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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 11 avril 2000

• 1109

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Bienvenue à tous.

Comme chacun le sait, il sera question aujourd'hui du projet de loi C-22, Loi visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité, constituant le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

Pour ceux qui comparaissent devant le comité pour la première fois, je précise que les témoins ont entre cinq et sept minutes pour faire leur exposé, après quoi nous passerons une période de questions. Nous ferons aujourd'hui un tour de dix minutes, ce qui signifie que chacun disposera de dix minutes pour poser des questions.

• 1110

Nous recevons des représentants des associations suivantes: la Centrale des caisses de crédit du Canada, l'Association des comptables généraux agréés du Canada, l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes ainsi que le Centre pour la défense de l'intérêt public.

Nous allons commencer par la Centrale des caisses de crédit du Canada, représentée par M. Brian Topp, vice-président aux Affaires gouvernementales. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Brian Topp (vice-président, Affaires gouvernementales, Centrale des caisses de crédit du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi d'être ici. Je vous remercie de nous avoir invités.

Mon exposé liminaire sera bref. La Centrale des caisses de crédit du Canada représente les caisses de crédit de tout le pays, sauf du Québec. Notre association gère des actifs de 56 milliards de dollars, et nous comptons 4,3 millions de membres. Notre homologue au Québec, l'Association des caisses populaires, gère un actif de 76 milliards de dollars et compte plus de 6 millions de membres. Cela vous intéressera peut-être d'apprendre, monsieur le président, qu'en Occident c'est au Canada que se trouve le plus grand nombre de coopératives de crédit par habitant. Un Canadien sur trois fait affaire avec une caisse de crédit ou une caisse populaire.

Dans la même veine, sachez également, monsieur le président, que le réseau des caisses de crédit est le principal ou l'un des trois principaux prêteurs aux entreprises dans toutes les provinces de l'Ouest du pays et que notre équivalent au Québec est le principal prêteur aux entreprises dans cette province.

Les caisses de crédit, monsieur le président, ne veulent nullement être mêlées aux infractions de recyclage des produits de la criminalité. Nous appuyons l'objet du projet de loi. Nous avons signé il y a longtemps un accord d'observance avec la GRC. Les caisses de crédit se sont employées à observer le projet de loi C-61, adopté en 1989, nous avons fait de même pour le projet de loi C-9, adopté en 1991, et nous essaierons d'en faire autant, le mieux possible, dans le cas du projet de loi C-22.

Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour évoquer certains problèmes opérationnels pour faire en sorte que la nouvelle formule soit efficace pour le gouvernement, la justice et nous-mêmes.

Je signalerai d'abord que les articles 7 et 9 décrivent à très grands traits—tout le texte est écrit à très grands traits, comme les membres du comité le savent sans doute—les documents à produire. Il faut se reporter au document de consultation pour comprendre là où le gouvernement veut en venir. Il se dégage clairement du document de consultation relatif au règlement que le gouvernement veut recevoir des établissements de dépôt un rapport pour toutes les opérations en espèces d'au moins 10 000 $ et tous les virements télégraphiques d'au moins 25 000 $. Il s'agit là d'un très large filet, monsieur le président. En vertu du projet de loi, toutes ces transactions devront faire l'objet d'un rapport, ce qui est très différent de la situation actuelle.

Si l'on se fie à la lettre du texte, cela pourrait frapper des opérations qui n'ont rien à voir avec le blanchiment de l'argent. Par exemple, les dépôts en espèces des magasins de grande surface, le magasin Wal-Mart du voisinage, les dépôts en espèces des restaurants à clientèle élevée, le dépôt en espèces de l'agriculteur qui vient de vendre sa récolte, le restaurant, le bar ou le détaillant qui a fait des affaires en or, peut-être aussi la collecte de fonds d'une église, autant d'opérations en espèces qui, si l'on interprète au pied de la lettre le règlement, seraient visées.

Monsieur le président, certains diront que cela ne sera pas un problème pour le gouvernement fédéral, qui compte investir des sommes considérables dans le CAODFC, le service qui analysera ces opérations. On me dit que le centre pourra suivre 100 millions d'opérations par année, ce qui est rassurant, puisque cela nous dit qu'il pourra traiter tous ces rapports. Malheureusement, personne n'achètera un nouvel ordinateur à la caisse de crédit de Sturgis, en Saskatchewan. Nous craignons pour cette raison que les caisses de crédit ne doivent signaler quantité d'opérations qui n'ont de toute évidence rien à voir avec le blanchiment d'argent.

Il serait donc bon que le comité recommande au gouvernement de soustraire certains cas évidents à l'obligation de faire des déclarations imposée par le projet de loi et le projet de règlement ou d'envisager un mécanisme permettant aux sociétaires qui font des dépôts réguliers ou prévisibles de faire une seule déclaration indiquant le nombre de dépôts à venir. Cela réduirait le nombre de déclarations à faire.

Deuxièmement, j'aimerais attirer votre attention sur l'article 97, amendement corrélatif du projet de loi C-6, qui améliore la protection des renseignements personnels et dont le Parlement est actuellement saisi. Il s'agit d'un amendement nécessaire, sans quoi il y aurait un conflit évident entre la protection vigoureuse des renseignements personnels dans le projet de loi C-6 et les exigences de divulgation du projet de loi C-22, comme je viens de le dire. Grâce à cet amendement, les établissements constitués sous le régime de la loi fédérale sont protégés. Le projet de loi C-6, qui vise nos collègues des banques... qui seront protégés grâce à cet amendement. Je vous signale toutefois que les caisses de crédit et les caisses populaires tombent sous le régime provincial. À cause du projet de loi C-6, toutes les provinces devront adopter des lois comparables dans les trois prochaines années. Si une exemption ou un amendement du même genre ne figure pas dans les lois provinciales, il risque d'y avoir conflit entre la Loi sur la protection des renseignements personnels et le projet de loi C-22.

• 1115

Pour éviter que les tribunaux ne soient saisis de cette question, il serait bon que le comité exhorte le gouvernement à coordonner soigneusement son action avec celle des provinces pour s'assurer que les lois provinciales de protection des renseignements... Par exemple, la loi sur la protection des renseignements personnels est très stricte au Québec, et il y aura obligatoirement une loi dans toutes les provinces d'ici trois ans. Il n'y a aucune contradiction entre ce régime et le projet de loi C-22, de sorte que l'on n'aboutit pas à un conflit entre les lois provinciales et ce projet de loi.

Troisièmement, le projet de loi C-22 tend un très large filet, et ce n'est pas le seul projet de loi à procéder ainsi. Par exemple—ce n'est pas un reproche, mais j'attire votre attention sur les effets opérationnels—Industrie Canada tient actuellement des consultations en vue d'accroître considérablement la quantité de détails que devront déclarer les établissements financiers à propos des prêts aux petites entreprises.

Lorsque l'on fait le total de la paperasserie que va imposer ce projet de loi, des documents à tenir, et de certaines autres conséquences de la réforme des établissements financiers qui se prépare, on va se retrouver à la fin de la session avec une augmentation importante des rapports à adresser au gouvernement fédéral. Comme notre réseau est très décentralisé, cette obligation tombera directement sur les caisses de crédit, dont certaines sont très petites.

Il serait donc bon que le comité recommande qu'un grand effort soit mis pour faire en sorte que les déclarations soient aussi simples et peu coûteuses que possible. De préférence, il faudrait que les déclarations puissent se faire à l'aide de nos ordinateurs actuels, sans avoir à faire de gros investissements ou à tout refaire. L'idéal serait d'avoir un lien Internet simple. Ce ne serait pas une mauvaise idée si le comité exhortait les autres ministères à adopter cette formule simple pour alléger le fardeau, qui est déjà lourd.

Comme le temps presse, je ferai simplement allusion à quelques questions opérationnelles que je considère comme intéressantes et qui mériteront d'être abordées soigneusement avec le ministère lors de l'élaboration du règlement.

Par exemple, j'attire votre attention sur l'article 6 du projet de loi, qui prévoit de façon très générale la tenue de documents qui incombera aux institutions financières, et nous en apprenons d'ailleurs un peu plus à propos de ce que le gouvernement a en tête.

Dans la brochure de consultation, nous constatons, par exemple, à la page 10, une exigence selon laquelle chaque fois que quelqu'un dépose 10 000 $ ou plus en espèces, cette personne doit signer une déclaration. Monsieur le président, ce sera impossible si le dépôt est fait à un guichet automatique. Il y a donc certains aspects opérationnels dont il faudra s'occuper de façon détaillée au niveau de la mise en oeuvre.

Pour résumer, le projet de loi est d'une portée très générale, sans que cela soit forcément nécessaire, en ce qui concerne le genre de transactions qui devront être rapportées. Je pense que cela pourrait être administré de façon assez raisonnable en établissant une bonne liste d'exemptions ou en envisageant l'établissement d'un rapport ponctuel, auquel j'ai fait allusion.

Ce projet de loi risque aussi d'être incompatible avec les lois provinciales actuelles et futures sur la protection de la vie privée, et nous pressons le gouvernement de prendre des mesures pour prévenir ce genre de conflit. Il s'agit d'un aspect des nouvelles dispositions importantes en matière de déclaration qui à mon avis doit faire l'objet d'une étude attentive sur le plan opérationnel afin de s'assurer que ces dispositions ne soient pas trop écrasantes, surtout pour une petite caisse de crédit. N'oubliez pas les bonnes gens de Sturgis, en Saskatchewan, et tâchez de faire en sorte que ces exigences en matière de déclaration ne deviennent pas un trop lourd fardeau.

