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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 6 juin 2000

• 1529

[Traduction]

Le président (M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent de la santé, qui, conformément au paragraphe 32(5) du Règlement, étudie les projets de règlements sur le tabac.

Notre premier témoin de ce matin est la coordonnatrice de la santé et de la sécurité auprès de l'Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce. Madame Yates, merci d'avoir accepté de comparaître.

• 1530

Je crois savoir que vous devez prendre l'avion sous peu, et nous en tiendrons compte. Par conséquent, avec votre permission et celle des membres du comité, nous allons commencer tout de suite. Nous serons heureux d'entendre votre témoignage.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): J'invoque le Règlement.

Le président: Monsieur Ménard, allez-y.

[Français]

M. Réal Ménard: Je m'excuse auprès du témoin, mais avant d'aller plus loin, je voudrais que certains points soient établis clairement et que le président et la greffière m'informent correctement aux fins de la discussion de demain matin.

Selon des vérifications que j'ai effectuées hier soir, il ne serait pas possible que ce comité puisse faire, stricto sensu, des amendements. Les projets de règlements, contrairement aux projets de loi, doivent être adoptés ou rejetés; on ne peut pas les amender. On peut faire des recommandations pour que de l'information additionnelle soit donnée sur l'un ou l'autre des aspects. Je ne sais pas si vous étiez député à la Chambre à ce moment-là, monsieur le président, mais la même question s'était posée à propos du règlement sur les armes à feu.

Il faut que cela soit clair tant pour les députés que pour les témoins. Sous ce rapport, j'aurais souhaité que ce soit expliqué dès le début de nos débats. C'est un reproche que je fais amicalement et avec toute la douceur que vous me connaissez, monsieur le président. J'aurais souhaité qu'on dise, en début de processus, que ce comité ne peut pas amender les règlements pour la bonne et simple raison que c'est une prérogative royale; ils ont été adoptés par décret du gouverneur en conseil.

Est-ce que la lecture que je fais de la réalité est juste, monsieur le président?

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs du comité, j'ai l'impression que M. Ménard a raison. Toutefois, pour être équitable à l'égard de tous les membres du comité, nous allons faire des vérifications. Quoi qu'il en soit, il me semble que, comme vous l'avez indiqué, nous ne pouvons que faire des recommandations dans notre rapport. Nous pouvons recommander d'accepter les règlements tels quels, sans amendement ni changement, ou décider de recommander de les modifier.

Quant à votre véritable question, qui est de savoir si notre comité a la prérogative de modifier les règlements plutôt que de proposer des modifications, je répète que nous allons vérifier, même si j'ai l'impression que vous avez raison.

[Français]

M. Réal Ménard: J'enchaîne rapidement sur un deuxième point, monsieur le président. Vous étiez censé répondre lundi à deux demandes que j'avais adressées au comité. La première, c'est que nous allions observer concrètement le processus d'impression dans une industrie. Deuxièmement, j'avais demandé qu'on réponde formellement aux demandes d'information que nous avaient faites les petits manufacturiers de tabac. Puis-je croire que cela va se faire tout à l'heure par Santé Canada? Quant à ma demande de faire une visite dans une entreprise, dois-je croire que vous l'avez complètement oubliée et que cela ne fait pas partie des projets de ce comité?

[Traduction]

Le président: Monsieur Ménard, nous allons faire en sorte que les petits manufacturiers reçoivent une réponse... Je pense que la demande nous est parvenue des petits manufacturiers et d'autres témoins aussi. Je crois que nous avons tout ce qu'il faut, et nous leur ferons parvenir l'information.

Quant à votre question sur la possibilité de se rendre sur place, étant donné la façon dont la Chambre fonctionne, nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour présenter officiellement une demande afin d'obtenir le budget nous permettant cette visite. Le temps nous a manqué pour le faire. Votre suggestion était excellente, et j'imagine que dans d'autres circonstances nous saurions aller voir par nous-mêmes. Mais le temps nous a manqué.

Monsieur Mills.

M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Monsieur le président, j'ai dit l'autre jour que je vérifierais auprès du détachement local de la GRC dans ma circonscription et que je vous ferais un compte rendu.

Le président: En effet.

M. Bob Mills: Mes adjoints ont vérifié auprès de la GRC, et il semble que ce détachement parraine déjà depuis plusieurs années des matches regroupant des anciens joueurs célèbres. Or, les compressions dans leur budget, notamment, les ont incités à laisser tomber leur commandite. Toutefois, il se trouve qu'un donateur s'est présenté pour subventionner le match de hockey des anciens de la GRC, et il s'est trouvé qu'il s'agissait de l'industrie du tabac. La GRC a donc accepté de recevoir de l'argent en vue de distribuer des maillots autographiés aux jeunes qui assistaient au match, et a accepté de parrainer le programme en contrepartie.

Donc, le témoin a bel et bien dit la vérité, et c'est de cette façon qu'on en est arrivé à cela. La GRC devait choisir entre annuler le match de hockey ou accepter cette nouvelle source de financement, et elle a décidé de l'accepter. Mais elle a dû en payer le prix.

Le président: Vous aviez cru que ce n'était pas le cas, et je pense...

M. Bob Mills: La GRC était du même avis que le reste de la collectivité. Toutefois, à partir de mars, les choses ont changé. Mais pour avoir vérifié auprès des autres gens dans la localité, je sais qu'ils restent d'avis qu'on ne fait pas entrer le renard dans le poulailler. Quant à la GRC, que je respecte beaucoup et avec qui je travaille en étroite collaboration... Voilà en tout cas la raison que l'on m'a donnée, à savoir que c'était la seule façon de maintenir l'activité en question.

Le président: Merci beaucoup.

M. Bob Mills: Cela vous donne une idée de la façon dont les choses se déroulent.

• 1535

Le président: Oui. Monsieur Mills, vous êtes bien bon de nous avoir fait rapport. Vous aviez dit que vous iriez aux renseignements, et vous avez en effet pris le temps de le faire.

Madame Yates, vous avez la parole.

Mme Sue Yates (coordonnatrice de la santé et de la sécurité, Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce): Je remercie le président et les membres du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes de me permettre de m'adresser à eux. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler des changements qu'a proposés le ministre de la Santé, M. Rock, à la Loi réglementant les produits du tabac.

Je m'appelle Sue Yates, et je suis représentante internationale, de même que coordonnatrice nationale de la santé et de la sécurité, de l'union internationale, section canadienne. La section canadienne de notre syndicat représente plus de 215 000 membres, dont plus de 65 p. 100 sont actifs dans le secteur de la vente au détail et des services.

Notre syndicat comparaît aujourd'hui parce qu'il croit que les propositions de règlements sur l'emballage, de même que les propositions de limiter les étalages sur tablettes et les enseignes affichant des produits, présentées par le ministre Rochon, menacent directement nos membres qui sont employés dans la vente au détail.

Ce qui nous préoccupe particulièrement dans les propositions de M. Rock sur l'emballage, c'est qu'elles feront diminuer les ventes légales et légitimes de produits du tabac aux adultes dans les points de vente qui emploient nos membres. Nous sommes convaincus que beaucoup de consommateurs se tourneront vers d'autres sources pour obtenir les produits et les paquets de tabac qu'ils souhaitent obtenir, mais qu'ils ne pourront plus trouver dans les points de vente au détail traditionnels au Canada. Je pense en particulier à l'Internet, aux points de vente américains ou au marché noir. Nous ne croyons pas que les tendances de consommation changeront, contrairement à celles du mode d'achat, et ce sont les détaillants qui en souffriront.

Les projets de règlements sur les étalages sur tablettes et les enseignes de commandite nous préoccupent également beaucoup. Les tarifs de location des tablettes et les enseignes de commandite de produits constituent une source de revenus importante pour beaucoup de nos employeurs. En limitant sérieusement les étalages sur tablettes et les enseignes de produits, voire en les interdisant carrément, vous causerez un préjudice financier très grave à beaucoup de nos employeurs, ce qui aura pour conséquence de mettre en danger les emplois de nos membres.

D'après ce que nous comprenons, le ministre a l'intention de déposer d'autres projets plus tard au cours de l'année sur les étalages et la publicité dans les points de vente au détail. Nous exhortons votre comité à étudier à la loupe ces projets de règlements et à tenir compte du fait qu'ils pourront avoir un effet très pernicieux sur les niveaux d'emploi et de santé économique de l'industrie de la vente au détail.

Nous répétons que ces règlements sur la vente au détail ne feront pas diminuer considérablement l'utilisation des produits du tabac par les adultes ou les mineurs. Toutefois, ils pourraient faire perdre des revenus aux détaillants qui oeuvrent légitimement, de même que des emplois à leurs employés.

Nous comprenons que le gouvernement veuille réduire le tabagisme chez les mineurs. Notre syndicat partage la préoccupation du gouvernement. Nos membres sont en première ligne, puisqu'ils sont ceux qui oeuvrent le plus près du point de vente. Nos membres et notre syndicat prennent cette responsabilité très au sérieux. D'ailleurs, en collaboration avec les employeurs, nous n'avons cessé de déployer les efforts nécessaires en vue d'éliminer la vente des produits du tabac aux mineurs.

Notre expérience et le bon sens nous portent à croire que les images chocs n'auront pas nécessairement de l'effet sur les jeunes. Voilà pourquoi nous exhortons le comité à mettre l'accent sur des méthodes qui réussiront à lutter efficacement contre les graves problèmes de santé qui découlent du tabagisme chez les mineurs. Nous pensons notamment à des programmes pédagogiques qui s'adresseraient aux écoles publiques et aux enfants.

Notre syndicat voudrait également en profiter pour reprendre à son compte les préoccupations exprimées par d'autres syndicats au sujet de la façon dont ces propositions ont été élaborées et mises de l'avant. En effet, il y a eu peu ou prou de consultation des syndicats de la part du cabinet du ministre de la Santé. On n'a pas vraiment tenté de déterminer l'effet que pourraient avoir ces projets de règlements sur les travailleurs et leurs familles. Il y a eu des promesses, mais rien n'a été fait.

Voilà pourquoi nous exhortons le comité à retarder l'application du projet d'apposition des photographies sur les paquets, de même que de toute autre composante du programme controversé du ministre, tant que l'on n'aura pas évalué de façon exhaustive l'incidence qu'ils pourront avoir sur les emplois. Ce serait une grave erreur de mettre en oeuvre une nouvelle politique d'une telle ampleur sans avoir au préalable fait les recherches et analyses appropriées. Ce sont nos membres qui en paieront le prix en perdant leur emploi si l'expérience du ministre s'avère un échec.

• 1540

Enfin, j'aimerais vous parler d'un problème qui découle directement du projet qu'a le gouvernement d'augmenter considérablement la taxe d'accise sur les cigarettes. Nous pensons que la mise en oeuvre de ce projet constitue une menace encore plus grande pour les emplois de nos membres que les projets de règlements sur l'emballage et la vente au détail. En effet, la mise en oeuvre de ce plan fait augmenter d'autant plus les risques que nos membres deviennent victimes de crimes violents, comme cela s'est produit en Ontario, et constitue donc un risque pour leur santé et leur sécurité.

En effet, la consommation des produits du tabac ne diminuera pas de façon appréciable, tandis que les ventes légales de ces produits seront durement touchées. Le gouvernement y perdra des recettes, et nos membres leurs emplois. Notre syndicat demande instamment aux membres du comité de s'opposer farouchement à l'augmentation de la taxe sur le tabac.

Merci de nous avoir donné l'occasion de commenter ce dossier important. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.

Le président: Madame Yates, merci de votre excellent exposé.

Nous commencerons donc par un premier tour de questions. Monsieur Mills, vous avez la parole.

M. Bob Mills: Je n'ai que deux questions à poser.

On entend dire que la solution, c'est de donner de l'information dans les écoles. On a déjà tenté de diffuser de l'information sur beaucoup d'autres sujets aussi importants que celui-ci, mais je ne crois pas que cela ait donné grand-chose. Voilà pourquoi ces emballages pourraient être une solution qui nous permettrait d'informer les jeunes, puisque c'est ce qui nous préoccupe le plus.

Si l'on pouvait démontrer que des programmes de ce genre donnent des résultats, les accepteriez-vous? Diriez-vous que c'est une bonne idée?

Mme Sue Yates: Vous parlez des changements apportés aux paquets?

M. Bob Mills: Oui.

Mme Sue Yates: Je préférerais que l'information soit donnée sur des affiches et dans les annonces insérées dans les revues.

M. Bob Mills: Mais cela a déjà été essayé.

Mme Sue Yates: Je me rappelle avoir vu dans des écoles publiques des affiches montrant les poumons d'un fumeur et le filtre sur lequel on voyait toute une quantité de goudron et de nicotine. Je ne me rappelle pas non plus avoir vu un seul paquet de cigarettes avant d'avoir fumé ma première cigarette. Je ne crois pas, par conséquent, que modifier en ce sens le paquet de cigarettes fera diminuer le nombre de jeunes qui décideront de se mettre à fumer.

M. Bob Mills: Quand on vend des paquets de cigarettes à côté de la gomme à mâcher et des tablettes de chocolat, il me semble que l'on profite d'une situation abusive, alors qu'on est tous d'accord pour dire que la cigarette nuit à la santé. Pourquoi les marchands vendent-ils tout cela au même endroit?

