Passer au contenu
;

HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 juin 1999

• 0912

[Traduction]

Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): Bonjour, et bienvenue à mes collègues et à nos témoins. Conformément à l'ordre de renvoi du 8 mars 1999, nous reprenons l'étude de l'article 1 du projet de loi C-247, Loi modifiant le Code criminel (manipulation génétique).

Nous avons entamé notre étude jeudi dernier, et comme je l'ai déjà dit, à quelque chose malheur est bon. En effet, comme il y avait moins de députés présents autour de la table que d'habitude, j'ai eu les coudées franches et j'ai pu mener les délibérations du comité avec un peu plus de souplesse. D'habitude, nos témoins prennent la parole pendant cinq minutes environ, puis mes collègues autour de la table peuvent alors leur poser des questions.

Or, ce jour-là, mes collègues m'ont laissé une plus grande marge de manoeuvre. Comme leurs questions étaient brèves, les témoins ont donc pu répondre à leur guise en prenant tout le temps voulu. C'est le genre de chose que je préconise pour aujourd'hui, dans la mesure où les membres du comité ne me rappelleront pas à l'ordre. Et s'ils le faisaient, je pourrais ne pas les entendre.

Mesdames et messieurs, nous accueillons ce matin d'éminents spécialistes de la manipulation génétique. Certains de nos témoins ne sont pas encore arrivés, et ils ne pourront peut-être pas se joindre à nous malgré leur bonne volonté.

Nous accueillons donc ce matin le Dr Arthur Leader, président de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie; la Dre Patricia Baird, ex-présidente de la Commission royale d'enquête sur les nouvelles technologies de reproduction; Mme Beth Hiemstra, recherchiste en chef de la Evangelical Fellowship of Canada; Bruce Clemenger, directeur des Affaires nationales de l'Evangelical Fellowship; Phyllis Colvin, directrice de la Division de la politique de la santé, à la Direction générale des politiques et de la consultation du ministère de la Santé. Mme Colvin est la personne qui s'occupe de ce dossier, n'est-ce pas? D'ailleurs, nous la connaissons depuis l'époque du projet de loi C-47. Et enfin, Glenn Rivard, conseiller juridique du ministère de la Justice, qui s'intéresse au projet de loi en ce qu'il modifie le Code criminel. J'imagine qu'il s'intéresse aussi au projet de loi original qui a donné lieu à celui-ci, n'est-ce pas?

M. Glenn Rivard (avocat général, Santé, ministère de la Justice): Je ne me suis pas occupé du projet de loi C-47.

Le président: Non, mais vous êtes chargé du dossier du projet de loi C-247.

M. Glenn Rivard: En effet, je m'occupe maintenant de cette question.

Le président: Bien. Vous pourrez donc répondre à toutes les questions qui portent sur le Code criminel.

M. Glenn Rivard: Oui.

• 0915

Le président: Bien. Bienvenue, monsieur Rivard.

Merci de votre patience. Nous passons immédiatement aux exposés de cinq minutes environ chacun, et je pense que nous allons procéder par ordre chronologique. Je ne sais pas si Mme Hiemstra et M. Clemenger veulent prendre tous deux la parole, ou s'ils veulent partager le temps qui leur est imparti, mais nous allons commencer par le Dr Leader. Suivra la Dre Baird, puis Mme Hiemstra et M. Clemenger, ensemble, et nous terminerons par Mme Colvin et M. Rivard. Cela vous convient-il?

Docteur Leader, à vous la parole.

Le docteur Arthur Leader (président, Société canadienne de fertilité et d'andrologie): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, et mesdames et messieurs du public. Au nom de notre société, j'aimerais vous remercier de nous permettre de comparaître au Comité permanent de la santé.

Nous reconnaissons qu'il convient d'interdire le clonage à des fins de reproduction. Toutefois, il faut savoir que la manipulation génétique déborde de beaucoup le simple clonage à des fins de reproduction. Voilà pourquoi il faut que les mesures législatives soient beaucoup plus exhaustives que ce que propose actuellement le projet de loi C-247. Nous recommandons donc de retirer le projet de loi et d'attendre que le domaine qu'il recouvre soit inclus dans le cadre exhaustif que se propose de déposer le ministre de la Santé.

Qu'entend-on par clonage? Le clonage, c'est la production d'une cellule d'un organisme qui présente la même composition en termes de gènes nucléaires qu'une autre cellule ou qu'un autre organisme. Mais il faut faire la différence entre le clonage à des fins de reproduction destiné à produire un foetus humain et le clonage thérapeutique visant à produire des cellules, des tissus et des organes à souche humaine.

Les hypothèses qu'on trouve dans la presse populaire au sujet du clonage à visée reproductive d'humains et à saveur d'égoïsme a eu pour effet d'obscurcir les véritables défis et avantages scientifiques que présente le clonage à visée thérapeutique pour l'humanité. Les techniques de clonage à visée thérapeutique pourraient un jour révolutionner le traitement médical des tissus endommagés, s'il devenait possible d'utiliser des cellules humaines adultes comme point de départ pour la croissance de nouveaux tissus.

Pour l'heure, il n'existe qu'un seul organe humain—la peau—qui puisse être cultivé en laboratoire afin qu'il serve à fournir des greffes cutanées autocompatibles aux brûlés. La culture d'autres cellules autocompatibles, telles que des cellules nerveuses pour ceux qui ont subi des traumatismes rachidiens, des cellules musculaires pour les victimes de crises cardiaques ou des cellules pancréatiques pour les diabétiques, pourraient donc devenir un jour une réalité, même si on ne sait pas quand.

Les grandes percées en recherche biomédicale rendent cette possibilité encore plus facile à envisager. On parle en effet de trois grandes percées, qui incluent le clonage de mammifères à partir de cellules adultes, la culture de ce qu'on appelle les cellules universelles, connues aussi sous le nom de cellules souches embryonnaires humaines, et la démonstration que les cellules souches nerveuses du foetus humain peuvent se développer en des types appropriés et multiples de cellules nerveuses, lorsqu'elles sont transplantées dans des animaux de laboratoire.

Prise collectivement, cette percée ouvre la porte à la recherche en biologie cellulaire et de la croissance, et laisse entrevoir la perspective d'utiliser un jour des tissus autocompatibles et de réparer des organes plutôt que d'avoir recours à des transplants. Cela permettrait de réduire le recours aux transplantations et d'en diminuer le risque, dossier sur lequel s'est déjà penché votre comité.

À nos yeux, le clonage à visée reproductive destiné à produire des foetus humains est contraire à l'éthique, risqué, et ne devrait pas être permis. Toutefois, il ne devrait pas être interdit d'utiliser, des cellules humaines dans le cadre de recherches approuvées dans le secteur de la biologie cellulaire et de la croissance, que ces cellules soient dérivées de techniques de clonage, de lignes cellulaires de cellules souches ou de cellules germinales ou reproductives. Un cadre réglementaire national permettrait au Canada de participer de plein droit à la recherche sur le clonage et de profiter des avantages que confèrent les progrès récents.

Le projet de loi C-247 a été déposé au moment même où le ministre de la Santé et son ministère ont entrepris une initiative majeure, soit celle de déposer une mesure législative exhaustive dans le domaine des technologies de reproduction et génétiques. Lors d'une rencontre préliminaire qui s'est tenue plus tôt au printemps avec le ministre, les principaux intéressés, notamment l'Association médicale canadienne, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada et la SCFA, ont reçu l'assurance qu'aucune mesure législative ne serait déposée tant qu'il n'y aurait pas eu de consultations approfondies. Cette façon de faire nous a semblé très prometteuse, puisqu'elle devait tenir compte des différents enjeux, notamment le mode de réglementation approprié dans un domaine aussi complexe et aussi technique.

• 0920

Nous sommes d'avis que les domaines auxquels s'applique le projet de loi C-247 relèvent directement du domaine des technologies de reproduction et que les grandes questions devraient être étudiées dans ce cadre global. Ce cadre—ainsi que nous le présentait le ministre de la Santé—reconnaîtrait le besoin de consulter avant de déposer quelque projet de loi que ce soit. Cette façon de faire permettrait donc d'encadrer ce grand domaine de façon appropriée par des interdits tout autant que par des règlements. L'un des aspects les plus intéressants de ce que l'on nous a proposé, c'est la création d'un organe de réglementation au moment où la loi entrera en vigueur, organe qui permettrait de réglementer certaines pratiques spécifiques.

Nous nous opposons, je le répète, à l'adoption du projet de loi C-247. Nous recommandons au comité de retirer le projet de loi et d'attendre que ce sujet soit repris dans un cadre exhaustif, comme se propose de le faire le ministre de la Santé.

Merci de votre attention, et je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président: Merci, docteur. Nous répondrons aux questions dans quelques minutes. Passons d'abord à la Dre Baird.

La docteure Patricia Baird (ex-présidente, Commission royale d'enquête sur les nouvelles technologies de reproduction): Merci beaucoup. D'entrée de jeu, laissez-moi dire que je souscris à l'esprit du projet de loi C-247. En effet, il faut interdire le clonage des êtres humains à des fins de reproduction et en vue de produire un individu par la reproduction d'un être humain existant déjà, que ce soit à l'étape de l'embryon, à l'âge adulte, ou même après la mort.

Rien, à mon avis, ne justifie non plus que l'on modifie l'ADN de façon à transmettre la modification aux générations futures. Si cela vous intéresse, je pourrai vous en parler plus en détail. Toutefois, il ne me semble pas que la meilleure façon de faire ce soit d'adopter une loi prohibitive. Les technologies génétiques et de reproduction sont des phénomènes complexes et elles évoluent rapidement. Avoir recours à un projet de loi pour légiférer sur des aspects bien pointus de ce domaine est la recette tout indiquée pour semer la confusion et pour entraîner des effets imprévus. Au lieu de cela, il faut plutôt mettre en place un régime intégré de gestion continue. Il nous faut donc un organisme national de réglementation qui contrôle les limites juridiques dans lesquelles évoluent les nouvelles technologies de reproduction et qui gère les utilisations acceptables de la recherche de façon imputable.

