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STFC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON TAX EQUITY FOR CANADIAN FAMILIES WITH DEPENDENT CHILDREN OF THE STANDING COMMITTEE ON FINANCE

SOUS-COMITÉ SUR L'ÉQUITÉ FISCALE POUR LES FAMILLES CANADIENNES AVEC DES ENFANTS À CHARGE DU COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 14 mai 1999

• 0956

[Français]

Le président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Bonjour. Conformément à la motion adoptée le 17 mars 1999 par le Comité permanent des finances, le sous-comité reprend son étude sur l'équité fiscale pour les familles canadiennes avec des enfants à charge.

Ce matin, nous sommes heureux d'accueillir deux personnes qui vont faire une présentation en leur nom personnel. Il s'agit de Mme Helen Lambrinakos et de M. Gérard Croteau.

Habituellement, les témoins ont de cinq à dix minutes pour faire leur présentation et exposer leur point de vue. Cela laisse amplement de temps aux députés pour poser leurs questions et obtenir vos réactions.

En leur nom et en mon nom personnel, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue à ce comité. Nous avons commencé nos audiences lundi à Vancouver. Nous nous sommes ensuite rendus à Calgary, Toronto et Halifax et nous sommes aujourd'hui à Montréal, le tout en vue de préparer notre rapport qui sera déposé d'ici deux semaines.

Je vous remercie d'avoir accepté de venir témoigner devant nous.

Je demanderais à Mme Lambrinakos de bien vouloir commencer sa présentation.

[Traduction]

Mme Helen Lambrinakos (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je m'appelle Helen Lambrinakos; je suis une mère à la maison avec quatre filles de cinq, sept, dix et douze ans. J'ai commencé à travailler à l'âge de 14 ans, et j'ai continué à travailler à temps partiel pendant que j'étais à l'école secondaire, au CEGEP et à l'université. Après l'obtention de mon diplôme universitaire j'ai travaillé à temps plein environ quatre ans et demi, c'est-à-dire que j'ai arrêté deux semaines avant la naissance de mon premier enfant.

Je suis perfectionniste, et je ne pense pas que qui que ce soit d'autre que moi puisse aussi bien élever mon enfant que moi-même, et c'est pour cela que j'ai décidé de rester à la maison. L'éducation des enfants est un chapitre important de notre existence, et il mérite que nous leur offrions ce que nous avons de mieux.

Mes enfants ont tous de ce fait un sens aigu du devoir et des valeurs morales. Elles respectent les autres, et dès leur plus jeune âge se sentent responsables. Elles sont consciencieuses, et sont inscrite tous les ans au tableau d'honneur de leur école. Ce sont des patineuses artistiques émérites et compétitives, et les deux plus âgées font du ballet classique, de la danse folklorique, et ont une ceinture marron de karaté. Toutes quatre sont excellentes nageuses.

Outre l'éducation de mes enfants, je consacre chaque semaine plusieurs heures de mon temps...

Le président: Madame Lambrinakos, pourriez-vous parler un peu plus lentement pour les interprètes?

Mme Helen Lambrinakos: Excusez-moi.

Le président: Si vous parlez trop vite, ils vont avoir du mal à suivre.

Mme Helen Lambrinakos: En réalité je parle d'habitude plus vite que cela.

Le président: Ils ont besoin de temps en temps de pouvoir reprendre leur respiration.

Mme Helen Lambrinakos: Je croyais avoir ralenti. Très bien.

Le président: Merci.

Mme Helen Lambrinakos: Outre l'éducation de mes enfants, je consacre chaque semaine plusieurs heures de mon temps à divers organismes sans but lucratif. Je suis présidente du club de patinage artistique de Brossard, coprésidente du spectacle sur glace annuel, présidente du jardin d'enfants Les Jardins de Brossard, et membre de l'Association des parents d'élèves de l'école primaire de mes filles. Je représente cette association, avec droit de vote, au comité central de l'école.

Je trouve tout à fait choquant que le ministère fédéral du Revenu me considère comme parent ne travaillant pas. Que les choses soient bien claires: je travaille. Simplement je ne suis pas rémunérée. Mon travail n'aurait donc qu'en apparence aucune valeur, du point de vue de l'État, et par voie de conséquence celui-ci me fait comprendre que ce travail ne vaut rien. Je ne suis pas ici en train de juger les parents qui travaillent; je parle simplement de la façon injuste dont le ministère du Revenu traite les familles à revenu unique par rapport aux familles à double revenu.

C'est en fait une tâche fort ardue que d'enseigner les valeurs, la morale et la confiance en soi aux enfants. Un parent qui n'est présent qu'à l'heure du dîner, et pendant les fins de semaine, ne peut pas le faire comme un parent qui est toujours là. Je sais que mes filles n'auraient jamais pu faire tout ce qu'elles ont fait si je les avais confiées à une garderie.

• 1000

Le directeur de l'école, la secrétaire de l'administration, et les enseignants m'ont tous félicitée pour la politesse et le sens des responsabilités de mes filles. La plus jeune, à l'âge de trois ans, a un jour réprimandé ma mère qui criait contre moi en disant: «Traite les autres comme tu veux être traitée par eux; je ne pense pas que tu veuilles que maman crie contre toi dessus de cette façon. Alors arrête et excuse-toi.» Cela semble assez simple, mais je vous mets au défi de trouver un enfant de trois ans des garderies avec un sens aussi clair des valeurs.

Nos enfants sont la société de demain. À quoi attribuez-vous le progrès spectaculaire de la criminalité chez les jeunes depuis les années 40 et 50? Il suffit de constater que parallèlement le pourcentage de mères qui se mettent à travailler augmente lui aussi rapidement. Je ne cherche pas ici à faire porter aux mères qui travaillent la responsabilité de tous les maux de cette société. Il y a bien sûr bien d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte, et je pense aux enfants plus ou moins à l'abandon ou victimes de mauvais traitements. Mais vous ne pouvez pas non plus sous-estimer le travail et l'importance des parents qui décident de rester à la maison. Ces petits enfants se sentent en sécurité, sachant que papa ou maman est toujours là pour eux, et c'est quelque chose d'irremplaçable. Au fur et à mesure qu'ils grandissent, savoir que maman ou papa participe pleinement à leur vie leur permet de maintenir une bonne communication, et notamment pendant la période critique de l'adolescence.

Toutes les femmes ne veulent pas forcément rester à la maison, et il n'y a non plus aucune raison pour qu'il en soit ainsi. L'État, cependant, devrait aider les parents qui désire faire le sacrifice d'un deuxième revenu pour pouvoir s'atteler à cette tâche ardue, au lieu de les pénaliser par rapport aux familles à double revenu que la fiscalité favorise.

Ma fille de cinq ans va dans un jardin d'enfants. Mon mari ne peut évidemment pas déduire ce que nous payons pour cela, alors que les mères qui travaillent et dont les enfants sont quatre matins par semaine dans cette école peuvent effectivement déduire ce qu'elles payent en même temps que les frais de gardienne. Comment se fait-il que l'on ait plus de considération pour ce que font les familles à double revenu pour cette société? Je connais la réponse. C'est une question d'argent. On suppose que ces familles ont un budget de dépenses plus lourd. En l'affirmant, cependant, on sous-entend que les parents qui restent à la maison ne sont pas créateurs de valeurs, puisqu'ils n'ont pas de revenu. Si c'est vraiment ce que l'on pense, on doit en déduire que, pendant des siècles, le travail des femmes n'a eu aucune valeur.

Pensez-vous que les garderies soient une réponse à tous nos maux? Imaginez une société où chaque parent est sur le marché du travail et où tout le monde envoie ses enfants dans une garderie. Le chaos qui en résulterait est inimaginable. Le taux de chômage atteindrait des sommets astronomiques, et le manque de places dans les garderies seraient insupportable. Je frémis à l'idée de la façon dont cela aggraverait les divorces et l'éclatement des familles, sans compter l'effet que cela pourrait avoir sur l'ensemble de la société.

Pourquoi l'État continue-t-il à encourager les familles à double revenu en leur accordant des allégements fiscaux que n'ont pas les familles à revenu simple? Pourquoi ne pas se montrer équitable et permettre à chaque famille de décider de ce qui lui convient? Par cette attitude discriminatoire, le gouvernement affirme en quelque sorte qu'un parent qui reste à la maison n'est pas aussi productif, du point de vue de l'ensemble de la société, qu'un parent qui travaille. C'est une vision des choses injuste, choquante et finalement erronée.

Comme je l'ai déjà dit, je suis présidente et membre de plusieurs associations. La plupart des parents qui siègent à ces comités sont en réalité des parents à la maison, et on comprend pourquoi. Ces parents sont disponibles parce que le temps qu'ils consacrent à ce bénévolat n'est pas le seul temps dont ils disposent pour leurs enfants. Autrement dit, parce qu'ils ne travaillent pas à l'extérieur, ils ont du temps à la fois pour les enfants et le bénévolat.

Imaginez ce que serait notre société sans ces bénévoles. Ce sont des bénévoles qui organisent la plupart des clubs de sport, les activités parascolaires, les comités scolaires. Les hôpitaux, les foyers, les organismes charitables, les banques d'alimentation, etc., ne fonctionnent que grâce à ces bénévoles. Ce sont des gens qui ne sont pas payés, et pourtant le service rendu à la société est inappréciable. Tout le monde reconnaîtra que ce travail a une valeur réelle.

C'est plus qu'une question de crédits d'impôt. Ce qui est en cause, c'est la vision que notre gouvernement a de notre société, et de ce qui peut y avoir une véritable valeur. Pendant longtemps on a simplement laissé entendre que les parents à la maison ne valaient pas grand-chose. Ils étaient considérés comme un luxe inutile, un petit peu comme le caprice d'une deuxième voiture. Si vous décidez d'en acheter une, très bien pour vous, mais le fisc ne va tout de même pas vous accorder un dégrèvement pour cela.

La décision de rester à la maison n'est pas égoïste; bien au contraire. Si je travaillais à l'extérieur je pourrais avoir une plus belle maison, et voyager plus. Mais mon mari et moi-même avons décidé de consentir ce sacrifice en échange de quelque chose de moins tangible. Nous avons décidé que je m'occuperais de nos enfants plutôt que de travailler à l'extérieur. De ce fait j'ai moins d'argent, mais j'ai aussi quelque chose que l'argent ne permet pas d'obtenir. C'est-à-dire que j'ai des enfants bien adaptés, responsables, qui ont le sens des valeurs et qui ont confiance en elles-mêmes et en leur avenir.

• 1005

Je suis fière de mes filles, et je suis sûre que beaucoup d'autres autour de moi comprennent que ce sont des petites filles merveilleuses, honnêtes et intelligentes. Je pense donc que je mérite d'être respectée tout autant qu'une mère qui a décidé de consacrer une partie de son temps à la poursuite d'une carrière.

Très souvent les entreprises ont droit à des dégrèvements parce qu'elles offrent de l'emploi et font ainsi partie intégrante de l'appareil de production. Mais on peut dire que les parents qui restent à la maison offrent eux aussi de l'emploi, puisqu'ils quittent le marché du travail et laissent la place à quelqu'un d'autre, ce qui fait baisser le taux de chômage. Les parents à la maison font eux aussi partie intégrante de l'appareil de production, puisque nous avons la responsabilité de l'éducation de nos enfants, lesquels sont bien l'avenir du Canada. Cela n'est tout de même pas sans valeur.

Souvenez-vous bien qu'une famille est une famille. Pourquoi les enfants devraient-ils être pénalisés du fait que c'est un des parents qui s'occupe d'eux et reste à la maison pour cela? En effet, un revenu après impôt diminué pénalise effectivement les enfants.

La garderie n'a jamais été pour moi une option possible. À mes yeux, c'eût été un peu comme lorsque je dépose mon linge sale chez le nettoyeur le matin et que je repasse à 6 heures du soir. Mes enfants méritent mieux, et c'est ainsi que nous étions prêts à sacrifier le superflu pour que je puisse rester à la maison.

Le gouvernement canadien ne devrait pas défavoriser les familles à revenu simple. En traitant ces familles comme les familles à revenu double vous n'enlevez rien à ces dernières. Vous reconnaissez, par contre, que ces parents fournissent un service inestimable, et qu'ils sont un élément important de la société canadienne.

Tout ce débat me rappelle l'époque où les femmes réclamaient le droit de vote. Donner aux femmes le droit de voter n'a rien enlevé au droit de vote des hommes, même s'ils ont été nombreux à protester. De la même façon, accorder le même traitement aux familles à revenu simple et aux familles à revenu double n'enlève rien à celles-ci; elles sont simplement à égalité.

Je vous exhorte à prendre des mesures correctrices, et à reconnaître ainsi que les parents à la maison sont une partie nécessaire et précieuse de la vie canadienne.

Merci.

[Français]

Le président: Je demande maintenant à M. Croteau de venir présenter son exposé. Nous vous souhaitons la bienvenue.

M. Gérard Croteau (témoigne à titre personnel): Merci. Je voudrais tout d'abord vous remercier de me donner l'occasion de comparaître devant ce comité. Je tiens à souligner que cela fait plaisir de constater qu'il y a finalement des gens qui ont pris conscience du fait qu'il y avait un problème et qui sont prêts à agir pour essayer de corriger la situation.

Je voudrais en profiter pour saluer M. Serge Cardin, député de Sherbrooke, la ville où j'ai fait mes études.

[Traduction]

George Baker apparemment n'est pas là. Je tiens cependant à le saluer, ayant passé deux ans dans sa circonscription.

[Français]

J'imagine que d'autres personnes vont présenter des chiffres éloquents. Je vais donc me contenter de présenter un exemple pour illustrer certains problèmes qui sont reliés à la situation. Je pense que mon point de vue n'est pas très différent de celui d'une large fraction de la population canadienne.

Ma femme détient un baccalauréat en sciences de l'éducation. Elle travaillait dans une garderie jusqu'à ce qu'on ait notre premier enfant. À ce moment-là, elle a décidé de quitter son travail pour s'occuper des enfants et faire elle-même leur éducation.

On savait très bien dès le départ que le fait d'avoir des enfants augmentait les dépenses et que le fait, dans son cas, de rester à la maison limitait ou réduisait le revenu dont on pourrait disposer. D'autres effets sont cependant apparus par la suite, qui ont rendu la situation finale beaucoup plus décevante qu'on ne le prévoyait au départ.

Présentement, ma femme n'a aucun revenu, ne peut pas investir dans un REER, n'a aucun fonds de pension et, surtout, n'a aucune considération sociale. C'est comme si elle s'adonnait à une activité qui est à peine plus tolérée que la simple possession de marijuana.

Elle est, à toutes fins pratiques, traitée comme une citoyenne de troisième classe. Les chômeurs ont droit à une certaine considération. Il y a des statistiques à leur sujet et des programmes qui s'occupent d'eux. Les assistés sociaux ont des programmes gouvernementaux qui s'occupent d'eux. Il n'y a aucun programme pour les mères au foyer. Elles sont traitées comme des non-êtres, comme dans le roman 1984 de George Orwell.

En plus, pour le même montant total, nous payons plus d'impôt qu'une famille semblable ayant deux revenus. Dans mon cas, on parle d'environ 3 600 $ pour l'année 1998. Nous constatons de plus que la déclaration d'impôt fédéral accorde à peu près la même importance aux enfants qu'à un bateau ou à une roulotte.

Nous ne présentons aucune excuse pour les choix que nous avons faits et nous ne demandons à personne de prendre des responsabilités à notre place. Un peu de gros bon sens serait pourtant le bienvenu.

Ces dernières années, la déduction fiscale pour enfants au niveau fédéral a été transformée successivement en un crédit pour enfants, puis en une allocation non imposable, laquelle est ensuite devenue indirectement proportionnelle au revenu familial total. En d'autres mots, malgré tout le soin qu'on a pris pour éviter de le dire ouvertement, la déduction fiscale pour enfants a été réduite.

