de domaines dans lesquels le Canada doit faire son propre ménage.

    Prenons un autre exemple. Nous restreignons pendant toute l'année les exportations américaines de bovins d'engraissement vers la Saskatchewan et l'Alberta. Les Américains sont vraiment furieux. Il n'y a pas de raison. Le président de la Canadian Cattlemen's Association, Neil Jahnke, a affirmé qu'il n'y avait absolument aucune raison—fédérale, sanitaire ou autre—qui nous empêche d'importer des bovins à l'année. Encore une fois, le Canada n'a pas les mains très propres dans les négociations commerciales internationales et il cherche à miser sur tous les tableaux.

    Pouvez-vous commenter le fait que nous restreignons l'entrée des bovins américains au Canada et que cela nuit à nos relations commerciales avec les États-Unis?

+-

    M. Michael Keenan: Pour ce qui est de votre question en tant que telle, je pense que vous devriez la poser aux fonctionnaires de l'ACIA parce que cela se rattache à des questions sanitaires et phytosanitaires auxquelles seule l'ACIA peut répondre.

    Mais je pense que vous soulevez là une question très intéressante, qui se rapporte au travail que nous faisons aux États-Unis pour défendre nos intérêts. Nous avons réussi à ouvrir les yeux de quelques personnes au sud de la frontière en démontrant aux Américains à quel point la chaîne de valeur agroalimentaire, ou la chaîne de production agroalimentaire, est de plus en plus intégrée. Même s'il y a certains problèmes, comme l'a indiqué le député, il y a des bovins d'engraissement dans le nord-ouest. Des bovins d'engraissement visés par le programme entrent au Canada à certaines périodes de l'année. Le Canada exporte aussi du boeuf aux États-Unis. Les chaînes d'approvisionnement en boeuf, en porc et en autres produits sont de plus en plus intégrées de part et d'autre de la frontière.

    Il y a de plus en plus d'interdépendance, et il est probable que cette dynamique soit un des éléments qui alimentent l'opposition interne, aux États-Unis mêmes, à des choses comme l'inscription du pays d'origine sur les étiquettes parce que cela ne cadre pas avec le concept d'une chaîne alimentaire de plus en plus intégrée de part…

Á  +-(1135)  

+-

    M. Howard Hilstrom: Cela n'aidera toujours pas d'avoir un Cadre stratégique pour l'agriculture qui fera augmenter la production bovine.

+-

    Le président: Monsieur Hilstrom, ce sera tout.

+-

    M. Howard Hilstrom: Merci.

+-

    Le président: J'hésite à intervenir dans la période de questions, mais je pense que nous devrions nous concentrer sur le sujet à l'ordre du jour, surtout ce matin, puisque nos témoins sont venus pour nous éclairer sur la politique agricole américaine, sur le Farm Bill et sur ses effets pour le Canada et pour notre commerce. Je comprends que nous ne sommes pas très loin du sujet, mais je pense que nous nous en écartons de temps en temps.

    Essayons de faire porter nos questions sur le sujet à l'ordre du jour de ce matin, pour que nous puissions tous sortir de la séance avec une meilleure compréhension de la question.

    Monsieur Plamondon, vous avez sept minutes.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais vous parler de la production laitière américaine et avoir quelques éclaircissements. Je sais que les producteurs laitiers américains sont aux prises avec une espèce de dépression prolongée des prix. Ils payaient 15 $ le quintal en 2001, et ils paient maintenant environ 11 $.

    Pourriez-vous me dire quels sont les principaux programmes de soutien à la production laitière aux États-Unis actuellement, et de quelle manière la nouvelle loi va toucher l'industrie laitière américaine?

[Traduction]

+-

    M. Michael Keenan: Monsieur le président, je pourrais commencer à répondre, après quoi M. Verheul voudra peut-être ajouter quelque chose.

    Un des principaux changements apportés à la politique laitière, dans le U.S. Farm Bill, c'est l'introduction de paiements compensatoires pour le lait au niveau des producteurs. Cela fonctionne à peu près de la même manière que les programmes de taux de prêt, en ce sens qu'il y a un prix de référence—la classe numéro 2 Boston, si je ne me trompe pas—et que les producteurs laitiers reçoivent des paiements compensatoires quand les prix du marché tombent en deçà de ce prix de référence.

    Il y a des limites fixées pour ces paiements, en ce qui concerne le montant total que peut recevoir une même ferme laitière. D'après les analyses effectuées à divers endroits, ce programme devrait entraîner le versement de paiements à des producteurs pendant toute la période d'application du Farm Bill et il devrait avoir sur la production un effet stimulant que je qualifierais de modeste, puisque le programme fonctionne comme un programme de taux de prêt. Les producteurs laitiers sont assurés de recevoir le prix de référence, et cela entraînera des pressions à la baisse sur les prix du marché pour le lait aux États-Unis.

    En même temps, le Farm Bill contient—et Steve voudra peut-être vous en parler plus longuement—des mesures qui maintiendront en place le programme d'encouragement à l'exportation laitière pour que les États-Unis puissent continuer à exporter leurs produits laitiers dans les limites établies par l'OMC.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: On dit que les Américains, à cause de l'OMC, ne doivent pas octroyer de subventions de plus de 19,1 milliards de dollars par année pour l'agriculture, mais on dit que la nouvelle loi est plus généreuse envers les agriculteurs. Si les prix mondiaux des produits de base sont relativement bas et que les subventions aux agriculteurs deviennent très généreuses, si l'on dépassait le montant de 19,1 milliards de dollars, est-ce qu'il est prévu dans la loi que les agriculteurs devraient faire des remboursements à la fin de l'année pour répondre aux critères de l'OMC, puisqu'on aurait dépassé le montant de 19,1 milliards de dollars?

[Traduction]

+-

    M. Steve Verheul: En effet, les États-Unis sont assujettis à une limite de 19,1 milliards de dollars en ce qui concerne le montant global de leurs subventions à l'agriculture. Avec les nouveaux programmes prévus dans le Farm Bill, les premières estimations étaient qu'ils atteindraient presque cette limite et qu'ils iraient peut-être même au-delà. Depuis, comme les prix ont été un peu plus élevés que prévu, et les montants versés, légèrement moins élevés, ils ne risquent pas de s'approcher de ce niveau dans l'immédiat. Si les prix baissent, vous avez tout à fait raison de dire qu'ils pourraient s'approcher beaucoup plus de cette limite. Nous allons surveiller la situation de très près.

    Le Farm Bill contient cependant une disposition selon laquelle, s'il semble que la limite risque d'être dépassée, le secrétaire américain à l'Agriculture peut réduire certaines dépenses pour garantir le respect de la limite établie.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: Est-ce que le Canada ou un organisme international est en mesure de vérifier qu'on ne dépasse pas cette limite pour les subventions? On sait que les Américains sont les magiciens de la subvention déguisée par toutes sortes de moyens, par l'armée ou par la bande, comme on dit dans le domaine du hockey. Ils font des tours de passe-passe qu'on ne voit pas. Contrairement aux Canadiens, qui annoncent officiellement tous les programmes, les Américains agissent souvent de façon cachée et détournée. Est-ce qu'on a un système de contrôle ou un système international pour s'assurer que le Farm Bill ne fera pas en sorte qu'ils dépassent le montant de 19,1 milliards de dollars? Si ce n'est pas le cas, ils vont peut-être le dépasser et il n'y aura aucun moyen de vérifier pour pouvoir faire des contestations.

Á  +-(1140)  

[Traduction]

+-

    M. Steve Verheul: Il n'y a pas d'organisme officiel chargé d'examiner de façon indépendante les situations de ce genre. Ce qui se passe, c'est que les pays analysent toutes les données qu'ils peuvent trouver pour tenter de déterminer si les États-Unis respectent leur engagement. Pour certains programmes spécifiques, nous pourrions avoir des doutes sur le fait qu'ils sont déclarés ou non, et ce sont là certaines des questions que nous commençons à examiner pour voir s'il y aurait lieu de lancer des contestations plus tard.

    Nous avons des doutes, en particulier, au sujet des activités déclarées en matière d'irrigation, par exemple; la façon dont certains de leurs programmes sont déclarés est une question qui nous préoccupe. Ils peuvent les présenter comme des programmes verts, ce qui n'est pas nécessairement le cas à notre avis. C'est pourquoi le Canada, avec un certain nombre d'autres pays, examine très attentivement tous ces aspects de la politique intérieure américaine.

    Le Brésil a déjà entamé une action au sujet du coton et des divers avantages dont bénéficient les producteurs de coton aux États-Unis. Nous travaillons à ce dossier avec le Brésil pour examiner toutes les données disponibles et voir ce que nous pouvons trouver d'autre.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: On dit, par exemple, que toute l'irrigation aux États-Unis passe par le budget de l'armée. Cela aurait été fait pour permettre, en cas d'invasion, de faire une irrigation assez large pour que les tanks puissent passer. On sait que ce n'est pas l'armée qui fait l'irrigation, mais celle-ci fait partie du budget de l'armée. On sait, par exemple, que sur le Mississippi, le transport est fait par l'armée; c'est l'armée qui paie. Donc, ce n'est pas une subvention, car c'est le ministère de la Défense qui s'en occupe. Il y a toutes sortes de trucs comme celui-là.

    Je sais que vous étudiez cela en collaboration avec d'autres pays pour faire des contestations si nécessaire. Mais en ce qui concerne la légalité du Farm Bill dans un contexte de mondialisation, dans un contexte où tous les pays ont déjà un accord à l'OMC qu'on est en train d'essayer d'améliorer, est-ce que des démarches sont faites par nous ou par d'autres pour contester, à une cour internationale ou à un tribunal de l'OMC, la légalité même du fait de déposer un tel projet de loi dans un pays?

[Traduction]

+-

    M. Steve Verheul: C'est exactement ce que nous examinons; nous envisageons la possibilité d'avoir recours aux mécanismes de règlement des différends au sujet de la façon dont les Américains ont classifié leurs programmes et pour savoir s'ils ont déclaré avec exactitude toutes leurs dépenses dans différents domaines. Et d'autres pays examinent eux aussi cette possibilité.

    Nous devons passer par diverses étapes afin de nous assurer que nous avons des preuves suffisantes pour démontrer ce que nous avançons, et nous voulons être certains de choisir le bon moment. Dans certains cas, il est impossible d'invoquer ces mécanismes avant que les mesures ou les dépenses aient eu lieu, ou avant que les États-Unis aient indiqué à l'OMC comment ils classifient leurs programmes. Donc, c'est un dossier que nous suivons de très près avec d'autres pays, et nous commençons à recueillir des arguments en vue d'une éventuelle contestation.

+-

    Le président: Merci, monsieur Verheul.

    Monsieur Eyking, pour sept minutes.

+-

    M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci d'être venus, messieurs.

    En ce qui concerne le U.S. Farm Bill en général, ce que font les Américains a toujours des répercussions importantes pour nous, pas seulement pour nos exportations, mais aussi pour nos importations.

    J'ai quelques questions à poser. La première, c'est que nous nous concentrons souvent sur les céréales et les oléagineux dans les discussions sur le U.S. Farm Bill. Quelqu'un a mentionné l'industrie laitière et la façon dont elle est touchée aux États-Unis. J'aimerais que vous nous parliez un peu plus longuement de cet aspect-là, en ce qui concerne tout particulièrement l'horticulture, ou encore le porc, le poulet et les oeufs. À combien, environ, s'élèvent les subventions sur un boisseau de ces produits, sur une livre ou sur une douzaine d'oeufs? Quels sont les effets sur ces produits? C'est ma première question.