L'imposition de limites et la gestion responsable sont deux aspects importants. Mais il serait dangereux d'inscrire dans une loi chacune de ces limites, étant donné la rapidité avec laquelle évolue ce domaine. Les percées scientifiques rendent possibles aujourd'hui des choses qui n'étaient même pas prévues dans le libellé de la loi, et ce dernier pourrait finir par interdire de façon involontaire certaines activités. Et vous savez encore mieux que moi à quel point il est long et ardu de modifier la loi. L'interdiction juridique est un instrument qui ne peut réagir rapidement et de façon opportune à l'évaluation de la réalité.

À mon avis, il vaudrait mieux traiter des grands enjeux du projet de loi C-247 d'une façon exhaustive et intégrée, et traiter en même temps d'autres enjeux connexes, et créer un organisme de réglementation. Un des avantages de ce système de réglementation que recommandait la commission royale d'enquête, ce serait de faire inscrire dans la loi un minimum. Autrement dit, même si la loi obligeait les établissements qui veulent obtenir un permis à dispenser certains services ou à effectuer de la recherche à partir de gamètes ou de zygotes humains, les règles qui s'appliqueraient aux établissements accrédités pourraient être modifiées au fil de l'évolution du domaine et au fur et à mesure que de nouvelles techniques deviennent réalité, sans qu'il soit nécessaire pour autant de modifier la loi. Cette flexibilité est essentielle dans un domaine comme celui-ci, où les connaissances évoluent à ce point rapidement.

Non seulement l'organe de réglementation peut fixer les politiques et contrôler ce qui se passe dans les cliniques et dans les laboratoires de recherche qui utilisent du matériel génétique humain, mais il peut également servir de tribune centrale permettant à la société canadienne de poursuivre sa réflexion sur la politique, au fil de l'évolution des recherches. En effet, rien n'est terminé dans ce domaine: les prochaines décennies seront fertiles en nouveautés.

• 0925

Le projet de loi à l'étude illustre parfaitement ce qui m'inquiète. Depuis le jour où le projet de loi C-247 a été déposé, il y a eu—comme le signalait le Dr Leader—des percées scientifiques rapides dans la recherche à partir des cellules souches embryonnaires et de leur clonage. Autrement dit, si le projet de loi était adopté dans son libellé actuel, il pourrait être illégal d'effectuer de la recherche qui, à long terme, pourrait être très utile à ceux qui souffrent de maladies dégénératives. Il est donc impératif à certains égards de continuer à explorer toutes les avenues, d'une façon humaine et éthique, pour pouvoir profiter de ces découvertes.

Il est possible en théorie qu'un jour—et nous ne savons pas quand—nous puissions utiliser les cellules souches de zygotes dans un milieu de culture pour pouvoir produire directement un tissu donné. Or, si ce tissu est transplanté sur une personne qui est en train de mourir à cause de la défaillance de ce tissu, l'opération pourrait lui sauver la vie.

Une autre façon qui est théoriquement faisable, ce serait d'implanter un noyau de cellule somatique provenant d'une personne en train de mourir d'une défaillance tissulaire dans un zygote énucléé. Lorsque nous en saurons plus, il pourrait devenir possible de cultiver la cellule résultante directement dans le tissu dont on a besoin, tissu qui serait alors compatible du point de vue immunologique et qui ne serait pas rejeté par le receveur.

Les possibilités techniques qu'offre la manipulation des cellules de cette façon sont toutes nouvelles. Nous n'avons jamais réussi à produire des entités de ce genre auparavant, ce qui explique que nous ne sachions pas encore quoi en faire. Le débat social permettant de décider de façon consensuelle quoi faire de ces nouvelles entités n'a jamais eu lieu.

La recherche de demain sur les cellules souches embryonnaires pourrait aider beaucoup de gens, et elle pourrait même être acceptable dans la mesure où elle est serait de très près. Or, le libellé du projet de loi C-247 pourrait interdire une partie de cette recherche, qui, je m'empresse de le dire, n'était même pas envisageable lorsque le projet de loi a été déposé. Il est toujours possible de corriger le libellé, mais cela illustre à quel point il peut être difficile de rédiger un texte de loi.

J'aimerais conclure en répétant qu'il ne faut pas aborder ce domaine de façon morcelée en adoptant toute une série de projets de loi qui s'appliqueraient à la pièce. Il est temps d'opter pour une vision exhaustive, continue et intégrée. Comme le signalait le Dr Leader, j'ai entendu dire moi aussi que le gouvernement a l'intention de proposer une façon de faire d'ici à la fin de l'année au Parlement. Il me semblerait plus judicieux d'attendre de pouvoir aborder la question de façon intégrée et exhaustive. Merci.

Le président: Merci, docteure Baird.

Le Dr Pierre Miron, qui préside la société Procrea BioSciences Inc., vient de se joindre à nous.

Bienvenue, docteur Miron. Nous ne vous ferons pas intervenir tout de suite, pour que vous ayez le temps de reprendre votre souffle et de vous acclimater au comité. Nous passerons d'abord à Beth Hiemstra et à Bruce Clemenger.

Madame Hiemstra, voulez-vous commencer, ou préférez-vous céder la parole à votre collègue?

M. Bruce Clemenger (directeur des Affaires nationales, Evangelical Fellowship of Canada): Je voudrais d'abord nous présenter, après quoi ma collègue vous parlera du clonage. Je reviendrai ensuite pour parler de la thérapie génomique.

Le président: Bien.

M. Bruce Clemenger: L'Evangelical Fellowship of Canada est heureuse de comparaître et de prendre part à votre réflexion. Nous sommes une association de quelque 32 confessions protestantes, et parmi nos membres figurent plusieurs organisations ecclésiastiques, des particuliers et des Églises.

Mme Beth Hiemstra (recherchiste, Evangelical Fellowship of Canada): Commençons par ce qui nous inquiète dans le clonage. Nous sommes d'accord avec l'interdit que jette le projet de loi C-247 sur le clonage humain. Si nous nous opposons au clonage humain, c'est parce que nous croyons fermement en trois principes: la nécessité de respecter la vie et la dignité de l'homme, de prendre soin des êtres vulnérables et de maintenir l'intégrité de la famille.

D'abord, les tentatives de clonage ne sont pour l'instant qu'une expérimentation sur la vie de l'homme à ses débuts. La vie humaine doit être protégée et respectée à toutes les étapes de son développement. Autrement dit, il faut donner aux embryons humains tout ce qu'il faut pour qu'ils puissent se développer sainement et mener des vies utiles, et il ne faut pas les créer pour qu'il soit possible aux scientifiques de repousser les limites de la connaissance humaine et de risquer de causer la mort, voire des handicaps ou des maladies graves. La vie humaine à ses débuts ne doit pas être traitée comme matière à expérimentation en laboratoire.

• 0930

Notre deuxième source d'inquiétude, c'est le risque de causer des préjudices à long terme à ceux qui survivent à l'expérimentation. On a constaté récemment que Dolly vieillissait plus rapidement que les autres moutons. Si la procédure est perfectionnée auprès des animaux, nous craignons que ses effets sur les êtres humains ne soient tout différents.

En troisième lieu, nous nous inquiétons des relations familiales qui résulteraient du clonage humain. Qui seraient les parents d'un enfant cloné? Les grands-parents sociologiques de l'enfant pourraient être ses parents biologiques. Il pourrait même devenir possible pour une femme de donner son noyau de cellule et son ovule, puis de porter l'enfant. Autrement dit, cette femme donnerait naissance à son propre jumeau. Le clonage laisse entrevoir la perspective de relations familiales enchevêtrées, telles que mère-soeur ou père-frère. Après tout, notre société refuse déjà d'accepter que l'inceste produise ce genre de résultat.

Le fait qu'il y ait deux parents, homme et femme, dans la procréation des enfants comporte une sagesse inhérente qui est à l'origine de l'aspect biologique et de l'unicité génétique de l'enfant qui en résulte, mélange du matériel génétique fourni par ses parents. Autre problème d'ordre sociologique: cette nouvelle structure familiale aurait des effets négatifs sur les enfants. Avant de rejeter cette sagesse de base, nous devons refuser de mettre en danger nos enfants et notre société. Or, ce type d'expérimentation pourrait avoir des effets néfastes sur la façon dont nous vivons.

Notre quatrième source d'inquiétude, ce sont les motifs. Quels motifs pourrait-on avoir de recourir au clonage pour produire un enfant? Les raisons invoquées peuvent-elles servir au bien commun de la société?

Notre cinquième préoccupation est à la base de toutes les autres: qu'est-ce que cette façon de faire révèle-t-elle au sujet des êtres humains? L'altération génétique et le clonage laissent tous deux un arrière-goût de manufacture, comme si les gens étaient des objets que l'on peut fabriquer ou qui servent à remplacer des pièces. De plus, on a l'impression que quiconque veut avoir un enfant devrait pouvoir en avoir un et a même le droit à son propre enfant biologique. A-t-on vraiment pensé aux intérêts de l'enfant? Peut-on affirmer que quelqu'un peut avoir ce genre de droit sur quelqu'un d'autre?

De plus, le corps humain est à ce point complexe qu'en tentant de corriger ce que nous percevons être des problèmes, nous pourrions à notre insu détruire un équilibre délicat. Le respect de la dignité humaine exige que nous nous rappelions constamment que nous sommes des êtres humains, et non pas des objets ou des machines, avec toutes les merveilles et les limites que cela implique.

Nous recommandons dans cet article de remplacer l'interdiction de manipuler un ovule par l'interdiction de manipuler une cellule humaine, ce qui comprend le spermatozoïde et les ovules. Cette recommandation élargirait la portée du projet de loi.

M. Bruce Clemenger: Pour ce qui est de l'altération génétique, sachez que nombre des raisons pour lesquelles nous souscrivons à cette disposition du projet de loi s'appliquent également à nos inquiétudes au sujet du clonage. Il s'agit notamment des problèmes de risques imprévus, et des effets de l'altération génétique qui pourraient voir le jour seulement plusieurs générations plus tard et pourraient être très graves pour les générations qui en subiraient le contrecoup.

En outre, la manipulation génétique va au coeur même de ce que nous sommes à titre d'êtres humains. Cela n'a aucune commune mesure avec les interventions médicales extrêmement effractives que sont les greffes d'organe ou de tissu. En effet, les modifications proposées visent notre structure génétique propre, soit les éléments constitutifs de ce que nous sommes, de ce que sont nos enfants et de ce que seront leurs enfants après eux.

