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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 9 février 2000

• 1532

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Bienvenue à tous. Nous reprenons aujourd'hui l'audition des témoins sur le projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrégeant certaines lois en conséquence.

Aujourd'hui, nous recevons quatre groupes de témoins, je crois: le Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits de l'enfant, représenté par Judy Finlay, intervenante principale et directrice du Bureau d'assistance à l'enfance et à la famille de l'Ontario; elle est accompagnée de Richard Rothenburger et de Matthew Geigen-Miller, qui sont membres du Comité consultatif sur la jeunesse; M. Serge Charbonneau, du Regroupement des organismes de justice alternative du Québec; M. Graham Stewart, de la société John Howard du Canada; et Elizabeth White, directrice exécutive de la Société Saint-Léonard du Canada.

Bienvenue à tous.

Le greffier me signale qu'on doit indiquer à notre ordinateur l'heure de la fin de séance pour pouvoir imprimer notre horaire. Certains membres du comité se sont plaints du manque de temps pour interroger les témoins, en particulier un jour comme aujourd'hui, où nous avons quatre groupes de témoins. Nous avons indiqué que la séance durerait de 15 h 30 à 17 h 30, mais je tiens à vous signaler, même si c'est un peu tard pour l'apprendre, que je souhaite que personne ne se sente limité dans le temps.

Selon notre procédure habituelle, chaque organisme aura dix minutes pour faire une déclaration préliminaire. Ensuite, le comité amorcera le dialogue avec les témoins.

C'est très agréable de vous voir tous ici, aussi bien les vieux amis que les nouveaux. Nous allons maintenant commencer en écoutant le Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits de l'enfant.

À vous de décider qui sera le premier à prendre la parole.

M. Matthew Geigen-Miller (représentant du Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits de l'enfant): Bonjour à tous. Je suis ici en compagnie de Richard Rothenburger, qui représente le Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits de l'enfant, composé de sept bureaux provinciaux.

• 1535

Chacun de ces bureaux provinciaux a un mandat spécifique, mais tous se conforment à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, et en particulier à son article 12, qui prévoit que les jeunes ont le droit de se prononcer sur les décisions qui les concernent. C'est pourquoi l'exposé a été confié à Richard et à moi, car nous avons une certaine expérience du régime juridique applicable aux jeunes délinquants. Je vais commencer l'exposé.

J'aimerais parler des dispositions de la nouvelle Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents qui concernent le directeur provincial chargé de vérifier le niveau de garde, en particulier dans le cas de la garde en milieu ouvert, par opposition à la garde en milieu fermé. Sous le régime de la Loi sur les jeunes contrevenants, la décision appartenait à un juge. Les nouvelles dispositions nous inspirent un certain nombre de préoccupations.

Je peux parler de ma propre expérience en Ontario, où s'applique un système de classement dit de niveau 1 visant les auteurs d'infractions graves dans le système pénal de l'Ontario. Ces délinquants, qu'ils soient détenus en milieu ouvert ou fermé, ne peuvent obtenir de libération temporaire à des fins d'éducation ou de réadaptation. Ils ne peuvent pas participer à la plupart des programmes de loisirs.

Nous craignons que si les provinces décident elles-mêmes du niveau de garde, plusieurs d'entre elles adopteront des politiques contraires à l'esprit de la nouvelle loi, qui met l'accent sur la réinsertion sociale et la réadaptation. Si certaines provinces estiment que tous les délinquants d'un certain type doivent être traités plus sévèrement, nous craignons que ces délinquants ne puissent de ce fait disposer des mêmes programmes de réinsertion sociale et de réadaptation.

L'exemple de l'Ontario est significatif. J'étais placé en garde en milieu ouvert, mais comme j'étais un délinquant de niveau 1, malgré la garde en milieu ouvert qui aurait dû me permettre d'obtenir des absences temporaires de façon à me préparer à réintégrer la société, je n'ai pu le faire, pas plus que tous ceux qui étaient comme moi considérés comme délinquants de niveau 1. Les choses ont été très difficiles pour moi et mes amis quand nous avons essayé de nous réadapter.

Nous avons une autre préoccupation: si ce sont les provinces qui, par l'intermédiaire du directeur provincial, choisissent entre la garde en milieu ouvert ou fermé, il va falloir mettre en place un organisme d'appel distinct, et permettre aux jeunes d'être représentés par un avocat. À notre avis, c'est indispensable si l'on veut respecter les droits des jeunes.

Je cède maintenant la parole à Richard.

M. Richard Rothenburger (représentant du Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits de l'enfant): Je fais partie du Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits de l'enfant. Je viens de la Saskatchewan. Je suis membre d'une commission de la jeunesse, une délégation provinciale de la jeunesse, qui sert de comité consultatif de la jeunesse auprès du défenseur des droits de l'enfant de la Saskatchewan, et j'ai une certaine expérience du système de justice pénale pour jeunes contrevenants.

J'aimerais vous parler de la protection de la vie privée et de la publication des noms des jeunes délinquants. Je sais par expérience personnelle... mon casier judiciaire de jeune délinquant a été rendu public l'année dernière alors que s'ouvrait le débat sur cette question. De ce fait, j'ai perdu mon emploi et j'ai fait l'objet de représailles de la part de la collectivité, plusieurs années après avoir eu affaire au système de justice pénale pour jeunes délinquants.

Nous craignons que les ex-jeunes délinquants soient privés d'emploi. Si l'on sait que vous êtes un jeune délinquant, on refusera peut-être de vous embaucher. Le jeune délinquant est stigmatisé, c'est-à-dire qu'à l'école ou dans la rue, les autres jeunes le considèrent comme une brute, et il lui sera toujours difficile de réintégrer la société et de reprendre une vie normale.

L'image qu'un jeune délinquant projette auprès de ses semblables joue également un certain rôle. Je sais aussi par expérience personnelle que si un jeune est connu pour avoir commis un crime et qu'il n'en reconnaît pas les conséquences, il a l'impression de pouvoir appliquer la loi du plus fort, ce qui risque de nuire à sa sociabilité.

Mon dernier argument concernant la protection de la vie privée et la publication des noms des jeunes délinquants, c'est que cette publication porte atteinte aux droits des jeunes selon la définition de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, que le Canada a signée en 1991, et que nous devons impérativement respecter.

• 1540

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

M. Matthew Geigen-Miller: S'il nous reste un peu de temps, nous avons encore quelque chose à dire.

Les dispositions de la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents concernant le transfert à un tribunal pour adultes me préoccupent gravement. Le Canada est un État signataire de la Convention relative aux droits de l'enfant, dont l'article 37 indique précisément que les jeunes privés de leur liberté doivent être séparés des adultes.

Tout d'abord, nous sommes inquiets de constater l'abaissement de l'âge limite pour les infractions désignées de façon à inclure les jeunes de 14 et 15 ans. Compte tenu de ma propre expérience, je trouve très inquiétant qu'un jeune de 14 ou 15 ans puisse se retrouver dans le système pénal pour adultes. Nous considérons qu'un jeune de moins de 18 ans ne devrait en aucune circonstance être placé dans un établissement correctionnel pour adultes. Or, il y en a actuellement 7 ou 8 au Canada, ce qui me semble très préoccupant.

Il y a plusieurs années, alors que je purgeais une peine sous garde en Ontario, j'ai été transféré avec une quarantaine d'autres jeunes dans un établissement correctionnel pour adultes à cause de troubles qui s'étaient produits dans le centre pour jeunes où j'étais hébergé. Dans ces circonstances, on nous a appliqué les normes de surveillance pour adultes. Il m'est difficile de dire à quel point l'expérience a été pénible pour chacun d'entre nous. Les jeunes ont un grand besoin de surveillance et d'appui. Il m'a été extrêmement pénible de voir trois jeunes tabasser un autre détenu pendant des heures d'affilée parce qu'il n'y avait aucune surveillance. J'étais totalement désarmé devant la situation.

James Lonney, un codétenu, a été sauvagement battu à mort par un autre jeune alors qu'il était placé en isolement dans une cellule pour adulte située dans un quartier pénitentiaire pour adultes. Il était un jeune contrevenant, tout comme celui qui l'a battu à mort. Encore une fois, on avait appliqué à un jeune de moins de 18 ans les normes de surveillance et d'encadrement prévues pour les adultes.

Nous avons à cet égard des convictions profondes, tout en n'ignorant pas l'existence d'un fort courant d'opinion selon lequel le régime destiné aux adultes devrait être appliqué aux jeunes contrevenants. Si tel doit être le cas, il nous semblerait essentiel de prévoir une disposition selon laquelle les jeunes continueraient de séjourner dans un établissement destiné aux jeunes contrevenants jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 18 ans—ou un âge plus avancé, selon les circonstances.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup.

Je passe maintenant à M. Charbonneau et Mme Tamborini du Regroupement des organisations de justice alternative du Québec.

[Français]

M. Serge Charbonneau (coordonnateur, Regroupement des organismes de justice alternative du Québec): Je remercie le comité de son invitation. On vous a fait parvenir un mémoire très récemment, mais pour la présentation, on va plutôt utiliser le matériel qui se trouve à l'intérieur d'une pochette. On a eu la confirmation de notre présence à la dernière minute, alors on s'excuse de vous avoir fait parvenir les documents en retard. Cela dit, on ne s'inspirera pas du mémoire comme tel dans notre présentation.

D'abord, permettez-moi de vous situer un peu. Le Regroupement des organismes de justice alternative du Québec regroupe 39 organismes communautaires au Québec. Ces organismes reçoivent 12 000 jeunes contrevenants. Cinquante p. 100 d'entre eux nous sont envoyés dans le cadre du programme de mesures de rechange et 50 p. 100 nous arrivent à la suite d'ordonnances du tribunal, des ordonnances de travaux communautaires et d'amélioration des attitudes sociales.

Ce regroupement ou ces associations embauchent déjà 140 personnes qui travaillent auprès des jeunes. C'est à la lumière des commentaires qu'on reçoit de ces 140 personnes-là et de leur expertise que nous allons tenter de vous exposer notre point de vue.

Dans la pochette qu'on vous a remise, on a mis des éléments qu'on a tirés du 13e rapport que le comité permanent a soumis au gouvernement et dans lequel on traitait de certaines recommandations. Ce que l'on veut vous dire, c'est qu'on est tout à fait d'accord sur certaines propositions contenues dans le document, sauf qu'on va un peu plus loin. On ne vient pas ici aujourd'hui pour discuter avec vous des particularités du projet de loi. Toutefois, nous vous dirons pourquoi, à notre avis, le projet de loi fait fausse route, pourquoi son orientation est mauvaise et pourquoi il ne correspond pas à une orientation occidentale. La plupart des pays occidentaux sont en train de prendre d'autres orientations. On va tenter de vous en faire la démonstration et on va souligner quelques éléments qui vous ont déjà été présentés par plusieurs témoins et des choses que vous avez, dans une certaine mesure, portées à l'attention du gouvernement et qui, à notre avis, n'ont pas été suivies.

• 1545

À la page 12 du 13e rapport que vous avez soumis, vous mentionnez que le comité estime que les deux alinéas de l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants devraient constituer le but fondamental de la loi tout en accordant la priorité à la protection du public et vous citez bel et bien les deux alinéas. Vous trouverez ça dans le document qu'on vous a remis. Ce qui a disparu, et ce n'est pas une mince affaire, c'est la prise en compte des besoins des jeunes contrevenants. Le gouvernement a fait disparaître cette notion qui demeure pourtant fondamentale dans tous les systèmes juridiques occidentaux. Vous leur faisiez la recommandation de tenir compte de cet aspect, mais il a disparu. On ne le retrouve plus dans la déclaration de principe.

Vous avez aussi cité des exemples, dont celui de la Nouvelle-Zélande, qui s'inspire de la justice réparatrice. Vous avez mentionné l'exemple de l'Irlande et là encore vous avez indiqué les principes des dispositions juridiques qui tiennent compte de la vulnérabilité des adolescents, de leur responsabilité et de la nécessité de tenir compte de leurs besoins. Vous avez cité l'Irlande, la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Galles du Sud, la British Columbia Civil Liberties Association, tout ça pour en arriver à recommander que les deux principes contenus dans l'ancienne loi continuent de guider nos actions tout en suggérant au gouvernement de clarifier la question de la priorité accordée à la protection de notre société telle que reconnue par la Cour suprême.

Par la suite, vous avez mentionné que, lors des consultations et de la rédaction du rapport, vous avez été frappés par l'écart entre la réalité et la façon dont le public perçoit la criminalité juvénile et le système de justice pour les jeunes. Vous avez dit qu'il y avait une surestimation de la fréquence des crimes avec violence au Canada. Vous avez aussi parlé de l'effet dissuasif des peines. Vous avez cité des auteurs selon lesquels les conclusions obtenues à la suite de recherches empiriques révèlent de façon systématique que les peines lourdes n'ont pas d'incidence sur la récidive. Vous avez parlé des boot camps, tout en mentionnant que dans les deux États américains où ceux-ci fonctionnent, ils sont associés à un programme de réadaptation de qualité qui constitue un élément important du régime du camp.

On a l'impression que des préoccupations que vous aviez et qui s'appuyaient sur des faits observés par des scientifiques ont perdu de leur importance. Vous avez aussi cité Mme Reid-MacNevin de la Société John Howard, qui a fait faire un sondage auprès de la population canadienne qui a révélé que la majorité des répondants tenaient la plupart de leurs renseignements sur la criminalité juvénile des bulletins de nouvelles télévisées et des journaux.