+-

    M. Michael Keenan: Vous voulez parler de l'horticulture, du porc, du poulet et des oeufs?

+-

    M. Mark Eyking: Oui. En termes simples, si on prend un boisseau de pommes de terre, qu'est-ce qui se passe à ce sujet-là dans cette industrie, et aussi dans l'industrie des oeufs, du porc et du poulet?

Á  +-(1145)  

+-

    M. Michael Keenan: En gros, une part extrêmement importante du soutien gouvernemental prévu dans la loi agricole américaine, tant l'ancienne que la nouvelle, se rattache à ce qu'on appelle les neuf cultures visées par le programme, c'est-à-dire les grandes cultures de céréales et d'oléagineux : le blé, le sorgho, l'orge, l'avoine, le soja, et ainsi de suite. Les producteurs d'arachides et de sucre bénéficient aussi d'un soutien considérable, sous forme de gestion de l'offre. C'était une gestion de l'offre américaine. Les Américains ont modifié le programme des arachides et cherchent à mettre fin à la gestion de l'offre dans ce domaine, mais pas pour le sucre.

    De façon générale, les horticulteurs américains reçoivent relativement peu d'aide. Il y a des mesures indirectes et des mesures de soutien systémiques, mais il n'y a pas de grand programme de taux de prêt. Il n'y a pas de prix cible. Il n'y a rien de ce genre dans le secteur horticole. En fait, en un sens, la politique américaine attire les ressources—les terres, les capitaux et la main-d'oeuvre—vers les neuf cultures visées par le programme, et elle fait vraiment grimper la valeur des terres qui servent à ces cultures.

    On pourrait soutenir que cela peut avoir un effet néfaste sur l'agriculture en ce sens que, par exemple, pour les producteurs qui vivent dans une région où les terres peuvent servir soit à l'horticulture, soit à une culture visée par le programme, la forte capitalisation de la valeur des terres servant aux cultures visées par le programme risque en fait de nuire aux producteurs horticoles. Encore là, tout dépend de l'endroit, selon que vous vivez ou non dans une région où il est possible de faire les deux et selon qu'il y a ou non un programme en vigueur.

    Je dois dire qu'il y a, en vertu du Farm Bill, un petit programme qui a fourni un peu d'aide aux producteurs de pommes. Et je pense qu'il y aussi eu des taux de prêt dans le cas du miel. Il y a donc de l'aide dans quelques secteurs restreints. C'est souvent pour uniformiser les règles du jeu à l'intérieur des États-Unis parce qu'il y a des échanges et des compensations entre groupes de producteurs.

    Dans l'industrie du porc, le niveau total des subventions demeure relativement bas. Le Farm Bill contient un certain nombre de mesures de conservation. En fait, quand on regarde l'ensemble des dépenses, il y a énormément d'argent consacré aux produits primaires. Le programme de nutrition et de coupons alimentaires représente plus de la moitié du Farm Bill. La moitié des 271 milliards versés sur six ans est allée aux coupons alimentaires, mais après les programmes de coupons alimentaires et de produits primaires, le gros des dépenses est allé aux mesures de conservation.

    Il y a un certain nombre de mesures qui se rattachent aux questions de conservation, de planification agricole et de modification des pratiques d'élevage, y compris chez les producteurs de porc. Il y a donc des mesures de conservation qui touchent directement l'industrie du porc. Le niveau de base de l'aide consentie aux producteurs de porc aux États-Unis est, encore une fois, relativement faible. Les niveaux sont généralement plus élevés pour les cultures céréalières traditionnelles et pour quelques programmes de gestion de l'offre... Mais les niveaux d'appui sont relativement faibles pour l'horticulture et l'élevage.

+-

    M. Mark Eyking: Donc, le gros des subventions dont bénéficient ces éleveurs, par exemple les producteurs de porc, de poulet et d'oeufs, ce sont les subventions accordées pour la production de leurs intrants comme le grain et les autres produits de ce genre. Cela abaisse le prix de ces autres produits. En théorie, si vous aviez à la fois une grande production d'oeufs et une grande exploitation céréalière, vous bénéficieriez de subventions pour les facteurs de production de... Je suppose que ce sont des subventions indirectes.

+-

    M. Michael Keenan: C'est tout à fait vrai. En un sens, si vous subventionnez la production de l'industrie céréalière, qui est un intrant pour les éleveurs, par exemple, vous réduisez en définitive le coût de production. Mais quant à savoir si cela représente ou non un avantage concurrentiel pour les éleveurs américains, cela dépend de quelques facteurs plus généraux. Il y a notamment le fait que tout le débat sur les distorsions qu'entraîne le Farm Bill porte sur la mesure dans laquelle la politique céréalière américaine abaisse les prix mondiaux du blé, par exemple, ou du maïs ou d'autre chose. Comme le marché est mondial, les subventions aux producteurs céréaliers font baisser les prix des céréales aux États-Unis, mais aussi dans le monde entier. Donc, les éleveurs canadiens, australiens et argentins en profitent eux aussi en même temps.

    La deuxième chose, c'est que les producteurs de porc n'occupent pas de très grandes superficies, mais il y a une question intéressante qui se pose dans le cas des producteurs de boeuf, à savoir dans quelle mesure la capitalisation des terres agricoles fait grimper les prix de location des pâturages. Tout dépend encore là de l'endroit où on se trouve et de ce qui se passe exactement, mais d'après l'information que j'ai recueillie en parlant à certains analystes qui consacrent énormément de temps à cette question, il y a des endroits aux États-Unis où des producteurs de boeuf sont obligés de payer plus cher pour louer des pâturages à cause des subventions versées aux producteurs de blé ou de soja.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Mark Eyking: Merci.

    Ma prochaine question porte sur les négociations de l'OMC qui auront lieu à Cancun, au Mexique, à l'automne. Je pense que c'est là qu'elles auront lieu. Est-ce que l'agriculture est à l'ordre du jour? Et comment prévoyez-vous que les choses vont se passer? Est-ce que le Farm Bill fera partie des priorités de bien des pays exportateurs de produits agricoles? Ou pensez-vous qu'on mettra plutôt l'accent sur l'Europe et le Canada, et sur les programmes qui y sont offerts? Comment pensez-vous que les choses vont se dérouler cet automne?

+-

    M. Steve Verheul: L'agriculture sera probablement le principal point à l'ordre du jour des négociations de Cancun. C'est une question primordiale pour la plupart des membres de l'OMC, en particulier les pays en développement et les pays comme le Canada, qui sont membres du groupe de Cairns. Ce sera un élément extrêmement important de l'ordre du jour.

    Je pense que la plupart des pays en développement, de même que le Canada et certains autres pays, vont se concentrer surtout sur les dépenses considérables aux États-Unis et dans les pays de l'Union européenne. Le principal objectif est de faire baisser ces dépenses pour que les autres pays puissent soutenir la concurrence de façon plus équitable sur les marchés internationaux.

+-

    M. Mark Eyking: Vous voulez parler de pays comme l'Argentine et la Nouvelle-Zélande. Ils vont contester surtout les subventions américaines et européennes. Pensez-vous que les offices de commercialisation et les autres mesures dont nous et certains autres pays disposons seront en haut de la liste des priorités?

+-

    M. Steve Verheul: Pour ce qui est des subventions intérieures, l'accent est mis surtout sur les dépenses directes des Américains et des Européens. Nous travaillons en étroite collaboration avec des pays comme la Nouvelle-Zélande et l'Australie, par exemple, pour mettre ces questions en évidence.

    En ce qui concerne les produits qui font l'objet de mesures de gestion de l'offre au Canada, il y aura des pressions. Certains autres pays veulent un meilleur accès à nos marchés. Notre position, c'est que nous sommes prêts à leur accorder cet accès à des niveaux comparables.

+-

    Le président: Merci, monsieur Eyking.

    Nous passons maintenant à M. Casson, pour cinq minutes.

+-

    M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    Je pense que nous savons tous ce qu'il y a dans cette loi et le tort qu'elle peut faire. Vous avez fait quelques commentaires, Steve. Vous avez parlé de changements dans les mécanismes de règlement des différends. Il me semble que c'est ce que vous avez dit. Vous avez dit aussi que cette loi aurait des effets modestes sur les prix et sur la production. Je ne vois pas comment c'est possible. Je pense qu'il y aura plus que des changements modestes.

    Une des possibilités que nous avons envisagées ces dernières années, c'est un mécanisme de règlement rapide des différends. Quand il se passe des choses entre nous et les États-Unis, que ce soit attribuable à la politique de l'un ou de l'autre côté, il nous faut un mécanisme qui permette de nous attaquer rapidement au problème, de réunir les parties et de trouver très vite une solution quelconque afin d'éviter que la situation dégénère en conflit commercial en bonne et due forme. Je voudrais simplement savoir s'il y a quelque chose qui se prépare. Je pense que M. Speller en a parlé dans un rapport qu'il a préparé, ce qui était très bien de sa part.

    Deuxièmement, j'aimerais savoir si le programme tout entier serait remis en question dans l'éventualité où les États-Unis dépasseraient la limite prévue par l'OMC, ou s'il s'agirait simplement de récupérer les montants payés en trop?

+-

    M. Steve Verheul: Pour répondre à votre première question, sur la mise en place d'un moyen permettant de régler rapidement les différends, il y a un certain nombre de mécanismes en place, dont un qui a été créé ces dernières années. C'est ce qu'on appelle le Comité consultatif sur l'agriculture, que nous partageons avec les Américains. Nous travaillons ainsi en comité pour essayer de tuer dans l'oeuf les différends qui pourraient surgir. C'est une approche qui a été relativement efficace dans un certain nombre de dossiers.

    Mais quand on a affaire à quelque chose de beaucoup plus gros, comme le Farm Bill, il faut automatiquement une approche beaucoup plus juridique et judiciaire. En élaborant leur loi, les Américains ont pris un certain nombre de mesures pour essayer de la protéger contre d'éventuelles contestations. Il ne sera donc pas facile d'intenter une action contre eux et d'en arriver rapidement à un règlement. Il faut du temps pour recueillir toutes les preuves nécessaires. Il faut du temps pour rassembler tous les arguments utiles. C'est le genre de travail auquel nous nous livrons en ce moment.

    Que ce soit dans le cadre de l'ALENA ou de l'OMC, il faudra au moins six à neuf mois pour régler un différend, sans compter le temps nécessaire à la préparation préalable. Il est difficile de s'en sortir, dans une action de ce genre, quand on essaie de prouver que le pays visé n'a pas respecté ses engagements.

    D'un autre côté, si les États-Unis excèdent effectivement la limite, nous ferions valoir tout d'abord qu'ils ont excédé la limite et nous demanderions pourquoi ils l'ont fait pour les programmes précis pour lesquels la limite a été dépassée. Si nous intentions une action et que nous avions gain de cause, l'OMC ordonnerait aux Américains de respecter leurs engagements, ce qui signifie qu'ils devraient ramener leurs dépenses au niveau prévu et qu'ils pourraient également devoir modifier leurs programmes pour s'assurer que ceux-ci seraient conformes à leurs engagements.

Á  +-(1155)  

+-

    M. Rick Casson: Est-ce qu'il me reste du temps, monsieur le président?

+-

    Le président: Oui.

+-

    M. Rick Casson: Monsieur Keenan, j'aimerais que vous nous parliez un peu de vos recherches. Avez-vous analysé précisément les effets que pourrait avoir l'application obligatoire des dispositions du Farm Bill au sujet de l'inscription du pays d'origine sur les étiquettes pour les éleveurs de boeuf de notre pays, par exemple? Il y a eu des rumeurs selon lesquelles les Américains voulaient soustraire les matières premières canadiennes à l'application de cette loi pour qu'elles soient considérés comme des produits américains. Si certaines de ces choses se produisent, cela pourrait avoir un effet désastreux.