De plus, le projet de loi C-247 porte que le procureur général du Canada doit donner son consentement avant qu'une poursuite soit engagée. À notre avis, c'est là un obstacle législatif inutile qui pourrait donner lieu à la politisation de la loi dans sa mise en oeuvre. Nous exhortons le comité à modifier cet article en conséquence.

Pour terminer, nous demandons au comité d'appuyer ce projet de loi et de reprendre sa recommandation précédente. Ce projet de loi est urgent. Le clonage de chevreaux en avril dernier par une compagnie de biotechnologie canadienne illustre parfaitement que demain est à nos portes. Le Canada doit agir de façon expéditive.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Clemenger et Mme Hiemstra.

Un autre de nos témoins vient de se joindre à nous. Il s'agit de Mme Louise Vandelac, professeure à l'Université du Québec à Montréal. Bonjour à vous, madame Vandelac. Nous reviendrons à Mme Vandelac dans quelques minutes, après avoir entendu le Dr Pierre Miron, de la Société Procrea BioSciences Inc.

[Français]

Dr Pierre Miron (président, Procrea BioSciences Inc.): Merci. J'aimerais préciser que je suis également professeur adjoint à l'Université de Montréal au département d'obstétrique-gynécologie.

Monsieur le président, membres du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, j'aimerais d'abord vous remercier de l'occasion que vous m'offrez de discuter avec vous du projet de loi C-247.

Premièrement, j'aimerais vous dire que je comprends les inquiétudes que peut avoir présentement la société et que je respecte les différents points de vue exprimés à propos de la manipulation génétique chez l'humain.

Nous sommes tous conscients qu'il est primordial de préserver dans notre société canadienne les concepts d'individualité et de dignité humaine. En ce sens, le projet de loi C-247 vise à prévenir toute manipulation génétique qui pourrait porter atteinte à ces valeurs.

• 0935

Par contre, je crois qu'en tant que société, nous devons également encourager les avancées scientifiques qui permettent d'améliorer la santé des Canadiennes et Canadiens. La Charte des droits et libertés reconnaît d'ailleurs ce principe dans son article sur le droit à l'égalité, indépendamment de toute discrimination fondée sur les déficiences mentales ou physiques, par exemple.

Aujourd'hui, je tenterai de résumer brièvement certaines applications des nouvelles percées scientifiques qui pourraient être affectées par le projet de loi C-247 et je vous ferai part de recommandations qui porteront particulièrement sur le libellé du paragraphe 286.1(1) proposé du Code criminel.

J'aimerais d'abord vous faire part des récentes percées scientifiques. En 1997, la venue de la brebis Dolly a suscité beaucoup d'intérêt dans la population. Bien qu'elle ait été perçue comme une percée scientifique remarquable, de vives inquiétudes, tant nationales qu'internationales, ont été exprimées quant à l'utilisation éventuelle de cette technologie pour cloner un être humain.

Dolly a été clonée par une technique qu'on appelle technique de transfert nucléaire, selon laquelle un noyau d'une cellule contenant une paire de chromosomes est fusionné à un ovule non fécondé dont le noyau a été préalablement enlevé. Il faut rappeler la motivation principale de cette découverte, qui était d'améliorer génétiquement le cheptel animal. Une autre application non négligeable de cette technique est la production industrielle de protéines humaines dans le lait d'animaux transgéniques; par exemple, des protéines seraient utilisées pour traiter certains désordres de coagulation sanguine comme l'hémophilie.

La recherche portant sur le transfert nucléaire pourrait donc présenter plusieurs bénéfices pour la société. Elle permettrait, par exemple, d'améliorer nos connaissances à propos des processus physiologiques et du génotype humain, de mieux comprendre les origines du cancer et peut-être de le prévenir, et aussi de mieux comprendre les processus impliqués dans le vieillissement. Elle pourrait également permettre de produire de meilleurs modèles animaux pour différentes maladies humaines.

Récemment, deux autres percées scientifiques de grande importance pour la biologie humaine se sont produites—le Dr Baird y a fait allusion—, soit l'obtention de cellules souches embryonnaires humaines à partir d'embryons humains au stade où ils sont appelés blastocystes, c'est-à-dire cinq jours après la fécondation, ou à partir de cellules germinales primordiales.

En novembre 1998, l'équipe de James Thompson du Wisconsin Regional Primate Research Centre, aux États-Unis, en collaboration avec les départements d'obstétrique-gynécologie du Centre médical Ramban, en Israël, et de l'Université du Wisconsin rapportaient dans Science l'obtention de cinq lignées cellulaires indépendantes dérivées de la masse cellulaire interne de 14 blastocystes. La masse cellulaire interne du blastocyste, c'est l'amas de cellules à l'intérieur de l'embryon qui permettra éventuellement de produire un foetus en se différenciant.

Ces cellules souches embryonnaires humaines ont la particularité de se proliférer de façon indifférenciée et illimitée puisqu'elles présentent également le potentiel de se différencier in vitro en plusieurs types cellulaires, tels que les cellules musculaires, cardiaques, nerveuses, osseuses, sanguines et autres. Elles pourraient s'avérer extrêmement importantes pour la science et détenir un avenir prometteur pour l'amélioration des soins de santé.

Le même mois, en novembre dernier, le groupe de John Gearhart—je vous donne toute l'information pour que vous voyiez à quel point la technologie évolue—du John Hopkins University School of Medecine annonçait dans Proceeding of the National Academy of Sciences, un journal de haute réputation, avoir également réussi à établir une lignée cellulaire qu'on appelle embryonic stem cells, des cellules souches embryonnaires humaines à partir de cellules germinales primordiales isolées préalablement de foetus avortés médicalement.

Ces nouvelles données ont changé réellement l'orientation de la recherche et, vu l'importance de ces percées, le Department of Health and Human Services du gouvernement américain approuvait le 15 janvier dernier le financement public de cette recherche utilisant des cellules ES pluripotentes humaines.

Le 26 janvier dernier, le directeur du NIH, aux États-Unis, le Dr Harold Varmus, rappelait d'ailleurs aux membres du Sénat américain l'avenir prometteur de la recherche grâce aux cellules ES humaines.

Parmi la multitude des bénéfices anticipés grâce aux cellules ES humaines, on note une meilleure compréhension de la biologie développementale, le développement de nouvelles thérapies de transplantation pour le traitement de maladies telles que la maladie de Parkinson et le diabète, la découverte de nouvelles drogues, et l'étude de l'infertilité et des malformations foetales.

Dans un article paru en mars dernier dans Science, Soler et Gearhart proposaient d'autres applications potentielles pour les cellules ES humaines, dont le clonage thérapeutique. Selon ces chercheurs, le plein potentiel thérapeutique des cellules ES résidera dans l'utilisation des lignées cellulaires ES dérivées de cellules propres aux patients, prévenant ainsi toute réaction de rejet cellulaire ou tissulaire.

• 0940

J'aimerais maintenant faire l'analyse du projet de loi C-247. Ce projet de loi interdit le clonage humain et en fait un crime passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans avec une amende substantielle pour quiconque manipule un ovule, un zygote ou un embryon en vue d'obtenir un zygote ou un embryon ayant un patrimoine génétique identique à celui d'un zygote, d'un embryon, d'un foetus ou d'un être humain vivant ou non. Ce projet de loi interdirait ainsi la production de zygotes ou d'embryons identiques génétiquement, même si l'objectif visé n'avait aucun lien avec le clonage d'un être humain.

Il est donc de mon avis que le projet de loi ne définit pas clairement le terme «clonage humain». D'ailleurs, dans leur rapport, en janvier 1998, la Human Genetics Advisory Commission et la Human Fertilisation and Embryology Authority du gouvernement britannique proposaient de distinguer clairement deux types de clonage humain. Je pense que cela est très important pour l'avenir du projet de loi, s'il est adopté.

Premièrement, il y a le clonage reproductif par lequel un animal entier est produit à partir d'une cellule par reproduction asexuée. La création de Dolly en est un exemple. Ainsi, le terme «clonage reproductif humain» impliquerait la création d'un être humain entier génétiquement identique à un autre.

Deuxièmement, il existe des applications scientifiques et thérapeutiques de la technique de transfert nucléaire qui ne résultent pas en la création d'individus entiers génétiquement identiques. La commission et la licensing authority en Angleterre parlent alors de clonage thérapeutique.

La définition de «clonage humain» telle qu'on la retrouve au paragraphe 286.1(1) proposé du Code criminel donne trop de latitude à l'interprétation par le législateur et crée une confusion insoutenable pour les chercheurs, ce qui pourrait conduire à leur exil éventuel du Canada.

Quant à l'alinéa 286.1(1)b), il interdit de modifier la structure génétique d'un ovule, du sperme humain, d'un zygote ou d'un embryon si cette structure modifiée est susceptible d'être transmise aux générations futures. Par cette disposition, il serait dorénavant impossible pour certaines femmes ou certains couples au Canada d'avoir recours à des traitements leur permettant de prévenir la transmission de maladies héréditaires telles que celles causées par l'ADN mitochondrial ou d'améliorer leur fertilité par le transfert ovoplasmique. Ces résultats ont été publiés récemment par l'équipe de Jacques Cohen.

Enfin, le projet de loi—et c'est un autre point très important—ne contient aucun mécanisme prévoyant sa révision régulière. Puisqu'il est difficile de prédire la vitesse à laquelle les avancées scientifiques se produiront et la façon dont l'éthique s'adaptera, il serait prudent de fixer une date pour la révision obligatoire de la loi.

Dans l'éventualité où le projet de loi C-247 serait adopté, nous recommandons au comité permanent de limiter la portée du paragraphe 286.1(1) proposé du Code criminel et de n'interdire que le clonage d'un être humain entier, soit le clonage reproductif humain.

Nous recommandons également au comité permanent d'endosser la poursuite de la recherche impliquant le clonage de cellules, de gènes et de protéines humaines et animales, puisque cette recherche a déjà contribué grandement à la société et qu'elle donnera des bénéfices encore plus importants à l'avenir.

Nous recommandons également au comité d'exprimer au gouvernement canadien ses inquiétudes face à un projet de loi trop imprécis qui pourrait inhiber, voire empêcher une recherche scientifique visant l'amélioration de la qualité des soins au Canada.

Toute réglementation ou loi faisant simplement ou généralement allusion au terme «clonage humain» pourrait, premièrement, s'avérer dévastatrice pour les millions de patients dont les espoirs reposent sur la recherche visant à découvrir de nouvelles thérapies et cures et, deuxièmement, éloigner du Canada des investissements en recherche biomédicale par les compagnies pharmaceutiques et biotechnologiques, les centres de recherche universitaires et les organismes gouvernementaux.