Enfin, il y a de toute évidence certains aspects opérationnels, comme la question du guichet automatique, que je vous ai signalés, auxquels nous allons devoir travailler avec la collaboration du gouvernement une fois que ce projet de loi sera en vigueur.

Autrement, il s'agit d'un bon projet de loi.

Le président: C'est encourageant. Je vous remercie, monsieur Topp.

Nous allons maintenant passer à l'Association des comptables généraux agréés du Canada, représentée par Everett Colby, Dawn McGeachy et Mark Boudreau. Nous vous souhaitons la bienvenue.

Monsieur Boudreau.

M. Mark Boudreau (vice-président, Relations publiques et gouvernementales, Association des comptables généraux agréés du Canada): Je vous remercie, monsieur le président.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui. Je suis accompagné de Dawn McGeachy, de notre département des affaires professionnelles, qui est comptable agréé accrédité et membre associé du Credit Union Institute of Canada; et d'Everett Colby, de Colby and Associates. Il est également un comptable accrédité en matière de litiges et un examinateur certifié en matière de fraudes.

• 1120

Très brièvement, l'Association des comptables généraux agréés du Canada est un important organisme professionnel canadien, respecté et autoréglementé qui assure la formation, l'accréditation et le perfectionnement professionnels de plus de 60 000 comptables généraux agréés et étudiants dans chaque région du pays.

Nous allons tâcher, monsieur le président, de ne pas prendre plus de cinq minutes pour présenter notre exposé. Je sais que les membres du comité ont un exemplaire de notre mémoire, et j'en ai apporté des exemplaires supplémentaires, au besoin.

Je céderai la parole à M. Colby.

M. Everett Colby (ECMF, North American Forensics Accountants; propriétaire, Colby et associés): Je vous remercie, monsieur le président.

Nous sommes heureux de vous informer qu'en principe notre association appuie les initiatives que renferme le projet de loi C-22 sur le recyclage des produits de la criminalité. Cependant, j'aimerais aborder trois préoccupations en particulier que suscite ce projet de loi au sein de notre association.

Nous reconnaissons que le recyclage financier des produits de la criminalité et le mouvement transfrontière des produits de la criminalité deviennent de plus en plus difficiles à empêcher et à détecter et que les moyens traditionnels permettant d'enquêter sur ce genre d'activités s'avèrent moins efficaces. Les propositions mettront à la disposition des organismes d'application de la loi au Canada les outils dont ils ont besoin et leur donneront accès aux données précieuses qu'autrement ils ne pourraient peut-être pas obtenir.

Tout d'abord, nous recommandons que soit révisée la formulation ambiguë de l'article 7, à la partie I, concernant les opérations à déclarer afin que cette disposition traduise de façon plus adéquate la véritable intention prévue, exprimée lors des discussions préliminaires que nous avons tenues, à savoir qu'elle s'appliquerait à un professionnel qui s'occupe de transactions monétaires et qui participe effectivement à la transaction.

D'après notre analyse de la documentation relative à ce projet de loi et du document de consultation, ce projet de loi semble laisser croire, à tort, que des entités et des particuliers qui agissent à titre d'intermédiaires financiers, comme des avocats et des comptables, seront tenus de déclarer toutes les transactions financières à l'égard desquelles il y a des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles sont liées à la perpétration d'une infraction de recyclage des produits de la criminalité, simplement parce qu'ils sont au courant de l'information.

Le document de consultation se lit comme suit: l'article 7 exige que chaque personne ou entité assujettie à la partie 1 déclare au centre toute opération financière à l'égard de laquelle il y a des motifs raisonnables de soupçonner qu'elle est liée à la perpétration d'une infraction de recyclage des produits de la criminalité.

Par conséquent, le libellé actuel semble indiquer qu'un professionnel, dans le cadre de ses activités—par exemple lors de la préparation d'états financiers—pourrait être responsable de préparer une déclaration, plutôt, comme on nous l'a expliqué lors de notre consultation avec le groupe de travail, que ceux qui participent effectivement au mouvement de l'argent d'un lieu à un autre. Il ne s'agit pas simplement du fait d'être associé à cette information.

Deuxièmement, nous sommes préoccupés par la réception et la gestion de l'information qui sera fournie au centre. Le projet de loi ne prévoit pas l'établissement de règlements concernant des critères permettant de déterminer ce qui constitue des motifs raisonnables de soupçonner le recyclage des produits de la criminalité. Plutôt, le document de consultation énonce que le centre élaborera des lignes directrices afin d'aider les entités chargées de faire une déclaration à déterminer les caractéristiques et les circonstances permettant d'établir l'existence d'un doute raisonnable. De plus, le document indique que l'information que renfermeront ces déclarations et les moyens par lesquels elles seront transmises au centre seront aussi prescrits par voie de règlement.

Comme cela laisse de nombreuses inconnues, nous avons l'impression que l'on concevra quelque chose maintenant qui sera ensuite imposé et que nous devrons accepter les yeux fermés que ce système de déclaration sera un processus efficace et rentable. Nous aimerions que le rôle du centre soit plus clairement défini et que des renseignements exhaustifs soient fournis au public canadien concernant la responsabilité du centre.

Bien que l'article 55 du projet de loi indique les circonstances dans lesquelles il est interdit au centre de communiquer les renseignements, nous ne croyons pas que le centre soit à l'abri de poursuites si l'information qu'il fournit aux organismes d'application de la loi ou à d'autres instances s'avère erronée ou diffamatoire.

De plus, bien que nous convenions qu'il devrait être autorisé à fournir de l'information aux organismes d'exécution de la loi, nous constatons avec inquiétude que le centre est aussi autorisé à communiquer ces renseignements à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, au Service canadien du renseignement de sécurité et au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

• 1125

Le paragraphe 55(3) prévoit que le centre doit d'abord déterminer s'il a des motifs raisonnables de soupçonner que les renseignements seraient utiles aux fins d'enquête ou de poursuite d'une infraction de recyclage des produits de la criminalité avant que ces renseignements soient communiqués à ces autres instances. Cependant, le projet de loi n'énonce pas en quoi consistent les motifs raisonnables de soupçonner que ces renseignements seraient utiles.

Cela fait songer à l'exploration en profondeur de données, et les mécanismes proposés pour la communication des renseignements paraissent faibles à ce stade-ci. Il n'existe aucune disposition prévoyant l'examen par un tiers des décisions avant la communication des renseignements. Nous espérons qu'une fois que des règlements seront élaborés, ils seront acceptables pour le public.

Pour notre association, l'article 62 représente l'aspect le plus inquiétant du projet de loi. Cette disposition accorde aux représentants du centre le pouvoir de pénétrer dans le bureau d'un professionnel et d'y saisir des documents sans être contraint à une procédure établie. Nous considérons cet aspect de la proposition extrêmement importun. À cet égard, il y a lieu de se demander si la loi envisagée n'est pas contraire à l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui établit le droit de chacun de ne pas être soumis à des perquisitions, des fouilles ou des saisies abusives.

Bien que les créateurs du centre semblent s'être donné un certain mal pour s'assurer de maintenir la perception de la protection de la vie privée, une perquisition sans mandat du bureau d'un professionnel semble enfreindre ce même principe de protection de la vie privée. Le public s'attend à ce qu'un comptable soit lié par le secret professionnel, tout comme l'avocat. Bien qu'il n'en soit pas ainsi, il est raisonnable de penser que le dossier d'un client ne doit pas être librement accessible à des tiers, et que par conséquent il est naturel d'exiger que soit obligatoire la présentation d'un mandat avant la visite.

Au nom de l'Association des comptables généraux agréés du Canada, je tiens à vous remercier de nous avoir accordé de votre temps. Pour plus de précisions sur la position de notre association, veuillez consulter nos mémoires. Je vous remercie.

Le président: Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes, M. Frank Zinatelli, avocat général associé, et M. David McKee, avocat général associé de Clarica Life Insurance.

Me Frank Zinatelli (avocat général associé, Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes): Je vous remercie, monsieur le président.

Notre association est l'association nationale des compagnies d'assurance de personnes qui représente plus de 80 compagnies membres et constitue plus de 90 p. 100 de l'industrie de l'assurance de personnes au Canada.

Je suis accompagné aujourd'hui de Dave McKee, avocat général associé de la Compagnie d'assurance Clarica Life, qui est aussi président du groupe de travail de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes chargé de la réglementation sur le blanchiment de fonds.

L'industrie de l'assurance de personnes a déjà comparu à plusieurs reprises devant votre comité ces dernières années, et nous sommes heureux d'avoir ainsi l'occasion de discuter de questions importantes concernant le secteur des services financiers. C'est dans un esprit de coopération que nous offrons aujourd'hui nos réflexions et nos observations sur le projet de loi C-22 et les amendements proposés aux dispositions relatives au blanchiment d'argent qu'il renferme.

Je tiens à indiquer qu'au cours de l'examen de ces propositions mes collègues de l'industrie et moi resterons à votre disposition pour continuer à contribuer aux travaux de votre comité sur ces questions de la façon que vous jugerez la plus utile.

Très brièvement, j'aimerais indiquer que l'industrie appuie de façon générale les propositions que renferme le projet de loi C-22, et nous appuyons la nécessité d'un régime solide qui permettra aux organismes d'exécution de la loi de combattre le blanchiment d'argent. J'aimerais toutefois signaler que nous avons certaines recommandations concernant l'application de la loi.