• 1010

Dans notre cas, notre dernier enfant est né il y a un an et demi. Quelques mois plus tard, l'allocation familiale a été réduite. Présentement, cette allocation, pour la période qui se termine à la fin de mai, est de 422 $ inférieure aux impôts supplémentaires que j'ai payés à cause du fait qu'on a un seul revenu au lieu de deux.

Cette réduction des allocations accentue la frustration ressentie par les familles ayant un seul revenu. Mais puisque les allocations ont été réduites en fonction du revenu familial total, pourquoi, en toute équité, ne pas suivre la même logique pour le calcul de l'impôt sur le revenu et considérer le revenu des deux parents ensemble plutôt que séparément? En vertu de quel principe devrait-on accepter que le revenu familial total puisse servir à limiter les bénéfices auxquels une famille a droit, mais soit commodément ignoré lorsqu'il s'agit de calculer les déductions fiscales permises? On peut même se poser la question: est-ce que cela tiendrait devant la cour si quelqu'un s'avisait de contester cette façon de faire?

D'autre part, on constate que les partenaires de même sexe sont sur le point d'obtenir le droit à la pension à vie pour le survivant. Quel avantage reste-t-il pour le parent à la maison qui ne peut même pas contribuer à un fonds de pension présentement? Quelle était l'idée de base derrière le principe de la pension au survivant, sinon de subvenir aux besoins des veuves qui n'avaient aucune épargne à elles?

Autrefois, les femmes n'avaient aucun choix et devaient, à toutes fins pratiques, toutes rester à la maison. Cela a changé, et je pense que c'est une très bonne chose. Mais l'ancien choix devrait demeurer une option. Cela ne devrait pas être quelque chose d'illégal comme cela semble en voie de le devenir. Pourquoi pénaliser ce choix en le rendant si coûteux?

Pour améliorer l'équité fiscale envers les parents qui restent à la maison et pallier, du même coup, le manque de reconnaissance accordée à ce rôle traditionnel, il y a un certain nombre de mesures qui peuvent être examinées. En premier lieu, l'impôt sur le revenu devrait être calculé sur le revenu total des deux parents plutôt que séparément. Il y a des solutions de rechange possibles: le parent à la maison pourrait recevoir un vrai salaire, par exemple un montant comparable aux frais qu'il assumerait s'il faisait garder ses enfants. Dans un sens, plutôt que de créer un réseau de garderies subventionnées, pourquoi ne pas simplement confier l'enfant directement aux parents et laisser ces derniers décider de ce qu'ils veulent faire de l'argent, soit faire garder les enfants, soit les garder eux-mêmes et utiliser l'argent à d'autres fins?

Une autre solution serait de permettre au parent qui travaille de payer le parent qui reste à la maison, comme il le ferait pour une garderie. Ma femme est une éducatrice qualifiée. Pourquoi ne pourrais-je pas la payer pour garder les deux enfants que nous avons présentement à la maison et qui sont d'âge préscolaire? Ce sont des suggestions qui peuvent être examinées. Ce sont des pistes de réflexion.

Il y a toutefois des choses qui peuvent être faites rapidement. Le parent qui est à la maison devrait avoir le droit d'investir un montant minimum dans un fonds de pension, disons dans un REER, séparément des contributions permises à son conjoint. Évidemment, il serait très possible que ce soit le conjoint qui fasse les dépôts dans un tel compte. Cela donnerait au moins une certaine reconnaissance à la personne au foyer. La personne ne se trouverait pas pénalisée de dizaines de milliers de dollars dans son fonds de pension si jamais elle voulait retourner au travail.

Finalement, les règles fiscales devraient accorder davantage de considération à l'importance des enfants pour une société en santé et ne pas chercher à éliminer toute compensation financière lorsque le revenu augmente.

Comme je le disais, ce sont des pistes de réflexion et de discussion. Je crois que mes deux dernières suggestions peuvent être mises en application assez rapidement. J'espère bien que tout ceci va donner des résultats positifs et j'ai hâte de voir les conclusions. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, nous allons passer à la période des questions.

Monsieur Forseth, vous avez cinq minutes.

• 1015

[Traduction]

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci beaucoup. Merci, Helen et Gérard. Le fil conducteur de tout de que vous dites est bien le terme «reconnaissance». Vous aimeriez avoir un peu de reconnaissance, de la part de la société de façon générale, de ce qui a de l'importance pour nos enfants, sans nécessairement se concentrer sur ce que fait le parent, mais en accordant toute l'importance voulue à nos enfants.

Vous nous demandez de trouver une solution, tout à fait indépendamment de ce qui pourrait être offert à des parents qui ne se trouvent pas dans votre situation, et sans leur enlever quoi que ce soit, mais en ajoutant quelque chose. C'est-à-dire que l'on reconnaisse au moins l'importance de la prise en charge directe de l'enfant par le parent, par opposition aux services de garderie payante. Beaucoup de parents nous ont parlé de cette façon, et nous ont soumis diverses propositions. Il faudra que le comité y réfléchisse.

Le problème souvent invoqué est celui des familles à revenu double par comparaison aux familles à un seul salaire. Si on laisse de côté les enfants, si l'on fait une comparaison entre ces deux catégories de familles, nous voyons que la facture de l'impôt n'est pas la même dans un cas et dans l'autre. Cela en raison de la progressivité de l'impôt. Pour la famille à deux revenus, un des revenus peut très bien être imposé au taux le plus bas, 17 p. 100, tandis que l'autre sera imposé à un taux plus élevé, alors que si les deux revenus étaient confondus, ce serait automatiquement le taux d'imposition le plus élevé qui s'appliquerait. Cette question de la progressivité de l'impôt ne doit pas être confondue avec tout ce qui concerne les enfants. Ce sont deux éléments distincts dans ce débat.

On pourrait de façon très générale résoudre cette question de la progressivité par l'adoption d'un impôt forfaitaire pour tout le monde, avec une exemption personnelle de base relativement élevée. Évidemment cela demanderait une refonte complète de notre fiscalité, ce qui est peut-être au-delà du mandat du comité.

Mais si l'on s'intéresse maintenant à la question des enfants, je reçois votre message cinq sur cinq. Ce n'est pas tant une question d'argent que de reconnaissance de la part de cette société de ce que vous êtes et faites, et vous avez l'impression qu'on vous a un peu oubliés. Je vous entends. Avez-vous des recommandations à faire sur la façon dont le régime fiscal ou le régime de prestations pourrait reconnaître ce que vous faites?

Vous pourriez peut-être faire simplement un bref commentaire à ce sujet. Qu'est-ce qui pourrait être même un semblant de solution à ce problème de reconnaissance?

Le président: Monsieur Croteau.

M. Gérard Croteau: Je pense que l'aspect financier n'est qu'une partie du problème—en fait une partie assez importante. On ne peut pas simplement écarter cet aspect et dire que la reconnaissance est la seule chose importante. L'argent fait partie du problème et fait partie de la reconnaissance.

J'hésite à écarter le fait que nous voulons qu'il y ait progressivité et que nous voulons considérer différemment les parents qui n'ont peut-être pas d'enfants. Je pense qu'il y a du bon là-dedans. Il n'en reste pas moins qu'indépendamment du fait que nous ayons des enfants, nous avons toujours une famille, et avec un revenu je paie près de 2 000 $ de plus qu'une autre famille qui aurait été dans la même situation au moment où ces enfants seraient partis. Après tout, la famille même est importante, et c'est un bon point de départ.

Je me rends compte que...

[Français]

Le président: Est-ce que la différence est attribuable aux enfants ou au système? C'est ce que M. Forseth voulait savoir.

• 1020

M. Gérard Croteau: Je dirais que le problème est à deux niveaux. Je pense que les enfants ajoutent une dimension qui rend le problème encore plus critique.

[Traduction]

Désolé.

M. Paul Forseth: Ça va.

M. Gérard Croteau: Je pense que les enfants ajoutent une dimension qui rend le problème encore plus critique. Idéalement, pour toute famille, il faudrait considérer le revenu total pour la famille au lieu de les considérer séparément, mais c'est peut-être la situation idéale. Je serais prêt à accepter un compromis selon lequel nous commençons à nous en occuper à partir du moment où il y a des enfants. Je serais prêt à envisager cette option.

Mme Helen Lambrinakos: Lorsque vous parlez de la reconnaissance et de l'aspect monétaire, je ne pense pas que ces deux aspects s'excluent l'un l'autre, puisque lorsqu'on les met sur un pied d'égalité du point de vue financier, le message, finalement, c'est qu'il s'agit d'aspects semblables. J'ai entendu tant de gens me demander: «Est-ce que vous travaillez?» Je trouve cela vraiment insultant. Je réponds: «Oui, je travaille, mais je ne suis simplement pas payée pour mon travail.»

Le gouvernement se trouve donc à transmettre à la société des messages quant à ce qui est important et à ce qui ne l'est pas. Comme je l'ai déjà dit, on a vraiment considéré les parents qui restent à la maison comme un luxe inutile. C'est un peu comme acheter une deuxième voiture. Je pense que l'impression que l'on a, c'est que nous ne faisons que rester à la maison à regarder des téléromans toute la journée.

M. Paul Forseth: Compte tenu de tout ce que vous venez de dire, que pouvons-nous faire réellement pour changer le message?

Mme Helen Lambrinakos: En fait, j'aime votre idée d'un impôt uniforme et d'une exemption élevée. Je pense que c'est un bon début.

M. Paul Forseth: Très bien.

Le président: Avez-vous terminé?

[Français]

Monsieur Serge Cardin, s'il vous plaît, cinq minutes.

M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Madame, monsieur, merci d'être là.

La question de M. Forseth est semblable à celle que je voulais poser, mais il y a d'autres éléments importants. Monsieur Croteau, dans votre deuxième suggestion ou recommandation, vous dites qu'un parent à la maison devrait recevoir un vrai salaire. Qu'est-ce que cela signifie de façon pratique? De quelle façon verriez-vous cela?

M. Gérard Croteau: Il y a différentes façons de considérer cela. C'est une piste de réflexion. Par exemple, dès qu'une personne aurait des enfants, surtout d'âge préscolaire, elle pourrait recevoir un montant qu'elle utiliserait pour payer la garderie ou qu'elle considérerait comme un salaire pour garder elle-même ses enfants. Ce serait son choix. On pourrait appeler cela une allocation ou un salaire.

M. Serge Cardin: Je faisais un lien direct avec votre troisième recommandation, qui suggère que le parent qui travaille ait une importante exemption supplémentaire importante afin que le parent qui reste à la maison soit pris en considération et que soit reconnu l'élément du travail non rémunéré. On accorderait ainsi une certaine valeur à ce travail. Je parle toujours d'une famille ayant des enfants. Certains disent qu'il y a des familles à une personne, mais quand je parle d'une famille, cette famille a des enfants.

Ainsi, la personne qui demeure à la maison bénéficierait d'une exemption supplémentaire substantielle en reconnaissance du travail qu'elle fait à la maison. Un montant serait fixé, bien sûr, et ce montant pourrait également servir de base de calcul aux fins des REER et du Régime des rentes du Québec. Il y aurait donc vraiment une reconnaissance.

Pour ce qui est de l'exemption pour les enfants, ce pourrait aussi être un crédit remboursable. Tout crédit ou exemption en raison de la famille ou tout ce qui concerne la femme qui demeure à la maison pourrait être versé à la personne qui demeure à la maison. Le montant de l'exemption, ajusté à la réalité, ainsi que l'exemption pour les enfants, également ajustée à la réalité du coût des enfants, entreraient dans le calcul de la cotisation du conjoint à un REER et au Régime des rentes du Québec.

M. Gérard Croteau: Pour ma part, je préfère la troisième option. Si j'avais le droit de payer ma conjointe, cela réglerait beaucoup de problèmes. Elle aurait un salaire et pourrait en conséquence investir dans un REER. Je paierais moi-même moins d'impôt et cela réglerait tous les problèmes.

• 1025

La deuxième option serait peut-être plus avantageuse pour d'autres personnes. Des familles monoparentales aimeraient peut-être cette solution, soit d'avoir le choix d'envoyer leurs enfants à la garderie ou d'utiliser l'argent pour les garder à la maison. La deuxième option est peut-être plus générale, d'une certaine façon. Personnellement, la troisième option me plairait beaucoup et me conviendrait. Si on pouvait la mettre en pratique l'année prochaine...

M. Serge Cardin: Ce serait dans des paramètres quand même raisonnables. Cela représente un coût. Le montant qui serait fixé devrait être évalué le plus objectivement possible. On ne voudrait pas faire de fractionnement de revenus entre deux conjoints.

M. Gérard Croteau: Pourquoi pas?

M. Serge Cardin: Si vous considérez une famille comme une entreprise, il peut y avoir des fractionnements de revenus. Vous savez que dans une entreprise, ce fractionnement de revenus est quand même relié à certaines normes: il faut qu'il y ait une prestation de services. Si une personne dit qu'il y a une iniquité parce que l'entreprise peut le faire, ce n'est pas nécessairement vrai; il faut qu'il y ait dans l'entreprise un employé qui n'ait pas de lien de dépendance.

Vous parliez aussi des gens mariés qui vivent ensemble sans enfant. C'est le taux d'imposition qui fait la différence. Si vous gagniez 60 000 $ à vous seul, l'inégalité s'appliquerait si vous pouviez dire qu'à deux vous auriez le choix de faire 60 000 $. Si votre conjoint travaillait, vous ne diviseriez probablement pas vos revenus. Vous gagneriez 60 000 $ et votre conjoint gagnerait peut-être 20 000 $, 25 000 $ ou 30 000 $. La décision d'aller travailler ou non dépendrait du revenu net qu'il vous resterait dans l'un ou l'autre cas.

Sans cela, il y aurait peut-être des associations. Certains vont jusqu'à dire que toutes les personnes vivant avec une autre personne, qu'elles aient des relations matrimoniales ou non, pourraient diviser leurs revenus. Dans ce cas, on n'arrêterait pas; il y aurait des regroupements à l'infini.

À mon avis, il ne faut pas considérer une famille comme une entreprise. Il y a d'autres valeurs qui guident la famille et les enfants.

M. Gérard Croteau: Je retiens donc que vous aimez la troisième option autant que moi.

M. Serge Cardin: Oui. Il y a une prestation de services, et il faut le reconnaître. Je suis parfaitement d'accord là-dessus.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

Madame Dockrill, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or—Cape Breton, NPD): Je vous remercie, monsieur le président.

Tout d'abord, je tiens à vous souhaiter la bienvenue et à vous remercier d'être ici ce matin.

Helen, je dois dire que je ne veux même pas essayer de prononcer la première partie de votre nom; donc si cela ne vous fait rien, je vais simplement vous appeler Helen.

En parcourant votre mémoire, j'ai lu certaines hypothèses, et j'aimerais que vous m'apportiez des éclaircissements à ce sujet. Dans une partie de votre mémoire, vous dites: tâchez simplement d'imaginer une société où chaque parent est sur le marché du travail. À cet égard, il est important de souligner que pour bien des parents dans ce pays, le fait d'être sur le marché du travail n'est pas un choix. Je pense que c'est un aspect vraiment important.

Dans une autre partie de votre mémoire, vous dites que votre mari et vous-même avez pris la décision d'investir du temps dans vos enfants plutôt que sur le marché du travail, et que cet investissement vous a rapporté des enfants bien adaptés, responsables, conscients des valeurs et qui ont une grande confiance en eux-mêmes et dans leur avenir. Ici encore, j'en retire l'impression que ce n'est pas le cas pour les parents qui travaillent. D'après ma propre expérience, je crois avoir également des enfants bien adaptés et responsables, et j'ai travaillé pendant toute ma vie de femme mariée.

• 1030

Je crains que cela ne nous amène à dire que si une mère décide d'aller travailler ou n'a pas le choix, cela amoindrit sa valeur en tant que mère ou parent. J'espère de tout coeur que ce n'est pas ce que vous voulez dire.

Je pense que vous avez également dit que les enfants sont pénalisés parce qu'un parent considère comme important de rester à la maison pour s'occuper d'eux. Je ferai valoir que le parent seul obligé d'aller travailler se soucie également de ses enfants parce qu'il veut s'assurer qu'ils aient de quoi manger et se vêtir. La seule façon dont il peut le faire, c'est d'entrer sur le marché du travail. Compte tenu du fait que—corrigez-moi si je me trompe, Paul—16 p. 100 des parents dans ce pays sont des parents seuls, c'est vraiment important.

