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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 17 février 2000

• 0946

[Traduction]

Le président (l'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): La séance qui se déroulait à huis clos est maintenant ouverte au public. Nous souhaitons la bienvenue aux nouveaux membres du comité, en particulier à M. Mills.

Le ministre de la Santé est ici. Monsieur Rock, nous vous souhaitons la bienvenue, ainsi qu'à vos collaborateurs. Si vous avez une déclaration préliminaire à faire, allez-y, nous vous écoutons. D'après ce que nous avons compris, vous ne pouvez rester que jusqu'à 11 heures. Nous sommes très heureux de vous accueillir parmi nous.

En guise d'introduction, permettez-moi de dire que nous avons déjà tenu plusieurs réunions au sujet de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Trêve de commentaires, nous vous laissons d'abord la parole, puis il y aura une tournée d'observations et de questions. Encore une fois, au nom du comité, bienvenue à notre réunion de ce matin. Je vous cède la parole.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé Canada): Merci, monsieur le président. Je suis particulièrement heureux d'être ici ce matin puisque, comme vous le savez, je n'ai pas pu venir hier. Nous avons été rappelés à la Chambre pour la tenue d'un vote. En vérifiant mon horaire, dans l'idée de venir aujourd'hui, j'ai constaté que je devais être à la Chambre de 10 heures à 14 heures. J'ai désespérément essayé de trouver quelqu'un pour m'y remplacer, sans succès. Cependant, il a suffit que le président se tourné vers Andy Mitchell qui était derrière lui, et lui demande «Andy, pourriez-vous remplacer le ministre à la Chambre demain entre 10 heures et 11 heures?», et Andy a accepté. C'est pourquoi je suis ici.

Je vous suis donc très reconnaissant, monsieur le président, d'avoir résolu ce problème d'horaire et de me donner cette occasion de m'adresser enfin au comité pour discuter d'un sujet qui, à mon arrivée au ministère de la Santé, était la source de certaine controverse.

Lorsque j'étais ministre de la Santé et qu'on m'informait sur mon portefeuille...

Le président: Excusez-moi monsieur le ministre. Je regrette de vous interrompre, mais je dois dire qu'il a été très difficile pendant les audiences de trouver quiconque prêt à faire l'éloge de l'ARLA. Votre tâche sera donc très difficile.

M. Allan Rock: Eh bien c'est vrai. Je ne doute pas que vous ayez découvert la même chose que moi, c'est-à-dire que l'Agence se fait tirailler de tous les côtés par plusieurs mouvements. Il y a ceux d'entre nous qui nous soucions, pour notre propre compte et celui de nos familles, de l'environnement, bien entendu, et de la santé. Il y a ceux qui gagnent leur vie à fabriquer des produits pour lesquels ils estiment avoir besoin de pesticides, et ils s'intéressent à l'efficience de l'Agence. Il y a aussi les fabricants qui veulent avoir accès aux marchés. Et bien entendu, il y a l'Agence elle-même, qui veut avoir les outils qu'il lui faut pour bien s'acquitter de ses fonctions. Tous ces éléments doivent être conciliés.

Donc ces deux dernières années, nous avons fait deux ou trois choses pour essayer d'améliorer la situation, et je suis sûr que vous en avez entendu parler dans le cadre des témoignages que vous avez entendus.

Nous avons retenu les services d'un expert-conseil de l'extérieur et l'avons chargé d'examiner les méthodes de travail de l'ARLA, d'évaluer son efficience et d'examiner le rapport entre le recouvrement des coûts et les résultats obtenus. Cette démarche a été très utile et nous a munis d'une mesure de comparaison du fonctionnement de l'ARLA avec la manière dont se font les choses dans d'autres pays.

Nous avons aussi désigné un comité consultatif, composé d'une de gens aux intérêts très divers: des écologistes, des producteurs et des représentants de l'industrie. Tous ces gens sont maintenant réunis autour d'une table pour examiner la politique et les priorités de l'ARLA.

• 0950

Nous avons aussi prévu des mesures législatives, dont nous avons discuté avec ce comité consultatif, et dont j'ai dressé un aperçu qui a été distribué à ce comité-ci. Je tiens à vous assurer que nous sommes impatients de voir les recommandations du comité au sujet des mesures législatives que nous proposons; nous attendons de connaître vos conseils et vous faisons entièrement confiance.

Dans le discours du Trône, il a été question de nous attaquer au problème des pesticides, et c'est l'objet des mesures législatives que nous proposons. Vous avez eu en main les objectifs que visent ces mesures. Vous savez que ce que nous cherchons à faire, c'est à renforcer les mesures de protection de la santé et de l'environnement prévues par la Loi sur les produits antiparasitaires, à encourager la participation du public au processus et à améliorer la communication avec le public de diverses façons.

Nous voudrions consolider le programme de réévaluation parce que, à la différence de la loi en vigueur actuellement, les amendements proposés permettront à l'agence d'appliquer des mesures de réglementation si un déclarant ne fournit pas l'information nécessaire à la réévaluation. Nous comptons aussi exiger des déclarants qu'ils signalent les réactions indésirables, ce qui pourrait déclencher des réévaluations. L'ARLA applique déjà certaines de ces mesures de façon informelle, mais nous voulons qu'elles aient force de loi.

De toute évidence, la confiance du public est un facteur important, qu'on ne peut obtenir et maintenir qu'au moyen de la participation du public au processus de réglementation. Les amendements prévoient donc une démarche améliorée de consultation qui, par exemple, n'exigera plus l'aval de l'industrie des pesticides pour qu'il soit possible de publier les documents proposés sur les décisions relatives aux enregistrements, où se trouve le sommaire des évaluations des risques.

La nouvelle loi permettra au public d'examiner les données des analyses sur la santé et l'environnement sur lesquelles s'appuient les demandes d'enregistrement de pesticides. Ainsi nous fournirons aux Canadiens un moyen de vérifier d'eux-mêmes que ces évaluations des risques sont exhaustives ce qui, nous l'espérons, renforcera leur confiance en nous.

Ce sont donc là certains de nos objectifs. Je sais que le présent comité a consacré beaucoup de temps à l'examen de tous les éléments que je viens de décrire. Permettez-moi de terminer, monsieur le président, en vous assurant que nous sommes impatients de connaître votre avis et les recommandations du comité, auxquels nous donnerons toute l'attention qu'ils méritent au moment de donner leur forme finale aux mesures législatives.

Le président: Nous sommes très flattés de vos propos, monsieur le ministre, particulièrement de la confiance dont vous témoignez à l'égard des travaux de notre comité.

Sans plus tarder, MM. Reed et Mills et le président souhaitent intervenir, à moins que d'autres soient aussi prêts à se lancer.

M. Allan Rock: Monsieur le président, j'aurais dû—j'en avais eu l'intention—présenter mes collaborateurs. Vous connaissez peut-être la Dre Claire Franklin, de l'Agence, et Rod Raphael, de Santé Canada.

Le président: Je vous remercie.

M. Allan Rock: Nous avons convenu du partage des responsabilités. Je répondrai aux questions faciles et ils se chargeront de toutes les autres.

Le président: M. Reed s'est manifesté en premier, alors nous lui cédons la parole.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Avec tous les témoignages que nous avons entendus, certaines choses deviennent plus claires. Avec le temps, les pesticides se sont améliorés, sur le plan de leurs effets sur l'environnement. Les facteurs résiduels diminuent au fil du temps, avec les nouveaux produits qui viennent sur le marché, etc. Ce matin, nous parlions d'évaluation des risques. Nous trouvons que c'est une démarche dynamique, qui d'ailleurs, elle aussi, se perfectionne.

Quelque chose, cependant, me préoccupe de plus en plus. C'est que la politique de recouvrement des coûts semble faire obstacle à l'approbation de nouveaux produits qui pourraient faire leur apparition sur le marché. Beaucoup de nouveaux produits sont biodégradables; il n'en reste plus de trace cinq jours environ après leur application. Le plus souvent, le coût de l'application de ces nouveaux produits est inférieur et il en faut de moins grandes quantités.

• 0955

Et pourtant il y a des raisons qui font que les nouveaux produits ne sont pas approuvés au Canada aussi rapidement qu'ils le sont sur les marchés plus importants, par exemple. Comme je le disais, je crains que le processus de recouvrement des coûts contribue à ce retard de l'approbation et l'encourage. Peut-être, monsieur le ministre, pourriez-vous en parler.