Plus précisément, nous constatons que de la façon dont elle est libellée, la loi ne vise pas les agents ou les courtiers d'assurance indépendants, soit les intermédiaires des services financiers. Il en résulte que, bien que les compagnies d'assurance-vie et leurs employés soient expressément tenus à certains obligations en vertu de la loi—par exemple, d'obtenir les dossiers du client, de vérifier l'identité d'un client, de faire des déclarations concernant des transactions suspectes—les intermédiaires indépendants n'ont pas ces obligations. En fait, ce sont ces intermédiaires qui seront les plus directement au courant et peut-être les seuls à posséder cette information, des faits permettant d'établir l'existence de motifs raisonnables de soupçonner qu'il y a blanchiment d'argent. Nous avons soulevé cette question auprès des responsables chargés de préparer le projet de loi, et nous les avons pressés de consulter les intermédiaires indépendants à cet égard.

J'aimerais maintenant demander à mon collègue, Dave McKee, de vous indiquer certaines des mesures prises par l'industrie pour combattre le blanchiment de fonds et de commenter certaines des questions soulevées dans le document de consultation de décembre 1999 concernant les révisions proposées aux dispositions concernant le blanchiment d'argent.

Me David McKee (avocat général associé, Clarica Life Insurance; Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes): Je vous remercie, Frank.

• 1130

Pour commencer, monsieur le président, j'aimerais indiquer que les compagnies d'assurance-vie considèrent que le respect du règlement sur le recyclage des produits de la criminalité est un aspect essentiel du cadre visant à instaurer la conformité dans l'ensemble de la compagnie. Laissez-moi d'abord vous donner deux exemples de mesures prises dans l'ensemble de l'industrie pour combattre le blanchiment de fonds.

Tout d'abord, pour sensibiliser davantage les assureurs de personnes aux règlements sur le blanchiment de fonds, il y a quelques années notre association a publié un guide rédigé en langage clair. On y indique comment repérer une opération suspecte, et, de façon plus générale, comment les assureurs doivent se conformer aux règlements sur le recyclage des produits de la criminalité. Ce guide renferme aussi des renseignements pratiques à l'intention des assureurs de personnes. Ces lignes directrices ont été mises à jour en janvier 1999. Pour votre information, nous en avons remis des exemplaires, en français et en anglais, à la greffière du comité.

Deuxièmement, l'industrie de l'assurance de personnes a élaboré des lignes directrices qu'elle a adoptées officiellement en 1998 pour vérifier la fiabilité des assureurs de personnes et pour faire rapport au sujet de cette fiabilité. Ces lignes directrices nationales exigent, entre autres, qu'un assureur signale aux instances de réglementation provinciales pertinentes en matière d'assurance les agents d'assurance-vie et les autres intermédiaires d'assurance-vie si l'assureur, à la suite d'une enquête de la compagnie, a des preuves à l'appui d'une allégation de blanchiment d'argent. Ici encore, nous avons fourni au comité des exemplaires de ces lignes directrices en français et en anglais.

En ce qui concerne les propositions de nouveaux règlements décrits dans le document de consultation, élaborées en vue de la mise en oeuvre des nouvelles exigences de déclaration prévues dans le projet de loi, les compagnies d'assurance de personnes travaillent de concert avec des représentants publics à faire en sorte que ces propositions soient à la fois réalisables et appropriées.

Nous avons émis quelques réserves d'ordre technique au sujet des règlements proposés. Plus que tout, nous voulons nous assurer que, dans la mesure du possible, les nouveaux règlements ne perturbent pas les pratiques commerciales normales des compagnies d'assurance de personnes. Ainsi, les nouveaux règlements ne devraient pas s'appliquer aux produits d'assurance de personnes où le risque de blanchiment d'argent est minimal; c'est le cas de l'assurance collective et de l'assurance-maladie.

Autre exemple: les nouveaux règlements régissant le contrôle de l'identité du titulaire d'un compte, notamment s'il s'agit d'une entreprise, ne devraient pas handicaper excessivement les petits entrepreneurs, pour qui l'accès aux dossiers officiels de l'entreprise n'est pas facile.

Nous nous réjouissons à la perspective de poursuivre les consultations avec les représentants publics sur ces questions.

Je vous remercie, monsieur le président. Voilà qui termine notre déclaration préliminaire, et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

Le dernier exposé sera fait par Mme Philippa Lawson, conseillère juridique pour le Centre pour la défense de l'intérêt public. Bienvenue.

Mme Philippa Lawson (conseillère juridique, Centre pour la défense de l'intérêt public): Je vous remercie.

Je représente donc le Centre pour la défense de l'intérêt public. Tout d'abord, je voudrais vous parler un petit peu de notre centre. Né il y a 24 ans, notre centre est un organisme à but non lucratif qui représente les intérêts des consommateurs, notamment en ce qui a trait à la réglementation des services publics et des services de base, y compris les services financiers. Au cours des dix dernières années, nous avons accordé une importance grandissante aux questions se rapportant à la protection des renseignements personnels des consommateurs, et c'est dans ce contexte que nous comparaissons devant vous aujourd'hui.

Je voudrais commencer par vous féliciter, vous et les autres députés, d'avoir adopté le projet de loi C-6, qui établit, à notre avis, un ensemble de règles qui étaient plus que nécessaires pour permettre aux consommateurs d'avoir leur mot à dire sur les renseignements personnels qui circulent dans le secteur privé.

Je ne parlerai pas de l'importance de la protection des renseignements personnels, mais je me contenterai de vous dire que le droit à la protection de ces renseignements a été reconnu par la Cour suprême du Canada comme étant essentiel à la dignité, à l'autonomie et à la liberté individuelles, et à l'exercice des droits démocratiques.

Aujourd'hui, vous êtes saisis d'un projet de loi qui minera considérablement la protection des renseignements personnels des consommateurs, la protection de la vie privée des particuliers, afin de réaliser son objectif, qui est d'assurer une meilleure détection, dissuasion et répression du crime organisé. Cet exemple classique illustre le conflit entre l'application efficace de la loi, d'une part, et la protection des renseignements personnels, d'autre part. Les deux intérêts vont dans le sens de l'intérêt de la société en général; votre tâche consiste à faire en sorte que tout sacrifice de la protection des renseignements personnels exigé par le projet de loi C-22 soit tout à fait justifié.

Permettez-moi de vous illustrer quelques-unes des façons dont la vie des Canadiens ordinaires sera touchée par ce projet de loi.

La déclaration des opérations financières étant obligatoire et toute négligence de le faire étant passible de pénalités substantielles, on peut s'attendre à ce que les organisations pêchent par excès de déclaration. Cette probabilité est accrue, voire renforcée, par la disposition du projet de loi qui enlève à tout individu le droit de chercher un recours juridique dans l'éventualité où la déclaration des opérations financières n'est pas nécessaire et cause un dommage, pour autant que cette déclaration a été faite de bonne foi.

• 1135

D'énormes quantités de renseignements financiers confidentiels sur les Canadiens, inutiles pour la plupart, seront mises à la disposition de ce nouvel organisme. Étant donné que l'on demande aux organisations de prendre des décisions subjectives quant à la nature suspecte de certaines transactions, il y a lieu de s'inquiéter de toute la latitude dont disposeront les organisations pour faire des enquêtes sur des particuliers, ce qui ne sera pas toujours nécessaire et pourra causer des dommages. De plus, compte tenu du fait que l'essentiel de la collecte, de l'utilisation et de la divulgation de renseignements personnels par le nouveau centre se feront de façon secrète, des personnes innocentes ne seront tout simplement pas mises au courant des enquêtes que l'on effectuera sur elles et dont l'origine sera peut-être une information erronée ou trompeuse, jusqu'à ce qu'il soit trop tard ou que le dommage ait été fait.

En bref, ce projet de loi établira un régime de violation systématique des renseignements personnels au nom d'une meilleure application de la loi.

La première question que vous devez donc vous poser est la suivante: le sacrifice de la protection des renseignements personnels est-il justifié dans une société libre et démocratique? Le blanchiment de l'argent est-il un problème aussi grave que cela? Les outils dont nous disposons actuellement sont-ils vraiment insuffisants? Cela bénéficiera-t-il aux Canadiens?

Si, après avoir entendu tous les témoignages, vous deviez décider que nous avons effectivement besoin d'un régime de déclaration obligatoire qui va dans le sens du projet de loi C-22, il faudrait alors que vous fassiez en sorte qu'un tel régime invalide le moins possible la protection des renseignements personnels.

À ce chapitre, je reconnais que le projet de loi C-22 prévoit de nombreuses mesures de protection visant à limiter le nombre d'atteintes à la vie privée qui seraient autorisées en vertu du nouveau régime. Si vous devez décider que le projet de loi est nécessaire, voici quelques principes auxquels nous souscrivons: la mise sur pied d'un centre autonome et indépendant du gouvernement chargé de recueillir et d'analyser des renseignements; la nécessité pour les agents de police d'obtenir des mandats de perquisition avant d'avoir accès exclusivement aux renseignements les plus généraux concernant les transactions suspectes; l'utilisation et la divulgation de renseignements par le nouvel organisme ne devraient être autorisées qu'à des fins prévues par la loi; la divulgation abusive de renseignements par le nouvel organisme devrait être une infraction punissable; et le nouvel organisme devrait, évidemment, relever du commissaire à la protection de la vie privée. Ce sont là des principes louables.

Toutefois, nous craignons que les règlements ne soient utilisés pour élargir la portée des atteintes à la vie privée qui seraient autorisées par ce projet de loi. Il reste bien des choses qu'il faudra déterminer dans le cadre de règlements, et, comme c'est souvent le cas, c'est quand on arrive aux détails que les choses se compliquent.