Votre dernier argument—qui me dérange d'ailleurs—c'est que la garderie n'a jamais été une option, ce que je comprends, mais vous avez dit que c'était comme laisser son linge sale chez le nettoyeur le matin et le reprendre à 18 heures. Je dois dire que chaque fois que j'ai laissé ma fille à la garderie, je n'avais pas l'impression d'y laisser du linge sale. Ce genre de déclaration me préoccupe vraiment à cause du sous-entendu qu'elle renferme. Comme je l'ai dit au début, il y a beaucoup de parents qui n'ont pas ce choix.

Cela dit, je pense que nous convenons ici qu'il faut reconnaître dans une certaine mesure le rôle des parents qui restent à la maison. Nous avons entendu des témoignages à cet égard au cours des dernières semaines et reçu certaines propositions très bonnes.

Ma question est la suivante: que penseriez-vous d'un programme universel destiné à tous les parents avec enfants?

Mme Helen Lambrinakos: Tout d'abord, j'aimerais commenter ce que vous venez de dire. Je sais que certaines personnes n'ont pas le choix. Ma propre mère n'a pas eu le choix, et je pense être une personne bien adaptée, responsable et honnête. J'ai dit à la toute fin de la première page que je ne jugeais pas les parents qui travaillent. Mais vous devez comprendre que je n'avais que 10 minutes. Dans ces 10 minutes, je tenais à vous montrer que le parent qui reste à la maison joue un rôle important. C'est tout. Beaucoup de membres de ma famille et de mes amis travaillent, et je ne crois certainement pas que cela en fait de moins bons parents.

Ce que je suis en train de dire, c'est que j'aimerais que vous nous mettiez tous sur le même pied. Car si vous donnez plus à l'un qu'à l'autre vous laissez entendre que l'un vaut plus que l'autre. Même si ce n'est pas vraiment ce que vous pensez, c'est le message que vous transmettez.

Le président: Qu'est-ce que l'on donne plus à l'un qu'à l'autre?

Mme Helen Lambrinakos: Un exemple parfait, ce sont les frais de prématernelle que mon mari ne peut pas réclamer parce que je ne travaille pas.

Mme Michelle Dockrill: Très bien: simplement à titre d'exemple, revenons à la situation du parent seul qui va sur le marché du travail pour subvenir aux besoins de ses enfants. Elle n'a pas le choix, et pour entrer sur le marché du travail pour subvenir aux besoins de ses enfants elle doit recourir à des services coûteux de garderie.

Mme Helen Lambrinakos: C'est très bien. Je ne vous dis pas de la priver des services de garderie. Je vous dis simplement que vous devriez me permettre de bénéficier de la même chose.

Mme Michelle Dockrill: Très bien, c'est ce que je suis en train de dire, mais là où je veux en venir...

Mme Helen Lambrinakos: Pareillement, vous n'enlevez rien aux parents qui travaillent.

Mme Michelle Dockrill: Mais l'argument que je veux faire valoir, c'est que si ces personnes qui n'ont pas le choix n'étaient pas obligées d'entrer sur le marché du travail, elles n'auraient pas ce genre de dépenses.

Certains témoins nous ont dit que la déduction pour frais de garde d'enfants est une dépense d'emploi. Ces dépenses sont engagées lorsqu'un parent, probablement la mère...

Mme Helen Lambrinakos: Et je vous dis qu'à mon avis ce ne devrait pas être le cas. Je pense que c'est plus qu'une simple question fiscale. Je vous dis que par cet exemple fiscal vous êtes en train de transmettre un message à la société, et c'est ce qui m'effraie. Ces enfants sont l'avenir du Canada.

Mme Michelle Dockrill: J'utiliserai un exemple donné par M. Forseth ou le président, je pense, à Calgary, lorsqu'il a parlé des hommes. Je ne veux pas faire la distinction entre les hommes et les femmes, mais les mécaniciens qui travaillent et qui ont besoin d'outils particuliers ont droit à une déduction.

Le président: Les artistes peuvent demander une déduction pour leurs instruments de musique à titre de frais professionnels légitimes.

Mme Helen Lambrinakos: Sauf votre respect, les fournitures d'artistes ou les outils de mécanicien sont loin d'être aussi importants que nos enfants.

Mme Michelle Dockrill: Nous ne sommes pas en train de parler de ce qui est important. Ce dont je suis en train de parler...

Mme Helen Lambrinakos: Nous sommes en train de parler de ce qui est important. Nous sommes en train de parler de la valeur monétaire que nous accordons à nos enfants.

Mme Michelle Dockrill: Non. Ce que je...

Mme Helen Lambrinakos: Ne traitez pas les enfants comme vous traitez les entreprises.

Mme Michelle Dockrill: Non, et c'est ce que je voulais dire. C'est peut-être l'expression déduction pour frais de garde d'enfants qui est...

• 1035

Mme Helen Lambrinakos: Personnellement, le nom que vous lui donnez m'importe peu. Le fait est que cette déduction existe et qu'elle devrait exister pour les deux catégories de parents.

Mme Michelle Dockrill: Elle existe si vous entrez sur le marché du travail.

Mme Helen Lambrinakos: Je travaille. Je consacre plus de 40 heures par semaine à mon travail bénévole. En fait, la semaine avant notre spectacle sur glace, je me suis couchée chaque jour à 5 h 30 du matin et je me suis levée à 7 heures pour envoyer mes enfants à l'école, parce qu'après avoir fait tout le travail que je devais faire pour le spectacle, j'avais encore à faire mon lavage, à m'occuper de mes enfants, etc. Donc je trouve cela très insultant. J'ai des dépenses. J'ai engagé des gardiennes pour surveiller mes enfants pendant que j'allais à des réunions, parce que mon mari voyage et n'est pas à la maison. Votre système fiscal n'en tient absolument aucun compte, et c'est ce que je considère comme injuste.

Mme Michelle Dockrill: Pour revenir à ma question à propos de l'universalité, certains témoins ont dit qu'ils n'avaient pas de solution, mais, quelle que soit l'option adoptée, ils nous ont demandé de nous assurer qu'elle vise toutes les familles avec enfants.

Mme Helen Lambrinakos: Exactement! Traitez toutes les familles de la même façon, que le revenu de 60 000 $ provienne d'un parent ou des deux. Cela ne devrait avoir aucune importance. Nous sommes en train de parler des enfants. Comme je l'ai déjà dit, au bout du compte, un revenu familial réduit après impôt pénalise les enfants. Cela influe sur ce que vous pouvez faire pour eux, sur le genre d'école où vous pouvez les envoyer.

Le président: Merci beaucoup. J'aimerais maintenant céder la parole à M. Herron.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

Monsieur le président, il m'est plus facile de parler en anglais. Je m'en excuse.

[Traduction]

Je comprends d'où vient la préoccupation de Mme Helen Lambrinakos, du moins certains aspects, et je sens un élément de frustration. C'est ce que nous avons entendu un peu partout au pays à cet égard. Je peux comprendre que certaines mères ne veulent pas qu'on considère qu'elles ne sont pas des mères à part entière parce qu'elles travaillent. Mais je sais qu'il y a des femmes ou des hommes qui travaillent à la maison—non pas qui restent à la maison, mais qui travaillent à la maison—qui ne veulent pas qu'on considère qu'ils ne sont pas des personnes à part entière parce qu'ils travaillent à la maison. Je pense que c'est l'un des principaux problèmes que nous tâchons de régler à cet égard. Dans les 10 minutes que vous avez eues pour votre exposé, je pense qu'il était important de manifester cet élément de frustration, parce que s'il n'est pas aussi évident, nous risquerions de ne pas nous en rendre compte dans la courte période de temps qui vous a été allouée.

C'est une chose pour nous de nous en rendre compte, je suppose, sous un angle philosophique, mais également, à un certain moment nous devons aborder cette question sous l'angle monétaire. Il s'agit alors de déterminer ce que nous pouvons vraiment faire dans les limites des ressources financières que nous avons à cet égard. Donc la question que certains de mes collègues ont abordée, c'est si un montant d'argent symbolique était alloué aux parents qui travaillent à la maison, est-il possible que...?

Désolé; il y a une sonnerie ici qui va m'empêcher de me concentrer jusqu'à ce qu'elle arrête. Cela aussi, ce sera dans le hansard.

Mme Michelle Dockrill: Cela semble très bien.

M. John Herron: Quoi qu'il en soit, si cette somme, disons, de 1 000 ou 700 $ vous était attribuée... c'est-à-dire le montant d'argent dont nous disposons à cet égard, parce qu'en ce qui concerne la déduction pour frais de garde d'enfants, même si vous pouvez déclarer jusqu'à 7 000 $, la réclamation moyenne est d'environ 2 600 $, ce qui se traduit par environ 700 $ dans vos poches. Disons 700 ou 800 $ comptant, par rapport à la déduction pour frais de garde d'enfants. Cela permettrait de reconnaître la valeur du travail à la maison. Nous ne pourrons jamais fournir l'argent correspondant à la valeur réelle de ce travail, mais est-ce à votre avis un compromis acceptable?

Mme Helen Lambrinakos: En fait, ce n'est pas tant la reconnaissance pour moi-même que je recherche, et que j'aimerais d'ailleurs avoir; ce qui me préoccupe, ce sont mes enfants et ce que je peux leur offrir. Vous avez dit que le maximum est de 7 000 $. Eh bien, j'estime que les parents qui restent à la maison devraient obtenir ce montant de 7 000 $ parce qu'ainsi...

• 1040

Le président: En moyenne, ils réclament 2 600 $.

Mme Helen Lambrinakos: C'est très bien. Mais ce que je suis en train de vous dire, c'est que si vous leur donniez le maximum, est-ce que cela ne permettrait pas à plus de gens de rester à la maison?

Je pense que c'est Michelle qui a dit—c'est peut-être Serge—que le revenu moyen du deuxième parent qui va travailler se situe entre 20 000 et 30 000 $. Si vous prenez en compte leurs dépenses et tout le reste, peut-être qu'au bout du compte, si vous leur donniez ce crédit de 7 000 $, cela reviendrait pas mal au même. Cela leur permettrait de rester à la maison avec leurs enfants aussi, et je suis sûre que bien des gens qui doivent travailler aimeraient pouvoir le faire. Je pense que c'est la façon dont nous devrions procéder. Nous devrions faire en sorte qu'il soit aussi facile que possible pour une mère qui veut rester à la maison de ne pas avoir à aller travailler.

Lorsque vous parlez de ce montant d'argent qui est alloué, je ne le répéterai jamais assez: ces enfants sont notre avenir. C'est la ressource la plus précieuse que possède le Canada. Nous accordons des subventions à des gens qui font des films pornographiques. Nous dépensons de l'argent pour des futilités à bien des égards. Je pense que si vous examinez le rapport du vérificateur général, vous pourrez en trouver de nombreux exemples. Je pense que si vous preniez réellement le temps voulu, vous arriveriez à trouver l'argent nécessaire pour le faire, même si...

Le président: Pouvez-vous faire certaines suggestions? C'est ce que nous essayons d'obtenir.

M. John Herron: À ce sujet, si vous me le permettez, et si vous voulez continuer, je ne veux pas...

Mme Helen Lambrinakos: Non, non, allez-y.

M. John Herron: Vous êtes le patron ici, donc...

Mme Helen Lambrinakos: Non, allez-y.

M. John Herron: Supposons que le montant serait de 7 000 $. Si 700 $ se traduit par une somme d'environ un milliard de dollars pour le Trésor public, les contribuables, alors la somme de 7 000 $ équivaudrait au produit intérieur brut du pays.

Le président: Un crédit d'impôt de 1 000 $ pour tout le monde représente 7 milliards de dollars.

Mme Helen Lambrinakos: Je ne sais pas si vous arriveriez à trouver 7 milliards de dollars. Je n'ai certainement pas accès à tous ces documents.

M. John Herron: Moi non plus. Mais je suis partisan d'essayer. Je dis simplement qu'à un certain moment il y a un montant...

Mme Helen Lambrinakos: Il y a toujours une solution. Je viens de restructurer la totalité du budget de notre club de patinage et la façon dont nous procédons pour pouvoir continuer à offrir des bourses à ces enfants et à rembourser leurs coûts, et pourtant... Vous savez, il y a moyen de remanier tout cela. Mais je ne suis pas en mesure de vous dire en quoi cela consiste. Je n'ai pas accès à ces documents. Si vous vouliez que je fasse partie d'un comité, j'en serais ravie.

M. John Herron: Ma dernière question, et je tâcherai d'être bref, concerne le fractionnement du revenu. C'est une mesure que je préfère personnellement parce que nos déductions sont basées sur le revenu familial, mais notre système d'imposition est basé sur le revenu individuel. Donc ce qui me préoccupe, c'est que le fractionnement du revenu pourrait profiter davantage à ceux qui ont un revenu plus élevé qu'à ceux qui ont un revenu moins élevé. Ce qui nous préoccupe surtout, c'est que 16 p. 100 des parents au pays sont des parents seuls, qui vivent habituellement en marge. S'il existait un système double, par souci de souplesse, où nous aurions le fractionnement du revenu, mais où le gouvernement déciderait d'intervenir pour ces 16 p. 100 à un niveau différent, est-ce une mesure qui vous paraîtrait acceptable?

Mme Helen Lambrinakos: Que voulez-vous dire par «à un niveau différent»?

M. John Herron: Supposons qu'on déciderait de fournir une déduction supplémentaire ou quelque chose de ce genre, pour reconnaître que ce sont nos enfants qui sont importants et pour tenir compte de la situation très difficile des parents seuls. Essentiellement, ce serait pour ne pas accorder un allégement fiscal ou un incitatif fiscal supplémentaire aux gens qui se trouvent dans une tranche de revenus plus élevés. Nous tenons également à reconnaître la situation des gens qui se trouvent dans une tranche de revenus moins élevés. Je pense que nous devons tenir compte de la situation du parent seul.

Le président: Je vous remercie, monsieur Herron.

Aimeriez-vous répondre, monsieur Croteau ou madame...?

M. Gérard Croteau: J'ai un bref commentaire à faire. Vous avez mentionné le mot «frustration». Je pense avoir présenté mon exposé de façon assez calme. Mais je peux vous dire que si ma femme m'avait accompagné, vous auriez senti de sa part beaucoup plus de frustration que dans mon cas, et qu'elle aurait été beaucoup moins diplomate que moi probablement.

En ce qui concerne ce montant de 7 000 $ dont vous avez parlé, cela équivaudrait à 7 milliards de dollars. Dans mon cas, je parlais d'environ 4 000 $. Simplement au niveau fédéral, je paye plus qu'une famille à deux revenus pour le même total. Cela dure depuis neuf ans. Mon aîné a eu neuf ans la semaine dernière, et ma femme devra attendre encore trois ans avant de même pouvoir songer à aller travailler si elle veut s'occuper de nos enfants d'âge préscolaire. Nous avons cinq enfants. Donc nous parlons de 4 000 $ par année, simplement au niveau fédéral, pendant 12 ans. Cela représente, je crois, 48 000 $ que j'ai payé de plus en impôt que d'autres familles ayant le même revenu pour la même période de temps. Donc je pense avoir déjà apporté ma contribution d'une certaine façon en ce qui concerne ce montant de 7 milliards de dollars.

• 1045

Le président: Je vous remercie, monsieur Herron. Je vous remercie, monsieur Croteau.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci à vous deux. Je pense que votre message est très clair quant à la reconnaissance sociale et économique de la contribution apportée par un parent qui reste à la maison, un parent qui s'occupe lui-même de ses enfants. Votre dialogue a effleuré le dilemme auquel nous sommes confrontés. Tout cela a commencé lorsque les gens se sont mis à comparer un salaire de 60 000 $ à deux salaires de 30 000 $. Si vous déterminez le fardeau fiscal dans ces deux cas, vous comprenez qu'il existe une différence d'environ 4 000 $. Cela n'a rien à voir avec le fait qu'il y ait ou non des enfants. Cela a à voir avec la progressivité ou les taux d'impôt marginaux qui existent dans notre régime.