Nous recommandons au comité de sensibiliser le gouvernement fédéral à l'importance de collaborer avec les gouvernements provinciaux. Au Québec, par exemple, l'utilisation de structures déjà existantes telles que le Collège des médecins du Québec, la Loi médicale du Québec et les laboratoires de santé publique permettrait d'atteindre les objectifs visés par le projet de loi C-247 tout en s'avérant plus simple et moins coûteuse.

• 0945

En terminant, dans le cas où le projet de loi C-247 serait adopté et vu l'évolution constante de la science et de l'éthique, nous recommandons au comité permanent de limiter son application dans le temps et d'obliger ainsi sa révision régulière.

Je vous remercie.

Le président: Merci, docteur Miron.

Docteure Vandelac.

Dre Louise Vandelac (professeure, Université du Québec à Montréal): Bonjour, monsieur le président, et membres du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.

Qui aurait dit, à la fin des années 1960, que nous nous retrouverions ce matin pour tenter de faire en sorte que le clonage ne devienne pas effectif dans notre société? C'était alors de la science-fiction; or, ces questions sont désormais imminentes.

Je voudrais d'abord remercier la députée Pauline Picard pour sa lucidité, son courage et sa détermination à proposer ce projet de loi qui, je pense, contribue à faire en sorte que la fonction même du travail de député soit rehaussée, dans la mesure où ce dont il est question ici touche véritablement l'avenir de la conception même de l'être humain.

Cela dit, personne n'a d'illusions sur le sort qui risque d'être réservé à ce projet de loi particulier, dont le mérite essentiel, au moment où l'on se parle, est sans doute d'inciter le gouvernement à légiférer enfin de façon globale et cohérente après une période d'attentisme de 12 à 14 ans, puisque les premiers débats sociaux sur les technologies de reproduction datent de 1985 et que la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction a été mise sur pied en 1988 et a coûté plus de 30 millions de dollars, sans compter les coûts associés à l'analyse et à la préparation du projet de loi.

Bref, il est fortement souhaitable, dans ce contexte, que le gouvernement cesse de laisser les faits accomplis servir de politique concernant la technicisation de la reproduction.

Je vais centrer mon propos essentiellement sur trois choses: d'une part, le caractère absolument imminent du clonage humain dit à visée reproductive, bien que les choses soient éminemment plus complexes, ce que nous verrons dans les deuxième et troisième parties. Je soulignerai que ce qu'on appelle le clonage à visée thérapeutique inclut également un clonage à visée expérimentale d'abord et avant tout, voire à visée productive.

Je passerai rapidement sur l'imminence du clonage humain. Nous connaissons tous les différentes étapes de l'évolution qui ont marqué le secteur animal: clonage de brebis, clonage de souris, de veaux, de chèvres récemment à Montréal, clonages qui sont au stade de travaux sur des primates supérieurs et, plus récemment, clonage de cellules humaines en Corée, en fait, clonage d'embryons à un stade très précoce, clonage arrêté au niveau précoce, sans oublier les expériences de clonage humain qui s'étaient faites dès le début des années 1990 et qui avaient été présentées par Hall et al. en 1993 à Montréal, lors du Congrès des associations américaines et canadiennes de fertilité et d'andrologie; inutile de rappeler qu'ils avaient remporté le prix du congrès.

En avril dernier, Richard Seed, qui mène actuellement une campagne en vue de trouver des fonds pour faire 200 clones humains par année, prononçait une conférence à l'Académie royale des sciences de Londres.

Au plan idéologique, le clonage se développe également à vue d'oeil. Nathan Myhrvold, le top technology officer de Bill Gates, l'un des grands investisseurs en matière de biotechnologie, justifiait récemment le clonage humain dans un article de Slate Magazine, le magazine on-line de Microsoft, en soulignant:

[Traduction]

    De toute façon, qu'est-ce que la reproduction de façon naturelle a de si spécial? Le clonage est la seule façon prévisible de se reproduire, car il permet de créer le jumeau identique d'un adulte connu, alors que la reproduction sexuée, c'est comme acheter un billet de loterie: cela donne un mélange aléatoire de maman et de papa.

Puis il ajoute plus loin:

    Quoi qu'il en soit, la crainte du clonage n'est qu'une autre forme de racisme.

• 0950

[Français]

Nous pourrions évidemment continuer longtemps dans cette veine en soulignant, par exemple, qu'une société sur Internet, CLONE-ALL, propose un produit de confiance à partir de cellules de célébrités, voire à partir de cellules d'assassins en série. Un site web chrétien milite en faveur du clonage de Jésus à partir d'échantillons d'ADN extraits du suaire de Turin. Bref, les délires sont innombrables et les risques de passage à l'acte sont significatifs dans tous les domaines.

En fait, ce qui importe surtout ici, c'est de bien mettre en évidence qu'avant même de procéder dans les faits, on procède généralement pendant plusieurs années à faire un large travail idéologique qui permet aux gens de s'habituer à l'idée même du clonage.

La semaine dernière, on annonçait aux États-Unis la création d'une petite firme du nom de PerPETuate qui propose l'assurance-clonage de votre animal préféré—un pet en anglais, d'où le nom PerPETuate—à partir de cellules de chien, de canari ou de chat mort ou vivant. Bref, il est important de comprendre qu'il y a actuellement dans notre société une banalisation de l'idée du clonage.

Actuellement, le projet de loi, aussi important soit-il comme incitatif à appréhender l'ensemble de ces questions de façon significative, cohérente et globale, ne traite néanmoins pas d'une question qui me semble tout à fait fondamentale, à savoir l'aspect très significatif que sont les autres utilisations du clonage.

À la période de questions, nous aurons peut-être le temps de parler des raisons qui militent en faveur de l'interdiction du clonage des êtres humains, mais j'ai l'impression que bon nombre de membres du comité sont assez d'accord sur l'idée de ne pas cloner les êtres humains.

Je m'attarderai donc davantage à ce qu'on appelle les cellule souches. Actuellement, il y a deux propositions qui sont faites concernant l'utilisation d'embryons afin, dit-on, de produire des organes qui soient facilement transplantables chez des adultes et de réduire les problèmes immunitaires. C'est une des raisons avancées.

Il faut souligner, concernant les cellules ES, qu'il a, d'une part des cellules pluripotentes et, d'autre part, des cellules totipotentes. Le problème qui se pose, c'est qu'alors qu'on peut identifier chez les animaux les cellules totipotentes et les cellules pluripotentes, on ne peut le faire, chez l'humain comme chez les animaux, que dans la mesure où l'on cultive ces cellules, ce qui nous pose un sérieux problème d'éthique.

Par ailleurs, l'idée même de fabriquer des embryons à partir de cellules humaines adultes implique de prendre des embryons humains et de faire un travail qui permettra de produire des embryons pour en faire des lignées cellulaires qui, elles, permettront la fabrication d'organes. Ceci implique, d'une part, l'utilisation d'embryons humains, et, d'autre part, la fabrication d'embryons humains, ce qui pose des questions très sérieuses quant à l'utilisation, voire à la réification et à l'instrumentalisation de l'embryon humain lui-même.

Tout cela a trouvé toutes sortes de solutions partielles. Récemment, entre autres, dans un article qui n'a pas été publié, qui n'a été que rapporté dans la presse, on disait que le noyau d'un adulte avait été transféré dans une enveloppe d'embryon de vache de façon à éviter une partie des problèmes.

• 0955

Dans tous ces cas, il faut se demander si les questions de recherche peuvent effectivement justifier toutes les dérives, d'autant plus qu'il y a actuellement des recherches qui commencent à se faire, qui me semblent tout à fait intéressantes et qui mériteraient d'être appuyées. Ce sont les recherches qui se font sur les tissus, notamment à Québec, avec les travaux du Dr Auger. Dans le cadre du génie tissulaire, on peut, à partir de tissus adultes, sans passer par l'embryon et les cellules ES, fabriquer de la peau, de la cornée et maintenant des vaisseaux, ce qui est une première mondiale.

Il y a donc des avenues de recherche autres que celle consistant à instrumentaliser l'embryon humain. Il est intéressant de voir dans quelle mesure les pouvoirs publics pourraient appuyer certains types de recherche qui, en termes d'implications sociales, sont beaucoup moins lourds de sens et se situent beaucoup plus dans les perspectives médicales.

Je terminerai en soulignant qu'on a trop souvent tendance à confondre ce qui est de l'ordre de la santé et ce qui est de l'ordre de l'industrie médicale. On sait très bien que dans nos sociétés, l'essentiel de la qualité de la santé des individus et des populations est lié aux déterminants sociaux de la santé, c'est-à-dire aux conditions de vie réservées aux très jeunes enfants, aux conditions environnementales et aux conditions de travail.

Certes, il peut y avoir des promesses séduisantes, mais il faut chaque fois se demander si les prétendues solutions ne sont pas plus problématiques que les problèmes qu'on prétend vouloir ainsi résoudre.

Je vous remercie.

Le président: Merci, madame.

[Traduction]

Phyllis Colvin, je sais que vous voulez intervenir. Voulez- vous le faire immédiatement ou attendre plus tard?

Mme Phyllis Colvin (directrice, Division de la politique de la santé, Direction générale des politiques et de la consultation, Santé Canada): Je voudrais rappeler au comité certains détails historiques du dossier. Comme vous le savez, la commission royale d'enquête a émis des recommandations spécifiques portant sur le clonage et la manipulation génétique. Ces deux pratiques se trouvent couvertes par le moratoire toujours en vigueur institué en 1995.

Le projet de loi C-47, déposé en 1996, n'a pas suivi toutes les étapes du processus législatif, mais il a néanmoins mis en lumière la position du gouvernement sur ces questions très complexes, et j'aimerais reprendre à mon compte ce que vous ont déjà dit plusieurs des témoins, à savoir qu'il s'agit d'un enjeu de la plus haute complexité.

Je rappelle également au comité que nous avons déjà publié un document de discussion portant là-dessus et intitulé Nouvelles techniques de reproduction: Fixer des limites et protéger la santé, et qui traitait du clonage et de la manipulation génétique.

Le comité sait également que notre ministre a déclaré avoir l'intention de déposer une mesure législative exhaustive d'ici à la fin de l'année.