En outre, nous demeurons préoccupés par la question de la reddition de comptes au sein du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le nouveau centre responsable de la protection des données. Nous ne savons toujours pas si les responsables du centre seront sensibles à la question de la protection des renseignements personnels, et nous sommes inquiets du fait que le public ne semble pas être au courant de ce nouveau régime. Les Canadiens sauront-ils ce que l'on fait, notamment dans les coulisses, de leurs renseignements personnels?

Par conséquent, nous recommandons—et j'aurais sept points brefs à vous proposer—que le projet de loi exige que le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada désigne une personne en son sein, notamment un agent chargé de la protection des renseignements personnels, qui aurait comme responsabilité de veiller à ce que la collecte, l'utilisation et la divulgation de renseignements personnels par le centre soient réduites au minimum, selon les besoins.

Nous recommandons que le Centre fasse de la sensibilité aux questions relatives à la protection des renseignements personnels l'une des qualités recherchées au moment de l'embauche du personnel.

Nous recommandons que l'on établisse un mécanisme pour faire en sorte que les responsables du centre, ainsi que les responsables des déclarations financières dans le secteur privé—les entités visées par l'article 5—soient bien sensibilisés à l'importance de réduire au minimum la collecte, l'utilisation et la divulgation de renseignements personnels pour se conformer aux exigences de la loi.

Nous recommandons que le gouvernement prenne des mesures et alloue les ressources nécessaires pour faire en sorte que la population soit mise au courant de l'existence de ce régime, notamment en élaborant pour elle des brochures et du matériel d'information et en les distribuant aux entités visées par l'article 5, par exemple.

Nous recommandons que l'on encourage les entités visées par l'article 5—à moins que l'on n'en fasse une exigence—à mettre des autocollants sur leurs fenêtres pour indiquer qu'elles sont des entités responsables de la déclaration financière conformément à la loi, en s'inspirant, peut-être, du modèle de la Société d'assurance-dépôts du Canada.

Nous recommandons que l'examen par un comité parlementaire dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur de l'article 72 du projet de loi soit une exigence permanente, c'est-à-dire que l'on exige un examen tous les cinq ans, comme le prévoit actuellement le projet de loi C-6.

• 1140

Dernière recommandation: que l'on poursuive les audiences publiques comme on l'a fait jusqu'à présent relativement à l'élaboration de ce projet de loi et des règlements qui en découlent.

Merci beaucoup de votre attention.

Le président: Je vous remercie, madame Lawson.

Nous allons maintenant passer à la période des questions; nous aurons des tours de dix minutes. Nous commencerons par M. Abbott, puis ce sera à M. Loubier.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Merci beaucoup.

Je vous souhaite la bienvenue à tous. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous avez pris pour venir nous faire part de vos idées et de votre savoir-faire. Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser, puisque vos exposés se passent de toute explication.

Cela dit, j'aurais un défi sympa à lancer à M. Topp—et je suis sincère quand je dis que c'est un défi sympa. Vous avez donné l'exemple de la limite de 10 000 $ dans le cas des dépôts aux guichets automatiques. Peut-être que nous n'en sommes pas conscients, mais il me semble qu'il serait très inhabituel de déposer 10 000 $ ou plus à un guichet automatique. En fait, si une personne déposait régulièrement un tel montant à un guichet automatique, étant donné que c'est quelque chose d'inhabituel, un tel dépôt serait suspect en soi. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Brian Topp: Vous avez tout à fait raison. Si quelqu'un déposait 10 000 $ dans un guichet automatique, surtout si c'était en beaux billets de 1 000 $, aujourd'hui retirés de la circulation, cela risquerait d'éveiller les soupçons et serait probablement signalé comme transaction suspecte. Sauf votre respect, ce n'est toutefois pas le problème que je signalais. J'indiquais simplement qu'en vertu du règlement à propos de la sécurité exigée relativement aux dispositions sur la tenue et la conservation de documents prévues par la loi, un tel dépôt serait accompagné d'une signature de la personne. Je signalais simplement qu'il est techniquement impossible d'obtenir une signature dans un cas pareil. Lorsqu'on élaborera le règlement de façon plus détaillée, il faudra alors faire preuve de vigilance en ce qui concerne ce genre de questions, surtout compte tenu des peines prévues par le projet de loi. Nous voulons qu'elles soient exécutoires.

M. Jim Abbott: La raison pour laquelle je vous ai donné la possibilité d'apporter des éclaircissements, c'est que selon certaines observations qui m'ont été faites—et d'autres commentaires—on considère que la portée de ces dispositions est beaucoup trop vaste et visera un trop grand nombre de gens innocents. Par conséquent, je vous remercie de vos éclaircissements.

Madame Lawson, pour ce qui est de savoir si le blanchiment d'argent est un problème aussi grave, en tant que porte-parole de l'Opposition officielle de sa Majesté en ce qui concerne le solliciteur général, je dirais que je suis d'accord avec le gouvernement, et que l'opposition convient avec le gouvernement qu'il s'agit effectivement d'un problème très grave. Il s'agit donc d'une façon très claire de détecter les activités illégales, illicites et dangereuses qui existent dans notre collectivité, et c'est tout à fait essentiel.

Cela dit, j'aime assez la première idée que vous avez proposée, cet examen quinquennal perpétuel de l'article 72. Je serais porté à y être favorable, car j'estime que ce serait très utile. Il pourrait s'agir soit d'un examen quinquennal perpétuel, une disposition de temporarisation, soit d'un mécanisme qui inciterait les futurs parlementaires à examiner cette loi pour s'assurer que nous restons au courant des nouveaux éléments que le crime organisé et d'autres personnes utilisent.

J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de précisions sur l'idée, si j'ai bien compris, de prévoir dans ce projet de loi la création d'une instance semblable au commissaire à la protection de la vie privée.

Mme Philippa Lawson: Cette idée provient en fait du projet de loi C-6, qui énonce les dix principes devant régir les pratiques équitables de traitement de l'information. Le premier est l'obligation de rendre compte. Cela signifie que toutes les organisations du secteur privé visées par le projet de loi sont tenues de désigner une personne au sein de leur société qui sera responsable de la protection des données concernant le consommateur, les renseignements personnels qu'ils recueillent, utilisent et communiquent. On propose donc d'appliquer le même principe au Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le nouveau centre, et par conséquent d'exiger qu'un membre du centre soit responsable de minimiser de la façon appropriée la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels dans le cadre des activités du centre.

• 1145

M. Jim Abbott: Cela répondrait-il à votre préoccupation? Autrement dit, si nous nous méfions vraiment de ce projet de loi et avons de sérieuses réserves à son sujet, le fait d'y inclure une instance dont les fonctions s'apparentent très vaguement à celles d'un commissaire à la protection de la vie privée permettrait-il de vraiment satisfaire les personnes les plus sceptiques à l'égard de ce projet de loi?

Mme Philippa Lawson: Absolument pas, et je reconnais que dans le système instauré par le secteur privé cette personne désignée est principalement quelqu'un à qui le consommateur peut s'adresser, peut soumettre des plaintes et peut demander l'accès.

Bien sûr, dans un tel système, pratiquement tout se fait à l'insu du consommateur. Donc, les avantages sont plus limités à cet égard. Il est donc d'autant plus important que l'actuel commissaire à la protection de la vie privée puisse surveiller ce système, comme il ou elle le fait en vertu de cette loi. C'est simplement une mesure modeste qui souligne l'importance de la protection des renseignements personnels. Je crois qu'il est plus important que les personnes qui travaillent au centre soient sensibilisées à ces questions.

M. Jim Abbott: Mais vous ne pouvez pas le faire par la voie législative.

Mme Philippa Lawson: Exactement—et c'est pourquoi nous vous avons présenté cette proposition.

M. Jim Abbott: Votre réponse semble indiquer, peut-être, qu'au lieu d'inclure la fonction de commissaire à la protection de la vie privée, il faudrait accroître l'accès aux commissaires à la protection de la vie privée actuels—l'accès au centre et à l'information—afin que s'exerce une surveillance externe. Ne s'agirait-il pas d'une solution plus appropriée que de simplement ajouter une instance supplémentaire?

Mme Philippa Lawson: Cela est déjà prévu. Le commissaire à la protection de la vie privée possède déjà un droit de regard, ce que nous appuyons. Pour s'assurer que le centre veille à la protection des renseignements personnels dans le cadre de ses activités quotidiennes, nous avons simplement pensé qu'il serait utile de désigner quelqu'un qui en serait responsable au centre.

M. Jim Abbott: Je me demande simplement si cela ne serait pas superflu.

Mme Philippa Lawson: Nous songeons à quelqu'un à l'interne, non pas de l'extérieur, parce que l'actuel commissaire à la protection de la vie privée se trouve à l'extérieur. Il possède des pouvoirs d'enquête, etc., mais il ne saura pas forcément ce qui se passe au niveau des activités quotidiennes. Je pense qu'il est important qu'on assure une certaine obligation de rendre compte à l'interne.

M. Jim Abbott: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, monsieur Abbott.

[Français]

Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.

Je suis d'accord avec M. Abbott, mais j'aborderais peut-être la question sous un angle un peu différent. Madame Lawson, vous mentionniez l'importance de maintenir des données concernant la vie privée et suggériez qu'il y ait une personne responsable à l'interne. Lorsqu'il est question de blanchiment d'argent, vous faites face à des bandes criminalisées. Au niveau du marché des stupéfiants seulement, on blanchit 10 milliards de dollars par année, en plus des 7 ou 8 milliards de dollars additionnels pour d'autres activités illicites. Les criminels ont beaucoup de moyens pour influencer le cours des choses.