Mme Sue Yates: J'ai travaillé moi-même pour un marchand qui ne gardait pas la gomme à mâcher et les produits du tabac au même endroit. J'ai travaillé dans une épicerie, et le service à la clientèle, où on achetait les billets de loterie et les cigarettes, était bien loin des caisses, là où se retrouvaient les bonbons, la gomme à mâcher et tout le reste. Quant aux petits dépanneurs, je ne puis me prononcer en leur nom: mais leur espace est plus limité, ce qui rend peut-être la tâche plus difficile lorsqu'on veut séparer les deux produits.

M. Bob Mills: À propos d'emploi, le comité a entendu parler des emplois dans le secteur de l'imprimerie. Il semble que la solution à ce problème soit assez simple. Si nous options pour l'emballage neutre sur lequel serait apposée une photo, nous pourrions résoudre tous les problèmes d'impression. Vos employés garderaient leur emploi, car si les photos ne donnent aucun résultat, l'emballage neutre ne fera pas de différence non plus. Qu'en pensez-vous?

Mme Sue Yates: Ce n'est pas tant une question d'emballage ou de la façon dont ils sont distribués; le fait est que si vous augmentez la taxe d'accise sur les paquets et y apposez des photos... Si certains de nos membres habitaient à Smith Falls et travaillaient dans certaines des épiceries et petits points de vente et que leur mari ou des membres de leur famille travaillaient, pour leur part, dans les entreprises qui impriment ces photos qui se retrouveront sur l'emballage, cela pourrait peut- être avoir un effet sur nos membres, puisque certains des membres de leur famille pourraient se retrouver sans emploi.

Ce n'est pas tant une question d'emballage, d'après moi. Il faut commencer le plus tôt possible à informer les jeunes et à les renseigner sur les risques que pose le tabagisme. Une fois qu'ils auront atteint l'âge de la majorité, s'ils décident d'assumer ces risques, ils le feront en toute connaissance de cause.

M. Bob Mills: J'imagine que beaucoup de vos membres se meurent également du cancer, ou d'emphysème ou d'autres maladies, ce qui doit être très inquiétant pour eux...

Mme Sue Yates: Nous n'avons pas de chiffres permettant de dire combien de nos membres se meurent du cancer.

• 1545

M. Bob Mills: Mais comme 45 000 Canadiens en meurent chaque année, j'imagine que certains d'entre eux font partie de votre syndicat.

Mme Sue Yates: Mais ils ne meurent pas tous d'avoir fumé. J'imagine que certains d'entre eux meurent également d'avoir été en contact avec des substances toxiques cancérogènes en milieu de travail.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Mills.

[Français]

Monsieur Ménard, s'il vous plaît.

M. Réal Ménard: Bonjour. Au fond, vous souhaitez que le ministre de la Santé et le gouvernement reportent à une date ultérieure l'entrée en vigueur du règlement. Vous dites que le processus de consultation n'a pas été aussi rigoureux et exhaustif que vous le souhaitiez. Vous dites à la page 5 de votre mémoire:

[Traduction]

    Ce serait une grave erreur de mettre en oeuvre une nouvelle politique d'une telle ampleur sans avoir au préalable fait les recherches et analyses appropriées.

[Français]

Est-ce que vous seriez en mesure d'informer les membres du comité des recherches et analyses que vous avez conduites quant à l'échec des politiques gouvernementales que vous anticipez?

[Traduction]

Mme Sue Yates: Le seul exemple que je puisse vous donner pour l'instant, c'est celui de la province de l'Ontario, puisque l'on y a interdit aux pharmacies de vendre des produits du tabac. Normalement, deux ou trois personnes occupant des postes à plein temps avaient pour rôle, dans ces pharmacies, de faire les commandes, de monter les étalages et de s'assurer de la rotation du produit; ces personnes s'occupaient également de vendre les produits du tabac au comptoir en question.

Maintenant que ces établissements ne peuvent plus les vendre, on peut parler d'une perte de deux ou trois postes à temps plein. Évidemment, ils ont peut-être été remplacés par des employés à temps partiel, mais ceux-ci ont des tâches qui sont bien différentes de celles qui consistaient à faire les commandes, à monter les étalages et à s'assurer de la rotation appropriée des produits.

Voilà ce que ma recherche m'indique, mais la recherche dont je parle dans mon mémoire démontre que tout le monde sait que la fumée du tabac est nocive.

[Français]

M. Réal Ménard: Afin qu'on se comprenne bien, je dirai qu'on parle de deux phénomènes distincts, quoique interreliés d'une certaine façon. Vous dites que vous ne voyez pas pourquoi le gouvernement proposerait une politique de santé publique selon laquelle le paquet de cigarettes servirait à transmettre 16 messages rotatifs, comme il se propose de le faire, parce que ça va créer des pertes d'emploi. Le dilemme qui se présente à nous, membres d'un comité, est d'avoir à choisir entre les emplois, parce que nous représentons tous des gens qui ont besoin de gagner leur vie, et la santé publique, dont nous devons aussi nous préoccuper.

Jusqu'à ce jour, il n'y a pas un témoin qui a réussi à démontrer de façon éloquente en quoi la politique que nous propose le gouvernement... Je ne suis pas ici pour faire la promotion du projet gouvernemental, mais pour travailler à améliorer l'action du gouvernement. Il me faut donc le critiquer. C'est un travail à plein temps, ce que vous comprenez bien facilement, je pense.

Dans votre mémoire, vous n'avez pas fait le rapprochement qu'il faut faire entre le maintien des emplois et le cadre réglementaire qu'on nous propose. Rappelez-vous qu'au Québec, Jean Coutu, le propriétaire de la célèbre chaîne de pharmacies, avait déclaré qu'il n'était pas évident que c'était un bon choix, socialement parlant, de vendre des produits du tabac dans les pharmacies. C'est toutefois un autre débat.

Comme représentante des travailleurs, pouvez-vous nous donner plus d'information sur le nombre de pertes d'emploi que vous prévoyez et, surtout, nous dire sur quoi vous vous fondez concrètement pour faire cette évaluation?

[Traduction]

Mme Sue Yates: Nous, nous n'intervenons pas au moment de la mise en oeuvre initiale des règlements qui sont proposés. Nous, nous sommes le dernier maillon de la chaîne, si j'ose dire, puisque nous ne sommes pas ceux qui commercialisent les produits du tabac, mais plutôt ceux qui les étalent sur des présentoirs et les vendent.

On parle ici de l'étalage et du rayonnage, ainsi que des sommes qui ont été accordées aux détaillants contre de l'espace sur des tablettes et sur des présentoirs. Or, moins il y aura d'étalages et de publicité des produits du tabac dans les points de vente, plus on pourra craindre que la vente des cigarettes et des produits du tabac ne rapporte pas assez.

Le président: Bien, et merci. Et merci à M. Ménard.

Madame Wasylycia-Leis.

• 1550

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, monsieur le président. Vous comprendrez, monsieur le président, que je veuille être fidèle à moi-même, et c'est pourquoi je poserai la question que j'ai posée hier, et qui a été abordée par Mme Yates au nom de son syndicat. Je parle ici de la nécessité de lancer un programme exhaustif pour enrayer le tabagisme chez tous nos citoyens, mais surtout chez nos jeunes.

À la page 4 de votre mémoire, vous abordez en particulier la nécessité de lancer des programmes d'information qui soient exhaustifs. Puisque vous êtes coordonnatrice de la santé et de la sécurité d'un syndicat relativement important au Canada, j'aimerais savoir si le gouvernement vous a consultée d'une façon ou d'une autre sur tous les aspects touchant le sevrage et la prévention du tabagisme chez les jeunes.

Mme Sue Yates: Je n'ai pas été consultée à titre de coordinatrice de la santé et de la sécurité de mon syndicat.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Depuis trois ans, votre syndicat a-t- il été consulté à un moment donné ou à un autre au sujet de la promesse électorale qu'avait faite le gouvernement de dépenser beaucoup d'argent afin d'enrayer le tabagisme chez les jeunes?

Mme Sue Yates: Non, nous n'avons pas été consultés.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Vous savez sans doute que j'ai déjà parlé publiquement de la promesse qu'avait faite le gouvernement de dépenser 20 millions de dollars par année pour ce genre d'initiatives, dès 1997. Ce qui me préoccupe, c'est qu'une bonne part de cette somme n'a pas été dépensée. À votre avis, sur quoi devrait mettre l'accent le gouvernement pour lutter contre ce qui est considéré par tous comme le très grave problème du tabagisme chez les jeunes?

Mme Sue Yates: S'il s'agissait d'un programme conjoint entrepris avec toutes les parties intéressées, notamment les syndicats et leur... Il nous arrive souvent de nous rendre dans les écoles pour parler aux enfants, et je ne parle pas uniquement des écoles secondaires ou des collèges et des universités, mais des écoles primaires. Il me semble que la démarche doit être continue d'un établissement de tel niveau à un autre.

De la même façon que nous formons nos membres en matière de santé et de sécurité au travail et de la même façon que nous leur parlons des différentes substances cancérigènes et des dangers en milieu de travail, nous devrions utiliser le même raisonnement avec les enfants et commencer à les sensibiliser dès leur plus jeune âge. Il faut qu'ils connaissent les risques du tabagisme; voilà ce que je pense.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Une démarche exhaustive est certainement souhaitable, et c'est ce que nous allons préconiser. Mais en supposant que l'une des facettes de la solution, ce soit de modifier l'emballage—et notre comité a entendu beaucoup de témoins nous confirmant ce sentiment—nous tous ici présents serions enclins à soutenir tout effort qui chercherait à réduire le tabagisme chez les jeunes.

Y a-t-il des mesures que pourrait prendre notre comité pour minimiser l'incidence que ces règlements pourraient avoir sur les travailleurs qui oeuvrent dans les secteurs de l'emballage, de l'impression des paquets de cigarettes et de la vente au détail, pour qu'on nuise le moins possible au gagne-pain des employés canadiens et à l'économie canadienne en général?

Mme Sue Yates: Savez-vous que dans l'avion, aujourd'hui, je me suis prise une revue. Je veux bien croire que cette revue venait des États-Unis, mais j'y ai trouvé la photo d'une très jolie jeune femme, cigarette à la main. Je me suis justement fait la réflexion que c'est le genre d'images qui frappent les jeunes: ils aiment regarder ce qui est jeune et beau, et ils sont sensibles à ce qui leur donnerait l'air branché et l'air de faire partie d'un groupe.

Je n'ai qu'à me rappeler ma propre expérience, lorsque j'ai commencé à fumer. Je ne fumais pas pour avoir l'air belle, par exemple, mais je fumais pour sentir que j'étais intégrée à mon groupe d'amis et parce que cela représentait une sorte de rébellion contre mes parents. Mon premier paquet de cigarettes, je ne l'ai vu que plusieurs années plus tard, car lorsque j'ai commencé à fumer, je resquillais mes cigarettes çà et là.

Je ne saurais vraiment quoi vous répondre, madame Wasylycia- Leis.

Le président: La question était difficile.

Avez-vous une dernière question?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Oui. Pensez-vous qu'il serait utile que nous envisagions une sorte de fonds de transition qui serait destiné à aider les travailleurs et les détaillants à qui les nouveaux règlements pourraient nuire?

• 1555

Mme Sue Yates: Ce pourrait être un bon point de départ. Mais il faudrait d'abord effectuer une étude approfondie pour voir s'il n'y a pas d'autres emplois vers lesquels pourraient se diriger les travailleurs... et le fonds de transition pourrait aider à faire le lien entre ces deux emplois, ou pourrait servir au recyclage, par exemple. Lorsqu'on parle de fonds de transition, c'est assez vague, mais c'est un départ.

Le président: Merci beaucoup, madame Yates. Votre témoignage nous a été utile, mais nous savons que vous devez aller prendre l'avion.

Nous passons maintenant à l'Office de commercialisation des producteurs de tabac jaune de l'Ontario, représenté par son président, George Gilvesy, et par son vice-président, Gary Godelie. Messieurs, pourriez-vous vous avancer à la table des témoins, pour que nous entendions votre témoignage?

Voudriez-vous vous présenter?

M. George Gilvesy (président, Office de commercialisation des producteurs de tabac jaune de l'Ontario): Je suis George Gilvesy.

Le président: Bien. Merci.

M. George Gilvesy: Voici M. Godelie.

Le président: Merci beaucoup.

Voulez-vous commencer, à titre de président?

M. George Gilvesy: Bien sûr.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, au nom de l'Office de commercialisation des producteurs de tabac jaune de l'Ontario, nous sommes heureux de pouvoir commenter les projets de règlements sur les rapports relatifs au tabac et sur l'étiquetage, projets qui relèvent de la stratégie de lutte contre le tabac.

Nous présentons notre mémoire au nom des familles des tabaculteurs en Ontario. Nous qui sommes producteurs d'un produit légal consommé par quelque 30 p. 100 de la population canadienne, nous faisons de notre mieux pour fournir un produit propre et de qualité. Nous sommes des intendants innovateurs et écologiques très fiers de nos récoltes, de nos fermes et des collectivités où nous vivons.

La tabaculture contribue énormément à l'économie canadienne. La valeur à la ferme de la récolte de 1999 atteignait 320 millions de dollars. Notre industrie, depuis la graine de tabac jusqu'à la transformation des feuilles, représente 5 900 emplois directs équivalents temps plein dans toute notre région tabacultrice, ce qui se traduit par quelque 17 460 emplois à temps plein et à temps partiel.

Une bonne partie de ceux qui travaillent pour des familles de tabaculteurs sont des résidents locaux qui, à leur tour, dépensent la plus grande partie de leur revenu pour des biens et services dans la même région de tabaculture. Les retombées économiques et sociales de ces dépenses sont substantielles et sont documentées dans le rapport de Deloitte & Touche intitulé Economic Contribution of the Tobacco Industry in the Tobacco Growing Region of Ontario (Contribution économique de l'industrie du tabac dans la région de tabaculture de l'Ontario).

