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NRGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS

COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 11 mai 2000

• 1104

[Traduction]

Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): Collègues, mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte.

Nous reprenons nos audiences sur le projet de loi C-12, Loi modifiant la partie II du Code canadien du travail, portant sur la santé et la sécurité au travail, apportant des modifications matérielles à la partie I du Code canadien du travail et modifiant d'autres lois en conséquences.

• 1105

Nous recevons aujourd'hui deux groupes de témoins. Nous en avions contacté plusieurs autres, à la demande des membres du comité, mais ils ont décliné l'invitation. Je pense néanmoins que nous procéderons, avec les témoins que nous entendons aujourd'hui, à un examen exhaustif de cette mesure.

Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin le médecin conseil de la Direction de la santé publique de l'Outaouais, le Dr Luc Bhérer. Il appartient à l'Association des médecins du réseau public en santé au travail du Québec. Qu'il ne soit jamais dit que nous n'écoutons pas les avis des Canadiens habitant à l'est de la rivière. Nous recevons maints témoins qui illustrent la manière dont les choses se déroulent ou devraient se dérouler. Nous sommes ravis que vous vous joignez à nous ce matin.

Docteur Bhérer, sans plus tarder, nous allons vous accorder une dizaine de minutes pour faire votre exposé et ensuite nous aurons des questions à vous poser. Vous avez la chance de comparaître seul, si bien que vous pourriez bien avoir à répondre à des questions de tous les membres présents. Je ne sais pas combien de temps cela prendra. D'ailleurs, docteur Bhérer, vous constaterez probablement que d'autres membres arriveront dans un moment, les whips des différents partis les faisant tourner entre les bâtiments.

Je signale à mes collègues que le docteur Bhérer dépose un mémoire. Malheureusement, il n'est pas traduit, si bien que nous n'allons pas le distribuer comme c'est la coutume, mais dès qu'il sera traduit, tous les membres le recevront.

[Français]

Docteur Bhérer, à vous la parole.

Dr Luc Bhérer (médecin-conseil en santé au travail, chef du service clinique de santé au travail, Direction de la santé publique de l'Outaouais, Association des médecins du réseau public en santé au travail du Québec): Est-ce que je peux m'adresser au comité en français?

Le président: Oui.

Dr Luc Bhérer: Je remercie le comité de donner à l'Association des médecins du réseau public en santé au travail du Québec l'occasion de vous entretenir de ce sujet. Je représente cette association, ainsi que des chercheurs dans le domaine de la médecine sociale et préventive et des professeurs de l'Université Laval.

Dans le texte, il y a une petite coquille que je vous indiquerai afin de m'assurer que vous comprendrez bien le court texte que je vous présenterai.

Depuis 20 ans, plusieurs médecins de santé publique participent activement à l'application du droit de retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite au Québec, en collaboration avec les médecins traitants. La pertinence et l'importance d'une telle mesure de protection de la santé des travailleuses sont indéniables; cela nous est apparu de plus en plus clairement au fil du ans. En effet, si la grossesse n'est pas une maladie, elle n'en demeure pas moins une expérience de vie très exigeante aux plans physiologique, biologique et social, de même qu'une phase particulièrement vulnérable pour l'enfant. La mise en application de cette mesure prévue dans la Loi québécoise sur la santé et la sécurité du travail a été une occasion pour plusieurs médecins de santé publique du Québec, pour les médecins traitants et pour les travailleuses elles-mêmes de mieux suivre l'évolution des connaissances concernant les effets de différentes conditions de travail sur la santé des travailleuses enceintes et sur celles de l'enfant à naître ou allaité.

L'analyse d'un très grand nombre de requêtes, soit environ 20 000 par année pour l'ensemble du Québec, nous a permis de constater que le travail de plusieurs femmes est très exigeant et que plusieurs conditions de travail doivent être modifiées car elles représentent un danger pendant la grossesse. Procédant à une estimation de quelques-unes des retombées du retrait préventif à partir des données de l'étude qu'a réalisée à Montréal Mme Allison D. McDonald, on arrive aux conclusions suivantes: le retrait préventif pourrait permettre d'éviter au moins 340 morts foetales au Québec, soit dans le cas de 6 travailleuses enceintes sur 1 000—c'est ici qu'il y avait une coquille—, et 110 naissances prématurées, soit dans le cas de 2 travailleuses enceintes sur 1 000, à chaque année. Ces gains, explique-t-elle, seraient en très grande partie réalisés par l'élimination des contraintes ergonomiques, parce qu'elles sont de loin les plus fréquentes.

Les employeurs sont encore trop peu nombreux à avoir procédé aux aménagements qui permettraient aux travailleuses de poursuivre leur grossesse au travail dans de meilleures conditions. De plus, le contexte économique difficile des dernières années a souvent accru les charges de travail, en même temps que la précarité du travail et la précarité sociale pour beaucoup de femmes.

• 1110

Entre 1981 et 1991, 85 p. 100 des travailleuses ayant remis un certificat ont été retirées du travail, alors que la loi vise avant tout à les maintenir au travail. Dans certains secteurs d'activité cependant, le portrait commence à changer et les réaffectations sont plus nombreuses. Nous croyons que l'application du droit de retrait préventif a pu contribuer à ces améliorations. Depuis 1992, le taux de réaffectation a augmenté progressivement pour atteindre 27,9 p. 100 en 1998; ces réaffectations durent parfois jusqu'à l'accouchement, d'autres fois jusqu'à 25 ou 30 semaines. Nous avons aussi pu constater que le retrait préventif était utilisé, comme il est souhaitable, par une proportion de femmes d'autant plus grande que le niveau de pénibilité des conditions de travail croît. Tel ne semble pas le cas lorsque des mesures de prévention ne s'appliquent que sur la base de la prescription médicale d'arrêt de travail et sur le pouvoir de négociation des travailleuses mieux organisées.

Les signataires de ce mémoire souhaitent depuis longtemps que toutes les travailleuses du Québec puissent bénéficier des mêmes droits et de la même protection pendant la grossesse. Trop souvent avons-nous dû constater que, faute de dispositions protégeant à la fois leur santé et celle de l'enfant à naître, leur droit au travail et leur revenu, plusieurs travailleuses doivent poursuivre leur travail dans des conditions dangereuses pour leur santé et celle de l'enfant à naître parce qu'elles travaillent pour un établissement à charte fédérale. Pourtant, le soulèvement de charges n'est pas moins dangereux pour une bagagiste qui travaille à l'aéroport de Kuujjuaq que pour une cuisinière travaillant dans un restaurant de Québec. Dans les faits, la première devra travailler tant qu'elle sera capable ou tant qu'elle n'aura pas développé des complications, alors que le travail de la seconde pourra être allégé dès le début de sa grossesse; ou encore, cette dernière pourra cesser de travailler. Ni l'une ni l'autre n'ont les moyens d'être privées de revenus pendant plusieurs mois, surtout au moment où elles attendent un enfant. Il est difficile de comprendre qu'il puisse exister une telle discrimination entre des citoyennes d'une même province, surtout lorsque la santé des travailleuses enceintes et celle de leur enfant à naître sont en jeu. Nous ne connaissons pas très bien la situation dans les autres provinces, mais il nous semble indispensable que toutes les sociétés développées se dotent de mesures de protection de la santé des travailleuses enceintes et des bébés qu'elles portent, et que les femmes ne soient pas pénalisées au plan professionnel et financier par l'exercice d'un tel droit.

À nos yeux, l'article 132 proposé dans le projet de loi C-12 est beaucoup trop timide et n'est pas de nature à protéger les travailleuses qui en ont le plus besoin. En effet, en l'absence d'une protection adéquate du revenu et de l'emploi ainsi que des avantages qui y sont liés, seules les femmes disposant de revenus plus élevés ou dont l'employeur dispose d'une grande marge de manoeuvre pour ajuster le travail pourront se permettre de bénéficier d'une protection adéquate de leur grossesse et de leur santé, mais à leurs frais. Or, les conditions de travail les plus dangereuses s'accompagnent habituellement d'un revenu plus faible, ce qui nuit très considérablement à la portée préventive de la loi. Il serait de plus très surprenant qu'avec des dispositions si peu contraignantes, les employeurs d'entreprises à charte fédérale procèdent à des réaffectations adéquates en plus grand nombre et plus rapidement que ne le font depuis 20 ans les entreprises à charte provinciale. Si notre lecture du paragraphe 132(3) proposé est correcte, la plupart des travailleuses devront reprendre leur travail dangereux dès que leur médecin en sera venu à une décision car aucune disposition ne protège leur revenu ni leur emploi si elles cessent de travailler parce que leur employeur juge qu'il ne peut pas éliminer les dangers ou les affecter à d'autres tâches.

Quant à l'allaitement, nous croyons qu'un prolongement du congé de maternité est plus approprié et plus pressant qu'une mesure de protection spécifique pour l'allaitement.

Nous formulons les recommandations suivantes. Les paragraphes 132(1), (2), (4) et (5) proposés devraient être adoptés tels que formulés, mais viser spécifiquement les travailleuses enceintes. Le paragraphe 132(3) proposé devrait être remplacé par des dispositions obligeant l'employeur à éliminer le danger et à affecter la travailleuse à un travail qui ne comporte pas de danger. Une disposition complémentaire devrait prévoir comment le revenu de la travailleuses sera protégé: son salaire sera-t-il payé directement par l'employeur ou par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le gouvernement fédéral effectuera-t-il un remboursement, ou aura-t-on recours à une autre disposition nous permettant d'atteindre le même résultat?

Le président: Merci. Madame Guay, vous avez déjà écrit un document à ce sujet.

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Me permettez-vous de poser des questions?

Le président: Non, ce sera d'abord à Dale Johnston.

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Alliance canadienne): Je vous en prie.

Le président: C'est un gentilhomme élégant. Madame Guay.

• 1115

Mme Monique Guay: Il est très gentil. On travaille avec des gentlemen ici.

Le président: Ils sont de l'Ouest.

Mme Monique Guay: Certains d'eux.

Monsieur Bhérer, merci beaucoup d'être venu nous rencontrer ce matin. Vous nous avez présenté un point de vue qui complète les témoignages qu'on a reçus et je crois que les membres du comité vont en prendre bonne note.

Au paragraphe 132(2) proposé, on lit:

    (2) L'employée doit, dans les meilleurs délais, faire établir l'existence du risque par un médecin—au sens de l'article 166—de son choix.

J'aimerais savoir si, selon vous et votre association, un médecin généraliste qui n'est pas spécialisé dans les questions de santé et de sécurité du travail peut diagnostiquer aussi bien que vous, qui êtes un spécialiste en la matière, des problèmes ou maladies liés au travail.