M. Allan Rock: Voulez-dire que les droits exigés font obstacles aux requérants?

M. Julian Reed: Eh bien, tout d'abord, il y a le fait qu'une compagnie qui veut faire approuver son produit s'adresse d'abord au grand marché. À cet égard, le Canada n'est qu'une tête d'épingle sur la carte, quelque part. Et puis j'ai l'impression que les coûts de l'approbation font qu'on ne pense au Canada qu'après coup, pour ainsi dire. Tout cela fait que notre industrie agricole, en particulier, n'a pas accès à des produits nouveaux, meilleurs, biodégradables, plus sûrs et moins chers en même temps que nos compétiteurs.

M. Allan Rock: Vous savez que le barème des droits est tel qu'il n'en coûte rien de faire enregistrer certains produits, comme les biopesticides. C'est fait pour inciter les gens à demander à faire venir ce genre de produits sur le marché canadien. C'est voulu, c'est prévu dans la politique pour encourager les gens à faire des demandes visant les pesticides qui sont moins nocifs pour l'environnement, aux conséquences plus bénignes.

L'autre chose c'est qu'il en coûte moins de demander l'approbation d'un produit qui vise un marché plus limité. Nous nous sommes efforcés d'établir le barème de façon à prévoir jusqu'aux produits les plus spécialisés qui pourraient faire l'objet de demandes d'approbation.

Je dois admettre, cependant, qu'il est vrai que les demandes d'approbation de produits, qu'elles concernent des pesticides ou des produits pharmaceutiques ou vétérinaires, sont trop souvent présentées au Canada après qu'elles aient été soumises à d'autres pays.

J'examinais l'autre jour le cas d'un médicament qui a suscité quelques remous dans le public à cause du temps que Santé Canada a mis à l'approuver. J'ai remarqué, en vérifiant la date de dépôt de la demande d'approbation au Canada—il s'agit d'un produit pharmaceutique—que c'était environ huit mois après son dépôt aux États-Unis. Je pense que si on ne vient à nous qu'après coup, sur ce marché, c'est parce que nous ne représentons qu'un petit enjeu économique pour le producteur.

La docteure Franklin a peut-être quelques observations à faire là-dessus. Peut-être devrons-nous nous montrer plus proactifs et encourager les producteurs à présenter des demandes d'approbation au Canada. Il n'en demeure pas moins que notre barème des droits vise à encourager la venue sur le marché de produits moins nocifs, et en faisant preuve d'efficience, nous cherchons à faire comprendre à l'industrie en général que nous agirons rapidement dans l'évaluation d'un nouveau produit. Avec la réévaluation, nous signalons notre intention de jeter un regard neuf sur les produits plus anciens et de les retirer du marché s'il en existe d'autres plus récents et plus sûrs.

M. Julian Reed: Exactement.

M. Allan Rock: Ensemble, ces stratégies pourraient être efficaces.

Docteure Franklin, avez-vous des observations à faire à ce sujet?

Le président: Très brièvement, je vous prie.

Mme Claire Franklin (directrice exécutive, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire): La seule chose que je voudrais ajouter aux observations du ministre est que nous faisons effectivement certains des examens conjointement avec les États-Unis et que nous avons ainsi commencé par étudier les produits chimiques à risque réduit et les produits microbiens. Ces deux types de produits sont plus sûrs, et pour encourager leur entrée plus rapide sur le marché canadien, nous traitons plus rapidement les demandes d'approbation qui les concernent.

Le président: Merci, monsieur Reed.

Monsieur Mills, je vous souhaite la bienvenue au comité.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Merci.

Monsieur Rock, un peu comme vous, je me familiarise avec un nouveau portefeuille, mais j'ai trouvé important d'être ici pour vous poser certaines questions, particulièrement en ce qui concerne la santé publique et l'organisation de l'ARLA.

Ma première question porte sur une chose dont vous venez de parler, c'est-à-dire la relation entre le Canada et d'autres pays en matière de technologie, de contrôle, de rapidité des tests et de concept de marché réduit.

• 1000

Dans les registres de l'OCDE, on voit que l'Organisation situe le Canada, sur le plan de la technologie, etc., dans le dernier tiers des 29 pays examinés. Cela m'inquiète un peu, à propos de notre capacité de bien éprouver ces produits pour protéger les Canadiens. Je me demande dans quelle mesure nous dépendons de pays comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, et d'autres, qui se situent dans le premier tiers au lieu du dernier.

Pourquoi mettons-nous sur pied quelque chose qui pourrait ne pas même être très efficace alors qu'en fait, le reste du monde est réputé faire un meilleur travail?

M. Allan Rock: Je ne sais pas exactement à quelles statistiques vous faites allusion, monsieur Mills, lorsque vous parlez de l'écart technologique, s'il s'agit du régime de santé ou de la capacité de Santé Canada d'éprouver des produits ou d'évaluer les résultats des tests effectués lorsque des demandes d'approbation sont déposées. J'ai tout de même une réponse à vous donner.

Il me semble que ce que nous devrions faire, en tant que nation, c'est définir nos propres critères de sécurité, et ensuite envisager des mesures d'approbation qui s'harmonisent avec celles d'autres pays qui appliquent les mêmes critères, ou du moins des critères semblables. Nous devrions harmoniser nos démarches de manière à nous acquitter de notre tâche plus efficacement, sans pour autant déroger, ne serait-ce qu'un instant, aux normes du Canada relatives à la sécurité.

Je suis allé à Washington, il y a deux ans, visiter l'agence du gouvernement américain chargée de l'enregistrement et de la réglementation des pesticides. J'ai rencontré les directeurs et le personnel de l'agence, nous avons discuté des normes, de leur méthode, et aussi de la nécessité d'harmoniser nos démarches de manière à ne pas réinventer la roue, que ce soit au Canada ou aux États-Unis.

Nous ne voulons pas abandonner à un autre pays le contrôle des normes de santé ou des normes écologiques du Canada. Nous tenons à nos propres normes. Cependant, nous ne voulons pas non plus répéter inutilement ou recommencer ce qui a été fait à Washington, à Londres ou ailleurs. Mme Franklin vous a dit que nous nous efforçons d'harmoniser nos démarches en partant du principe suivant: tirer le meilleur parti de la proximité d'un voisin influent, tout en veillant au respect des normes de sécurité propres au Canada.

Pour répondre à votre question, je dirai que nous essayons de prendre les meilleurs éléments de deux mondes.

M. Bob Mills: La question qui se pose ensuite, c'est: est-ce que nous pouvons nous permettre le luxe de ce genre de système, et ne courons-nous pas le risque de créer cette bureaucratie rien que pour la bureaucratie?

Vous semblez dire que les Américains, les Britanniques et les Français se soucient moins que nous de la santé de leurs citoyens. Je ne suis pas convaincu que nous devrions nous inquiéter autant que vous le dites, dans le contexte mondial où nous vivons aujourd'hui et avec la commercialisation internationale qui s'y fait, parce que je ne suis pas sûr que nos normes soient si différentes de celles, disons, de ces grands pays industrialisés qui nous dépassent.

M. Allan Rock: Et bien, si vous proposez d'abandonner à un autre pays le rôle de la réglementation...

M. Bob Mills: Non, mais de collaborer avec lui très, très étroitement.

M. Allan Rock: C'est ce que nous comptons faire, monsieur Mills, mais certainement pas de laisser un autre pays assumer le rôle de la réglementation des produits qui doivent être vendus au Canada.

M. Bob Mills: Peut-être ma question est-elle plus au sujet de la bureaucratie qui peut se créer autour de cette évaluation, et qui en fait n'est sûrement pas favorable aux consommateurs, aux producteurs ni aux Canadiens en général.

M. Allan Rock: Le terme «bureaucratie» est un mot-code dans certaines idéologies. Il vise à donner l'impression qu'il existe une masse anonyme d'incompétence qui engloutit l'argent des contribuables sans raison apparente. Alors si vous permettez, je conteste l'utilisation de l'expression «bureaucratie».

Touts ces gens assis à ma droite, à ma gauche et derrière moi, monsieur Mills, représentent la bureaucratie. Ce sont des scientifiques compétents et d'expérience qui ont beaucoup étudié, qui ont gagné leurs lettres de créance et qui méritent le salaire que nous leur versons pour assumer d'importantes responsabilités. La bureaucratie, comme vous dites, ce sont ces hommes et ces femmes qui mettent leurs connaissances scientifiques au service du public, qui gagnent souvent moins qu'ils ne le feraient dans le secteur privé, pour pouvoir évaluer le degré de sécurité et de pertinence des pesticides qui font l'objet de demandes d'enregistrement.

La bureaucratie, monsieur, est ici pour servir l'intérêt public, et ces hommes et ces femmes oeuvrent à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire dans ce but précis. Je ne pense pas qu'il soit approprié de les bousculer en s'écriant «Allons à Washington faire approuver ce pesticide, parce que c'est plus efficace ou efficient».