Dans la foulée de l'annonce des projets de règlements sur l'étiquetage et les rapports relatifs au tabac, le ministre de la Santé annonçait que le secteur agricole ne serait pas touché par les règlements sur le contrôle du tabac. Voilà pourquoi les tabaculteurs ont été exclus des discussions initiales tenues en octobre 1999 et n'ont pas été invités à prendre part au test d'impact sur les entreprises.

Au début de février, nous avons rencontré les représentants du ministère de la Santé pour leur faire part de nos doléances eu égard aux règlements et pour discuter de façon détaillée du processus TIE. Peu après, des représentants de notre office remplissaient le questionnaire du sondage TIE. L'analyse des réponses corrobore les préjudices que nous cernons aujourd'hui. En gros, tous les répondants indiquaient que les règlements causeraient un grave préjudice économique et social aux tabaculteurs et aux collectivités qui les abritent.

D'après l'ébauche de rapport préparée par Conseils et Vérification Canada en mars 2000, les tabaculteurs sont d'avis que les règlements nuiront à leur capacité de faire face à la concurrence au Canada et à l'étranger. D'après eux, les règlements se traduiront par une diminution nette de leur capacité d'autofinancement, de leur rentabilité et de leur capacité de faire face aux grandes fluctuations financières et de maintenir le rendement à long terme de leur capital investi.

L'interconnexion des règlements nuira aux collectivités où résident les tabaculteurs. Afin de se conformer aux projets de règlements, les fabricants devront assumer une augmentation de coût qui se traduira sans aucun doute par une augmentation des coûts pour leurs fournisseurs et pour les consommateurs. Les tabaculteurs verront peut-être la demande de feuilles diminuer, et peut-être aussi les prix offerts lors des ventes aux enchères. Comme solution de rechange, les producteurs pourraient choisir de remplacer le tabac canadien par des feuilles peut-être moins chères importées de l'étranger et destinées aux mélanges du fabricant. Qui en profiterait? Les tabaculteurs de l'étranger.

• 1600

Le document portant sur l'évaluation de l'impact sur les entreprises, intitulé Business Impact Assessment: Tobacco Reporting and Labelling, établit que les tabaculteurs ne sont pas censés être lésés par les projets de règlements. Toutefois, le rapport reconnaît qu'il est possible que les projets de règlements réduisent le total de la demande de tabac canadien, si l'augmentation des prix pousse la consommation vers les produits de contrebande provenant de l'étranger.

Dans le passé, lorsque le consommateur jugeait que les prix étaient injustes, il se tournait vers les produits de contrebande et le marché noir. Or, le produit de contrebande d'aujourd'hui et de demain ne contiendra sans doute pas de feuilles de tabac canadiennes. De plus, ces produits ne seront pas conformes aux règlements canadiens sur le tabac, ce qui désavantagera notre industrie canadienne par rapport à ses concurrents de l'étranger.

Les tabacs de l'étranger distribués par des réseaux de distribution illégaux ne seront pas assujettis aux lignes directrices ou politiques fiscales qui s'appliquent de façon stricte aux produits canadiens. Notre stabilité sera minée pour ce qui est de la taille et de la qualité de la culture, de même que pour ce qui est de la commercialisation de ces produits. Les emplois, le revenu et la productivité des collectivités dépendant de la tabaculture seront menacés.

Ceux qui connaissent peu notre secteur agricole ont laissé entendre que les tabaculteurs devraient se tourner vers des cultures de remplacement. Les diverses tentatives en ce sens—comme par exemple avec les arachides, la pâte de tomate et les patates douces—se sont toutes soldées par des échecs économiques lamentables.

Nous approuvons le principe de la diversification. Cependant, nous sommes convaincus, comme de nombreux chercheurs en agronomie, qu'il n'y a pas de culture miracle pour remplacer le tabac. Nombreux sont les producteurs de tabac qui s'adonnent à des cultures complémentaires, comme le ginseng, l'asperge, la pomme de terre, l'ail, les tomates de serre, pour n'en citer que quelques-unes. Ces cultures sont destinées à des créneaux commerciaux spécifiques.

Bien que nos producteurs disposent d'une superficie limitée, nous avons d'excellentes ressources naturelles, matérielles et humaines. Cependant, dans le contexte mondial actuel, la production d'une denrée ne constitue que la moitié de l'équation. Il n'est ni possible ni rentable de commercialiser efficacement une denrée agricole en réalisant des profits lorsque le marché est déjà saturé.

Notre industrie est confrontée à des changements et des défis considérables. Du point de vue de l'offre de feuilles de tabac, il semble y avoir à l'échelle mondiale, entre l'offre et la demande, un déséquilibre qui se répercute indiscutablement sur les prix mondiaux. En outre, les problèmes économiques mondiaux, le règlement des différends avec les États-Unis, les contestations judiciaires et la réglementation ont un effet négatif sur la disponibilité des produits du tabac. De ce fait, les consommateurs de certains pays passent à des produits à plus forte valeur ajoutée et, dans certains cas, à des imitations ou des contrefaçons. Ce contexte a amené les fabricants du monde entier à s'intéresser davantage aux tabacs de grande valeur pour approvisionner ces marchés.

Dans ce contexte, nous sommes contraints d'améliorer notre compétitivité. Les fortes augmentations de coût imposées à nos principaux consommateurs, c'est-à-dire aux fabricants canadiens de produits du tabac, compromettent indiscutablement notre capacité d'affronter la concurrence sur le marché intérieur et le marché d'exportation. Nous sommes convaincus qu'il est pourtant essentiel, pour nos producteurs, de préserver leur stabilité et leur viabilité s'ils veulent continuer à approvisionner les fumeurs canadiens avec un produit canadien vendu sur le marché légal.

Nous sommes heureux d'avoir pu nous exprimer ici et nous vous demandons respectueusement de considérer très attentivement les graves conséquences de la réglementation envisagée.

Nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Gilvesy et monsieur Godelie. Nous apprécions grandement votre présence aujourd'hui.

J'habite toujours ma ferme familiale. Je fais toujours un peu d'agriculture. Lorsque vous parlez d'intendance de la terre, c'est précisément ce que vous représentez à mes yeux, et je tenais à vous le faire savoir.

M. George Gilvesy: Merci.

Le président: Monsieur Mills.

M. Bob Mills: Oui, monsieur le président.

Je ne connais pas très bien la culture du tabac, mais je sais que le monde agricole dont je suis issu—j'ai moi aussi une exploitation agricole—a été contraint, à cause des prix, de la concurrence sur les marchés, des conditions de livraison et de tous ces problèmes que vous connaissez bien, d'envisager des cultures de remplacement.

• 1605

Il y en a une que j'envisage actuellement, et c'est la phléole des prés. Tout d'un coup, tout le monde se met à en cultiver. Il y en a partout. La plante récoltée est compactée, puis expédiée au Japon. La demande est beaucoup plus forte que l'offre.

Nombreux sont les agriculteurs qui ne comprennent pas; ils n'ont jamais fait cette culture. Ils en ont un peu peur, mais la mode est en train de prendre. Pour les pois et les lentilles, c'est la même chose.

Lorsqu'ils sont confrontés à ce genre de crise, ils réagissent en essayant de cultiver quelque chose de... Et ceux qui cultivent de la phléole des prés actuellement disent qu'ils gagnent plus d'argent qu'il n'en ont jamais gagné.

Je ne suis donc pas certain qu'il n'y ait aucune culture de remplacement. Je ne les connais pas toutes. Je ne connais pas le marché, mais je me demande si Agriculture Canada est véritablement intervenu pour vous aider à trouver des cultures de remplacement, des formules aussi bonnes, sinon meilleures, que votre production actuelle. Est-ce que des efforts ont été faits en ce sens?

M. George Gilvesy: Oui.

J'ajoute que les pressions s'exercent depuis vingt ans, et dès le milieu des années 80 on s'est mis à rechercher activement des cultures de remplacement. Agriculture Canada s'en est occupé à l'époque et a déposé des rapports qui, j'en suis certain, devraient répondre à votre question.

M. Bob Mills: Vous pensez donc qu'il n'y a aucune autre culture...?

M. George Gilvesy: Comme je l'ai dit, il y a des cultures de remplacement, mais il n'y a pas de solution miracle pour remplacer 65 000 acres de production de tabac.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Ménard, s'il vous plaît.

M. Réal Ménard: J'ai deux questions. On m'avait dit qu'il y a quelques années, le ministère de l'Agriculture ici, à Ottawa, avait établi un programme d'aide pour la reconversion de la culture du tabac. On disait que, dans plusieurs cas, ce programme avait donné de bons résultats. On m'avait parlé principalement de sa mise en application au Québec.

Je sais que vous représentez des gens qui sont surtout de l'Ontario. Avez-vous déjà entendu parler de ce programme?

[Traduction]

M. George Gilvesy: Oui, je suis intervenu dans la conception du programme. Le premier volet consistait en des mesures de réduction qui amenaient certains producteurs de tabac à cesser leurs activités, et le deuxième était un programme de diversification. En fait, les mesures de réduction ont amené certains producteurs à quitter leur exploitation et à se diriger vers d'autres emplois. Ils ne sont pas passés à d'autres productions agricoles; ils ont quitté l'agriculture.

Le programme de diversification était conçu pour aider les agriculteurs à trouver des cultures de remplacement, mais en réalité, à mon avis, il a présenté à d'autres secteurs agricoles l'occasion de capitaliser et de se diversifier, plutôt que d'aider les producteurs de tabac à se diversifier.

[Français]

M. Réal Ménard: Donc, à votre avis, il n'y a pas eu de véritable programme d'aide à la diversification pour les tabaculteurs. Le programme n'a pas vraiment servi à la diversification. Il a finalement fait en sorte que les gens ont abandonné ce type d'industrie. Ce n'est pas le programme que vous souhaiteriez dans un monde un peu plus idéal.

[Traduction]

M. George Gilvesy: Il y a eu diversification dans la région plutôt que dans notre secteur agricole. C'était effectivement une aide, mais de caractère plus régional que sectoriel.

[Français]

M. Réal Ménard: Voici ma deuxième question. Vous dites que les règlements nuiraient à la compétitivité des producteurs de tabac et avantageraient les producteurs de tabac étrangers.

Quel aspect du règlement est le plus problématique pour vous et qu'est-ce que vous craignez par rapport aux producteurs étrangers?

[Traduction]

M. George Gilvesy: Les fabricants étrangers de cigarettes qui réussissent à introduire leurs produits en contrebande au Canada n'ont pas à se conformer à la réglementation, que ce soit la réglementation du produit ou la réglementation entourant la taxe d'accise, notamment. Lorsque les gens qui approvisionnent le marché n'ont pas à se préoccuper de tout cela, ils ne se préoccupent pas non plus des ingrédients du produit.

Actuellement, les Canadiens manifestent une certaine allégeance envers les produits canadiens du tabac. Environ 98 p. 100 du marché utilisent du tabac cultivé au Canada. Les produits de contrebande peuvent perturber gravement la chaîne d'approvisionnement, et il n'est pas garanti que le tabac canadien entre dans leur composition.

• 1610

[Français]

M. Réal Ménard: Vous dites que le tabac qui vient de l'extérieur, le tabac importé, n'est soumis à aucune forme de contrôle, d'inspection ou de vérification.

[Traduction]

M. George Gilvesy: Je ne peux pas vous dire dans quelles conditions il est cultivé. Je suppose que ce n'est pas nécessairement du tabac importé légalement. C'est du tabac ou des produits du tabac qui arrivent au Canada de façon illégale. Dans une telle situation, il n'y a aucun contrôle de conformité sur ces produits.

[Français]

Le président: Merci beaucoup. Quatre questions.

M. Réal Ménard: J'ai droit à une autre question?

Le président: Non. Vous en avez posé quatre.

[Traduction]

Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Pour ce qui est de la question des produits de remplacement du tabac, compte tenu de ce qui menace les producteurs de tabac et de l'incertitude du marché, puisque au Canada comme au niveau international les gouvernements essayent d'empêcher la consommation du tabac, pourquoi n'y a-t-il pas eu davantage de diversification parmi les producteurs de tabac? Indépendamment du soutien gouvernemental, des programmes de réduction et de la diversification, pourquoi n'y a-t-il pas eu de changements plus importants dans les cultures? Est-ce à cause du marché?

M. George Gilvesy: Tout d'abord, comme je l'ai indiqué, il est très difficile de conquérir un marché pour les cultures de remplacement, et, encore une fois, nous avons toujours 65 000 acres de culture à remplacer. Il est donc difficile de trouver des marchés.

Deuxièmement, notre infrastructure agricole est axée sur le tabac. Nos exploitations sont très modestes, et couvrent en moyenne une superficie de 100 acres chacune. Sur des superficies aussi modestes, des cultures de remplacement ne permettraient pas de faire vivre une famille, et c'est donc très difficile. C'est pourquoi nous avons dû continuer à produire du tabac, car c'est la meilleure solution pour assurer la subsistance de nos familles et de nos collectivités.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Est-ce que la superficie de culture du tabac a diminué sensiblement depuis 10 ou 20 ans?

M. George Gilvesy: En 20 ans, on est passé de 220 millions de livres au début des années 80 à 143 millions de livres lors de la dernière campagne agricole.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Y a-t-il eu diminution des superficies de culture?