    Je voudrais simplement savoir quel genre de chiffres vous envisagez si cette disposition est mise en oeuvre. Je veux parler de la disposition concernant l'inscription du pays d'origine sur les étiquettes.

+-

    M. Michael Keenan: Monsieur le président, c'est une question tout à fait fondamentale. Je vais y répondre en trois parties.

    Premièrement, au sujet de ces rumeurs, la secrétaire Veneman a fait circuler à un moment donné l'idée selon laquelle l'Amérique du Nord pourrait être considérée comme un pays pour l'inscription du pays d'origine, et elle a été vivement critiquée dans certains milieux. Les gens de l'AMS, au USDA, ont essayé de voir comment cette disposition pourrait être appliquée parce qu'ils trouvent tout cela très compliqué.

    La question des effets de cette disposition est primordiale. C'est une question très complexe, pour deux raisons. La première, c'est que les règles exactes pour l'application obligatoire de cette disposition sont encore provisoires. Le USDA tient actuellement des consultations et refuse de décrire exactement quelles seront les exigences en matière d'étiquetage et quel sera le traitement requis. Ces détails sont très importants, pour la deuxième raison.

    Cette deuxième raison, c'est que nous avons une chaîne alimentaire hautement intégrée, particulièrement pour le boeuf et le porc, entre le Canada et les États-Unis. Les effets sur le Canada dépendront de la façon dont les exigences relatives à l'inscription du pays d'origine sur les étiquettes s'appliqueront à l'ensemble de la chaîne de valeur. Il y a beaucoup d'incertitude parce que les détails ne sont pas arrêtés.

    L'autre chose, c'est que les gens commencent tout juste à saisir toute l'ampleur des conséquences imprévues de l'inscription du pays d'origine sur les étiquettes. Nous avons travaillé avec le consortium de la table ronde de Sparks, aux États-Unis, pour essayer de comprendre. Le consortium a publié récemment un rapport au sujet des coûts des transactions aux diverses étapes, pour l'inscription du pays d'origine sur les étiquettes, parce que ces coûts vont déterminer dans une large mesure comment les différents intervenants vont réagir et quelles décisions ils vont prendre quant à savoir s'ils vont continuer ou non à importer des produits canadiens.

    La principale constatation au sujet des coûts totaux de ces transactions—le USDA a été critiqué pour avoir cité un montant de 2 milliards de dollars à cet égard—, c'est qu'ils s'élèvent en fait à 5 milliards de dollars. Et certains problèmes ont été soulevés en particulier. Dans l'industrie du porc, par exemple, les producteurs indépendants devraient assumer un fardeau très lourd en raison de ces coûts. Cela accélérerait probablement le transfert vers une production porcine intégrée aux États-Unis, ce qui est évidemment une autre des conséquences imprévues de la loi parce qu'il y a beaucoup de petits producteurs de boeuf et de porc qui s'étaient faits les champions de mesures législatives de ce genre.

    Nous prévoyons qu'il y aura des changements dans la chaîne de valeur entre le Canada et les États-Unis. Nous ne savons pas encore exactement... Il y aura sûrement des perturbations à court terme, du moins pour les bovins. À plus long terme, nous essayons toujours—comme tous les autres analystes du marché nord-américain—de déterminer ce qui va se passer. Certains analystes sont d'avis que les chaînes de valeur, les chaînes de production, vont se démêler. La chaîne de valeur va coûter plus cher aux États-Unis. Son coût pourrait baisser au Canada simplement parce que nous n'aurons pas à assumer les mêmes coûts pour les transactions.

    Nous commençons à examiner comment cela va se passer, et il y a une foule de gens qui cherchent à comprendre la situation à cause de la grande complexité des chaînes de production nord-américaines de boeuf et de porc.

+-

    Le président: Merci, monsieur Keenan.

    Monsieur Plamondon, pour cinq minutes.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: J'aimerais obtenir une petite clarification sur ce qu'a répondu Steve à notre ami Mark au sujet des négociations.

    En ce qui concerne la gestion de l'offre, sa réponse d'aujourd'hui m'a semblé moins ferme et moins claire que celle de mardi. Si j'ai bien compris, vous avez dit que les autres pays demanderaient aussi des concessions au Canada et que nous allions essayer de trouver des solutions, mais sans trop toucher à la gestion de l'offre.

    Or, avant-hier, vous avez dit que le négociateur avait un mandat clair du ministre et que ce dernier avait déclaré à la Chambre avec beaucoup de fermeté qu'il ne toucherait jamais à la gestion de l'offre, que ce que nous avons était un acquis et qu'il n'était pas question de négocier cela.  

    Il m'a semblé que votre réponse était différente aujourd'hui. Pourriez-vous clarifier cela, s'il vous plaît?

  +-(1200)  

[Traduction]

+-

    M. Steve Verheul: Certainement, je me ferai un plaisir de clarifier cela.

    Ce que j'ai voulu dire dans ma réponse à votre collègue, c'est que les Américains et d'autres disent qu'ils veulent avoir accès plus facilement à d'autres marchés, y compris au nôtre, pour leurs produits laitiers, leurs poulets, leurs dindes et leurs oeufs. À l'heure actuelle, le marché des produits laitiers est plus facilement accessible ici qu'aux États-Unis. Nous sommes prêts à consentir un accès à notre marché pour au moins 5 p. 100 de notre consommation intérieure. Mais nous nous attendons à ce que les autres pays fassent exactement la même chose, dans la même proportion.

    Une partie du grave problème que nous avons hérité de la dernière ronde, c'est que les règles du jeu n'étaient pas les mêmes pour tous les produits. Cette fois-ci, nous devons fixer des règles claires qui feront en sorte que nous n'aurons pas à assurer un meilleur accès à notre marché que celui que les autres pays accordent à nos produits particulièrement vulnérables.

    Notre approche, en ce qui concerne l'OMC, c'est que nous sommes prêts à augmenter l'accès à notre marché dans une proportion d'au moins 5 p. 100 de notre consommation intérieure. La majorité de nos produits soumis à la gestion de l'offre se situent déjà à 5 p. 100 ou au-delà, mais il faut que les autres pays nous fournissent le même niveau d'accès à leurs marchés.

    Les producteurs visés par les programmes de gestion de l'offre appuient cette position, et ils ne pensent pas que cela menace la gestion de l'offre. Et c'est la position que nous allons continuer à défendre.

[Français]

+-

    M. Mark Corey: Comme je l'ai dit mardi, la position de notre ministre est très claire à cet égard: il appuie à 100 p. 100 la gestion de l'offre. C'est la position officielle du gouvernement et de notre ministère. Nous avons un mandat du Cabinet pour négocier à cet égard, et ce mandat est très clair. Pour apporter des modifications à ce mandat, il faudrait une décision du Cabinet. Les négociateurs ne disposent pas de cette flexibilité. Je tiens à vous rassurer et à vous dire que la position du gouvernement du Canada est très claire. Nous appuyons la gestion de l'offre, et cela fait partie de notre mandat dans le cadre des négociations.

+-

    M. Louis Plamondon: La gestion de l'offre comporte trois paliers, dont celui qu'on appelle  les prix administrés, à l'égard duquel vous avez aussi un mandat très clair. Devant les producteurs agricoles à Ottawa, vous avez dit que dans ce domaine, vous n'aviez pas de mandat, mais qu'à l'égard des deux autres, soit le contrôle des frontières et la planification, vous en aviez un.

[Traduction]

+-

    M. Steve Verheul: Eh bien, nous avons eu une petite discussion là-dessus l'autre jour. Le mandat est très clair au sujet de la gestion de l'offre. Tous les aspects de la gestion de l'offre seront protégés.

    En ce qui a trait à l'accès aux marchés, nous avons parlé brièvement de notre approche à cet égard, et c'est certainement cet aspect-là qui sera le plus difficile à régler, parce que nous voulons être certains de pouvoir maintenir une protection efficace à la frontière pour nous permettre de continuer à gérer l'offre.

    Pour ce qui est des prix administrés, il n'en a pas été question jusqu'ici dans les négociations. Pour tout ce qui se rapporte au soutien intérieur, y compris les prix administrés, nous nous sommes concentrés sur les dépenses directes comme celles que consentent les Américains et les Européens. Donc, les prix administrés n'ont pas été contestés jusqu'ici dans le cadre des négociations.

    Quant à l'autre pilier de la gestion de l'offre, celui des contingents et des limites imposées aux producteurs, il n'en a pas été question non plus dans les négociations.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: J'aimerais poser une dernière question au sujet du U.S. Farm Bill. Ce nouveau projet de loi américain touche les fermes dont la production génère moins de 2,5 millions de dollars par année, je crois. J'aimerais savoir quel pourcentage des fermes américaines cela représente.

  +-(1205)  

[Traduction]

+-

    M. Michael Keenan: Nous n'avons pas le chiffre exact ici, mais nous pourrons le fournir rapidement au comité.

    Pour que ce soit bien clair, j'aimerais savoir si vous voulez parler de toutes les dispositions ou de certaines dispositions en particulier?

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: On me dit que le nouveau projet de loi américain porte sur certaines exploitations agricoles dont le revenu brut ajusté sur trois ans est inférieur à 2,5 millions de dollars par année. S'agit-il ici de la majorité des fermes américaines ou, au contraire, d'un petit nombre d'entre elles? Je ne veux pas un chiffre exact, mais plutôt une approximation.

[Traduction]

+-

    M. Michael Keenan: Oui. Je suppose qu'il y a deux aspects à cela.

    Comme vous le savez, la question que vous soulevez est un des aspects les plus controversés du U.S. Farm Bill, quant à savoir jusqu'où exactement ces paiements peuvent aller dans l'échelle de production. Les limites sont assez élevées. Je ne connais pas les chiffres exacts, mais ils sont assez élevés. Les limites toucheraient un très petit nombre de producteurs, moins de 5 p. 100, d'après moi.

    La caractéristique la plus importante de ces limites, c'est probablement qu'elles sont flexibles, en ce sens qu'une fois qu'on atteint une limite au sujet du total des paiements qu'on peut recevoir, il y a quand même une certaine souplesse. Il y a un certain nombre de mécanismes très obscurs, dans le U.S. Farm Bill, qui permettent d'échanger des prestations contre des certificats et d'autres mesures. Il est possible de diviser la propriété des fermes. Les producteurs peuvent apparemment appliquer un certain nombre de stratégies pour échapper au moins en partie à ces limites.

    L'effet global de ces limites s'applique, en définitive, à un très petit nombre de producteurs. Les conséquences de ces limites sur l'ensemble des subventions et de la production sont plutôt limitées.

    En ce qui concerne les paiements de soutien à l'industrie laitière, que j'ai mentionnés tout à l'heure, le maximum est calculé de manière à être particulièrement intéressant pour une ferme d'environ 135 vaches. Encore là, la possibilité que des producteurs divisent leurs opérations pour contourner cette limite suscite certaines interrogations.

+-

    Le président: Merci, monsieur Keenan.

    Madame Ur, vous avez cinq minutes.

+-

    Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci.

    Je voudrais poser quelques petites questions pour commencer.

    Il me semble que vous avez mentionné l'éthanol, en ce qui concerne l'aspect environnemental du U.S. Farm Bill. Dans le passé, cette loi appuyait dans une large mesure les producteurs de céréales et d'oléagineux. En vertu de la nouvelle loi, il y a certainement encore un soutien solide à ce secteur pour lui permettre d'améliorer ses points forts, comme vous l'avez dit. Le troisième pilier concerne l'aspect environnemental, ce qui inclut sûrement l'éthanol. Il semble y avoir plusieurs usines qui se construisent là-bas, au moins une par mois, et il y en a déjà plus de 70. Pensez-vous que notre CSA va accorder à nos producteurs céréaliers le même appui que celui que le U.S. Farm Bill accorde à ceux de nos voisins du Sud?