Dr Luc Bhérer: De fait, pour évaluer le danger, il faut avoir acquis une bonne connaissance de l'environnement de travail, de l'organisation du travail, enfin de tous les déterminants qui s'exercent dans un milieu de travail. C'est pour cette raison que le législateur québécois a prévu que le médecin traitant, celui qui est en relation avec la femme enceinte, remette le certificat et consulte le médecin désigné par le directeur de la santé publique, un médecin désigné qui dispose de ressources qui lui permettent de caractériser le milieu de travail en vue de formuler des recommandations pertinentes en fonction du milieu de travail et en fonction de la littérature qui évolue tout le temps. Évidemment, c'est une littérature spécifique et il est, à mon avis, difficile pour un médecin seul dans son bureau d'évaluer tous les dangers auxquels les travailleuses enceintes peuvent être exposées.

Mme Monique Guay: Et de prendre une décision, en fin de compte, au sujet du retrait préventif de la travailleuse.

Dr Luc Bhérer: Oui.

Mme Monique Guay: Le texte législatif est silencieux quant aux moyens mis à la disposition de ce médecin pour cerner les risques pour la santé dans le milieu du travail. Le médecin est laissé à lui-même. De plus, la loi reste muette quant à son accès aux données que détient l'employeur. Dans de telles conditions, le médecin sera-t-il en mesure de bien faire son travail?

Dr Luc Bhérer: Effectivement...

Mme Monique Guay: Vous avez sans doute déjà travaillé avec des médecins généralistes. Vous qui êtes un spécialiste des questions liées au retrait préventif, pourriez-vous établir une comparaison?

Dr Luc Bhérer: La pratique d'un médecin généraliste qui fait de l'obstétrique est déjà très exigeante puisqu'il est appelé à toute heure pour faire des accouchements. On ne fait qu'ajouter à sa charge de travail si on lui demande de téléphoner à l'employeur afin d'obtenir de l'information, surtout lorsqu'il s'agit d'une entreprise de petite taille qui n'est pas en mesure de se doter, comme le font de grandes corporations, de ressources en hygiène du travail et où on n'a pas procédé à une analyse des postes de travail. C'est généralement la situation qui existe dans les établissements moins importants.

Mme Monique Guay: On sait qu'il faut prendre rapidement une décision au sujet d'un retrait préventif parce qu'on risque très souvent de mettre en jeu la naissance même de l'enfant. Êtes-vous en mesure de prendre une décision plus rapidement qu'un médecin généraliste dans ces cas-là?

Dr Luc Bhérer: Oui, absolument. Enfin, prendre une décision est une chose, et prendre la bonne décision en est une autre. Pour prendre une bonne décision, il faut avoir la bonne information, ce qui suppose qu'on a rapidement accès à l'information. Il faut également bien connaître la littérature scientifique sur ces sujets très particuliers.

Mme Monique Guay: Il faut vraiment faire appel à des gens spécialisés dans le domaine.

Dr Luc Bhérer: C'est pour cette raison que nous croyons qu'en consultant un médecin qui a développé cette expertise, le médecin traitant sera en mesure de signer un certificat de retrait préventif qui est fondé, approprié et pertinent.

Mme Monique Guay: J'aimerais poser une dernière question, monsieur le président.

Vous oeuvrez au Québec et vous connaissez bien le travail dans cette province-là, ainsi que les dispositions de la loi relatives au retrait préventif. Vous avez dit ne pas très bien connaître ce qui se passe dans les autres provinces. Ne pensez-vous pas qu'on a une occasion assez extraordinaire à l'heure actuelle, dans le cadre de notre étude du projet de loi C-12, d'être avant-gardistes au niveau fédéral et d'adopter un projet de loi solide qui protégera vraiment les femmes en matière de santé et sécurité au travail?

• 1120

Dr Luc Bhérer: Tout à fait, dans la mesure où la travailleuse ne sera pas mise devant le choix d'avoir à retourner chez elle sans rémunération ou d'avoir à retourner au travail pour assurer sa subsistance. Oui, c'est une occasion à ne pas manquer.

La plupart des éléments sont, à notre sens, tout à fait adéquats et, d'ailleurs, nous vous recommandons de les maintenir. Autrement, si on laisse aux employeurs seuls la liberté de décider ce qu'ils vont faire... On voit qu'au Québec, ils sont relativement peu nombreux à le faire bien qu'ils n'aient pas le choix. Donc, trop souvent, les travailleuses choisissent le retrait préventif pour ne pas ajouter aux exigences de la tâche de l'employeur qui, lui aussi, a beaucoup de choses à faire.

Mme Monique Guay: Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci, madame Guay.

Monsieur St-Julien.

M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Docteur, ce qui m'inquiète, c'est qu'à la page 3 de votre mémoire, vous parlez d'une bagagiste qui travaille à l'aéroport de Kuujjuaq. Pourriez-vous me dire pour quelle compagnie elle travaille ? Je connais la réponse, mais je voudrais me la faire confirmer.

Dr Luc Bhérer: Dans un aéroport. J'imagine que c'est l'aéroport de Kuujjuaq.

M. Guy St-Julien: C'est bien. Mais l'aéroport appartient à Air Inuit, et il y a une autre compagnie aérienne, First Air.

Vous dites qu'une bagagiste qui travaille à l'aéroport de Kuujjuaq devra travailler tant qu'elle en sera capable ou tant qu'elle n'aura pas développé de complications, tandis que tout ira bien pour une cuisinière qui travaille dans un restaurant du sud. Qu'est-ce qui vous fait dire ça? C'est ce que je veux savoir.

Dr Luc Bhérer: En fait, les contraintes ergonomiques sont les mêmes pour la femme enceinte qui travaille dans un restaurant, qui doit déplacer des poches de patates, pour donner un exemple, ou des seaux de divers produits, que pour la bagagiste dans un aéroport.

Si le médecin établit que ces activités constituent des contraintes excessives, les conséquences ne seront pas les mêmes pour celle qui travaille dans un établissement à charte fédérale que pour celle qui travaille dans un établissement à charte provinciale. Cette dernière bénéficiera d'un retrait préventif alors que celle qui est dans un établissement fédéral—si notre lecture de l'article, tel qu'il est proposé, est la bonne comme je l'ai dit un peu plus loin dans le texte—devra déterminer si elle retourne chez elle sans rémunération ou si elle reste au travail jusqu'à ce que les contraintes aient des conséquences défavorables pour sa grossesse. Il peut s'agir de la perte de l'enfant, de contractions prématurées ou, que sais-je encore, de toutes les complications de la grossesse. Il y en a plusieurs.

M. Guy St-Julien: Avez-vous des exemples de choses qui se seraient produites à Kuujjuaq?

Dr Luc Bhérer: Non.

M. Guy St-Julien: D'accord.

Dr Luc Bhérer: C'est un exemple.

M. Guy St-Julien: Vous parlez d'un restaurant à Québec. Selon moi, il y a des restaurants à charte fédérale au Québec.

Dr Luc Bhérer: Ce serait le même exemple...

M. Guy St-Julien: C'est vice versa.

Dr Luc Bhérer: Oui, oui. En fait, dans un établissement à charte provinciale, c'est le retrait préventif qui s'applique. Si le projet de loi C-12 était appliqué tel quel dans un établissement fédéral, le traitement serait différent. Le plus souvent, le fardeau appartiendrait ultimement à la travailleuse seule.

M. Guy St-Julien: Si je m'inquiète de ce que vous dites à propos de Kuujjuaq, c'est parce que c'est dans ma circonscription. C'est à 2 000 kilomètres d'ici. Ma circonscription est la plus grande du Canada. Pourquoi prendre un exemple dans une région éloignée comme Kuujjuaq? Il pourrait en être de même pour une bagagiste de l'aéroport de Québec.

Dr Luc Bhérer: Absolument. En fait...

M. Guy St-Julien: C'est important, parce que je trouve...

Dr Luc Bhérer: Vous avez raison.

M. Guy St-Julien: C'est important de le savoir, parce que si vous l'écrivez dans votre mémoire... J'ai justement parlé à quelqu'un de Kuujjuaq ce matin alors que je n'étais pas au courant de cela. Je vais leur signaler cet après-midi qu'on a mentionné qu'il peut y avoir de tels problèmes à l'aéroport de Kuujjuaq. Pourtant, je ne le crois pas parce qu'il y a un hôpital...

C'est important. Mme Guay veut intervenir, mais je trouve que c'est important dans les régions éloignées. C'est important, qu'on soit dans le Québec profond, dans le Québec moyen ou dans le Québec central. Selon moi, quand vous donnez un exemple, vous devez être précis.

Dr Luc Bhérer: Oui. De fait, je vous avoue que je ne suis pas l'auteur principal du texte. Nous l'avons rédigé à quelques-uns. Cet exemple-là me paraissait plutôt une illustration de la situation, mais effectivement, c'est peut-être maladroit. Cela aurait pu être l'aéroport de Québec, où la situation aurait été tout à fait pareille. Quant au restaurant...

M. Guy St-Julien: Je trouve cela maladroit. Pour terminer sur le sujet de Kuujjuaq, monsieur le président, je dirai que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial sont fiduciaires de de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, avec les Cris, les Inuits et les Naskapis. Surtout dans ce territoire du Nunavik, les gouvernements du Québec et du Canada sont des fiduciaires.

• 1125

Je suis d'accord avec vous que vous n'avez pas d'exemple précis. Je vois la liste des médecins. Selon vous, il n'y a pas plus de problèmes dans les régions éloignées que dans le sud, n'est-ce pas?

Dr Luc Bhérer: Ce sont les mêmes problèmes.

M. Guy St-Julien: Parfait. Merci, monsieur le président.

Dr Luc Bhérer: Ce sont les mêmes problèmes pour les travailleuses enceintes. Où qu'elles travaillent, que ce soit à Kuujjuaq, à Québec, à Sept-Îles ou à Hull, elles sont exposées aux mêmes dangers puisque les contraintes sont les mêmes.

M. Guy St-Julien: C'est ce que je voulais entendre.

Dr Luc Bhérer: Tout à fait.

Mme Monique Guay: À Regina.

M. Guy St-Julien: Non, non. C'est cela que je voulais vous entendre dire.

Dr Luc Bhérer: Tout à fait.

M. Guy St-Julien: J'apprécie que vous parliez de Regina et d'une autre province canadienne. Merci, madame Guay.

Le président: Merci, monsieur St-Julien. Merci, madame Guay et merci, docteur Bhérer.

[Traduction]

Vous avez jeté un nouvel éclairage sur cette question particulière. Je vous en remercie. Thank you.

Nous allons suspendre la séance une minute en attendant que les fonctionnaires ministériels prennent place à la table. Je crois qu'ils sont déjà arrivés.

• 1126




• 1128

Le président: Nous allons reprendre la séance, chers collègues.