Pour ma part, j'estime, et vous voudrez peut-être faire des commentaires à ce sujet, que la vraie comparaison économique ne se fait pas entre la famille A et la famille B. Cette comparaison se situe plutôt dans une famille où deux personnes sont sur le marché du travail, gagnent toutes deux un revenu et à un moment donné ont un enfant. Ils ont maintenant deux options. L'une consiste à faire garder l'enfant par un tiers et à payer ce service et à obtenir une déduction pour frais de garde d'enfants. L'autre consiste à ce que l'un des parents se retire temporairement du marché du travail et s'occupe lui-même de son enfant. C'est vraiment là que se situe la décision que doit prendre une famille.

On nous a dit que si les deux parents travaillent, ils ont droit à cette déduction pour frais de garde d'enfants. L'octroi de cet allégement fiscal comporte des coûts pour le gouvernement. Nous aimerions égaliser la situation pour que ceux qui se retirent du marché du travail, qui renoncent à un revenu et qui offrent des services communautaires, etc., soient reconnus et reçoivent un avantage équivalent. Autrement dit, nous voulons avoir des règles du jeu équitables pour tout le monde.

Notre dilemme, c'est que personne n'a réussi à nous dire jusqu'à présent, et n'arrivera pas à nous dire, quelle est la valeur de la déduction pour frais de garde d'enfants, car elle varie en fonction du montant versé pour les services de garde d'enfants, de votre taux d'imposition, du fait que vous êtes un parent seul ou faites partie d'une famille biparentale. Ce que je veux dire, c'est que vous n'obtiendrez pas de chiffres. Vous obtiendrez toute une fourchette de prestations, et il est très difficile d'établir le montant d'une prestation pour le parent qui reste à la maison en fonction d'une telle fourchette. C'est là le dilemme, et nous en sommes conscients.

En réalité, la façon dont nous donnons des prestations ou dont nous établissons des règles du jeu équitables se fonde sur des principes qui dépendent à leur tour des politiques élaborées. Laissez-moi vous donner certain de ces principes, qu'on pourrait considérer comme des directives ou des attitudes, dont nous devrions tenir compte dans notre réflexion, et vous me direz si vous y souscrivez ou pas. Le premier principe, c'est que nos politiques devraient être axées sur les enfants et devraient viser leur intérêt.

M. Gérard Croteau: D'accord.

M. Paul Szabo: En deuxième lieu, les parents sont les mieux placés pour déterminer quels sont les meilleurs services de garde qu'ils veulent offrir à leurs enfants à la lumière des circonstances, de leurs possibilités et des options qui s'offrent à eux.

M. Gérard Croteau: D'accord.

M. Paul Szabo: En troisième lieu, nos politiques devraient fournir le plus de souplesse et d'options possible pour que l'un ou l'autre des parents puisse choisir de faire partie de la population active ou de garder les enfants.

M. Gérard Croteau: D'accord.

M. Paul Szabo: En quatrième lieu, nos politiques devraient être le plus globales possible et correspondre le plus possible aux réalités de la société, à savoir les parents seuls, les conditions de vie et les préférences des parents et des enfants.

M. Gérard Croteau: D'accord.

M. Paul Szabo: Nos politiques devraient être justes et équitables, et elles ne devraient ni favoriser ni pénaliser l'un ou l'autre des choix de garde d'enfants.

M. Gérard Croteau: D'accord.

Mme Helen Lambrinakos: Je suis d'accord.

M. Paul Szabo: Autrement dit, nous ne voulons pas favoriser un choix plutôt qu'un autre. Nous voulons respecter l'évaluation que font les parents de leur propre situation et respecter leur choix. Dans la mesure du possible, tous les enfants devraient faire l'objet des mêmes prestations, peu importe le choix de leurs parents.

M. Gérard Croteau: D'accord.

Vous avez dit qu'à l'arrivée d'un enfant les parents ont deux choix. La difficulté, c'est qu'à l'heure actuelle beaucoup de gens n'ont pas le choix, car rester à la maison pour s'occuper des enfants coûte trop cher pour beaucoup d'entre eux. Ma collègue et moi vous l'avons déjà signalé.

• 1050

Vous avez parlé de «souplesse», et c'est justement ce qui manque actuellement. À mon avis, il y a eu beaucoup de politiques d'instaurées dans le but de permettre aux parents de retourner travailler, et peut-être qu'on a réussi, ce faisant, à résoudre certains problèmes, mais on a laissé complètement de côté le rôle traditionnel du parent et omis de combler cette énorme lacune. À mon avis, il manque dans l'ensemble du tableau quelque chose de majeur, c'est-à-dire une mesure juste et équitable qui permettrait de donner aux enfants la priorité absolue.

Mme Helen Lambrinakos: J'ai dit qu'il existait toute une gamme de possibilités. Je sais que personne n'a aimé ce que j'ai préconisé, mais je répète que si on accordait aux parents qui restent à domicile le maximum de ce qu'accorde actuellement le ministère du Revenu, tout le monde serait sur un pied d'égalité. Même la mère de famille monoparentale qui travaille à l'extérieur gagnerait sans doute la même chose, voire un petit peu plus, que si elle restait chez elle, et je...

Le président: Quelqu'un veut-il répondre?

M. Paul Szabo: Je vais voir si je peux répondre. À l'heure actuelle...

Mme Helen Lambrinakos: Laissez-moi ajouter que mon mari recevrait la prestation de conjoint même si nous n'avions pas d'enfants.

Si je ne travaillais pas, c'est-à-dire si je restais à la maison et ne faisais que regarder la télévision toute la journée...

Le président: Vous recevriez la prestation de conjoint.

Mme Helen Lambrinakos: ...il continuerait à recevoir la prestation de conjoint.

Le président: Si vous ne travaillez pas, c'est vous qui la receviez.

Mme Helen Lambrinakos: C'est cela; c'est ce que j'ai dit.

Le président: C'est censé compenser.

M. Paul Szabo: Cela n'a rien à voir avec les enfants.

Mme Helen Lambrinakos: En effet, cela n'a rien à voir avec les enfants.

M. Paul Szabo: Justement, c'est cela qui est important, car vous avez soulevé ce qui pourrait être la question la plus difficile.

En vertu du régime fiscal actuel, si l'on a un enfant à charge et qu'il est d'âge préscolaire, le conjoint à revenu le plus faible reçoit une déduction de 7 000 $, mais elle se limite aux deux tiers du revenu gagné du conjoint au revenu le plus faible. Par conséquent, si ce conjoint au revenu le plus faible ne gagne que 5 000 $, il ne pourra réclamer que 3 000 $ sur les 7 000 $ dépensés. Voilà une difficulté. De plus...

Mme Helen Lambrinakos: Mais cette personne a quand même gagné de l'argent.

M. Paul Szabo: Un instant. Le manque à gagner... absolument.

Mais en termes de chiffres, si le conjoint à revenu moindre gagne 65 000 $, la déduction de 7 000 $ reçue vaut 3 500 $, une fois dans sa poche, étant donné le taux marginal d'imposition de 50 p. 100 que l'on trouve en moyenne dans toutes les provinces. Si le conjoint à revenu moindre se trouve dans la fourchette d'imposition la plus basse, à 30 000 $ ou moins de revenu, la prestation reçue n'est que de 1 750 $.

Mme Helen Lambrinakos: Je persiste à dire qu'elle a quand même gagné de l'argent, alors que le parent qui est resté à la maison ne peut pas en dire autant.

M. Paul Szabo: Vous comprenez que lorsque les deux parents travaillent, la prestation pourrait être deux fois plus élevée dans un cas que dans l'autre, selon le niveau de revenu du conjoint à revenu moindre. Cela constitue une discrimination ou une iniquité pour les familles bi-actives.

Si nous devions appliquer la déduction de 7 000 $ aux familles biparentales à un revenu, le montant de la prestation empochée dépendrait de la tranche d'imposition du parent ayant un revenu. La déduction de 7 000 $ vaudrait 3 500 $ pour certains, mais seulement 1 750 $ pour d'autres, et on pourrait toujours invoquer la discrimination.

Mme Helen Lambrinakos: D'accord, mais pourquoi ne pas appliquer la même règle dans ce cas? Si l'un des conjoints fait 60 000 $ par année, donnez-lui les deux tiers des 7 000 $.

M. Paul Szabo: Non, cela n'est pas limité aux deux tiers de...

Mme Helen Lambrinakos: N'avez-vous pas parlé des deux tiers?

M. Paul Szabo: Oui, des deux tiers du revenu gagné.

Mme Helen Lambrinakos: Les deux tiers du revenu gagné.

M. Paul Szabo: C'est-à-dire 40 000 $, mais le maximum augmente.

Mme Helen Lambrinakos: C'est justement ce que je disais. Vous pourriez quand même appliquer la même règle.

M. Paul Szabo: Mais vous comprendrez qu'il est possible que 30 p. 100 des familles à un revenu ne fassent que quelque 30 000 $ par année et soient imposées à un taux moindre. Si vous accordiez la déduction de 7 000 $ à une famille à un revenu, cela reviendrait à donner beaucoup plus d'argent aux gens ayant un salaire élevé par rapport aux petits salariés, et cela revient à un des principes dont je vous ai parlé, à savoir qu'il faut accorder le même genre de prestation à toutes les familles, peu importe leur choix de garde et peu importe leur revenu.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

M. Gérard Croteau: Vous avez parlé d'une petite augmentation de revenu dans le cas des familles bi-actives lorsque le revenu est faible. Il vaut la peine de signaler que les avantages que sont les pensions et les chances d'avoir une promotion sont beaucoup plus élevées pour ceux qui ont deux revenus et continuent à travailler que pour ceux qui restent quelques années à la maison et qui doivent repartir à zéro lorsqu'ils reviennent sur le marché du travail.

• 1055

Mme Helen Lambrinakos: Mon collègue et sa femme ont cinq enfants, et moi j'en ai quatre. Il nous faudra attendre longtemps avant de pouvoir retourner sur le marché du travail.

M. Paul Szabo: Aimeriez-vous pouvoir cotiser au Régime de pensions du Canada?

M. Gérard Croteau: Bien sûr.

Mme Helen Lambrinakos: Pourquoi pas?

[Français]

Le président: Est-ce que vous pourriez nous donner des suggestions en vue de favoriser la participation à des REER ou à un fonds de pensions pour les conjoints? Comme vous le savez, les contributions à un REER sont basées sur un revenu net. Lorsqu'un conjoint ou une conjointe n'a pas de revenu net, comment peut-il ou peut-elle y participer?

M. Gérard Croteau: Comme je l'indiquais dans ma troisième recommandation, il serait avantageux qu'on donne la possibilité à un travailleur de payer son conjoint pour rester à la maison.

Nous pourrions également offrir deux options aux parents. Par exemple, dès que la mère a un enfant, qu'elle travaille ou non à l'extérieur, elle devrait pouvoir bénéficier du droit d'investir dans un fonds de pensions. On pourrait d'autre part n'offrir cet avantage qu'aux mères qui restent à la maison et fixer une contribution maximale de 2 000 $ ou 3 000 $ par année. Bien que cette somme soit très peu élevée, cette contribution représenterait déjà un avantage marqué par rapport à la situation actuelle. On réglerait ainsi une partie du problème de reconnaissance et de statut social.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Croteau, d'avoir partagé avec nous vos suggestions et d'avoir exprimé vos inquiétudes.

[Traduction]

La solution n'est pas facile, comme vous le voyez, mais nous tenterons d'y voir clair dans tous les témoignages, dont certains étaient excellents. Merci à tous deux au nom du comité.

[Français]

Merci infiniment à nouveau.

[Traduction]

Mme Helen Lambrinakos: Merci.

Le président: Merci.

• 1100




• 1101

[Français]

Le président: Nous souhaitons la bienvenue aux représentants de la Confédération des syndicats nationaux, M. Marc Laviolette, vice-président, et M. François Bélanger, économiste.

Je vous invite à faire une présentation de cinq à dix minutes, après quoi nous passerons à la période de questions.

M. Marc Laviolette (vice-président, Confédération des syndicats nationaux): Au nom de la CSN, je remercie le sous-comité d'avoir accepté d'entendre notre présentation ce matin. Nous aurions souhaité déposer un mémoire, mais nous n'avons pu le faire faute de temps. Je ferai une brève présentation à la suite de laquelle M. Bélanger vous soumettra nos propositions.

Je remplace aujourd'hui Mme Claudette Carbonneau qui est retenue en raison de la négociation du dossier des garderies au Québec. Comme vous le savez, nous participons à un comité de travail qui poursuit des discussions intenses. Je suis accompagné de François Bélanger, qui est économiste au service des relations du travail à la CSN.

La CSN est la deuxième organisation syndicale au Canada et elle compte 240 000 membres et 2 300 syndicats qui sont surtout concentrés au Québec. Je ne vous répéterai pas les statistiques que vous connaissez déjà sur la pauvreté des enfants. Vous avez largement discuté de cette question ici, à ce sous-comité, et les médias en ont fait grandement état.

Il y a quand même une étude qui nous a frappés, à la CSN. Il s'agit de l'étude du Conseil national du bien-être social qui faisait appel à une mesure du seuil de faible revenu différente de celle utilisée par Statistique Canada et qui établissait le taux de pauvreté après impôt et transfert à 13,5 p. 100, ce qui place le Canada parmi les pays qui font le moins d'efforts pour réduire le taux de pauvreté des enfants. Aux États-Unis, ce taux s'établit à 21,5 p. 100, en Australie, à 14 p. 100, tandis qu'au Royaume-uni, en France, aux Pays-Bas, en Suède et en Allemagne, il se situe sous la barre des 10 p. 100.

Cette mesure nous permet d'examiner l'évolution du taux de pauvreté infantile au pays et de porter un jugement sur le choix politique qu'a fait le Canada de passer d'une aide universelle aux familles à une aide ciblée aux plus pauvres d'entre elles. Ces choix se sont avérés un échec puisque le taux de pauvreté augmente plutôt que de diminuer. Bien que plusieurs phénomènes aient contribué à l'augmentation du taux de pauvreté infantile, l'intervention gouvernementale est venue renforcer cette tendance au lieu de la mitiger.

• 1105

Bien qu'on ait prétendu que la réforme de la politique familiale se concentrait sur l'aide aux familles les plus démunies, cette réforme avait pour objectif de générer des économies budgétaires et de renforcer l'incitation au travail des familles touchant l'aide sociale. Cet objectif ne posait pas de problèmes en soi, mais il a toutefois eu pour résultat que la politique familiale a été en quelque sorte intégrée à la politique de sécurité du revenu. Ainsi, certaines familles à revenu moyen ou élevé ne reçoivent pas de soutien public, ou très peu, mais doivent assumer des coûts supplémentaires inhérents à la présence d'enfants dans la famille.

On ne tient donc pas compte de la capacité de payer de ces familles par rapport aux ménages sans enfant disposant des mêmes revenus, ce qui se traduit par un accroc au principe de l'équité horizontale. Globalement, l'enveloppe de l'aide aux familles a été grandement réduite à la suite de la réforme de la politique familiale puisque les sommes affectées aux programmes existant avant 1989 n'ont pas été transférées à la prestation fiscale canadienne pour enfants, qui est désormais le seul canal principal par lequel transite la politique familiale fédérale.

Dans le cadre de notre critique de l'évolution de nos politiques familiales, nous avons formulé six propositions que vous présentera François.

M. François Bélanger (économiste, Confédération des syndicats nationaux): Le Canada est l'un des seuls pays à ne pas avoir de prestation ou de déduction fiscale universelle en faveur des enfants. Puisque le gouvernement réalise désormais un surplus virtuel de 10 milliards de dollars par an, nous estimons que la situation des finances publiques ne peut plus servir de repoussoir à la mise en place d'un système d'aide financière adéquat pour les familles.