+-

    M. Michael Keenan: Il y a deux éléments dans votre question. Je vais vous donner une réponse générale. Si vous voulez une réponse plus précise, encore une fois, vous voudrez peut-être poser la question au ministre la semaine prochaine.

    De façon plus générale, il y a vraiment une divergence entre la loi américaine et la politique canadienne. La loi américaine perpétue en un sens cette divergence et va encore accentuer les contraintes, en ce sens que les paiements seront fondés de plus en plus sur des produits spécifiques et sur la production de ces produits spécifiques, en particulier dans les neuf cultures visées par le programme.

    Le contraste avec le CSA, au Canada, c'est que les six éléments du CSA, et en particulier le programme de gestion du risque, mettent l'accent sur la nécessité de s'éloigner du modèle fondé sur les produits spécifiques pour fournir plutôt des paiements de stabilisation et de l'aide en cas de catastrophe, mais de façon à mettre l'accent sur l'ensemble des activités de la ferme et à réduire le plus possible la distorsion pour permettre aux producteurs de prendre la meilleure décision possible en termes de choix de production, de choix de diversification, et de profiter au maximum des occasions du marché—ce qui revient, en un sens, à compter sur le marché plutôt que sur la boîte aux lettres, comme le ministre l'a dit à plusieurs reprises.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Pensez-vous que le CSA sera un outil assez efficace, dans la boîte à outils des agriculteurs canadiens, pour combattre le U.S. Farm Bill?

+-

    M. Michael Keenan: Lorsque le premier ministre a annoncé le financement du CSA, à peu près au même moment, il a dévoilé, avec le ministre, une sorte de série de mesures transitoires destinées à offrir de l'aide et tenter d'accélérer la mise en oeuvre de certains des aspects principaux du CSA—par exemple, la promotion internationale, le développement du commerce international, la publicité de la marque Canada, les plans environnementaux en agriculture, etc.

    À mon avis, l'idée est que les producteurs canadiens font face à des défis provenant de sources diverses. Certains de nos anciens clients sont maintenant nos concurrents. Autrefois, nous vendions beaucoup de céréales à l'ancienne Union soviétique et maintenant, les Russes écoulent massivement leur production sur notre marché.

    S'ils veulent réussir, les producteurs doivent s'adapter à toutes sortes de pressions de la part de la concurrence et à un marché en évolution constante. C'est pourquoi le financement du CSA a été accompagné de mesures transitoires supplémentaires visant à aider au maximum les producteurs à relever le défi de la concurrence mondiale pour répondre aux demandes de leurs clients.

  +-(1210)  

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Avez-vous déjà effectué une analyse des coûts afin de vérifier—c'est peut-être encore un peu difficile à analyser—quelles ont été les conséquences de l'ancienne loi agricole sur les agriculteurs canadiens au niveau des prix?

+-

    M. Michael Keenan: Lorsque vous parlez de «l'ancienne loi agricole», est-ce qu'il s'agit du FAIR Act de 1996?

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Oui.

+-

    M. Michael Keenan: La plus grande partie des analyses que nous avons effectuées portent sur les effets marginaux résultants du passage du FAIR Act de 1996 au FSRI Act de 2002. Nous pensons de plus en plus que l'on assiste actuellement à un déplacement, si l'on regarde l'évolution de certains grands marchés mondiaux des produits de base. J'en ai déjà parlé en partie lorsque j'ai dit que certains de nos anciens clients comme l'Union soviétique, sont devenus désormais nos concurrents les plus féroces avec tout le blé de la mer Noire qui inonde le marché. Dans le secteur du blé, des graines oléagineuses—un certain nombre de grandes céréales—il semble que l'on assiste à un déplacement. Certains pays aux coûts et aux subventions faibles tels que l'Argentine, le Brésil et l'Australie augmentent très rapidement leur production. Ils accaparent essentiellement le marché aux dépens de l'Union européenne et les États-Unis.

    À notre avis, l'obstacle concurrentiel auquel sont confrontés les producteurs provient de nombreuses sources différentes. Il est très difficile d'en isoler une, puisqu'elles imposent des règles assez sévères sur les marchés mondiaux.

+-

    M. Mark Corey: Monsieur le président, j'aimerais si possible ajouter un complément à cette réponse, puisqu'une image vaut mille mots. À l'assemblée annuelle du Conseil canadien du canola qui s'est tenu ici à Ottawa, le mois dernier, on nous a montré la photo d'une ferme au Brésil. Les terres cultivées s'étendaient à perte de vue. Une armée de 20 moissonneuses-batteuses travaillaient de front dans le champ, suivies de 20 semoirs. Certains pays, en particulier en Amérique du Sud, deviennent de plus en plus des producteurs à faible pris de revient.

    C'est une situation à laquelle nous devons faire face aussi sur les marchés internationaux. C'est justement pourquoi nous avons adopté une perspective et une approche très différentes, contrairement à la loi agricole des États-Unis qui a adopté l'approche des subventions. C'est une approche dont le Canada n'a pas les moyens et ce n'est pas une stratégie gagnante, tout au moins à long terme.

    Au Canada, certains groupes comme le Conseil du canola et d'autres prennent actuellement des mesures très progressistes pour surmonter ces obstacles.

    Par ailleurs j'aimerais rappeler que nous nous efforçons de réagir à la loi agricole des États-Unis en mettant l'accent sur trois aspects, la sécurité alimentaire, l'environnement et l'innovation, afin que le Canada soit le meilleur au monde dans ces domaines. Il y a également les trois autres choses dont Steve a parlé. La première est une bonne campagne de promotion aux États-Unis pour faire progresser notre dossier et je pense que cela fonctionne assez bien. Nous voulons également faire avancer nos dossiers commerciaux et nous espérons pouvoir… En fait, nous espérons que nous n'aurons pas à les ouvrir, mais si nous devons le faire, nous le ferons.

    Et la dernière chose, c'est d'intervenir à l'OMC de manière à abaisser le plafond pour tous les pays du monde afin que les États-Unis et les autres ne puissent plus offrir des subventions aussi élevées qu'actuellement.

    Voilà tout ce que nous avons fait en réaction à cette loi.

+-

    Le président: Avez-vous une brève question?

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Je vais attendre le prochain tour.

+-

    Le président: Très bien.

    Monsieur Breitkreuz, pendant cinq minutes.

+-

    M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Il y a environ un mois, le Sénat américain a adopté une loi offrant un dégrèvement fiscal aux agriculteurs et aux éleveurs qui font des dons de nourriture ou qui protègent l'environnement, quelque chose du genre. Le président Bush affirme que cela aiderait 85 p. 100 des familles qui le font.

    Est-ce que ces économies d'impôt vont profiter aux familles américaines qui ne sont pas concernées par la loi agricole? Quelle est la valeur potentielle de ces réductions d'impôt?

  +-(1215)  

+-

    M. Michael Keenan: Monsieur le président, nous essayons actuellement de vérifier tout cela.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Je ne pensais pas que ce serait si difficile.

+-

    M. Michael Keenan: Nous avons dû consulter.

+-

    M. Mark Corey: Monsieur le président, nous allons présenter un de nos fonctionnaires qui traite expressément avec les États-Unis.

+-

    Le président: Oui, amenez-le. Nous voulons des réponses aujourd'hui. Nous voulons un changement d'interlocuteur.

+-

    M. Mark Corey: Cela nous permettra de vous donner toutes les informations.

+-

    Le président: Présentez-vous s'il vous plaît.

+-

    M. Phillip Douglas (directeur adjoint, Politique commerciale — Canada–États-Unis, Direction des politiques de commerce international, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Je m'appelle Phillip Douglas et je suis directeur adjoint de la Politique commerciale Canada-États–Unis à Agriculture et Agroalimentaire Canada.

+-

    Le président: Allez-y, monsieur Douglas.

+-

    M. Phillip Douglas : Merci, monsieur le président.

    Monsieur le président, je pense que l'ensemble des mesures dont il est question étaient des mesures fiscales générales et des changements adoptés dans le contexte des modifications budgétaires aux États-Unis. Je n'ai pas d'informations beaucoup plus détaillées. Si je me souviens bien, après que les mesures ont été adoptées, plusieurs personnes ont parlé des conséquences en matière d'agriculture, mais je ne suis pas certain que les modifications fiscales elles-mêmes étaient réservées à l'agriculture.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Monsieur le président, nous pourrons peut-être nous pencher plus tard sur cette question et laisser un peu de temps s'écouler. Cela ne fait qu'un mois que la loi a été adoptée et il faut peut-être l'examiner d'un peu plus près.

    Je crois que l'actuelle loi agricole des États-Unis était censée imposer des limites aux paiements, des limites annuelles de 40 000 $ et des limites de 65 000 $ aux mesures contracycliques et 75 000 $ pour les prêts de commercialisation. Ces mesures sont-elles en place et appliquées?

+-

    M. Michael Keenan: Monsieur le président, cela nous ramène à la question précédente. Les limites sont en place, dans le sens qu'elles sont entrées en vigueur au moment où la loi FSRI a été adoptée. Leur effet fait l'objet d'un débat aux États-Unis puisqu'elles sont entourées de dispositions complexes qui ont pour conséquence de permettre aux producteurs d'esquiver en partie ces limites grâce à un certain nombre de certificats et de mesures de rechange.

    D'autre part, il y a des problèmes. Les limites s'appliquent au programme de soutien laitier et elles s'appliquent également à tous les agriculteurs qui peuvent tout simplement modifier leur structure organisationnelle et en quelque sorte diviser leurs activités et donc bénéficier de limites séparées. Les limites existent et elles ont une certaine incidence sur les exploitations agricoles les plus grandes, mais dans la pratique, le résultat est plutôt mitigé.

+-

    M. Garry Breitkreuz: L'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire—ACCA—estime que les groupes de gestion des approvisionnements et la Commission canadienne du blé ont une position ferme et que les résultats de ces négociations nous seront encore imposés, comme par le passé. Les États-Unis et l'Union européenne ont conclu un accord dont le Canada et les autres pays ont été virtuellement exclus. Est-il possible que notre position ou notre influence soit occultée par les fortes pressions exercées par certains groupes?

+-

    M. Steve Verheul: Je ne pense pas que notre position sera occultée. Je pense que nous avons une position très forte, très ambitieuse et très dynamique, en particulier sur des aspects comme la loi agricole américaine. Nous avons été un des principaux pays à exprimer des préoccupations au sujet des orientations de la loi agricole américaine et de l'utilité des dépenses qu'elle préconise. Nous avons également montré le chemin à d'autres pays, qu'il s'agisse de nos collègues du groupe de Cairns, ou de divers pays en développement. Nous leur avons présenté un même thème, à savoir que nous devons obtenir de véritables réductions des niveaux de dépenses des États-Unis et de l'Europe si nous voulons que les négociations aient des résultats positifs.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Ces groupent nient-ils l'influence des agriculteurs des autres secteurs qui espèrent certains résultats de ces négociations?

+-

    M. Steve Verheul: Non, absolument pas. Par exemple, nos subventions à l'exportation seront tout simplement supprimées définitivement si ces négociations aboutissent à des résultats positifs. C'est tout à fait dans l'intérêt de nos exportations de produits de base comme les graines, les oléagineux et les viandes rouges. Sur le plan du soutien interne, nous assisterons à d'importantes réductions des niveaux de dépenses élevées que nous avons connues jusqu'à présent et nous aurons un accès réel au marché pour ce type de produits sur d'autres marchés.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Pour poursuivre sur ce sujet, vous avez dit—mais c'était peut-être Michael—que nous avons été très efficaces dans notre opposition à la loi agricole américaine. Pouvez-vous nous dire à quoi cela a servi? Qu'est-ce qui a changé grâce aux efforts du Canada par l'intermédiaire de son ambassade ou des nombreux leviers que nous avons actionnés? Dans quelle mesure sommes-nous parvenus à modifier certains des aspects de la loi agricole qui auraient pu avoir une incidence négative sur le Canada?