M. George Gilvesy: Oui, d'environ 30 p. 100. Il y a 20 ans, la superficie était de près de 90 000 ou 100 000 acres, et l'année dernière elle était de 60 000 acres.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Lorsque les producteurs de tabac ont changé de culture, pour quelle production ont-ils opté et quelle a été la culture la plus rentable pour l'économie familiale et pour la survie des fermes familiales?

M. George Gilvesy: C'est difficile de vous répondre, car je ne pense pas pouvoir vous indiquer une culture en particulier. On a signalé le ginseng comme étant particulièrement rentable, mais l'industrie du ginseng connaît actuellement de graves difficultés à cause de l'excès de l'offre. Le prix est tombé en deçà des coûts de production, et ce secteur connaît lui aussi toute une série de problèmes.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Est-ce que vos adhérents ont répondu à l'appel d'offres concernant la marijuana?

M. George Gilvesy: Nous avons effectivement l'infrastructure pour nous orienter vers cette production, si elle devient possible.

Le président: Madame Wasylycia-Leis, l'Université de Guelph est soumissionnaire, d'après les journaux.

Mme Wasylycia-Leis: Oui, j'en ai entendu parler.

En ce qui concerne le programme de réduction dont vous avez parlé, vous dites qu'il n'a pas véritablement modifié les récoltes, mais qu'il a contraint des exploitants à quitter la terre pour se diriger vers d'autres emplois. Qu'est-il advenu des terres en question?

M. George Gilvesy: La terre est toujours disponible, et dans bien des cas elle sert à produire des cultures commerciales. Les exploitants louent leur terre ou cultivent du maïs et du soja, ce qui n'est sans doute pas la meilleure utilisation à long terme, puisque c'est un sol sablonneux. Lorsqu'on parle de bonne intendance environnementale, il faut assurer la rotation des cultures sur les terres sablonneuses pour maintenir leur intégrité. Des cultures continues de maïs et de soja abîment les sols sablonneux.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Malgré les problèmes, est-ce que les programmes de réduction et de diversification vous en ont suffisamment appris pour que vous sachiez comment il faudrait procéder pour mettre en place un programme transitoire efficace permettant de passer du tabac à une autre culture viable?

• 1615

M. George Gilvesy: Je vais vous donner mon point de vue personnel. Je fais partie du conseil d'administration de l'association depuis 14 ans, et j'ai donc vécu l'essentiel de cette période de transition et je peux vous dire en toute franchise, pour répondre à votre question, que nous n'avons trouvé aucune possibilité véritablement satisfaisante.

Le président: Merci beaucoup, madame Wasylycia-Leis.

Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Dans votre exposé, monsieur Gilvesy, vous avez dit qu'on pourrait envisager une stratégie qui consisterait à remplacer le tabac canadien par du tabac importé moins coûteux dans les mélanges des fabricants. Dans ce contexte, pouvez-vous indiquer au comité les différences de composition chimique des produits selon qu'ils proviennent du Canada, des États-Unis, du Brésil ou du Zimbabwe? Qu'est-ce qui différencie le produit canadien des produits étrangers?

M. George Gilvesy: Madame Ur, je ne peux pas vous renseigner sur les usages agronomiques en vigueur dans les autres pays, mais, d'après ce que nous savons, les producteurs canadiens observent des méthodes agronomiques exigeantes, et, de ce fait, nous pensons que lorsque les Canadiens consomment notre produit, ils obtiennent le meilleur produit qu'on puisse acheter.

Mme Rose-Marie Ur: On fume des cigarettes aux États-Unis et dans tous les autres pays. Comment aborde-t-on la question de la cigarette chez les jeunes dans les autres pays?

M. George Gilvesy: En laissant les jeunes fumer.

Mme Rose-Marie Ur: C'est ce que nous étudions aujourd'hui. À votre avis, est-ce qu'on en discute dans d'autres pays?

M. George Gilvesy: Nous sommes membres de l'Association internationale des producteurs de tabac. À ma connaissance, aucun des pays membres de cette organisation—et nous représentons 80 p. 100 des pays exportateurs de tabac—ne fait la promotion du tabac auprès des jeunes. Chacun des pays producteurs considère la consommation du tabac comme un choix de style de vie qui s'adresse aux adultes.

La réalité du marché est telle qu'il y aura toujours des fumeurs, et, en tant que pays producteur de tabac, le Canada doit avoir le droit d'en produire. J'estime qu'aucun pays n'a la solution en ce qui concerne les jeunes. Quant à nous, nous n'approuvons pas la consommation des produits du tabac chez les jeunes.

Mme Rose-Marie Ur: En ce qui concerne la diversification—et je parle un peu par expérience—qu'il s'agisse de programmes de transition, de diversification ou autres, il est toujours difficile de faire vivre une famille avec 100 acres. On voit bien ce qui se passe avec les prix du maïs, du soya et des autres productions. Il n'est pas réaliste de s'imaginer qu'on peut faire vivre une famille en cultivant 100 acres, même avec des cultures commerciales ou des asperges à la place du tabac. J'ai moi-même été productrice de tabac et j'ai diversifié mon exploitation en produisant des asperges. C'est très bien lorsqu'on est parmi les premiers à s'engager dans un programme de diversification, mais, peu de temps après, d'autres ont la même idée, et soudain tout s'écroule.

M. George Gilvesy: Le ginseng en est un bon exemple. Comme je l'ai dit, c'est dans cette production de remplacement qu'on a trouvé les plus forts volumes. Il fut un temps où le ginseng se vendait de 60 $ à 80 $ la livre, mais l'hiver dernier les producteurs de ginseng n'en obtenaient que 10 $ ou 12 $ la livre, ce qui constitue un changement considérable dans la structure de prix.

Mme Rose-Marie Ur: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, messieurs. Merci de nous avoir accordé votre temps. Votre intervention a été très intéressante, et vous avez fait un excellent exposé.

Nous allons passer à M. Parker, du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac. Il en est même le PDG, comme nous le savons. Ensuite, nous entendrons Santé Canada, pour clôturer cette séance.

Monsieur Parker, merci d'être des nôtres.

M. Rob Parker (président-directeur général, Conseil canadien des fabricants des produits du tabac): Merci, monsieur le président.

• 1620

J'ai préparé une déclaration informelle très courte pour réserver le plus de temps possible aux questions des membres du comité. Avant de commencer, je voudrais rectifier certains points concernant des arguments ou des déclarations faites au comité.

Je ne prétends nullement avoir des arguments exhaustifs à ce sujet, mais je crois qu'on vous a dit que le tabagisme chez les jeunes était en augmentation au Canada. C'est pourquoi j'aimerais attirer votre attention sur un récent rapport publié à notre demande par Statistique Canada, mais tous les travaux de recherche ont été faits par Statistique Canada. Voici un extrait du résumé. L'argument est développé dans le corps du rapport, qui est intitulé «Rapport sur la prévalence de l'usage de la cigarette au Canada, de 1985 à 1999:

    la prévalence de la consommation de tabac chez les jeunes de 15 à 19 ans entre 1991 et le 1er janvier 1994. Depuis 1994, il n'y a pas eu de changement important de la prévalence de consommation du tabac chez les jeunes.

Deuxièmement, M. Mills a parlé hier, je crois, d'un programme financé par nos adhérents, bien qu'il soit géré par une coalition regroupant d'autres intérêts. J'ai remarqué que vous avez fait référence à une équipe de hockey, et j'ai apporté des photos des chandails des joueurs de l'équipe de hockey de la GRC qui appuie ce programme.

Finalement, on a dit, je crois, que les fabricants dissimulent l'appui financier qu'ils accordent à ce programme. Voici l'une des trousses d'information distribuées aux commerçants, et, comme tous nos documents, elle porte la mention suivante: «Information présentée par les fabricants canadiens des produits du tabac et la Coalition canadienne pour une pratique responsable du commerce du tabac». Je laisse cette trousse à votre intention, monsieur Mills.

En ce qui concerne les projets de règlements dont vous êtes saisis, je voudrais commenter brièvement cette procédure, comme l'ont fait les autres témoins. Nous affirmons qu'en l'occurrence la procédure réglementaire a été pervertie, non pas dans son intégralité, mais sur de nombreux points. La politique et la procédure de réglementation fédérales n'ont pas été respectées. Les politiques et les lois concernant l'approvisionnement ont été négligées ou enfreintes. Les membres du comité ne peuvent plus rien y faire; je voulais simplement indiquer publiquement que tous les membres de ce comité seraient outrés de ce qui se passe depuis plus d'un an et demi si l'on faisait la même chose à d'autres que les fabricants, producteurs, grossistes et détaillants de tabac.

Ce qui nous inquiète davantage dans l'immédiat, et ce qui vous préoccupe sans doute également, c'est le contenu des propositions de réglementation. Vous avez constaté et on vous a dit que cette réglementation va coûter très cher. Ce qui nous inquiète, en plus du coût—et cela devrait vous inquiéter également, puisque les contribuables en assumeront la moitié—c'est, tout d'abord, de ne pas pouvoir se conformer à la réglementation dans les délais impartis, et de voir que même les autorités de réglementation de Santé Canada peuvent avoir du mal à s'en accommoder.

Avant d'aller plus loin—car je ne veux pas que ma déclaration soit considérée comme une condamnation générale de Santé Canada et de ses employés—je voudrais signaler deux éléments importants de la procédure qui ne donnent pas lieu à contestation. Dans le cas du règlement sur les indications scientifiques, c'est-à-dire les indications concernant les composantes de la fumée du tabac, il y a eu une série de rencontres utiles et productives entre les scientifiques de l'industrie et les représentants de Santé Canada. Ces rencontres ont notamment débouché sur une réduction de plus de 100 millions de dollars des coûts annuels.

Deuxièmement, bien qu'il y ait eu de nombreuses insuffisances au début de la procédure, depuis que le règlement a été publié le 1er avril dernier dans la Gazette du Canada, les employés désignés du Bureau de biométrie et de contrôle du tabac se sont mis à la disposition de l'industrie pour écouter les doléances qu'elle veut exprimer. Grâce à ces employés, on a apporté au règlement des changements pour remédier à certains problèmes. Autrement dit, le règlement est meilleur qu'au début, mais à notre avis ce n'est toujours pas un bon règlement.

J'ai écouté avec intérêt la discussion sur les pouvoirs du comité en matière de modification. Évidemment, c'est à vous d'en décider, mais nous espérons que le comité recommandera des modifications dans trois ou quatre domaines. Il s'agit de modifications mineures à caractère technique. Je vais vous les décrire. À notre avis, elles ne risquent pas d'édulcorer les mesures demandées par Santé Canada et permettront à nos membres de se conformer au règlement dans les délais impartis.

• 1625

Le premier problème, c'est que les mises en garde sur les paquets qu'on vous a montrées ne peuvent pas être imprimées au Canada dans les délais prévus par le règlement sans qu'il faille modifier les couleurs des images de la mise en garde ou les couleurs de la marque, voire les deux. L'opération ne peut être réalisée en six mois pour les grandes marques qui occupent 2 p. 100 ou plus du marché. Elle ne peut être réalisée au Canada pour les emballages de cartouches. Je reviendrai sur ce point à la fin.

En ce qui concerne l'information que nous devons transmettre à Santé Canada, il y a toute une liste des documents à produire et des calculs à faire, dont certains sont tout à fait ridicules. Par exemple, les fabricants utilisent de l'eau parce que le degré d'humidité du tabac des cigarettes est soigneusement contrôlé. Ils l'ont tout d'abord ajusté lorsque le produit est arrivé du stockage, de même que tout au long du processus de fabrication. Les fabricants sont tenus de déclarer quatre fois par an, par marque et pour chaque cigarette, la quantité d'eau qu'ils ont achetée, la quantité d'eau qu'ils ont utilisée et la quantité d'eau qui leur reste en inventaire. J'ai bien du mal à comprendre en quoi cela peut être utile à Santé Canada au plan de la réglementation.

Il y a environ 40 000 détaillants de tabac au Canada. Vingt- cinq mille d'entre eux écoulent un volume suffisamment important pour que de 60 à 80 p. 100 d'entre eux reçoivent des versements des fabricants à titre d'allocation de présentoir, d'allocation promotionnelle, etc. Les compagnies seront tenues de remettre à Santé Canada quatre fois par an une photo de chacun de ces présentoirs, c'est-à-dire de 15 000 à 20 000 photos, ainsi que de 15 000 à 20 000 descriptions écrites.

Nous avons signalé ce problème à Santé Canada. Nous ne voyons pas l'intérêt d'une telle mesure, et il existe des façons plus efficaces d'exposer les plans concernant les présentoirs. Mais le règlement n'a pas été modifié sur ce point.

J'ai deux autres arguments, dont un sur la confidentialité. Le règlement prévoit qu'une grande quantité de renseignements confidentiels à caractère commercial vont devoir être divulgués. Nous voulons qu'ils soient traités de façon confidentielle et que toutes les conditions concernant leur utilisation, leur consultation et leur entreposage soient énoncées dans le règlement, qui, pour l'instant, ne contient aucune indication à ce sujet.

À la vérité, le personnel de Santé Canada a reconnu la validité de cette préoccupation. On nous a dit qu'on ne pourra intervenir à ce sujet qu'une fois que le règlement sera en vigueur. Nous trouvons cette réponse inadmissible.

Le dernier argument concerne les exemptions qui figurent dans le règlement. Comme vous le savez sans doute, les petits fabricants et les petits importateurs sont dispensés d'une partie ou de l'ensemble des exigences du règlement. Santé Canada nous a dit que si ces exemptions existent, c'est parce que le ministère n'a pas l'intention de mettre les petites compagnies de tabac en faillite. Nous voulons lui répondre par les deux arguments suivants.