• 1005

M. Bob Mills: On dirait que je viens de recevoir ma première leçon de politique libérale 101.

Quoi qu'il en soit, parlons de transparence et d'ouverture à l'égard des Canadiens. Ce qui intéresse vraiment les Canadiens, c'est de savoir que les aliments qu'ils mangent sont sains. C'est cela qu'ils veulent, rien d'autre. C'est là-dessus que nous devrions tous nous concentrer, dans toute cette démarche. Je ne cherche absolument pas à rabaisser aucun de nos scientifiques, comme vous semblez le dire.

M. Allan Rock: J'en suis heureux.

M. Bob Mills: Je ne fais que demander pourquoi nous devrions faire la même chose que d'autres qui ont beaucoup plus de ressources et d'argent à y consacrer. C'est cela, le fond de ma question.

M. Allan Rock: Entendons-nous sur une chose. Nous travaillons ensemble. C'est ce que vous proposez, et c'est précisément ce que nous faisons. Nous collaborons avec nos collègues à Washington tout en maintenant le droit d'avoir des normes canadiennes mais de cette façon, nous évitons le dédoublement. Cela nous permet d'optimiser nos ressources financières tout en assurant la sécurité de la population. C'est ce que nous faisons.

Le président: Monsieur Mills, vous pourrez revenir au deuxième tour, si vous le voulez. J'ai sur ma liste Mme Girard-Bujold, M. Gruending et le président.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le président, j'aurais énormément de questions à poser au ministre de la Santé, parce que tout au long de l'étude en comité sur l'ARLA, les trois quarts des gens, si ce n'est plus, sont venus se plaindre de l'ARLA. Ils sont venus se plaindre du double mandat de l'ARLA. Ils ont dit que dans le double mandat de l'ARLA, il y avait des contradictions. Sa mission est de protéger la santé et l'environnement, ainsi que de recouvrer les coûts. Il y a eu énormément de plaintes.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, il y a 6 000 pesticides sur la liste, et il n'y a pas de processus de réévaluation de ces pesticides. Actuellement, l'ARLA dispose de 2,6 millions de dollars seulement pour réévaluer tous ces produits. Monsieur le ministre, je suis vraiment déçue de l'ARLA et je ne suis pas la seule. Il y a énormément de gens qui en sont déçus.

Est-ce que vous allez augmenter les subsides de l'ARLA? Est-ce que vous allez affecter plus d'argent à la réévaluation de ces pesticides? La plupart des 6 000 pesticides de cette liste sont devenus désuets, mais ils sont encore utilisés. Il y aurait d'autres pesticides qu'on pourrait utiliser, mais on ne le peut pas. Monsieur le ministre, allez-vous donner un coup de barre à l'ARLA? Allez-vous remettre de l'ordre dans cela et faire en sorte qu'on privilégie la santé et l'environnement? C'est ma première question, monsieur le ministre.

M. Allan Rock: Oui, et ma première réponse est qu'il y a un an, nous avons reçu plus d'argent du gouvernement pour l'agence. Nous avons affecté presque 3 millions de dollars de plus à la réévaluation des pesticides et des autres produits. D'ici quelques semaines, le 1er avril, nous aurons encore plus d'argent pour favoriser la réévaluation des pesticides par l'agence. Nous estimons que nous aurons alors une somme suffisante pour que l'agence s'acquitte de ses responsabilités en matière de réévaluation des produits.

Vous avez mentionné le mandat de l'agence. Ce mandat est de protéger la santé humaine et l'environnement en réduisant au minimum les risques associés aux produits, tout en favorisant l'accès à des moyens de lutte, c'est-à-dire les produits, et aux stratégies de lutte durable. C'est le mandat de notre agence. Vous pouvez constater que nous avons mentionné la protection de la santé humaine, l'environnement et l'accès au marché des produits nécessaires au secteur agricole.

Je pense que c'est un mandat approprié, qui reflète l'importance de la santé humaine et de l'environnement, mais aussi la nécessité qu'il y ait un marché pour ces produits et que ces produits soient accessibles à nos producteurs.

• 1010

Je pense qu'il est maintenant nécessaire de moderniser certains éléments de notre agence. C'est la raison pour laquelle nous avons l'intention de déposer sous peu un projet de loi. Nous attendons vos recommandations à cet égard. Il faut donc faire l'effort nécessaire pour moderniser l'agence tout en conservant les principes de base.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur le ministre, la question du recouvrement des coûts me chicote beaucoup. On parle de santé et d'environnement, et je ne comprends pas que le recouvrement des coûts doive être inclus dans le mandat de l'ARLA.

Monsieur le ministre, je suis très, très inquiète quant au dossier du recouvrement des coûts. Comme vous venez de le mentionner, la préoccupation première de l'ARLA était censée être la santé et l'environnement. Lorsqu'on oblige une agence à recouvrer ses coûts, cela me chicote et je doute que sa vraie mission soit la santé et l'environnement.

Vous me disiez tout à l'heure que vous alliez ajouter 3 millions de dollars au budget pour l'évaluation des 6 000 produits. Au rythme où vont les choses, je pense qu'il va falloir des décennies pour réévaluer ces choses. Je ne comprends pas que vous n'ayez pas une volonté politique de faire cette réévaluation. Monsieur le ministre, on a entendu ici tellement de choses sur les effets des pesticides sur la santé des enfants. J'aurais aimé que vous puissiez entendre les gens qui sont venus témoigner pour nous dire à quel point ce que faisait l'ARLA était insensé. Elle ne joue pas son rôle et elle ne collabore pas avec les ministères. Votre ARLA agit en vase clos. C'est ce qu'on a entendu.

Monsieur le ministre, vous dites que vous allez déposer un votre projet de loi. Je l'attends avec impatience, mais cela va prendre beaucoup de temps. En attendant que votre projet de loi soit déposé, qu'est-ce qu'on fait pour la santé des individus?

M. Allan Rock: Tout d'abord, notre actuelle agence de contrôle des pesticides a été conçue durant les premières années de la dernière décennie. Le gouvernement a consulté tous ceux que la question intéressait et, après avoir reçu les recommandations de tous les éléments de la société, des gens préoccupés par l'environnement et la santé humaine, de l'industrie et de l'agriculture, le gouvernement a décidé de créer une seule agence, qui doit rendre compte au ministre de la Santé. Pour ma part, je dois rendre compte au Parlement de la réglementation de tous ces produits. C'est une décision que nous avons prise après avoir consulté tous les intérêts impliqués.

C'est vrai qu'il est difficile de gérer tous ces intérêts. C'est la raison pour laquelle nous avons créé un comité consultatif, où on peut trouver le Sierra Club, l'Institut canadien pour la protection des cultures, la Fédération canadienne de l'agriculture et les consommateurs. Il n'est pas facile de gérer tous les enjeux dont s'occupe l'agence. Cependant, avec de la discussion et de la consultation, nous avons réussi en bonne partie. Nous avons discuté devant ce comité consultatif des changements que nous allons proposer avec notre projet de loi, y compris sur la réévaluation.

Il est nécessaire de respecter toutes ces perspectives. Ce n'est pas facile. C'est toujours un grand défi. Le gouvernement a l'importante responsabilité de s'assurer que ces produits soient sûrs et sécuritaires. Je pense que nous avons adopté la meilleure approche.

Le président: Monsieur Gruending.

[Traduction]

M. Dennis Gruending (Saskatoon—Rosetown—Biggar, NPD): Merci, monsieur le président.

Bonjour.

Monsieur le président, j'ai plusieurs questions que M. Mancini, l'ancien critique du NPD, m'a demandé de poser au ministre.

• 1015

Permettez-moi d'établir le contexte. Le comité s'inquiète des répercussions que peuvent avoir les pesticides sur la santé des personnes vulnérables, particulièrement les enfants. Nous voulons savoir comment se prennent les décisions concernant la sécurité et l'évaluation du risque.

D'après les témoignages qu'a entendus le comité l'automne et l'hiver derniers, nous savons qu'une société appelée CanTox prépare des documents publicitaires sur les pesticides au nom de diverses entreprises. Nous avons appris, et le ministre le sait, que CanTox travaille aussi pour le gouvernement. Par exemple, Santé Canada a participé au financement d'une étude de CanTox qui a conclu que les enfants habitant le long de la rue Frederick, à Sydney, au Cap-Breton, près des étangs bitumineux et des fours à coke, couraient peu ou pas de risques. CanTox a également effectué une analyse et une évaluation des études de jardins à Sydney, et M. Mancini, dans une lettre adressée à Santé Canada, a mis en doute les résultats énoncés. Le ministre lui a répondu qu'il avalisait l'acceptation par son ministère de l'information fournie par CanTox. Enfin, CanTox a également fait surface à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, où elle a écarté une évaluation environnementale exhaustive liée à l'expansion de la raffinerie de pétrole Irving. J'ajouterai que notre collègue du NPD provincial, Elizabeth Weir, a appris que les fonctionnaires du ministère de la Santé de la province étaient mal à l'aise face à l'information de CanTox.