  +-(1220)  

+-

    M. Mark Corey: Monsieur le président, je crois que nous avons choisi de ne pas nous en prendre à l'Administration qui n'a jamais souhaité cette loi, mais nous avons essayé de collaborer avec ses représentants de manière à faire avancer notre dossier. Nous avons essentiellement fourni des informations et passé beaucoup de temps avec nos collègues américains. Steve a donné une longue liste de réunions auxquelles nous avons assisté et d'observations que nous avons faites.

    Par exemple, j'ai assisté à une réunion à Nogales, en Arizona, une rencontre trilatérale entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il se trouvait parmi les participants des représentants des provinces et des États. Je crois que certains participants ont commencé à changer d'avis lorsque nous avons examiné les dispositions de la loi agricole américaine, comme nous l'avons fait aujourd'hui et auparavant, en particulier en ce qui a trait à l'inscription du pays d'origine sur les étiquettes. Il suffit de signaler l'étrangeté des dispositions concernant l'indication du pays d'origine pour que les gens prennent conscience des répercussions réelles.

    La réaction de l'American Meat Institute a été la suivante:

Les directives de l'USDA pour la mise en oeuvre d'un système d'étiquetage obligatoire indiquant le pays d'origine dans le cas des produits de viande est la formule d'étiquetage la plus coûteuse, la plus lourde et la plus complexe de l'histoire.

    Le Food Marketing Institute a déclaré:

Le coût total d'application du système d'étiquetage selon le pays d'origine dépassera de loin les prévisions de l'USDA.

    L'American Frozen Food Institute a émis le point de vue suivant:

Le nouveau plan d'étiquetage est vraiment bancal et a besoin d'être révisé.

    Selon Tyson Foods, le plan est «trop coûteux à administrer et devrait être supprimé».

    Selon WalMart c'est

…une législation vraiment affreuse. C'est une barrière commerciale non tarifaire adoptée en vue de calmer certains intérêts régionaux américains.

    C'est le genre de débat qui commence à pointer aux États-Unis, parce que les gens commencent de plus en plus à comprendre les conséquences de certaines dispositions comme celles qui concernent le pays d'origine, par exemple.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Pouvez-vous m'expliquer—c'est un reproche qu'on me fait régulièrement—pourquoi l'agriculture est toujours en arrière par rapport aux autres secteurs de libre-échange en ce qui a trait aux obstacles au commerce? Il semble que l'agriculture soit très différente des autres secteurs. Nous avons connu d'excellents résultats dans d'autres secteurs. Les gens aimeraient comprendre pourquoi on n'aboutit à rien en agriculture et pourquoi ce secteur est à la traîne par rapport aux autres.

+-

    M. Steve Verheul: Je pense que cela tient beaucoup au contexte historique. L'agriculture n'était pratiquement pas soumise aux règles internationales jusqu'en 1995, au moment où l'accord de l'Organisation mondiale du commerce est entré en vigueur. Auparavant, il y avait très peu de discipline en matière de commerce agricole et de politiques agricoles intérieures.

    Cet accord nous a amenés à adopter certaines règles initiales et certains engagements. Dans le cadre des négociations en cours, nous devons beaucoup plus tenir compte de ces règles et de ces engagements afin d'imposer à l'agriculture un environnement beaucoup plus proche de celui qui s'applique dans les autres secteurs où il y moins de distorsions causées par les dépenses du gouvernement et autres pratiques. Pratiquement tous les pays du monde ont consenti une plus grande assistance aux marchés agricoles qu'aux autres marchés, causant ainsi plus de distorsions. Et comme la situation est si différente dans ce secteur particulier, la tâche est plus grande pour revenir à la normale.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Je ne suis pas certain que vous ayez expliqué pourquoi la différence est si grande. C'est vrai que cette situation existe depuis longtemps, mais pourquoi ne pouvons-nous pas faire de plus grands progrès dans ce secteur?

+-

    M. Steve Verheul: Je crois quant à moi que nous faisons beaucoup de progrès dans ce secteur. Le dernier accord que nous avions conclu avait occasionné des mouvements importants dans le but d'inciter les pays à réduire leurs dépenses et orienter leurs programmes vers des mesures plus vertes et moins perturbatrices. Il ne fait aucun doute que nous devons poursuivre ces efforts, mais je pense que toute la question de l'agriculture est très sensible pour de nombreux pays. Dans beaucoup de pays, les petites fermes sont très nombreuses et elles ont évidemment une certaine influence politique.

+-

    M. Garry Breitkreuz: D'après moi, cela revient à accepter l'accord. Je pense que vous avez soulevé la véritable raison—qui est politique, n'est-ce pas?—sauf que vous l'avez dit de manière très diplomatique.

    Est-ce que certaines dispositions de la loi vont avoir une incidence particulière sur le Canada? Est-ce que certains aspects n'auront aucune incidence sur d'autres pays mais toucheront principalement le Canada et sont par conséquent dirigés sur nous, sans véritablement le préciser?

+-

    M. Mark Corey: Monsieur le président, je vais d'abord répondre à cette question, puis je laisserai Michael donner d'autres détails.

    En raison de la structure intégrée de notre industrie du boeuf, l'étiquetage selon le pays d'origine touchera probablement le Canada plus que les autres pays qui n'ont pas les mêmes relations commerciales avec les États-Unis. Cependant, nous partageons de plus en plus ce problème avec le Mexique. Et lors des réunions trilatérales entre les États-Unis, le Mexique et le Canada, on s'aperçoit que le Mexique a des points de vue et des positions très semblables et qu'il nous appuiera probablement dans les mesures que nous prendrons s'il le faut au sujet de l'étiquetage selon le pays d'origine.

    Voilà l'incidence sur le Canada, en raison de la nature intégrée de certains de nos secteurs.

    Michael, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

  +-(1225)  

+-

    M. Michael Keenan: J'aimerais ajouter quelque chose aux commentaires de Mark. Je pense que certains partisans de l'inscription du pays d'origine sur les étiquettes ont remarqué que nos exportations aux États-Unis de boeuf, de porc et de produits de viande ont augmenté de manière astronomique depuis 10 ans et c'est la raison pour laquelle le Canada a doublé ses exportations agroalimentaires depuis 10 ans.

    Je crois que les partisans de l'inscription du pays d'origine l'ont remarqué et c'est la raison pour laquelle cette mesure a été proposée.

+-

    Le président: Votre temps est écoulé, monsieur Breitkreuz.

    Nous passons maintenant à M. Plamondon. Avez-vous d'autres questions?

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: Mark a parlé plus tôt du cadre stratégique canadien et de ses liens avec le U.S. Farm Bill. Vous avez dit que ce cadre stratégique était bien accueilli et qu'il incluait la gestion de l'offre.

    Je voudrais que vous nous donniez davantage de précisions à cet égard parce que les producteurs, du moins ceux du Québec, n'ont pas encore signé l'entente portant sur le cadre stratégique. Ils exigent que notre plan de gestion soit à l'intérieur du cadre stratégique. Pourriez-vous clarifier ce que vous avez déclaré plus tôt?

+-

    M. Mark Corey: Monsieur le président, comme nous l'avons mentionné, notre ministre comparaîtra devant le comité la semaine prochaine. Il serait peut-être donc approprié de lui poser cette question.

    J'aimerais néanmoins souligner que nous avons maintenant l'accord-cadre, qui a été conclu avec neuf des dix provinces. Nous espérons obtenir bientôt l'accord de la province de Québec; nous sommes en train de travailler à cela.

+-

    M. Louis Plamondon: Au cours de votre échange avec Mark, vous avez dit que la gestion de l'offre était à l'intérieur du cadre stratégique. C'est ce que j'ai compris. Or, les producteurs prétendent le contraire. Est-ce que, selon vous, le plan de gestion est dans le cadre stratégique?

[Traduction]

+-

    M. Michael Keenan: Monsieur le président, je crois que c'est le chapitre 17 de la deuxième partie de l'accord CSA. C'est un chapitre d'une seule phrase. Je ne peux pas la citer précisément, mais le texte dit que les gouvernements conviennent que, pour les besoins du cadre, la gestion des approvisionnements est considérée comme un outil clé pour la gestion du risque. Je n'ai pas le texte exact avec moi, mais l'indication est là et tous les gouvernements qui ont signé l'accord CSA ont donné leur accord à toutes ces dispositions, y compris cette allusion à la gestion des approvisionnements.

+-

    Le président: Merci, monsieur Plamondon.

    Nous passons maintenant à M. Speller.

+-

    M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président de me donner la parole.

    J'ai plusieurs questions. Puisque la discussion a évolué vers le CSA et d'autres domaines, je pourrais revenir au sujet principal , mais j'aimerais peut-être aussi aborder d'autres aspects qui se rapportent à la loi agricole.

+-

    Le président: Ce serait très bien.

+-

    M. Bob Speller: Je vais présenter mes questions assez rapidement.

    Vous avez parlé de promotion dans le sens de lutter contre… Pouvez-vous nous dire quels sont nos alliés aux États-Unis dans ce domaine et qui nous pourrions contacter, par exemple, en tant que parlementaires, afin d'exposer nos points de vue?

    Vous avez parlé des nouvelles barrières commerciales que dresse le projet de loi. Pouvez-vous nous citer certains pays et nous dire ce qu'ils font exactement?

    Vous avez dit également que vous examinez la possibilité de contester le projet de loi. Pouvez-vous nous dire à quels aspects vous vous intéressez?

    Michael, vous avez dit que les pommes représentaient un petit secteur. J'espère que vous ne voulez pas dire que c'est petit pour le Canada, parce que dans les faits, c'est énorme pour le Canada et pour ses producteurs de pommes.

    Vous avez essayé de répondre ou plutôt de ne pas répondre à la question de Rose-Marie sur… Comprenez-moi bien : je ne pense pas qu'elle a posé une question de politique. Elle voulait savoir exactement quels étaient les niveaux d'aide que recevaient les producteurs de graines et d'oléagineux aux États-Unis et si ces aides sont comparables à celle que reçoivent les producteurs canadiens. Ce n'est pas une question de politique. Ce n'est pas au ministre d'y répondre; pour moi, c'est une question précise.

    Quels sont les obstacles aujourd'hui, Steve, alors que nous sommes à l'aube de négociations commerciales? Je me souviens qu'en 1993, nous avions plusieurs décisions et elles furent laissées en suspens jusqu'à ce qu'une décision finale soit prise. Est-ce que nous en avons donc pour plusieurs années, même si nous contestons certains points et que nous obtenons gain de cause?

    Sur le plan de la gestion des approvisionnements, vous avez dit à Louis et Mark que tout est parfait. Ce n'est pas comme cela que j'entrevois ces négociations. Ce n'est pas une question d'accès ni de savoir si d'autres pays peuvent respecter la limite de 5 p. 100. Il s'agit de droits hors contingent. Certains points sont contestés. Alors, pourriez-vous les expliquer? Quelles sont ces contestations et que faisons-nous pour obtenir gain de cause? Par ailleurs, qui sont nos alliés dans cette action? Quels sont les pays qui nous appuient sur la question de la gestion des approvisionnements?

    Mark, je vous félicite d'avoir soulevé la question du Brésil, mais il ne faut pas oublier non plus la Chine. Ce sont là des défis que nous devrons, d'après moi relever en plus de surmonter les obstacles que les Américains dressent devant nous.