Tout d'abord, il faut en conclure, à notre avis, que l'un des principaux objectifs de cette mesure est de causer un préjudice économique aux grands fabricants.

Deuxièmement, elle crée deux catégories de Canadiens, et c'est bien ce qui nous préoccupe le plus. Ceux qui achètent et consomment les produits de nos adhérents recevront toute l'information prévue dans le règlement. Ceux qui consomment les produits des petits importateurs ou des petits fabricants canadiens ne la recevront pas. Je n'ai rien entendu qui puisse justifier cette dispense concernant l'information à produire.

J'ai dit tout à l'heure qu'il faudrait apporter quelques modifications techniques pour améliorer ce règlement de façon qu'on puisse l'appliquer dans les délais prévus, et je serais heureux de répondre à vos questions à ce sujet. Ces modifications n'auront pas pour effet d'édulcorer le règlement, mais elles ne le rendront pas pour autant acceptable à nos yeux, ni même souhaitable. Le problème est beaucoup plus vaste. En attendant de trouver une solution devant les tribunaux ou ailleurs, nous voulons apporter une solution satisfaisante à nos membres, qui souhaitent pouvoir se conformer à la loi, mais qui seront dans l'impossibilité de se conformer à ce règlement.

• 1630

En conclusion, j'ai quelques éléments que j'ai déjà soumis à ce comité et à d'autres à quelques occasions.

La consommation de tabac présente de graves dangers pour la santé. Il est normal et indispensable que ce produit soit fortement réglementé. Tant que le gouvernement continuera à considérer ce produit comme légal, les mesures réglementaires bien conçues, applicables et pratiques bénéficieront de l'entière coopération de notre industrie. En revanche, ces dernières années, les progrès ont cédé le pas à la publicité. Les gouvernements optent pour la confrontation, et non pour la coopération. J'estime que leur attitude hypocrite m'empêche de considérer qu'ils sont vraiment sérieux en matière de contrôle du tabac.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Parker.

Monsieur Mills, veuillez commencer, s'il vous plaît.

M. Bob Mills: Oui, j'ai quelques questions.

Monsieur Parker, je vous remercie d'être venu témoigner.

Tout d'abord, c'est au niveau de l'obtention du soutien des collectivités que l'information a fait défaut. Ce n'est pas que les commerçants n'ont pas été informés; on a essayé d'obtenir l'appui des collectivités sans révéler que l'industrie du tabac était l'un des commanditaires de la campagne. Voilà pour ce qui est des précisions que vous avez apportées tout à l'heure.

J'aimerais avoir votre avis sur les emballages neutres. Il me semble que cette solution permet d'éviter les problèmes d'impression et de...

Je vais poser plusieurs questions d'affilée pour vous laisser le temps d'y réfléchir.

Je me demande également si vous êtes préoccupés par la possibilité de procès comme on en a vu aux États-Unis. Pensez-vous qu'il est possible qu'au Canada on essaie également de recouvrer une partie des coûts de santé assumés par les contribuables? Pensez-vous que c'est une possibilité?

Je me demande également si vous pensez que les fumeurs comprennent vraiment les dangers auxquels ils s'exposent, s'ils comprennent tous ces détails importants que nous avons entendus. Vous pourriez en contester certains, mais, d'une manière générale, votre dernière déclaration semblait montrer que vous étiez d'accord.

Je vous laisse répondre à ces questions, après quoi je vous en poserai plusieurs autres au sujet de la question de la marque.

M. Rob Parker: Certainement.

Monsieur Mills, au cours d'une autre législature, votre comité a étudié la question de l'emballage générique. À la fin d'une étude très peu concluante effectuée par Santé Canada au coût de plusieurs centaines de milliers de dollars, on a seulement dit que cela pourrait avoir une incidence sur la consommation. Je crois que le président du comité spécialisé aurait dit, d'après les journaux, que cela pourrait réduire de un le nombre de fumeurs au Canada.

Le comité n'a pas formulé de recommandation ferme. Le ministre de la Santé de l'époque a ensuite dit qu'il n'allait pas de l'avant parce que cela aurait été illégal.

Je vous dirai simplement ceci au sujet de l'emballage générique: l'actif qui a le plus de valeur pour nos compagnies est notre marque. La valeur collective de ces marques se situe entre 15 et 20 milliards de dollars, et on les défend avec vigueur, pas seulement au moyen de mesures de protection juridique, mais aussi contre quiconque tenterait de les contrefaire ou de les utiliser de quelque façon.

Si le ministre de la Santé a l'intention d'ordonner aux entreprises de changer la couleur de leur marque de commerce, je pense que vous pouvez vous imaginer le type de réaction qui viendrait de Coca-Cola par exemple si quelqu'un leur ordonnait de changer la couleur rouge de leur marque pour une raison ou une autre. Si l'on ordonne aux fabricants de produits du tabac d'apporter de tels changements, comme je l'ai dit dans la lettre que j'ai envoyée au comité la semaine dernière, les membres de l'industrie résisteront à un tel ordre ou à une telle loi en utilisant tous les recours légaux à leur disposition.

Vous avez posé une question au sujet de la possibilité de procès au Canada. Il y a évidemment quelques affaires déjà en instance devant les tribunaux, y compris une poursuite intentée par le gouvernement du Canada aux États-Unis mêmes, et une autre intentée par le gouvernement de l'Ontario, également aux États- Unis. Il me semblerait logique que si quelqu'un au Canada, en particulier le gouvernement du Canada, a un problème avec l'industrie canadienne, il faudrait en appeler aux tribunaux canadiens.

Cela dit, notre industrie est différente et notre système juridique est différent à certains égards de l'industrie aux États- Unis. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a déjà essayé de poursuivre les membres de notre industrie pour recouvrer les coûts liés aux soins de santé, mais la loi a été invalidée. Le gouvernement est actuellement en train de la reformuler et continue sa poursuite. Les entreprises se défendront elles-mêmes et finiront par gagner, à notre avis, principalement pour la raison suivante: toutes les études effectuées par des économistes pour répondre à la question suivante: «Quel est le rapport, dans les pays comme le Canada et les États-Unis, où les taxes sur les produits du tabac sont relativement élevées—autrement dit, cette question ne s'applique pas, strictement parlant, aux États-Unis, du moins jusqu'à récemment—entre les recettes gouvernementales provenant des produits du tabac et les coûts que l'on peut raisonnablement attribuer aux conséquences du tabagisme pour la santé?» montrent que les taxes dépassent de loin ces coûts. En d'autres termes, les gouvernements ont déjà, en raison des taxes payées par les fumeurs sur les produits du tabac, été indemnisés pour les coûts qu'ils doivent assumer. Et pour cette raison nous croyons que toute poursuite intentée ici finirait par échouer.

• 1635

Dans votre dernière question, vous demandez si les fumeurs comprennent les risques auxquels ils s'exposent. La très grande majorité d'entre eux en sont conscients. Il vaut la peine de signaler, je pense, que dans la littérature d'il y a une centaine d'années on trouve des références à des cigarettes comme étant des bâtonnets à cancer ou des clous de cercueil. Bien que les informations quant à la nature précise des risques—leur ampleur, le nombre de maladies en cause—aient augmenté au cours des ans, au fur et à mesure de l'évolution des connaissances scientifiques, les fumeurs, de même que les non-fumeurs, comprennent les risques associés au tabagisme.

Il y a un spécialiste américain—je crois qu'il est professeur à Harvard—dont le domaine de spécialité est la perception et la compréhension des risques. Il a écrit un livre sur la question. Il a écrit plusieurs livres, mais l'un d'entre eux porte sur cette question, et il y dit que non seulement les fumeurs comprennent les risques, mais en ont aussi une compréhension exagérée; autrement dit, ils croient que les risques de la consommation de tabac sont plus grands qu'ils ne le sont en réalité. Et il ajoute un commentaire sur un ton plaisant:

    Il semblerait donc que si l'on informait clairement les fumeurs du niveau réel de risque, il pourrait en résulter une augmentation du tabagisme, car les gens concluraient que ce n'est pas aussi mauvais qu'ils le pensaient.

M. Bob Mills: Pensez-vous que ces règles relatives à l'emballage pourraient être un début, c'est-à-dire qu'on pourrait influencer le reste de l'industrie—aux États-Unis, et même au-delà de l'Europe? Certains témoins nous ont dit que le Canada a été un exemple. Un témoin britannique et un Australien ont dit que les étiquettes imposées au Canada avaient amené le reste du monde à faire la même chose, que nous étions des chefs de file et que nous devrions en être fiers. Pensez-vous que la nouvelle mesure que nous envisageons, c'est-à-dire les photos, se répandra?

M. Rob Parker: Je n'ai aucun moyen de le savoir, monsieur. J'ai entendu dire que le Canada avait été un chef de file dans la lutte contre le tabagisme. Et si cela signifie que le Canada a adopté des mesures plus restrictives pour réglementer les produits du tabac avant la plupart des autres pays, c'est probablement vrai.

Il y a un secteur où ce n'est pas vrai, c'est-à-dire que le Canada n'est aucunement un chef de file quand il s'agit de la diminution du tabagisme comme conséquence de cette réglementation. Il y a eu des réductions plus importantes et plus rapides du tabagisme parmi les populations de plusieurs autres pays, où l'on a obtenu de bien meilleurs résultats qu'au Canada. Par conséquent, s'il y a eu leadership, ce n'est certainement pas dans le domaine de la santé.

M. Bob Mills: En ce qui concerne la question de la marque, on nous a également dit que cette mesure pourrait être contestée. Il est vrai que vous possédez la marque de commerce, mais nous avons entendu dire que la mesure concernant l'utilisation de la couleur sur le paquet pourrait être contestée. Et la personne qui a fait cet énoncé estimait qu'on pourrait gagner la cause parce que vous ne possédez pas un droit à cet égard. Je pense qu'on a utilisé comme exemple les armes à feu. Winchester possède un droit afférent à sa marque de commerce, mais cela ne signifie pas que l'entreprise peut faire de la publicité lors d'émissions pour enfants.

M. Rob Parker: Je ne comprends pas très bien l'analogie. Je sais cependant que les couleurs de la marque de commerce font partie de cette marque et sont protégées, et que nous pouvons opposer une objection valable, que nous pourrons presque certainement gagner, contre une disposition visant à nous obliger à changer ces couleurs. Je ne pense pas que ce soit vraiment cette question qui doive préoccuper votre comité, car vous voulez en réalité savoir si l'on peut imprimer ce que ces règlements exigeraient. Et j'espère que les imprimeurs qui ont comparu devant vous la semaine dernière vous ont bien dit que c'est en effet possible.

On vous a montré des échantillons d'un processus appelé double ton. Ce sont des images imprimées en deux tons—en l'occurrence le rouge et le noir—plutôt que l'impression en quadrichromie, où l'on utilise quatre couleurs spécifiques. C'est assez semblable à l'impression en quadrichromie qu'on voyait sur les emballages et échantillons fournis par l'imprimeur lithographe. Il y a de légères différences de ton. Je crois cependant qu'il serait très difficile de soutenir que cette image fonctionnera et que l'autre ne fonctionnera pas, parce qu'il n'y a pas de bleus, par exemple, ou parce qu'il y a du rouge et du noir.

Le fait d'utiliser des images à deux tons permettrait donc de le faire. Si l'on allonge quelque peu la période de mise en oeuvre, en accordant 18 mois au lieu de 12, et si l'on n'exige pas que toutes les grandes marques le fassent avant la fin de la période de six mois, et si l'on exige un seul avertissement pour les cartouches au lieu des 16... Dans l'industrie au Canada, les deux entreprises qui fabriquent les emballages des cartouches n'ont tout simplement pas la capacité de faire les emballages de cartouche pour un message, de changer les planches afin de passer au message suivant, et ainsi de suite pour les 16 versions différentes de messages—je suis désolé, il y en a huit, car les règlements actuels exigent qu'on mette deux messages différents par cartouche—et cela pour plus de 400 marques. Il faudra faire faire une partie de ce travail aux États-Unis—une partie, mais pas tout le travail. Tout pourrait cependant être fait au Canada si le comité acceptait de recommander que sur les cartouches, et seulement sur les cartouches, dont l'emballage est détruit dès que les consommateurs les achètent, il soit nécessaire d'imprimer seulement un avertissement bilingue en couleur.

• 1640

M. Bob Mills: Qu'en est-il de la notice qu'on insérerait dans le paquet? Il me semble qu'on doit choisir entre imprimer l'avis sur la pochette même du paquet de cigarettes et insérer une notice que les gens pourraient facilement jeter une fois le paquet ouvert. Il semblerait manifestement qu'il serait préférable que l'avis reste là tant que le paquet n'est pas fini. Quels problèmes présentent les deux options que je viens de mentionner?

M. Rob Parker: Les notices insérées dans un paquet présentent un problème parce qu'il n'existe pas d'équipement permettant de les insérer dans les paquets en maintenant la vitesse actuelle de production. Il faudra construire l'équipement nécessaire, et je crois que l'exigence concernant ces notices entre en vigueur un an après la mise en oeuvre de ces règlements. Santé Canada, ou le gouvernement, semble donc avoir plié quelque peu pour tenir compte de l'aspect pratique de la question. On a exigé que la notice soit insérée dans les paquets avec tiroir et coulisse, c'est-à-dire les paquets de 20 et de 25 cigarettes avec pochette, et dans les boîtes à bascule, et la notice doit être visible quand les paquets sont ouverts. Si elle figurait sur la face intérieure du paquet, par exemple, elle ne serait pas visible. On ne la verrait pas. Habituellement, quand on jette le paquet, il contient encore le papier d'aluminium.