La CSN est d'avis que le seul fait pour un ménage d'avoir la responsabilité d'enfants devrait lui donner accès à une allocation indexée à l'IPC, dont au moins une partie devrait être universelle. Ce soutien financier devrait tenir compte des coûts réels nécessaires pour satisfaire aux besoins essentiels des enfants d'une famille. Des études récentes indiquent que le coût du premier enfant d'une famille monoparentale est de l'ordre de 6 20 $, tandis qu'il est de 4 125 $ pour les couples et d'environ 3 000 $ pour les autres enfants.

Nous croyons que le total des transferts et des aides fédérales et provinciales devrait permettre aux familles ayant un revenu inférieur au seuil de faible revenu de Statistique Canada d'assumer ces coûts. Plusieurs raisons militent en faveur de l'adoption d'une telle allocation. Elle rétablirait l'équité horizontale entre les ménages avec enfants et sans enfant, puisque les ménages avec enfants ont un revenu disponible moindre que les ménages sans enfant, même ceux qui touchent des revenus moyens et élevés. L'existence de mesures universelles renforcerait la solidarité sociale et contribuerait à faire accepter le niveau du fardeau fiscal qui, de toute manière, ne pourra pas diminuer si rapidement au Canada, compte tenu de l'importance de la dette et du service qui s'ensuit.

Une allocation universelle mettrait un terme aux incohérences et à la discrimination qu'engendrent inévitablement les allocations ciblées en fonction de critères tels que le revenu familial et la participation ou non au marché du travail. Elle réglerait aussi la question des taux marginaux implicites élevés liés à la perte de la prestation fiscale lorsque le revenu s'élève. Nous croyons qu'à long terme, une telle allocation favoriserait la croissance économique parce qu'on éviterait les effets négatifs liés aux interventions ciblées et renforcerait le capital humain que sont les enfants. C'est notre première proposition, et je vous rappelle qu'un supplément viserait à combler l'ensemble des besoins essentiels des enfants les plus pauvres.

Notre deuxième proposition porte davantage sur la question de la déduction des frais de garde. Nous croyons que cette déduction devrait être convertie en un crédit d'impôt remboursable dont la valeur diminuerait à mesure que le revenu familial augmente, comme c'est déjà le cas au Québec depuis 1994. Actuellement, les familles à revenu élevé profitent de manière disproportionnée de la déduction. Pour chaque tranche de 1 000 $ de frais de garde, un contribuable gagnant moins de 30 000 $ bénéficie d'une économie d'impôt de 170 $, alors qu'un contribuable gagnant 60 000 $ par an économise 290 $ en raison d'un taux marginal d'imposition plus élevé.

• 1110

Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait transférer au gouvernement du Québec les économies qu'il réalise du fait de l'utilisation moindre de la déduction pour frais de garde par les familles québécoises depuis l'introduction progressive des places en service de garde à 5 $ par jour au Québec. Donc, il y aurait un transfert de fonds vers le Québec dans ce domaine.

Dans la même veine, puisque Québec a révisé son projet de régime de congés parentaux de façon à éliminer les irritants qui empêchaient jusqu'ici le gouvernement fédéral d'accéder aux demandes du Québec, nous nous attendons à un règlement rapide de ce dossier, puisque Québec accepte maintenant que les bénéfices du régime qu'il entrevoit soient imposables et que le calcul des transferts se fasse sur la base de la moyenne canadienne.

Si on a bien compris, le Québec accepterait maintenant de recevoir l'équivalent des prestations qu'il reçoit plutôt que les cotisations qu'il verse à l'assurance-emploi. C'est une chose qui devrait se régler rapidement.

Le cinquième point concerne des propositions d'ordre général relatives au régime fiscal. Les seuils de revenu à partir desquels les contribuables deviennent imposables actuellement ont fortement diminué en termes réels depuis 1980. Cette situation s'explique en partie par la non-indexation et l'indexation partielle du régime fiscal depuis 1985, et en partie par les réformes qui sont venues réduire la progressivité du régime d'imposition fédéral.

Il est à noter que les changements introduits dans le régime fiscal depuis le budget de 1998, entre autres l'élimination de la surtaxe de 3 p. 100 et l'augmentation des montants qu'on peut gagner en franchise d'impôt, sont loin de compenser les pertes associées à la non-indexation totale ou partielle du régime. Cet état de choses touche tout aussi bien les ménages avec enfants que sans enfant. En conséquence, nous proposons que l'ensemble du régime fiscal et de prestations gouvernementales, notamment celles pour enfants, soit indexé au coût de la vie.

Par ailleurs, toujours dans le cadre de modifications au régime fiscal général, nous souhaiterions que le crédit personnel de base pour conjoint soit porté à 9 000 $, ce qui correspond au minimum pour couvrir les besoins essentiels d'une personne seule.

Finalement, le crédit d'impôt non remboursable relatif au montant pour équivalent de conjoint qui est réclamé pour le premier enfant d'une famille monoparentale devrait être converti en crédit d'impôt remboursable de façon à en faire bénéficier les familles pauvres.

En terminant, je voudrais parler un peu des transferts. À ce chapitre, nous pensons que les familles monoparentales et biparentales avec enfants qui touchent de l'aide sociale pourraient subir les contrecoups de la nouvelle méthode d'attribution du Transfert social canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Une modification du programme de péréquation pourrait être la solution.

Ce programme, en plus de compenser les écarts de capacité fiscale entre les provinces, comme il le fait actuellement, pourrait aussi prendre en considération les dépenses des provinces découlant d'une incidence plus forte de la pauvreté, comme c'est le cas au Québec. C'est essentiellement la suggestion que faisait Pierre Fortin à la suite du budget fédéral. Voilà qui termine l'ensemble de nos propositions.

Le président: Merci infiniment. Nous allons passer tout de suite à la période de questions des députés.

Monsieur Forseth, vous avez cinq minutes.

[Traduction]

M. Paul Forseth: Merci.

Vers la fin de votre exposé, vous avez dit vouloir faire six recommandations; mais vous les avez formulées si rapidement que j'ai perdu pied pendant la traduction, et j'espère que vous pourrez nous envoyer par écrit toutes vos propositions pour que nous puissions les relire en détail.

Pou ce qui est de vos recommandations, avez-vous pu les chiffrer pour déterminer combien chacune d'elles coûterait au Trésor fédéral?

• 1115

Si j'ai bien compris, vous voulez combattre dans son ensemble la pauvreté chez les enfants. Dois-je comprendre que vous préconisez plutôt d'augmenter les transferts aux Canadiens qui ont à charge des enfants—d'augmenter l'aide sociale, les crédits ou les subventions—plutôt que de faire ce qu'il faut pour créer une économie qui permette aux parents de gagner plus?

Si les enfants sont pauvres, c'est parce que les adultes qui les ont à leur charge le sont aussi. Il y a une limite à combattre la pauvreté en augmentant le chèque de bien-être social! C'est beaucoup plus complexe que cela. Que proposeriez-vous pour relancer l'économie pour qu'il y ait un plus grand nombre d'emplois rémunérateurs qui s'offrent aux parents de façon qu'ils puissent avoir un revenu convenable plutôt que de dépendre du bien-être?

Ma question se limite à vous demander quelles seraient les incidences monétaires de chacune de vos propositions.

[Français]

M. François Bélanger: Nous sommes venus ici à la suite d'une invitation relativement tardive. Nous avons essayé de présenter un certain nombre de propositions sur la question de la fiscalité des transferts pour enfants, mais nous n'avons pas eu le temps de chiffrer tout cela globalement.

Nous sommes conscients que des contraintes économiques y sont rattachées. Ce que nous envisagions pour financer tout cela était une redistribution équitable entre les ménages sans enfant et les ménages avec enfants, mais nous n'avons évidemment pas eu le temps de préciser tous les détails de cette redistribution.

En consultant le catalogue des dépenses fiscales de 1998 publié par le gouvernement, on s'aperçoit qu'une multitude d'activités économiques font l'objet d'encouragements fiscaux de toutes sortes. Il y a énormément de revenus que le gouvernement fédéral accepte de ne pas percevoir afin d'encourager certaines activités. Nous croyons que plusieurs de ces activités pourraient sans doute être réaménagées de façon à apporter un soutien plus fort à la famille au Canada.

Le Canada est membre du G-7 et nous nous trouvons dans une des économies les plus riches au monde. Il est donc inconcevable que le taux de pauvreté chez les enfants continue de croître comme il le fait présentement. Nous ne pouvons pas concevoir non plus qu'il ne soit pas possible de réaménager le système fiscal de façon à éradiquer ce problème.

Plus globalement, pour ce qui est d'encourager l'activité économique au Canada, les prestations ne sont certainement pas la seule façon d'améliorer la situation des enfants et des familles à faible revenu au Canada, mais d'un autre côté, nous croyons que cela demeure nécessaire. Nous ne croyons pas que des politiques macroéconomiques, malgré tout le bienfait qu'elles peuvent avoir d'une certaine manière, puissent répondre à ce genre de problème.

Quand on est dans une économie avec un taux d'intérêt extrêmement faible, alors que l'inflation a beaucoup décru au cours des dernières années, je ne crois pas qu'il y ait un quelconque avantage à rechercher une baisse des taux d'intérêt, à partir du moment où ils sont relativement bas.

L'intervention macroéconomique fait ce qu'elle peut, mais elle a ses limites. À partir du moment où les taux d'intérêts sont bas, le fait d'éradiquer complètement l'inflation ne génère pas un niveau d'activité permettant de stimuler une croissance économique qui sortira ces gens de la pauvreté, particulièrement les enfants.

Je crois qu'on a atteint les limites du possible avec les politiques macroéconomiques. De toute manière, nous ne croyons pas vraiment à la stratégie de remboursement de la dette que le fédéral applique depuis deux budgets.

• 1120

Évidemment, j'admets que c'est très important. Même en remboursant 10 milliards de dollars de dette au cours des deux dernières années, en considérant les opérations budgétaires et non budgétaires, le gouvernement fédéral a peut-être réussi à faire baisser le ratio de la dette au PIB d'une manière relativement importante, mais le remboursement lui-même a eu un très faible impact sur la baisse de ce ratio. La baisse du ratio est principalement due à l'augmentation du PIB en dollars nominaux.

C'est facile à calculer. Je ne me rappelle pas exactement les chiffres, mais sans remboursement de la dette, au cours de la dernière année fiscale, le ratio de la dette au PIB serait passé de 72 à 69 p. 100 au lieu de passer à 68 p. 100 avec le remboursement de 10 milliards de dollars qui a été fait.

Je considère donc que dans l'état actuel de l'économie, qui connaît une croissance qui n'est pas comparable à celle des États-Unis, alors qu'on doit régler les problèmes sociaux après des années de restructuration des programmes publics, l'argent est vraiment mal dépensé. Il y aurait certainement moyen de récupérer, à tout le moins, l'équivalent de la réserve, pour trois milliards de dollars, et de l'investir de façon plus importante dans les programmes sociaux, notamment ceux destinés à éliminer le taux de pauvreté infantile au Canada.

Le président: Je crois que M. Laviolette voudrait ajouter quelque chose.

M. Marc Laviolette: De façon plus globale, il ne faut pas oublier que nous sommes dans une situation de surplus budgétaire. Notre critique de l'évolution de la politique familiale canadienne, à partir d'une politique universelle vers des mesures ciblées, est que le résultat que l'on constate aujourd'hui est une augmentation du taux de pauvreté.

Nous disons que cette politique pose un problème et qu'il faut redresser la situation en réduisant le taux de pauvreté des enfants et des familles monoparentales. Il faudrait un incitatif pour que les gens puissent retourner sur le marché du travail. Il faut par conséquent revenir à des politiques plus universelles.

Il ne faut pas oublier que le filet de sécurité sociale est un mécanisme automatique régulateur de l'économie. L'argent que l'on y investit est ensuite dépensé par les citoyens dans l'économie. Si le taux de pauvreté continue d'augmenter, qu'est-ce qui incitera les familles monoparentales pauvres à dépendre moins du filet de sécurité sociale et à se tourner vers le marché du travail? On ne s'en sort pas; c'est un cercle vicieux.

Le président: Merci beaucoup. Je vais maintenant donner la parole à M. Cardin.

M. Serge Cardin: Monsieur le président, est-ce que j'ai droit à dix minutes?

Le président: Non, vous avez droit à cinq minutes, mais cela dépend aussi des réponses parce que les questions sont quelquefois plus longues.

M. Serge Cardin: Messieurs, je vous remercie d'être ici aujourd'hui et de participer aux travaux du sous-comité.

Dans un premier temps, je voudrais réitérer la demande de M. Forseth, qui souhaitait avoir un document écrit, parce que les propositions ont été faites rapidement. Certaines me plaisent beaucoup et nous avons entendu plusieurs arguments à ce sujet.

Je voudrais revenir rapidement à l'énoncé du mandat. Il est certain qu'il y a des iniquités fiscales entre les familles à un et deux revenus, mais vous avez parlé du cas où il y a des enfants. Vous mettez donc quand même l'accent sur la famille et les enfants.

On a aussi parlé des soins à apporter aux enfants, mais aussi du choix des parents de rester à la maison pour élever leurs enfants ou de les placer en garderie, donc d'avoir des services de qualité. L'accent est mis sur les enfants, mais on ne veut pas diriger le choix des gens; on veut les appuyer dans leur choix. D'après vous, si les recommandations que vous avez faites étaient mises en oeuvre, est-ce que les objectifs seraient atteints?

J'oubliais un élément important. On a beaucoup parlé de la reconnaissance du travail fait à la maison par des personnes qui choisissent de rester au foyer. Est-ce que vous pensez, par vos recommandations, pouvoir répondre à ces attentes de la population?

M. François Bélanger: Dans nos recommandations, nous n'avons pas abordé spécifiquement cette question.

Lorsque j'ai fait une revue de notre présentation, à partir du CD-ROM SNI, je me suis rendu compte un peu tard que c'était une des principales raisons des audiences actuelles. Si je ne me trompe pas, c'est une des questions qui sont vraiment au coeur des consultations. Ce n'est pas quelque chose dont on a discuté de façon précise à la centrale. A priori, je ne verrais pas de problème.

• 1125

En fait, le traitement fiscal des familles ne devrait pas favoriser plus la famille traditionnelle que celle où il y a deux personnes qui gagnent un revenu. Je ne pense pas que ce soit le rôle de la fiscalité que d'essayer de déterminer l'évolution des ménages.

M. Serge Cardin: C'est justement ce que je vous disais. On ne veut pas favoriser l'une ou l'autre, mais faciliter aux gens leur choix; on veux permettre des choix.

M. François Bélanger: D'accord. Je croyais que les critiques actuelles étaient que les familles ayant un gagneur de revenu étaient défavorisées par rapport au système américain, par exemple. Ce n'est pas une question dont on a vraiment discuté, mais, a priori, il ne faudrait pas que la fiscalité tranche sur le statut du ménage.

M. Serge Cardin: Je vous demanderais d'élaborer un peu plus parce qu'il y a quand même des éléments importants là-dedans. Par exemple, on demande de reconnaître le travail effectué par une personne qui demeure à la maison pour élever ses enfants. Vous y avez touché indirectement dans une de vos recommandations en parlant d'augmenter de 1 000 $ l'exemption pour le conjoint. Pour aider les familles à faible revenu, vous recommandez que la déduction d'équivalent de conjoint soit transformée en un crédit remboursable pour une personne monoparentale. Vous dites ne pas avoir saisi notre mandat au complet dès le début, mais vous répondez à beaucoup de questions qui nous ont été soumises et sur lesquelles le comité doit continuer de s'interroger. C'est pour cela que je voulais que vous nous donniez plus de détails.

M. François Bélanger: Ce n'était peut-être pas dans la perspective que vous avez évoquée, mais on a intégré cela par suite de discussions avec des groupes populaires au Québec. Il nous est apparu que la situation des familles monoparentales, entre autres, était vraiment difficile et que c'était une manière de suppléer à leurs revenus en prenant en considération le coût plus élevé des besoins essentiels du premier enfant pour elles, qui est de 6 200 $ dans leur cas. Cela nous rapprocherait un peu du coût supplémentaire occasionné par le fait d'avoir un enfant alors qu'un seul parent travaille.