Nous souhaitons la bienvenue aux représentants du ministère du Développement des ressources humaines Canada. Il s'agit de M. Warren Edmondson, sous-ministre adjoint du Travail; de M. Gerry Blanchard, directeur général des opérations, Travail; de Mme Michèle Beauchamp, analyste des programmes, Opérations, Travail; et de M. Rick Seaman, analyste des programmes, Opérations, Travail.

Madame et messieurs, merci de vous joindre à nous pour la fin de nos audiences sur le projet de loi C-12. Je sais que vous connaissez bien notre façon habituelle de procéder. Je crois savoir que M. Edmonson fera un exposé liminaire d'une dizaine de minutes, ensuite de quoi nous lui poserons nos questions.

• 1130

Je suis sûr que vous avez, individuellement et collectivement, suivi nos travaux et savez très probablement quels problèmes ont été soulevés. Je n'ai pas lu votre mémoire, mais si vous voulez en traiter lors de votre exposé, très bien. Sinon, nous aurons amplement l'occasion de vous poser des questions.

Monsieur Edmondson.

M. Warren Edmondson (sous-ministre adjoint, Travail, ministère du Développement des ressources humaines): Merci, monsieur le président et membres du comité. Nous sommes très heureux de comparaître. Ce projet de loi a été l'objet de consultations entre nous et nos partenaires du milieu de travail depuis pas mal de temps et nous sommes très heureux de comparaître aujourd'hui devant le comité.

Notre ministre, l'honorable Claudette Bradshaw, est très déçue, comme vous le savez, de ne pouvoir vous rencontrer en personne aujourd'hui. Je parlerai en son nom du projet de loi C-12.

Monsieur le président, vous avez déjà présenté les fonctionnaires du Programme du travail au sein du ministère du Développement des ressources humaines.

M. Gerry Blanchard est directeur général des Opérations. Il supervise à ce titre l'administration de la partie II du Code canadien du travail, au niveau du bureau central et des régions, et ce jusqu'au niveau des inspecteurs d'hygiène et de sécurité dans tout le pays.

Michèle Beauchamp et Rick Seaman sont tous deux des analystes de programme à la Direction générale des opérations et ont suivi de très près la rédaction du projet de loi, depuis le début. Ils ont été en contact étroit avec nos partenaires du milieu de travail.

Mes collaborateurs, qui connaissent très bien les aspects techniques du projet de loi, et moi-même ferons de notre mieux pour répondre à toutes vos questions.

L'importance du projet de loi C-12 vient du fait qu'il montre que le gouvernement du Canada tient à assurer un milieu de travail sain et sécuritaire aux Canadiens et aux Canadiennes. De l'avis de la ministre, ce projet de loi porte sur une problématique qui est principalement humaine, mais aussi économique.

En effet, chaque année, dans les milieux de travail de compétence fédérale, 60 000 travailleurs sont victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles et de 30 à 40 d'entre eux y perdent la vie. Cela représente plus d'un million de jours-personnes de travail par année, et engendre des coûts de plus de 350 millions de dollars en salaires perdus, en soins médicaux, en mesures de réadaptation et en pensions d'invalidité. En fait, ces accidents et ces maladies font perdre plus de jours de travail par année au Canada que les grèves et les lockouts.

Ces accidents du travail et maladies professionnelles coûtent à l'économie canadienne près de 5 milliards de dollars par an. C'est une somme énorme. À cela s'ajoutent l'angoisse et les souffrances des personnes qui ont perdu un être aimé et des gens qui doivent passer le reste de leur vie avec un membre en moins ou une maladie respiratoire en raison des risques du milieu de travail.

Nous devons régler le problème de la sécurité et de la santé au travail, et c'est ensemble que nous devons le faire. Autrement dit, les gouvernements, les employeurs, les syndicats, les travailleurs et les professionnels de la santé doivent s'unir pour y faire face.

[Français]

Le projet de loi à l'étude représente la deuxième des trois étapes de la réforme du Code canadien du travail qu'a entreprise le gouvernement du Canada. Les importantes modifications proposées à la partie II du code montrent bien que le gouvernement croit que les initiatives visant à promouvoir un milieu de travail plus sain et plus sécuritaire, à favoriser des relations syndicales-patronales constructives et à encourager la participation des employés à la prise des décisions constituent non seulement une bonne politique sociale, mais aussi une bonne politique économique.

Comme les membres du comité le savent, les questions relatives à la sécurité et à la santé au travail se révèlent très complexes. La partie II du code établit le cadre législatif pour traiter les questions en ce qui a trait aux employés de compétence fédérale, lesquels représentent environ 10 p. 100 de la main-d'oeuvre canadienne.

• 1135

[Traduction]

Cette main-d'oeuvre joue un rôle crucial dans l'économie canadienne, car elle représente une infrastructure de base qui établit des liens économiques essentiels aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale. Selon la partie II du Code, la sphère de compétence fédérale comprend la fonction publique fédérale, certaines sociétés d'État, des industries que le Parlement a déclarées d'intérêt général pour le Canada, comme la manutention des grains et les mines d'uranium, ainsi que les industries d'envergure internationale ou interprovinciale, comme le transport ferroviaire, routier, aérien et maritime, les pipelines, le débardage, les banques et les télécommunications.

La partie II du Code définit les obligations des employés et des employeurs. Elle établit aussi trois droits fondamentaux des employés en matière de sécurité et de santé. Il s'agit du droit de connaître les dangers auxquels ils sont exposés dans leur lieu de travail et les moyens d'y faire face, du droit de participer à l'élimination de ces dangers et du droit de refuser un travail dangereux. La partie II établit aussi les procédures à suivre pour exercer ces droits.

Les dernières modifications importantes de la partie II du Code sont intervenues en 1985. Depuis, le gouvernement du Canada et les groupes intéressés ont repéré les dispositions à modifier. Les modifications proposées visent à assurer que la partie II continue de protéger les travailleurs, comme elle est censée le faire, à l'aligner sur la législation des autres administrations s'occupant de santé et de sécurité au travail et à moderniser l'approche de la réglementation relative à la santé et à la sécurité au travail.

Cinq caractéristiques de ce projet de loi sont particulièrement importantes. Premièrement, il confie aux comités de santé et de sécurité locaux le mandat d'inspecter régulièrement les lieux de travail et augmente leur pouvoir en matière de traitement des plaintes. Ainsi, les parties pourront détecter et régler rapidement les problèmes, dès qu'ils se produiront.

Deuxièmement, deux membres d'un comité, représentant l'un la direction et l'autre les employés, pourront enquêter sur une plainte et la régler. Quand ils jugeront qu'il y a infraction au code, ils pourront demander à l'employeur de s'engager par écrit à s'y conformer. Quand ils constateront qu'il y a un danger immédiat, ils pourront prendre les mesures nécessaires pour interrompre l'activité dangereuse. Quand ils ne pourront s'entendre sur une solution, ils pourront demander à un agent de santé et de sécurité du gouvernement d'intervenir.

Troisièmement, les entreprises de 300 employés ou plus devront se doter d'un comité d'orientation en matière de sécurité et de santé. Ce comité s'occupera de diverses questions, comme l'organisation d'activités de prévention des accidents et de sensibilisation à la sécurité et à la santé au travail.

Quatrièmement, le gouvernement s'engage à rendre les lieux de travail plus favorables aux familles. Par exemple, le projet de loi prévoit une protection supplémentaire pour les employées enceintes et allaitantes. Il prévoit que, si une employée a des raisons de croire qu'une activité ou une situation, comme l'exposition à un produit chimique, peut nuire à sa santé, à celle de son foetus ou à celle de l'enfant qu'elle allaite, elle pourra cesser de faire le travail qui l'inquiète jusqu'à ce qu'elle puisse consulter son médecin.

Cinquièmement, le projet de loi prévoit la prise de règlements obligeant les employeurs à élaborer, à établir et à contrôler, après avoir consulté le Comité de sécurité et de santé au travail, un programme de prévention adapté à la taille du lieu de travail et à la nature des dangers.

Tous ces changements sont importants. Ils témoignent de l'importance que le gouvernement du Canada accorde à la sécurité et à la santé au travail et montre qu'il a confiance dans la volonté et la capacité des syndicats et des entreprises de régler leurs problèmes à leur satisfaction mutuelle.

Pour terminer, je tiens à souligner que nous avons pris au sérieux nos obligations en matière de consultation pour la rédaction de ce projet de loi. De fait, nous avons amorcé les consultations en 1993. Depuis, l'information a circulé librement parmi les parties intéressées pour pouvoir trouver les meilleures solutions possibles. Ce type de consultation s'avère essentiel pour répondre aux besoins et aux préoccupations de tous les intervenants. La participation des syndicats et des entreprises au processus de consultation favorise une plus grande conformité volontaire aux règlements.

• 1140

Faisaient partie des intervenants tous les organismes concernés du gouvernement du Canada, les principales organisations de travailleurs et d'employeurs et les principaux employeurs et groupes patronaux. En ce qui concerne les 200 modifications et plus qui ont été proposées, le consensus a été de plus de 95 p. 100. Au nom du ministre, je félicite les intervenants pour leur persévérance et leur esprit de coopération. Je les remercie pour leur contribution au projet de loi que vous avez devant vous aujourd'hui.

La ministre considère que ce projet de loi contribuera largement à réduire le problème de la santé et de la sécurité au travail. Que le milieu de travail soit ce qu'il est censé être: stimulant, intéressant, utile et favorable à la santé.

Merci, monsieur le président. Comme je l'ai dit, nous serons ravis de répondre à vos questions de notre mieux.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Edmondson.

Je vais commencer par les membres de l'opposition. Monsieur Dale Johnston.

M. Dale Johnston: Merci, monsieur le président, et merci au ministère pour cet exposé.

Au projet d'article 146.3 du projet de loi, on a supprimé la procédure d'appel à deux paliers. Cette disposition explique également les fonctions de l'agent d'appel, mais je n'ai vu nulle part comment l'agent d'appel est choisi. Est-il nommé par le ministre pour chaque cas particulier ou bien s'agit-il d'un poste permanent, salarié? Pourriez-vous m'éclairer?

M. Warren Edmondson: Les agents d'appel sont des fonctionnaires et sont nommés conformément à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

M. Dale Johnston: D'accord. Et je suis sûr qu'il existe déjà des agents d'appel et des agents de sécurité publique, et donc cela signifie-t-il que l'on va augmenter les effectifs actuels ou bien accroître leurs fonctions?

M. Warren Edmondson: Je ne pense pas que cela entraînera une augmentation des effectifs. Ce n'est certainement pas l'intention du projet de loi. Simplement, le rôle de l'agent de sécurité régional, comme on l'appelle maintenant, sera redéfini et le poste s'appellera agent d'appel. La fonction quasi judiciaire qu'il exerce actuellement sera maintenue.