Elle a constaté, comme il fallait s'y attendre, que plus de 60 p. 100 des répondants ne connaissent aucun aspect de la détention des jeunes. Soixante-cinq p. 100 d'entre eux surestiment le nombre de crimes commis par des jeunes appartenant à la catégorie des jeunes intervenants et 70 p. 100 surestiment le nombre de crimes avec violence commis par des jeunes. Nous avons continué à nous poser la question sur la raison qui motive ce projet de loi puisqu'on a senti un glissement important. L'ancienne loi s'appelait Loi sur les jeunes contrevenants. Maintenant, on parle du système de justice pénale. Le mot «pénale» a été ajouté et les mots «besoins des jeunes» ont disparu, tout ça sous prétexte que la criminalité est de plus en plus violente et que la population a de plus en plus peur. Or, si on informe la population canadienne, ces perceptions-là peuvent changer. On l'a vu ici, vous l'avez mentionné et plusieurs personnes qui ont témoigné ont dit partager cette conviction. On vous a montré dans notre mémoire des études du Conseil canadien de développement social selon lesquelles la population canadienne n'est pas dans un état de panique. Alors, je crois que le projet de loi qui est sur la table risque d'augmenter la panique dans la population canadienne et qu'on devrait le retirer.

• 1550

Mme Tamborini va vous entretenir d'une grille de lecture présentée par M. Lode Walgrave, professeur à l'Université de Louvain, qui nous permet de jeter un regard analytique sur le projet de loi C-3.

Mme Josée Tamborini (Regroupement des organismes de justice alternative du Québec): Vous avez un texte dans la pochette qui vous a été remise par le greffier. M. Walgrave propose un modèle qui comporte trois façons de concevoir le droit. La première de ces façons est le droit pénal; la deuxième, le droit réhabilitatif; et enfin, le droit réparateur. Vous trouverez cela sur une feuille détachée.

La Loi sur les jeunes contrevenants, avec laquelle le regroupement travaille actuellement, s'inscrit pour beaucoup dans le droit réhabilitatif; c'est-à-dire qu'elle tient compte du jeune délinquant et permet de chercher des moyens de traiter ce jeune.

Cependant, depuis plusieurs années maintenant, les intervenants qui travaillent au sein du regroupement ont tendance à s'orienter vers le droit réparateur et à suivre un peu ce qui se fait ailleurs dans le monde. Quand ils reçoivent des jeunes, ils s'arrêtent aux préjudices qui ont été causés; ils s'intéressent à la fois aux jeunes qui les ont causés et aux personnes qui en ont été victimes. Je dirais que cela se pratique avec succès et à la satisfaction des parties concernées.

Selon nous, le projet de loi actuel constitue un retour en arrière; c'est-à-dire qu'on semble vouloir retourner au droit pénal, où le point important n'est plus le jeune contrevenant ou les victimes concernées, mais plutôt le délit commis. On constate qu'on cherche à infliger un mal, une juste peine, et que la situation des victimes est secondaire. Pourtant, on perçoit dans le discours du Trône une volonté de s'orienter vers une justice réparatrice.

Nous nous expliquons mal le fossé qui existe entre les recommandations contenues dans le 13e rapport et le projet de loi. L'expérience que nous avons acquise relativement au droit réparateur et l'engagement des victimes nous portent à croire qu'on devrait formellement se diriger vers cette forme de droit et non pas revenir en arrière en cherchant à infliger une souffrance avec comme seule perspective d'imposer une juste peine.

On devrait plutôt favoriser la participation des parties. Nous savons par expérience, et vous le lirez dans notre mémoire, que les victimes et les jeunes contrevenants sont les uns et les autres, dans près de 85 p. 100 des cas, satisfaits de cette façon de voir les choses.

M. Serge Charbonneau: Donc, les tendances internationales vont dans le sens contraire de la tendance canadienne. Il serait faux de prétendre qu'on s'aligne sur les pays occidentaux en adoptant un projet de loi comme celui-ci. La Loi sur les jeunes contrevenants permettait de s'engager dans de nouvelles avenues. On pourrait y apporter des modifications et changer des choses au lieu de faire preuve de plus de sévérité envers les jeunes.

Nous vous remercions.

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Je tiens à dire aux députés qui sont ici que le clignotement de lumières indique qu'un vote a lieu sur une motion portant que la Chambre passe à l'ordre du jour. La sonnerie retentit pendant une demi-heure, de sorte que notre greffier aura la responsabilité de nous avertir pour que nous puissions nous y rendre à temps.

De plus, je répète que même si nous sommes censés terminer à 17 h 30, nous ne sommes pas obligés de quitter la salle à cette heure. Je ne voudrais cependant bousculer personne. Cela dit, nous reviendrons après.

Monsieur Stewart, de la Société John Howard.

M. Graham Stewart (directeur exécutif, Société John Howard du Canada): Merci, monsieur Scott. Je me fais un plaisir de comparaître à nouveau devant vous pour discuter d'une mesure législative que je juge importante.

Je représente la Société John Howard du Canada, une organisation d'envergure nationale qui regroupe divers organismes oeuvrant dans le domaine du service social de St. John's à Victoria en passant par Iqaluit. Il s'agit de 70 organismes qui participent à quelque 90 programmes axés sur le service à la jeunesse. Notre organisation s'est toujours beaucoup souciée du sort des jeunes, du fait qu'elle travaille auprès des adultes et qu'elle est en rapport avec un si grand nombre de jeunes qui ont vécu la réalité de notre système de justice pour les jeunes.

• 1555

Je me propose aujourd'hui tout d'abord de vous dire très brièvement ce qui me plaît dans le projet de loi à l'étude puis ce qui me déplaît. Ensuite, si le temps me le permet, j'aimerais passer à certaines des 24 recommandations précises contenues dans notre mémoire, que vous avez en main je crois.

Pour ce qui est tout d'abord de notre optique générale, permettez-moi de vous dire que nous, de la Société John Howard, estimons que les peines sévères n'ont pas pour effet de susciter la confiance du public. Depuis l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants, la législation en la matière a été continuellement modifiée. Pourtant, aucune des modifications ne semble avoir eu l'effet escompté. Si la confiance du public était proportionnelle à la sévérité des peines, les systèmes où elles sont les plus sévères susciteraient le plus grand degré de confiance parmi le public. Or, tel n'est pas le cas et, par ailleurs, la sévérité du châtiment n'est pas un gage d'efficacité. Voilà qui constitue une valeur clé pour notre organisation.

J'aimerais m'inscrire en faux contre ceux qui estiment que la présente mesure n'ajoute rien à la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous croyons en effet que certaines dispositions du projet de loi sont nouvelles et importantes. J'y reviendrai plus tard.

Enfin, il me semble extrêmement important que toute mesure législative fédérale en matière de justice pénale, et notamment dans le cas des jeunes contrevenants, doit accorder un traitement égal à tous les citoyens du pays. Toute mesure législative qui autorise des différences importantes d'une province à l'autre nous inquiète au plus haut point.

Parlons maintenant des aspects de la mesure qui nous plaisent.

À de nombreux égards, le projet de loi constitue une mesure valable et constructive qui mérite notre appui, et nous l'accordons donc volontiers. Le préambule nous plaît, notamment du fait qu'il met l'accent sur nos conventions internationales et en tient tout au moins compte, même si nous ne les respectons pas toutes intégralement. Dans le préambule, on fait état du taux très élevé d'incarcération des jeunes au Canada. Voilà un aspect qui nous plaît également. Nous sommes effectivement ou tête de liste en l'occurrence. Nous devons, me semble-t-il, adopter une perspective internationale à cet égard, et le projet de loi doit être fondé sur cette notion, même si le public canadien n'en comprend pas nécessairement la raison.

Nous sommes d'accord également avec les principes qui sous-tendent le projet de loi. Ils nous semblent constituer une amélioration par rapport à la Loi sur les jeunes contrevenants, puisqu'ils sont beaucoup plus cohérents. Les principes de cette dernière loi s'inspiraient de notions fort contradictoires et la mesure ne comportait pas de critères susceptibles de résoudre les contradictions. De plus, les principes énoncés sont complets et ils permettent beaucoup mieux, selon moi, de guider les tribunaux.

Les mesures extrajudiciaires suscitent chez nous un enthousiasme considérable, tant à cause de leur portée et de leur niveau de détail que du fait qu'elles ont été prévues et que certaines mesures vont inciter à les utiliser.

Nous sommes favorables à certaines des mesures en matière de détermination de la peine. Le fait de mettre l'accent sur la notion de conséquences significatives, s'agissant ici de conséquences significatives pour la jeune personne, est tout à fait souhaitable. L'accent mis sur la réadaptation nous plaît tout particulièrement, étant donné que, selon nous, la justice n'est pas servie s'il n'y a pas réadaptation. Les notions de système de justice pénale et de mesures correctionnelles ne sont pas antinomiques, bien au contraire. Tout système judiciaire dépourvu de réadaptation est un échec dans le vrai sens du mot.

Nous accueillons très favorablement la volonté de limiter la détention sous garde qui ressort de diverses dispositions du projet de loi.

Nous sommes tout particulièrement satisfaits de constater la place qui est faite à la notion de liberté sous condition. Bien des gens ont constaté avec étonnement, nous semble-t-il, que cet aspect ne caractérise pas déjà la législation canadienne visant les jeunes contrevenants. Ainsi, étant donné que nous prônons depuis déjà longtemps la réinsertion sociale, il nous semblerait extrêmement étrange que toute personne qui quitte un établissement au Canada ne bénéficie pas immédiatement d'une forme quelconque de réseau de soutien.

Le fait de laisser tomber l'audience de renvoi et de favoriser plutôt l'audience pour détermination de la peine nous paraît fort constructif. À notre avis, il nous a toujours paru étrangement anormal de tenir devant un tribunal une audience visant à déterminer la dangerosité d'une personne en fonction d'une infraction dont cette même personne n'a jamais été reconnue coupable. Le fait de reporter l'audience à un moment postérieur au procès constitue une amélioration considérable.

Nous estimons que le critère visant les peines pour adultes constitue, à certains égards, une amélioration par rapport à la LJC, tout en sachant que nous n'en connaîtrons les résultats concrets que lorsque les tribunaux auront commencer à interpréter de telles mesures. Il nous semble que le fait de mettre l'accent sur la responsabilité au lieu de la protection du public implique certaines limitations, mais nous n'ignorons pas toutefois que la plupart des peines très sévères qui sont appliquées en droit pénal sont fondées sur des notions de protection du public.

Nous estimons également que les ordonnances de placement et de surveillance dans le cadre d'un programme intensif de réadaptation constituent une amélioration très valable pourvu qu'on y ait recours de façon opportune et qu'on veille à sa bonne application. Cette mesure pourra nous permettre de trouver des façons beaucoup plus constructives de régler le cas de jeunes très instables au lieu simplement de les laisser végéter indéfiniment dans des établissements pour adultes.

• 1600

Nous souhaiterions que le projet de loi soit modifié à certains égards. Nous ne voyons pas d'un bon oeil le caractère «facultatif» de certaines mesures, notamment en matière de sélection, de mesures extrajudiciaires, de mesures d'assistance et de surveillance intensives. Il s'agit dans tous ces cas de mesures que la province peut choisir de mettre en oeuvre ou non.

Également, bien qu'il soit question dans le projet de loi de divers niveaux de sécurité, ces derniers ne sont pas définis. Il pourrait donc arriver dans certaines provinces que ce qu'on appelle la détention en milieu ouvert soit en réalité très surveillée. Il faut, selon nous, définir de façon plus rigoureuse la différence entre un établissement de détention en milieu ouvert et un établissement de détention en milieu surveillé.

Il nous semble que les dispositions visant la détention de jeunes contrevenants dans les établissements pour adultes dans certaines circonstances sont plutôt faibles et pourraient être raffermies de beaucoup. Il nous semble que des jeunes risquent d'être placés dans des établissements pour adultes pour des raisons de commodité administrative plutôt que pour respecter les principes de la loi.

Nous ne croyons pas nécessaire d'infliger des peines applicables aux adultes pour des infractions désignées. Cela ne nous semble pas du tout opportun. S'il arrive que le recours aux peines pour adultes soit nécessaire, nous ne voyons pas du tout pourquoi la détermination ne pourrait pas être faite de façon sélective par le ministère public. Nous sommes d'autant plus inquiets à cet égard que le projet de loi va désormais viser les jeunes de 14 et 15 ans.

Nous sommes préoccupés par la disposition considérant toute infraction grave avec violence comme étant une infraction désignée. Nous pensons que c'est un aspect très mal conçu du projet de loi. Cette catégorie peut être extrêmement vaste; elle peut inclure un nombre énorme de jeunes, et selon nous, elle entraînera inévitablement une énorme disparité dans l'utilisation de ces mesures d'un bout à l'autre du pays.

Nous considérons que la publication des noms n'a aucune utilité. Nous pensons que cela nuit aux jeunes. C'est effectivement un processus d'humiliation. Nous ne voyons tout simplement pas comment cela peut contribuer à rétablir la confiance du public ou à faciliter la réinsertion des jeunes dans la collectivité.

Nous sommes préoccupés par les changements apportés aux dispositions permettant l'admission en preuve de déclarations qui ne seraient pas autrement admissibles devant les tribunaux. Nous parlons de jeunes qui sont plus vulnérables dans ces circonstances, qui sont plus facilement intimidés et moins conscients de leurs droits. Nous considérons que des mesures qui permettraient l'admission en preuve de ces deux types de déclarations ne conviennent pas dans un projet de loi sur l'administration de la justice pour les jeunes.

Nous constatons avec inquiétude que le projet de loi autorise le recouvrement des frais juridiques auprès des parents.

Je ne suis pas sûr s'il me reste du temps, mais s'il m'en reste, j'aimerais aborder certaines recommandations particulières. Voilà donc un aperçu des positions que nous avons adoptées au sujet des aspects qui nous préoccupent.