Le coût de la notice est très élevé. Nous ne connaissons pas encore tous les détails techniques, par exemple combien de temps il faudra pour que l'équipement puisse le faire, et il est impossible d'insérer des notices dans des paquets mous, par exemple. Quoi qu'il en soit, à cause de la façon dont on utilise les paquets de cigarettes, la notice ne serait jamais vue; on vide les paquets par le haut et on les jette une fois vides, de sorte que la notice ne serait pas visible.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Parker.

Je suis conscient du temps dont nous disposons et du vote.

[Français]

Monsieur Ménard, je vous invite à poser trois questions.

M. Réal Ménard: Monsieur le président, vous avez été extrêmement généreux pour mon collègue et je m'attends donc à ce que vous ayez la même générosité à mon endroit.

Bonjour, monsieur Parker.

M. Rob Parker: Bonjour.

M. Réal Ménard: Vous vous présentez devant nous avec une sérénité qui fait plaisir à voir compte tenu des enjeux qui animent les gens que vous représentez.

Je vous poserai trois courtes questions, si vous me le permettez. Vous avez sans doute été informé qu'on a remis aux membres de ce comité un paquet de cigarettes sur lequel sont imprimés les messages qui devront y figurer conformément au cadre réglementaire que l'on étudie présentement. Cela a été réalisé par une entreprise de Toronto.

Je crois comprendre que vous reconnaissez qu'il est possible, avec les technologies canadiennes existantes, de respecter les dispositions du cadre réglementaire, mais que le délai est source de préoccupation pour vous. Vos inquiétudes ne se situent pas au niveau de la technologie disponible, mais plutôt au niveau du délai. Vous dites qu'un délai de 6 ou 12 mois serait insuffisant. Si nous amendions le cadre réglementaire afin de prolonger ce délai à 18 mois, est-ce que le cadre réglementaire et, à la limite, le ministre vous paraîtraient plus sympathiques?

[Traduction]

M. Rob Parker: Dix-huit mois... permettez-moi d'apporter une correction. Je ne suis pas certain de vous avoir bien compris. Les imprimeurs canadiens ne manquent pas de technologie ou d'équipement spécialisé. Ils sont parmi les plus perfectionnés du monde. Ils font un excellent travail. Et c'est le cas autant dans l'industrie de la rotogravure que dans celle de la lithographie et de la flexographie. Les problèmes auxquels nous faisons face découlent de la taille des presses de nos fournisseurs canadiens—elles ont sept, huit ou neuf postes de travail, huit dans la plupart des cas—et on utilise la plupart d'entre elles pour des couleurs très précises. Il n'en reste plus, ou il peut en rester une ou deux dans la plupart des cas.

Nous avons déterminé que, puisque tous les paquets ont déjà du noir, par exemple, c'est cette couleur qu'on utilise pour imprimer la liste des éléments toxiques sur le côté du paquet. Par conséquent, l'une de ces places sur la presse est réservée au noir. Et il est possible d'utiliser une autre couleur sur tous les paquets dans toute l'industrie—un rouge qui est très près du rouge déjà utilisé, ou ce même rouge—pour produire les images à deux tons dont j'ai parlé. Cela peut être fait au Canada par nos fournisseurs actuels, avec tous les avantages que la rotogravure présente. Cela ne pourra pas être fait pour les plus grandes marques dans un délai de six mois, mais le procédé double ton permettra de le faire dans un délai pas beaucoup plus long. Je doute très fort que quelqu'un parmi vous remarque la différence entre la qualité des deux images. Vous les avez vues l'autre jour—j'ignore si quelqu'un les a mises côte à côte pour faire la comparaison.

• 1645

[Français]

M. Réal Ménard: Vous dites que vous devrez faire parvenir à Santé Canada une longue liste de données dont vous ne voyez pas toujours la pertinence. J'aimerais que vous précisiez votre pensée là-dessus.

Je ne vous vise pas personnellement, mais compte tenu de l'historique de l'industrie que vous représentez, j'aimerais que vous nous rassuriez quant au fait que les membres que vous représentez n'ont jamais été directement ou indirectement impliqués dans la mise sur pied ou l'alimentation d'un réseau de contrebande américain.

[Traduction]

M. Rob Parker: Je vous remercie de m'avoir dit de ne pas me sentir visé personnellement.

Permettez-moi de parler d'abord des renseignements exigés en vertu de ces règlements, et je parlerai ensuite davantage de l'eau.

Il s'agit des ingrédients. On demande aux entreprises de signaler tout ce qu'elles incluent dans une cigarette, ce qui est tout à fait raisonnable. La recette de chaque sorte de cigarette sera fournie à Santé Canada. Les recettes sont assez simples. Il s'agit de mélanges spécifiques de tabac, ainsi que de types précis de papier et de filtre. En plus, il y a des adhésifs utilisés pour lier le papier, et d'autres qui sont utilisés pour lier le filtre. On ajoute habituellement de l'eau—dans certains cas on en enlève—pour maintenir un niveau uniforme d'humidité, et il y a aussi l'encre utilisée pour imprimer la marque sur la cigarette.

On s'attend à ce que les fabricants de produits du tabac calculent quatre fois par année, pour chaque marque et pour chaque type de cigarette, combien de colle, d'eau, d'adhésif, d'encre et d'autres ingrédients ils ont achetés pendant le trimestre, en stock à la fin du trimestre, utilisés pendant le trimestre, ainsi que la quantité qui s'est retrouvée dans chaque cigarette.

J'ai dit aux représentants de Santé Canada que nous ne voyions pas de problème à présenter des rapports—je préférerais que ce soit des rapports annuels, parce qu'il se peut qu'on ait besoin d'acheter des ingrédients comme le menthol une fois tous les deux ans seulement, étant donné qu'on l'utilise en quantité minuscule—au sujet des ingrédients achetés, du prix payé, des recettes utilisées pour les différents types de cigarettes, mais il y a une raison pour laquelle j'utilise l'eau comme exemple. Comme tout autre propriétaire d'usine et de maison au Canada, les fabricants paient pour l'eau qu'ils utilisent, mais ils en font une variété d'usages. Une partie de cette eau est utilisée dans les toilettes des employés. Une autre partie est utilisée dans la salle à manger et la cafétéria, tandis qu'une autre partie entre dans le processus de fabrication des produits du tabac. Il faudrait faire un calcul arbitraire pour déterminer la quantité d'eau qui se retrouve dans chaque cigarette et son coût.

Il faudra des armées de commis pour faire tous ces calculs sans que cela représente un avantage du point de vue de la réglementation. Le problème ne réside pas dans les renseignements à fournir, mais plutôt dans la formulation requise, ainsi que dans la fréquence imposée, dans certains cas. C'est pourquoi nous avons exprimé une objection.

En ce qui concerne votre deuxième question, comme vous le savez déjà, le CCFPT est partie à une instance intentée par le gouvernement fédéral, qui réclame plus d'un milliard de dollars devant un tribunal américain, alléguant qu'il y a eu conspiration entre l'un de nos membres et le CCFPT. Je vous dis carrément que je n'ai aucun renseignement et que je n'ai jamais eu aucun renseignement concernant une activité illégale de la part de l'un ou l'autre de nos membres, et qu'il en va certainement de même pour le CCFPT, ses dirigeants ou moi-même. Nous avons l'intention de le prouver au tribunal.

Depuis que l'on a retenu mes services en 1992, je dis aux représentants des médias que quiconque possède des preuves devrait les apporter aux autorités canadiennes. J'ai lu très attentivement l'exposé de la demande en dommages-intérêts et je n'y vois aucun fait—absolument aucun. J'espère que cela vous satisfait.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Parker.

Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.

Nous avons entendu plus tôt des personnes qui ont été touchées par la catastrophe survenue à la mine Westray au Cap-Breton. On a dit au cours de nos discussions sur la question que la course aux profits menait les entreprises au meurtre. Je me demande si l'on ne pourrait pas dire la même chose des fabricants de produits du tabac du pays et du monde aujourd'hui.

• 1650

N'est-il pas vrai que la rentabilité de cette industrie a plus d'importance que n'importe quoi d'autre, même quand on a des statistiques irréfutables qui confirment que des décès, des maladies et divers problèmes de santé sont directement attribuables au tabagisme?

M. Rob Parker: Je ne sais pas exactement ce que vous insinuez, madame Wasylycia-Leis. Je vous signale qu'à part le fait qu'il s'agit d'une industrie légitime, c'est aussi une industrie légitime à cause de décisions prises par l'organisme dont vous faites partie. Le Parlement du Canada est en réalité le conseil d'administration de l'industrie du tabac. C'est le gouvernement qui rend le produit légal. C'est le gouvernement qui octroie des permis aux entreprises qui fabriquent ce produit. Les gouvernements s'accaparent de loin la plus grande part des revenus engendrés. Les taxes payées aux gouvernements au Canada, fédéral et provinciaux, dépassaient de loin cinq milliards de dollars l'an dernier, comparativement à des bénéfices après impôts de l'ordre de 600 millions de dollars pour les trois fabricants. S'il y a quelqu'un qui court après les profits dans le commerce des produits du tabac, je pense franchement qu'il faut regarder ailleurs que chez les fabricants.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je tiens à préciser bien clairement—et je suis persuadée que plusieurs partagent mon point de vue—que, tout comme il a la responsabilité de faire rendre des comptes aux entreprises dans des cas aussi horribles que la catastrophe à la mine Westray, le gouvernement a aussi la responsabilité de tenir les fabricants des produits du tabac responsables des décès et des maladies nettement reliés au tabagisme.

Je suis membre du comité depuis trois ans environ, et je pense que c'est la troisième fois que vous comparaissez devant nous. Pour reprendre les paroles que m'attribue le président, je dirais que vous êtes certainement logique avec vous-même, à tout le moins, monsieur Parker.

M. Rob Parker: Nous avons cela en commun, je suppose.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Ne nous aventurons pas dans cette voie.

Si je me souviens bien, vous vous opposiez certainement aux restrictions en matière de publicité de commandite. Vous vous opposiez aux augmentations de prix et aux augmentations de taxe. Vous vous opposiez à la taxe spéciale proposée dans le projet de loi S-13. Je suis persuadée que vous vous opposiez à celle qui était proposée dans le projet de loi S-20. Vous êtes opposés aux dispositions sur l'emballage. Vous semblez vous opposer à toute initiative possible pour réduire le tabagisme chez les Canadiens.

Est-ce bien cela? Quel rôle le gouvernement pourrait-il encore jouer pour faire diminuer le tabagisme, du moins chez les jeunes, dans la société d'aujourd'hui?

M. Rob Parker: J'espère certainement que je suis logique avec moi-même, mais je ne pense pas que nous nous soyons opposés aux augmentations de taxe comme telles—ce n'est pas le cas maintenant et ce n'était pas le cas dans le passé. Nous nous opposons à des augmentations de taxe qui sont tellement énormes ou tellement soudaines qu'elles suscitent la réapparition des marchés de la contrebande, ou créent une telle différence entre le niveau des taxes en vigueur actuellement au Canada, c'est-à-dire entre les provinces où les taxes sont élevées et les provinces où elles sont faibles, que cela a engendré une contrebande interprovinciale.

Pour ce qui est de la position de l'industrie au sujet du projet de loi S-20, par respect pour vos collègues de l'autre endroit, je préfère leur faire part directement de notre opinion, et j'aurai l'occasion de le faire jeudi. Il se peut que nous n'y soyons pas opposés.

Nous ne nous opposons aucunement à la réglementation des produits du tabac, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire. Ce sont des produits qui présentent des dangers pour la santé. Les enfants ne devraient pas en faire usage. Les gens doivent savoir qu'il existe des risques et ce qu'ils sont. C'est pourquoi il y a des étiquettes d'avertissement sur les paquets. Notre objection au sujet de ces étiquettes d'avertissement n'a rien à voir avec leur existence ou leur contenu spécifique. Elle concerne le processus utilisé pour nous les opposer, l'impossibilité technique de respecter les exigences formulées dans les règlements quant à leur taille et au pourcentage du paquet qu'elles recouvrent, quand rien ne prouve que le fait de couvrir 50 p. 100 du paquet par ces avertissements contribue de façon significative à améliorer le comportement des gens.

J'ai dit tout à l'heure que le Canada était un chef de file pour ce qui est des mesures visant à restreindre la consommation de tabac, mais pas pour ce qui est de la diminution du tabagisme. C'est vrai. Nous nous sommes constamment opposés à des projets de règlements qui constituent une forme de harcèlement de l'industrie, qui vont coûter de l'argent aux entreprises, qui vont diminuer leur compétitivité, et qui sont illégaux en vertu de la Charte ou d'autres lois canadiennes, ce qui était le cas de la Loi réglementant les produits du tabac, et il se pourrait fort bien qu'il en soit ainsi de la présente loi sur les produis du tabac.

• 1655

Nous opposons-nous à la réglementation? Non. Si quelqu'un vient nous demander notre coopération pour lutter contre le tabagisme chez les jeunes, nous accorderons notre entière coopération. M. Mills et moi ne sommes pas d'accord lorsqu'il s'agit de décider si nous devrions participer à des programmes comme Opération carte d'identité ou Zone scolaire, mais je vous dis que depuis le lancement de ce programme à Red Deer, le respect de la loi par les détaillants, pour ce qui est de la vente de cigarettes à des mineurs, est passé de 20 p. 100 à 82 p. 100. Je pense qu'il vaudrait peut-être la peine de coopérer avec l'industrie des produits du tabac pour obtenir des résultats de cet ordre. Et c'est le seul programme de cette nature au Canada.