Je pose donc une question à la fois générale et spécifique. De façon générale, le fait qu'une firme qui travaille pour l'industrie effectue des études d'évaluation de risque pour le gouvernement ne présente-t-il pas un risque sérieux? Plus précisément, M. Mancini demande au ministre de s'engager aujourd'hui à examiner les rapports et les contrats de son ministère avec CanTox; à passer en revue les évaluations du risque et les données connexes fournies par CanTox à Santé Canada et enfin, à fournir les résultats de cet examen par écrit au comité.

Merci, monsieur le président.

M. Allan Rock: Il va de soi que lorsqu'un gouvernement fait appel à des experts-conseils de l'extérieur, c'est en vue d'obtenir les meilleurs conseils possibles. En l'occurrence, je ne connais pas les détails de la contribution de CanTox. Je vais donc prendre note des questions de M. Mancini, fouiller le dossier et lui répondre par écrit.

M. Dennis Gruending: Permettez-moi de mentionner—et Mme Franklin est sans doute au courant de cela—qu'il y a eu un échange de correspondance entre M. Mancini et Santé Canada. Ce dernier a reçu de vous une lettre portant sur l'étude de jardins. Vous serez sans doute en mesure de la retrouver.

M. Allan Rock: Merci, monsieur Gruending. Je pense que cette lettre portait sur une étude particulière concernant un site particulier. En l'occurrence, je pense que M. Mancini, par votre entremise, réclame de ma part un examen plus large des rapports entre le ministère et cette firme?

M. Dennis Gruending: C'est exact. Je voulais simplement signaler qu'il existe la correspondance sur l'une des questions, mais il souhaite une réponse concernant la totalité du dossier.

M. Allan Rock: D'accord. Au lieu de répondre de façon superficielle aujourd'hui, laissez-moi m'informer davantage et vous répondre par écrit.

M. Dennis Gruending: Vous répondrez au comité?

M. Allan Rock: Si vous voulez.

Le président: Merci, monsieur Gruending.

M. Dennis Gruending: Ai-je encore du temps?

Le président: Vous avez une minute.

M. Dennis Gruending: Vous avez parlé du rôle de la population dans ce processus. Pourriez-vous nous expliquer plus en détails quel rôle peut jouer un citoyen dans le processus d'enregistrement d'un nouveau pesticide? De plus, comment peut-il exprimer son inquiétude au sujet d'un pesticide déjà utilisé?

M. Allan Rock: Deux choses: premièrement, dans le contexte de la réévaluation des pesticides déjà utilisés, nous estimons qu'un amendement statutaire devrait prévoir que les citoyens ont le droit de se faire entendre. En cas de réévaluation, le public est avisé et l'Agence est obligée de prendre en compte l'opinion exprimée par les citoyens avant de rendre une décision au sujet des résultats de la réévaluation.

Deuxièmement, comme je l'ai mentionné au début, nous entendons communiquer largement au public notre propre évaluation du produit, que ce soit l'évaluation du risque ou l'information concernant les ingrédients et, sous réserve uniquement de l'intérêt propriétal légitime de la société, de transmettre le plus de renseignements possible à la population au sujet des produits pour qu'elle puisse se faire elle-même une opinion. Ainsi, on aura une meilleure idée de ce que fait l'Agence, des facteurs qui entrent en jeu et des évaluations du risque qui sont effectuées. C'est notre objectif. Ce sont là deux exemples de mesures visant à accroître l'information accessible au public.

• 1020

M. Dennis Gruending: Merci, monsieur le ministre.

Merci monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Gruending.

Monsieur Lincoln, madame Kraft Sloan, madame Torsney, et le président.

M. Clifford Lincoln (Lac Saint-Louis, Lib.): Monsieur le ministre, vous avez évoqué le mandat de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, tel qu'il est énoncé maintenant. Bien des gens estiment que son mandat est contradictoire puisqu'il vise à la fois la protection de la santé et de l'environnement et l'enregistrement des produits de lutte antiparasitaire qui ont évidemment des répercussions directes sur le premier volet. Serait-il possible d'énoncer que la protection de la santé et de l'environnement est le mandat prioritaire, le mandat premier de l'Agence et l'enregistrement des produits de lutte antiparasitaire un objectif secondaire?

M. Allan Rock: Le mandat de l'Agence est de protéger la santé humaine et l'environnement en minimisant les risques associés aux produits de lutte antiparasitaire tout en permettant l'accès à des outils de lutte dirigée, notamment à des produits et à des stratégies durables de lutte antiparasitaire. Par conséquent, le mandat met déjà l'accent sur la protection de la santé humaine et de l'environnement, et je ne pense pas qu'en ajoutant une responsabilité liée à un processus de réglementation claire et efficiente, on supplante ce principe ou on lui enlève de sa pertinence.

N'oubliez pas, monsieur Lincoln, que la structure actuelle, avec ses points forts et ses points faibles, est issue d'un processus qui a pris plusieurs années depuis 1990. Il y a eu un livre bleu, un livre orange, un livre lavande et des consultations publiques et sectorielles multiples auxquelles toutes les parties intéressées à ce dossier ont participé.

Ce n'est qu'après ce vaste exercice de consultations que l'on a convenu qu'un seul ministère et non quatre, comme c'était le cas, devrait assumer la responsabilité de cet enjeu et qu'une seule Agence devrait avoir pour mandat de protéger la santé et l'environnement tout en instaurant un processus réglementaire efficace. Je ne pense pas que cela soit illogique ou contradictoire. C'est effectivement un défi à relever, mais qu'est-ce qui serait mieux?

M. Clifford Lincoln: Qu'est-ce qui serait mieux? À mon avis, il serait préférable d'établir que la protection de la santé et de l'environnement est prioritaire et que l'enregistrement des produits de lutte antiparasitaire est secondaire. À ce moment-là, ce serait clair, surtout que cela relève du ministère de la Santé. C'est ce que je suggère.

M. Allan Rock: Puis-je faire un commentaire? Je ne pense pas que ce soit très différent de ce que nous avons maintenant: une agence responsable d'assurer la protection de la santé et de l'environnement et d'instaurer un processus de réglementation qui chapeaute l'acheminement de ces produits vers le marché. Si nous devons utiliser des pesticides, il nous faut un processus de réglementation qui gouverne leur mise en marché. Qui, mieux que l'agence chargée d'assurer la protection de la santé et de l'environnement, serait mieux placé pour gouverner ce processus réglementaire? Comment organiseriez-vous cela?

M. Clifford Lincoln: Selon moi, nous devrions établir clairement que le mandat premier, le mandat prioritaire est la protection de la santé et de l'environnement. À ce moment-là, il serait clair que c'est le mandat sine qua non et dans le cadre de ce dernier, s'inscrirait l'enregistrement des produits de lutte antiparasitaire posant un risque minimal.

Au sujet de la mesure législative, vous avez dit que vous attendriez notre rapport et que dans toute la mesure du possible, vous seriez guidés par nos recommandations, et nous vous en sommes très reconnaissants. En supposant que notre rapport paraisse en temps opportun, avez-vous en tête un échéancier pour ce qui est de présenter votre mesure législative à la Chambre?

M. Allan Rock: Je n'ai pas de calendrier précis. À l'heure actuelle, j'ai également des discussions avec les membres de mon caucus au sujet de ces enjeux. Il y a deux choses que je souhaite faire avant de déposer la mesure législative, soit clore mes conversations avec mes collègues du caucus et obtenir les recommandations de votre comité, les étudier et ainsi manifester tout le respect que j'ai pour le travail que vous avez accompli. Bien que je n'aie pas en tête de date précise, c'est le processus que j'aimerais suivre.

• 1025

M. Clifford Lincoln: Nous avons entendu énormément de témoignages, bien sûr, y compris le témoignage des représentants de l'Agence elle-même. Nous leur avons demandé de nous fournir énormément d'information, ce qu'ils ont fait, et ils ont répondu à toutes les questions que nous leur avons posées. À bien des égards, le problème tient au fait que l'Agence a un vaste mandat et que les fonds dont elle dispose pour s'en acquitter sont minimes. Je songe notamment aux fonds consacrés aux solutions de rechange à l'utilisation des pesticides, ce qui est en fait l'objectif principal dans l'optique de la santé et de l'environnement. Pour la dernière année dont les chiffres sont publics, le maximum utilisé est 700 000 $, ce qui est une somme minime.