Le président: En fait, il vous reste quelques minutes. Mais nous avons un petit problème. Il nous reste probablement huit minutes avant de devoir suspendre la séance. Je n'aimerais pas devoir couper Elizabeth en plein milieu de son exposé. Donc vous pourriez peut-être aborder certaines des recommandations. Lorsque vous aurez terminé, nous suspendrons la séance et vous aurez ainsi pu utiliser tout le temps qui vous est alloué.

M. Graham Stewart: Très bien. Je vais donc aborder certaines des principales recommandations, si vous n'y voyez pas d'objection, celles que nous considérons les plus importantes.

Nous recommandons que l'on révise le paragraphe 6(2). Cette disposition prévoit que le fait pour l'agent de police de ne pas se conformer aux autres mesures ne constitue pas un motif suffisant d'ordonnance de non-lieu. Nous estimons que dans certaines circonstances le juge devrait pouvoir invalider les accusations dans de telles circonstances. C'est un moyen important pour les juges de prendre une part active dans la détermination des questions qui peuvent être portées devant les tribunaux et dans certains cas de faire comprendre aux agents de police qu'ils sont effectivement responsables d'envisager d'autres solutions. Nous parlons bien sûr de circonstances mineures, et une telle mesure à mon avis n'est pas excessive.

Nous estimons que les dispositions qui permettent aux provinces de ne pas participer aux mesures extrajudiciaires et aux sanctions extrajudiciaires devraient être supprimées du projet de loi, ou encore que l'on prévoit des dispositions pour permettre à un tribunal d'ordonner l'application de la mesure lorsqu'il est convaincu que les objectifs de cette mesure ont peu de chances d'être atteints au moyen des autres mécanismes prévus dans le territoire visé.

Le paragraphe 37(2), qui prévoit que la peine infligée à un adolescent ne doit pas être plus grave que celle infligée à un adulte, devrait à notre avis être plus précis et prévoir qu'elle devrait être «moins grande». À notre avis, il est tout à fait conforme à la notion de responsabilité moindre que nous devrions clairement tâcher d'établir une distinction au niveau de la détermination de la peine et ne pas l'établir simplement de façon parallèle au système pour adultes.

• 1605

En ce qui concerne la liberté sous condition, nous constatons qu'aucune norme n'a été établie à cet égard, et nous craignons que nous ayons en fait imposé par voie législative un système de libération conditionnelle sans que les provinces se soient engagées à prendre des mesures concrètes d'appui et de supervision dans le cadre de cette liberté sous condition. Ce qui nous préoccupe à cet égard, bien entendu, c'est qu'il est sûr et certain que cela fera échouer le processus. Nous considérons que la libération sous condition est d'une importance primordiale et peut être très efficace lorsque tous les moyens sont pris mais bien entendu elle n'aura absolument aucun effet et ne fera que susciter des critiques de la part du public si elle se solde par un échec.

Nous sommes d'accord avec la Commission canadienne sur la détermination de la peine lorsqu'elle propose de prévoir une catégorie d'infractions ne pouvant tout simplement pas être frappées d'une peine d'emprisonnement. Il y a beaucoup d'infractions mineures. La Commission canadienne sur la détermination de la peine en a relevé un grand nombre qui se rangent dans cette catégorie, et nous estimons, en partant du principe que l'emprisonnement ne doit être que le dernier recours, qu'il existe certaines infractions qui appartiendraient à cette catégorie.

En ce qui concerne les recommandations portant sur la distinction entre les niveaux de sécurité, nous estimons qu'il faudrait ajouter au paragraphe 84(1) ce qui suit: et qui se distingue aussi—c'est-à-dire les niveaux de garde—par le degré d'accès quotidien à la communauté pour le travail, l'école, un programme, un traitement et les rapports familiaux. Dans certains cas, les niveaux de sécurité sont uniquement définis en fonction de la sécurité du périmètre. En fait, la garde en milieu ouvert signifie l'accès à la communauté, la participation communautaire avec la famille, et nous pensons que pour concrétiser cette notion, il faut que cela fasse partie de la définition.

Nous avons certaines réserves à propos des décisions en matière de placement prises par les instances provinciales. Ce qui nous préoccupe en particulier, c'est que ces décisions ne peuvent être examinées que par des conseils d'examen nommés par la province. À notre avis, si on veut confier aux instances provinciales la responsabilité de faire cette détermination, il faudrait qu'elles puissent être revues par les tribunaux et que l'on prévoit des mécanismes d'aide juridique voulus pour permettre aux adolescents de le faire.

Nous considérons que tout adolescent qui purge une peine applicable aux adolescents ne devrait jamais servir une partie de cette peine dans un établissement pour adultes. Imposer une peine applicable aux adolescents puis la faire purger dans un établissement pour adultes risque vraiment de compromettre l'utilité de la peine applicable aux adolescents et d'en faire un artifice juridique.

Enfin, en ce qui concerne les jeunes qui se voient infliger une peine applicable aux adultes, nous ne voyons pas pourquoi les principes en matière de détermination de la peine, qui sont formulés à l'article 37 du projet de loi, ne pourraient pas être appliqués à ces mêmes adolescents. À notre avis, même si une personne risque d'être condamnée à une peine plus longue que celle prévue par la Loi sur les jeunes contrevenants, les principes prévus par la Loi sur les jeunes contrevenants devraient continuer de s'appliquer: c'est-à-dire les principes qui mettent l'accent sur la réadaptation et la réinsertion, le principe selon lequel la peine devrait être plus courte que celle infligée à un adulte. Nous ne considérons pas que la perpétration d'une infraction grave soit un signe de maturité, et les dispositions qui tiennent compte de cette absence de maturité devraient aussi se voir refléter dans les pratiques utilisées.

J'arrêterai ici.

Le président: Il nous reste une quinzaine de minutes donc plutôt que de laisser Elizabeth commencer, nous allons nous diriger vers la Chambre. Je crois que je dois suspendre la séance. Tenez bon. Ça risque d'être très intéressant.

• 1608




• 1648

Le président: Je déclare la séance ouverte.

Lorsque nous avons dévalé le couloir à toute vitesse pour aller voter, nous venions d'obliger M. Stewart à s'étendre sur le sujet pour ainsi dire. Nous passerons maintenant à Elizabeth White de la Société St-Léonard, puis nous passerons aux questions.

Mme Elizabeth White (directrice exécutive, Société St-Léonard du Canada): Merci beaucoup. Je tiens aussi à vous remercier d'inviter à nouveau notre société à comparaître devant vous pour exprimer ses vues à propos de la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

Je ne vais pas vous lire mon mémoire. Vous en avez des exemplaires. Je vais simplement souligner certains aspects qui nous intéressent et qui nous préoccupent et vous décrire certaines des priorités que nous considérons importantes dans ce projet de loi.

Nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt l'évolution de cette nouvelle loi au cours des dernières années. Certains d'entre vous savent peut-être que nous avions précisé à l'origine qu'à notre avis la Loi sur les jeunes contrevenants n'avait pas besoin d'être changée, que les problèmes qu'elle présentait étaient des problèmes de mise en oeuvre. Après avoir constaté les besoins de nos clients et le climat qui règne dans notre pays et entendu le langage de la peur, nous avons décidé qu'il est important d'appuyer une nouvelle orientation s'accompagnant d'une structure exhaustive qui permet une application cohérente de la justice pénale pour les adolescents partout au pays plutôt que de conserver le système relativement fragmenté que nous avons à l'heure actuelle. Plutôt que la possibilité de fragmentation qui existe dans la nouvelle loi, nous serions partisans de lignes directrices plus fermes régissant la structure. C'est ce que nous préconisons dans les recommandations que nous avons formulées dans le présent mémoire.

• 1650

La nouvelle loi comporte cinq éléments que nous considérons importants. Tout d'abord, on y énonce une orientation claire en ce qui concerne le système de justice pénale pour les adolescents, on y affirme de façon catégorique qu'il doit s'agir d'un système distinct, et on y inclue une vaste gamme d'options tant pour les systèmes de première ligne que pour les systèmes spécialisés. On y favorise des mesures de réadaptation adaptées à l'âge du contrevenant, opinion que nous partageons.

La deuxième caractéristique, soit le fait que ce projet de loi cherche à établir un juste équilibre entre la responsabilité et la création de perspectives d'avenir, nous paraît très importante. Comme vous le constaterez dans notre mémoire, nous ne pensons pas qu'il atteigne toujours son but, mais qu'il s'efforce de le faire et nous verrons s'il y parvient en surveillant son application et en apportant des améliorations. Bien entendu, il faut des ressources adéquates pour pouvoir mettre en place de bons programmes.

Le troisième élément de la nouvelle loi qui retient notre attention est le critère de l'intérêt de l'adolescent. Cette notion est omniprésente. C'est le but constamment recherché. En fin de compte, en protégeant l'intérêt de l'adolescent nous augmenterons la sécurité de la collectivité. Il est essentiel de bien réfléchir lorsqu'on met dans la balance les intérêts de l'adolescent de même que ceux des victimes et de l'ensemble de la société. Il faut veiller à ce que les intérêts des uns ne l'emportent pas sur ceux des autres et plutôt faire en sorte qu'ils se complètent.

Un quatrième élément intéressant est la tension entre les adolescents et de nombreux adultes. Notre pays s'efforce de faire des jeunes des adultes miniatures ou de vrais adultes longtemps avant qu'ils ne soient prêts. La nouvelle loi reflète cette tendance en insistant sur les actes commis par l'adolescent plutôt que sur la personnalité et les besoins particuliers de ce dernier. Nous pensons donc que le défaut de cette loi est la tendance à traiter les adolescents comme des adultes et non pas comme des jeunes.

Nous nous demandons également si les adolescents reçoivent un soutien adéquat. En traitant les adolescents comme des adultes, nous leur imposons plus de responsabilités qu'ils ne peuvent en assumer. Nous devons les soutenir adéquatement en mettant un avocat à leur disposition et en veillant à ce que le système de justice les protège. Je dirais que cette loi prévoit, dans l'ensemble, de bonnes dispositions pour l'application régulière de la loi, si ce n'est que les provinces ont un peu trop de pouvoirs tandis que les juges n'en ont pas tout à fait assez. C'est important pour la sécurité des adolescents.

Il y a seulement trois choses dont j'aimerais parler brièvement aujourd'hui. Il s'agit des principes énoncés dans le préambule et du rôle que jouent les mesures «de première ligne» pour appuyer ces principes. Il y a ensuite l'importance de suivre des principes adéquats pour la détermination de la peine, ce que fait la loi selon nous, et le rôle que la libération conditionnelle joue à cet égard. Nous avons, finalement, quelques observations à formuler quant à la sagesse d'un système judiciaire qui s'adresse aux adolescents.

Pour ce qui est des principes qui donnent le ton à la loi, cela souligne l'importance de la façon dont les jeunes sont traités avant de se retrouver devant les tribunaux. Notre seule objection est que ces principes accordent la priorité à la protection du public au détriment des autres principes énoncés. Selon nous, la meilleure façon de protéger le public consiste à accorder autant d'importance et non pas moins aux autres principes.

Cependant, d'importants messages se dégagent de ces principes à savoir qu'en leur accordant une nouvelle chance et en prêtant attention à leurs besoins, on permet aux jeunes d'apprendre et de devenir des adultes respectueux des lois. Il n'est pas nécessaire qu'ils se retrouvent immédiatement dans le système de justice pénale, bien que ces mesures «de première ligne» en soient l'étape préliminaire.

La réinsertion sociale reste le meilleur moyen de protéger la société. La loi contient des innovations qui vont tout à fait dans cette direction: elle fait mention d'ordonnances de surveillance intensive; les sanctions sont adaptées aux adolescents; il faut examiner les divers types de sanctions avant de déterminer celle qui convient le mieux au jeune. Toutes ces dispositions sont centrées sur la réinsertion sociale.

Ce qui ne conduit pas à la réinsertion sociale, comme l'a souligné M. Rothenburger, c'est la publication des noms. C'est une excellente façon de compromettre les avantages que présentent de bonnes mesures extrajudiciaires.

• 1655

Les mesures extrajudiciaires doivent incarner les principes et encourager l'intégration mutuelle de la collectivité et des jeunes. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit là d'un rapport symbiotique. Il arrive trop souvent que la collectivité se dérobe à ses responsabilités. Grâce aux mesures extrajudiciaires, la collectivité jouera un rôle capital auprès des jeunes.

Le régime actuel aboutit à une incarcération à outrance des jeunes. Cette nouvelle loi devrait se solder dès le début par une diminution des jeunes au sein de la population carcérale, une diminution du nombre se voyant imposer des peines de prison, exigeant le déploiement de ressources fort coûteuses, peines qui n'aboutissent pas en fin de compte à la réadaptation des jeunes. Il est donc possible d'éviter les affres de l'incarcération à outrance en offrant un soutien vigoureux, des ressources, des lignes directrices, un cadre, et une approche typiquement canadienne aux mesure extrajudiciaires.

Il faut en outre donner un soutien enthousiaste aux principes de détermination de la peine prévu à l'article 37. Cet article est une exhortation à un minimum d'intrusion. Les mesures que l'on prendrait dans ces conditions se borneraient à des interventions au besoin. Il est important de rappeler que la recherche en la matière auprès des adultes démontre clairement que si une personne peut se passer d'une intervention intense et qu'au contraire on lui impose toutes sortes de mesures sévères, elle peut être poussée à récidiver. Il faut comprendre que le mieux est l'ennemi du bien.