Le projet de loi contient une modification, dont mes collègues pourront vous parler plus en détail, qui accroît dans une certaine mesure la responsabilité de l'agent d'appel, en ce sens qu'il sera appelé à déterminer l'existence d'un danger dans un milieu de travail.

M. Dale Johnston: Cela semble un moment opportun pour aborder les préoccupations exprimées tant par les syndicats que le patronat concernant la suppression du deuxième palier de la procédure d'appel. D'après ce que nous avons entendu, ou du moins c'est ce que j'ai déduit des témoignages présentés jusqu'à maintenant, et s'il faut supprimer un des paliers, autant que ce soit celui de l'agent d'appel, afin que l'appel soit entendu directement par le CCRI. Pourquoi ne pas avoir retenu cette possibilité?

M. Warren Edmondson: Nos partenaires du milieu de travail, tant du côté syndical que patronal, ont certainement préconisé, dans nos consultations, un processus à deux paliers. Autrement dit, l'agent d'appel serait un premier palier d'appel, et le conseil, le CCRI, un deuxième palier, en quelque sorte.

• 1145

Nous y étions opposés, pour deux raisons, en fait. Premièrement, sachant que l'agent d'appel, auparavant l'agent de sécurité régional, ayant le rôle d'un tribunal quasi judiciaire, et ce depuis de nombreuses années, depuis la fin des années 80, et le conseil étant lui aussi un tribunal quasi judiciaire, nous ne voyons pas l'avantage d'avoir un deuxième tribunal quasi judiciaire revoyant les décisions du premier. En fait, nous entrevoyions une réticence du côté du second d'accepter de revoir ces cas.

Deuxièmement, il nous semblait que ce serait relativement inefficient et entraînerait des retards dans la prise de décisions. C'est probablement là notre objection principale.

En outre—et je demanderai à M. Blanchard de peut-être nous donner quelques chiffres—cette fonction existe depuis une quinzaine d'années, et les résultats, à notre sens, étaient relativement bons, en ce sens que très peu de décisions de l'agent de sécurité régional ont été annulées par la Cour fédérale. Peut-être M. Blanchard pourrait-il apporter quelques précisions et des chiffres, qui vous montreront la qualité des décisions de ces agents.

M. Gerry Blanchard (directeur général, Opérations, Travail, ministère du Développement des ressources humaines): Oui. Au cours des dix dernières années, mettons, plus de 1 800 directives ont été émises par nos agents. Sur ce nombre, jusqu'en 1999, 179 ont fait l'objet d'un appel. Parmi ces dernières, 15 sont allées en Cour fédérale, et dans deux cas seulement la décision de l'agent d'appel a été annulée. La procédure fonctionne donc bien.

Il faut également la capacité de réagir assez rapidement. Les appels sont entendus dans des délais raisonnables, vu la procédure qu'il faut suivre comme dans le cas de tout autre tribunal quasi judiciaire, mais il faut néanmoins pouvoir intervenir très rapidement le cas échéant. Cet agent d'appel peut littéralement sauter dans un avion et se rendre sur un lieu de travail lorsqu'il se produit un arrêt de travail de cette nature.

Nous enregistrons donc environ 25 appels par an, et 10 p. 100 seulement d'entre eux font l'objet d'un appel ultérieur en Cour fédérale.

M. Dale Johnston: L'une des objections que nous avons entendues dans les témoignages est que, avec le nouveau mécanisme, le seul recours est auprès de la Cour fédérale, ce qui coûte cher en temps et en argent. Comment réagissez-vous à l'idée que le recours, au lieu d'être auprès de l'agent d'appel, soit effectué directement auprès du CCRI?

M. Warren Edmondson: Votre question semblait comporter deux volets. Quel était déjà le premier? Désolé.

M. Dale Johnston: La crainte est que, avec cette nouvelle loi, la seule possibilité d'appel soit auprès de la Cour fédérale, lorsqu'on est mécontent de la décision de l'agent d'appel, et cela coûte cher en honoraires d'avocat, exige beaucoup de temps et tout ce que suppose une affaire judiciaire. Que répondez-vous à ceux qui demandent que l'appel soit entendu directement par le CCRI?

M. Warren Edmondson: Nous comprenons, certes, les préoccupations tant des syndicats que du patronat, en ce sens que nous souhaitons tous un mécanisme efficient et efficace et préférons que les problèmes de sécurité en milieu de travail soient réglés rapidement par des personnes qui ont les connaissances techniques voulues. Quel que soit le tribunal quasi judiciaire qui sera chargé de juger ces plaintes, ses décisions seront toujours sujettes à un recours devant la Cour fédérale si l'une des parties estime que ce tribunal a outrepassé sa compétence ou commis une erreur de droit, que cette décision ait été prise par l'agent d'appel actuel ou par le CCRI. Je ne suis donc pas sûr qu'il y ait moyen d'éviter les recours en Cour fédérale.

• 1150

Pour répondre à votre deuxième question, la fonction est actuellement logée au sein du ministère. Le rôle de l'agent d'appel, l'évolution de ce rôle vers ce que les tribunaux considèrent être un tribunal quasi judiciaire, est déjà un fait. Que la fonction soit située au ministère ou qu'elle soit transférée au CCRI ne fera probablement guère de différence. Mais le transfert du mécanisme du ministère vers le conseil sera en réalité une mesure administrative, et pas nécessairement une question juridique.

Supprimer le rôle entièrement et transférer la responsabilité à un conseil des relations de travail, pour le confier aux membres de celui-ci, notamment à ses vice-présidents, comporterait probablement quelques ramifications juridiques qui retentiraient sur la partie 1 du Code canadien du travail, qui traite des relations industrielles et régit le conseil. N'oubliez pas non plus... C'est un peu plus complexe, en ce sens que les fonctionnaires sont couverts également par la partie 2 du Code canadien du travail. Toutefois, les relations de travail dans la fonction publique sont régies par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui établit un tribunal propre, le Conseil des relations de travail dans la fonction publique.

Il faudrait donc voir si les deux conseils ne seraient pas appelés à jouer un rôle, alors qu'ils ont une structure différente. Le CCRI est représentatif, en ce sens que les syndicats et le patronat y nomment tous deux des représentants, ce qui n'est pas le cas du Conseil des relations de travail dans la fonction publique.

Il n'est donc pas aussi simple qu'il paraît à première vue de transférer cette responsabilité aux conseils. Toutefois, un transfert administratif de la fonction du ministère vers un conseil indépendant—autrement dit, en laissant celui-ci intact et en lui assujettissant ce personnel—est probablement plus facile.

Le président: Merci, monsieur Edmondson.

Monsieur St-Julien.

[Français]

M. Guy St-Julien: Je pose ma première question. Vous faites des consultations depuis plusieurs mois. Avez-vous consulté les syndicats? Avez-vous consulté la CSN au Québec?

[Traduction]

M. Warren Edmondson: À ma connaissance, la CSN a été... D'ailleurs, ces consultations se sont déroulées sur plusieurs années et ont été approfondies. Le CTC et la CSN sont certes des partenaires majeurs. Les employeurs fédéraux, notamment l'Association des banquiers canadiens... Ma collègue me dit que la CSN a été consultée par le biais du Congrès du travail du Canada...

Mme Michèle Beauchamp (analyste de programmes, Opérations, Travail, ministère du Développement des ressources humaines): Il appartenait au CTC de décider quel syndicat il voulait consulter.

[Français]

M. Guy St-Julien: Je vous pose...

[Traduction]

Le président: Permettez-moi de poser ma question et puis...

[Français]

M. Guy St-Julien: Oui ou non.

[Traduction]

Le président: ... je céderai la place à mon collègue. La CSN était-elle à la table?

M. Warren Edmondson: La CSN était-elle physiquement à la table?

M. Rick Seaman (analyste de programmes, Opérations, Travail, ministère du Développement des ressources humaines): Le point de concertation avec les syndicats était le Congrès du travail du Canada, et les principaux acteurs autour de la table à l'époque étaient des représentants des Travailleurs canadiens de l'automobile, du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes et un représentant de l'Alliance de la fonction publique. C'étaient les principaux acteurs, mais sous l'autorité du Congrès du travail du Canada, dont la CSN est membre.

M. Warren Edmondson: La réponse à votre question, monsieur St-Julien, est donc que la CSN n'était pas directement à la table.

• 1155

[Français]

M. Guy St-Julien: La CSN a déposé un mémoire devant le comité cette semaine. J'espère que vous allez en prendre connaissance. Il y a de bonnes recommandations là-dedans et c'est important. Cela porte autant sur le projet de loi C-12 que sur les travailleuses enceintes et leur sécurité. Ils font des recommandations, mais ils ne sont pas d'accord sur certains articles du projet C-12. J'aimerais que vous en preniez connaissance et que vous disiez au comité quelles sont les choses qui peuvent être changées là-dedans.

Je reviens à votre mémoire. À la page 3, vous parlez de deux membres d'un comité. On parle des petites entreprises dans les régions éloignées. Est-ce que votre projet de loi sera applicable dans les réserves autochtones et dans les territoires canadiens?

[Traduction]

M. Warren Edmondson: Oui, cela s'applique aux réserves des Premières nations, qui sont actuellement régies par la partie II du Code canadien du travail.

[Français]

M. Guy St-Julien: D'accord. Merci beaucoup.

Le projet de loi accroît les pouvoirs du comité de santé et de sécurité au travail en ce sens que ce dernier pourrait cerner les problèmes et les régler au fur et à mesure, sans que les représentants de l'autorité publique interviennent autant qu'avant.

J'ai deux questions. Dans quelle mesure les nouveaux pouvoirs vont-ils s'apparenter à ceux qui existent dans la loi provinciale sur la santé et la sécurité au travail? Deuxièmement, y a-t-il lieu d'abolir certains des pouvoirs envisagés et d'en ajouter d'autres?

[Traduction]

M. Warren Edmondson: Je vais demander à mon collègue, qui connaît mieux que moi la législation provinciale et les pratiques des agents de sécurité à travers le pays, de répondre. Toutefois, je rappelle aux membres du comité que ce projet de loi reflète dans une très grande partie le consensus des groupes syndicaux et patronaux de tout le pays, qui se sont exprimés en faveur du rôle des agents de santé et sécurité, des inspecteurs, des agents de sécurité régionaux, tel que décrit dans le projet de loi.

Peut-être M. Seaman ou M. Blanchard voudraient-ils ajouter quelque chose.

[Français]

M. Gerry Blanchard: Si j'ai bien compris la deuxième partie de votre question, je pense que vous disiez qu'on avait augmenté des pouvoirs et qu'on en avait enlevé d'autres. La réponse brève à cela, c'est qu'on n'a pas enlevé de pouvoirs; on a augmenté les pouvoirs des comités de santé et de sécurité au travail. Je ne pense pas que nous ayons enlevé quelque pouvoir que ce soit, mais on leur en a donné certains: les pouvoirs de participer, d'obtenir de l'information et de poser des gestes en milieu de travail.