J'ai ici une lettre que l'Agence nous a envoyée au sujet de ses engagements relativement à l'examen de l'enregistrement des produits de lutte antiparasitaire—et rappelez-vous que certains des produits dont nous nous servons à l'heure actuelle sont en service depuis 1960. Cela représente 40 ans pour certains des ingrédients. La lettre disait ceci:

    - un système de rapport des effets préjudiciables n'existe pas, mais des efforts ont commencé [...]

    - la réévaluation s'est effectuée [plus lentement que ce que nous avions prévu] et une proposition concernant un programme amélioré a été rendue publique à des fins de consultation;

    - il n'y a pas de politique officielle de réduction du risque [...] [mais] cela fera partie d'une politique globale.

    - il n'existe pas de politique relative aux formulants, mais ses grandes lignes ont été discutées lors d'une réunion du Conseil consultatif sur la lutte antiparasitaire, et une ébauche est en cours de rédaction et sera publiée aux fins de consultation [...]

Y a-t-il moyen de faire bouger tout le système et d'obtenir davantage d'argent pour accélérer les choses? Cela revêt beaucoup d'importance pour chacun de nous.

M. Allan Rock: Je partage votre frustration, et je sais qu'il en est de même pour Mme Franklin. L'an dernier, l'Agence a accusé un déficit, et nous avons dû aller puiser dans le budget de Santé Canada pour régler le problème. Dans le budget de février dernier, nous avons obtenu davantage de fonds pour l'Agence, et cela a aidé.

Mais vous avez raison. Si nous avions eu les fonds nécessaires, nous aurions pu régler ces questions il y a déjà longtemps. Bon nombre d'entre elles sont urgentes, particulièrement la réévaluation de certains pesticides qui sont sur le marché depuis ma naissance...

Une voix: Cela fait combien de temps?

M. Allan Rock: Très longtemps.

Cela dit, il y a des signes encourageants, monsieur Lincoln. Mme Franklin est résolue à régler ces problèmes, sa détermination est claire; vous avez entendu son témoignage. Nous avons non seulement plus d'argent, mais espérons-le, nous aurons bientôt une base législative en ce qui concerne la réévaluation et le signalement des effets néfastes.

Je peux vous dire que nous sommes très sensibles à l'urgence des problèmes que vous évoquez. Nous sommes déterminés à les régler le plus rapidement possible. Nous faisons beaucoup de progrès grâce à un meilleur financement et nous élargissons notre cadre statutaire. Je suppose qu'il m'appartiendra de faire rapport à votre comité à mesure que nous enregistrerons des progrès pour être sûrs qu'ils surviennent assez rapidement.

Le président: Merci, monsieur Lincoln.

Madame Kraft Sloan, madame Torsney, et le président.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais revenir sur le premier point de M. Lincoln au sujet du problème du mandat. L'une de vos réalisations, à titre de ministre de la Santé, a été de vous attaquer à l'industrie du tabac et à faire de la santé des Canadiens une priorité. Vous méritez vraiment d'être applaudi pour cela car je sais que ce secteur ainsi que tous les autres groupes, culturels, et autres, qui reçoivent de l'argent de l'industrie du tabac notamment sous forme de parrainage de leurs programmes, ont exercé sur vous des pressions considérables.

Ce que je souhaite—et c'est ce que disait M. Lincoln également—c'est que l'on énonce très clairement que l'Agence doit veiller en premier lieu aux intérêts des Canadiens dans le domaine de la santé et de la protection de l'environnement et en second lieu, à ceux de l'industrie. Les témoignages que nous avons entendus semblent remettre cela en question quelque peu.

Par exemple, on a le CCLA, le Conseil consultatif sur la lutte antiparasitaire et le CCGE, le Comité consultatif de gestion économique. Ce dernier se compose essentiellement de représentants de l'industrie et de groupes d'intérêts économiques. Au CCLA, c'est plutôt moitié-moitié. Il est très difficile d'identifier l'autre moitié, celle qui représente l'intérêt du public. Par conséquent, si l'on regarde qui sont les gens qui vous conseillent, ainsi que l'Agence, l'optique est vraiment faussée en faveur d'une perspective donnée.

• 1030

De plus, les amendements proposés ou les éléments que l'on entend intégrer à la nouvelle loi précisent que les intérêts diversifiés et contradictoires liés à la lutte antiparasitaire doivent s'équilibrer dans le contexte du système réglementaire d'une façon propre à assurer le bien-être général de la population. En l'occurrence, on parle d'équilibre. Il faut décider si l'on veut protéger la santé publique prioritairement ou non. C'est ça le plus important.

Qui plus est, je tiens à signaler que dans le cadre de nos audiences, nous avons entendu des représentants du Collège des médecins de famille de l'Ontario. Ces derniers ont également participé à une conférence de presse. Ils ont en main une étude impressionnante qui rapporte les dangers de l'utilisation des pesticides. De nombreux intervenants du monde médical nous ont fait part de leurs inquiétudes. Ainsi, une femme médecin de Montréal s'est vue refuser l'accès à des informations sur certains effets de pesticides alors qu'elle tentait de soigner un enfant malade qui, de toute évidence, était entré en contact avec de telles substances et réagissait à leurs effets nocifs. Il y a donc énormément d'intervenants médicaux que cette question préoccupe.

Le président: Posez votre question, je vous prie.

Mme Karen Kraft Sloan: Voici ma question. De quelle façon cette nouvelle mesure législative prendra-t-elle mieux en compte que les propositions d'amendements que j'ai lues les intérêts des Canadiens en matière de santé? Le principe de la prudence sera-t-il intégré au projet de loi et non seulement mentionné dans le préambule?

M. Allan Rock: Chose certaine, nous entendons énoncer le principe de la prudence dans le préambule. Si vous estimez qu'il est préférable qu'il soit intégré au projet de loi lui-même, nous prendrons cela en considération volontiers. Je suis ouvert à cette idée. Mais le principe de la prudence doit être inclus à la mesure d'une façon ou d'une autre.

Je vais maintenant répondre plus directement à vos commentaires. Au sujet du tabac, je vous remercie de vos bons mots, mais il y a une grande différence entre le tabac et les produits dont nous discutons ce matin. Le tabac est un produit qui tue lorsqu'il est utilisé selon les directives. C'est une substance légale, mais uniquement parce qu'il serait impraticable de la rendre illégale. Le tabagisme est le principal enjeu de santé publique au Canada. Il est important que les Canadiens comprennent les stratégies qu'utilise l'industrie du tabac pour promouvoir son produit, particulièrement auprès des jeunes. Par conséquent, il incombe au gouvernement du Canada de faire tout en son pouvoir pour sensibiliser davantage les Canadiens à ces stratégies et aux effets nocifs du tabac.

Sans vouloir vous manquer de respect, les pesticides sont dans une catégorie très différente. En effet, il s'agit d'un produit nécessaire pour cultiver les aliments dont nous avons besoin pour nous nourrir et pour exporter. Par conséquent, il y a un consensus qui se dégage autour de cette question, qu'il s'agisse des cultivateurs, des transformateurs, des emballeurs, des exportateurs ou des consommateurs ou encore des personnes qui vivent dans l'environnement. À mon avis, tous souhaitent la même chose. Ils veulent favoriser la production des aliments dont nous avons besoin tout en protégeant la santé et l'environnement. C'est donc tout à fait différent du tabac.

Au sujet des comités consultatifs, le CCGE est une autre entité. Je sais qu'on s'est demandé ici si le CCGE devait continuer à exister ou être amalgamé au CCLA. Je n'ai pas d'opinion ferme à ce sujet. Ce que je souhaite, c'est que nous ayons un comité consultatif compétent et vigoureux qui rassemble à la même table tous les intervenants.

Je ne pense pas que le Sierra Club estime que sa voix est étouffée ou qu'il n'a pas la possibilité de s'exprimer au sein du conseil consultatif. Il y a une représentation vigoureuse. Ses membres font un excellent travail au sein de cette instance. Rick Van Loon, qui assume la présidence, va chercher tous les intervenants lorsqu'un problème est mis sur la table. J'ai assisté à l'une des réunions du conseil et j'ai observé ce processus, qui est fort dynamique.

Par conséquent, je ne pense pas que l'on puisse faire un décompte et affirmer qu'il y a davantage de représentants du secteur industriel et de l'agriculture que de l'environnement. Le conseil est un bon mécanisme de validation des politiques et ses membres font de l'excellent travail.