    Enfin, les Américains nous répliquent toujours qu'ils essaient de se tenir aux mêmes niveaux que les Européens.

  +-(1230)  

+-

    Le président: Nous avons eu trois minutes de questions. Il nous reste maintenant deux minutes pour y répondre. Voyons ce qu'on peut faire.

+-

    M. Mark Corey: Très bien, monsieur le président. J'ai sept questions et nous allons essayer de les passer en revue si possible. Voici comment nous allons procéder. Tout d'abord, je vais parler de la promotion et de nos alliés potentiels aux États-Unis.

    Le secteur qui sera le plus touché sera celui de la vente au détail et deuxièmement celui de l'industrie alimentaire, parce que ce sont eux qui tomberont sous le coup de la loi. Par ailleurs, ils ne disposent probablement pas des instruments dont ils auront besoin pour vérifier que tel ou tel produit est américain ou si l'on doit indiquer son pays d'origine. Ces deux secteurs sont actuellement plutôt contrariés et protestent contre la loi.

    Nous avons collaboré par exemple avec l'Administration américaine et les gouvernements des États. L'Administration américaine est liée par la loi et c'est une chose que nous respectons. Cependant, nous travaillons en très étroite collaboration avec les représentants de l'Administration et je pense qu'ils commencent à se rendre compte que ce sera difficile. Selon leurs propres estimations, les frais d'administration aux États-Unis seulement atteindront 2 milliards de dollars. Voilà de l'argent gaspillé tout à fait inutilement.

    Je vais maintenant laisser la parole à Steve qui pourra peut-être parler un peu plus des obstacles commerciaux, de nos alliés potentiels, des dossiers, des secteurs sur lesquels nous nous penchons. Je vais demander à Michael de nous parler encore des pommes, du degré d'aide aux producteurs de graines et de plantes oléagineuses. Quant à Steve, il peut nous parler des contestations et de la façon dont nous pourrions les traiter lors des négociations commerciales. Le dernier point porte sur la gestion des approvisionnements et Michael pourra peut-être s'en occuper.

+-

    M. Steve Verheul: Nous nous penchons actuellement sur plusieurs dossiers découlant directement de la loi agricole américaine.

    Premièrement, nous examinons les différents aspects du soutien interne que proposent les Américains. Ce sont des paiements directs. C'est la nouvelle caractéristique principale de leur soutien. Nous pensons qu'ils les présenteront comme des programmes de la catégorie « feu vert ». Nous commençons à creuser la question afin de vérifier s'ils pourront être considérés comme des programmes « feu vert ». Nous avons certains doutes à ce sujet. Ils ont introduit également les paiements contracycliques.

    Nous pensons qu'ils présenteront cette aide comme une mesure qui n'est pas propre à un produit, comme ils l'ont fait par le passé dans le cas de programmes analogues. À notre avis, étant donné que cette aide ne s'applique qu'à huit ou neuf produits, elle est tout à fait propre à un produit. Voilà un autre aspect sur lequel nous nous pencherons.

    Nous vérifierons si leurs notifications font état de toutes leurs aides internes, y compris pour certaines mesures comme l'irrigation et le pacage dont nous avons parlé un peu plus tôt.

    Nous examinons leurs pratiques de crédit à l'exportation à l'échelle internationale. Les Américains ont été très généreux dans le domaine des crédits à l'exportation et ils ont prévu des fonds supplémentaires à cet effet dans la loi agricole. Nous allons nous pencher sur leurs pratiques en matière d'aide alimentaire afin de vérifier si ces pratiques ne sont pas une aide authentique, mais qu'elles leur servent plutôt à se débarrasser de leurs surplus.

    Et, bien entendu, l'indication du pays d'origine sur les étiquettes est un aspect que nous allons examiner et éventuellement contester si elle devient obligatoire.

    Vous avez demandé également de quelle manière ces contestations s'articuleront avec les négociations de l'OMC. Je pense qu'au moment de nous pencher sur ces dossiers, nous devons adopter une attitude stratégique et nous demander s'il est préférable d'opter pour une contestation ou plutôt de poursuivre les négociations. Dans un certain nombre de dossiers, les négociations sont plus prometteuses pour nous et il serait peut-être préférable de mettre en place des règles à long terme qui produiraient des meilleurs résultats, mais nous devrons continuer à analyser ce dossier en tenant compte du progrès des négociations.

    J'aimerais parler aussi de la question de la gestion de l'approvisionnement. Vous avez tout à fait raison de dire que de très grands défis nous attendent, en particulier pour les droits hors contingent. Beaucoup de pays nous conseillent de faire porter les questions d'accès au marché essentiellement sur les droits et d'obtenir de véritables réductions de ceux-ci. Nous avons décidé que nous ne devons pas nous limiter uniquement aux réductions tarifaires; nous devrions avoir l'option d'offrir un accès amélioré en améliorant le contingent tarifaire. Voilà un aspect pour lequel nous devrons convaincre beaucoup d'autres membres afin d'obtenir leur appui, mais c'est sans aucun doute un énorme défi.

    Je crois que c'est la question principale qui se posera en matière de gestion des approvisionnements lors des prochaines négociations sur le soutien interne et le prix administré. Je ne pense pas que nous soyons particulièrement menacés pour le moment dans ce domaine.

    Quant aux subventions aux exportations, nous subventionnons nous-mêmes nos exportations de produits laitiers. Nous envisageons d'éliminer les subventions à l'exportation au cours de ces négociations et nous devrons donc envisager d'éliminer nos propres subventions dans le secteur laitier.

  +-(1235)  

+-

    Le président: Monsieur Keenan, je vais vous demander de conclure rapidement, parce que nous sommes terriblement en retard.

+-

    M. Michael Keenan: Merci, monsieur le président.

    Deux choses. Au sujet des pommes, je n'avais pas l'intention…

+-

    M. Bob Speller: Pouvons-nous obtenir un peu plus de temps pour les réponses?

+-

    Le président: J'ai été très généreux avec tout le monde ce matin—terriblement, comme je l'ai dit.

+-

    M. Michael Keenan: Merci, monsieur le président. Je vais être rapide.

    Pour ce qui est des pommes, je ne voulais pas laisser entendre que l'impact serait minime. Je voulais dire simplement que le programme concernant les pommes dans la loi agricole de 2002 prévoit un versement maximum de 94 millions de dollars aux producteurs de pommes au cours de l'exercice 2002 afin de compenser les pertes de l'année commerciale 2000. C'est peu en comparaison de l'énorme quantité de subventions que prévoient les différents aspects du Farm Bill. Par ailleurs, il s'agit d'un paiement unique qui ne sera pas répété après l'exercice 2002.

    Quant au point auquel je n'ai pas complètement répondu, celui des niveaux de soutien, je peux vous donner quelques exemples, si vous le voulez. Les estimations qui passent pour être les meilleures et les plus exactes sont celles que réalise l'OCDE qui évalue le soutien aux producteurs en calculant le soutien total qu'ils reçoivent sous forme de pourcentage de la valeur de la production.

    Par exemple, pour le plus récent exercice, 2002, le soutien s'élevait, pour le blé, à 18 p. 100 au Canada et 30 p. 100 aux États-Unis. Pour le maïs, 9 p. 100 au Canada, 17 p. 100 aux États-Unis. Pour l'orge, 23 p. 100 au Canada, 28 p. 100 aux États-Unis. Pour les graines oléagineuses, le soutien est légèrement plus élevé au Canada, 17 p. 100, qu'aux États-Unis. Cependant, le point le plus important dans l'interprétation de ces chiffres, c'est le niveau total de soutien. Le degré de distorsion varie selon les sommes concernées et la structure. Or, la structure du soutien américain est beaucoup plus génératrice de distorsions. La plupart de notre soutien se présente sous la forme de l'assurance-récolte, du CSRN, etc.

    Un peu plus tôt, quelqu'un a parlé du porc. Le niveau de soutien pour le porc est de 7 p. 100 au Canada et de 5 p. 100 aux États-Unis. C'est un secteur auquel les deux pays accordent un soutien faible.

+-

    Le président: Merci, monsieur Keenan.

    Je ne serai pas aussi généreux de mon temps. Je veux en garder pour ceux qui n'ont pas posé de questions. Il reste encore deux personnes du côté ministériel. M. Maloney s'est désisté.

    Monsieur Laliberte, vous voulez poser des questions.

    Il nous reste 20 minutes. Aussi, nous allons essayer de collaborer afin que tout le monde puisse parler.

    Monsieur Hilstrom.

+-

    M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président.

    Il est tout à fait pertinent de parler du CSA et de poser des questions comme nous l'avons fait parce que la loi a été adoptée, comme vous l'avez dit. Nous avons parlé de l'influence que le Canada peut exercer bilatéralement sur les États-Unis et par l'intermédiaire de l'ALENA et de la Zone de libre-échange des Amériques qui s'en vient et on peut parler aussi de l'influence que nous pouvons avoir pour atteindre nos buts au niveau national. Voilà pourquoi ces questions sur le CSA et la gestion des approvisionnements sont pertinentes.

    On pourrait tenter aussi de faire la lumière sur la Commission canadienne du blé. Vous parliez de supprimer toutes les subventions à l'exportation. Est-ce que le Canada se donne entre autres pour objectif de supprimer toutes les subventions à l'exportation?

    Bien sûr, la Commission canadienne du blé peut emprunter à des taux préférentiels. Elle a des garanties de vente pour les ventes à l'exportation et elle n'est pas tenue de respecter les prix de la concurrence pour acheter le grain des producteurs. Elle se procure automatiquement le plein volume de blé et d'orge auprès des producteurs de l'Ouest uniquement, et pas chez les agriculteurs de l'Est. Par ailleurs, étant donné qu'elle a le plein contrôle sur ce blé, elle peut décider de réduire le prix de vente de ce produit aux divers pays du monde, parce qu'elle n'est pas tenue d'offrir un bon prix aux producteurs. Elle doit simplement rendre compte de ce qu'elle a obtenu, et c'est ce qu'elle fait.

    Aussi, je me demande comment vous pouvez faire la leçon aux Américains au sujet de leur loi agricole, et au monde entier, tout en continuant à proclamer partout que la Commission canadienne du blé n'est pas négociable et qu'elle est là pour rester?

    Est-ce que vous niez que la Commission canadienne du blé pratique des subventions à l'exportation, quelle que soit la valeur du dollar?

  +-(1240)  

+-

    M. Steve Verheul: Les discussions à l'OMC ont porté sur des aspects très différents. Les États-Unis et l'Europe nous ont demandé, à nous et à d'autres entreprises d'État axées sur les exportations, de mettre fin au monopole qui, d'après eux, est source de distorsion.

    Nous n'avons observé aucun signe de distorsion. Nous n'avons pas remarqué que la Commission canadienne du blé ou d'autres organismes analogue ont un effet de distorsion plus grand que peut avoir Cargill ou tout autre grande société.

    C'est la même chose pour la disposition contenue dans le texte de Harbinson visant à éliminer les programmes de mise en commun des prix des offices commerciaux chargés des exportations. Toutes les grandes entreprises pratiquent la mise en commun des prix. Elles ont des prix plus élevés sur certains marchés qui sont équilibrés par des prix plus bas sur d'autres. On ne considère pas cela comme une distorsion propre aux entreprises commerciales d'État.

    Nous estimons que la Commission canadienne du blé sera assujettie aux mêmes règles concernant les subventions à l'exportation que tous les autres pays et nous nous sommes engagés par l'intermédiaire de l'OMC à ce que ces règles s'appliquent à la Commission tout comme aux autres organismes. Par conséquent, si la Commission canadienne du blé pratique une certaine forme de subvention à l'exportation, elle sera sanctionnée.