En outre, ces principes de détermination de la peine offrent l'occasion de procéder à un traitement au sein même de la collectivité—par opposition à un traitement sous garde, les jeunes ne demeurant sous garde que le temps nécessaire pour profiter du traitement administré dans ces conditions. Ainsi, on peut compter sur une prolongation des soins à la suite du traitement commencé sous garde. Voilà pourquoi la liberté sous condition est une notion si importante et constitue une excellente innovation apportée par le projet de loi. Nous sommes absolument ravis à l'idée que les jeunes puissent désormais jouir des possibilités offertes depuis longtemps aux adultes.

La période de libération qui suit immédiatement l'incarcération est particulièrement difficile et il faut soutenir le jeune sous surveillance pendant ce temps-là. Nous voyons d'un très bon oeil l'article 89 qui prévoit qu'un délégué à la jeunesse assurera le suivi du jeune pour le guider et le surveiller au début de sa réinsertion dans le collectivité. Il y a donc permanence mais cela suppose des ressources. À ce moment-là, il faut savoir résoudre toute difficulté éventuelle de mise en oeuvre. Au départ, la mise en oeuvre de cette nouvelle loi comportera des écueils car il faudra tâcher de répartir au mieux les ressources nécessaires aux interventions qui s'imposent afin de maintenir un programme cohérent.

En dernier lieu, je voudrais parler de l'opportunité d'établir un régime distinct. À la lecture de notre mémoire, vous verrez que nous nous inquiétons du fait que les mécanismes prévus sont tels que la loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents tend à imiter le régime prévu pour les adultes. Nous ne voyons pas d'un bon oeil la possibilité qu'on impose des peines pour adultes. Nous reconnaissons que c'est une mesure supérieure aux dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants qui prévoient qu'un procès en entier pourrait se dérouler suivant les règles du régime des adultes.

Nous ne pensons pas que des peines pour adultes soient appropriées dans le cas des jeunes. Pour nous, la proportionnalité est importante. L'avantage de ce régime distinct est qu'il prévoit une approche extrêmement détaillée. Je reconnais que cela en rend la lecture difficile. Toutefois, si l'on examine chacune des dispositions du projet de loi, on constate qu'elles établissent un cadre complet en vue de constituer un régime de protection et de possibilités véritablement axées sur les jeunes.

Il est vrai que l'on peut vouloir donner aux jeunes des objectifs pour qu'ils atteignent un comportement adulte mais croire qu'ils vont apprendre et mûrir par crainte des sanctions, c'est se leurrer. Il s'agit d'adolescents ici et n'oublions pas une chose essentielle: quand les adolescents agissent, ils sont loin de penser aux conséquences—ce qui est vrai du reste chez les adultes, mais tout particulièrement chez les adolescents. Les jeunes peuvent être aussi grands que les adultes, présenter toutes les caractéristiques des adultes et dans bien des cas, certains adolescents n'ont pas connu une véritable enfance, mais cela ne fait pas d'eux des adultes pour autant. Ils en sont encore aux premières étapes de leur développement. Notre responsabilité en tant qu'adultes est de travailler avec eux pour qu'ils puissent s'épanouir grâce au régime en place et devenir des citoyens respectueux des lois à l'âge adulte. Nous devons leur donner la possibilité d'être représentés et des garanties que les voies régulières de la loi seront appliquées. Dans notre mémoire, vous trouverez le développement de nombre de ces facteurs.

• 1700

Nous pensons que la Loi concernant le système de justice pénal pour les adolescents offre le cadre qui permettra d'appuyer une approche canadienne cohérente à l'intervention de l'appareil judiciaire auprès des jeunes. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Veuillez excuser l'interruption et la façon un peu décousue dont nous allons répondre à votre intervention, mais c'est ainsi que les choses se passent ici. Nous sommes impatients d'entreprendre une discussion utile avec vous.

Je donne la parole à M. Cadman, député de l'opposition, pour sept minutes.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie tous d'être venus présenter vos exposés ici aujourd'hui.

Ma question peut être ou ne pas être simple mais en tout cas, elle est directe. On a beaucoup parlé des droits de l'enfant, du bien des contrevenants, du bien des jeunes. Je pense que nous nous entendons tous sur ce point. Je voudrais que chacun d'entre vous me dise où s'inscrivent des notions comme la responsabilité, la dissuasion, la restitution, et oui, la dénonciation dans tout cela. Je m'adresse à vous tous.

M. Graham Stewart: Permettez-moi de commencer. Pour ce qui est d'un équilibre des droits, toute législation pénale vise deux choses: elle s'efforce de protéger les droits du public, des victimes éventuelles d'un crime. Voilà pourquoi nous avons un code criminel. C'est ce à quoi sert la loi. Nous essayons d'éviter que les citoyens deviennent victimes de l'État, que l'État exerce un pouvoir écrasant. Voilà pourquoi l'application régulière de la loi existe. Dans les deux cas, il y a des risques graves, et les principes de la démocratie nous poussent à insister grandement sur le droit à une protection contre l'État. Cela explique pourquoi tant de gens d'autres pays veulent venir au Canada. Ils ne craignent pas tant les criminels dans les pays qu'ils quittent que l'État.

À mon avis, c'est là un objectif en matière de responsabilité. Le but de la loi est d'aider les gens à se responsabiliser. On se sent plus responsable dans le milieu où on vit si on se sent des liens avec ce milieu, si on s'identifie à ce milieu et si on y a un investissement. À ce moment-là, le sens des responsabilités se développe. Nous voulons que le régime de justice pour les adolescents encourage leur responsabilisation et pour cela, nous voulons encourager les gens à établir des liens pro-sociaux, positifs avec la collectivité qui les entoure. Plus la collectivité sera solide grâce à ces liens, plus le sentiment d'appartenance sera fort, plus la collectivité sera tangible, mieux se sentiront les jeunes et plus ils se sentiront responsables.

Pour ce qui est de la dissuasion, nous savons qu'il y a une certaine dissuasion qui découle de la crainte d'être appréhendé. Nous savons également que les peines imposées sont très peu dissuasives.

Voici une anecdote que je raconte aux jeunes: près de Kingston, où j'habite, il y a une carrière à côté de laquelle se trouve une falaise très abrupte. Pendant des années, les enfants ont trouvé très amusant de sauter de cette falaise, évitant une corniche large de 12 pieds, pour atterrir dans la carrière. Je les ai vus faire et je peux vous dire que c'est stupéfiant. Bien entendu, il y a eu des blessés, et l'année dernière une perte de vie; un jeune a heurté la corniche, est tombé dans l'eau et s'est noyé.

Il faut bien dire que les jeunes, surtout les jeunes gens sont attirés par le risque. Le risque ne les dissuade pas. Si la possibilité de se blesser ou de mourir ne dissuade pas un jeune de sauter d'une falaise haute de 30 pieds en évitant une corniche large de 12 pieds, je me demande comment nous pourrions dissuader une fillette de 12 ans qui entreprend de voler une bâton de rouge à lèvres afin de se rendre intéressante auprès de ses amies.

Le fait est que la dissuasion est une notion à laquelle nous nous agriffons par découragement, à mon avis, mais il y a très peu de raisons de croire qu'elle a vraiment un effet sur le comportement. Je dirais même que, dans une certaine mesure—et des travaux de recherche qui ont été faits à Toronto le démontrent—, le risque qui se rattache à l'activité criminelle comporte en fait un attrait, particulièrement pour les garçons et les hommes, et les met dans le coup. Selon une étude sur le sujet, après une intervention de la police chez les jeunes du secondaire qui avaient pris part à des activités criminelles, le niveau d'activité criminelle a en fait augmenté chez les garçons, tandis qu'il a baissé chez les filles.

Bref, toutes ces notions ont une importance certaine au chapitre de la responsabilité, de l'équilibre et de la solidarité sociale, mais en tant que stratégie de modification du comportement, la dissuasion est sans doute le maillon le plus faible de la chaîne. C'est aussi celui qui coûte le plus cher.

• 1705

Le président: Y en a-t-il d'autres qui ont quelque chose à dire à ce sujet?

M. Matthew Geigen-Miller: Je suis sûr que vous avez entendu beaucoup de juristes vous parler de la nécessité d'assurer l'équilibre entre le droit qu'a la société de se protéger et le droit des jeunes qui ont des démêlés avec la justice d'être soumis à l'application régulière de cette loi. Ce n'est pas là mon domaine de compétence, alors je ne m'y attarderai pas vraiment.

Je crois que nous sommes tous bien conscients du fait que, quand nous privons un jeune délinquant ou un délinquant tout court de sa liberté—et je suis tout particulièrement préoccupé par les jeunes qui sont en détention—, nous assumons une responsabilité énorme pour ce qui est d'assurer leur sécurité. Ce qui me préoccupe avant tout, c'est la responsabilité que nous avons comme société de protéger ces jeunes que nous privons de leur liberté. C'est une responsabilité que nous n'assumons pas à l'heure actuelle, et la situation ne risque guère de s'améliorer si nous incarcérons des jeunes dans des pénitenciers fédéraux. J'estime qu'il nous faut reconnaître très publiquement que nous avons ce devoir de protéger les jeunes que nous incarcérons.

En ce qui a trait à la dénonciation et à la stigmatisation, je ne suis vraiment pas sûr que ces notions aient leur place dans le droit pénal visant les jeunes, car ils y sont soumis dans le cours normal des choses, et il serait d'ailleurs impossible de leur éviter d'être stigmatisés. Il serait impossible de légiférer pour les protéger contre cette stigmatisation. Cela fait partie du cours normal des choses dans leur famille, dans leur voisinage et dans leurs écoles. J'en ai moi-même été victime. Dès qu'on commet un acte criminel ayant une certaine visibilité ou étant de notoriété publique dans sa localité, on n'y échappe pas. Je ne vois pas en quoi le fait d'exagérer et d'accroître cette stigmatisation va contribuer à la réinsertion de ces jeunes dans leur collectivité. C'est déjà assez difficile pour les jeunes, pour moi-même et, j'en suis sûr, pour Richard aussi et pour tous nos semblables, de revenir vivre avec notre famille après avoir été en détention, de revenir dans notre quartier et de faire face à tous ceux qui nous entourent. Il nous faut beaucoup de soutien. Il est très difficile de regarder les gens droit dans les yeux quand ils savent tous qu'on est un criminel.

Je sais qu'il y a bien des gens qui croient qu'il faudrait publier les noms des délinquants. Je ne vois pas en quoi le fait d'accroître la stigmatisation qui se produit déjà dans le cours normal de la vie dans une collectivité contribue à la réinsertion et à la réadaptation, qui vont tout à fait, bien entendu, dans le sens de la protection du droit des membres de la société d'être en sécurité et de se protéger contre les activités criminelles.

Voilà mon opinion.

M. Richard Rothenburger: Si vous me permettez d'intervenir, je dirais que, d'après mon expérience, j'ai dû effectivement assumer la responsabilité de mes actes, j'ai eu des comptes à rendre. J'ai dû assumer la responsabilité et subir les conséquences de tous les crimes que j'ai commis et de tout ce que j'ai fait. Je ne l'ai jamais contesté.

Je suis toutefois d'avis que certains des changements proposés ne contribueront en rien à une plus grande responsabilisation.

Si j'ai moi-même pu accepter la responsabilité de mes actes, c'est grâce à ces personnes qui ont bien voulu prendre le temps de m'écouter. Le fait qu'elles aient pris le temps de m'écouter, même si je ne voulais pas de leur sollicitude, même si j'en avais contre elles, même si je les détestais, m'a aidé à accepter la responsabilité de mes actes parce que cela m'a aidé à m'examiner dans mon for intérieur pour voir qui était ce Richard et pourquoi il avait agi comme il l'avait fait.

Quant aux mesures de dénonciation et de publication des noms, elles relèvent de la protection de la vie privée. Dans la communauté rurale où j'ai grandi et que j'ai quittée à l'âge de 13 ans, dès qu'elle a eu vent de mes démêlées avec la justice, j'ai été qualifié de criminel et d'indésirable. J'avais des cousins, une tante et un oncle mais on m'a fait comprendre qu'il valait mieux que je ne remette plus les pieds dans ce village. Dans les collèges où j'étais élève, dès qu'on a su que je passais au tribunal, on m'a considéré avec mépris. Mes professeurs, le personnel administratif se sont détournés de moi en disant: «Pas la peine de s'occuper de Richard, c'est une cause perdue». Résultats, je me suis retrouvé en marge du système éducatif.

• 1710

Ce que j'essaie de vous dire, je crois, c'est que oui, tout le monde ici présent, tout un chacun au Canada, qu'il ait 13 ans ou 30 ans, doit assumer ses responsabilités et rendre compte de ses actes. Cependant, il est essentiel de ne pas oublier que tout le monde ici présent et tout un chacun au Canada a droit au respect.

J'aimerais également ajouter, pour revenir sur la question de la publication des noms, que la conséquence fort probable de cette humiliation infligée à ces jeunes... s'ils sont dans l'état dans lequel j'étais, je n'avais pratiquement plus aucune estime pour moi-même... si j'avais vu mon nom à la télévision, affiché un peu partout, je suis prêt à parier que le peu d'estime qui me restait aurait complètement disparu et que je me serais fichu encore plus de tout puisque personne ne semblait vouloir m'aider.

Merci.

Le président: Est-ce que quelqu'un d'autre souhaite répondre à l'invitation de M. Cadman?

[Français]

M. Serge Charbonneau: Oui. J'aimerais simplement dire qu'il est important de dénoncer les actes criminels qui sont commis et de placer les jeunes en face de leur responsabilité. Cependant, il faudrait aussi tirer des leçons des méthodes qui ont déjà été utilisées. Les sociétés anciennes avaient des façons très publiques de sévir. Pourtant, je ne crois pas qu'on veuille s'en inspirer et y revenir.