Voilà ce que j'avais à dire.

Le président: Vous avez été très brève, madame Colvin, et merci beaucoup.

Mme Vandelac a signalé il y a quelques instants que depuis le dépôt même de ce projet de loi-ci la recherche scientifique dans ce domaine a fait des percées importantes. Madame Colvin, certaines des percées scientifiques récentes se trouvent-elles dans les catégories d'activités visées par le moratoire volontaire établi en 1995?

Mme Phyllis Colvin: C'est une question très compliquée.

Le président: Non, ce n'est qu'une observation.

Mme Phyllis Colvin: À notre connaissance, et nous avons un comité consultatif qui oeuvre dans ce domaine, pour ce qui est, par exemple, du clonage humain, nous avons fait un sondage auprès des cliniques qui oeuvrent dans ce domaine, et rien n'indique que la pratique médicale actuelle au Canada aille à l'encontre des détails du moratoire. Nous sommes très vigilants dans ce domaine et nous avons le comité consultatif qui nous aide à cet égard. Nous travaillons donc là-dessus, mais c'est quelque chose qu'il faut mettre au point au Canada. Nous travaillons en étroite collaboration avec la profession médicale dans ce domaine. Nous avons établi des liens avec la profession médicale, particulièrement avec les organismes qui régissent cette dernière. On le fait donc de façon continue.

• 1000

Le président: Faites-vous une distinction entre la pratique médicale et la recherche médicale qui mène à des changements dans la pratique médicale?

Mme Phyllis Colvin: Lorsque nous avons comparu pour la première fois dans le cadre du projet de loi C-47, on parlait surtout à l'époque de Dolly. Je pense que la population canadienne comprenait très bien les risques associés aux technologies de clonage si elles étaient appliquées aux humains. À l'époque, je ne crois pas que le genre de questions dont vous êtes saisis aujourd'hui aient été aussi activement débattues, bien que certaines conditions préalables et certains précurseurs de ce débat existaient dans la documentation. C'est quelque chose que le ministère examine de façon continue. Nous aborderons cette question dans le cadre de la législation d'ensemble qui se présente.

Le président: Vous faites donc une distinction entre la pratique médicale et la recherche médicale.

Mme Phyllis Colvin: Oui, il y a une distinction entre la pratique médicale et la recherche médicale.

Le président: Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Si j'ai bien compris l'alinéa 286.1(1)b) qui est proposé, il interdit uniquement la modification génétique agissant sur la lignée germinale. J'aimerais avoir une réponse de ceux qui voudraient bien m'en donner une. La question est la suivante: ne pourrait-on pas faire beaucoup de bonnes choses en faisant de la recherche sur la modification génétique thérapeutique n'agissant pas sur la lignée germinale? Faut-il nécessairement choisir la lignée germinale? Ne pourrait-on pas faire beaucoup de bonnes choses pour des maladies comme la maladie de Parkinson tout simplement avec la modification génétique thérapeutique n'agissant pas sur la lignée germinale? Peut-être que la Dre Baird aimerait répondre.

Dre Patricia Baird: Je suis d'accord. Je ne vois pas tellement la nécessité d'une modification génétique qui serait héréditaire.

Si on regarde les catégories de maladies génétiques, par exemple, les troubles récessifs ou les troubles dominants, les agents affectés par ces troubles produisent des ovocytes normaux et du sperme normal. Il est possible d'utiliser ces ovocytes normaux et ce sperme normal pour la génération suivante sans vraiment modifier leur lignée germinale.

Il y a une distinction entre la thérapie génique somatique et la thérapie effectuée si tôt au cours du développement de l'embryon de façon à ce qu'elle affecte les cellules germinales de cet individu lorsqu'elles sont complètement formées. Je ne vois en fait aucune raison de le faire à ce stade, car la principale raison pour recourir à la thérapie génique, qui est une thérapie assez effractive et risquée au départ, c'est pour soulager la souffrance humaine qu'on ne peut soulager d'aucune autre façon. Pour les personnes qui ont une maladie génétique dévastatrice, la thérapie génique somatique pourrait être défendable dans certaines circonstances. Je ne vois cependant aucune raison de changer en fait l'ovule ou le sperme lorsqu'il n'est pas nécessaire de le faire pour soulager la souffrance, car on peut en fait sélectionner du sperme normal ou des ovocytes normaux de ces gens. Je ne vois aucune raison pour faire une modification génétique qui affectera la lignée germinale.

M. Maurice Vellacott: Ai-je mal compris quelque chose relativement à l'alinéa 286.1(1)b) qui est proposé? Certains des témoins, le Dr Miron en particulier, semblaient laisser entendre que cet alinéa interdit que l'on fasse beaucoup de bonnes choses. Je ne vois qu'une interdiction relative à la modification génétique de la lignée germinale.

• 1005

Dre Patricia Baird: Puis-je simplement ajouter quelque chose avant que Pierre n'intervienne?

M. Maurice Vellacott: Certainement.

Dre Patricia Baird: Cela montre combien ce domaine est complexe et jusqu'à quel point il est dangereux de choisir un libellé juridique. Par exemple, on sait qu'il existe de graves troubles humains causés par des anomalies des gènes qui sont dans les mitochondries, qui ne sont pas dans le génome nucléaire. Il est possible qu'un ovule fertilisé, un zygote, ne puisse en fait s'implanter et se développer parce qu'il y a des anomalies dans les mitochondries et le cytoplasme. La théorie et la recherche indiquent que si on ajoutait à ce cytoplasme un cytoplasme supplémentaire provenant d'une cellule normale, cela permettrait au zygote de se développer. Je ne vois donc pas la nécessité de toucher aux gènes nucléaires, mais il est peut-être justifié d'ajouter quelque chose aux gènes mitochondriaux dans certains cas.

Encore une fois, cependant, c'est le genre de situation où il est préférable d'avoir une mesure législative exigeant des permis pour les établissements qui font ce genre de choses et dans lesquels on impose certaines conditions que doivent respecter ces établissements, car il est possible alors de tenir compte de ce genre de progrès scientifiques.

M. Maurice Vellacott: Est-ce ce que vous appelez alors la modification génétique de la lignée germinale?

Dre Patricia Baird: Il s'agit de la lignée germinale si cela affecte les gamètes, les ovules et le sperme, car on mettrait alors les mitochondries dans une gamète ou un zygote, et elles pourraient être transmises à toutes les cellules de lignée germinale de cet individu au moment de leur développement.

M. Maurice Vellacott: Transmises à la génération suivante.

Dre Patricia Baird: Oui. C'est donc compliqué.

[Français]

Dr Pierre Miron: Je suis du même avis que la Dre Baird. Dans l'article, on parle de «modifier» une structure génétique; cela peut inclure la modification de la structure génétique de l'ADN mitochondrial. Avant de faire une loi, il serait prudent d'encadrer cette technologie et d'éviter de l'interdire d'emblée étant donné que l'éthique change et que la science évolue énormément. Avant 1997, on ne connaissait pas les changements qui se sont produits, qui peuvent apporter des bénéfices importants pour la santé et la société. Je veux vous sensibiliser à la nécessité d'être très prudent lorsqu'on apporte à la loi une modification qui pourrait empêcher des avancées scientifiques importantes futures qu'on ne peut pas nécessairement prévoir aujourd'hui.

[Traduction]

M. Maurice Vellacott: Ce qui me préoccupe dans tout cela, comme vous l'avez laissé entendre, docteure Baird, c'est que bien qu'il soit nécessaire de laisser cela aux «experts» ou aux «spécialistes»...

Dre Patricia Baird: Non.

M. Maurice Vellacott: Vous ne dites pas nécessairement cela? Très bien.

Ce qui me préoccupe, c'est que parfois dans notre enthousiasme envers la science—et je suis reconnaissant que l'on puisse faire beaucoup de choses de cette façon—il y a des personnes qui disent essentiellement: «Ne nous limitez pas, laissez-nous faire ce que nous devons faire.» Je crois que vous et d'autres personnes comme vous tiendriez compte de toutes sortes de considérations d'ordre éthique. Mais il y en a d'autres qui, dans leur enthousiasme, risqueraient de dire tout simplement: «Ne nous limitez pas, ne nous coincez pas, car nous savons mieux que quiconque ce que nous faisons.» Ils veulent laisser cela à la réglementation plutôt qu'à la législation.

Dre Patricia Baird: Lorsque je parle de réglementation, je ne veux pas parler d'autoréglementation. Je veux parler d'un genre d'organisme de réglementation national où seraient représentés toute une gamme de gens qui auraient des perspectives différentes, non pas des experts. Je pense qu'il est nécessaire d'avoir une autoréglementation médicale, mais cela n'est pas suffisant. Dans ce domaine, il faut vraiment tenir compte des points de vue différents, car souvent les décisions qui sont prises sont d'ordre moral, éthique et social. Lorsque je parle de réglementation, je veux parler d'un organisme public qui aurait des comptes à rendre à la société en général.

Le président: Permettez-moi d'intervenir une seconde. La semaine dernière, notre comité a entendu des témoins qui faisaient une distinction qui allait au-delà de cette définition de la réglementation. En fait, ils tentaient de déterminer les différences entre la législation et la réglementation. Ils préféraient que cette question soit régie par un règlement plutôt que par une loi. Nous avons introduit un élément différent ici au sujet de la réglementation, en incluant, à mon avis, une troisième catégorie d'individus, les experts dans toutes sortes de domaines qui auraient leur mot à dire dans tout ce qui pourrait émaner d'un environnement de droit public.

• 1010

Je me demande si on me dit autre chose ou si, en fait, vous et le Dr Leader et les deux autres médecins qui sont ici autour de la table sont en faveur du fait que l'on règle cette question par le biais de la réglementation, au sens où nous l'entendons, et par conséquent non pas par le biais de la loi, ou si vous parlez de mettre sur pied un groupe consultatif qui aiderait les gouvernements à comprendre ce dossier et à s'y retrouver. Ce n'est pas le cas. Très bien.

Docteur Leader.

Dr Arthur Leader: Je pense que les organismes avec lesquels je travaille—l'Association médicale canadienne, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada et la Société canadienne de fertilité et d'andrologie—ont déclaré publiquement qu'ils appuyaient les mesures législatives qui habiliteraient le gouvernement et toute agence que ce dernier mettrait sur pied à réglementer les activités. Le problème dans ce domaine, c'est qu'une mesure législative adoptée à la hâte est habituellement une mauvaise mesure législative.