J'ai manqué la première partie de la question, qui portait sur les provinces ou les agents provinciaux.

M. Guy St-Julien: Dans quelle mesure les nouveaux pouvoirs vont-ils s'apparenter à ceux qui existent dans la loi provinciale sur la santé et la sécurité au travail?

M. Gerry Blanchard: Il y a beaucoup de similarités entre les diverses mesures législatives sur la santé et la sécurité au travail parce qu'on travaille en collaboration avec nos confrères des provinces. On a des comités qui se réunissent pour discuter de ce qu'on va faire, parce que les actions de l'un ont des répercussions sur celles de l'autre.

En général, les pouvoirs sont très semblables. Sans avoir fait une analyse des pouvoirs de toutes les provinces, j'oserais dire que les nouveaux pouvoirs qui seront dans le code seront au moins comparables, sinon supérieurs à ceux qui existent déjà. Par exemple, je pense qu'ils seraient à peu près égaux à ceux de la CSST au Québec.

M. Guy St-Julien: Avez-vous consulté les gouvernements provinciaux?

M. Gerry Blanchard: Oui. Dans ces domaines-là, on discute souvent avec nos confrères provinciaux afin d'avoir leur opinion, d'apprendre l'un de l'autre et de connaître ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail surtout, on compare assez souvent nos données.

M. Guy St-Julien: Avez-vous consulté les associations de médecins, les médecins-conseils, les médecins responsables dans les provinces?

M. Gerry Blanchard: Non. Notre processus de consultation consiste à réunir autour d'une table les syndicats et les employeurs. Souvent, pour défendre un point ou un autre, ils consultent des médecins ou soumettent des exposés sommaires pour la discussion. S'il y a quelque chose de nouveau sur le marché, on peut comparer. On compare cela à la législation d'autres pays, etc. Tout cela est pris en considération quand on discute des différentes parties du code ou des différentes réglementations.

M. Guy St-Julien: En terminant, il y a des associations de médecins dans les réseaux publics provinciaux en matière de santé au travail, que ce soit au Québec ou en Ontario. Est-ce que vous avez eu la chance de les consulter? Ce sont eux qui sont sur le terrain et qui rencontrent la patiente. Il y a certaines choses que la femme dit à son médecin sous le sceau de la confidentialité. Je trouve cela important.

• 1200

On aimerait bien avoir la liste des consultations que vous avez faites au niveau du pays. Vous dites consulter depuis plusieurs années. Il est important qu'on le sache. Si je retourne dans le Québec profond, chez moi, et que le médecin me dit qu'on fait fausse route, on est loin des grands centres urbains. On est loin d'Ottawa.

[Traduction]

M. Warren Edmondson: Nous pouvons certainement vous fournir une liste des personnes et organisations que nous avons consultées.

Le président: Pourriez-vous l'envoyer au greffier, s'il vous plaît?

M. Warren Edmondson: Oui, certainement. Merci, monsieur le président.

Il faut bien comprendre ce qui était une tradition du ministère du Travail, lorsqu'il existait, et reste une tradition du ministère du Développement des ressources humaines. En effet, nous considérons nos partenaires immédiats, c'est-à-dire les principales organisations patronales et syndicales, comme les acteurs clés de la concertation, de même que les provinces, que nous consultons d'ailleurs régulièrement par le biais d'une structure des sous-ministres.

Il existe un sous-comité des sous-ministres responsables de la santé et de la sécurité au travail, qui se réunit deux fois par an—parfois plus souvent—pour comparer les initiatives législatives, les expériences, considérer les meilleures pratiques. D'ailleurs, à un moment donné, nous avons cherché à rationaliser la législation en la matière à travers le pays, car il est bon, dans la mesure du possible, de la simplifier à l'échelle nationale.

Donc, ce niveau de consultation existe, mais nous nous en remettons largement à nos partenaires syndicaux et patronaux pour qu'ils consultent leurs organisations membres et peut-être aussi les organisations médicales. Ils sont parfaitement capables de contribuer des opinions représentatives. Ils sont très capables de consulter leurs membres et d'élaborer leurs positions. Je ne puis parler en leur nom. Ces organisations ont comparu ici au cours des deux derniers jours. Peut-être vous ont-ils dit, dans le cas de la CSN ou du CTC, s'ils ont eu l'occasion de consulter des médecins avant d'arrêter leur position.

[Français]

Le président: Merci.

Madame Guay.

Mme Monique Guay: J'aimerais d'abord vous remercier d'être ici aujourd'hui. C'est sûr qu'on aurait aimé voir la ministre, mais il y a des circonstances incontournables.

J'ai plusieurs questions à vous poser. Évidemment, 15 ans pour réviser une loi, c'est long. Il était grand temps que ça se fasse, et j'espère qu'on n'attendra pas encore 15 ans, parce que les choses changent vite. Il y a toujours de nouvelles choses qui arrivent. Il y a de nouvelles maladies, et on ne sait jamais à quoi s'attendre. Donc, espérons qu'on fera une telle révision un peu plus régulièrement, tous les 5 ans plutôt que tous les 15 ans.

Plus tôt, mon collègue Dale vous a posé une question sur la nomination des agents. J'aimerais que vous regardiez le projet de loi, parce que votre réponse ne m'a pas convaincue. Au paragraphe 137(1) proposé, on dit:

    ...cinq commissaires nommés à titre amovible par le ministre.

Au paragraphe 140(1) proposé, on dit:

    Le ministre peut désigner toute personne compétente comme agent de santé et de sécurité...

Au paragraphe 145.1(1) proposé, on dit:

    Le ministre peut désigner toute personne compétente à titre d'agent d'appel pour l'application de la présente partie.

Vous nous dites que ce ne sera pas le cas, que ce sera la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, mais ce n'est pas écrit dans le projet de loi. Dans le projet de loi, on dit carrément que les nominations seront faites par la ministre, et je crains que l'on interprète ça comme des nominations politiques. Alors, il va falloir faire des ajustements quelque part. Si vous dites vraiment que ces gens seront embauchés en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, il faudra le préciser partout dans les dispositions que j'ai mentionnées, où on dit que les nominations seront carrément faites par la ministre. C'est écrit noir sur blanc.

M. Gerry Blanchard: Le premier paragraphe que vous avez mentionné était le 137(1) proposé, n'est-ce pas?

Mme Monique Guay: Le paragraphe 137(1) proposé.

M. Gerry Blanchard: D'accord.

Mme Monique Guay: J'ai aussi mentionné les paragraphes 140(1) et 145.1(1) proposés et il y en a d'autres. Je ne les ai pas tous mentionnés.

M. Gerry Blanchard: D'accord. Le paragraphe 137(1) proposé s'applique à un cas assez spécial. Il s'agit de la Commission de la sécurité dans les mines de charbon. Il est vrai que dans ce cas-là, c'est le ministre qui fait les nominations.

• 1205

Mme Monique Guay: Dans le cas de l'agent d'appel, on dit:

    Le ministre peut désigner toute personne compétente à titre d'agent d'appel pour l'application de la présente partie.

On lui donne tous les pouvoirs, si je comprends bien. Elle peut nommer les agents d'appel ainsi que...

M. Gerry Blanchard: De quel article s'agit-il?

Mme Monique Guay: C'est le paragraphe 145.1(1) proposé.

M. Gerry Blanchard: Quand on a répondu à M. Johnston, on a parlé seulement de l'agent d'appel. Il s'agit en réalité de l'agent régional de sécurité, qui existe présentement. Cette personne est un fonctionnaire qui travaille pour le ministère.

Mme Monique Guay: Donc, vous me dites qu'en vertu du projet de loi, la ministre pourra faire des nominations. C'est ce que vous me dites.

M. Gerry Blanchard: Non, non.

[Traduction]

M. Warren Edmondson: Si vous permettez, Gerry, je pense qu'au projet d'article 145.1, le ministre désigne. Une désignation n'est pas nécessairement une nomination, une nomination par décret, ce dont vous parlez, je crois.

Le président: Qu'entendez-vous par désignation?

[Français]

Mme Monique Guay: C'est la même chose.

[Traduction]

Le président: Justement. Quelle est la différence entre une désignation et une nomination, si le ministre peut faire les deux?

M. Warren Edmondson: Sous réserve de ce que pourront dire les avocats et les rédacteurs, la désignation a pour but de charger quelqu'un de ce rôle, plutôt que...

M. Dale Johnston: Dans ce cas particulier.

M. Warren Edmondson: Oui, dans un cas particulier.

M. Gerry Blanchard: Il n'y a pas de changement par rapport à la loi actuelle.

M. Warren Edmondson: C'est une habilitation, plutôt qu'une nomination. La différence est subtile. Je suis employé et je pourrais...

Le président: Ce n'est pas à moi de chercher d'explication, d'autant que je ne suis pas juriste. Mais mes deux collègues à ma gauche ont posé cette question en termes similaires, et si vous pouviez nous trouver l'explication, cela éclairerait au moins une personne à cette table.

Lorsqu'il est question de désigner quelqu'un, s'agit-il de désigner quelqu'un qui est déjà fonctionnaire ou employé du ministère et qui possède les compétences voulues, ou bien s'agit-il pour le ministère de trouver un spécialiste du domaine, avec ou sans expertise pertinente, que le ministre doit ensuite nommer directement, par décret, pour accomplir une tâche donnée? Laquelle des deux procédures s'applique?

M. Warren Edmondson: La première.

Le président: Ne pourrait-on pas rendre la loi un peu plus claire, afin que les profanes comme nous comprennent bien que cette désignation consiste à déléguer un pouvoir du ministre, par le biais du sous-ministre, aux fonctionnaires ministériels appropriés pour effectuer un travail donné?

M. Warren Edmondson: Monsieur le président, je ne verrai aucune objection, si nécessaire, à clarifier de manière plus succincte qu'elle est l'intention ici.

Le président: D'accord. J'espère que mes collègues à ma gauche seront rassurés. C'est une chose que M. Reed, qui est vice-président du comité, et vous-même, par l'intermédiaire des parties appropriées, voudrez peut-être envisager lors de l'étude article par article.

Si cela vous convient, madame Guay, poursuivez avec vos questions.

[Français]

Mme Monique Guay: C'est simplement pour clarifier cela. Je pense que ce sera important à l'avenir, surtout si on continue à réviser la loi seulement tous les 15 ans. Je pense qu'il faut en profiter pour choisir les les bons termes. D'ailleurs, on proposera certains amendements à cet effet. On les déposera en comité sous peu. Je sais, monsieur Volpe, que vous attendez avec impatience.