Je crois qu'au lieu de publier les noms, il suffirait d'informer les victimes des événements qui suivent l'arrestation, de leur dire ce qui se produit et de leur parler de la façon dont le jeune évolue dans un centre d'accueil ou dans l'accomplissement de sa sentence communautaire. De telles dispositions feraient que la population canadienne aurait l'impression qu'on a réagi à l'acte criminel et que des mesures ont été prises.

Quand on explique les mesures qui sont prises—on le sait grâce à des études qui ont été faites—, on se trouve face à des gens qui ont une grande ouverture d'esprit. Les gens qui sont victimes d'actes criminels peuvent avoir une première réaction vindicative, mais on s'aperçoit par la suite que, lorsqu'elles comprennent l'ensemble de la dynamique et ce qui explique en partie le comportement des jeunes, elles sont ouvertes à d'autres choses.

Donc, il n'y a pas qu'une manière de dénoncer les actes criminels; il y en a plusieurs. Je ne reprendrai pas les propos portant sur la dissuasion des jeunes. Il est évident qu'on ne peut pas dissuader des jeunes par des peines sévères.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Tout d'abord, monsieur Charbonneau et madame Tamborini, je vous remercie d'être venus nous parler du projet de loi C-3 et d'avoir tenté d'éclairer les membres de ce comité. Je n'ai pas beaucoup de questions à vous adresser parce que je partage entièrement votre approche. Je suis contre ce projet de loi et je vais m'opposer énergiquement à son adoption, du moins tel qu'il est. Si possible, j'essaierai d'obtenir que le Québec soit exclu de son application. Je continuerai mon travail en ce sens.

J'ai cependant une question à l'intention de M. Stewart. Je n'ai pas lu votre mémoire en entier, ce que je ferai car vous vous êtes donné la peine de nous présenter quelque chose qui semble très bien structuré et très bien rédigé. Par contre, je vous ai écouté. Les avantages que doit procurer l'application de cette nouvelle loi, selon ce que vous dites, peuvent tous, à mon avis, être obtenus en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants. La seule de ces choses qui ne se trouve pas dans la Loi sur les jeunes contrevenants, ce sont tous les inconvénients que comporte cette nouvelle loi.

• 1715

Vous parlez de mesures extrajudiciaires, de réadaptation intensive, de suivi. Si nous appliquons bien la Loi sur les jeunes contrevenants, nous pouvons avoir des mesures extrajudiciaires, traiter ces jeunes de façon intensive, assurer un suivi et obtenir des ordonnances du tribunal.

Sincèrement, je voudrais comprendre quels avantages supplémentaires comporte cette nouvelle loi comporte, que ne comporte pas à l'heure actuelle la Loi sur les jeunes contrevenants si elle est correctement appliquée.

Ce sera ensuite à vous, madame.

[Traduction]

M. Graham Stewart: Je crois que j'aurais deux choses à dire. Pour commencer, je crois qu'il y a un certain nombre d'initiatives que cette nouvelle loi autorise et que l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants ne permettait pas. Les dispositions sur la libération conditionnelle et la liberté surveillée sont importantes. Elles réduisent la période d'incarcération et elles prévoient un suivi qui n'existait pas dans la Loi sur les jeunes contrevenants.

Est-ce que cela permettra de mettre un terme au fait que le Canada est un des pays où le taux d'incarcération est le plus élevé du monde? Si nous voulons y mettre un terme, la seule alternative c'est soit d'incarcérer moins de gens soit de réduire la période d'incarcération ou les deux. Je considère ces dispositions comme une mesure concrète.

Deuxièmement, il y a le changement concernant les audiences de transfert pour les jeunes. Actuellement la loi ne permet ces audiences de transfert qu'avant le procès. À mes yeux, c'est une procédure d'audience très préjudiciable. J'ai participé à nombre de ces audiences, et je trouve très pénible d'avoir à écouter pendant des heures la Couronne et la défense débattre du caractère dangereux ou non d'une personne qui n'a même pas encore été déclarée coupable d'un délit. Je ne peux m'empêcher de penser que ceux qui sont déclarés coupables avant leur procès ne peuvent être jugés avec la même équité que ceux qui ne le sont pas, bien qu'il y ait eu des cas d'acquittement par les tribunaux pour adultes, mais je continue à croire que c'est un changement fondamental et important en faveur d'une application régulière de la loi ce que la Loi sur les jeunes contrevenants ne permet pas actuellement.

Le critère de transfert lui-même est un critère différent. Je crois qu'il sera appliqué de manière différente et qu'il sera compris de manière différente par les tribunaux. C'est une amélioration.

Les dispositions de garde intensive et d'ordonnance de surveillance et le fait qu'elles seront accompagnées d'un financement constituent à mes yeux un changement important. Il est possible que certaines provinces, de leur propre chef, soient disposées à consacrer de grosses sommes à ce genre d'initiatives, mais ce n'est pas le cas de toutes. Ces dispositions encouragent et autorisent ce genre d'initiatives dans les provinces qui ne font rien dans ce sens pour le moment.

Il y a d'autres mesures sur lesquelles on insiste beaucoup plus et que la procédure judiciaire encourage qui pourraient être appliquées conformément à la Loi sur les jeunes contrevenants. Certaines de ces mesures existent et sont peut-être appliquées au Québec, mais elles ne sont pas considérées avec le même sérieux dans toutes les provinces. Donc, si selon moi cette loi incite certaines provinces à être plus présentes dans ces domaines, elle ne décourage certainement pas celles qui le sont déjà.

Enfin, je crois que certaines des mesures appliquées au Québec que nous jugeons positives... d'après ce que je peux voir, aucune d'entre elles ne sera négativement affectée pare cette loi. En d'autres termes, je ne vois rien dans cette loi qui obligerait le Québec à prendre des mesures qui seraient plus dures ou plus destructrices pour les jeunes que ce que permet actuellement la Loi sur les jeunes contrevenants.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je ne veux pas en faire un débat, mais parmi les choses que vous avez mentionnées, il y en a plusieurs qui peuvent être faites dans le cadre de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Je ne suis pas certain qu'appliquer la Loi sur les libérations conditionnelles aux jeunes soit une bonne chose à long terme si ce ne pas associé à un bon suivi. Beaucoup de témoins sont venus nous dire que ce qui est important, c'est d'être en contact quasiment 24 heures par jour avec le jeune qui est en difficulté. Je trouve difficile de vous suivre sur ce point. De toute façon, il ne s'agit pas d'un débat.

Madame Elizabeth White, vous avez prononcé une phrase qui m'a fait quelque peu sursauter. Vous avez terminé votre exposé en disant que vous étiez heureuse parce que, grâce à ce projet de loi, tous les jeunes au Canada pourront bénéficier... Vous avez parlé d'uniformiser les interventions auprès des jeunes au Canada.

• 1720

Moi qui suis du Québec, je ne veux pas que ce qu'on fait au Québec soit uniformisé avec ce qui se passe dans l'Ouest canadien. Je veux continuer à faire ce qui se fait au Québec depuis 25, 30 ou 35 ans. Croyez-vous que cette loi aura pour résultat d'uniformiser le traitement des jeunes Québécois avec celui des jeunes des autres provinces?

[Traduction]

Mme Elizabeth White: Non. Bien entendu, je suppose que c'est avec le Québec que nous harmoniserons notre approche. Cependant, pour répondre plus directement à votre question, la Loi sur les jeunes contrevenants a tellement été vilipendée par tant de secteurs d'autorité dans notre pays et a été tellement mal représentée et incomprise qu'à mon avis, en toute honnêteté, elle a perdu sa capacité d'application uniforme d'un bout à l'autre du pays, qui était à l'origine sa raison d'être. Donc, partant de cette hypothèse, de la réalité de ces difficultés, il est aujourd'hui préférable de passer à une approche beaucoup plus exhaustive au niveau des détails qui maintient la séparation entre les deux systèmes de justice.

Comme Graham l'a fait remarquer, avec la libération conditionnelle et certains des autres changements sur le plan d'une peine plus proche de celle pour les adultes plutôt que des transferts devant les tribunaux pour adultes, je crois que nous constaterons des améliorations positives dans la manière dont nous administrons la justice pour les jeunes. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de revenir au plus petit commun dénominateur quand on opte pour un cadre constant, et si je ne le pense pas c'est parce que dans cette loi il y a une disposition permettant au gouvernement fédéral d'intervenir dans les provinces qui sont peut-être moins enclines à considérer les possibilités plus progressives qui sont disponibles. Si cela se fait dans le contexte d'une approche nationale de la justice juvénile, je crois que nous ferons monter la barre plutôt que de la faire descendre et j'espère que le Québec ne se désistera pas.

[Français]

Le président: Merci.

[Traduction]

Madame Bennett, cinq minutes.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Monsieur le président, je n'en aurai certainement pas besoin d'autant.

Je voulais simplement remercier Matthew et Richard d'être venus, et j'espère que nous pourrons concocter quelque chose dont vous serez fiers et que vous nous aiderez à faire accepter, car je crois que si tous les Canadiens pouvaient entendre vos histoires et l'éloquence avec laquelle vous les racontez, ils comprendraient qu'il est possible de régler bien des problèmes qui sont la responsabilité de la collectivité et notre pays y gagnerait également. Je suis tout simplement ravie que vous soyez venus et que Judy se soit arrangée pour que vous le puissiez. Encore une fois, merci.

Le président: Il nous reste encore un peu de temps, si cela intéresse quelqu'un.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Madame White, il me semble que vous avez dit pendant votre exposé qu'à votre avis les peines pour adultes n'étaient appropriées dans aucun cas ni dans aucune circonstances. Il n'y a aucune raison pour laquelle un jeune devrait être condamné à une peine pour adultes? C'est bien ce que vous avez voulu dire?

Mme Elizabeth White: Oui.

M. Chuck Cadman: Même dans les cas de crimes les plus horribles...? Vous ne pensez pas...

Mme Elizabeth White: Je ne suggère pas, monsieur Cadman, qu'il ne devait pas y avoir de réactions fortes contre de mauvaises actions commises par des jeunes. Je dis qu'il ne devrait pas y avoir la même réaction que pour des actions commises par un adulte car il ne s'agit pas d'adulte. Il s'agit de jeunes. La réaction peut être très sévère, s'il s'agit d'un crime particulièrement horrible, pour reprendre votre exemple, et il peut y avoir des conséquences à long terme. Néanmoins, il faut rester dans le contexte juvénile.

M. Chuck Cadman: Autrement dit, on ne devrait jamais imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité à un jeune de moins de 18 ans qui aurait commis un meurtre.

Mme Elizabeth White: C'est cela.

M. Chuck Cadman: D'accord.

Je m'adresse maintenant à Matthew et Richard: je ne sais pas quels crimes vous avez commis, mais cela importe peu. Avez-vous l'impression qu'on a rendu justice à vos victimes? Je répète que ce que vous avez fait m'importe peu, et c'est quelque chose qui vous appartient. Vous qui avez porté atteinte aux droits de vos victimes, avez-vous l'impression que justice leur a été rendue?

• 1725

M. Matthew Geigen-Miller: Elles auraient pu l'être beaucoup plus. À mon avis, l'orientation que prend la nouvelle loi sur le système de justice pénale pour les adolescents en proposant des mesures extrajudiciaires accrues permettra véritablement de rendre justice aux victimes et leur fera jouer un rôle important.

Mais à mon avis, la Loi sur les jeunes contrevenants, qui s'appliquait dans mon cas, n'a pas permis aux victimes de jouer un rôle valable. À la suite d'une poursuite en justice traditionnelle, j'ai été condamné à la détention. J'imagine qu'on a eu l'impression que justice avait été rendue et qu'il fallait par conséquent tourner la page. Mais je persiste à croire que la victime n'a pas été vraiment entendue et qu'elle n'a pas eu voix au chapitre, car la poursuite en justice traditionnelle devant un tribunal ne lui laissait pas beaucoup de marge de manoeuvre. Bien sûr, elle a pu faire une déclaration sur les répercussions qu'avait eu le crime sur elle, entre autres choses, mais c'était plutôt accessoire. Dans une action en justice traditionnelle, on laisse les coudées franches au ministère public plutôt que d'accorder une plus grande place à la victime et à ses besoins.

Je n'ai donc pas une grande expérience de la justice réparatrice et de ses méthodes, et c'est pourquoi je ne sais pas ce que cela veut dire de première main de rendre justice comme il se doit à la victime.

M. Richard Rothenburger: Me permettez-vous d'intervenir?

Je ne sais si justice a été rendue à toutes mes victimes. Je n'en sais rien, car je ne sais pas ce qu'elles sont devenues, pour la plupart. Toutefois, j'ai une petite idée de ce que l'on entend par justice réparatrice.

En effet, dans le cas d'une de mes victimes, il m'avait été ordonné par décret de m'asseoir dans la même salle que ma victime, pendant que celle-ci me décrivait ce qu'elle avait ressenti lors du crime. Je me rappelle exactement ce que cela m'avait fait d'être obligé d'écouter cette personne pendant quelques heures sans pouvoir lui répondre. Je n'avais même pas le droit de lui dire à quel point j'étais désolé, car j'étais obligé d'écouter en silence. Cette personne m'a expliqué à quel point je l'avais blessée, à quel point je lui avais inspiré de la honte et un sentiment de dévalorisation. Je ne sais si, après s'être épanchée, elle a eu l'impression qu'on avait réparé les torts qui lui avaient été faits, mais je sais, pour ma part, que pour une des premières fois de ma vie, j'ai ressenti véritablement du remords.