Il est devenu très populaire de s'attaquer aux fabricants de produits du tabac, et si je parais calme, comme l'a dit M. Ménard, c'est parce que je m'y suis habitué. Cela n'a pas d'incidence sur nos affaires. Cela ne me touche pas personnellement, et il en va de même pour les entreprises, car on sait qu'il n'y a rien de vrai dans certaines des plus horrifiques accusations portées contre ces entreprises. Leurs cadres sont des gens qui dirigent une entreprise légitime que vous avez créée. Quand je dis «vous», je parle manifestement de vos prédécesseurs au Parlement. Et si les conséquences sont si terribles, la seule avenue logique serait de promouvoir l'interdiction complète des produits du tabac au Canada, c'est-à-dire leur vente et leur fabrication.

Le président: Monsieur Parker, je vous remercie beaucoup.

Vous allez poser la dernière question, monsieur Jordan, et nous poursuivrons ensuite l'audition des témoins.

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Merci, monsieur Parker.

Je veux parler spécifiquement de la question de l'emballage, car je veux moi aussi être logique avec moi-même. Vous avez assez bien décrit le problème dont font état les emballeurs. D'après le témoignage des spécialistes retenus par Santé Canada, je crois comprendre—et je vous demande de me reprendre si je fais erreur—que les fabricants de produits du tabac avaient raison et que les spécialistes de Santé Canada avaient aussi raison.

Tout tourne autour d'un élément critique, soit le nombre de couleurs opaques d'accompagnement utilisées dans la marque des fabricants de produits du tabac. Est-ce une bonne évaluation du problème?

M. Rob Parker: Si vous entendez par là que les paquets sur lesquels on utilise seulement cinq groupes couleurs—une couche de laque et quatre couleurs—ce qui laisse quatre couleurs, ou trois, pour le processus chromatique, je peux dire que les images produites actuellement au Canada pourraient être reproduites très fidèlement sans difficultés, c'est exact. Cela représente cependant moins de 10 p. 100 du total de l'industrie.

M. Joe Jordan: Très bien.

La question reste donc votre droit légitime de protéger votre marque, et c'est de cela que je voulais parler, car si le gouvernement perd une poursuite pour contrefaçon de marque, ce sont les contribuables canadiens qui vont payer, et non les groupes de pression de non-fumeurs.

Je n'offrirai donc d'excuses à personne parce que j'insiste sur cette question.

Nous ne nous sommes jamais rencontrés, n'est-ce pas?

M. Rob Parker: Non.

M. Joe Jordan: C'est bien, parce que l'on m'a accusé d'être de mèche avec vous parce que je m'occupe de cette question.

M. Rob Parker: Comment serait-ce possible si vous ne me connaissez pas?

M. Joe Jordan: Mais je tiens à parler de certains cas précis.

J'ai vérifié des précédents sur la question de savoir si l'on peut avoir un droit exclusif sur des couleurs. J'ai découvert—et il n'y a pas beaucoup de précédents—qu'il s'agit de savoir si l'on obtient un droit exclusif sur le procédé, c'est-à-dire la façon dont on en arrive à la couleur en question—on peut parler de recette, faute d'un terme technique—ou si l'on obtient un droit exclusif sur la présentation, c'est-à-dire sur l'aspect définitif de la marque.

Je vais formuler mon argumentation et vous pourrez la commenter.

Si j'ai bien compris, quelqu'un qui obtient un droit exclusif sur le procédé, c'est-à-dire qu'on demande à l'imprimeur que la marque ait non seulement un certain aspect donné, mais qu'elle soit produite d'une façon précise—parce que si on les oblige à utiliser des couleurs opaques, ils perdent une certaine flexibilité sur le plan graphique—d'après les arguments que j'ai lus, c'est vraiment improductif, parce que la seule chose pour laquelle on obtient un droit exclusif est la façon dont on produit la marque, et non son aspect. Quelqu'un pourrait alors produire une marque très semblable en utilisant une recette différente, et vous n'auriez aucun recours.

Il est donc de beaucoup préférable d'obtenir un droit exclusif sur la présentation de la marque, c'est-à-dire sur son aspect définitif. Est-ce qu'il y a eu des cas où un fabricant de produits du tabac a intenté des poursuites contre un concurrent pour contrefaçon de sa marque?

M. Rob Parker: Oui, certainement.

M. Joe Jordan: Au Canada?

M. Rob Parker: Je ne suis pas certain si c'est arrivé au Canada. Je sais cependant que les cigarettes Malboro, par exemple, soit la marque qui est probablement la plus vendue au monde, ne sont pas vendues légalement au Canada. C'est parce que la moitié de la marque appartient à l'un de nos membres, à savoir le nom, tandis que l'autre moitié—le fameux paquet rouge et blanc—appartient à une autre compagnie.

M. Joe Jordan: Bien.

L'un des aspects essentiels de la protection de la marque est que vous devez la défendre vigoureusement chaque fois qu'il y a un risque—pas pour vous-mêmes, mais pour une entreprise. Si une entreprise ne protège pas sa marque, elle perd le droit de... La société DuPont a perdu son droit exclusif sur le mot «nylon» parce qu'elle ne l'a pas protégé. C'est l'un des cas classiques.

• 1700

Mais avant 1996, quand on pouvait montrer des paquets de cigarettes dans les journaux ou dans une publicité de commandite... On montrait cette marque avec impression en quadrichromie; ne vous accusiez-vous pas vous-mêmes en faisant cela?

M. Rob Parker: Non, pas du tout. La reproduction d'une marque de commerce dans une annonce publicitaire est limitée par la technologie qu'utilise la revue ou le journal. La reproduction de la marque de commerce proprement dite, c'est-à-dire sur les emballages, se fait selon un procédé différent.

La protection des marques de commerce sort de mon champ de compétence.

M. Joe Jordan: Très bien.

M. Rob Parker: On me garantit que les couleurs, la présentation, qui est sans nul doute un terme utilisé...

M. Joe Jordan: Je ne pense pas...

M. Rob Parker: ... et les logotypes font partie de la marque de commerce.

J'espère que le comité accordera toute son attention au fait que, du moins dans ce domaine restreint, il est possible à tout le monde de gagner sur les deux tableaux: vous, Santé Canada, les imprimeurs, et les fabricants. Nous pouvons obtenir l'uniformité des marques de commerce, la fidélité absolue des marques de commerce et des images de bonne qualité dans l'espace réservé à la mise en garde en utilisant le simili deux tons. Il faut apporter des changements à la période de mise en vigueur, mais personne n'y perd à ce chapitre.

Il reste à régler certains problèmes liés à la taille et à la contrefaçon de la marque de commerce. Ne vous y trompez pas: ce changement mineur pose quand même certaines difficultés, mais c'est faisable grâce à un tout petit changement d'ordre technique.

M. Joe Jordan: Un des autres problèmes, toutefois, vient du fait qu'une marque utilise une couleur d'accompagnement en vue d'améliorer le graphique. Les images en simili deux tons ne sont pas mauvaises, mais elles peuvent être améliorées. Le problème vient de ce que cela variera selon la marque, car on est limité aux couleurs d'accompagnement qui sont utilisées.

Nous comptons sur la collaboration de Santé Canada. Si nous pouvons représenter la même marque de commerce en utilisant certaines couleurs fondamentales, la compagnie de tabac est-elle prête à nous apporter sa collaboration, ou pouvons-nous au moins en discuter?

M. Rob Parker: On m'a demandé de répondre à cette question par lettre, laquelle a été déposée auprès du comité, mais permettez-moi de reformuler de mémoire ce que j'y disais.

À ma connaissance, il n'est jamais arrivé que les compagnies de tabac soient obligées de changer leur marque de commerce, mais cela peut s'être fait à mon insu. C'est une activité concurrentielle, et les compagnies les protègent jalousement—de moi comme des autre participants—car je travaille pour leurs concurrents au même titre que pour elles.

Quant à savoir si les compagnies apporteront leur collaboration et modifieront les couleurs de leur marque de commerce, c'est en rapport avec ce que je viens à peine de dire, à savoir que si l'on apporte un simple changement aux images des messages de mise en garde, le problème disparaît de lui-même. Personne ne devra donner l'ordre aux compagnies de tabac de modifier les couleurs utilisées pour leur marque de commerce, ce qui entraînerait une bataille juridique énorme pour les raisons que j'ai décrites, et les messages seront là.

Ils ne peuvent pas être ajoutés aux marques dans un délai de six mois, de sorte qu'il y a un autre changement qui s'impose.

M. Joe Jordan: Très bien. J'ai une dernière brève question. L'industrie du tabac compte-t-elle soutenir que le fait de réduire de 50 p. 100 le symbole actuel de la marque de commerce constitue une violation de leurs droits d'auteur?

M. Rob Parker: C'est ce que je soutiens pour l'instant. Nous avons dit que cela constituait une violation de la marque de commerce—mesure qui est à la fois gratuite, inutile et injustifiée. S'il doit y avoir des poursuites judiciaires entamées contre ces règlements, la décision ne sera pas prise tant que le règlement ne sera pas pleinement en vigueur et, pour que nous sachions de quoi il retourne exactement, et les arguments seront défendus de toute évidence devant un tribunal, et non devant un comité.

Le président: Monsieur Parker, nous vous remercions de votre témoignage.

Je vais maintenant appeler à témoigner une personne qui est arrivée un peu en retard. Je crois savoir que l'avion a été retardé ou quelque chose de ce genre. Il s'agit de M. MacDonald, coordonnateur de programmes de la Fédération du travail de l'Ontario, puis nous entendrons les témoignages des représentants de Santé Canada.

On a distribué le mémoire de M. MacDonald, au nom de la Fédération. Au lieu de le lire, monsieur MacDonald, pourriez-vous nous en faire ressortir les points saillants?

Pendant que vous prenez place, je tiens à signaler pour le compte rendu que les documents fournis par Santé Canada sont disponibles dans les deux langues officielles.

M. Ménard a demandé Reporting Regulations: Rationale & Frequency of Reporting, et Mme Wasylycia-Leis a demandé Benefits and Costs of Tobacco Regulatory Proposals and Employment Impact ainsi que le budget de l'initiative visant à contrer l'usage du tabac. M. Ménard a aussi demandé Effectiveness of Health Warning and Health Information Messages, et ma demande se rapportait aux consultations avec les intéressés et sur un avis juridique. L'avis juridique n'est qu'en anglais; il sera fourni en français demain.

Merci.

• 1705

[Français]

Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: Monsieur le président, je crois que nous serons appelés à aller voter à 17 h 30. Je suis très désireux que nous ayons un échange avec M. MacDonald, ainsi qu'avec les fonctionnaires de Santé Canada.

Je voudrais que vous nous indiquiez la façon dont vous souhaitez que nous proposions des modifications supplémentaires au rapport. Si nous n'avons pas le temps d'entendre les témoins de Santé Canada avant la tenue du vote, devrons-nous revenir les entendre après le vote ou s'ils reviendront demain? Je veux absolument poser des questions à Santé Canada.

[Traduction]

Le président: J'espère que nous pourrons écouter M. MacDonald puis l'exposé de Santé Canada, du moins. Nous irons ensuite voter et nous reprendrons demain. J'aimerais terminer aujourd'hui, mais il semble que cela ne sera pas possible.

Vous avez beaucoup de questions? Oui, je vois.

M. Réal Ménard: Êtes-vous content?

Le président: Chaque fois que vous parlez, je suis ravi. Je trépigne d'allégresse.

M. Réal Ménard: Vous êtes vraiment un ami.

Le président: Bien.

C'est ainsi que nous procéderons. J'espère que nous aurons le temps d'écouter l'exposé de Santé Canada.

[Français]

M. Réal Ménard: Que nous proposez-vous au sujet des amendements au rapport?

[Traduction]

Le président: Vous dites?

[Français]

M. Réal Ménard: Est-ce que ceux qui souhaitent déposer des amendements au rapport pourront le faire lors de nos discussions de demain?

[Traduction]

Le président: Oui, et ils seront proposés. En théorie, je présume que nous pouvons les recevoir mais comme je l'ai dit au début, nous les considérerons uniquement comme des projets d'amendements.

Monsieur MacDonald.

M. Duncan J. MacDonald (coordonnateur de programmes, Fédération du travail de l'Ontario): Merci beaucoup pour cette occasion de comparaître devant le comité.

La Fédération du travail de l'Ontario est la plus importante fédération du Canada. Bon nombre de syndicats qui ont comparu devant le comité sont membres de notre fédération. Je crois que vous avez aussi entendu la Fédération du travail du Québec.

Il y a seulement deux choses dont je voudrais vous parler, rapidement. D'abord, il y a l'indifférence apparente du gouvernement à l'endroit des Canadiens qui se trouvent à travailler pour l'industrie du tabac. Ensuite, il y a le désir du gouvernement d'être perçu comme intervenant rapidement au sujet des conséquences du tabagisme pour la santé et l'absence de désir d'agir sur les conséquences pour la santé de l'environnement en milieu de travail, partout au Canada.

L'industrie du tabac et ses fournisseurs emploient des milliers de vaillants travailleurs canadiens, surtout en Ontario et au Québec. Leurs activités sont légales. Ils sont aussi des contribuables et des consommateurs et leur emploi leur permet de contribuer positivement à leur collectivité.