Au cours des derniers jours, on a rencontré plusieurs intervenants, plusieurs témoins. On a vu à peu près tous les syndicats, dont la CSN qui était présente et qui a déposé, comme M. St-Julien l'a mentionné, un excellent mémoire. La FTQ est venue et la fonction publique canadienne aussi. Plus tôt, nous avons entendu un médecin spécialiste du retrait préventif. Nous avons aussi entendu une experte de l'Université de Montréal en retrait préventif qui, d'ailleurs, a écrit un excellent livre qui est disponible à la Bibliothèque du Parlement.

• 1210

La majorité de ces gens nous ont fait part de leurs inquiétudes face au retrait préventif. On sait qu'au Québec, la disposition de la Loi sur la santé et la sécurité du travail qui traite du retrait préventif va beaucoup plus loin que l'article 132 proposé dans le projet de loi qui est devant nous présentement. Entre autres, on parle ici du «remboursement des coûts encourus pour faire établir l'existence d'un risque» pour la femme enceinte ou qui allaite.

Ces coûts-là ne sont pas couverts par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Ils sont nécessairement à la charge de la travailleuse. Il est clair que cette mesure va décourager certaines travailleuses de se prévaloir de l'article 132 qui est devant nous présentement. Est-il possible de penser apporter une modification à cet article?

[Traduction]

Le président: L'interprète a toujours un petit décalage. Pas de problème.

[Français]

Mme Monique Guay: Je parle trop vite.

[Traduction]

M. Warren Edmondson: Le projet de loi que vous avez sous les yeux est le résultat d'une concertation poussée avec les syndicats qui représentent les travailleurs de tout le Canada et les employeurs—souvent d'envergure nationale. Ce n'est pas seulement un consensus, mais représente une mesure progressiste, à notre sens, qui marque un très vaste progrès par rapport au passé, puisque la loi ne contenait pas jusqu'alors de disposition de cette sorte.

En bref, ce texte est le résultat de consultations et de délibérations poussées.

[Français]

Mme Monique Guay: J'ai bien compris votre réponse, mais ça ne répond pas à ma question. Cela ne me dit pas si vous êtes prêts à accepter certains amendements pour améliorer le projet de loi.

Pendant les jours où on a entendu ici tous ces témoins, on nous a dit que l'article 132 proposé n'allait pas assez loin. La deuxième chose, c'est la disparité—et je vais vous citer le Québec en exemple—entre les travailleuses québécoises régis par une charte provinciale et les travailleuses québécoises régies par une charte fédérale, qui n'auront pas les mêmes droits en matière de retrait préventif et qui n'auront pas non plus les mêmes rémunérations si on n'arrive pas à les relocaliser.

D'une certaine façon, je me dis que si on est capables de bonifier le projet de loi et de devenir un exemple pour le reste du Canada, peut-être qu'à l'avenir, cela forcera certaines provinces qui ne prennent peut-être pas leurs responsabilités face aux femmes enceintes ou allaitantes à prendre la direction du gouvernement fédéral et à devenir des leaders. Je vous demande encore une fois s'il y a possibilité que le gouvernement soit ouvert à certains amendements.

[Traduction]

Le président: Je ne suis pas sûr que le SMA soit en mesure de répondre, madame Guay, car c'est une question politique. Mais je n'ai pas à décider à sa place. C'est probablement une question importante à poser à nos collègues autour de la table. Les administrateurs se rendraient un peu fautifs... Ils suivent les directives qu'on leur donne, du moins en théorie. Ils appliquent les directives et font des ajustements au fur et à mesure—à moins que ce ministère soit différent des autres.

Vous n'avez pas coutume d'imposer votre volonté aux responsables politiques, n'est-ce pas, monsieur Edmondson?

M. Warren Edmondson: Grand Dieu, non.

Le président: Jamais. Cela n'existe pas.

M. Warren Edmondson: Merci, monsieur le président. C'est probablement la réponse que j'aurais donnée. Je ne pense pas pouvoir me prononcer là-dessus.

Je ne puis sans doute rien ajouter à ce que j'ai déjà dit. C'est une mesure progressiste. Elle n'est pas nécessairement identique à ce que l'on trouve au Québec. Elle n'est pas non plus identique à ce que l'on trouve dans d'autres provinces du pays. C'est une amélioration considérable. C'est le résultat d'une concertation très poussée. C'est la conclusion à laquelle nous, et la ministre, sommes parvenus et celle que la ministre soumet au processus parlementaire.

• 1215

Le président: Mes collègues n'ont pas posé cette question, mais puisque vous la mentionnez, mes collègues des deux côtés de la table ont entendu ces derniers jours que ce projet de loi est le résultat d'une concertation approfondie et d'une collaboration. D'ailleurs, vous avez signalé que 95 p. 100 de tous les changements ont rallié le consensus des trois parties. Pourtant, d'après le dernier chiffre, sept intervenants sur sept ont été quelque peu surpris par l'une des modifications, à savoir celle apportée à la définition de la santé.

Y a-t-il une raison pour laquelle vous avez obtenu un consensus sur 95 p. 100 des changements, mais que nos témoins ont été surpris par cette définition?

M. Warren Edmondson: La définition de la santé n'est probablement pas le seul domaine où nous sommes en désaccord avec les syndicats et le patronat à ce stade. Je demanderais à mes collègues d'apporter des précisions, mais je pense qu'il y a réellement deux raisons à cela. La première est un problème de rédaction. Comme vous le savez, souvent nous tombons d'accord sur un principe avec ceux que nous consultons, mais lorsqu'il s'agit ensuite de rédiger un texte de loi, nous devons évidemment respecter les règles de rédaction et consulter le ministère de la Justice pour traduire une notion en langage juridique.

Le président: Avons-nous ici quelqu'un du ministère de la Justice?

M. Warren Edmondson: Oui, effectivement.

Le président: Il ne veut pas se montrer. Ainsi, il n'aura pas à répondre à la question.

M. Warren Edmondson: C'est une partie du problème. Un autre aspect est la question du stress qui, si j'ai bien compris le témoignage de certains des témoins, est un autre problème qui préoccupe particulièrement le mouvement syndical, et peut-être aussi le patronat.

Selon notre perspective, lorsqu'il s'est agi de rédiger le projet de loi, nous avons eu du mal avec le libellé proposé. Non seulement n'était-ce pas un langage juridique, mais il aurait donné à nos inspecteurs sur le terrain la responsabilité d'évaluer le stress et les niveaux inappropriés de stress, une tâche très difficile, voire impossible.

Le président: Est-ce par manque de connaissances?

M. Warren Edmondson: Exactement.

Je peux peut-être demander à mes collègues, qui ont participé de beaucoup plus près que moi aux consultations, d'apporter quelques précisions.

Le président: C'est une question très simple. Avant de répondre à la question, je vais vous demander de vous nommer et d'indiquer votre titre et votre ministère, etc., pour le procès-verbal.

M. Jean-Pierre Aubre (conseiller juridique, Groupe du Travail, ministère du Développement des ressources humaines): Je me nomme Jean-Pierre Aubre. Je suis conseiller juridique au programme du Travail de DRHC et suis un employé du ministère de la Justice.

Le président: Vous avez entendu ma question.

M. Jean-Pierre Aubre: J'ai entendu la question.

Le président: Comment se fait-il que, du point de vue du ministère de la Justice, la définition ne reflète pas celle que les autres avaient approuvée? Deuxièmement, la différence porte-t-elle sur le fond?

M. Jean-Pierre Aubre: Je peux répondre à la première partie de votre question.

J'hésite à appeler ce texte une définition. J'hésite à qualifier ce qui est proposé de définition. Le libellé qui avait été suggéré, par consensus entre les parties, provient d'une convention de l'OIT. Selon mes collègues, qui sont spécialistes en rédaction législative au ministère de la Justice, la manière dont cet énoncé est rédigé ne permet pas réellement de l'appeler définition, car il ne définit rien en réalité.

• 1220

En gros, ils ont pris le texte de cet énoncé, qui disait:

    Le terme «santé» en milieu de travail indique non seulement l'absence de maladie ou d'infirmité, mais englobe également les éléments physiques et mentaux se répercutant sur la santé et liés indirectement à la sécurité et à l'hygiène au travail.

Certains de ces éléments sont absents de la loi actuelle. Je ne sais pas si vous êtes d'accord, monsieur le président, mais à moins de complètement réécrire une loi, les modifications qu'on lui apporte doivent être cohérentes avec le texte qui subsiste. Voilà pour la première partie. Par exemple, lorsqu'il est question d'hygiène au travail, le mot «hygiène» ne figure nulle part dans la loi actuelle.

Deuxièmement, j'ai justement demandé hier aux rédacteurs législatifs de reconfirmer leur position. En substance, le texte proposé ne constitue pas une définition exécutoire. Ce qu'ils ont cherché à faire, plus ou moins, est de prendre la substance du texte de la convention et de le coucher en termes juridiques pouvant être intégrés à la loi.

Je ne sais pas si j'ai répondu à la première partie de votre question, mais la deuxième partie portait sur un changement de fond concernant le stress professionnel normal. Cette partie-là ne vient pas de moi.

Le président: Merci de cette explication. Je ne sais pas si elle satisfait mes collègues, mais je ne l'ai pas demandé en leur nom, mais pour moi-même.

Tous les membres ont eu leur tour de questions, et je crois que M. Johnston voulait ajouter quelque chose.

M. Dale Johnston: Oui, monsieur le président. Merci de m'en donner la permission.

J'aimerais juste dire un mot sur l'explication de M. Edmondson concernant le mécanisme d'appel. L'explication est bonne, mais j'y vois un petit problème. Si la concertation a effectivement été si poussée et si une bonne partie du projet de loi fait l'objet d'un consensus, je me demande réellement pourquoi il y a tant de résistance dans ce cas-ci. J'aimerais votre avis, si vous voulez me le donner.

M. Warren Edmondson: Résistance de notre part ou résistance de la part de...

M. Dale Johnston: Peu importe. Et les syndicats et le patronat sont mécontents.

M. Warren Edmondson: Je dois dire que je ne vois pas très bien, très franchement, pourquoi les syndicats et le patronat veulent tous deux un deuxième palier d'appel. Je ne peux parler en leur nom, mais mon interprétation des discussions que j'ai eues avec eux est qu'ils voudraient, dans toute la mesure du possible, garder ces questions en dehors de la Cour fédérale. Nous aussi le voudrions. Nous aimerions tous un processus, que je qualifierai d'efficient et de relativement souple, tout en assurant que nous ayons l'expertise technique voulue pour rendre ce genre de décisions.