Je répète que je ne saurai jamais si justice a été rendue à toutes mes victimes mais j'ai été condamné, j'ai fait de la prison, je suis ensuite allé en probation, et j'ai purgé toutes les peines que j'avais à purger; et j'ai l'impression que, somme toute, j'en suis ressorti grandi, grâce à toute l'aide que j'ai reçue et aux efforts de réadaptation qui ont été faits à mon intention. J'espère que mes victimes ont tout de même l'impression que justice leur a été rendue, car en rétrospective, j'ai du remords et je sais que le système judiciaire a donné des résultats dans mon cas.

Je ne puis me prononcer pour mes victimes dont j'ai perdu la trace, mais l'expérience particulière dont je vous ai parlé m'a fait enfin comprendre ce que pouvait ressentir la victime d'un crime et m'a fait voir lucidement les actes que j'avais commis, en suscitant un dégoût de moi-même.

Le président: Avant de continuer, j'aimerais revenir sur ce que disait M. Cadman au début de sa question.

Vous vous présentez à notre comité, et on peut présumer que c'est parce que vous voulez que nous fassions de notre mieux avec le projet de loi. Vous faites aussi preuve de courage en venant vous dévoiler ainsi. Toutefois, sachez que même si on vous pose des questions, vous pouvez vous sentir libre de ne pas y répondre, car rien ne vous y oblige.

Nous comprenons donc que si vous êtes ici et si vous nous apportez ces réponses, c'est à cause de l'intérêt que vous portez à ce projet de loi. Toutefois, nous voulons que vous sachiez que vous avez parfaitement le droit de refuser de parler de choses qui pourraient vous mettre mal à l'aise, et que nous comprenons tous cela. Cela n'enlèvera rien au courage dont vous faites preuve et que nous avons déjà eu l'occasion d'observer.

• 1730

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: Madame White, vous avez dit de façon très claire qu'avec ce projet de loi, moins de jeunes seront mis en détention. Je pense que M. Stewart a également dit quelque chose de semblable. Vous avez bien dit ça?

[Traduction]

Mme Elizabeth White: J'ai dit que je l'espérais.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je regarde les statistiques des provinces au niveau de la détention et je me rends compte qu'au Québec, le taux de détention est beaucoup moins élevé que dans les autres provinces. Comment expliquez-vous cela?

[Traduction]

Mme Elizabeth White: Je ne suis pas une experte en ce qui concerne le Québec. Toutefois, je crois savoir que le Québec a adopté une démarche plus holistique en ce qui concerne la justice pour les jeunes; dans cette province on place les jeunes non seulement dans le contexte du système judiciaire, mais également dans le contexte de la protection de l'enfance. Tous ces jeunes qui sont dans le système judiciaire dans d'autres régions du pays sont souvent confiés, au Québec, au service de bien-être de l'enfance et à d'autres services sociaux. La nouvelle loi devrait permettre d'utiliser un plus grand nombre d'options extrajudiciaires, également au niveau de la détermination de la peine. Je ne parle pas seulement de financement de services extrajudiciaires, mais de diverses options de détermination de la peine qui permettront à un plus grand nombre de jeunes de rester en dehors du système judiciaire, sans être détenus.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Comme je vous l'ai dit tantôt, je viens du Québec et je suis avocat. Je connais assez bien le dossier parce que j'y travaille depuis 1993. Je connais toutes les modifications qu'on a apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants. Une des raisons pour lesquelles le taux de détention est faible au Québec, c'est qu'on a beaucoup recours aux mesures extrajudiciaires, ce que la loi nous permet de faire à l'heure actuelle.

Comme vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur Stewart, si les provinces n'investissent pas davantage pour mettre en oeuvre les ordonnances de surveillance et les mesures extrajudiciaires, à quoi servira-t-il d'avoir modifié la loi?

[Traduction]

Mme Elizabeth White: L'important, c'est que nous disposons maintenant d'un nouvel outil qui devrait nous permettre de mieux éduquer le public et de travailler en collaboration avec les provinces pour perfectionner les services. Je reconnais que dans certaines enclaves du pays on a souvent fait preuve d'une énorme résistance face aux options offertes par la Loi sur les jeunes contrevenants. Cela est évident. Nous avons maintenant l'occasion de recommencer à neuf et de profiter d'une assise positive.

M. Graham Stewart: J'aimerais répondre à cette question également.

Si cette loi devait augmenter le taux de détention au Québec ou diminuer la fréquence des solutions extrajudiciaires, ce serait une véritable tragédie. Je ne vois rien dans cette loi qui puisse avoir ce résultat, par contre, j'y vois des éléments qui pourraient convaincre d'autres provinces d'évoluer dans ce sens.

À cet égard, c'est une législation qui devrait permettre et encourager certains types d'activités dans des provinces qui ne le font pas encore, et cela, à mon avis, sans menacer les programmes et activités qui ont cours actuellement au Québec, une province où le système de justice pénale est au moins aussi efficace que dans les autres provinces sans faire appel autant aux solutions de détention.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je ne veux pas lancer un débat. Je ne sais pas si vous avez une formation juridique. Ce n'est pas un inconvénient que de ne pas en avoir; c'est peut-être même un avantage. Pour ma part, j'ai une formation juridique et j'ai rencontré plusieurs avocats québécois qui ont comparé le texte de la Loi sur les jeunes contrevenants au texte de la Loi concernant la justice pénale pour adolescents. Ils constatent une différence au niveau des termes utilisés: on inflige une sanction, on veut harmoniser les peines, on sanctionne. Le langage est le même que celui des dispositions du Code criminel sur la justice pour adultes. La Loi sur les jeunes contrevenants contenait des définitions qui lui étaient propres. On disait qu'il fallait traiter les enfants à part et voir à leurs besoins. On avait vraiment une justice à part.

• 1735

Ma question est fort simple. Étant donné que la pression de l'opinion publique par rapport aux jeunes ne changera pas du jour au lendemain à cause d'une nouvelle loi et que les provinces qui ne veulent pas appliquer l'actuelle loi continueront d'être récalcitrantes par rapport aux jeunes, ne croyez-vous pas que les tribunaux vont traiter de plus en plus les jeunes comme des criminels, comme des adultes, même lorsqu'ils ne seront pas dans la catégorie visée, à cause de la rédaction même de cette loi?

[Traduction]

Mme Elizabeth White: Vous me forcez à confesser que je suis également avocate—j'essaie toujours de le cacher—mais c'est au Barreau de l'Ontario que j'appartiens, et non pas à celui du Québec. Quand je lis ce projet de loi, je suis tout à fait d'accord avec vous, le langage a changé. C'est une source de préoccupation. Toutefois, pour que cette loi soit compréhensible, pour qu'elle soit bien connue dans tout le pays, on a tenté d'en adapter le langage aux différentes lois sur la justice qui existent dans les provinces.

Par le passé j'ai été en faveur du langage utilisé dans la loi sur les jeunes contrevenants. Je sais qu'avant l'entrée en vigueur de cette loi, certains s'étaient posé des questions sur le ton et l'attitude adoptés. À mon avis, ce langage n'est plus valable, ce qui est peut-être dommage, mais cela ne nous empêche pas d'exprimer les choses très clairement dans cette loi pour mettre en place des dispositions très positives.

À mon avis, le plus souvent nos juges sont plus intelligents qu'on ne le croit, et ils sont tout à fait capables d'appliquer les dispositions de cette loi d'une façon positive, d'une façon adaptée aux jeunes dans un système judiciaire distinct, qui leur est propre. Lorsqu'il s'agit de décisions administratives, il y a peut- être des fonctionnaires dans la province qui se heurtent peut-être aux écueils que vous avez mentionnés, monsieur Bellehumeur, mais je ne pense pas que ce soit le cas de nos juges.

M. Graham Stewart: Permettez-moi de répondre également; à mon avis, le langage est très important, c'est ce qui concrétise nos attitudes et nos valeurs. Toutefois, si le langage a vraiment changé de façon notable, à mon avis, c'est lorsque la loi sur les jeunes délinquants est devenue la loi sur les jeunes contrevenants. La loi sur les jeunes contrevenants a placé les jeunes contrevenants très clairement dans le cadre du code criminel, et c'est ce qui existe depuis de nombreuses années. Toutefois, en même temps cela a suscité beaucoup de confusion, par exemple en introduisant des notions contradictoires. Je veux dire que certains principes d'une importance cruciale étaient énoncés dans un langage contradictoire, sans que rien n'indique un moyen d'en sortir.

En fin de compte, ce n'est probablement pas le langage que j'aurais choisi, mais dans l'ensemble, il n'y pas suffisamment de différence avec la Loi sur les jeunes contrevenants pour qu'on puisse dire que c'est nettement pire, et à certains égards, je pense même que c'est mieux. On s'écarte des notions de dissuasion et de dénonciation, ce qui à mon avis est un changement important. On met plus l'accent sur la responsabilité que sur la protection du public, ce qui n'est pas parfait, mais nettement mieux.

Bref, je ne veux pas minimiser l'importance du langage, je ne peux pas non plus parler des effets du langage en français, ce qui pourrait être un facteur très crucial également, mais lorsque je lis cette loi, je trouve, personnellement, que c'est encourageant. En la lisant, je me dis que cela nous donne la possibilité de nous rapprocher des solutions dont le Québec dit qu'elles sont cruciales pour leur système judiciaire. Cela ne me décourage pas.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais savoir ce que les membres du groupe en général pensent de la réduction de l'âge de 16 à 14 ans, l'âge auquel les jeunes contrevenants peuvent tomber sous le coup de sentences pour adultes. J'aimerais savoir également ce que vous pensez du fait que les demandes de sentences doivent dorénavant être soumises après jugement et non plus avant jugement.

Quelqu'un veut répondre? Simplement des observations générales sur ces dispositions.

M. Graham Stewart: Je crois avoir déjà dit ce que je pensais des demandes après jugement, je ne reviendrai donc pas sur cela. En ce qui concerne l'abaissement de l'âge limite, je crois que cela va à l'encontre des autres principes contenus dans la loi et qui veulent minimiser les recours à l'emprisonnement. C'est seulement dans la mesure où il est nécessaire de réaliser les objectifs de la loi qu'on applique une sentence pour adultes pour infractions désignées.

• 1740

Si les circonstances exigent une sentence pour adulte, je ne vois pas pourquoi notre système de justice pénale accusatoire ne pourrait pas fonctionner. Toutefois, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de prendre la décision à l'avance, d'inscrire cela dans la mesure législative, comme si nous savions déjà à quel type de jeune contrevenant nous allons nous heurter, comme si nous connaissions déjà toutes les circonstances qui pourraient justifier une sentence pour adulte. À mon avis, en abaissant encore l'âge on aggrave encore une notion qui n'est déjà pas brillante.

Le président: Matthew ou Richard.

M. Matthew Geigen-Miller: Je ne peux pas vraiment vous donner une opinion autorisée sur le processus de transfert à un tribunal pour adultes. Je crois comprendre que le plus souvent ces transferts se produisent après le procès et, à première vue, cela semble présenter certains avantages.

Quant à l'âge limite pour les infractions désignées, je n'ai pas non plus d'opinion qualifiée, clinique, mais j'ai rencontré beaucoup de jeunes contrevenants, des centaines d'entre eux, j'ai vécu avec eux, j'ai passé avec eux mes jours et mes nuits, et je n'ai encore jamais rencontré un enfant de 14 ou 15 ans dont les problèmes de comportement criminel n'auraient pu être traités dans le cadre d'une sentence de tribunal pour adolescents. Je n'ai jamais rencontré un jeune dans un tel état qu'une sentence pour adulte était nécessaire. Franchement, j'ai beaucoup de mal à imaginer à quoi ressemblerait un tel jeune. Je précise que j'ai été en contact avec un grand nombre de contrevenants auteurs d'infractions graves, des contrevenants violents, des récidivistes.

Nous semblons oublier un des principes clés d'un système de justice distinct à l'intention des jeunes: avant tout, les jeunes méritent une protection spéciale et un traitement différent, en partie parce que très souvent ils sont plus faciles à réadapter que les adultes. Le mode de vie criminel n'est pas aussi enraciné en eux. Ils s'y livrent depuis moins de temps, et ils n'ont pas forcément internalisé toutes les valeurs antisociales. Ce n'était certes pas mon cas. Je ne connais aucun enfant de 14 ou 15 ans, je n'en ai jamais rencontré un seul, qui soit vraiment un criminel endurci. Je ne peux donc pas imaginer un enfant de 14 ou 15 ans ayant un comportement que le système de justice pour les adolescents ne puisse affronter.

M. Richard Rothenburger: Je suis tout à fait d'accord avec Matthew. Adolescent, j'ai aussi passé beaucoup de temps avec d'autres jeunes contrevenants. À ma première condamnation, j'avais 15 ans et je sais où j'en étais au plan psychologique et physique. Je sais que si j'avais été condamné à une peine pour adultes et emprisonné dans un établissement pour adultes à l'âge de 15 ans je n'aurais jamais pu, au plan psychologique... Je ne peux pas dire «jamais». J'aurais eu énormément de mal à acquérir de la maturité. Au plan physique, je n'étais pas très robuste en comparaison des jeunes de mon groupe d'âge. Je me plaisais à le croire, mais c'était faux. Si j'avais été incarcéré dans un établissement pour adultes j'aurais, au plan physique, été désavantagé.

Voilà pourquoi je ne vois pas l'utilité de condamner un jeune de cet âge à une période d'emprisonnement dans des conditions qui l'empêcheront de s'épanouir émotivement, psychologiquement, spirituellement, et où il sera désavantagé par rapport au grand nombre de gars dans le système correctionnel, dans les pénitenciers, qui sont considérablement plus forts que la plupart des jeunes de 15 ans que je connais.