M. Serge Cardin: Lors des consultations, les gens ont demandé, et cela à tous les endroits, l'accès à un système de garde universel. Dans une de vos recommandations, vous parlez de transformer la déduction pour les frais de garde en un crédit pour que cela profite moins aux hauts salariés. Il y avait un autre point intéressant, et je ne le cacherai pas à l'ensemble du comité; c'est quand vous parliez de transferts d'argent au Québec. Si jamais le gouvernement fédéral instaurait un système de garde universel, le Québec, ayant déjà une bonne longueur d'avance à ce niveau-là, devrait récupérer l'argent au moyen d'un transfert.

M. François Bélanger: Il faudrait espérer qu'il ne se produise pas la même chose que lorsque la TVQ a été instaurée ou harmonisée, d'une certaine manière. Au Québec, on n'a pas bénéficié des remboursements alors qu'une autre province qui a présenté à peu près le même modèle a bénéficié par la suite d'une compensation.

M. Serge Cardin: Effectivement.

Le président: Vous pourriez peut-être élaborer sur le programme même, sur les lacunes que vous voyez jusqu'à présent et sur les problèmes qu'on a vécus au Québec. Je sais que le modèle québécois intéresse beaucoup nos collègues et j'aimerais savoir, de votre part, s'il y aurait des modifications que nous devrions suggérer.

M. Serge Cardin: Au niveau des politiques qui existent au Québec et de leur efficacité par rapport...

Le président: Je parle de l'implantation du programme national de garderies. Certains disent qu'à 5 $, la qualité n'est peut-être pas celle qu'on souhaiterait avoir, etc. On a entendu toutes sortes de fausses informations.

M. François Bélanger: À ce que je sache, les places...

M. Serge Cardin: Excusez-moi, monsieur Bélanger. Je veux simplement signaler au président que je partage mon temps de parole avec lui.

Le président: Avez-vous des commentaires?

M. François Bélanger: Je ne suis pas le porteur du dossier des services de garde à la CSN, mais je suis quand même conscient que les places sont développées dans un système de garde régi. L'Office des services de garde à l'enfance a été intégré au ministère de la Famille, qui s'assure que les normes sont respectées.

• 1130

Je crois que la majorité des nouvelles places développées sont...

Une voix: En milieu familial.

M. François Bélanger: Oui, en milieu familial. Ce n'est pas le secteur privé qui se développe. Il y a une certaine normalisation des programmes pédagogiques, si on peut les appeler ainsi, et de la qualité.

Le président: Monsieur Laviolette.

M. Marc Laviolette: Mme Carbonneau aurait sûrement été mieux placée que nous pour vous répondre, car elle est responsable de ce dossier. Je pense qu'au Québec, le problème par rapport au nombre de places de garde en est un de croissance. Présentement, on est en pleine expansion et on double les places pour les services de garde en milieu familial. Ce sont des problèmes liés au développement et non pas à la qualité des services de garde au Québec. Je pense qu'on a des services de garde de très haute qualité. Les garderies au Québec sont en développement depuis le début des années 1970, et les problèmes actuels sont des problèmes de croissance. Les souliers sont trop petits pour la grandeur des pieds, et il faut se développer.

L'autre problème est celui de l'harmonisation du réseau et des conditions de travail des éducatrices en services de garde, ce qu'on est en train de régler avec le gouvernement. Malheureusement, au Canada, surtout au niveau fédéral, on a beaucoup parlé d'un système universel de garde, mais la marchandise n'a pas été livrée, alors qu'au Québec, on a un modèle exemplaire. Je ne connais pas d'endroit où il y a des problèmes de qualité de services de garde comme tels; ce sont sûrement de mauvaises langues qui ont dit cela.

[Traduction]

M. John Herron: Comme j'ai peut-être été trop verbeux la dernière fois, j'essaierai d'être plus bref cette fois-ci.

M. Bélanger signalait qu'aux États-Unis il était possible d'envoyer une déclaration conjointe de revenus plutôt qu'une déclaration individuelle. À votre avis, cela pourrait-il être une option pour le Canada?

[Français]

M. François Bélanger: Comme je l'ai dit à M. Cardin, c'est une question sur laquelle on ne s'est pas penchés spécifiquement avant de se présenter devant vous. La position officielle de la centrale en termes de la fiscalité est que l'unité d'imposition doit demeurer l'individu. On aurait vraiment une réflexion à faire à ce niveau. Je ne peux que vous donner un avis personnel et je ne suis pas ici pour cela.

C'est donc une réflexion que nous devrons faire de notre côté. Si cette avenue proposait un traitement fiscal qui ne favoriserait pas plus les familles à un gagneur de revenu que celles à deux gagneurs de revenus, c'est certainement quelque chose qu'il faudrait à tout le moins considérer dans nos réflexions.

[Traduction]

M. John Herron: Je terminerai en vous félicitant d'affirmer qu'il ne faut pas encourager une solution de garde des enfants aux dépens d'une autre. Vous avez dit qu'il fallait plutôt favoriser un plus grand nombre de choix sans pénaliser ou favoriser une structure familiale aux dépens d'une autre.

Vous avez mentionné la prestation universelle. À votre avis, comment devrait-elle être modelée pour qu'elle ne serve pas à favoriser une structure familiale aux dépens des autres?

• 1135

[Français]

M. François Bélanger: Dans un premier temps, on pourrait imaginer un système dans lequel toutes les familles recevraient une prestation fiscale fédérale universelle dont le montant serait celui actuellement accordé pour la prestation fiscale fédérale aux ménages qui ont des revenus inférieurs à 20 921 $. Elles bénéficieraient de la partie intégrale de la prestation fiscale, qui est de 1 020 $, plus le montant de 605 $ qui doit être ajouté. Cela nous amènerait donc au fameux montant de 1 625 $.

On pourrait songer à accorder à toutes les familles ce montant de 1 625 $. Ce serait un montant de base. Le montant de 1 625 $ correspond à l'actuelle prestation maximum qu'une famille monoparentale a la possibilité de recevoir. Toutes les familles bénéficieraient pour leur enfant de 1 625 $, en dollars de 1999. Ce serait un bon début, compte tenu que les provinces fournissent aussi de l'aide.

Au Québec, on a une allocation familiale qui diminue beaucoup plus rapidement que celle du fédéral; le seuil de revenu est plus bas et l'allocation disparaît donc plus rapidement. Cela rapprocherait les familles à plus faible revenu d'un montant d'environ 4 000 $. Si l'allocation familiale était aussi bonifiée, on pourrait se rapprocher de 4 000 $ par enfant partout au Canada.

M. John Herron: Merci de votre présentation.

M. François Bélanger: Merci.

Le président: Je voulais vous féliciter pour votre français; vous êtes meilleur que votre chef ne l'était à votre âge.

Monsieur Szabo, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Paul Szabo: Merci de votre témoignage. Vous avez suggéré de convertir les déductions pour frais de garde d'enfants en un crédit d'impôt remboursable—c'est-à-dire en de l'argent comptant—sans incidences fiscales.

Vous savez sans doute que toutes les familles bi-actives dont les enfants ont moins de 17 ans peuvent réclamer la déduction pour frais de garde d'enfants, qui atteint 7 000 $ pour chaque enfant d'âge préscolaire et jusqu'à 4 000 $ pour les enfants d'âge scolaire. Toutefois, d'après les chiffres de 1996, seul le tiers de toutes les familles admissibles réclament effectivement la déduction pour frais de garde d'enfants lors de leur déclaration de revenus.

Le montant total des déductions demandées par ces familles se chiffrait à quelque 2 milliards de dollars. Autrement dit, la réclamation moyenne sur la déclaration de revenus d'une famille, ou sur la déclaration de revenus du conjoint à revenu moindre, est d'environ 2 600 $. Il en a coûté quelque 500 millions de dollars au Trésor fédéral. Par conséquent, cela représentait un peu moins de 700 $ de plus dans la poche des 759 000 personnes qui ont réclamé la déduction en 1996.

Toutefois, étant donné la structure et les règles relatives à la déduction pour frais de garde d'enfants, et étant donné que cette déduction avantage les hauts salariés plutôt que les petits salariés, nous savons que la prestation a pu atteindre 3 500 $ pour les salariés au taux marginal d'imposition supérieur qui ont réclamé 7 000 $ pour un enfant d'âge préscolaire, par exemple. D'autres peuvent avoir réclamé un montant moindre. Si un des parents travaille à temps plein et l'autre à temps partiel, le travailleur à temps partiel qui a fait 10 000 $, par exemple, peut avoir réclamé 2 000 $ comme déduction s'il se situe au taux d'imposition moindre, ce qui peut lui avoir valu un montant de 500 $. Vous voyez que la différence entre les deux est énorme, même si les deux familles avaient droit à un même montant maximal de prestations.

• 1140

Voici quel est notre dilemme, et j'aimerais que vous nous disiez ce que vous en pensez: si nous devions convertir le programme de déduction pour frais de garde d'enfants en un programme de crédit d'impôt remboursable, comme vous le suggérez, et que le crédit d'impôt remboursable corresponde à un montant qu'empocherait le parent, j'aimerais que vous répondiez à trois questions: ce crédit d'impôt devrait-il être basé sur le revenu? En deuxième lieu, à combien devrait-il se chiffrer? Troisièmement, faudrait-il fournir les reçus prouvant qu'il y a eu frais de garde d'enfants?

[Français]

M. François Bélanger: Nous croyons qu'il faudrait exiger des reçus. Vous me demandiez à combien s'établirait le crédit d'impôt remboursable. Nous croyons que de nombreuses familles réclameraient la déduction pour frais de garde si elle ne venait pas réduire de 25 p. 100 le montant de la prestation fiscale de base. Lorsqu'on calcule le montant de cette dernière, le fait de bénéficier de la déduction de frais de garde fait en sorte que la prestation peut être réduite de 25 p. 100.

[Traduction]

M. Paul Szabo: Non. La déduction pour frais de garde d'enfants réduit uniquement le supplément de la prestation fiscale pour enfants, supplément qui est de 213 $, je crois. Votre prestation fiscale pour enfants n'est pas réduite à hauteur de la déduction pour frais de garde d'enfants, en totalité ou en partie. La réduction maximale ne pourrait être que de 213 $.

[Français]

M. François Bélanger: Je ne contesterai pas ce fait, mais j'avais cru comprendre que la prestation était l'équivalent d'un supplément et qu'elle était réduite lorsqu'on réclamait des frais de garde. Je dois avouer que nous n'avons pas examiné de façon très approfondie cette éventualité. Nous voulions simplement faire allusion au principe général du passage d'une déduction à un crédit d'impôt. Nous proposions que pour chaque tranche de 1 000 $ de déduction de frais de garde, les mêmes avantages soient conférés à chaque ménage, pour chaque tranche de 1 000 $.

[Traduction]

M. Paul Szabo: Deuxième et dernière question. Vous parlez de la pauvreté des enfants, qui est au fond la pauvreté des familles. Il est très important de comprendre cela. Il y a deux ans, Statistique Canada signalait que les familles monoparentales représentaient 12 p. 100 de toutes les familles au Canada, mais représentaient également 46 p. 100 des familles pauvres, c'est-à-dire 46 p. 100 de tous les enfants pauvres au Canada.

D'après les chiffres les plus récents, le nombre de familles monoparentales serait maintenant passé à 16 p. 100 des familles canadiennes. Autrement dit, une famille canadienne sur six est aujourd'hui monoparentale, ce qui signifie par extrapolation ou conversion que plus de 50 p. 100 de toutes les familles pauvres du Canada sont des familles monoparentales. Les familles monoparentales sont composées d'abord de mères non mariées, qui n'ont jamais eu de conjoint de droit ou de fait, etc. Mais celles-ci ne représentent que la très petite proportion, 3 p. 100, des familles pauvres. En fait, la grande majorité des familles pauvres sont des familles qui sont devenues monoparentales à la suite d'un divorce ou de la rupture d'une union de fait. Le taux de divorce est actuellement au Canada d'environ 40 p. 100, et les unions de fait aboutissent à une rupture deux fois plus fréquemment que les mariages.

Ce sont les ruptures qui font que des parents deviennent des familles monoparentales. Celles-ci impliquent souvent, à leur tour, que les enfants vivent dans la pauvreté. Vous nous suggérez d'augmenter les transferts pour pouvoir sortir les familles monoparentales de la pauvreté. Auriez-vous plutôt d'autres suggestions à nous faire en termes de mesures de prévention qui serviraient à investir dans les enfants en vue de stabiliser les familles canadiennes?

• 1145

[Français]

M. François Bélanger: Dans le cas d'une famille monoparentale, l'investissement le plus important que pourrait faire le gouvernement fédéral serait sûrement au niveau de la création d'un service de garde national, comme il l'avait d'ailleurs promis. Cela permettrait aux femmes d'accepter des horaires de travail qui...

[Traduction]

M. Paul Szabo: Oui, mais cela, c'est une fois le problème survenu, c'est-à-dire après la rupture. Mais que faut-il faire pour qu'il y ait de moins en moins de familles monoparentales dans notre société?

[Français]

M. François Bélanger: Je me sais pas si un programme semblable existe au Canada, mais il existe au Québec un programme qui vise la perception automatique des pensions alimentaires pour les enfants. Il s'agit certainement d'un bon moyen d'aider les familles monoparentales. Des études ont démontré qu'un père sur trois parmi ceux qui perdent à toutes fins pratiques le contact avec leur enfant après la séparation est très susceptible d'arrêter tout à coup de verser une pension alimentaire à son enfant. Je crois qu'au Canada anglais, on travaille à ce chapitre-là, tandis qu'au Québec, nous avons déjà mis en oeuvre un programme à cette fin et nous avons établi les garderies, bien que la mise en oeuvre de ces programmes ait été un peu difficile.

[Traduction]

M. Paul Szabo: Le problème des pensions alimentaires ne survient qu'une fois la rupture accomplie. Ce que je vous demande, c'est s'il est possible d'implanter des mesures qui serviraient à favoriser la famille canadienne, pour qu'elle soit saine, forte et stable.

[Français]

M. François Bélanger: Vous faites allusion à la prévention?

Le président: Monsieur Marc Laviolette.

M. Marc Laviolette: C'est une question de société. Tout comme il est vrai qu'on ne peut pas empêcher un coeur d'aimer, on ne peut pas le forcer à aimer non plus. Aucune loi ou mesure fiscale ne saurait encourager ou décourager l'amour. Par contre, afin d'empêcher la pauvreté des familles monoparentales, on peut avoir recours à trois mesures, dont le paiement des pensions alimentaires et un salaire équitable pour les femmes qui travaillent. Les femmes gagnent un salaire équivalent à 70 p. 100 de celui des hommes. Il existe un problème d'équité qu'il faut corriger. Les chefs de familles monoparentales sont principalement des femmes. Il faut leur permettre de gagner un revenu, et donc leur offrir des services de garde qui faciliteront leur accès au marché du travail.

Quant à votre autre question, je crois qu'il s'agit d'une question de société, de développement de la culture et de rapports plus égalitaires entre hommes et femmes. Il faut souhaiter que lorsqu'il y a une séparation, elle puisse être faite de la façon la plus harmonieuse possible. Nous pouvons prendre des mesures à cette fin. Au Québec, on a tenté de retirer du processus de divorce l'aspect judiciaire et d'offrir des services de conciliation en vue de l'éviter. Mais on ne peut pas forcer un coeur à aimer. S'il n'y a plus d'amour, il faut accepter ce fait.

Le président: Merci infiniment.

J'aimerais souligner que je reconnais que le gouvernement fédéral doit assumer ses responsabilités, surtout au niveau du bien-être des enfants et des familles. Cette responsabilité relève d'ailleurs de tous et chacun, et de tous les paliers de gouvernement.

Il y a deux semaines, tous les ministres provinciaux responsables de cette question se sont réunis, à l'exception de celui du gouvernement du Québec qui a refusé de se joindre à ses homologues. C'est bien beau que vous nous passiez votre message, que nous acceptons de recevoir, mais il faudrait également que notre message soit à son tour transmis.