N'oubliez pas qu'il est dans l'intérêt des chefs d'entreprises et des agriculteurs de voir entrer sur le marché les produits les plus sûrs possible. Il est dans l'intérêt des industriels comme des agriculteurs et de toute la population de faire en sorte de ne pas nuire à l'environnement. Autrement, ils vont entacher la réputation de leurs entreprises et de leurs produits auprès du public.

• 1035

Pour ce qui est de l'accès à l'information de la profession médicale, je ne peux commenter les cas que vous avez soulevés. Je ne connais pas les détails. Mais si vous avez des inquiétudes au sujet de cas précis, veuillez me le faire savoir et je vais obtenir davantage d'information. Peut-être que Mme Franklin en sait plus que moi à ce sujet.

Comme je l'ai dit en réponse à une question de M. Gruending, les amendements législatifs visent à rendre publique davantage d'information et à élargir l'accès à l'information quant à la teneur de ces produits, à l'évaluation que nous avons faite avant de les approuver et à ce que nous avons appris au cours de leur réévaluation. Par conséquent, je suis tout à fait favorable à un meilleur accès à l'information pour le public et la profession médicale.

Le président: Madame Torsney, le président et ensuite, un bref second tour de table.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.

Premièrement, j'espère vivement que le mandat premier de l'Agence est de servir les Canadiens et de protéger leur santé et l'environnement, et non de servir l'industrie, comme on l'a laissé entendre. Il va de soi qu'elle aura des rapports avec les représentants de l'industrie, et contrairement à mon collègue du Bloc québécois, qui pense... À mon avis, il devrait préciser que ce ne sont pas les mêmes personnes qui bénéficient des largesses de l'industrie et qui font l'évaluation scientifique. Par conséquent, il n'existe pas entre leurs mandats le genre de conflits que l'on a laissé entendre.

La deuxième chose que je veux savoir, étant donné que l'on peut tirer parti de l'harmonisation et de l'information qui est partagée entre les États-Unis, les pays de l'OCDE et d'autres également... Nous avons vu ce qui s'est passé dans le dossier des perturbateurs endocriniens. Nous savons que nous n'en faisons pas suffisamment sur le plan de l'évaluation des produits qui posent des risques pour les femmes et les enfants ainsi que d'autres adultes vulnérables.

Comment la nouvelle mesure législative fera-t-elle place aux autres préoccupations scientifiques émergentes? Dans le contexte de la Loi sur la protection de l'environnement, nous avons envisagé d'évaluer les produits en fonction d'un certain nombre de critères différents, l'un d'eux étant l'ajout de perturbateurs endocriniens. Mais cela se fonde sur nos connaissances actuelles. Qu'en est-il de l'évaluation?

Comment allez-vous lui donner la souplesse voulue pour profiter des principaux enseignements de l'OCDE, de Washington et des autres organes au sein desquels nous participons pour faire l'évaluation des nouveaux produits et la réévaluation des vieux en fonction des plus récentes préoccupations d'ordre scientifique et du principe de la prudence, de sorte que la santé et la sécurité des Canadiens soient la préoccupation première?

M. Allan Rock: Je vais commencer par répondre au dernier point. En ce qui concerne la réévaluation des produits qui sont depuis longtemps sur le marché, rien ne l'empêche. En fait, nous encourageons nos scientifiques à passer en revue les données les plus récentes provenant d'un peu partout dans le monde et de les appliquer aux vieux produits. En réalité, il s'agit-là de la raison d'être même de la réévaluation, comme vous le savez, c'est-à-dire d'appliquer les connaissances scientifiques contemporaines aux produits d'hier pour faire en sorte de détecter et de repérer les menaces qui n'auraient peut-être pas été connues à l'époque.

Quant à votre deuxième point concernant les enfants, j'ai suivi les témoignages entendus par le comité. Je suis donc conscient que certains ont parlé de l'expérience américaine qui consiste à utiliser les enfants comme points de repère quand on évalue les effets des produits sur la population, parce que les enfants sont si vulnérables. Nous préférons parler de populations sensibles, une expression plus générale qui inclurait les enfants, mais qui inclurait aussi ceux qui ont des allergies ou d'autres réponses immunitaires qui les rendent sensibles aux pesticides ou à leur application. Nous prévoyons donc d'ajuster nos critères en fonction de ceux dont la santé est plus fragile que la normale peut-être, ce qui comprendrait les enfants.

Quant à votre premier point, vous avez raison. J'aurais dû répondre de façon plus claire au point qu'on a fait valoir tout à l'heure au sujet du recouvrement des coûts. Je ne suis pas d'accord avec le principe selon lequel, comme il faut acquitter un droit, le gouvernement du Canada est en quelque sorte compromis ou qu'il a un conflit d'intérêts. Notre client demeure le citoyen canadien.

À intervalles réguliers, je renouvelle mon permis de conduire de l'Ontario et je dois acquitter un droit. Lorsque j'ai obtenu mon permis pour la première fois, j'ai dû réussir un examen et acquitter un droit. Cela ne signifie pas pour autant qu'on a abaissé les normes. Cela ne signifie pas...

Mme Paddy Torsney: Ne vous aventurez pas trop loin.

M. Allan Rock: Vous m'avez peut-être vu conduire. Ce n'est peut-être pas un bon exemple.

Des voix: Oh, oh!

M. Allan Rock: L'essentiel, c'est que le fait de payer un droit ne nous compromet pas forcément et ne nous place pas en conflit d'intérêts.

Dans ce cas-ci, je suis persuadé que ce n'est pas le cas. Comme vous le savez, le gouvernement a adopté le principe général du recouvrement des coûts, parce que nous estimons que c'est un moyen plus équitable de répartir le coût de la fonction gouvernementale. J'insiste cependant sur le fait que le client de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire est la population canadienne, et c'est là que réside notre intérêt.

• 1040

Mme Paddy Torsney: Je vous remercie.

Le président: Merci.

Nous allons entamer un deuxième tour de table rapide. Trois personnes ont déjà manifesté le désir de poser des questions.

J'aimerais auparavant poser deux questions, l'une qui s'adresse à Mme Franklin et l'autre, au ministre.

Madame Franklin, dans la lettre très complète que vous avez envoyée au greffier, le 14 février 2000, et dont je vous remercie, vous mentionnez à la page 4 qu'il n'y a pas de politique relative aux ingrédients inertes des produits, pas de politique officielle de réduction des risques ni de régime de présentation de rapports sur les effets néfastes. Pouvez-vous nous dire quand ils seront en place?

Mme Claire Franklin: Nous avons maintenant une ébauche de politique visant les ingrédients inertes des produits. Nous sommes en train de recueillir les derniers commentaires internes à ce sujet. Le document est relativement compliqué, en ce sens qu'on prévoira des échéances pour le retrait, par l'industrie, de certains ingrédients de leurs produits. Nous en sommes donc en réalité à la mise au point définitive. Nous espérons pouvoir rendre le document public en mars et inviter la population à le commenter. Ce genre de document prend la forme de propositions, au sujet desquelles on nous envoie ensuite des commentaires. Nous espérons donc avoir la politique en place d'ici septembre.

Le président: Et les deux autres?

Mme Claire Franklin: Pour ce qui est de la réduction des risques, comme nous l'avons mentionné dans la lettre, plusieurs activités sont en cours. Nous prévoyons avoir en main un cadre global d'ici juin, et les activités en cours qui, comme je l'ai mentionné, sont des examens conjoints de produits chimiques, microbiens et ainsi de suite à risques réduits, seront ensuite situées dans le cadre pour que l'on puisse se faire une idée générale de la situation. Nous demanderons certes à la population de nous faire des suggestions et de nous dire comment elle aimerait que se déroule cette activité. Nous espérons avoir mené cette étape à terme à ce moment-là.

Le président: À quel moment?

Mme Claire Franklin: Nous espérons avoir un aperçu du cadre dès juin, après quoi il faudra prévoir une certaine période pour la consultation avant de vraiment passer à la mise en oeuvre.

Pour ce qui est des effets néfastes, bien que nous nous en occupions, nous n'avons pas de version définitive parce qu'il faut d'abord que la loi nous nous confère le pouvoir d'exiger la présentation de rapports sur les effets néfastes observés. À l'occasion, on nous fournit ces renseignements. Nous avons en effet en place un projet conjoint avec la province dans le cadre duquel nous tentons d'intégrer les travaux déjà effectués au niveau provincial. Cependant, pour vraiment exiger la présentation de tels renseignements, il faut que la loi nous en donne le pouvoir.

Le président: Pour ce qui est de la réévaluation, quand cette activité sera-t-elle terminée?

Mme Claire Franklin: Comme je l'ai précisé dans le budget, des réévaluations sont déjà en cours.