Le président: Judy.

Mme Judy Finlay (intervenante principale et directrice, Bureau d'assistance à l'enfance et à la famille de l'Ontario, Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits de l'enfant): J'ai promis aux jeunes que je leur céderais toujours la parole mais étant donné l'importance de cette question pour moi, j'aimerais répondre.

• 1745

Au Bureau du protecteur de l'enfance en Ontario et dans toutes les provinces du Canada, nous rencontrons des jeunes avec qui il est très difficile de traiter. Nous rencontrons des jeunes enfants qui ont commis des crimes odieux, pour ainsi dire, ou des infractions plus graves. Nous sommes leurs défenseurs.

Nous savons que la majorité de ces jeunes sont des enfants pris en charge soit par la Société de protection de l'enfance ou les Services de santé mentale pour enfants. Ce sont des enfants qui ont déjà connu l'échec et envers lesquels nous avons une responsabilité toute particulière. Je sais aussi que si nous incarcérons ces jeunes, à 16 ans, dans les établissements pour adultes... Nous avons commis cette erreur en Ontario et nous en avons vu les conséquences. La réinsertion sociale de ces jeunes est alors impossible. Leur colère grandit et ils deviennent plus violents et je ne voudrais pas qu'ils soient mes voisins.

Je sais aussi que parfois ces jeunes de 16 à 18 ans préféreraient être incarcérés dans un établissement pour adultes parce que leur peine sera moins longue et qu'ils n'auront qu'à la purger. Ils préfèrent cette peine d'emprisonnement car ils savent que si elle est de 10 ou de 8 ans, ils devront en purger un tiers avec remise pour bonne conduite. Et c'est exactement ce qu'ils font: ils purgent leur peine.

Nous avons dû convaincre ces jeunes d'envisager d'être ramenés dans le système de justice pour les jeunes contrevenants. Nous devons les convaincre car les peines d'emprisonnement sont plus longues. Mais ils ont aussi accès à des programmes qui au premier contact les rendent mal à l'aise; des programmes qui les obligent à accepter la responsabilité de leur comportement; des programmes qui ont pour objet de changer les comportements, de leur inculquer des sentiments de remords et de les amener à comprendre le tort causé aux victimes.

C'est loin d'être aussi simple que nous le disons ici. Si dès l'âge de 14 ans nous envoyons les jeunes contrevenants au système pour adultes, nous les mettons à risque et, ce faisant, nous mettons à risque nos collectivités. Je suis convaincue, comme l'est le Conseil, qu'en réduisant l'âge nous rendons un bien mauvais service à nos jeunes et à notre société.

Le président: Y a-t-il quelqu'un d'autre? Sinon, monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: J'aimerais poser une question très courte à quiconque voudra y répondre.

On a parlé à quelques reprises de la désinformation imputable à la presse et aux médias et, c'est vrai, les médias ont tendance à monter en épingle les cas les plus sensationnels. Et nous pouvons manipuler les statistiques tant que nous le voulons. Chacun peut faire dire ce qu'il veut aux chiffres.

Je vais aussi souvent que possible rencontrer les jeunes à l'école pour leur parler de violence—pas de la loi, pas de la Loi sur les jeunes contrevenants, mais tout simplement de violence. Les jeunes me disent que les statistiques ne sont pas fiables car ils ont constaté qu'à l'école et dans la rue, la violence augmente. Comment expliquer cela? Les jeunes me disent que la violence qu'ils vivent n'est jamais signalée à la police.

[Français]

Le président: Monsieur Charbonneau.

M. Serge Charbonneau: Je pense que les jeunes sont très mal placés pour faire des comparaisons des taux de violence. Si je suis en troisième secondaire, je suis absolument incapable de comparer ce qui se passe aujourd'hui à ce qui pouvait se passer à l'école il y a cinq ans. Toutefois, je suis tout à fait d'accord qu'on peut jouer avec les statistiques. On peut les manipuler et leur faire dire plein de choses. C'est une bonne matière première pour des discours politiques. Pour ma part, je les manie toujours avec précaution.

Cependant, on peut quand même étudier l'ensemble des choses. Je participais l'autre jour au congrès de la Société de philosophie du Québec, où il y avait des experts internationaux qui se penchent sur la question de la violence. Il faut reconnaître que la violence prend différentes formes aujourd'hui. Il faut reconnaître qu'il y a plus d'armes blanches et ainsi de suite. Ces experts, qui étudient le phénomène, étaient tous d'avis que, partout dans les sociétés occidentales, il y avait une diminution de la violence. De plus en plus, tout devient violence. Je ne veux pas nier le phénomène de la violence. Je ne veux pas dire que les gens ne sont pas affectés par des gestes violents. Ce n'est pas du tout cela, la question. La question est de se dire qu'il y en a de plus en plus, mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire de faire plein d'interventions dures.

De toute manière, les campagnes qui ont cours dans les écoles sont le reflet du fait qu'on a l'impression que la violence augmente. On parle de plus en plus de violence à ces jeunes. Je ne suis pas contre, mais comme on leur en parle de plus en plus, le phénomène est de plus en plus apparent pour eux. Si on n'en parlait pas du tout et qu'on demandait à des jeunes ce qu'ils pensent de la violence, je ne suis pas certain qu'ils s'exprimeraient de la même façon. Il faut vraiment faire attention lorsqu'on veut prendre des décisions à cet égard.

• 1750

De toute façon, dans son étude, le comité s'est appuyé sur des chiffres indiquant qu'il y a une réduction de la criminalité violente. Tous ceux qui sont venus témoigner devant vous l'ont dit.

Je ne pense pas que ce soit nécessairement la question. Qu'il y ait augmentation ou non de la violence, quelle est la meilleure manière de traiter la violence? La question demeure. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'augmentation de la violence qu'on ne doit pas tenter d'améliorer nos manières de nous occuper de la violence. Je me suis déjà prononcé sur cela.

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur Stewart.

M. Graham Stewart: Nous vérifions les statistiques pour tenter d'obtenir confirmation de nos impressions subjectives. La fréquence des crimes et de la violence peut certainement varier; elle peut augmenter ou baisser dans une localité, dans une ville, ou sur une certaine période. Nous avons tendance à nous rappeler des incidents marqués par la violence, mais nous oublions les périodes où elle semble baisser et nous nous en désintéressons. D'ailleurs, très souvent, si vous analysez un peu le discours public, il suffit d'un ou deux incidents pour que l'on parle immédiatement de tendance et les gens en viennent à dire: «Ça ne se passait pas comme cela avant, mais c'est ce qui se passe maintenant.» On entend cela constamment.

Je crois que nous devons analyser sérieusement les statistiques. Ce ne sont pas que des statistiques sur la criminalité. On peut imaginer que si les gens dénonçaient moins les crimes, le nombre de crimes dans les statistiques diminuerait alors que l'incidence du crime serait à la hausse. Or, nous pouvons consulter aussi les sondages auprès des victimes qui sont une autre approche pour juger de l'incidence de la criminalité. On demande aux gens directement s'ils ont été victimes d'un crime. Ce sont des études très bien structurées et très fouillées réalisées tous les cinq ans au Canada. Ces études mettent en lumière la même tendance.

À mon avis, les enfants nous répètent ce qu'on leur dit. C'est une véritable tragédie que les adultes de ce pays aient fait croire aux jeunes que la Loi sur les jeunes contrevenants est ridicule. Nous avons l'un des taux d'incarcération les plus élevés au monde et pourtant nous avons toute une génération de jeunes qui croient fermement que ce n'est pas grave de se retrouver devant les tribunaux. C'est à mon avis, un très mauvais service à rendre aux jeunes.

Il ne faut pas non plus s'étonner d'apprendre qu'à leur avis le nombre de crimes est à la hausse. On le leur répète tous les jours et certaines des sources d'information devraient être très crédibles.

Le président: Merci.

Je me suis fait épingler. Nous avons dénoncé plus tôt les avocats. Je suis sociologue, bien qu'on m'ait accusé d'être avocat, et certains s'en prenaient aux chercheurs en politique sociale et je me suis senti mis en cause. Or, comme je fais de la recherche qualitative, j'ai pu respirer à l'aise. Toutefois, je suis un adulte, alors...

Monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Je suis ravi que cela soit confirmé, monsieur le président.

Puisque l'heure est à la confession, je suis avocat, comme lui, et comme celui qui vient de s'éclipser. À une certaine époque, je voulais devenir sociologue, alors...

Je ne sais pas si ma question s'adresse à M. Charbonneau ou à M. Stewart. Vous avez dit que la recommandation dans le rapport du Comité sur la justice réparatrice est absente du projet de loi. Je ne sais pas au juste qui a dit cela. J'aimerais d'autres détails. C'était à mon sens l'une des plus importantes recommandations du rapport et j'avoue ne pas avoir remarqué qu'on ne la retrouve pas reflétée dans le projet de loi. Pouvez-vous me donner d'autres détails?

[Français]

M. Serge Charbonneau: On peut peut-être s'entendre sur une chose. Les principaux auteurs, dont le Canadien Howard Zehr et Walgrave, se sont penchés sur la distinction qu'il y a entre une perspective de justice réparatrice et les autres perspectives à l'égard de la justice. La grande distinction qu'on doit faire, c'est qu'un système basé sur la justice réparatrice se préoccupe de ce que les gens ont vécu lors de l'infraction et non de la transgression d'une norme sociale. Il se préoccupe de quelque chose de beaucoup plus holistique, de beaucoup plus systémique, des conséquences que toutes les personnes ont vécues.

• 1755

Par la suite, on demande à toutes les parties qui ont été concernées par l'événement de contribuer à la solution. Le centre se déplace complètement. On ne dit pas, comme Beccaria disait: tel délit, une peine juste. On demande aux gens ce qu'ils ont vécu lors de cet acte et comment on peut tenter—parce qu'on ne peut pas annuler les torts—de restaurer un certain bien-être chez la victime et chez les personnes qui ont contrevenu.

Tel est l'esprit des conférences familiales qui se déroulent en Nouvelle-Zélande et en Australie. Tel est l'esprit des programmes pour les contrevenants adultes que la Nouvelle-Écosse est en train d'adopter. À ce moment-là, on s'éloigne de la perspective des avocats. Il ne s'agit plus de voir l'événement comme un acte juridique et d'essayer de déterminer les responsabilités de chacun, mais de se demander ce que les gens ont vécu. On part de ce que les gens ont vécu, on traite cela, on implique les gens et on essaie de satisfaire le plus possible les personnes.

On ne retrouve pas ces choses ici. D'ailleurs, Howard Zehr fait une distinction entre justice pénale et justice réparatrice. Il dit que la justice pénale se centre sur le délit et sur l'auteur de l'infraction. Elle veut le dissuader, lui faire peur, le punir, lui faire mal, compromettre son développement. L'autre justice, quant à elle, se préoccupe également de la victime et du contrevenant, tente d'arriver à des solutions négociées et comprises par toutes les parties et accompagne les victimes. Vous savez que la justice réparatrice ne se préoccupe pas seulement du traitement des contrevenants. Elle comporte des dispositions pour venir en aide aux victimes d'actes criminels. C'est Mylène Jaccou qui apporte ces distinctions et qui parle de justice réparatrice symétrique, c'est-à-dire la justice qui s'occupe des deux parties, et de justice asymétrique, qui se préoccupe davantage de la victime que du contrevenant. On ne connaît pas toujours les contrevenants. Donc dans une perspective de justice réparatrice, un État devrait adopter des dispositions pour les victimes même si on ne connaît pas l'auteur de l'infraction.

Ce sont des orientations qu'on ne sent pas du tout. Dans le projet de loi, on sent l'orientation inverse. On va vers une justice davantage pénale, comme le laissent entendre les termes qui sont utilisés: «assujettissement de l'adolescent», «infliger une peine», «sanctions justes». Il s'agit de considérations qui sont normales quand on veut restreindre la liberté de quelqu'un, mais dans une perspective de justice réparatrice, on doit dans la mesure du possible impliquer toutes les parties, même dans des cas de violence grave. Cela se fait avec Umbreith, qui réussit à réunir des personnes dans des situations où cela ne semble pas possible à première vue. Des personnes qui ont vécu la mort d'un membre de leur famille rencontrent l'auteur de l'infraction après des années. Ce sont des choses qu'on est train d'étudier.

On veut s'engager dans de nouvelles avenues, mais nous n'avons pas l'impression qu'on le fait en réalité. On s'engage dans des avenues déjà connues, notamment l'incarcération plus facile et ainsi de suite. C'est ce qu'on a senti.

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

M. John McKay: Si vous le voulez bien, je vais m'attarder encore un peu à ce sujet. Pour corriger ce problème, suggérez-vous de remanier les principes du projet de loi, ou le préambule du projet de loi, ou encore les principes de détermination de la peine?

[Français]

M. Serge Charbonneau: Vous me demandez comment je récrirais l'article 37? Je ne suis pas sûr que...

[Traduction]

M. John McKay: Peut-être pas tout l'article, mais où l'exprimeriez-vous?

[Français]

M. Serge Charbonneau: Si on veut énoncer des principes de détermination de la peine s'inspirant de la justice réparatrice, il est obligatoire de retirer toutes les dispositions où on parle d'infliger des sanctions justes, d'harmoniser les peines et d'imposer des peines proportionnelles à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité de l'adolescent.