J'aimerais soulever une question au sujet du service de garde dont vous avez traité à plusieurs reprises. J'admets qu'en 1993, notre parti, et non pas notre gouvernement, avait fait une promesse électorale au sujet de l'implantation d'un programme national de services de garde. Nous avions précisé notre intention, mais nous étions conscients que le gouvernement fédéral ne pouvait pas le livrer. Nous avons déjà conclu des ententes avec le Québec dans les domaines de la perception des taxes, de l'immigration, de la main-d'oeuvre et de la formation. Nous étions prêt à négocier avec toutes les provinces, mais lorsqu'en 1995, notre gouvernement a voulu donner suite à cette initiative, aucune province ne s'est montrée intéressée, invoquant le fait qu'on voulait poursuivre d'autres priorités.

Aujourd'hui, grâce à notre travail, ce dossier pourra avancer. Je suis fier de dire que nous avons pris cette initiative.

• 1150

Si les autres provinces veulent mettre sur pied un programme modelé sur celui que nous avons ici au Québec, je vais entreprendre les démarches et nous allons y participer. Mais cela exige également la coopération des provinces et, jusqu'à maintenant, nous ne l'avons pas eue.

M. Marc Laviolette: Sauf celle du Québec. C'est le problème que nous avons au Québec. Il nous faut toujours demander la permission à tout le monde pour être en mesure d'avancer, mais...

Le président: Le Québec avait demandé la permission au gouvernement fédéral pour savoir comment instaurer le programme et quels critères il devait adopter. Il l'a fait.

M. Marc Laviolette: Il l'a fait. C'est cela.

Le président: Alors, on va s'inspirer de leur modèle.

M. Marc Laviolette: Tout à fait. J'espère toutefois que les autres provinces ne tarderont pas trop parce qu'il s'agit là du problème de la pauvreté des familles au Canada. D'ailleurs, est-ce que ce n'est pas cela, le problème de la Confédération? Quand ce n'est pas le fédéral, ce sont les provinces; quand ce ne sont pas les provinces, c'est le fédéral. Mais le peuple canadien, les travailleurs et les travailleuses sont ceux et celles qui vivent les problèmes de pauvreté et qui en souffrent. Je vous lance donc un appel pour qu'on agisse. Le plus tôt sera le mieux.

Le président: Le message est reçu.

Au nom de mes collègues, j'aimerais vous remercier pour votre présentation de ce matin.

M. Marc Laviolette: C'est nous qui vous remercions. Nous allons vous faire parvenir nos notes pour que vous puissiez avoir les propositions de la CSN en tant que document de travail.

Je vous remercie beaucoup.

Le président: Notre prochain invité est M. Peter Kirby. M. Kirby est avocat de formation. Il est bien connu dans la région de Montréal.

J'aimerais vous souhaiter la bienvenue et surtout m'excuser du retard. Vous voyez toutefois la complexité du sujet et l'intérêt qu'y portent les députés.

[Traduction]

Merci d'avoir été si patient. Vous pouvez maintenant nous faire votre exposé.

[Français]

M. Peter Kirby (témoigne à titre personnel): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Je vous ferai mon exposé en anglais, mais je peux évidemment répondre aux questions en français. J'aimerais également signaler aux membres du comité que j'ai déposé des notes que j'aimerais bien voir consignées au procès-verbal de votre réunion.

Pourquoi ai-je demandé à comparaître? Si je l'ai demandé, c'est qu'en tant que particulier je souffre énormément du fardeau fiscal qui m'est imposé. Je fais partie de la société canadienne, et je suis très inquiet de ce que je vois autour de moi.

Pour vous donner une idée de ma situation fiscale personnelle, sachez que je paie des taxes à hauteur de 60 ou 70 p. 100 de mon revenu. Je dois tenir compte également du fait que depuis 1995 des dispositions massives de récupération fiscale s'appliquent aux membres des professions libérales qui pouvaient profiter d'un report d'impôt. En effet, ces personnes doivent maintenant rembourser le report sur une période de dix ans. Par conséquent, outre les taux marginaux d'imposition de 53 p. 100 qui s'appliquent à tous mes revenus de plus de 60 000 $, je dois également verser un montant supplémentaire de 10 p. 100 de taxes pour rembourser l'impôt reporté pendant la période visée.

J'ai dit que je suis très inquiet de ce que je vois autour de moi dans la société. J'aimerais vous parler de ce qui m'inquiète à deux niveaux, d'abord au niveau macroéconomique—pour répondre en partie aux questions posées par M. Szabo aux derniers témoins—et ensuite au niveau local, en me demandant ce qu'on peut faire.

Au cours des 20 ou 30 dernières années, les gouvernements de tous les paliers ont cherché à s'insérer de façon accrue dans toutes les activités sociales. Il n'existe plus de problème qui ne puisse être résolu par le gouvernement. Des tas de programmes ont été conçus parce que les politiciens, à l'affût des moindres lacunes dans la société, tentaient de transformer celles-ci en besoins. Autrement dit, nous avons créé dans notre société toute une classe de Canadiens dépendant du gouvernement. Les Canadiens ont développé le réflexe de se tourner vers le gouvernement chaque fois qu'ils ont besoin d'aide.

• 1155

Dès qu'il se pose un problème d'ordre social, on a le réflexe de se tourner vers le gouvernement. Mais quelles sont les conséquences pratiques d'un tel comportement? Le message que l'on transmet au citoyen moyen, c'est qu'il n'a plus de responsabilités, car celles-ci se limitent à payer ses taxes et à s'occuper de lui-même. Il n'a pas à se préoccuper des sans-abri, car cela relève du gouvernement. Il n'a pas à se préoccuper des enfants pauvres, car cela aussi relève du gouvernement. Il n'a pas à s'inquiéter des ruptures familiales, car cela aussi est du domaine gouvernemental.

Pour pouvoir payer ces programmes sociaux et pour s'assurer que le message était bien compris des contribuables, le gouvernement a taxé les Canadiens à un point tel que non seulement ils ont bien compris le message, mais ils se sentent également impuissants, même s'ils ne sont pas d'accord. Autrement dit, nous avons tellement appauvri le contribuable qu'il est incapable de laisser sa marque dans la société.

Nous piétinons les sans-abri en nous rendant au travail. Pourquoi? Parce que nous ne nous sentons pas responsables de leur sort. Le sans-abri n'est pas considéré comme un voisin, et de toute façon il ne nous reste plus assez d'argent dans les poches pour pouvoir agir.

Ce matin, en route pour le comité, j'ai croisé quatre personnes qui m'ont demandé de l'argent. Je dois choisir avec grand soin à quelle organisation caritative je vais donner ces jours-ci, parce que je suis pris à la gorge par tous mes impôts, de sorte qu'il ne me reste plus beaucoup de revenus personnels disponibles. Une fois ma famille nourrie, logée et vêtue, je n'ai presque plus rien. Cette situation est aujourd'hui la règle dans l'ensemble de la société.

Les zones de responsabilité individuelle sont désormais extrêmement limitées. Avec l'avènement de la famille élargie, il est devenu plus simple de cesser ses versements de pension alimentaire, car le gouvernement s'en occupera. Les parents recevront une pension du gouvernement, ainsi que des prestations supplémentaires. Je n'ai plus à me préoccuper ni de mes frères, ni de mes soeurs, ni de la collectivité à laquelle j'appartiens. Mesdames et messieurs du comité, il est grand temps de songer à modifier notre façon de faire.

J'ai vu les premières audiences de votre comité qui se sont tenues à Vancouver. On vous y a demandé 2 milliards de dollars de plus pour financer les garderies. Il est grand temps pour vous de refuser. Ce montant doit être trouvé dans une poche quelconque, et pour l'instant il provient de la poche des citoyens canadiens les plus productifs, qui sont maintenant acculés au pied du mur pour financer tous les programmes.

Votre comité cherche l'équité. Au-delà de l'équité, il s'agit d'une question morale. Jusqu'où est-il légitime de taxer le citoyen? À hauteur de la moitié de son rendement productif? De 60 p. 100? Ou de la totalité? Peut-on continuer à le taxer à l'infini?

J'affirme pour ma part que nous avons atteint la limite et que les gouvernements doivent trouver une autre façon de faire. Ils doivent rebâtir la société canadienne, redonner à tous les citoyens le sens des responsabilités et le sentiment qu'ils ont bien en main leur propre vie. Les gouvernements ont en effet retiré à tous leurs citoyens la possibilité de faire des choix. Nous ne pouvons plus choisir de faire ce qui nous semble bien. Nous ne pouvons plus désormais soutenir financièrement les organismes caritatifs de notre choix. Nous ne pouvons même plus subvenir aux besoins de nos familles élargies parce que nous n'en avons pas les moyens financièrement.

Les gouvernements nous ont retiré la possibilité de faire des choix. Ainsi, les familles d'aujourd'hui ne peuvent plus choisir d'élever leurs enfants de la façon traditionnelle. Les familles ne peuvent plus choisir d'avoir papa ou maman à la maison tandis que l'autre parent en est le gagne-pain. C'est parce qu'elles ne peuvent plus se permettre de se poser la question. Comment faire pour remettre ce choix entre les mains des contribuables? Tout simplement en cessant d'aller puiser autant d'argent dans leurs poches.

La première recommandation que vous trouverez dans mes notes, c'est de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu et d'imposer un taux maximal absolu d'imposition directe par famille de 35 p. 100 du revenu gagné, taux maximal qui sera réduit sur cinq ans à 20 p. 100 du revenu gagné. Autrement dit, il faut limiter de façon absolue à un maximum raisonnable la taxation directe des familles, pour leur permettre de reprendre en main leur vie et pour permettre aux collectivités de se reprendre en main.

• 1200

Je vous dis tout cela très rapidement parce que je sais que vous êtes en retard.

Si on examine le système actuel et comment il touche les familles, on constate qu'indubitablement il y a discrimination contre la famille traditionnelle où un seul des parents travaille.

Dans une famille dont le revenu annuel est de 100 000 $, s'il n'y a qu'un parent qui travaille plutôt que deux, il paiera 25 p. 100 plus d'impôt. Je peux fournir les sources de cette statistique, mais il est clair que les familles où il n'y a qu'un revenu sont taxées à un taux disproportionnel, surtout si l'on songe que la famille est un élément de notre société que le gouvernement veut reconnaître. Actuellement, la famille est un élément invisible pour les instances fiscales, et pourtant c'est l'élément central de toute société stable. En reconnaissant la famille, on reconnaît que tout revenu familial est partagé par tous les membres de la famille, et il faut la taxer en conséquence.

Ma deuxième recommandation, c'est qu'on permette une répartition de tous les revenus entre les adultes d'une famille.

Le président: Qu'ils aient ou non des enfants?

M. Peter Kirby: Qu'ils aient ou non des enfants.

Pourquoi? Déjà, c'est chose courante. D'ailleurs, il y a tout un créneau de consultants et de conseillers qui vont vous trouver des arrangements de répartition des impôts, qui sont certes complexes, mais efficaces. Ils détourneront les revenus d'un des membres de la famille pour l'envoyer chez un autre. Les cas les plus fréquents sont ceux des professionnels qui embauchent leur conjoint ou leur conjointe dans leur bureau, qui perçoit les recettes comme directeur ou directrice de bureau, ou celui des enfants qui sont censés travailler et être rémunérés pour le classement des dossiers. Nous savons que cela se fait; c'est toutefois réservé à une certaine classe de la société. Les employés n'ont pas cette possibilité. Les employés ne peuvent faire de répartition de revenu. Les professionnels, oui, parfois. Pourquoi ne pas reconnaître que l'unité familiale est une chose à valoriser en permettant la répartition du revenu entre tous les membres d'une famille?

Finalement, j'aimerais parler des mesures qu'on peut prendre pour favoriser la vie familiale. Je pense qu'une mesure extrêmement importante serait de reconnaître que la propriété d'une maison est une contribution importante à la stabilité d'une société. En permettant la déduction des paiements d'intérêts hypothécaires, on ferait beaucoup pour encourager la stabilité et la croissance, le sens communautaire et le bien-être des familles. Chez nos voisins du Sud, la déduction des intérêts hypothécaires existe depuis très longtemps, et chaque fois qu'un Américain traverse la frontière et voit le nombre de maisons ou propriétés privées au Canada, il est étonné d'apprendre qu'elles ont été achetées avec l'argent qui nous reste après impôt.

Mais par où commencer la mise en oeuvre de ces recommandations? Cela aurait-il un effet sur le nombre croissant de familles où il n'y a qu'un revenu, les familles éclatées? Je dirais que oui. Pourquoi? Parce quÂactuellement le régime fiscal est le plus grand fardeau financier pour la famille canadienne. Or, les fardeaux financiers créent des tensions. Personnellement, le régime fiscal me montre clairement qu'il serait avantageux d'être divorcé. C'est un message que je trouve inacceptable. Je crois que le régime fiscal devrait être conçu de manière à encourager, et non à décourager les familles; à encourager, et non à décourager la propriété; à encourager, et non à décourager le choix.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Kirby.

Nous passons immédiatement aux questions des députés. Pourriez-vous vous restreindre à quatre minutes, s'il vous plaît?

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

• 1205

Monsieur Kirby, vos déclarations portent certainement à réfléchir, et il est intéressant de voir que dans notre société de plus en plus de gens pensent comme vous.

Vous avez parlé des limites de l'impôt sur le revenu. C'est un peu semblable à ce qu'on dit dans les discussions sur les plafonds à imposer à la capacité de dépenser du gouvernement, comme les lois sur l'équilibre budgétaire, etc. Bien entendu, les dépenses gouvernementales créent le besoin d'accroître les recettes fiscales; c'est donc bonnet blanc et blanc bonnet.

On entend de plus en plus ce genre de discussions. Mais il faut que ce débat ait lieu dans notre société et dans nos communautés; il faut parler des principes fondamentaux régissant le système actuel. Mais, ne diriez-vous pas, pourtant, que le gouvernement a pour rôle d'aider ceux qui ne peuvent s'aider eux-mêmes?

M. Peter Kirby: Si vous me demandez de dire que je suis pour la vertu, je ne pourrai faire autrement. Bien entendu, tous les citoyens doivent s'entraider.

Mais quel est le rôle du gouvernement? Le problème, au sujet du rôle du gouvernement, c'est que lorsque les politiciens décident de dépenser, ils se font influencer non pas par ce qui sera bon pour le bénéficiaire, mais, dans une plus ou moins grande mesure, par le nombre de votes suscités: ce projet aura-t-il un effet positif lors des prochaines élections?

M. Paul Forseth: Je crois, bien entendu, que toutes les politiques et les activités gouvernementales en reviennent à cela.

Vous avez parlé de revenu...

M. Peter Kirby: Mais c'est précisément pourquoi des problèmes comme le bien-être des enfants ne sont pas réglés: il n'y a pas de votes à en tirer. On n'obtient pas de votes en soulageant la pauvreté. On peut toutefois en obtenir en construisant des musées de l'humour à Montréal ou des musées du canot dans le comté du premier ministre. Voilà pourquoi j'hésite à dire que le gouvernement a un rôle à jouer; oui, certes, mais il doit avoir des limites strictes.

M. Paul Forseth: À l'encontre de votre proposition pour la répartition des revenus, il faut dire que nous avons trois paliers d'impôt. Le premier est de 17 p. 100, le deuxième, de 26 p. 100, et le troisième, de 29 p. 100. Après avoir calculé votre revenu imposable, vous payez de l'impôt à ce taux sur votre revenu imposable. Voilà pourquoi une famille biparentale à un revenu paiera davantage d'impôt qu'une famille semblable où il y a deux revenus.

M. Peter Kirby: Je comprends.

M. Paul Forseth: L'une paiera 17 p. 100 et l'autre, 29 p. 100, par exemple. L'autre solution serait d'avoir un taux fixe, qui éviterait toutes les complications. Mais il faudrait alors un examen fondamental de l'ensemble du régime fiscal.