    Cependant, ce n'est absolument pas la même chose que de laisser l'OMC ou tout autre organisme nous dire comment nous devons commercialiser nos grains. Nous estimons que c'est une décision qui va être prise au Canada, par des producteurs canadiens.

+-

    M. Howard Hilstrom: Oui, c'est une question intérieure.

    Nous n'allons pas parler des principes économiques, parce que je sais, messieurs, que vous avez une bien meilleure formation que moi dans ce domaine, mais dans une économie de libre entreprise, chacun doit pouvoir vendre les fruits de son travail à qui bon lui semble. Or, la Commission canadienne du blé ne fonctionne pas selon ce principe. Ce droit est refusé à des dizaines de milliers d'agriculteurs au nom d'un principe d'obédience socialiste et collective qui les empêche de vendre leur grain eux-mêmes. Mais c'est là un autre débat.

    Je pense que le Canada refuse de discuter de la loi agricole américaine en raison des déclarations anti-américaines de certains membres du gouvernement libéral en particulier. La position du gouvernement contre les États-Unis dans la guerre en Irak a-t-elle contrarié...

+-

    Le président: Revenons au sujet de la discussion.

+-

    M. Howard Hilstrom: Est-ce que la position publique et officielle du Canada a nui à notre capacité à dialoguer avec les Américains au sujet de la loi agricole?

+-

    M. Steve Verheul: Non, absolument pas. Au moment des dernières étapes des négociations, au cours des deux dernières semaines du mois de mars, nous étions en plein milieu du conflit en Irak et il n'en a même pas été question au cours des débats officiels ou non officiels à l'OMC.

    J'ai eu avec le négociateur américain une réunion privée qui a duré deux heures. Ce fut probablement la réunion la plus constructive que j'aie eue avec les Américains depuis que nous avons commencé les négociations. Nous avons convenu de collaborer à l'avenir dans un certain nombre de secteurs et les Américains reconnaissent très clairement qu'un des objectifs de la loi agricole américaine est de réduire le plus possible ces niveaux de dépenses.

+-

    Le président: Très bien, monsieur Hilstrom, vous avez été très rapide pour vos questions.

    Passons maintenant à M. Laliberte, pour cinq minutes.

+-

    M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): Lorsque vous avez parlé, dans votre présentation, des paramètres de la loi agricole américaine, vous avez évoqué également la gestion de nos terres agricoles et de nos ressources aquatiques. Pour ces dernières précisément, est-ce que le Farm Bill prévoit des mesures d'urgence en cas de pénurie d'eau ou d'inondation? On sait en effet que le climat de notre continent va basculer radicalement d'un côté ou de l'autre.

    Pour ce qui est des ressources aquatiques, un des ministres de ma province, parlant de la montée du niveau de l'eau, a déclaré que l'eau était de ressort fédéral. C'est toute la question de savoir de quelle compétence relève l'eau. Cette année, c'est l'Année internationale de l'eau douce. Savons-nous qui est responsable des ressources aquatiques au Canada? Et puisqu'on parle de la loi agricole américaine où il est question de la gestion des ressources aquatiques, de qui relèvent ces ressources aux États-Unis? Les ressources aquatiques relèvent-elles du fédéral ou des États?

    En agriculture, sans eau, il n'y a pas de vie. Aussi, je pense qu'il est extrêmement important pour nous, Canadiens, de suivre les décisions des gouvernements provinciaux et fédéraux concernant la distribution de nos ressources aquatiques dans le domaine de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire.

    Pouvez-vous nous dire également, par comparaison, de qui relèvent ces ressources aux États-Unis suite aux dispositions de la loi concernant la gestion des ressources aquatiques?

  +-(1245)  

+-

    M. Mark Corey: Monsieur le président, je vais prendre d'abord la parole, puis je laisserai Michael donner plus de précisions sur la situation américaine découlant du Farm Bill.

    Au Canada, l'agriculture étant une compétence partagée, nous avons tendance à collaborer très ouvertement avec les provinces sur le dossier de l'eau, tant pour l'agriculture qu'en général, parce que l'eau est un dossier qui déborde largement du domaine de l'agriculture. L'eau touche l'agriculture, mais elle a des impacts sur beaucoup d'autres domaines.

    Le Cadre stratégique pour l'agriculture et le nouveau financement annoncé dans l'enveloppe de l'environnement portent en partie sur des éléments tels qu'un nouveau programme d'amélioration de l'approvisionnement en eau, des choses comme le système national d'information sur les terres et l'eau qui nous fournit des renseignements utiles pour la gestion de nos réserves. Le chapitre que le Cadre stratégique pour l'agriculture consacre à l'environnement met vraiment l'accent sur la gestion de l'eau. C'est un aspect auquel nous allons je crois consacrer beaucoup de temps, d'effort et d'argent au cours des années à venir.

    Pour répondre à votre question, au Canada, nous considérons que l'eau est une compétence partagée. Nous collaborons avec les gouvernements provinciaux. Parfois, nous oeuvrons de concert avec les autorités locales de gestion de l'eau, les municipalités et l'industrie elle-même. Nous avons bien conscience que ce sera probablement un des enjeux principaux du siècle en cours.

    Michael, pourriez-vous parler un peu des dispositions du Farm Bill à ce sujet?

+-

    M. Michael Keenan: Certainement.

    En fait, vous avez dit que le Farm Bill proposait de consacrer un montant net de 6,5 milliards de dollars à des mesures de conservation au cours des six prochaines années.

    Plusieurs mesures de conservation s'appliquent directement et indirectement à l'eau. Le programme de réserve de terres sous conservation dont j'ai parlé couvre indirectement les terres menacées d'érosion. Il y a un programme de réserve de zones humides sous conservation. Il y a un programme d'investissement dans la qualité de l'environnement qui permettrait en fait de réduire l'impact de l'eau sur la production agricole. La loi propose également de poursuivre et élargir le financement du programme de protection et de restauration des petits bassins hydrographiques.

    Les Américains s'efforcent donc de définir ces questions importantes en agriculture et de proposer des solutions dans un certain nombre de domaines et tout cela a un effet direct et indirect sur l'eau aux États-Unis.

+-

    M. Rick Laliberte: Je crois aussi qu'à la suite de l'affaire de Walkerton, en particulier dans cette province, l'Ontario a lancé un dialogue, non seulement sur la quantité des ressources aquatiques, mais également sur la qualité de l'eau. Dans ma province de la Saskatchewan, il est permis de douter de la qualité de l'eau potable dans les exploitations agricoles. Elle se détériore également dans les couches aquifères.

    Aux États-Unis, je crois qu'à l'échelle continentale, les ressources aquatiques sur le continent se trouvent dans une situation préoccupante. Si nous ne planifions pas notre politique agricole en tenant compte de l'eau, notre argent va s'évaporer. C'est comme si on le jetait dans un bassin vide.

    Dans ma région, le triangle de Palliser ne dispose d'aucune source interne d'eau. Dans la province, le triangle de Palliser est totalement dépourvu d'eau. Nous devons donc adopter une politique portant sur les ressources dont nous sommes tributaires, à savoir l'eau, le soleil et le sol, et l'eau est l'élément qui diminue en quantité.

+-

    M. Mark Corey: Monsieur le président, je crois que nous sommes vraiment d'accord sur la nécessité de concentrer nos efforts sur la planification des eaux.

    Le système national d'information sur les terres et les eaux fait partie intégrante du CSA. Encore une fois, c'est un des outils que nous voulons utiliser afin de le développer. Ce projet représente 100 millions de dollars au cours des cinq prochaines années. Nous partagerons avec les provinces la responsabilité de ce système pratique. Il s'agit d'un système informatisé, un système d'information géographique utilisant la technologie du système de positionnement global, l'imagerie par satellite et les ensembles de données fédérales des provinces.

    Il est intéressant de noter que plusieurs ministères fédéraux différents et plusieurs organismes provinciaux différents possèdent déjà toutes ces données. Ce que nous voulons en faire avec ce système, c'est réunir toutes ces données en un même lieu afin de les harmoniser. Un des grands problèmes, c'est que beaucoup d'informations ne peuvent être harmonisées. Une bonne partie de la planification consiste à recueillir des informations pour pouvoir faire l'analyse. Nous espérons que cela nous permettra de disposer de meilleures informations qu'actuellement.

    Nous nous intéressons également à des choses comme le programme d'expansion du patrimoine national de l'eau où nous envisageons d'investir dans la planification. La planification est un élément important. Elle nous permet de développer l'infrastructure critique dont nous avons besoin également pour assurer le développement. Cela consiste à offrir des sources fiables d'approvisionnement en eau. C'est un des plus grands défis auxquels est confrontée l'agriculture aujourd'hui en Saskatchewan particulièrement.

    Le dossier de l'eau potable relève non seulement de diverses compétences mais également de beaucoup d'autres choses. Santé Canada et ses homologues provinciaux ont leur mot à dire et tout cela devient assez complexe. Je tiens à dire que c'est une question sur laquelle nous focalisons vraiment.

  +-(1250)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Laliberte, pour vos excellentes questions.

    Monsieur Maloney, voulez-vous intervenir? Non?

    Monsieur Hilstrom, je vais vous donner une chance. Je vous permets une seule question, puis nous passerons à Mme Ur et M. Speller aura peut-être une dernière question pour terminer.

+-

    M. Howard Hilstrom: Voici une question rapide.

    Nous autres les politiciens, lorsque nous sommes ici—loin de chez nous—nous essayons un peu de nous amuser et de nous distraire. Une de nos distractions favorites consiste à inciter les bureaucrates comme vous à dire des choses que leur ministre aurait aimé qu'ils ne mentionnent jamais. Vous avez renvoyé plusieurs choses au ministre lui-même et je vous en remercie.

    La loi agricole américaine prévoit la restauration de la couverture végétale. Je crois qu'il est question de mettre des terres en réserve et de les ensemencer.

+-

    M. Michael Keenan: C'est exact.

+-

    M. Howard Hilstrom: Est-ce qu'ils comptent utiliser ces terres pour faire paître le bétail?

+-

    M. Michael Keenan: La loi agricole américaine propose quatre ou cinq programmes différents. Il y a un programme de réserve de terres sous conservation, un programme de réserve de régions herbagères, un programme de réserve de zones humides et quelques autres programmes de conservation dont les noms m'échappent. Les règles sont différentes pour chaque programme. Beaucoup de ces programmes sont de simples mises en réserve. Certains contiennent des dispositions permettant parallèlement une certaine exploitation de la terre. Les critères sont assez différents selon les programmes. Au total, près de sept millions d'acres de terre sont mis en réserve. Les niveaux de productivité potentielle varient selon les programmes dans ces terres mises en réserve.

    Je vais vous donner un exemple. Je vous ai déjà expliqué comment un programme de réserve de terres sous conservation permet de retirer de la production trois millions d'acres de terres supplémentaires en portant la réserve totale à un maximum de 40 millions de dollars. Cela ne veut pas dire que les terres qui sont mises en réserve représentent une perte moyenne de productivité de 100 p. 100. Je pense que les évaluations varient. Je crois qu'on peut dire que couramment, environ 40 p. 100 des terres sont retirées de la production.

+-

    M. Howard Hilstrom: Au Canada, nous prétendons être parfaits.

    Ce que je veux dire, c'est que les Américains, lorsqu'ils mettent de côté une terre à rendement marginal et qu'ils y sèment de l'herbe, ils n'y font pas paître leurs troupeaux et ils n'en récoltent pas le foin. Au Canada, nous voulons, en vertu du Cadre stratégique pour l'agriculture, semer de l'herbe dans deux ou trois millions d'acres en Saskatchewan afin d'y faire paître des troupeaux et d'en récolter le foin, ce qui contribue à créer une distorsion sur le marché puisque nous allons augmenter notre production bovine. J'ai l'impression que c'est un peu la poêle qui se moque du chaudron.