Le président: Oui. Mais vous avez aussi signalé un ralentissement de cette activité.

Mme Claire Franklin: C'est vrai. Cela ne fait aucun doute.

L'ébauche de politique dont nous avons discuté avec le conseil consultatif, puis la ligne directrice projetée qui circule actuellement donnent les grandes lignes d'un programme intégré qui servirait à réévaluer d'ici l'an 2006 tous les produits utilisés pour la culture d'aliments. Cette échéance vise à rapprocher notre programme de celui des États-Unis. Le document faisant état des voeux de tous les intéressés laisse entendre qu'il serait avantageux de faire faire les examens ailleurs. C'est pourquoi nous nous sommes fixé cette échéance pour ce document particulier.

Toutefois, je vous ferai remarquer que nous avons déjà en place un programme dynamique de réévaluation des produits organophosphorés, ceux-là mêmes qui se sont avérés si préoccupants dans le programme des États-Unis.

Le président: Madame Franklin, je vous remercie.

Monsieur le ministre, d'autres ont déjà posé la question, mais je vais la poser tout de même. Il s'agit du mandat qui nous absorbe beaucoup en réalité parce qu'il nous pose des problèmes. Je trouve que vous l'avez fort bien énoncé, en vérité, à la Chambre des communes, en mai dernier, quand vous avez répondu à une question du député de Brandon—Souris qui demandait que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire émette d'urgence un permis d'épandage aérien. En réponse à sa question, vous avez déclaré—et je cite le hansard:

    [...] comme le député le sait, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire doit tenir compte [...] non seulement des besoins des producteurs et des agriculteurs, mais aussi des besoins concernant l'environnement et la sécurité des consommateurs.

• 1045

Je crois que le choix des mots «non seulement... mais aussi» en dit long. Il met bien en valeur l'équilibre qu'il faut maintenir entre les deux. En réponse à Mme Girard-Bujold, vous avez dit, je crois, que ce sont là des intérêts conflictuels qu'il n'est pas facile de mettre en équilibre.

Vous nous avez lu le mandat de l'agence, et je crois bien qu'il y est question de «réduire au minimum les risques». Il faut alors se demander ce que l'on entend par «réduire au minimum». Que reste-t-il une fois que le critère de réduction au minimum a été respecté? Comment calcule-t-on le risque au moyen de la méthode plutôt complexe actuellement à l'étude et qui taxe la plupart d'entre nous qui ne sont pas très versés en équations mathématiques et ainsi de suite? Ce principe de réduire le risque au minimum est très important.

Comme Clifford Lincoln l'a aussi dit, nous nous demandons pourquoi il y aurait obligation de maintenir l'équilibre. Pourquoi est-il nécessaire d'avoir cet équilibre, sur le plan des principes? Je ne parle pas en termes législatifs à cette étape-ci. Pourquoi faudrait-il que nous, en tant que société, maintenions l'équilibre quand nous sommes partagés entre deux intérêts conflictuels et que le ministre est obligé de voir à des besoins diamétralement opposés? Le mandat serait certes plus simple s'il fallait d'abord voir à la santé, puis se préoccuper d'homologation, comme on l'a déjà dit. Pourriez-vous partager vos vues avec nous à ce sujet?

M. Allan Rock: Oui. Je suis conscient de la nature profonde de la question. Je ne prétends pas vous faire une réponse aussi profonde, mais je vais vous donner mon opinion en tant que celui qui voit à cette obligation depuis quelques années.

Mon travail serait beaucoup plus facile si mon mandat consistait à éliminer les risques. Mon mandat serait beaucoup plus facile s'il ne visait que la santé et l'environnement et qu'il n'avait aucun rapport avec tous les autres facteurs. Mon travail serait beaucoup plus facile si l'on ne me demandait pas de maintenir l'équilibre, mais simplement de repérer ce qui répond nettement aux besoins de la santé et de l'environnement.

Cependant, s'il fallait agir ainsi, monsieur le président, je ne crois pas que nous gouvernerions les Canadiens très bien et je ne crois pas que nous assumerions nos responsabilités à leur égard. Les Canadiens souhaitent avoir une source constante et fiable d'aliments sains. Les Canadiens dépendent d'un secteur agricole non seulement pour des raisons économiques, mais aussi pour des raisons sociales et des raisons de santé. Les agriculteurs canadiens sont en concurrence avec leurs homologues américains qui ont accès à toute une gamme de produits susceptibles d'accroître le rendement et de rendre leurs produits plus concurrentiels. Tous ces facteurs sont pertinents. Je ne dis pas qu'ils sont prioritaires, mais ils sont certes pertinents.

Si l'on décidait de me laisser comme seul mandat d'éliminer les risques, il n'y aurait probablement plus de pesticides du tout sur le marché, bien que certains puissent être considérés comme étant si bénins qu'ils ne présentent aucun risque. Je laisse à Mme Franklin le soin d'en juger. Cependant, si nous décidons d'abolir tous les pesticides afin d'éliminer les risques, qu'arrivera-t-il? Il y a un risque inhérent à ce choix, de sorte que...

Le président: Nous agirions à un niveau différent, sur le plan opérationnel, mais nous répondrions mieux selon moi aux préoccupations de l'Ontario College of Family Physicians, qui a déclaré dans son mémoire et en conférence de presse que le régime actuel de réglementation de la lutte antiparasitaire au Canada mettait incontestablement en danger la santé des enfants.

M. Allan Rock: Voyons ce qu'on entend par là. Si le collège a des produits précis en tête, examinons la preuve, appliquons-la à ces produits et décidons s'il faut les retirer du marché ou en changer la composition. Si le collège estime que notre seuil minimal de résidus admissibles est trop élevé, écoutons son argument et prenons vite ses vues en compte, parce qu'il s'agit manifestement d'un groupe digne de notre respect. Toutefois, je ne l'entends pas dire qu'il faudrait retirer du marché tous les pesticides...

• 1050

Le président: Nul ne le propose.

M. Allan Rock: ... et si l'on décide de ne pas le faire, alors il faut maintenir un équilibre, ce qui signifie de réduire au minimum le risque. Cela signifie, selon moi, d'examiner un nouveau produit projeté et prendre une décision après avoir bien compris sa composition et l'effet qu'il a sur la population, y compris sur les enfants. Le produit présente-t-il un risque démontrable tel que, quel que soit son éventuel avantage, il ne mérite pas d'être homologué?

Nous ne pouvons donc pas éliminer le risque. Il faut le connaître, le réduire au minimum et garder à l'esprit nos objectifs généraux, qui sont de laisser les gens cultiver des aliments, les livrer au marché, livrer concurrence aux autres et nourrir le pays tout en respectant les critères de santé et d'environnement.

Vous pensez peut-être que j'exprime là bien des banalités, mais il est difficile de répondre à votre question sans recourir à des clichés.

Monsieur le président, ce n'est pas facile. Mme Franklin vous dira qu'en fait, c'est très difficile. Toutefois, nous faisons de notre mieux. Si vous avez des propositions à faire quant à la manière d'améliorer le processus, n'hésitez pas à nous le dire. Vous avez consacré plus de temps à cette question que moi. Je vais donc écouter avec soin ce que vous avez à me dire.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre.

Pour le premier tour de table, nous avons Mme Catterall, suivie de M. Mills, de Mme Girard-Bujold, de M. Lincoln et de M. Reed.

M. Allan Rock: J'aimerais simplement souligner que M. Mitchell a accepté de me remplacer jusqu'à 11 heures.

Des voix: Oh, oh!

[Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): ...

M. Allan Rock: Fort bien. En toute justice, j'avoue que la liste semblait longue.

Je me préoccupe simplement d'Andy qui...

Le président: Madame Catterall.

Mme Marlene Catterall: Je crois que la discussion que nous venons d'avoir est la plus importante discussion que nous puissions avoir, soit où sont les normes?

Je comprends le principe qu'on ne peut éliminer tous les risques. Lorsque j'étais conseillère municipale, si l'on avait essayé de planifier un réseau d'égouts qui empêcherait toujours les sous-sols d'être inondés, on n'aurait jamais eu de réseau d'égouts et on n'aurait certes jamais eu d'autres services, mais au moins on aurait eu une norme précisant que le réseau d'égouts serait capable de résister aux inondations qui ne reviennent qu'une fois par siècle.

J'ai vraiment de la difficulté à saisir la norme ici. Je ne suis même pas sûre de savoir où se situent les avantages dans tout cela. Nous homologuons des produits, et je ne sais pas exactement quel genre d'évaluation des avantages nous effectuons. L'évaluation des risques? Je crois que je comprends plutôt bien cette question.