Nous avons entendu cette industrie exprimer sa préoccupation: elle se sent menacée, et elle l'est. En examinant ces règlements, nous vous demandons quelle sera l'incidence sur l'emploi de chacun de ces travailleurs et sur sa collectivité?

C'est sans doute une chose publique, mais j'ai vu la lettre adressée à Elaine Price, présidente de la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador, par le ministre, le 29 mars, je crois. Il y écrit:

    [...] les représentants syndicaux ont été avisés que Santé Canada ferait une analyse des coûts et des avantages comprenant une évaluation de l'effet de la réglementation sur l'emploi.

C'était l'une des préoccupations. On craignait que ces emplois, qui sont de bons emplois pour diverses collectivités, surtout en Ontario et au Québec, soient perdus ou disparaissent peu à peu.

Nous sommes donc préoccupés par l'étude de l'incidence sur l'emploi. Nous estimons que la voix des travailleurs de l'industrie n'est pas entendue et qu'elle devrait l'être.

On a parlé ici de toute la question de la transition. J'attire votre attention sur le document du Congrès du travail du Canada intitulé A Just Transition for Workers During Environmental Change. J'ai participé à ce processus, mis sur pied par les représentants de bon nombre de syndicats affiliés du Canada. Il a été adopté par le conseil exécutif du CTC en avril 1999.

Je ne dis pas que c'est applicable à l'industrie du tabac ou aux industries connexes, mais c'est le genre de modèle qu'il faut envisager. Il faut penser à l'incidence des changements sur les travailleurs et leur collectivité. C'est manifestement une chose qui nous préoccupe.

Une autre chose nous préoccupe et c'est toute la question de ce qui se passe en milieu de travail. Le lien entre l'environnement au travail et les maladies professionnelles ainsi que le cancer, n'a rien de nouveau. Dès 1775, un médecin britannique a vu le lien entre les cancers qu'il diagnostiquait chez des ramoneurs de Londres et leur exposition à la suie. D'après le Centre international de recherche sur le cancer, qui fait partie de l'Organisation mondiale de la santé, on a trouvé jusqu'ici 24 causes du cancer du poumon. Sur ce nombre, 23 résultent de procédés industriels. La fumée du tabac est la 24e.

• 1710

Ce que nous voulons dire au comité et au gouvernement, c'est qu'il fait bien d'agir pour ce qui est du tabac, mais que fait-il au sujet de la question plus large de l'environnement au travail? Nous estimons que c'est un problème majeur pour notre société et qu'il faut s'en occuper en toute lucidité, et non pas fermer un oeil ou se concentrer sur un seul problème, parce que c'est une cible plus facile.

Dans le reste de notre mémoire, nous parlons de toute la question de l'environnement au travail. Si les membres du comité ont des observations ou des questions, j'y répondrai volontiers. Nous avons présenté un très court résumé de notre mémoire, mais nous vous savons gré de cette occasion de comparaître devant le comité et de faire valoir notre point de vue, au nom de nos membres en Ontario qui travaillent pour l'industrie du tabac et les secteurs connexes.

Le président: Merci beaucoup, monsieur MacDonald. J'ai eu l'occasion de regarder rapidement votre mémoire. Il est très bon. Il fait partie de notre compte rendu.

À moins qu'il y ait des observations, nous passerons immédiatement à Santé Canada.

Merci beaucoup d'être venus. Je l'apprécie beaucoup.

Les gens de Santé Canada peuvent se présenter à la table.

Pendant le temps qui nous reste—la sonnerie retentira à 17 h 15, je crois, le vote étant à 17 h 30—j'aimerais entendre votre déclaration ou le résumé que vous présenterez, comme derniers témoins. Pour les membres du comité, je crois que nous nous réunirons demain. Si vous pouviez être présents, pour répondre à des questions, qui viendront, je suppose, nous pourrons continuer.

J'aimerais terminer cette étude demain, et adopter ces règlements, modifiés ou non. Les membres du comité sont-ils d'accord?

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Au cas où on n'aurait pas le temps d'avoir un échange avec les témoins, j'aimerais dire que parmi les documents qu'on nous a remis, il en manque un que nous avions demandé. Vous vous rappellerez que nous avions demandé jeudi dernier qu'on dépose un exemple des rapports que l'industrie devra désormais présenter, ainsi que des renseignements relatifs aux inventaires afin de répondre aux inquiétudes soulevées par les membres de l'Association canadienne des petits manufacturiers du tabac, dont j'ai ici le mémoire.

J'ai parcouru rapidement les documents que vous m'avez envoyés et je ne crois pas qu'on ait reçu des réponses à ces questions, non plus qu'une copie du rapport. Nous pourrions peut-être l'obtenir demain.

[Traduction]

Le président: Madame Meyboom, s'il vous plaît.

[Français]

Mme Jane Meyboom (directrice générale associée, Bureau de la lutte au tabagisme, ministère de la Santé): Monsieur le président, nous avons remis au greffier un sommaire des rapports qui seront exigés, ainsi qu'un sommaire des études envoyées par les petits fabricants.

M. Réal Ménard: Je ne vois pas ce rapport.

[Traduction]

Le président: Si vous le permettez, monsieur Ménard, nous pouvons régler cela après.

Est-ce que tous les membres du comité acceptent que nous terminions notre examen de ces règlements demain?

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Est-ce que nous les adopterons demain? Voulez-vous que le comité termine demain ses travaux sur le règlement?

[Traduction]

Le président: Modifiés ou non.

[Français]

M. Réal Ménard: Il est possible que je veuille déposer un amendement. Si vous me permettez de le déposer demain, nous serons prêts à finaliser le rapport demain sans problème.

[Traduction]

Le président: Non, très bien.

Monsieur Mills? Bien.

Monsieur Charbonneau?

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Bien sûr.

Le président: Merci beaucoup.

Pouvons-nous donc avoir un résumé de Santé Canada, comme conclusion?

Madame Lynch.

Mme Gillian Lynch (directrice générale, Bureau de lutte au tabagisme, ministère de la Santé): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Comme nous n'avons que peu de temps, j'abrégerai mon exposé, dont vous avez reçu copie.

[Français]

Je m'appelle Gillian Lynch et je suis la directrice générale du Bureau la de lutte au tabagisme. Je suis accompagnée de Mme Jane Meyboom, de M. Norman Brown, analyste principal de la politique, Groupe de tâches sur les règlements, et de Mme Karen Proud, agente de programmes à la réglementation.

[Traduction]

Lorsque nous avons témoigné la semaine dernière, nous vous avons exposé les raisons, du point de vue de la santé, pour lesquelles ces règlements sont proposés. Face à l'évidence de ces arguments, il est urgent d'aller de l'avant avec ces règlements. Pour bien situer l'importance de ce problème de santé dans un contexte où l'on peut tous se rattacher, depuis que les représentants de Santé Canada se sont présentés pour la première fois devant ce comité, la semaine dernière, 300 jeunes personnes, dont certaines n'avaient que 12 ans, ont fait l'essai de leur première cigarette et près de 900 adultes sont décédés des suites de maladies reliées à l'usage du tabac.

Ces règlements visent à sauver des vies de jeunes et de personnes âgées. Les règlements sur l'étiquetage veulent informer les gens pour qu'ils puissent être pleinement conscients des dangers de cette habitude.

Notre recherche nous dit que les fumeurs tendent à être moins bien informés que les non-fumeurs des dangers de la cigarette. Les nouvelles étiquettes résultant des règlements proposés font en sorte que de l'information exacte et courante sur les dangers pour la santé et l'aide disponible aux fumeurs soit facilement accessible.

• 1715

Les étiquettes en image sont universelles dans leur application. Les images parlent à tout le monde, jeunes, vieux, quelles que soient leur culture et leur langue. Elles renforcent les messages rédigés qui ont été efficaces durant les dernières années.

[Français]

Notre recherche démontre que nous pouvons nous attendre à ce que ces étiquettes et leurs messages soient efficaces. Nos études montrent que ces règlements résulteront, en étant conservateur, en une réduction de 3,4 p. 100 de l'usage du tabac sur une longue période. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'en 2001, nous aurons 48 décès de moins. Cela signifie aussi que vers l'an 2026, nous aurons 2087 décès de moins par année. On estime qu'à la suite de l'introduction de ces règlements, l'effet cumulatif de ces 26 années évitera environ 31 695 décès prématurés au Canada.

[Traduction]

Le nombre accru de jeunes fumeurs au Canada pose un sérieux défi. Il nous faut une stratégie bien ciblée pour décourager les jeunes de commencer à fumer, encourager les fumeurs adolescents actuels à cesser de le faire, et convaincre les autres de ne pas commencer. Lors de nos études et groupes de discussion, 80 p. 100 des jeunes ont estimé que certains de nos messages d'avertissement pour la santé avec des images graphiques étaient une façon plus efficace de faire connaître les sérieux risques pour la santé que pose l'usage du tabac que les messages d'avertissement écrits actuels.

Nous croyons avoir clairement démontré qu'il y a des façons pratiques et acceptables de concevoir les étiquettes demandées. Nous avons montré que les étiquettes peuvent être imprimées au Canada sans porter atteinte à la marque de commerce. Bien que le processus utilisé pour obtenir les images et l'identification du paquet serait différent des méthodologies actuelles, le consommateur ne pourrait faire de différence entre la marque de commerce et celle mise au point par les méthodologies précédentes.

Nous avons fourni les paquets avec les étiquettes produites par la méthode lithographique et nous avons appris que, s'ils ont la liberté de créer les couleurs requises sans recettes précises des fabricants de cigarettes, les imprimeurs canadiens estiment posséder la technologie pour concevoir les étiquettes polychromes et conserver l'impact visuel de la marque de commerce.

[Français]

De plus, si le fabricant de tabac désire retenir ses processus actuels de couleurs pour obtenir sa couleur de marque de commerce, Santé Canada est prêt à accepter que des étiquettes collantes soient appliquées, tel que l'exigent les règlements. C'est pourquoi le fabricant a le choix d'imprimer les étiquettes sur les paquets ici, au Canada, de se servir de collants ou de faire affaire ailleurs pour leur impression.

Nous croyons que nous avons déjà démontré que l'impression des messages de santé sur le paquet peut se faire dans un délai de temps raisonnable et à un coût raisonnable, en minimisant les inconvénients économiques pour l'industrie, sans empiéter sur les couleurs des marques de commerce de l'industrie, et en minimisant les pertes d'emploi au Canada.

[Traduction]

Les règlements sur les rapports sont un important élément de la stratégie globale de lutte au tabagisme. Ces rapports remplissent trois tâches importantes: d'abord, ils informent les responsables des politiques publiques. Comme les étiquettes sont importantes pour informer le consommateur et le public, les règlements sur les rapports informent ceux qui élaborent les politiques.

Deuxièmement, les rapports ont produit de l'information scientifique sur le produit et le contenu des ingrédients. Par exemple, nous avons demandé les procédures de fabrication. Ces renseignements sont nécessaires pour déterminer la composition du produit et pour mieux comprendre l'industrie du tabac. Le fait de demander les ingrédients sur une base trimestrielle aidera Santé Canada à suivre les tendances de la consommation du tabac.

[Français]

Les rapports assureront que toute déclaration du fabricant quant à l'amélioration des produits sera clairement prouvée. L'inventaire de l'information permettra à Santé Canada de connaître tôt le plan de production, ce qui lui donnera une bonne idée des tendances de la production et de la marque de commerce.

[Traduction]

Troisièmement, les règlements sur les rapports fournissent des renseignements très importants sur la mise en marché afin de mieux informer et cibler la programmation en santé dans les domaines de la prévention et de l'abandon. Les rapports sur les ventes aideront Santé Canada à suivre les tendances de la consommation en général ainsi que les tendances à travers le Canada, lesquelles peuvent servir à appuyer notre propre recherche puisque les consommateurs des produits du tabac sous-estiment souvent leur consommation.

• 1720

Cette information est importante pour centrer les efforts d'abandon, de prévention et d'éducation du public, sur les groupes les plus appropriés. Cela augmentera la valeur du programme et fera en sorte que les deniers publics soient dépensés de façon plus efficace. Nous en obtiendrons plus pour notre argent.

Nous croyons que les propositions qui en résultent se situent dans les limites du raisonnable. L'industrie devra faire des ajustements à court terme, lesquels nécessiteront des changements techniques pour les imprimeurs. Toutefois, nous pensons que ces changements peuvent être gérés et nous avons fourni des options afin de réduire au minimum les perturbations et de s'assurer que l'industrie puisse rester au Canada. Ces conséquences pour l'industrie doivent être envisagées en tenant compte de l'avantage pour la santé et le bien-être du public canadien.

Si l'on n'adopte pas ces règlements, au cours des 26 prochaines années, plus de 31 000 Canadiens mourront inutilement des suites de l'usage du tabac; 31 000 décès qui auraient pu être évités grâce à ces règlements. Chaque vie perdue à cause de l'usage du tabac parce qu'on n'a pas agi, est une vie de perdue de trop.

Merci de nous avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui et d'étudier ces règlements très importants et essentiels.

Le président: Merci beaucoup, madame Lynch.

Vous êtes aussi accompagnée de M. Gregory Taylor, assis près de vous.

J'aimerais que la procédure soit claire: demain, nous nous rencontrons à 12 h 30, puis nous reprendrons là où nous nous sommes arrêtés ici, en commençant par les questions. Ensuite, nous examinerons ces règlements et nous ferons rapport à la Chambre.

La séance est levée.