Par exemple, le projet de loi C-47, qui aurait interdit la fertilisation d'un ovocyte humain à des fins de recherche... au cours des deux années environ depuis que le projet de loi a été introduit, des centres ont réussi à faire arriver à maturité un ovule in vitro pour des femmes qui auraient normalement eu besoin d'inducteurs de l'ovulation pour devenir enceintes, car elles ne pouvaient pas ovuler ou produire des ovules de façon régulière. Il y a des risques associés à ce traitement médical actuel, c'est-à- dire les naissances multiples qui coûtent cher à la société, il y a également des risques pour la femme et pour l'enfant.

En faisant arriver l'ovule à maturité in vitro et en le fertilisant in vitro, il est possible de retransplanter un ou deux embryons. La femme n'a pas besoin de médicaments. Il n'y a donc pas de risque de naissances multiples. Pourtant, ce projet de loi en particulier, dont l'intention était bonne, aurait interdit la recherche dans ce domaine alors qu'il a fallu deux ans pour en arriver au point où on a seulement des grossesses qui sont presque arrivées à terme.

Le cadre doit être législatif, et les sociétés l'acceptent. Il devrait être exhaustif, et tous les gens qui ont exprimé de l'intérêt lors des délibérations de la commission royale, lors des délibérations sur le projet de loi C-47, devraient pouvoir être représentés. Ils doivent être représentés, car les médecins n'ont pas l'ampleur des connaissances qu'a la société pour comprendre ce qui est important. Il y a des connaissances scientifiques, médicales, mais il y a également un contexte.

Donc, je pense que ce que les sociétés proposent, c'est qu'il y ait une mesure législative qui permette l'existence d'un organisme de réglementation. Nous préférerions qu'il y ait un organisme de réglementation distinct, sans lien avec quelque ministère que ce soit, qui serait idéalement responsable devant le Parlement et le ministre, par l'intermédiaire de votre comité, ce qui permettrait d'avoir au besoin la souplesse nécessaire pour entreprendre des recherches, tout en prévoyant des pénalités lorsque des gens feraient certaines choses que la société et l'organisme de réglementation jugeraient contraires à l'éthique ou inacceptables. Cela permettrait d'avoir la souplesse voulue pour faire des ajustements en se fondant sur des preuves, mais en tenant compte de l'avis de ces gens, non pas seulement de l'avis des médecins et des scientifiques, car ces gens ont un rôle important à jouer dans tout cela.

Le président: Je laisserai à l'auteur du projet de loi le soin de dire s'il a été rédigé à la hâte ou s'il répond à ces autres interdictions qui ont été proposées aux termes du projet de loi C-47. Il me semble qu'on peut faire valoir entre autres l'argument selon lequel—et c'est toujours un argument valable en rétrospective—c'est quelque chose qui était interdit hier et qui aujourd'hui s'est avéré comme étant bénéfique. Par conséquent, si nous avions adopté cette mesure législative hier, nous ne pourrions pas avoir ces avantages aujourd'hui. C'est un problème pour les législateurs chaque fois qu'ils examinent la question. Nous pouvons parfois donner l'impression d'être antagonistes, mais c'est une question très importante pour nous.

Je suis heureux que vous le reconnaissiez, mais vous avez raison: si nous avions adopté le projet de loi C-47, nous n'aurions peut-être pas vu cela. Le projet de loi C-47 a été présenté dans un contexte différent, et nous pourrons en parler au cours de la période de questions et réponses.

[Français]

Madame Picard.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le président, je crois que Mme Vandelac voudrait intervenir.

[Traduction]

Le président: Désolé. Nous allons donner la parole à Mme Vandelac, puis à Mme Picard.

• 1015

[Français]

Dre Louise Vandelac: Je pense que les points soulevés quant à la complexité de la formulation sont des éléments manifestement assez problématiques. Je vais vous donner deux ou trois exemples qui font en sorte que, tel que rédigé, le texte pourrait poser problème.

M. Leader vient de parler de la maturation d'ovocytes et en a donné une application louable par rapport au transfert d'embryons multiples. On a vu certaines équipes transférer jusqu'à neuf embryons à la fois dans un utérus humain. Par conséquent, il est évident que toute possibilité de réduire les transferts multiples sera bien accueillie.

Cela dit, on ne peut pas oublier que déjà, il y a quelques années, dans des journaux médicaux—je cherchais la référence et je ne l'ai pas sous la main, mais je pense que c'était dans le New England Journal of Medecine—, un médecin proposait l'utilisation de la maturation d'ovocytes pour produire, à partir de vers de cadavres ou même de vers d'embryons, des enfants pour les couples stériles.

Une technique est une technique, mais ses applications sont multiples. Les exemples qui nous sont donnés font partie des exemples louables. Cependant, un encadrement strict et rigoureux est absolument nécessaire pour éviter ce genre de dérives.

Par ailleurs, quand on dit «modifier la structure génétique d'un ovule, du sperme humain, d'un zygote», etc., il faut bien voir qu'il y a certaines techniques qui sont appliquées et qui peuvent produire cela comme effet indirect, même si elles n'ont pas pour objet premier d'intervenir dans la structure génétique. Je vais vous en donner un exemple.

Il y a actuellement un grand débat en France sur l'ICSI, l'intracytoplasmic sperm injection. Ce débat consiste à dire que, dans la mesure où on prend un seul spermatozoïde—et on a maintenant recours à d'autres techniques, comme ROSI, utilisant des cellules non matures, à un stade de développement antérieur des spermatozoïdes—, on risque fort de provoquer chez les enfants qui naîtront des problèmes d'ordre génétique au niveau de la fertilité. On se dit que s'il y a vraiment une stérilité liée à ce type de problème, cela pourrait avoir une répercussion.

Il y a une controverse sur ces questions-là. On s'interroge sur la façon dont la formule «modifier la structure génétique» pourrait être appliquée. C'est vrai que c'est un peu problématique. Il est vrai que ces questions devraient être absolument abordées et traitées par un organisme réglementaire. De la même façon, aux États-Unis, notamment dans les travaux de Wiladsen, on commence à faire en sorte qu'un enfant puisse naître littéralement de l'ovule de deux mères puisqu'on fait un transfert de noyau dans une enveloppe de l'autre femme. Il y a là une modification éventuelle indirecte. C'est toute la définition de la structure génétique qui est ici problématique, mais il y a une influence manifeste sur ce qui risque de se passer au plan génétique pour l'autre génération.

Bref, on voit qu'il y a des flous et des problèmes, et je serais d'accord pour qu'un certain nombre de pratiques comme le clonage d'êtres humains soient effectivement criminalisées, mais aussi pour que le non-respect de certaines règles qui seront établies par un organisme réglementaire puisse également avoir une sanction légale. Avec les termes actuels, il est vrai qu'il risque d'y avoir certains problèmes au niveau de la formulation du projet de loi.

Le président: Merci.

Madame Picard.

Mme Pauline Picard: Je suis très heureuse de vous accueillir ici. Vous avez peut-être raison; le projet de loi n'est peut-être pas formulé adéquatement. La science évolue constamment et très vite, et il y a aussi de bons motifs dans toutes ces recherches-là.

• 1020

Le libellé du projet de loi C-247 reprend celui du projet de loi C-47. Il a été modifié parce qu'on nous a dit que le libellé freinait la science dans sa quête de solutions pour certains problèmes et certaines maladies, alors que ce n'était pas mon but. Mon but est de préserver la dignité humaine. Mes valeurs et celles des gens qui habitent ce pays et le Québec incluent le plus grand respect pour la vie humaine. Dans le clonage humain, il va falloir faire la différence entre le clonage thérapeutique et le clonage humain reproductif. Dans tout cela, je désire avant tout de préserver la dignité humaine qui, je pense, est un droit fondamental.

Si le Code criminel n'est pas l'outil le plus efficace pour réglementer ces procédures, y a-t-il d'autres avenues qui nous permettraient de nous assurer que, malgré tous les bienfaits que l'évolution scientifique peut apporter à l'homme, on ne se retrouvera pas avec des clones?

La semaine passée, on a reçu d'autres témoins, et quelqu'un a dit qu'on se retrouverait dans quelques années, au nom de la science, avec un clone sans tête afin qu'on puisse atteindre l'immortalité en en retirant le coeur et les organes. C'est sérieux et il faut se donner des cadres rigoureux afin de ne pas en arriver là.

Docteur Baird, je suis très surprise de votre énoncé de tout à l'heure, parce qu'une des premières recommandations de votre rapport était justement l'interdiction du clonage humain. Aujourd'hui, vous dites être contre le clonage humain tout en émettant certaines réserves. Je ne suis pas rassurée quand j'entends la présidente de l'ancienne commission mettre des bémols sur l'interdiction ou la criminalisation du clonage humain deux ans après le dépôt du rapport, alors que le Conseil de l'Europe et l'Organisation mondiale de la santé viennent de passer des résolutions interdisant le clonage humain. Pourriez-vous préciser votre pensée?

[Traduction]

Dre Patricia Baird: Non, ma position n'a pas du tout changé. Si le libellé du projet de loi disait: «Nul ne peut sciemment implanter dans l'utérus d'une femme un ovocyte, zygote ou embryon qui a été manipulé afin de produire un zygote ou un embryon», alors je ne verrais pas de problème. C'est le libellé du projet de loi qui interdit à l'heure actuelle d'autres recherches qui n'ont pas pour résultat le clonage d'un être humain.

Ma position n'a pas changé du tout. Je pense que le clonage afin de reproduire un être humain vivant ne devrait pas être permis, et je serais en fait très heureuse que cela se retrouve dans le Code criminel, mais je pense que ce n'est pas nécessairement la meilleure façon de s'y prendre. Cependant, je pense qu'un libellé comme celui-ci, par inadvertance à mon avis, interdit toute une série d'autres choses qui n'étaient même pas possibles à l'époque où nous avons fait rapport il y a cinq ans et demi.

Le président: Un instant, madame Picard. Je veux entendre la réponse de Glenn, du ministère de la Justice, sur la question. Très bien, allez-y.

[Français]

Voulez-vous entendre la réponse de Glenn Rivard?

Mme Pauline Picard: Oui.