Ce qu'ils recherchaient était peut-être un seul mécanisme quasi judiciaire, avec peut-être la faculté pour le ministère de procéder à son propre contrôle interne des directives des agents de sécurité. Le problème avec cela est que le contrôle interne était considéré par les tribunaux comme un mécanisme quasi judiciaire. Donc, on se retrouve soit avec deux mécanismes quasi judiciaires, ce qui ne nous paraît pas très rationnel, comme je l'ai expliqué, ou bien avec un seul. La question est ensuite de savoir où le situer. Faut-il le situer, comme nous le faisons, dans le processus de l'agent d'appel, ou bien éliminer celui-ci pour le situer dans l'un des conseils des relations de travail, ou encore ailleurs?

• 1225

Comme je l'ai expliqué, faire cela ailleurs qu'au niveau administratif entraîne quelques complexités juridiques en ce sens que nous avons affaire à deux juridictions, la fonction publique et le secteur privé.

Nous aussi souhaitons un mécanisme d'appel qui fonctionne bien, mais nous ne nous sommes jamais réellement entendus sur la nature du problème.

Comme M. Blanchard l'a expliqué, l'histoire du mécanisme de l'agent d'appel montre qu'il n'a guère été problématique, en ce sens que très peu de décisions ont été renvoyées en Cour fédérale, deux seulement ayant été annulées par cette dernière. Nous étions donc quelque peu réticents à réparer ce qui ne semblait pas cassé.

M. Dale Johnston: Je dirais seulement que, puisque ce projet de loi semble viser l'harmonie avec le patronat et les syndicats, il serait peut-être bon de revenir là-dessus et de trouver une solution.

J'aimerais également revenir à la définition de la santé soulevée par le président. Si j'ai bien compris Jean-Pierre, il ne pense pas que la définition de la santé, telle qu'elle figure dans le projet de loi, soit juridiquement valide.

Ai-je bien saisi?

M. Jean-Pierre Aubre: Pardonnez-moi?

M. Dale Johnston: Avez-vous bien dit que, à votre avis, la définition de la santé du projet de loi C-12 n'est pas valide et pourrait être contestée en tribunal? Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Jean-Pierre Aubre: Non, je n'ai pas dit cela.

M. Dale Johnston: Elle est donc valide, à votre avis?

M. Jean-Pierre Aubre: Je pense.

M. Dale Johnston: D'accord.

M. Jean-Pierre Aubre: En fait, j'ai dit que la formule proposée, celle de la convention de l'OIT, ne serait pas valide en droit.

M. Dale Johnston: Oh, d'accord.

Dans le code, les sociétés comptant moins de 20 employés doivent désigner un délégué à la santé et à la sécurité. Celles ayant plus de 20 employés doivent établir un comité d'orientation et celles en comptant plus de 300 doivent avoir et un comité de santé et de sécurité et un comité d'orientation.

Cela me paraît faire double emploi. Pourriez-vous expliquer votre raisonnement?

M. Warren Edmondson: En fait, je ne pense pas que vos chiffres soient exacts, pour ce qui est des seuils.

M. Dale Johnston: Donnez-moi les vrais, dans ce cas.

M. Rick Seaman: Mais sur le fond vous avez raison, oui, dans le cas des lieux de travail comptant plus de 20 employés, il faut établir un comité de santé et de sécurité. C'est ce qui existe déjà. C'est ce que prévoient la plupart des juridictions. Dans le cas des entreprises plus petites, il y a un délégué à la sécurité et à la santé. Encore une fois, c'est le modèle suivi depuis de nombreuses années.

Ce qui est nouveau dans le projet de loi, c'est la création d'un comité d'orientation en matière de santé et de sécurité, recommandé par les parties. Vous vous demandez s'il n'y a pas là redondance.

La loi définit les responsabilités de chacun des comités. Vous constaterez que, bien que complémentaires, leurs fonctions sont mutuellement exclusives. Il n'y a pas vraiment redondance. Les parties, dans leurs recommandations, ont estimé qu'il se pose des problèmes que les comités de santé et de sécurité au niveau local d'une société ont du mal à régler. Il pourrait s'agir, par exemple, d'un camion de livraison employé par une société de transport. Le Comité de santé et de sécurité décide qu'il y a un problème avec le panneau de fermeture arrière. La société doit modifier sa procédure d'achat ou la conception de ses camions.

Le Comité local de santé et de sécurité aura bien du mal à obtenir que cette décision soit prise par le siège. C'est pourquoi il y a un comité d'orientation, appelé aussi comité de santé et de sécurité d'entreprise, qui se penchera sur les problèmes plus généraux, à l'échelle de l'entreprise. L'existence de ces deux paliers apporte une certaine synergie, et c'est ce que nous ont recommandé les parties.

• 1230

Encore une fois, les fonctions des comités sont clairement définies dans la loi. Elles sont rédigées de façon à ce qu'il n'y ait pas de chevauchement. Elles sont complémentaires, et nous ne prévoyons pas de redondance.

M. Dale Johnston: J'ai une dernière question. Il me suffira d'une réponse très brève.

Comment est-on arrivé au chiffre de 300 employés? A-t-il été décidé par consensus, ou bien l'a-t-on choisi au hasard?

M. Warren Edmondson: Je crois que c'est le résultat d'un consensus. C'est un seuil qui a paru rationnel aux parties et à nous-mêmes, compte tenu de l'éventail des sociétés privées et administrations publiques visées par le code.

M. Dale Johnston: D'accord.

Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Monsieur St-Julien.

M. Guy St-Julien: Je vous demanderai d'abord depuis quelle année le retrait préventif existe dans la charte fédérale et dans le Code canadien.

[Traduction]

M. Warren Edmondson: Je crois que c'est depuis 1993.

[Français]

M. Guy St-Julien: Vous avez raison, c'est au mois de juin 1993. Je m'en souviens, car j'ai participé à l'établissement du retrait préventif. Cela a démarré à Val-d'Or, à partir du cas d'une femme enceinte qui avait essuyé un refus de la part de Voyageur en Abitibi.

Je voudrais plus de précisions. Depuis quelle année vos consultations durent-elles?

[Traduction]

M. Rick Seaman: La concertation en vue de la modification de la partie II du Code canadien du travail a commencé en 1993.

[Français]

M. Guy St-Julien: Merci. Mme Guay vous a posé une bonne question tout à l'heure. On parle de règles de rédaction, mais selon moi, la meilleure chose qui pourrait arriver à la femme, ce serait des règles de protection pour la femme enceinte. Vous savez que dans une petite entreprise, n'importe où au Canada ou au Québec, quand il y a un problème, les femmes restent souvent silencieuses en ce qui regarde leur patron.

On va aller directement au but. Du côté politique, je peux dire que je comprends. Vous allez prendre connaissance des mémoires qui ont été déposés depuis qu'on en parle ici. Vérifiez ce qui se passe.

Ce qui m'inquiète, c'est le 5 p. 100. Vous dites avoir un consensus portant sur le 95 p. 100, mais c'est le 5 p. 100 qui m'inquiète. Des associations de médecins, la FTQ, la CSN et des personnes se sont présentées ici. Je vous dis de préparer votre brouillon pour le ministre, parce que souvent, du côté politique...

Je vais vous poser la même question à vous: qu'est-ce qui se passe sur le terrain? Les règles de rédaction, je m'en fiche un peu. Ce qui m'intéresse, ce sont les règles de protection de la femme enceinte. C'est ça qui est important. Si je suis ici aujourd'hui, c'est à cause d'une femme. Et ça, c'est important. Dites-le au ministre. Vous avez vu des mémoires. S'il y a des amendements à faire, préparez-les.

Ce qu'il faut, c'est trouver la bonne solution. Dans 15 ans, nous ne serons peut-être plus ici. Mme Guay vous a posé une très bonne question. Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais cette fois, monsieur le président, il faut trouver la solution, pas dans 15 ans, dans 15 mois ou dans 15 jours, mais d'ici la semaine prochaine. Il faut que vous disiez au ministre qu'il y a des problèmes quelque part.

C'est important. Je sais que vous n'allez pas me répondre, mais je vous passe le message tout net. Il faut trouver de vraies règles de protection de la femme enceinte une fois pour toutes.

Le président: M. Aubre aura beaucoup de travail durant la fin de semaine, parce qu'il lui revient de proposer quelque chose.

M. Guy St-Julien: Oui, sur la protection de la femme. Ce que je peux m'en ficher de la rédaction! C'est la femme enceinte qu'il est important de protéger. C'est grand, le Canada. C'est grand, le Québec. Je vous avertis. Je sais que vous êtes des gens sérieux. Pensez à vos mères, car c'est ça qui est important.

Voici ma dernière question. Vous parlez des entreprises de 300 employés et plus. À partir de quels critères établissez-vous ce seuil?

• 1235

M. Gerry Blanchard: Comme M. Edmondson l'a dit, c'est fondé sur un consensus au sein du groupe. Les groupes ont examiné les activités dans différentes entreprises. Une des raisons pour lesquelles on voulait un comité au niveau national, c'est qu'il y a différents milieux de travail dans les entreprises. Une grosse compagnie a souvent plusieurs établissements. À un moment donné, il faut une certaine coordination de cela dans les politiques et le reste. C'est sur des critères de ce genre qu'on s'est basé.

Y a-t-il une raison spécifique à ce chiffre de 300 au lieu de 295? C'est un chiffre sur lequel tous s'entendaient des trois côtés. C'était basé sur ce qu'on pensait ainsi que les limites avec lesquelles un petit comité peut être efficace. Il faut une certaine coordination d'un comité étant donné qu'une entreprise peut avoir quatre ou cinq milieux de travail ainsi que quatre ou cinq comités.

Dans l'exemple qui a été donné, le comité local pourrait régler par ses propres moyens le problème du danger sur le camion, mais ça pourrait être bon juste pour cela, tandis que s'il y a un comité national, la compagnie pourra se dire que la prochaine fois qu'elle commandera des camions, elle essaiera de régler ce problème partout.

M. Guy St-Julien: Les petits groupes auront-ils des incitatifs? Ce n'est pas toujours facile dans les petites compagnies de trois ou quatre employés. Est-ce que des incitatifs seront accordés à ces groupes?

M. Gerry Blanchard: Les petits groupes?

M. Guy St-Julien: Des petits groupes d'employés. Vous parlez des entreprises de 300 employés, mais qu'en sera-t-il des petits groupes de cinq ou dix employés dans les entreprises?

M. Gerry Blanchard: Au sujet des groupes de cinq à dix employés, la loi dit qu'ils peuvent avoir un représentant en matière de santé et sécurité. Lorsqu'il y a 20 employés et plus, il faut un comité. Peu importe qu'on ait deux, trois ou quatre employés, on a quand même accès aux agents de santé et de sécurité.

M. Guy St-Julien: Est-ce qu'on va les encourager à former des comités? Ils peuvent dire qu'ils n'ont pas d'argent. Est-ce qu'il y aura des mesures pour les encourager à former de tels comités?