Si la loi est un peu trop permissive, ces gens-là peuvent s'immiscer dans le processus normal. S'il y a une personne à l'interne qui est commissaire et qui agit comme protecteur de la vie privée, vous pouvez imaginer que cette personne va subir des pressions considérables de la part du crime organisé. Ils en ont les moyens. On les appelle les scorpions. Ce sont des gens qui travaillent parfois en chemise blanche et cravate et ils influencent beaucoup les hauts fonctionnaires, les policiers mêmes, les avocats et les comptables aussi.

Ne croyez-vous pas que le fait de ne pas diffuser la responsabilité parmi tous les fonctionnaires du centre, mais de la centraliser plutôt chez une seule personne, le commissaire à la protection des informations, pourrait être dangereux et que ce serait une responsabilité très lourde pour cette personne, qui assumerait à elle seule les responsabilités au niveau de la protection de la vie privée?

[Traduction]

Mme Philippa Lawson: C'est une idée intéressante. Tout d'abord, le projet de loi rend chaque membre du centre responsable en prévoyant que quiconque communique des renseignements d'une manière abusive commet une infraction; donc cela est prévu par la loi. Nous proposons simplement que l'on désigne une personne, pour les raisons que j'ai déjà données, non pas pour retirer cette responsabilité à d'autres instances, mais simplement pour avoir quelqu'un qui est principalement responsable de cet aspect, et qui peut peut-être donner des ateliers à l'interne à ses collègues.

• 1150

S'il s'agit du genre de crime organisé dont vous parlez, je m'attendrais également à ce qu'il soit sans doute préférable que l'identité des personnes qui travaillent pour le centre demeure confidentielle ou privée et qu'il ne soit pas facile de déterminer qui est responsable de quoi au centre. Je ne sais pas si cela répond à votre préoccupation.

[Français]

M. Yvan Loubier: Ce serait difficile, parce que cet individu que vous nommez commissaire principal aux plaintes, par exemple, recevrait des plaintes de citoyens. Alors, nécessairement, il serait identifié comme étant le protecteur de la vie privée. C'est tout simplement une réflexion que je fais comme ça, parce que ce ne sont pas des enfants de choeur, les gens qui blanchissent de l'argent. Ils le font surtout pour des bandes de motards criminalisées maintenant. Ils ont d'énormes moyens. Je trouve que c'est assez délicat d'imputer une aussi grande responsabilité à votre commissaire principal sans qu'il soit connu. À un moment donné, s'il reçoit les plaintes, il sera nécessairement connu puisqu'il jouera un rôle officiel et détiendra un poste officiel.

C'est simplement une réflexion que je voulais faire à cet effet. Si j'ai bien compris le projet de loi, l'élément diffusion y est fort important: diffusion des responsabilités auprès de tous les gens, de tous les commissaires du nouveau centre.

J'ai une autre question à poser, cette fois au comptable agréé. Vous parlez de services d'assurance intermédiaires. Pouvez-vous donner des exemples qui pourraient compléter le projet de loi, qui pourraient identifier ces services intermédiaires et qui pourraient rendre le projet de loi plus efficace dans la lutte contre le crime organisé?

[Traduction]

M. David McKee: Oui, je crois que cette question s'adresse à moi. La préoccupation soulevée, c'est que le projet de loi ne s'applique pas directement à ce stade aux agents d'assurance, aux courtiers d'assurance, et je suppose éventuellement à d'autres intermédiaires financiers et à d'autres aspects des services financiers, en ce sens qu'en l'absence de... Comme ils se trouvent en première ligne, ils sont les plus susceptibles de détecter les transactions suspectes. Par conséquent, s'ils ne sont pas obligés de faire de déclarations, il y aura des activités suspectes qui se dérouleront sur le marché et qui ne seront pas déclarées et qui auraient dû l'être.

Imposer cette obligation uniquement à l'institution financière même ne permettra pas d'atteindre l'objectif visé, parce que le siège social de l'organisation financière ne sera pas nécessairement au courant de ce genre de problèmes.

[Français]

M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Loubier.

Monsieur Cullen.

[Traduction]

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je tiens à remercier tous les témoins. J'ai une question pour chacun d'entre vous, si vous me le permettez.

Monsieur Topp, vous savez sans doute que le projet de loi prévoit des exemptions permettant de ne pas déclarer certaines opérations. Le centre prendrait une décision, et en vertu du règlement certaines opérations courantes seraient exemptées. C'est le processus de consultation qui se déroule à l'heure actuelle.

Je me demande si vous pouvez nous donner des conseils sur les types d'opérations ou d'entités qui devraient être exemptées. Vous avez mentionné, par exemple, les églises: si une église venait déposer à une caisse de crédit un montant supérieur au montant prévu par le règlement, vous proposez, je crois, que nous exemptions les églises. Pouvez-vous nous donner un peu plus de précisions à cet égard ou nous donner une idée du genre d'exemptions que vous considérez comme appropriées?

M. Brian Topp: Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que le projet de loi offre la possibilité d'établir des listes d'exemptions, mais d'après le règlement en vigueur et d'après certaines des discussions que nous avons eues avec le ministère, on envisage de ne pas établir pour l'instant des listes d'exemptions, puisqu'on préfère d'abord voir ce qui va se passer, puis établir par la suite une liste d'exemptions.

Nous préférerions que l'on prévoie certains des exemples évidents et flagrants qui existent. Là où le volume est probablement le plus important, c'est au niveau des dépôts dans le secteur du commerce de détail. J'ai donné l'exemple d'un magasin- entrepôt ou d'un restaurant. Je donne l'exemple de l'église. J'ignore combien d'églises peuvent recueillir 10 000 $ en espèces lors de chaque collecte de fonds. Certaines y arrivent. Une cathédrale en serait capable. Cela est prévu par la loi. De toute évidence ce n'est pas dans ces secteurs qu'il y a un problème de volume; ce problème se situe dans le secteur commercial.

• 1155

Il semble clair qu'à un certain moment, à moins que le centre ne se propose d'accumuler une quantité extraordinaire de renseignements tout à fait inutiles et de les conserver éternellement, et d'obliger les caisses de crédit et les autres institutions financières à produire une énorme quantité de déclarations qui ne seront jamais utilisées, nous aurons besoin d'une liste d'exemptions qui dispensera de déclaration les dépôts réguliers des détaillants.

J'ai donné quatre exemples qui à mon avis constituent de bons points de départ: les détaillants et les restaurants qui ont beaucoup de comptant et qui font des dépôts régulièrement, les agriculteurs au moment de la récolte qui font des opérations courantes, et les dépôts saisonniers des restaurants et des bars, etc., qui sont prévisibles. C'est un bon point de départ.

M. Roy Cullen: Je comprends votre argument et je suis heureux que vous l'ayez présenté. Bien entendu, chaque fois qu'on agit ainsi, cela donne la possibilité d'exploiter certaines failles du système, mais je comprends votre argument.

J'aimerais maintenant poser une question à M. Colby. Vous avez mentionné que la loi ne vise que les comptables qui sont au courant d'une activité de blanchiment d'argent. J'estime qu'il y a sans doute lieu, comme vous l'indiquez, d'apporter des éclaircissements à cet égard dans la loi. Si un comptable, dans l'exercice d'une activité comptable normale, tombe sur une opération qui lui paraît suspecte, il devrait la déclarer. C'est une idée intéressante, mais je ne crois pas qu'elle soit réalisable. Cela mettrait les comptables dans une situation assez précaire. Je vous remercie de ce commentaire.

Vous avez parlé de la perquisition et de la saisie. L'article que je connais est l'article 62, concernant les comptables et les professionnels, qui s'appliquerait aux comptables. Si on soupçonne qu'une entité quelconque censée faire une déclaration en vertu de la partie 1 ne le fait pas, un membre du centre pourrait se rendre au bureau du comptable, par exemple, et demander à consulter divers documents. Je crois comprendre qu'il ne pourrait pas saisir des documents, mais en faire des copies.

Je suppose, si je me fais l'avocat du diable, que si le projet de loi prévoit que certaines entités sont tenues de faire une déclaration, il faut prévoir un moyen d'intervenir si on soupçonne qu'elles n'ont pas fait de déclarations. Vous avez parlé de la saisie, mais la saisie n'est pas prévue dans cet article. C'est la façon dont je l'interprète. Comment proposez-vous alors que le gouvernement assure la conformité à la partie 1 de la loi si cela n'est pas fait?

M. Everett Colby: Nous y avons en fait réfléchi, car on s'est rendu compte qu'il fallait prévoir certaines mesures d'application de la loi. On propose entre autres que, tout comme pour la Loi de l'impôt sur le revenu, que la plupart des comptables du secteur public connaissent bien, une demande soit faite par écrit pour fournir les renseignements pertinents qui ont été utilisés. Cela servirait de déclaration, ou, en cas de doute émanant d'une autre source, ils seraient en mesure de nous indiquer clairement les documents qu'ils cherchent à obtenir et pourraient présenter une demande écrite afin d'obtenir cette information.