[Traduction]

M. Glenn Rivard: Si je lis bien la disposition, elle ne parle pas tout simplement de clonage en général, mais de clonage qui mène, si on veut, à la production d'un zygote ou d'un embryon. Par conséquent, si la science évoluait au point où qu'il serait possible à des fins thérapeutiques de cloner simplement des organes, alors je ne crois pas que ce serait visé par cette disposition en particulier. Cependant, je pense que cela viserait tout clonage qui mène à la production d'un zygote ou d'un embryon.

• 1025

Le président: Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard: Est-ce que quelqu'un d'entre vous connaît le modèle anglais? Il semble que le projet de loi du ministère de la Santé qui doit être déposé à l'automne a été influencé par le modèle anglais sur les manipulations génétiques.

Le président: Quelqu'un veut-il répondre à cette question?

Mme Pauline Picard: Il semble n'y avoir personne.

Le président: Madame Vandelac.

Dre Louise Vandelac: Je dirai simplement que dans les pays développés, jusqu'à présent, le modèle anglais a été le plus permissif pour les chercheurs et les médecins; ce n'est pas nécessairement celui qui a le mieux protégé la dignité humaine.

Je ferai des commentaires plus détaillés lorsque le projet de loi aura été déposé mais, a priori, ce n'est pas nécessairement de bon augure par rapport aux intentions qui sous-tendent le présent projet de loi.

[Traduction]

Le président: Madame Colvin.

Mme Phyllis Colvin: Je pense qu'il est important de reconnaître qu'il y a un certain nombre de modèles internationaux, dont le modèle britannique, et l'exercice actuel consiste pour nous à en apprendre le plus possible du fonctionnement de chaque modèle. Il y a des leçons à tirer de l'expérience australienne, de l'expérience française, de l'expérience britannique, et nous en tenons compte à mesure que nous progressons, entre autres. Il y a de nombreux autres modèles.

Le président: Pouvez-vous nous parler plus particulièrement du modèle britannique?

Mme Phyllis Colvin: Le modèle britannique est un modèle établi. Il est centré sur la Human Fertilisation and Embryology Authority, qui a été créée en vertu de la loi en Grande-Bretagne et qui fournit un contexte assez indépendant pour la réglementation de ces pratiques. Cette commission, lors de ses délibérations, consulte largement le grand public. C'est un modèle qui peut être examiné dans ce contexte.

Le président: Pas de leçons pour le Canada?

Mme Phyllis Colvin: Au sens où la commission est... Elle fournit un modèle complet dans le contexte de la combinaison des interdictions et de l'appareil réglementaire. Je pense qu'il y a des leçons à tirer pour le Canada. Je pense qu'il y a des circonstances où nous pouvons nous inspirer par exemple de la souplesse de ce type de code de pratique qui existe en Grande- Bretagne afin de pouvoir tenir compte du fait qu'il s'agit d'un domaine qui évolue de toute évidence très rapidement. Tout en tenant compte de l'exigence selon laquelle il faut avoir un cadre de travail dans lequel la société doit fonctionner, cela donne suffisamment de souplesse pour réagir aux développements qui se produisent. En même temps, et je tiens à le souligner, le régime britannique s'appuie fondamentalement sur des interdictions également. Il s'agit donc d'une combinaison des deux.

Il s'agit de savoir avec quelle efficacité chaque pays développe son propre régime. Il y a du pour et du contre au sujet du régime britannique. Certaines personnes sont très satisfaites du modèle indépendant. D'autres préféreraient peut-être davantage avoir des liens avec d'autres ministères gouvernementaux ou davantage de contrôle en ce qui a trait au contexte du mécanisme. C'est un modèle qui existe et dont on peut vérifier le rendement. Nous l'examinons très sérieusement.

Le président: Docteur Leader.

Dr Arthur Leader: Pour répondre à la question spécifique, après une consultation auprès du grand public, relativement au clonage des êtres humains, la HFEA a conseillé au gouvernement de la Grande-Bretagne d'envisager la possibilité d'introduire une mesure législative qui interdirait de façon explicite le clonage pour la reproduction humaine.

• 1030

Pour ce qui est du clonage thérapeutique et à des fins de recherche, dont la Dre Baird et le Dr Miron ont tous les deux parlé, l'utilisation de lignes de cellules ES pour le clonage de tissus humains, la HFEA recommande que le secrétaire d'État à la Santé envisage de préciser dans le règlement deux autres fins pour lesquelles la HFEA pourrait émettre des permis pour la recherche, afin d'explorer clairement les avantages éventuels: premièrement, la mise au point de méthodes de thérapie pour la maladie mitochondriale, à laquelle la Dre Baird a fait allusion; ensuite, la mise au point de traitements thérapeutiques pour les tissus ou organes malades ou endommagés, donc le clonage thérapeutique.

Pour ce qui est de l'Organisation mondiale de la santé, cette dernière a réaffirmé que le clonage pour la réplication d'êtres humains est éthiquement inacceptable et contraire à la dignité et à l'intégrité humaines. Elle a cependant mis sur pied un groupe d'étude en vue d'élaborer des lignes directrices concernant l'utilisation de procédures de clonage thérapeutique à des fins non reproductives.

Pour ce qui est de l'UNESCO, c'est à peu près la même chose.

Aux États-Unis, le président Clinton a demandé à la NBAC, c'est-à-dire la National Bioethics Advisory Commission, d'entreprendre un examen complet des questions associées à la recherche sur les cellules souches humaines et de permettre aux instituts nationaux de santé de financer la recherche dans le soi-disant domaine du clonage thérapeutique, dans des cellules développées par des scientifiques financés par le secteur privé.

Donc, je pense que si vous voulez savoir ce que l'on dit en général, on dit que le clonage visant à créer un foetus ou un être humain est contraire à l'éthique et devrait être interdit, tandis que le clonage de tissus humains ou de lignes soi-disant essentielles ou de cellules souches est recommandé par presque tous les organismes, qu'il s'agisse de l'Organisation mondiale de la santé, de l'UNESCO, de la HFEA ou du Congrès des États-Unis. Voilà donc ce qui se passe à l'échelle internationale.

L'exemple français est différent. La France a récemment adopté une mesure législative qui est extrêmement spécifique, qui spécifie exactement ce que l'on est censé faire à chaque étape des soins. Il s'agit d'une approche très différente de celle adoptée soit à l'international, soit par le Conseil de l'Europe, soit par les Nations Unies, qu'il s'agisse de l'Organisation mondiale de la santé, de l'UNESCO, ou de la HFEA en Grande-Bretagne.

[Français]

Le président: Docteure Vandelac, voulez-vous ajouter quelques brefs commentaires?

Dre Louise Vandelac: Oui. Lors d'une discussion récente avec le vice-président de l'Académie de Médecine de France, ce dernier soulignait l'intérêt de voir le Comité national d'éthique à Paris faire une distinction entre le clonage à visée thérapeutique et à visée reproductive. Or, il faut bien voir que dans tous les cas, cette distinction permet surtout d'introduire une autre dimension, celle du clonage à visée productive. Autrement dit, il faut bien comprendre qu'autant on peut être d'accord pour refuser le clonage des êtres humains, autant il faut être extrêmement prudent par rapport à cette autorisation donnée actuellement, au nom d'une prétendue thérapie, à l'utilisation de cellules embryonnaires humaines clonées pour servir de pièces de rechange pour des adultes. Il y a là un problème très sérieux. J'ai souligné tout à l'heure l'intérêt des travaux qui se font sur les biomatériaux qui pourraient permettre de contourner ce genre de problème.

Enfin, concernant la recherche fondamentale sur les embryons, elle se fait déjà. Le clonage est une autre technique. On peut être pour ou contre l'usage d'embryons humains, et le débat doit se faire. Ce n'est pas parce que c'est déjà en cours qu'un débat ne doit pas se faire là-dessus. Néanmoins, il s'agit de voir quels types d'application seront faits.

On pourrait théoriquement utiliser des embryons pour faire des tests de toxicité, par exemple. N'a-t-on pas tout intérêt, au contraire, à développer des tissus permettant de faire des tests de toxicité? Autrement dit, jusqu'où nous rendrons-nous dans l'instrumentalisation des embryons humains?

• 1035

La question mérite d'être posée. La distinction concernant l'usage dit thérapeutique, qui est pour l'instant une expression avant la lettre puisqu'on n'a pas encore de thérapie—c'est une perspective—, ne doit pas camoufler l'ensemble des autres usages, y compris les éventuels usages industriels. Merci.

Le président: Merci, docteure.

[Traduction]

Docteur Leader, je me demande si vous pourriez obtenir pour le comité le document que vous avez cité lorsque vous avez parlé de la recherche qui se fait actuellement sur le marché en général.

Dr Arthur Leader: Certainement. Je le ferai avec plaisir.

Le président: Je pense que les membres du comité le trouveront peut-être, utile lorsqu'ils se pencheront sur la question un peu plus tard.

Madame Minna.

Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, monsieur le président. Il me semble, à la suite de la discussion que nous avons eue aujourd'hui et des discussions antérieures que nous avons eues en comité, qu'il y a... Certainement pour ma part, j'ai l'impression que la question du clonage à visée thérapeutique par rapport au clonage à visée reproductive est claire, mais d'après ce que Mme Vandelac dit maintenant, il peut y avoir des chevauchements entre les deux. J'imagine que c'est là la zone grise qui est difficile à comprendre pour ceux d'entre nous qui tentent de prendre ce genre de décisions.

Ma réaction initiale à ce projet de loi était d'être d'accord avec l'idée d'interdire, si vous voulez, tout le concept de la reproduction humaine. Je ne pense pas que beaucoup de gens aient de problèmes avec cela. Je pense que la Dre Baird a laissé entendre que c'est ce que disait même le libellé du projet de loi à l'étude.

Il y a cependant la question plus importante du chevauchement. Madame Vandelac, vous pourriez peut-être nous parler encore un peu des deux à un moment donné, pour nous expliquer où est le chevauchement—et peut-être que le Dr Leader pourrait le faire également, car vous avez eu à peu près la même discussion précédemment.

Ni le Dr Leader ni la Dre Baird n'ont parlé des liens possibles entre les deux. Y a-t-il des liens, comme Mme Vandelac le laisse entendre? Peut-être qu'à vous trois, vous pourrez me l'expliquer afin que je comprenne plus clairement s'il y a ou non des liens, ou s'il y a une démarcation claire, comme on l'a dit précédemment, entre le clonage à visée thérapeutique et le clonage à visée reproductive.