M. Gerry Blanchard: Quand il y a 20 employés et plus, ils n'ont pas de choix.

M. Guy St-Julien: D'accord. Et quand il y en a moins?

M. Gerry Blanchard: Quand il y a moins de 20 employés, on ne peut pas les obliger à former un comité.

M. Guy St-Julien: Monsieur le président, voici ma dernière question.

Je sais que vous avez fait du bon travail. D'ici la semaine prochaine, afin qu'on ait des règles de protection efficaces parfaites, demandez aux femmes enceintes dans vos ministères ce qui se passe actuellement. Merci.

Le président: Merci, monsieur St-Julien.

Madame Guay.

Mme Monique Guay: Je vais essayer d'être brève. Merci, monsieur St-Julien.

J'aimerais vous rappeler que les libéraux avaient voté en faveur du projet de loi qui avait été adopté le 1er juin 1993 et présenté par M. Gilles Duceppe du comté de Laurier—Sainte-Marie, qui est chef du Bloc québécois. Donc, il y a une ouverture quelque part.

J'aimerais souligner deux ou trois petites choses. Il y a quelque chose que je ne comprends pas, messieurs. Vous dites qu'il y a un large consensus, mais nous recevons depuis quelques jours des témoins qui nous disent le contraire. Ils ne nous disent pas qu'ils ne sont pas d'accord, mais ils sont d'avis qu'il y a des choses à changer dans ce projet de loi. Quand j'entends dire que le consensus est parfait, je me dis que ce n'est pas vrai parce qu'il y a des gens qui sont venus nous dire le contraire. Ce n'est pas pour faire de la petite politique. Ce sont des gens qui veulent vraiment que ce projet de loi protège et les employés et les femmes enceintes et allaitantes. Le projet de loi ne va pas assez loin pour eux et ils y ont proposé des amendements.

Vous aurez tous les mémoires à votre disposition. Prenez-en connaissance. Comme le dit mon collègue, il faut absolument qu'on profite de cette occasion-ci pour améliorer le projet de loi, entre autres dans la définition de «santé». Certains témoins nous ont dit qu'on parlait du stress professionnel normal et qu'ils ne savaient pas ce qu'on entendait par «stress professionnel normal». Pouvez-vous répondre à cette question?

Voici une autre chose. Le jeune médecin qui était ici tout à l'heure et qui représentait l'Association des médecins du réseau public en santé au travail du Québec, disait qu'on ne précisait pas dans le projet de loi que la jeune femme qui doit passer un examen pour voir s'il y a des risques pour sa santé doit rencontrer un médecin spécialisé dans les questions de santé et de sécurité du travail. Elle peut voir un généraliste, mais un généraliste n'est pas un spécialiste. Elle peut donc mettre à risque sa grossesse. C'est une autre chose qu'on nous a demandé de préciser dans le projet de loi.

Donc, j'aimerais que vous m'expliquiez ce qu'est le stress professionnel normal. Également, je vous renvoie à vos devoirs. Vous pouvez être sûrs que nous ferons aussi les nôtres et que nous proposerons des amendements dont nous discuterons ici, en comité, très prochainement, j'imagine, monsieur le président. Merci.

• 1240

M. Gerry Blanchard: Je vais essayer de vous répondre. Je crois connaître la raison pour laquelle on a évoqué cette notion de stress normal et deviner l'interprétation qu'on en fera. Je reconnais d'ailleurs que ce n'est pas chose facile. Je crois qu'il s'agit du stress qui fait partie intégrante de l'exécution de certaines tâches. De par leur nature, certaines professions, telle celle d'un policier, sont source de stress.

Mme Monique Guay: Ce n'est pas du stress normal, cependant.

M. Gerry Blanchard: Non, on parle de

[Traduction]

«les effets du stress professionnel normal».

[Français]

En disant «n'est pas considéré comme une infirmité ou une maladie physique ou mentale le stress professionnel normal», on laisse place à d'autres types de stress. C'est une définition qui peut porter à interprétation. Je crois qu'on avait l'intention de cerner le stress qu'on pourrait juger normal compte tenu de l'exécution de certaines tâches ou de l'exercice d'une profession particulière.

Mme Monique Guay: Je suis d'accord avec vous qu'on peut interpréter cette définition de différentes façons. Si un employeur, un médecin ou un agent de santé ou de sécurité déclarait qu'il ne s'agit pas de stress professionnel normal, l'employé ne pourrait pas toucher d'indemnités. Nous devons donc faire certaines modifications afin d'apporter des améliorations sur ce plan.

Je n'aime pas cette définition de stress professionnel normal. Je songe aux contrôleurs de la navigation aérienne. On ne peut pas parler de stress professionnel normal dans leur cas, bien que ce stress soit lié à leur travail. Nous devrons peut-être reformuler cette définition. Il serait peut-être préférable qu'on parle dans la loi de stress relié à l'emploi d'un travailleur. Vous avez fait du bon boulot et je tiens à vous assurer que vous pourrez compter sur notre appui quant à toute amélioration que vous proposerez relativement à ce projet de loi.

[Traduction]

Le président: Tout le monde aura le temps de poser des questions. Je ne veux pas empiéter sur le temps des autres, mais j'aimerais poser encore une question à M. Aubre, si je puis.

Dans son mémoire, le CTC, je crois que c'était lui, indiquait qu'il y avait eu un accord sur le libellé de l'article 147.1. Je ne sais pas si vous avez le projet de loi sous les yeux. Il s'agit des sanctions disciplinaires. Je vais vous lire quelle était sa recommandation:

    L'employeur peut, une fois épuisés les enquêtes et les appels prévus aux article 128 et 129, prendre des mesures disciplinaires à l'égard de l'employé dont l'employeur peut démontrer qu'il a sciemment abusé de son droit de refus.

Le paragraphe 147.1(1) du projet de loi dit plutôt—et je précise que les témoins demandaient le rétablissement de leur définition—:

    À l'issue des processus d'enquête et d'appel prévus aux articles 128 et 129, l'employeur peut prendre des mesures disciplinaires à l'égard de l'employé qui s'est prévalu des droits prévus à ces articles sachant que les circonstances ne le justifiaient pas.

En tant que juriste expert, pourriez-vous m'expliquer pourquoi d'aucuns estiment que le libellé actuel n'est pas aussi bon que celui initialement recommandé?

M. Jean-Pierre Aubre: Les articles 128 et 129 du code actuel ou du code proposé permettent à un employé de refuser un travail qu'il considère dangereux. Évidemment, ce droit doit être exercé de bonne foi. Dans le cas contraire—et je schématise—il y a abus. Autrement dit, vous refusez de travailler tout en sachant que vous n'avez aucune raison d'exercer le droit de refus.

À ce stade, c'est toujours un exercice du droit de refus, même abusivement. La loi prévoit plusieurs recours.

À un certain stade, un agent de sécurité peut être amené à déterminer la validité de cet exercice du droit. Cet agent peut rendre une décision, ordonnant à l'employeur de remédier à une situation dangereuse, ou encore concluant qu'il n'y a pas de danger. Cette décision elle-même peut être revue par l'agent de sécurité régional, qui deviendra dorénavant l'agent d'appel.

• 1245

Voilà les processus d'enquête et d'appel par lesquels il faut passer avant que l'employeur puisse imposer des mesures disciplinaires.

Il faut suivre tous ces processus et, s'il apparaît alors que l'employé a refusé abusivement le travail, l'employeur peut imposer des mesures disciplinaires.

Le président: D'accord. Supposons un instant que j'ai compris tout ce que vous avez dit.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Quelle est la différence entre le texte préconisé par les employeurs fédéraux, que je vous ai lu, et celui que vous avez retenu? Dans les deux il est question de suivre le processus, d'épuiser tous les recours avant de sanctionner, si l'abus délibéré est démontré. Quel est le problème?

Monsieur Seaman.

M. Rick Seaman: Monsieur le président, les recommandations initiales du groupe insistaient sur le fait que, lorsqu'il y a sanction disciplinaire et que celle-ci fait l'objet d'un appel devant le CCRI, par exemple, ou le CRTFB, le fardeau de la preuve concernant l'exercice abusif du droit par l'employé appartient à l'employeur.

Si vous regardez le projet d'article 147.1, ce fardeau de la preuve n'y existe pas, et c'est ce qui motive les objections. Le fardeau se trouve plutôt au paragraphe 133(6), qui traite de l'examen par le CCRI de ces sanctions disciplinaires. Ce paragraphe dit que le fardeau de la preuve appartient à la partie alléguant la contravention.

C'est donc simplement placé dans un article différent. C'est scindé. Encore une fois, c'est une question de rédaction. Les gens ont tendance à ne voir là qu'une seule idée, et ne voient pas pourquoi la procédure relative à un abus des droits est énoncée ailleurs.

Le président: D'accord. Merci beaucoup.

Mesdames et messieurs, merci infiniment. Vous avez répondu à nos questions sans détour. Je pense que mes collègues ont pu vous poser toutes les questions qu'ils avaient pour le ministère. J'ai pris note de toutes les difficultés soulevées, et vous y avez répondu, et je vous en remercie.

J'informe mes collègues que nous procéderons à l'étude article par article mardi matin. Je prévois de faire servir un bon déjeuner au cas où nous dépassions le temps prévu. Nous allons facturer le déjeuner au ministère et j'espère que nous pourrons boucler ce travail mardi. Nous n'avons pas de limite de temps, mais c'est ce jour-là que je prévois de commencer.

Monsieur St-Julien.

[Français]

M. Guy St-Julien: Vous nous avez demandé si nous étions satisfaits. Je crois que nous le serons lundi. Je me demandais si ces fonctionnaires pourront être présents la semaine prochaine.

[Traduction]

Le président: J'ai déjà demandé à l'adjoint du ministre de faire en sorte que les fonctionnaires du ministère et ceux du ministère de la Justice soient présents lors de l'étude article par article, au cas où nous aurions besoin d'eux.

Je ne sais pas si cela signifie que tous devront être là, monsieur St-Julien, mais la ministre et ses collaborateurs et le SMA décideront de la représentation nécessaire pour que nous ayons les renseignements voulus, comme tout à l'heure lorsque M. Seaman a indiqué que le paragraphe 133(6) complète l'article 147.1.

[Français]

M. Guy St-Julien: Dois-je comprendre qu'il est possible que les fonctionnaires du ministère présentent certains amendements la semaine prochaine?

[Traduction]

Le président: Je ne vais pas hasarder de prédiction sur ce qui va se passer.

• 1250

Avant de vous laisser partir, je vous rappelle deux choses. J'ai besoin aujourd'hui, avant 3 heures, de la liste des témoins que propose votre parti pour le projet de loi C-11, et demain avant 3 heures de votre liste d'amendements au projet de loi C-12. Merci.

La séance est levée.