Ces dispositions sont tellement générales que si on soupçonne que je ne fais pas de déclaration, on peut tout simplement se présenter à mon bureau et examiner tous mes documents. Ces dispositions ne précisent pas que cet examen doit se limiter simplement aux documents à l'égard desquels ils ont des motifs raisonnables de croire, en raison d'informations qu'ils obtiennent d'autres sources, que je n'ai peut-être pas fait de déclaration. Ils pourraient simplement décider de faire des vérifications intermittentes pour s'assurer que les comptables font des déclarations de façon générale, sans examiner forcément une compagnie en particulier.

M. Roy Cullen: Je ne suis pas sûr que ce soit effectivement ce qui est prévu par ces dispositions, mais je comprends ce que vous dites.

Enfin, madame Lawson, vous avez indiqué qu'un examen quinquennal de la loi serait une bonne chose. Un collègue d'en face, M. Abbott, en a parlé aussi.

L'article 72 du projet de loi se lit comme suit:

    72. Dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur du présent article, le comité désigné ou constitué par le Parlement à cette fin procède à l'examen [...]

etc. Envisagez-vous autre chose? Cette disposition ne vous satisfait-elle pas?

Mme Philippa Lawson: Nous envisagions un examen quinquennal perpétuel. L'article similaire du projet de loi C-6 énonce que la loi devra être examinée tous les cinq ans après son entrée en vigueur.

M. Roy Cullen: Je vois. Je vous remercie.

Le président: Monsieur Topp, vous ai-je bien compris? Vous voulez que les agriculteurs soient dispensés de l'application de cette disposition?

• 1200

M. Brian Topp: Je ne propose pas une exemption générale pour tous les agriculteurs dans le cadre de l'ensemble de leurs opérations. Je dis que les exploitations agricoles commerciales, surtout les plus importantes, celles qui font de la vente directe, seraient un exemple d'entreprises qui pourraient avoir des paiements comptant réguliers supérieurs à la franchise. Dans un tel cas, s'ils font des dépôts réguliers de 10 000 $, 12 000 $ et 15 000 $ par mois...

Le président: Peu importe ce qu'ils produisent?

M. Brian Topp: Je ne suis qu'un banquier, monsieur le président. Pourriez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire?

Le président: J'essayais simplement de faire valoir un argument.

Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président. Je croyais que vous alliez me donner directement la parole. J'ai pensé que c'était très approprié.

Monsieur Topp, je me sens peut-être concerné par ce que vous dites plus que les autres personnes ici présentes, étant donné que je suis un homme d'affaires. Je connais effectivement les problèmes auxquels nous devons faire face parfois. À l'heure actuelle, chaque fois que vous faites un dépôt de plus de 10 000 $ comptant, il vous faut cette signature. Je trouve cela ridicule, c'est le moins qu'on puisse dire, parce qu'il vous suffirait de faire un dépôt de 9 900 $ pour éviter d'avoir à signer; vous n'avez pas à déclarer ce montant. Cela m'oblige uniquement à remplir deux ou trois bordereaux de dépôt. Et parfois, pour ceux qui font uniquement des dépôts—ce qui est le cas de ceux qui fonctionnent avec beaucoup de comptant—cela ne fait que créer plus de paperasserie. Je ne crois pas que ce soit vraiment... parce que soudainement vous mettez dans le même panier ce que vous appelez l'élément de blanchiment d'argent et les gens d'affaires ordinaires.

Je pense qu'en raison de l'évolution de notre société il n'est pas vraiment difficile pour certaines entreprises, pour certains restaurants, d'enregistrer ce genre de chiffre d'affaires en une seule journée. Chaque jour, c'est le chiffre d'affaires qu'ils font. Je pense en fait qu'au lieu de laisser les gens d'affaires tranquilles, on essaie de plus en plus de les contrôler.

Lorsque vous parlez de créer une liste, et si on songe que nous avons environ 78 000 organismes de charité, je me demande combien il y a d'églises différentes parmi ce nombre et si certaines personnes ne vont pas tâcher d'acheter des églises de manière à être exemptées de ce genre de contrôle.

Je préfère laisser cette question de côté. Je crois qu'il vaudrait mieux tâcher de trouver des moyens dans ce projet de loi, grâce à des gens comme vous, des institutions de prêt et des comptables agréés, de créer des méthodes et des idées au lieu de créer plus de travail pour ces gens d'affaires, et de dire: «J'apprends tout à coup que nous devrions peut-être avoir quelqu'un qui possède ce pouvoir de signature»...

Autrement dit, les gens d'affaires sont arrivés à un stade où ils doivent réduire leurs dépenses simplement pour survivre. Nous n'avons pas à créer plus d'emplois. Nous essayons de réduire nos dépenses pour survivre. Je me demande comment nous pouvons, aussi tard dans le processus, apporter certains amendements à ce projet de loi pour tenir compte de la situation des entreprises légitimes.

Je pense que nous devrions axer nos efforts sur la prévention au lieu de tâcher d'établir des catégories d'individus. Je pense que nous devrions déterminer, peut-être au sein de notre propre système, qui pourrait se livrer au blanchiment d'argent, plutôt que de viser ceux qui font des dépôts.

Soyons sérieux. Ceux qui se livrent à des activités de blanchiment d'argent n'iront pas faire un dépôt de 10 000 $. Ce serait stupide, c'est le moins qu'on puisse dire. Il y a beaucoup d'autres façons de blanchir de l'argent... Si je peux dire que je ferai deux dépôts au lieu d'un, il ne fait aucun doute que cette personne connaît bien des moyens de contourner le système bancaire et de blanchir cet argent.

Nous vivons aujourd'hui dans un village global. Mesdames et messieurs, le Canada ne vit plus en vase clos. Lorsque vous achetez au moyen d'Internet, lorsque vous achetez et vendez en petits montants, vous pourriez faire le tour de la planète et blanchir 10 millions de dollars en 10 minutes.

• 1205

Donc je pense que ce que nous venons de faire ici, c'est tout simplement submerger les gens d'affaires légitimes sous une tonne de paperasserie. Je ne sais pas si vous avez une réponse à cette question.

M. Brian Topp: Monsieur le président, il s'agit d'une question «n'est-il pas vrai» intéressante, ce qui me donne l'occasion d'aborder un thème qui a été repris dans ce commentaire et dans les deux questions qui m'ont été posées plus tôt. Il ne faut pas oublier, monsieur le président, que l'obligation de déclarer est régie non seulement par l'article 9 du projet de loi, mais aussi par l'article 7. Selon le règlement, nous sommes obligés en vertu de l'article 9 de déclarer toute opération de plus de 10 000 $, à moins qu'elle ne soit visée par la liste d'exemptions, et nous sommes aussi tenus par l'article 7 de déclarer toute opération suspecte. Donc, monsieur le président, dans l'exemple que vous donnez, si un agriculteur cultive des produits qui sont peu orthodoxes et qui ne sont pas approuvés par Sa Majesté la Reine du chef du Canada, ils tombent sous le coup de l'article 7. Donc, l'article 7 et les méthodes actuelles permettant de déterminer les opérations suspectes visent un grand nombre des échappatoires que pourrait créer une liste d'exemptions et qui vous préoccupent.

Là où je veux en venir, c'est qu'en étudiant la façon d'améliorer ce projet de loi—ce qui est essentiellement votre argument—nous devrions déterminer comment nous pouvons nous débarrasser de déclarations qui sont de toute évidence inutiles et qui ne feront qu'accroître la paperasserie et produire des données inutiles, ce qui est une perspective peu réjouissante pour les caisses de crédit, dont certaines sont très petites.

Je propose deux moyens de le faire. L'un consiste en l'établissement d'une liste d'exemptions, ce qui est le mécanisme que semble envisager le projet de loi à ce stade-ci, même s'il n'est pas clair qu'une telle liste sera établie. Cela semble soulever certains problèmes de définition dont vous avez parlé, sans compter ce qui se produira si nous créons ainsi des échappatoires, bien qu'à mon avis elles tomberaient sous le coup de l'article 7. Comme solution de rechange, j'ai proposé un système permettant d'enregistrer une seule fois quelqu'un qui fait des déclarations régulières.

Dans le cas d'un excellent viticulteur dans le sud de l'Ontario qui a un chiffre d'affaires de 10 000 $ toutes les deux semaines et qui dépose ce montant dans des comptes enregistrés, sa caisse de crédit pourrait enregistrer cette opération une fois, jusqu'à ce qu'un changement quelconque se produise ou qu'une modification soit apportée aux lignes directrices soigneusement rédigées, que le centre, j'en suis sûr, ne tardera pas à publier, qui pourrait signaler la possibilité d'une opération suspecte. Alors, par la suite, nous ne serions pas tenus de déclarer tout dépôt comptant fait par chaque restaurant et chaque détaillant dont nous avons connaissance. Mais on parviendrait quand même à détecter, du moins c'est à espérer, grâce à la diligence raisonnable que le projet de loi impose de façon aussi vigoureuse aux institutions financières, la plupart des opérations qui vous intéressent vraiment.

Le président: Étant donné que les institutions financières reçoivent beaucoup d'argent constamment, n'est-il pas logique qu'elles devraient le faire, ou...

M. Brian Topp: Je suis désolé, monsieur le président, je n'ai pas entendu ce que vous avez dit.

Le président: Étant donné que vous recevez beaucoup d'argent et divers types de dépôts, il n'est pas exagéré que le gouvernement vous demande peut-être de l'aider dans cette...

M. Brian Topp: Monsieur le président, nous sommes heureux de nous conformer à cette exigence. Nous coopérons déjà avec la GRC et nous nous conformons déjà aux lois fédérales existantes. Je ne suis absolument pas en train de dire que nous ne voulons pas vous aider dans ce dossier.