    En vertu du programme couverture végétale défini dans le CSA, comment pouvons-nous reprocher aux Américains de mettre des terres de côté et d'appliquer leur politique agricole quand nous prenons de notre côté des mesures qui occasionnent des distorsions du marché? Si vous osez prétendre que cela n'entraîne aucune distorsion sur le marché, j'aimerais vous l'entendre dire très clairement.

+-

    M. Michael Keenan: J'aimerais faire deux remarques. La première, c'est qu'un véritable programme de mise en réserve qui consiste à cesser toute production entraîne une distorsion sur le marché. Il a entraîné une distorsion du marché puisqu'il limite la production, mais cette distorsion ne se fait pas de la même manière que l'on croit habituellement. Et puisque ces terres mises en réserve sont des caractéristiques si grandes du système américain, elles sont importantes pour comprendre comment l'interaction entre les subventions et leurs programmes entraîne une distorsion au niveau de la production et du commerce.

    Deuxièmement, je voudrais dire que les États-Unis effectuent un changement concerté et ils affirment en fait qu'en étendant leur programme de conservation, ils mettent plus l'accent sur ce qu'ils appellent les « terres de roulement ». Des clauses et des restrictions s'appliquent à ces terres en matière de conservation, mais les Américains insistent de plus en plus pour dire que ce sont des terres de roulement. Une certaine production y est permise, si bien que le système varie selon les quatre, cinq ou six programmes de conservation qu'ils ont mis en oeuvre dans le cadre de cette loi agricole.

  +-(1255)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Keenan.

    Nous allons maintenant passer à Mme Ur pour quelques brèves questions et nous conclurons avec M. Speller.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Steve, vous avez dit, dans votre présentation, que l'objectif a toujours été de diminuer les subventions commerciales. Nous autres, Canadiens, nous n'avons jamais hésité à nous asseoir à la table. Comment allez-vous vous y prendre pour accroître la pression ou envisagez-vous de nouveaux moyens pour faire entendre nos préoccupations à ce sujet?

    D'autre part, Mark, lorsque vous avez parlé du pays d'origine… J'ai tendu l'oreille lorsque j'ai entendu les noms de Tyson et de Wal-Mart. Ils finiront par être nos alliés, puisque les Américains écouteront certainement Tyson et Wal-Mart avant de prêter l'oreille aux agriculteurs canadiens. Par conséquent, cela m'a fait plaisir.

    J'ai une autre question. Steve, vous ne pourrez peut-être pas y répondre aujourd'hui. Pensez-vous qu'il serait utile d'imposer une échéance aux contestations et aux examens? Il semble en effet que cela ne finit jamais et lorsque l'analyse du dossier d'un certain produit est terminée le secteur canadien a subi des dommages graves dont il est très difficile de se relever. On dirait que les États-Unis ont choisi pour méthode de s'attaquer au Canada secteur par secteur afin de finir par paralyser toute notre agriculture. J'espère que je me trompe.

    Enfin, les États-Unis semblent avoir le tour pour proposer des programmes de catégorie « feu bleu », « feu vert » ou autres qui respectent les règles commerciales. En revanche, il semble qu'au Canada, nous proposons pour notre secteur agricole des programmes « feu rouge », jaune ou autres qui ne sont pas conformes à l'OMC. Dans quelle mesure avons-nous pris des dispositions pour que le CSA ne subisse pas le même sort?

    Je sais que l'on s'éloigne un peu du Farm Bill.

+-

    M. Steve Verheul: Tout d'abord, pour répondre à votre question concernant le soutien interne, beaucoup de nos efforts ont consisté à collaborer avec d'autres pays afin d'augmenter les pressions sur les États-Unis et l'UE en particulier. Nous avons demandé l'élimination complète des dépenses de la catégorie «feu jaune», jusqu'au niveau de minimus. La plupart de nos dépenses se situent au niveau de minimus. Cela devrait permettre à tous les pays de fonctionner selon les mêmes règles, puisque chaque pays serait autorisé à dépenser le même montant relativement à la taille de son industrie. Notre premier effort a consisté à aller dans cette direction et les pays en développement sont très favorables à cette approche.

    Au cours de la dernière séance de négociations, nous avons aussi lancé l'idée que les pays qui consentent des niveaux de soutien plus élevés seraient contraints d'apporter des réductions plus grandes que les autres pays où le soutien est moindre, de manière à aboutir à un équilibre. Nous avons avancé cette idée qui a obtenu également l'appui d'autres pays.

    Je pense que le principal élément de la stratégie consiste à s'assurer que nous disposons de l'appui du plus grand nombre possible de pays de manière à faire pendant aux États-Unis et à l'Europe. Et les États-Unis semblent être prêts à aller en ce sens dans la mesure où nous pouvons faire en sorte que l'Europe abaisse son soutien à des niveaux analogues à ce que pratiquent les États-Unis. Par conséquent, je pense que nous avons de nombreux appuis sur ce front.

    Il serait délicat d'imposer une limite de temps aux contestations. La plus grande faille du système est sans doute que le temps qu'il faut pour régler un litige est si long que les préjudices subis sont déjà nombreux au moment où le litige est résolu. Nous n'avons pas encore trouvé une bonne façon de remédier à ce défaut. Une partie des négociations auxquelles nous participons actuellement porte sur le mécanisme de règlement des différends à l'OMC. Nous allons tenter de présenter des idées visant à rationaliser le système afin de le rendre plus efficace et plus rapide pour tenir compte de ce genre de choses.

    Dans votre dernière question, vous voulez savoir si nous nous sommes demandé, au moment de la programmation du CSA, s'il relèverait de la catégorie «feu vert». Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les spécialistes des politiques nationales de notre ministère, afin de faire en sorte que la clause de sauvegarde du nouveau CSRN que nous mettons au point soit conforme aux critères de la catégorie «feu vert». Par conséquent, toutes les dépenses seront conformes aux critères et le programme pourra être classé dans cette catégorie. Certains éléments demeureront dans la catégorie «feu jaune» mais ils seront moins nombreux que par le passé. Aussi, je pense que nous progressons dans la bonne direction et qu'un plus grand nombre de nos dépenses relèveront de la catégorie «feu vert».

·  -(1300)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Verheul.

    Monsieur Speller, une très brève question.

+-

    M. Bob Speller: Une question, très rapidement.

    Je suis d'accord et je crois que ce que vous vouliez dire en fait, c'est que nos politiques sont conformes aux règles commerciales. Dans le cas de la MGS, la mesure globale de soutien, vous nous avez parlé des chiffres de l'an dernier. Avez-vous des chiffres s'appuyant sur les montants prévus que les Américains accorderaient en vertu de la loi agricole et savez-vous dans quelle mesure ils sont comparables aux montants que nous accorderons en vertu du CSA?

+-

    M. Michael Keenan: Nous avons fait quelques calculs généraux pour déterminer quelles seront les dépenses des Américains à l'avenir par rapport aux codes de l'OMC. J'ai parlé un peu plus tôt de l'OCDE, mais il y a aussi la MGS, etc. Au cours de l'analyse dont Steve a parlé, nous avons fait nos calculs pour que le CSA cadre avec les engagements de l'OMC et Steve pourra vous donner d'autres détails à ce sujet, mais nous sommes actuellement au Canada largement en dessous des limites de l'OMC pour les dépenses MGS. Un des divers éléments que l'examen individuel nous a permis d'observer, c'est, comme il l'a dit, un déplacement vers les dépenses et la gestion de risques de la catégorie « feu vert » en raison d'une plus grande quantité structurée de dépenses de catégorie « feu vert » dans beaucoup d'autres secteurs. Beaucoup de ces dépenses étant de la catégorie « feu vert », nous estimons que notre MGS est à la baisse. Elle est à la hausse chez les Américains.

    Nous l'avons remarqué en partie parce que nous avons observé de très prêt comment ils procèdent avec la limite imposée par l'article 19.1. Il y a actuellement beaucoup d'incertitude, puisque nous nous servons de projections. Dès que les chiffres concernant les dépenses seront connus, nous serons en mesure de faire un constat plus direct. Cette année, nous avons un problème, étant donné que la sécheresse a fait hausser les prix. Les paiements de beaucoup de frais ont cessé en hiver. Certains sont à la baisse. On assiste actuellement à une légère reprise. Les paiements contracycliques ont vraiment diminué à cause des sommets atteints par les prix, c'est pourquoi je pense qu'il est probable que les chiffres de cette année seront beaucoup plus conformes à la limite fixée par l'article 19.1. Nous serons vraiment fixés lorsque nous commencerons à connaître les chiffres de l'année prochaine et que nous pourrons les utiliser pour appuyer notre argumentation, mais cela va prendre du temps.

+-

    Le président: Merci, monsieur Keenan.

    Cette rencontre a été très utile, mais évidemment, nous n'avons pas fait le tour de la question.

    J'aimerais vous poser une brève question. Pouvez-vous me dire quelle est la cause de la divergence entre le Canada et les États-Unis depuis 1994? Jusque-là, nous avions des niveaux des subventions beaucoup plus semblables. Il semble que nous nous soyons éloignés l'un de l'autre. Et, bien entendu, la plus récente loi agricole américaine n'a fait qu'augmenter cet écart. Quelle est la raison derrière tout cela? Donnez-nous très rapidement votre point de vue. Je ne veux pas que cela prenne trop de temps.

+-

    M. Mark Corey: Monsieur le président, je crois que c'est une question de leadership. Au Canada, notre gouvernement a abordé le problème dans une perspective beaucoup plus globale, je crois. Autrement dit, nous nous sommes rendu compte que nous ne pouvions pas traiter chaque cas isolément. Nous devons nous éloigner de la gestion de crise. Nous devons tenir compte du Brésil et de l'Argentine et des autres pays en émergence, sans oublier ce qui se passe aux États-Unis et nous devons nous assurer que nos agriculteurs seront concurrentiels dans le monde qui se dessine pour le siècle à venir.

    Je crois que les dirigeants américains ont admis eux-mêmes qu'ils se fiaient plus aux prérogatives à court terme. Je n'entrerai pas dans les détails, mais je pense que la plupart des gens connaissent bien la situation. En bout de ligne, l'Administration a cédé et a posé des gestes qu'elle avait tout simplement exclus au début de son mandat. Je pense que l'écart entre nos deux pays s'explique tout simplement par une différence de leadership. J'espère et je crois que nous espérons tous que les États-Unis finiront par retomber sur leurs pieds et reprendront le leadership dont le Canada et la plupart des autres pays de l'OMC ont besoin, parce que les États-Unis sont un intervenant important dans les négociations commerciales internationales. Nous avons besoin d'eux pour revenir aux principes fondamentaux qu'ils défendaient au début et nous ferons tout ce que nous pouvons pour les encourager en ce sens.

-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je tiens à avertir les membres du comité que mardi nous avons une rencontre avec le ministre. Nous encourageons nos collègues à être présents. Nous pourrons obtenir réponse mardi aux questions que nous n'avons pas pu poser aujourd'hui. Évidemment, nous attendons des réponses. Ce sera à 8 heures mardi prochain. Nous déjeunerons avec la délégation de midi à 13 h 30 le mardi, puis nous rencontrerons le… À 8 heures, réservons-leur une surprise. Comme l'a suggéré M. Hilstrom, cela devrait être amusant. Nous allons rencontrer les représentants américains à 15 h 30 mardi prochain et nous pourrons alors peut-être poser directement à nos amis américains certaines des questions que nous n'avons pas pu présenter ce matin.

    Merci beaucoup, messieurs, d'être venus. Au nom du comité, je vous remercie d'être venus témoigner et d'avoir répondu à nos questions ce matin.

    La séance est levée.