Je suppose, monsieur le ministre, que ce qui me préoccupe le plus dans ces audiences est la faiblesse de notre norme. Elle n'atteint même pas un minimum acceptable, d'après ce que je peux voir, puisque nous ignorons l'impact sur le développement du foetus, sur les enfants, et que nous n'exigeons pas d'information à cet égard.

Quand nos homologuons des produits à des fins essentiellement esthétiques, comment mesurons-nous cet avantage par rapport aux risques, même s'ils sont faibles? Voilà un point qui me préoccupe vivement. Nous vous ferons certes des recommandations à cet égard.

On dirait presque que les pesticides relèvent d'une catégorie spéciale, que nous en avons tellement besoin que nous disons que, s'ils ne nuisent pas aux hommes adultes en santé, ils ne nuiront à personne. Je sais que je simplifie à l'excès, mais c'est cette partie du témoignage qui m'a le plus frappée, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Par ailleurs, l'impact qu'ont les pesticides sur les travailleurs et le fait qu'ils n'ont pas besoin de respecter les exigences du SIMDUT m'inquiètent.

M. Allan Rock: Sans reprendre tout ce que j'ai dit tout à l'heure, je crois que nous devons faire tout notre possible pour réduire au minimum les risques.

Vous savez, une partie de cette discussion nous amène tôt ou tard à parler de manipulations génétiques. Une des ironies du débat au sujet des aliments génétiquement modifiés est qu'une partie des manipulations permet aux agriculteurs de ne pas recourir à des pesticides du tout pour faire pousser leurs produits.

Une voix: Bravo.

M. Allan Rock: Voilà donc le dilemme. Si les manipulations génétiques et les effets à long terme vous inquiètent, comment les évaluez-vous par rapport au risque que comporte l'utilisation d'un pesticide. Êtes-vous plus avancés?

• 1055

Je ne répéterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure, mais je suis sensible à cette préoccupation. Si vous avez quelque chose à me recommander pour faire mieux, je vous en serai reconnaissant.

Les points que vous soulevez au sujet de l'évaluation des impacts sur le développement foetal sont certes importants. Si nous ne le faisons pas suffisamment bien, changeons notre façon de faire. De plus, en ce qui concerne ce que vous avez dit au sujet de ne pas tout juger en fonction seulement d'un homme adulte en santé, nous sommes d'accord et nous allons changer cela.

Quant à la santé et à la sécurité des travailleurs, je connais bien votre intérêt en la matière. C'est pourquoi je me suis renseigné à ce sujet avant de venir ici aujourd'hui. Je vous donne la réponse que j'ai obtenue, pour ce qu'elle vaut. On m'a dit que le degré de réglementation des pesticides, de même que des étiquettes et des mises en garde qui en résultent, est plus grand que le degré de protection que l'on obtiendrait en y intégrant les facteurs de santé et de sécurité des travailleurs. En somme, quand on demande aux travailleurs d'utiliser un produit de lutte antiparasitaire, l'étiquette, la mise en garde et le document qui accompagne le produit lui donnent plus d'information et, partant, le protègent mieux que si vous intégriez tous ces facteurs au processus de sécurité au travail.

C'est ce qu'on me dit. Je ne sais pas si l'on vous dit la même chose ou si vous souhaitez avoir des précisions à ce sujet.

Mme Marlene Catterall: J'aimerais certes avoir des précisions. Vous pouvez les faire parvenir au comité.

M. Allan Rock: Cela peut en effet se faire. Je vais vous faire préparer une réponse plus détaillée étant donné l'intérêt que vous portez à cette question. Vous pourrez ainsi juger de la question.

Mme Marlene Catterall: Merci.

Le président: Merci, madame Catterall.

Nous passons maintenant en quatrième vitesse, vous avez une minute chacun.

Monsieur Mills, vous avez la parole.

M. Bob Mills: Monsieur Rock, le commissaire à l'environnement a mis le doigt sur un grave problème qui remonte à un certain temps et qui a trait à la coordination entre les ministères et l'échange d'information. En outre, je suis personnellement au courant des problèmes qu'éprouvent les ministres de l'Environnement des provinces en ce qui a trait à la coordination entre les deux paliers de gouvernement.

Je me demande si vous pouvez nous dire ce qui a été fait pour tenter de régler ce problème.

M. Allan Rock: Je ne sais pas. Il faudra que je me renseigne. Voulez-vous entendre Mme Franklin à ce sujet?

M. Bob Mills: Je pense que le président nous a donné une minute. Cela m'intéresse grandement, pas seulement à l'intérieur des ministères mais aussi l'aspect provincial.

M. Allan Rock: En toute franchise, je ne peux répondre.

Le pouvez, Claire?

Mme Claire Franklin: Très rapidement, un comité interministériel a été mis sur pied et s'est vu confier la tâche d'examiner et d'intégrer les activités portant sur tous les toxiques, y compris les pesticides. Je pense qu'il s'agit de la manière accélérée de traiter ce problème précis.

En ce qui concerne les provinces et les activités portant sur l'intégration dans le secteur des pesticides, nous disposons d'un comité fédéral-provincial-territorial dont font partie le ministre, moi-même ainsi que des représentants des provinces associés à la législation provinciale. Il s'agit donc, à mon avis, d'un comité très actif qui permet d'obtenir ce niveau d'intégration.

M. Bob Mills: Les provinces ont l'impression que ça ne fonctionne pas et je me demande simplement si vous croyez le contraire.

Mme Claire Franklin: Je pense que les coprésidents provinciaux sont d'avis que cela fonctionne. Malheureusement, la personne en question n'a pas comparu devant votre comité permanent. Du point de vue de l'Île-du-Prince-Édouard, je crois qu'il y a des régions précises où certaines situations nous inquiètent également et nous collaborons avec la province à cet égard.

Le président: Merci, monsieur Mills.

[Français]

Madame Girard-Bujold, s'il vous plaît.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur le ministre, dans votre futur projet de loi, direz-vous que la mission première de l'ARLA sera de protéger la santé et l'environnement? Sa mission en sera-t-elle une de service à l'industrie, qui consistera à homologuer les pesticides de manière efficace et à faible coût, ce qui devra toujours être subordonné à la protection de la santé et de l'environnement? Est-ce que ce sera cela, la mission de l'agence? Vos paroles, monsieur le ministre, ne se traduisent pas dans les faits et dans la mission de l'ARLA. J'adore la façon dont vous parlez, mais j'aimerais que vous mettiez ces paroles dans la nouvelle mission de l'ARLA, que vous allez définir dans votre projet de loi.

M. Allan Rock: Le mandat actuel de l'agence est de protéger la santé humaine et l'environnement. Ce sont les premiers sujets énoncés dans le mandat et ça va rester comme ça. C'est la responsabilité de cette agence, mais elle doit aussi s'assurer que nos fermiers et fermières aient accès aux produits nécessaires, aux pesticides.

• 1100

Ces objectifs sont déjà énoncés dans le mandat officiel de notre agence. C'est devant vous.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur le ministre, vous donnez à l'agence une mission de recouvrements des coûts, alors qu'on parle de santé et d'environnement. De plus, les études canadiennes devraient se pencher un peu plus sur l'environnement. Je ne trouve pas qu'elles prennent l'environnement en considération. Vous savez que les Inuits du Nord canadien mangent des poissons et que ces poissons contiennent du mercure. Cela a un effet sur la santé. Les coûts de santé sont astronomiques. Si on étudiait ces éléments avant les pesticides, on ferait des gains et vous ne penseriez pas qu'il faut beaucoup plus d'argent. Vous dites que vous n'avez pas d'argent. Je trouve que vous avez pas mal d'argent dans d'autres domaines, des domaines qui relèvent de la compétence des provinces.

Vous avez ici une agence dont vous êtes responsable, l'ARLA, et je pense que vous ne remplissez pas votre mission et que l'ARLA ne remplit pas sa mission, monsieur le ministre.

Le président: Merci, madame Girard-Bujold.

[Traduction]

Soyez bref, s'il vous plaît.

[Français]

M. Allan Rock: Il faut qu'on lise le mandat. On ne retrouve pas du mercure dans l'eau du Nord à cause des pesticides. Je pense que le mandat reflète déjà les vraies priorités des Canadiens et des Canadiennes.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je ne suis pas d'accord.

[Traduction]

Le président: Je m'excuse auprès des autres membres du comité, mais les membres du Comité de la justice doivent tenir leur réunion dans cette salle.

Je vous remercie beaucoup monsieur le ministre ainsi que vos hauts fonctionnaires d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.

M. Allan Rock: Merci, monsieur le président.

Le président: La séance est levée.