Ce sur quoi je veux attirer votre attention, ce sont les conséquences non intentionnelles que risque d'avoir le libellé actuel du projet de loi et du règlement. Vous allez nous obliger à vous déclarer une tonne d'informations qui n'ont absolument aucun rapport avec l'objectif du projet de loi. C'est là l'argument fondamental. Je pense qu'il serait facile de faire en sorte que nous n'ayons pas à assumer un fardeau tout à fait inutile en matière de déclaration tout en permettant au gouvernement de recevoir toutes les données dont il a besoin.

Le président: Vous soutenez que cela est possible grâce aux exemptions.

M. Gary Pillitteri: Il ne veut pas dire uniquement par ce moyen. Ce qu'il veut dire aussi, c'est d'avoir une liste et effectivement de s'enregistrer une fois par année, monsieur le président. Ainsi, en tant qu'homme d'affaires honnête, il n'a pas à faire de déclaration.

M. Brian Topp: Il s'agirait d'une exemption ou d'une déclaration ponctuelle qui serait conçue de façon à ce que tout écart inhabituel ou toute autre circonstance suspecte éveilleraient l'attention.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

M. Gary Pillitteri: Non, monsieur le président. Je pense que c'est une question très complexe, et nous n'avons pas le temps de l'approfondir. Mais je pense qu'il y a un peu plus de travail à faire à ce sujet.

Le président: Monsieur Boudreau.

M. Mark Boudreau: Je pense qu'une partie du problème est attribuable à ce que nous avons constaté ces derniers temps au niveau de la législation gouvernementale lorsqu'on nous demande de répondre et de réagir à quelque chose. À aucun moment le ministère n'est venu nous dire qu'il avait un problème. Nous l'avons constaté dans un certain nombre de cas, et cela nous préoccupe, puisqu'il s'agit de choses que l'on demande aux comptables de faire ou de ne pas faire. On nous présente quelque chose au lieu de dire: nous avons un problème de blanchiment d'argent. Que proposez-vous? Comment pouvons-nous remédier à la situation? La préparation du projet de loi était nettement avancée avant même qu'on ne consulte sur la question, au lieu de commencer par le début: y a-t-il un problème au Canada? Oui. Dans l'affirmative, comment voulez-vous procéder? Comment les banques, nous-mêmes, ou tous ceux qui s'intéressent à cette question...

• 1210

Nous sommes tous disposés à aider le gouvernement à combattre ce problème au bout du compte. Ce que nous reprochons au ministère, c'est qu'il ne nous a pas consultés assez tôt. Il nous met devant le fait accompli et à la fin du processus nous demande si cela va fonctionner ou non.

M. Gary Pillitteri: Je vous remercie.

Le président: Très juste, monsieur Boudreau.

De même, lorsque des industries éprouvent des difficultés ou ont peut-être l'impression que le blanchiment d'argent est un problème au Canada, elles pourraient elles aussi faire des démarches auprès du gouvernement et soulever cette question en particulier.

[Français]

Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier: Monsieur Topp, votre Centrale des caisses de crédit du Canada a l'obligation, ou plutôt elle peut, à sa discrétion, fournir des rapports sur les transactions suspectes. C'est fait sur une base volontaire. Avez-vous tenu compte du nombre de déclarations que vous avez faites sur une base volontaire? Si oui, j'aimerais avoir quelques chiffres là-dessus.

M. Brian Topp: En guise d'exemple, monsieur Loubier—je ne suis pas ici pour représenter les caisses Desjardins, mais on a comparé les notes—je vois que dans le système Desjardins, qui est plus gros que le nôtre, le nombre de déclarations s'élève à environ 358 pour les deux dernières années: 141 en 1998 et 217 en 1999. On parle de 200 à 300 cas par année, dans le régime actuel, où on est à la recherche de transactions vraiment douteuses. Mais il n'y a pas de doute que le régime vers lequel on se dirige maintenant va bénéficier des transactions qui ne sont pas sorties. On parle d'une importante augmentation du nombre de transactions qui seront rapportées.

M. Yvan Loubier: Qu'est-ce que cela implique comme montant? En avez-vous une idée?

M. Brian Topp: Non, mais je pourrais chercher ce renseignement, monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier: Je trouve que ce serait important, parce que s'il n'y a pas plus de déclarations que cela sur une base volontaire, alors qu'on calcule qu'il y a 17 milliards de dollars d'argent sale qui est blanchi annuellement au Canada, c'est qu'il y a un problème. Je ne connais pas vos chiffres. Vous parlez de 140 transactions par année, en moyenne, de la part de Desjardins et il y en a probablement eu de la part des autres caisses et institutions bancaires.

M. Brian Topp: Quelque chose comme ça.

M. Yvan Loubier: C'est cela. Il serait intéressant de savoir combien il y en a eu en tout chaque année et quels ont été les montants impliqués. Si vous en avez eu quelques centaines, qui totalisaient un montant de 1 ou 2 milliards de dollars et qu'il y a 17 milliards de dollars d'argent sale qui est blanchi chaque année, c'est qu'il faut des mesures beaucoup plus...

M. Brian Topp: Vous présumez, par cette question, que ces milliards de dollars sont blanchis par le système bancaire. Il est loin d'être évident que c'est le cas. Il y a déjà un régime de rapport volontaire pour toutes les banques, toutes les caisses populaires et toutes les caisses de crédit. Il y a déjà deux lois qui régissent ces transactions et il est loin d'être évident qu'il y a des milliards de dollars qui sont blanchis dans le système bancaire.

M. Yvan Loubier: Je ne parle pas que du système bancaire; je parle aussi des institutions d'assurance, des intermédiaires financiers, etc. Ces déclarations doivent être centralisées quelque part. Je serais curieux de savoir combien il y en a eu et quel montant cela représentait. Il serait intéressant de pouvoir comparer cela aux estimations quant au montant d'argent sale qui est blanchi chaque année.

Je ne trouve pas que c'est un problème lorsque M. Pillitteri parle de la limite de 10 000 $. Si la même personne fait 4 ou 40 dépôts de 9 900 $ par semaine, cela devient, comme vous le disiez tout à l'heure, des transactions suspectes qu'il faut relever en vertu de l'article 7 du projet de loi. Le montant de 10 000 $ constitue une limite. J'imagine qu'il en faut une quelque part. Dix mille dollars, si je me rappelle bien, est le montant moyen des revendeurs de drogue sur les marchés de Montréal et de Toronto. C'est le montant moyen hebdomadaire. C'est peut-être pour cette raison qu'on a choisi 10 000 $, mais je n'en ai aucune idée.

M. Brian Topp: Ce qui est intéressant dans son intervention, c'est qu'il nous rappelle comment il pourrait être facile de jouer avec les nouvelles règles. Les mêmes règles du jeu qui sont dans l'article 9...

• 1215

M. Yvan Loubier: Là, c'est une question de jugement. Comme je vous l'ai dit, si la même personne dépose 9 900 $ tous les jours dans le même compte, c'est suspect. Je vous donne l'exemple du fils d'un chef de bande de motards criminalisés qui possède une grande maison de 20 pièces, qui n'a pas d'emploi connu et qui a un gros compte bancaire. À ce moment-là, c'est une question de logique, de jugement.

M. Brian Topp: C'est une question de jugement.

M. Yvan Loubier: Oui.

M. Brian Topp: On ne devrait pas fixer de nouvelles règles trop rigides si on ne trouve pas une façon de les gérer, parce qu'à la fin, cela revient toujours à une question de jugement. À la fin, le vrai sens de la loi, ce sont les articles 7 et 9. On ne peut pas investir énormément dans l'article 9, qui va nous procurer énormément de données qui ne seront pas utiles. À la fin, le véritable coeur du projet, c'est toujours un personnel bien formé qui comprend ses obligations en vertu de la loi et qui utilise son jugement.

M. Yvan Loubier: Cela voudrait dire que pour vous l'article 7, l'utilisation du jugement et des motifs raisonnables de soupçon seraient suffisants, sans la limite de 10 000 $.

M. Brian Topp: Écoutez, c'est que...

M. Yvan Loubier: Cela rend imputable toute personne qui va faire le choix de laisser passer une transaction même si elle pouvait avoir des doutes raisonnables sur la provenance des fonds.

M. Brian Topp: Je pense qu'on comprend le sérieux de la loi et que l'adoption de ce projet de loi va entraîner un énorme projet de formation du personnel dans le système bancaire et dans les caisses populaires partout au Canada pour s'assurer qu'on respecte la loi. On comprend les raisons pour lesquelles le gouvernement présente cette loi. Les conséquences sont sérieuses, mais au moins, on veut éviter de gaspiller notre temps. C'est plus ou moins cela, notre position.

M. Yvan Loubier: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): J'ai simplement une question. Je sais que nos témoins ont déjà étudié cet aspect.

Monsieur Topp—et peut-être que quelqu'un d'autre voudra répondre—ce projet de loi va créer un nouvel organisme qui prétend accomplir beaucoup de choses. À votre avis, va-t-il fonctionner?

M. Brian Topp: Je ne crois pas être en mesure de porter un jugement à cet égard.

M. Roger Gallaway: Vous devriez faire de la politique.

Quelqu'un d'autre aimerait-il faire des commentaires?

Le président: Il veut dire vous porter candidat dans Sarnia.

M. Roger Gallaway: Nous accueillons tous les nouveaux venus.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

Monsieur McKee.