M. Peter Kirby: Ma première recommandation est de réduire le fardeau fiscal des familles sur cinq ans à une limite absolue de 20 p. 100. Cela concorderait avec un taux d'impôt fixe. Je suis pour la simplification, mais les taux doivent permettre au contribuable de faire certains choix dans sa vie.

M. Paul Forseth: Je terminerai en signalant qu'à la Chambre l'Opposition officielle dit constamment, avec un large appui populaire, que le fardeau fiscal sur le revenu gagné est bien trop élevé et que le gouvernement doit accorder des baisses d'impôt beaucoup plus importantes. Voilà le message que je vous laisse.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Forseth.

[Français]

Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

M. Serge Cardin: Bonjour, monsieur Kirby.

M. Peter Kirby: Bonjour.

M. Serge Cardin: C'est avec intérêt que j'ai écouté vos propos. Quand vous dites au gouvernement de redonner aux gens le sens des responsabilités et le sens de la famille, vous lui en demandez beaucoup, surtout quand on sait qu'il a de la difficulté à préparer des programmes pour favoriser la famille. Quand le gouvernement a de la difficulté à élaborer des politiques fiscales qui rendent justice à tout le monde, il est difficile de lui demander d'essayer de redonner aux gens le sens de la morale et de la responsabilité.

M. Peter Kirby: Mais ce sont les gouvernements qui ont nous enlevé ce sens en nous disant de relaxer car ils allaient s'occuper de tous les problèmes sociaux. Il ne s'agit pas de donner aux citoyens quelque chose qu'ils n'avaient pas à l'époque; il s'agit simplement de redonner aux citoyens ce qu'ils avaient, c'est-à-dire le sens d'appartenance à une communauté.

• 1210

M. Serge Cardin: Le gouvernement devient alors une autorité extérieure à l'individu qui essaie de guider ses actions; c'est bien ce que vous dénoncez. Je sais pertinemment que personne ici ne payerait un politicien de ses propres deniers, de son propre argent. Le gouvernement est vraiment une autorité extérieure à l'individu qui vient brimer, à toutes fins pratiques, la souveraineté d'un individu dans ses choix.

M. Peter Kirby: Oui. Dans la mesure où le gouvernement limite le champ d'action des individus, cela peut avoir un impact direct sur l'individu, et ensuite sur sa famille et sa communauté.

M. Serge Cardin: Je comprends très bien cela, mais comment renverser la vapeur? Le taux d'imposition est très élevé. L'argent dont s'accaparent les gouvernements est utilisé pour des dépenses que je qualifierais d'inutiles et de somptuaires. Si on était prêt à faire ce sacrifice et à identifier les sommes d'argent dépensées inutilement, on pourrait en redonner aux citoyens et baisser les taux d'imposition. Il faut faire un ménage important au niveau de la gestion financière du gouvernement.

De façon pratico-pratique, il faut aussi penser à court terme parce qu'il y a des gens qui ont des problèmes à arriver sur le plan financier; certains n'ont pas la possibilité de faire le choix de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants au lieu d'aller travailler à l'extérieur. Il faut arriver, à court terme, à une certaine équité familiale. Le gouvernement ne doit pas diriger les choix de la famille, mais il doit quand même les appuyer, les aider.

Si on développe le sens des responsabilités et qu'on laisse l'argent dans les poches des citoyens, il y aura toujours des gens qui auront besoin d'aide, qui seront plus faibles économiquement et à d'autres niveaux.

M. Peter Kirby: Ce que vous suggérez ressemble un peu à l'alcoolique qui voit qu'il a un problème et qui se dit qu'il doit y trouver une solution: il doit régler son problème mais, entre-temps, il continue à boire. On en est maintenant au point où les citoyens ne peuvent plus payer. On n'a plus de contrôle sur nos communautés; on ne peut plus affecter quoi que ce soit. On est obligé de s'occuper des gens qui ont vraiment besoin d'aide. Pourquoi? Parce que tout notre argent va à Québec ou à Ottawa pour être dépensé partout. Ce n'est pas un problème de revenus mais un problème de dépenses. Le gouvernement dépense trop. Il faut guérir ce problème maintenant.

M. Serge Cardin: Où voulez-vous nous amener avec votre exemple de l'alcoolique? Faut-il supprimer tous les magasins de la Société des alcools du Québec pour régler le problème des alcooliques? Quand on fait des comparaisons, on prend des exemples parfois boiteux, mais la personne qui veut arrêter de fumer et qui se sert de timbres le fait quand même progressivement.

Mais ce n'est pas cela, l'important. Vous dites qu'il faut donner un coup de barre important pour que l'argent retourne dans les poches des citoyens et qu'ils fassent eux-mêmes leur choix dans la gestion de leur propre vie et de leur famille et pour faire en sorte que les enfants aient aussi...

M. Peter Kirby: Je ne dis pas que cela peut se faire du jour au lendemain, mais le débat doit commencer. Le gouvernement doit dire qu'il voit qu'il y a un problème et que la société n'est pas vraiment ce qu'elle pourrait être si les gens s'impliquaient un peu plus. Impliquer des gens dans notre société ne veut pas dire les imposer à des taux faramineux; cela veut dire laisser les gens libres d'organiser leur vie.

M. Serge Cardin: Et aider ceux qui sont en position de faiblesse. C'est notre responsabilité, en tant qu'individus. Vous n'irez pas personnellement aider une personne qui est dans la pauvreté. Vous allez vous associer à d'autres personnes de votre communauté. D'ailleurs, vous faites probablement du bénévolat dans votre communauté; vous vous impliquez avec d'autres personnes. À un moment donné, on ne peut pas prendre personnellement en main toutes les faiblesses, les demandes et les attentes des gens; on doit s'associer pour cela.

• 1215

M. Peter Kirby: Il y avait un bon exemple dans la Gazette de lundi ou mardi de cette semaine. On y parlait d'une maison d'accueil ou de traitement, Decision House, une organisation ayant une longue histoire dans la communauté anglophone à Montréal et ayant aidé beaucoup de gens. Decision House risque de fermer parce qu'elle n'est pas conforme aux règlements du gouvernement, fédéral ou provincial. Cette institution a littéralement sauvé la vie de centaines de gens, et l'aide à Decision House coûte beaucoup moins cher qu'ailleurs, mais on lui dit qu'elle n'est pas conforme et qu'il n'y a donc plus d'argent pour elle. On va payer pour tout le travail qu'ils ont fait; on va payer plus cher mais c'est nous qui allons le faire.

M. Serge Cardin: Merci.

Le président: Monsieur Jean Herron, s'il vous plaît.

M. John Herron: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Les petits partis de l'opposition sont du même avis que vous pour une partie de votre message. Actuellement, chaque jour, on voit des débats sur le fardeau fiscal des Canadiens et sur les effets qu'il a sur notre productivité. C'est un fardeau croissant non seulement pour les familles canadiennes, mais aussi pour l'économie et pour l'ensemble de la société. Ce fardeau nous empêche de croître. Je veux que vous sachiez que cela doit être un principe fondamental pour l'ensemble de nos politiques.

Cela étant dit, passons maintenant aux détails.

M. Peter Kirby: Si vous me permettez un commentaire, ce n'est pas un fardeau croissant; c'est un fardeau à son apogée, sur les épaules de bon nombres de citoyens productifs. Il ne peut plus croître, je l'espère.

M. John Herron: Malheureusement, même King Kong peut encore grandir.

Je voudrais d'abord formuler un commentaire. Je ne veux pas y consacrer trop de temps, mais la question de la propriété résidentielle que vous soulevez est une question qui doit faire l'objet d'un débat sur les politiques publiques. Les Américains peuvent déduire les intérêts hypothécaires sur leur résidence, mais les Canadiens n'ont pas à payer d'impôt sur les profits découlant de la vente de leur propriété. Aux États-Unis, ils doivent payer de l'impôt sur ces profits.

M. Peter Kirby: Aux États-Unis, d'après ce que j'ai compris, si vous vendez votre maison et si vous achetez une autre résidence principale à l'intérieur d'une période de six mois, vous ne payez pas d'impôt; vous le transférez tout simplement dans votre prochaine résidence principale.

M. John Herron: Les profits... mais ce n'est peut-être pas le meilleur sujet pour commencer notre débat.

Le président: Est-ce que vous réalisez des profits sur votre maison à l'heure actuelle, monsieur Kirby?

M. Peter Kirby: Non, parce que je paie encore ma maison.

Le président: Si on introduisait un tel programme, le gouvernement paierait la maison à tout le monde.

M. Peter Kirby: C'est évident. Je comprends, mais d'après moi...

Le président: C'est une question de priorités.

M. Peter Kirby: ...ce n'est pas mon problème; c'est votre problème, mais c'est moi qui dois payer.

M. John Herron: Je crois que vous avez signalé une question très importante, que j'ai soulevée à des audiences antérieures, et qui explique pourquoi on s'oppose au partage des revenus et aux déclarations conjointes. On dit que ce sont les individus plus riches qui pourraient en bénéficier plutôt que les moins riches, qui payent déjà leur impôt au taux inférieur. Mais vous avez soulevé un point très important. Certains professionnels qui gagnent plus peuvent partager leurs revenus, mais le Canadien moyen n'a pas ce luxe.

Je crois que vous avez soulevé une question de politique très importante. Si vous pouviez faire des observations à cet égard, et ensuite sur le fait que... si je ne me trompe pas, Paul, plus de la moitié des enfants pauvres vivent dans des familles monoparentales.

M. Paul Szabo: Des familles monoparentales.

M. John Herron: Oui, des familles monoparentales. Alors ils ne pourraient pas bénéficier d'un partage des revenus. Et étant donné le nombre d'enfants qui se trouvent dans cette situation, je crois qu'il faudrait envisager la possibilité d'une politique publique.

M. Peter Kirby: J'aimerais traiter d'abord de votre deuxième point. J'ai mentionné tout à l'heure que la Loi de l'impôt sur le revenu indique clairement que je me trouverais dans une meilleure situation si je divorçais. Pourquoi? Parce qu'en effet je partagerais mon revenu en payant une pension alimentaire à ma femme. Dans le cas d'une famille monoparentale, il y a deux problèmes distincts, deux questions distinctes. Tout d'abord, ils ne pourraient pas bénéficier d'un partage du revenu. Je ne veux pas dire que le partage de revenu va résoudre tous les problèmes de tout le monde. Il existe certaines situations où il n'y aurait pas d'avantage.

• 1220

Ce que j'essaie de dire, c'est que les familles qui restent se retrouvent avec un tel fardeau qu'il faut faire quelque chose pour empêcher que ces familles ne deviennent des familles monoparentales. Qu'est-ce qu'il faut faire? Il faut enlever ce fardeau.

Le président: Merci.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Vous avez mentionné les sans-abri, et vous savez sans doute qu'on a effectué une étude importante à ce sujet à Toronto. Pour vous donner une idée, de tous les sans-abri à Toronto, 35 p. 100 souffraient de maladies mentales, 17 p. 100 étaient des Autochtones hors réserve, 10 p. 100 étaient des femmes qui avaient été abusées, et 28 p. 100 étaient des jeunes détachés de leur famille. Parmi ces derniers, 70 p. 100 ont été abusés de manière physique ou sexuelle. Tout cela pour dire que le phénomène des sans-abri à Toronto relève moins de problèmes économiques que de problèmes sociaux—désaffection de sa famille, etc.

Pour ce qui est de la rupture familiale, d'après les chiffres les plus récents, 75 p. 100 de ces ruptures sont causées par la violence au foyer, l'abus de substances, et l'infidélité, ce qui appuie votre position au sujet de l'importance d'assurer la sécurité et la stabilité aux familles. Il paraîtrait qu'en grande partie la pauvreté économique que nous voyons ici au Canada est causée par la pauvreté sociale ou par les problèmes sociaux que rencontrent les familles.

J'ai demandé à des témoins antérieurs ce que nous pourrions faire, et ils nous ont dit qu'il n'y avait rien à faire. Je ne crois pas que cela est vrai, et j'aimerais entendre votre opinion là-dessus.

Il me semble que si nous pouvons élever des enfants qui sont en meilleure santé, mieux équilibrés, qui sont conscients des réalités sociales de notre société, à qui on enseigne de bonnes valeurs sociales, familiales et morales, quand ils deviennent adultes ils sont en mesure de se débrouiller et d'établir des relations plus solides. Avec le temps, on pourrait voir une amélioration pour ce qui est des ruptures familiales ou de la stabilité et de la solidité des familles canadiennes. Il semble donc qu'on pourrait faire quelque chose.

Je crois que vous avez raison, nous avons tous un rôle à jouer. Les gouvernements ont pour rôle de protéger les citoyens qui se trouvent en difficulté, ceux qui sont les plus nécessiteux, ou qui se trouvent en difficulté. Je crois qu'ils devraient élaborer des politiques qui créeront un environnement stable pour les familles avec enfants. Cela dit, les gens doivent s'attaquer à certains de nos problèmes, tels que la violence familiale, l'abus de l'alcool et des stupéfiants, l'infidélité, etc. Tout cela cause beaucoup de problèmes sociaux qui coûtent cher à tous les Canadiens, à tous les contribuables.

Si nous faisons tous notre contribution, si les gouvernements se montrent fermes et mettent de l'avant de bonnes politiques, et si les Canadiens commencent à régler certains des problèmes pour lesquels nous critiquons le gouvernement, mais qui sont effectivement nos propres problèmes, nous pourrons ainsi réduire les coûts sociaux. Il sera donc possible de réduire les impôts et de diminuer le stress financier qui nous afflige tous.

Est-ce que vous auriez des observations à faire à cet égard?

M. Peter Kirby: Plutôt que de procéder point par point, j'aimerais reformuler notre position.

Nous serions probablement en désaccord quant à la nature du rôle du gouvernement, mais je crois qu'il y a effectivement un rôle pour le gouvernement. Nous allons débattre la nature de ce rôle et jusqu'à quel point le gouvernement devrait intervenir.

Il y a plusieurs aspects à cette question de problèmes sociaux dont je viens de parler. On pourrait soulever l'exemple des sans-abri. Il y a trois semaines, je me promenais dans Bay Street, et j'ai dû contourner un type qui dormait sur une grille... Évidemment je ne veux pas dire qu'il était là à cause de notre système fiscal. Il est très probable qu'il se trouvait là parce qu'il est victime d'une maladie mentale, de l'alcoolisme, ou d'un événement tragique qui s'est produit dans sa vie. Mais je voudrais souligner que je n'étais pas le seul à contourner cet individu. Il y avait des centaines de mes concitoyens dans Bay Street qui le contournaient. Comment expliquer que les Canadiens agissent de cette façon? Nous ne sommes pas responsables pour nos semblables. Pourquoi? À cause de notre attitude, parce qu'on nous a répété que ce sont les gouvernements qui règlent les problèmes sociaux; les citoyens paient les impôts.

• 1225

Ce que j'essaie d'expliquer, c'est qu'à un moment donné il faut dire non. Il faut qu'on comprenne que les individus et la communauté peuvent aussi régler les problèmes sociaux, et si vous voulez qu'ils aient les outils pour ce faire, il faut que vous leur laissiez de l'argent dans les poches. À l'heure actuelle, il y a très peu d'argent disponible dans le système. Je peux faire don de mon temps, et effectivement je le fais, mais je ne peux offrir que très peu en dons charitables, parce que je n'ai pas l'argent pour ce faire. Encore une fois, si on veut que nous nous attaquions à ces problèmes sociaux, si on veut que les Canadiens aient un sentiment de responsabilité et de contrôle et de choix, il faut leur laisser plus d'argent dans les poches pour qu'ils puissent faire ces choix. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kirby. Vous avez eu le dernier mot, et je voudrais vous remercier au nom du comité de nous avoir présenté votre position. Notre tâche est rendue un peu plus facile grâce aux témoignages, tels que le vôtre, que nous avons entendus un peu partout au Canada. Nous allons essayer de bien refléter ces témoignages dans le rapport. Merci beaucoup, et bon voyage.

M. Peter Kirby: Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité.

Le président: Nous allons lever la séance jusqu'à 13 heures.