Dans une justice réparatrice, la proportionnalité n'est pas nécessairement en fonction de cela, mais plutôt en fonction de ce que les gens ont vécu. Ces choses doivent également être circonscrites par des dispositions, mais on est dans un esprit totalement inverse lors de la détermination de la peine. On consulte les victimes plutôt que d'imposer des peines proportionnelles au délit et au degré de responsabilité de la personne. On ne ferait plus du tout les choses dans cet esprit si on s'inspirait complètement de la justice réparatrice. Je ne dis pas que les États occidentaux ont adopté des principes de détermination de la peine purement réparateurs, mais qu'ils ont inséré des notions importantes de cette préoccupation dans les principes de détermination de la peine et tenté d'amoindrir les principes d'imposition de peines, qui sont parfois nécessaires, mais pas toujours.

• 1800

Le président: Merci.

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: J'aimerais simplement faire une remarque. Mme White et M. Stewart ont parlé à plusieurs reprises du préambule de la Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents. Je voudrais les mettre en garde: il y a une grande différence entre ce fameux préambule qu'on retrouve dans le projet de loi C-3 et la Loi sur les jeunes contrevenants, qui, aux articles 3 et suivants, contenait des éléments qui allaient beaucoup plus loin au niveau des déclarations de principe.

Encore là, je ne voudrais pas commencer un débat d'avocats. Il y a de la jurisprudence en application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Les juges de la Cour suprême du Canada ont dit qu'on devait appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants à des individus à cause de la déclaration de principe du paragraphe 3(1) parce que cette disposition n'était pas un préambule.

À titre de juriste et de personne qui s'intéresse beaucoup à la cause, je crains que ce préambule ne soit que de beaux voeux pieux et que les juges ne le considèrent pas comme l'intention véritable du législateur. Je vous mets en garde parce que vous avez dit à plusieurs reprises qu'à cause du préambule, on pourra faire telle chose. Faites attention: dans certains jugements, la Cour suprême a retenu la déclaration parce qu'il s'agissait d'un article de la loi et non d'un préambule.

[Traduction]

M. Graham Stewart: Ce n'était pas une question, et je le comprends, mais je ne suis ni indifférent ni insensible aux préoccupations que vous soulevez. Quand une loi subit des changements majeurs, on ne sait jamais exactement comment ils seront interprétés en pratique et quelles seront les conséquences. Je prends bonne note de la mise en garde que vous faites, puisque je partage les valeurs et les intérêts que vous préconisez.

Mais au sujet de la justice réparatrice, je dois dire qu'à mon avis, je doute qu'on puisse légiférer pour imposer la justice réparatrice. La justice réparatrice est une solution de rechange à la justice rétributive. La justice rétributive, c'est la nature même de la loi, comme c'est toujours le cas, en matière criminelle. Ce qu'il faut, c'est une loi qui n'empêche pas la justice réparatrice et qui, au contraire, l'encourage. On trouvera des occasions de la mettre en pratique grâce aux dispositions relatives aux mesures extrajudiciaires ou aux groupes de consultation. Pas dans les dispositions sur la détermination de la peine. Quand on en arrive à l'étape du prononcé de la peine, il est trop tard pour la justice réparatrice.

Je serais ravi que la loi fasse référence explicitement à la justice réparatrice, en encourage la mise en application et ait recours à ce concept. Mais par ailleurs, je pense que les dispositions sur les groupes de consultation et sur les mesures extrajudiciaires y sont certainement propices, et il me serait bien difficile de comprendre qu'une province prétende que cette loi interdit la justice réparatrice.

Mme Elizabeth White: Je pense que si vous voulez encourager le recours à des mesures de justice réparatrice, vous pourriez revoir et améliorer l'article 5, qui porte sur la conception des mesures extrajudiciaires dans le but de promouvoir la justice réparatrice.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Madame White, dans votre exposé, vous avez déclaré que les problèmes liés à la Loi sur les jeunes contrevenants ne provenaient pas de la loi elle-même, mais de sa mise en oeuvre. Vous avez dit ensuite qu'elle était mal comprise, qu'on l'avait dénigrée, etc., qu'on était allé trop loin pour qu'on puisse de nouveau respecter cette loi.

M. Stewart l'a en quelque sorte confirmé dans ses commentaires, en disant que les adultes s'en moquaient, que les jeunes le voyaient bien et que la loi était devenue ridicule. Avez- vous des commentaires ou des suggestions au sujet de la mise en oeuvre de la nouvelle loi, pour éviter que la situation se répète?

• 1805

M. Graham Stewart: Je pense qu'il faut songer à l'ensemble de la stratégie du ministère de la Justice. Je crois que le ministère a essayé de dire—si j'ai bien compris, il a pris d'importantes mesures en ce sens—que les problèmes de la jeunesse et le problème de la criminalité ne peuvent être réglés uniquement grâce aux lois pénales. Sont tout aussi importants les programmes de prévention de la criminalité, le soutien aux écoles et aux communautés, et le fait que les problèmes des enfants perturbés qui ont des démêlés avec la justice ne pourraient être réglés par des lois pénales. Il faut ajouter à tout cela des programmes d'éducation publique complets, qui aideront les gens à comprendre tout cela.

Si on pense que la loi va réformer quiconque, on se trompe énormément. Ils n'y verront qu'un camouflage ou un changement dans la forme, et non sur le fond. Je pense qu'il nous faut vraiment travailler à faire comprendre aux gens que le système judiciaire n'est bon que s'il peut aider ceux qui ont commis des infractions à revenir sur le droit chemin, et que toute autre démarche ne servirait qu'à leurrer le public. C'est alors une tromperie pour toute la société, puisqu'on nous enlève une possibilité de rendre notre monde meilleur.

En se fiant uniquement sur la loi, on court à l'échec. Mais on peut voir cela comme une partie d'un engagement plus large. Et au moins, je vois avec plaisir que le ministère de la Justice le reconnaît et qu'il fait des efforts pour agir, même si les ressources disponibles sont toujours au coeur du problème. Je crois que le contexte est crucial et qu'il fait partie de l'approche globale qui a été adoptée.

Le président: Madame White, avez-vous un commentaire?

Mme Elizabeth White: J'ajouterais à cela que s'il y a un élément clé de la mise en oeuvre de la loi, à mes yeux, ce serait d'intégrer les fournisseurs de services connexes au processus de formation, de même que ceux qui font partie du système judiciaire, afin que tous comprennent que le fait qu'un jeune ait des démêlés avec la justice ne signifie pas pour autant qu'il n'a plus droit aux avantages de nos autres services sociaux et qu'en fait, nous lui devons encore plus de lui offrir les interventions appropriées, de concert avec ceux qui font des interventions de nature judiciaire.

Le président: Merci beaucoup.

M. John Maloney: Est-ce que les garçons ont un commentaire à ce sujet?

Le président: Il faut comprendre que celui qui a parlé est un homme déjà vieux.

Une voix: Ravi que vous l'ayez dit.

M. John Maloney: Est-ce que vous ou d'autres contrevenants que vous avez connus trouvaient que la Loi sur les jeunes contrevenants était ridicule? Avez-vous changé d'avis et à quel moment?

M. Richard Rothenburger: Je ne sais pas si j'ai déjà cru que cette loi était ridicule. Je sais qu'un de mes amis était de cet avis. Beaucoup de mes amis, dont certains ont purgé une peine de jeune contrevenant et d'autres non, le pensaient aussi.

Ce que je sais, c'est que beaucoup de possibilités ne m'ont pas été offertes au moment où elles auraient dû l'être. Cela ne signifie pas pour autant que j'en aurais profité. Si j'avais reçu le counselling voulu et des services de réadaptation plus tôt, et si j'en avais profité, alors j'aurais eu moins de problèmes, mais encore une fois, peut-être que j'aurais refusé ces offres, parce qu'il m'a fallu bien du temps pour comprendre que je devais assumer mes responsabilités.

Je ne crois pas que la loi elle-même ait jamais été ridicule. Mme White a raison, je crois, quand elle dit que la mise en oeuvre de la loi n'a pas été faite correctement, puisqu'il a fallu au système cinq ans, et à moi-même bon nombre d'années aussi, pour comprendre quels étaient mes principaux problèmes. Si on s'en était rendu compte plus tôt, plutôt que de me laisser croupir dans ces établissements, si on m'avait offert ces possibilités, j'aurais pu comprendre un peu plus tôt.

Je ne crois donc pas que la loi soit ridicule. Je pense simplement que sa mise en oeuvre n'a pas été bien faite.

M. Matthew Geigen-Miller: Certains semblent croire que les jeunes qui ont des démêlés avec la justice sont très rusés, très aguerris, très au courant de la Loi sur les jeunes contrevenants et de toutes ses lacunes. Je ne sais pas qui a lancé cette rumeur. D'après moi, ce devait être un chauffeur de taxi, puisqu'en retraçant l'origine de bien des mythes, j'ai trouvé que la source en était des chauffeurs de taxi. Vous savez comme ils aiment faire la conversation.

• 1810

Mais ce mythe existe. Je ne suis pas d'accord avec certains des autres témoins. Je ne dirais pas que les jeunes répètent ce qu'on leur a dit. Je pense que tout le monde répète ce qu'on dit. Je pense que nous sommes tous influencés par les médias, par exemple. Nous sommes tous touchés par cela.

Si on regarde une petite partie du projet de loi, soit sa disposition relative à l'admissibilité des déclarations, par exemple, cela semble présumer que les jeunes comprennent très bien la loi. Je me souviens d'une chose qui m'est arrivée lorsque j'ai quitté l'établissement de traitement où je finissais de purger ma peine. J'étais en probation et je fréquentais une école secondaire. Le bruit s'est répandu, j'imagine, que j'avais fait du temps en prison, et je suis devenu une sorte d'avocat de cour d'école, disons.

Ce type est venu me voir un jour. Il s'était fait prendre en train de fumer un joint avec un groupe d'autres gars. Il n'avait aucun problème, mais il avait décidé d'essayer les drogues. Âgé de 17 ans, il voulait faire comme les autres. Un agent de police les avait surpris, avait relevé leurs noms et leur avait dit qu'il allait informer leurs parents respectifs. Ce garçon avait sur lui le porte-monnaie d'un copain. Il était effrayé car ses parents étaient très stricts, et il a donc présenté la carte bancaire de son copain comme pièce d'identité, pour que ses parents ne soient pas informés.

Quelques jours plus tard, il se sentait vraiment coupable et était convaincu qu'il risquait de se faire prendre pour avoir utilisé une fausse pièce d'identité. Ce n'est pas vraiment réaliste, mais il avait cette vision d'un énorme système de justice pénale extrêmement puissant et il était paniqué. Il a appelé la police, s'est présenté accompagné de sa mère, pour faire un rapport, je suppose, et a été accusé d'avoir fourni une fausse identité ou un faux nom et d'avoir induit les policiers en erreur—je ne sais pas quel était exactement le chef d'accusation.

Je lui ai toutefois demandé: «Alors, avez-vous fait un rapport?» «Non.» «Avez-vous fait des aveux?» «Non.» «Vous en êtes certain?» «Oui.» «Avez-vous dû signer toute une série de formulaires?» «Oui.» «Avez-vous dit au policier ce qui s'était passé?» «Oui.» «En a-t-il pris note?» «Oui.» «Vous avez signé des papiers?» «Oui.» «Mais vous n'avez pas fait de déclaration?» «Non.»

Voici où je veux en venir. Il s'agit d'un adolescent de 17 ans, alors imaginez un peu pour les enfants de 12 ans. Il y a une énorme différence dans la faculté de compréhension d'un jeune de 17 ans et d'un enfant de 12 ans. Et ce garçon-là avait suivi des cours de droit à l'école secondaire. Il devait savoir l'importance de faire une déclaration. L'importance de cette question: «Comprenez-vous que vous allez être ou que vous risquez d'être accusé d'un acte criminel?» Et il y a de très importantes garanties en place. Il y a une terminologie très claire dans le formulaire des dispenses. Il s'agit d'un garçon qui a l'âge maximum, des facultés de réflexion maximum, etc., parmi ceux qui relèvent du système de justice pénale pour les jeunes. Il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il était en train de faire. Il voulait simplement redresser la situation.

Les gens pensent-ils que c'est une blague? Si nous voulons croire que les jeunes ne prennent pas au sérieux le système de justice pour adolescents, on est en droit de le croire. Comment saurons-nous jamais ce qu'ils pensent? Je veux dire vraiment. Comment savoir si, lorsqu'on leur pose la question, ils vont nous répondre de façon honnête? Ils ne croient peut-être pas que la question nous tient à coeur lorsque nous leur posons la question. Je n'en sais rien. En tout cas, je n'ai jamais cru que c'était une blague et je n'ai jamais pensé que c'en était une lorsque j'ai fait de la prison ferme. Il en allait de même de tous mes codétenus.

M. John Maloney: Merci beaucoup. Je remercie tous les témoins du groupe de leur apport.

Le président: Merci beaucoup.

Ceux qui s'occupent à plein temps de cette question sont au courant des recherches et l'ont abordée sous une optique différente. Cela nous sera très utile pour nos délibérations, et nous allons tous faire ce que nous jugeons être dans l'intérêt du pays.

J'ai une question à poser à Matthew et à Richard: Êtes-vous déjà venus ici?

M. Richard Rothenburger: Non.

M. Matthew Geigen-Miller: Ici...?

Le président: Pour comparaître devant un comité parlementaire. Il y a six ans que je suis député, et j'ai trouvé que pour une première comparution, vous vous êtes très bien tirés d'affaire.

M. Matthew Geigen-Miller: Merci.

Le président: Je suis sûr qu'il vous est arrivé de ne pas souhaiter vous l'entendre dire, mais nous espérons que vous reviendrez.

De toute façon, merci beaucoup. Vous nous avez aidés et les 50 minutes supplémentaires qui vous ont été allouées valaient vraiment la peine, à mon avis.

La séance est levée.