M. David McKee: Je dirais probablement la même chose que M. Topp. Je pense qu'il s'agit d'une question qui concerne à la fois les responsables et les influences internationales qui interviennent au niveau de ce projet de loi. Car ils sont à l'origine de certaines des obligations qui sont imposées aux Canadiens en vertu de ce projet de loi.

Mme Philippa Lawson: Si vous me le permettez, j'aimerais tout simplement ajouter que c'est justement là le but de l'examen quinquennal—pour voir si cela fonctionne.

Le président: J'ai une question très générale. Il ne fait aucun doute qu'il y a des défis à relever. N'importe quel projet de loi de cette nature créera des défis pour le gouvernement ou pour les Canadiens, mais, de façon générale, permet-il à votre avis d'atteindre un juste équilibre entre le respect de la vie privée, l'administration des affaires et la liberté individuelle, d'une part, et la lutte contre le blanchiment des produits de la criminalité, d'autre part? À votre avis, est-ce qu'il permet d'atteindre un juste équilibre, de façon générale?

Monsieur Topp.

M. Brian Topp: Tout d'abord, monsieur le président, je dirais que d'une certaine façon c'est un peu difficile à juger. Comme l'a dit un de mes collègues qui est ici à la table, le projet de loi est inhabituellement vague et laisse énormément de questions de fond à la réglementation.

À une certaine époque, je faisais de la rédaction législative pour l'assemblée législative d'une province. Le juriste que nous avions à l'époque aurait eu beaucoup de difficulté avec le projet de loi à l'étude, car il délègue beaucoup de questions de fond à la réglementation. Il s'agit peut-être là de la nouvelle façon de rédiger les projets de loi. Je ne ferai pas d'observation à ce sujet.

Si les règlements sont bien rédigés et, comme ma collègue, Mme Lawson, l'a dit, s'ils sont rédigés de façon transparente, et si c'est toujours ainsi qu'ils seront rédigés, alors cela pourrait fonctionner, en tenant compte des plus petits détails, notamment celui que j'ai signalé relativement au guichet automatique bancaire, jusqu'à la question plus générale qui consiste à déterminer exactement ce que nous recueillons ici, ce que nous en faisons et qui l'utilise. Et si tout cela est bien accordé à mesure que le système entre en vigueur, alors cela pourrait bien fonctionner.

• 1220

M. Loubier a mentionné certaines des pressions que pourraient exercer les criminels. Un régime de déclaration obligatoire bien conçu et bien planifié pourrait être utile à cet égard, en ce sens qu'il pourrait éliminer du système un certain élément de discrétion, rendant ainsi les industries financières un peu moins vulnérables au chantage et aux pressions de la part des criminels. En ce sens, on pourrait faire valoir que c'est un pas dans la bonne direction.

Il y a de nombreux problèmes potentiels. Un de mes collègues a souligné que les dispositions de perquisition et saisie comportent certains éléments troublants. Je reviens une dernière fois sur la question qui m'obsède, c'est-à-dire que dans sa forme actuelle, le projet de loi jette un filet extrêmement large.

Je pense qu'il entrera en vigueur très rapidement, puisqu'il semble que l'on soit en train de rédiger le règlement en même temps et qu'il sera déposé en même temps. J'exhorte le comité à tout au moins signaler certains des problèmes dont vous avez entendu parler aujourd'hui et dont le ministère vous parlera dans les jours à venir, et à examiner de près ce règlement, car il répondra à votre question.

Le président: Quelqu'un voudrait-il faire d'autres observations?

Monsieur Colby.

M. Everett Colby: J'ai assisté à des colloques sur la question offerts par les services de police de l'Ontario, et, du point de vue de l'application de la loi, ils en sont extrêmement heureux, car ils n'ont pas l'impression qu'il sera difficile d'obtenir de l'information de ce centre, que celui-ci sera censé accumuler. Étant entendu qu'il s'agit là de l'une des intentions du projet de loi et que le projet de loi prévoit certaines garanties relativement à la communication de ces renseignements, ces restrictions ne semblent pas être bien communiquées aux services d'application de la loi en général.

Par ailleurs, le genre de personne dont on aura besoin pour travailler dans ce centre devra être bien formée dans l'art et la science de détecter ce qui constitue une infraction criminelle comme le blanchiment de fonds et être en mesure de déterminer ce qui constitue des motifs raisonnables. J'imagine que bon nombre de ces personnes auront des antécédents dans les services d'application de la loi.

Pour ce qui est de trouver un juste équilibre par rapport au respect de la vie privée, il faut se demander si cela est approprié. Il est arrivé par le passé que des renseignements soient publiés de façon inappropriée par les services fiscaux, et la balance ne penchera peut-être pas en faveur du consommateur pour ce qui est du respect de la vie privée, si on tient compte du personnel qui travaillera au centre.

J'ai deux observations supplémentaires qui sont légèrement à côté du sujet.

Monsieur Cullen, vous avez parlé de saisie, et l'article 64—où il est question de documents pour lesquels on a fait valoir le secret professionnel et qui ne pourraient pas, semble-t-il, faire l'objet d'une perquisition—ne s'applique qu'aux documents se trouvant en la possession d'un conseiller juridique. Dans le cadre de certaines questions fiscales dont je m'occupe et de mes enquêtes sur des fraudes, j'ai souvent dans mon bureau des documents qui sont assujettis au secret professionnel parce que j'agis au nom d'un conseiller juridique.

Il ne semble pas y avoir dans ces dispositions sur la perquisition quoi que ce soit visant à protéger ces documents qui pourraient se trouver en ma possession. Il est uniquement question des documents qui se trouvent en la possession d'un conseiller juridique.

Nous sommes des comptables généraux licenciés, de sorte qu'en tant que comptables agréés également nous représentons la majeure partie des comptables au Canada, et nous serions donc une bonne source à consulter lorsqu'on tente de trouver une façon efficace de déclarer cette activité qui se fait dans le domaine des affaires.

Merci.

Le président: Est-ce que vous collaborez également avec la GRC et d'autres organismes pour signaler ce que vous considéreriez comme étant...

M. Everett Colby: Me demandez-vous si je suis en faveur de la coopération?

Le président: Oui.

M. Everett Colby: Je suis en faveur de la répression du recyclage financier des produits de la criminalité. C'est plutôt lorsque nous sommes peut-être dans des camps opposés que cela me préoccupe. J'ai travaillé conjointement avec des organismes d'application de la loi, et il n'y a eu aucun problème de communication de l'information à cet égard. Tout dépend si je dois ou non défendre quelqu'un qui est accusé de recyclage de produits de la criminalité. J'ai été confronté à la possibilité d'être obligé de signaler l'information qui était portée à mon attention, lors de la défense de ce client, à un centre qui était alors libre de divulguer cette information à l'organisme d'application de la loi qui le poursuivait d'un autre côté. Donc, à cet égard, je ne suis pas d'accord pour communiquer de tels renseignements dans ce contexte.

Le président: Très bien.

Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen: Nous avons eu une bonne discussion.

Pour ce qui est de la question qui a été soulevée tout à l'heure, monsieur Colby, au sujet de la perquisition, l'intention certainement—et cela devrait peut-être être plus clair—c'est qu'avant qu'une personne autorisée puisse venir à un bureau pour examiner les documents, il y ait un dialogue. L'agence tenterait d'obtenir l'information de la façon la plus coopérative possible. Ce serait une mesure de dernier recours. Quoi qu'il en soit, je comprends ce que vous dites.

• 1225

Pour revenir à l'autre observation au sujet du montant, disons qu'il s'agit de 10 000 $. Si quelqu'un arrivait constamment sous ce montant—vous savez, 9 900 $ à plusieurs reprises—dans des circonstances normales, on pourrait soupçonner des transactions suspectes. Le montant prévu dans le règlement n'est donc pas le seul critère. C'est un guide. La déclaration est obligatoire, mais l'organisme devrait se pencher sur toute transaction suspecte.

M. Brian Topp: C'est tout à fait juste: il est possible de frauder. Il est possible de diviser le recyclage financier en petits montants, comme vous le dites, en montants de moins de 10 000 $. Il s'agit donc d'un instrument contondant pour mettre en échec les transactions criminelles, mais il ne sera certainement pas très efficace pour bon nombre de transactions légitimes. C'est là le problème essentiellement.

Le président: Monsieur Cullen?

M. Roy Cullen: Non, je suis ici pour écouter.

Mme Philippa Lawson: Puis-je faire une petite observation en réponse à votre question, monsieur le président?

Le nouveau centre prévu dans le projet de loi à l'étude sera assujetti à la Loi sur la protection des renseignements personnels, ce qui est une bonne chose, mais la Loi sur la protection des renseignements personnels dans sa forme actuelle nous pose vraiment des problèmes. Elle doit absolument être mise à jour et renforcée. Par exemple, si un consommateur, un particulier, fait inutilement l'objet d'une enquête et subit des préjudices ou des dommages, il n'a aucun recours, aucune mesure de réparation à sa disposition. Le commissaire à la protection de la vie privée peut faire enquête et faire rapport, mais il n'a aucun pouvoir exécutoire. Le consommateur n'a aucun recours lorsqu'on ne respecte pas sa vie privée.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Puisqu'il n'y en a pas, au nom du comité je voudrais vous faire part de notre plus sincère gratitude. Comme je l'ai déjà dit, nous tentons toujours de trouver un juste équilibre. Vous nous avez certainement donné beaucoup de matière à réflexion, et nous tiendrons compte de toutes les questions que vous avez soulevées, car nous voulons toujours tenter d'améliorer le projet de loi.

Encore une fois, je vous remercie beaucoup pour votre contribution.

La séance est levée.