Dre Patricia Baird: Je pense que c'est un domaine où l'on ne sait pas encore de quelle façon les choses vont évoluer. S'il devient possible de développer un tissu à partir d'une cellule dans laquelle on a introduit un noyau de cellule somatique, je pense que la grande majorité des gens n'auraient pas de problèmes avec cela. Naturellement, si on produit plutôt un embryon et qu'on commence à prélever des organes de cet embryon, c'est une autre affaire.

À mon avis, nous ne devrions pas faire de clonage à visée reproductive humaine pour produire un être humain vivant. Ce qui exactement devrait être permissible sous la rubrique «clonage à visée thérapeutique» exige également énormément de réglementation et d'imputabilité. On ne devrait pas accepter n'importe quoi. Chaque établissement qui fait de la recherche dans ce domaine devrait avoir un permis. Pour obtenir ce permis, il faudrait que l'établissement propose la recherche qu'il fera et qu'un organisme multidisciplinaire évalue les ramifications d'ordre éthique ou autre de ces recherches et décide si ce sera ou non permis. J'imagine qu'il y aura des types de recherche qui seront permis tandis que d'autres ne le seront pas.

Le président: Docteure Baird, voulez-vous dire que chaque proposition de recherche doit être évaluée en fonction de ses mérites?

Dre Patricia Baird: Non, je pense que ce qu'il faudra, c'est une exigence législative obligeant tout établissement faisant de la recherche à l'aide d'ovules à obtenir un permis. Si ces établissements demandent un permis, ils devraient indiquer ce qu'ils se proposent de faire durant la période où ce permis leur sera accordé. Je pense qu'il faudra établir des critères à propos de ce qui constitue de la recherche acceptable et de ce qui ne l'est pas, et nous avons en fait énoncé certains de ces aspects dans le rapport de la commission royale.

Le président: Ce n'est pas toute la recherche qui se fait de façon ouverte et transparente. Ce sont des aspects politiques, mais...

Dre Patricia Baird: À mon avis, un permis devrait être obligatoire pour toute recherche faite au Canada à l'aide d'ovules, et cette recherche devrait se faire de façon ouverte et transparente.

Le président: Très bien; donc le mot clé ici, c'est «devrait».

Dre Patricia Baird: Oui.

Le président: Je vous remercie.

Je suis désolé, madame Minna, c'est toujours votre...

Mme Maria Minna: Ce n'est pas grave. Nous sommes tous sur la même voie.

Avant que je revienne sur cette question, y a-t-il quelqu'un d'autre qui veut commenter cette question de croisement?

• 1040

[Français]

Dr Pierre Miron: Je vais laisser parler Mme Vandelac parce que je veux aborder un autre sujet.

Dre Louise Vandelac: Sur ce sujet-là, j'ai l'impression qu'il y aurait tout intérêt à parler, d'une part, de clonage à visée reproductive et, d'autre part, de clonage à visée de recherche pour la transplantation ou pour d'autres fins.

Le terme «thérapeutique» m'apparaît profondément idéologique. Il s'agit d'un voeu pieux, d'un souhait potentiel; on souhaite que cela puisse éventuellement avoir des usages thérapeutiques, mais il faut bien voir que les lignées cellulaires peuvent aussi présenter un intérêt commercial extrêmement important. Au niveau du marché pharmaceutique, ces questions ne sont pas innocentes. Par conséquent, je pense qu'il faut être très clair quant aux différents types d'usage qui peuvent en être faits.

Dans le cas du présent projet de loi, il y a sans doute une relative unanimité sur l'interdiction du clonage humain, mais je souhaiterais vivement, pour la poursuite des travaux, qu'on puisse distinguer ce qui est de l'ordre de l'expérimental, de l'expérience en recherche et de la recherche pure, de certaines velléités qui seraient prétendument thérapeutiques. Cela occulte les enjeux de marché, qui ont été tout à fait significatifs dans les décisions prises au niveau des différentes instances internationales et des différents pays. C'était une question de compétitivité et, notamment en France, c'est un lieu commun que de dire que les décisions, y compris celles qui ont été prises au Comité national d'éthique, ont été profondément influencées par les risques d'être dépendant du marché américain. Par conséquent, il faut voir qu'il y a d'autres types d'enjeux extrêmement importants.

[Traduction]

Le président: Monsieur Clemenger.

M. Bruce Clemenger: Je trouve cette discussion très utile. Je ne suis pas un scientifique. Nous avons eu une certaine aide de la part de scientifiques et de médecins qui nous ont aidés à préparer notre mémoire, et nous sommes ici vraiment pour tâcher d'appliquer des principes plus généraux de dignité humaine à un domaine très complexe.

J'ai toutefois des réserves pour ce qui est de s'en remettre simplement à une instance ou à un cadre de réglementation. J'aimerais que le Parlement établisse au moins certains paramètres extérieurs, et c'est pourquoi j'essaie de comprendre la différence qui existe entre le clonage à des fins reproductives et le clonage à des fins thérapeutiques. Il faudrait que je consulte à nouveau ceux qui nous ont conseillés pour déterminer quelle est la situation.

Nous avons aussi des réserves au sujet de l'expérimentation sur les zygotes et les embryons. Nous considérons qu'il s'agit d'une forme précoce de vie humaine. La Dre Baird a plus ou moins laissé entendre que le clonage thérapeutique pourrait également comporter la manipulation d'embryons et de zygotes ou la production d'embryons ou de zygotes à des fins de recherche, après quoi ils seraient détruits. Nous pensons que cela va trop loin.

Il semble y avoir un certain consensus en ce qui concerne au moins certains types de clonage, et pourtant il semble y avoir une résistance envers l'idée d'interdire certaines pratiques. Comme nous l'avons déjà indiqué, nous tenons à garder la porte ouverte pour tout progrès scientifique ou technologique futur, mais nous nous demandons si cela doit être notre principale motivation. Doit- on se laisser guider par ce que nous pouvons faire ou par ce qui est approprié et bénéfique?

C'est pourquoi j'encouragerais le comité à voir s'il n'existe pas des normes minimales pouvant être établies dans le Code criminel pour interdire certaines pratiques que nous jugeons tous répréhensibles, puis à établir un cadre réglementaire pour déterminer comment évaluer ces pratiques particulières.

Je me trouve à poser plus de questions parce que je ne suis pas un spécialiste en la matière.

Le président: Je suppose toutefois que vous n'avez pas tellement confiance dans le moratoire volontaire.

M. Bruce Clemenger: Vu la nature humaine, non.

Le président: Même pas un peu?

M. Bruce Clemenger: Un peu, mais pas lorsque cela suscite autant de curiosité. Parfois, il peut y avoir des éléments d'arrogance, mais il y a beaucoup d'argent à faire. Il y a beaucoup de facteurs qui interviennent, et bien sûr il y a simplement le désir de faire le bien. Je comprends qu'il y a un certain nombre de maladies qui pourraient être guéries grâce à ce type de technologie, et je ne veux certainement pas qu'on limite ces possibilités.

Un autre principe dont nous parlons souvent, c'est la protection de la vie humaine, et la médecine intervient à cet égard également. Mais ce sur quoi nous insisterions, c'est de pouvoir nous entendre sur certaines choses que nous ne devrions pas faire, certaines portes qui ne devraient pas être ouvertes, certaines voies dans lesquelles nous ne devrions pas nous engager. Définissons-les, puis occupons-nous des cadres réglementaires et de l'octroi de permis, etc.

• 1045

Le président: Très bien; l'un de mes collègues croit beaucoup à l'efficacité des permis. Madame Wasylycia-Leis, vous avez la parole.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Je vous remercie, monsieur le président. Je pense que votre dernier commentaire est un bon préambule à ma question, à savoir, le moratoire volontaire a-t-il donné des résultats?

Si vous lisez les journaux des trois dernières semaines, il me semble que tous les objectifs visés par la commission royale, tous les objectifs visés par le projet de loi C-47 et toutes les bonnes intentions du projet de loi de Mme Picard ont été évincés par ces nouvelles réalités. Il s'agit entre autres de la vente d'ovules sur Internet, où on offre 2 000 $ pour un ovule, de la vente de sperme humain, des tactiques douteuses de certaines cliniques de fertilité, de questions à propos de la réglementation des banques de sperme—la liste est interminable. Dans chacun de ces cas nous parlons de domaines clairement visés par une interdiction, par suite du rapport de la commission royale et de la législation subséquente, ou qui auraient fait l'objet d'une réglementation très sévère.

Ma préoccupation est la suivante: même si on a dit ce matin à quel point il était fortuit que nous n'ayons pas le projet de loi C-47, je pense que nous devons examiner la situation sous l'angle inverse. À savoir la situation que nous avons créée en négligeant d'instaurer quelque mesure que ce soit après les 10 années de travail de la commission, après, selon ce que je crois comprendre—et la Dre Baird pourra nous en dire plus à ce sujet—avoir visité 17 centres au Canada, avoir obtenu la participation de 2 000 personnes, de 6 000 personnes qui nous ont téléphoné, de 15 000 personnes qui ont répondu à des sondages... les consultations les plus vastes que nous ayons tenues sur cette question, et nous connaissons tous les résultats du travail de la commission, un rapport qui a été remisé sur les tablettes et un projet de loi qu'on a laissé mourir, et tous ces événements.

Donc la question que je vous pose est la suivante: le moratoire a-t-il été efficace? C'est une question. La deuxième est la suivante: compte tenu de cette période d'inaction, la situation a-t-elle évolué au point qu'on ne peut plus fermer la porte? Pouvons-nous empêcher la vente de sperme et d'ovules? D'après les journaux, le gouvernement, en préparant cette nouvelle loi, envisage d'adoucir sa position précédente à cet égard et d'autoriser la distribution de sperme et d'ovules à des fins lucratives. Ma question est la suivante...

Le président: Je vous donnerai la possibilité de poser vos autres questions. Ce n'est pas un problème. Pourquoi ne les laissez-vous pas...

Mme Judy Wasylycia-Leis: Ma dernière question est la suivante: la Dre Baird a-t-elle participé à la préparation de cette nouvelle loi, et pouvons-nous nous attendre à ce qu'elle tienne compte de tous les travaux qui ont été effectués?

Le président: Eh bien, il y a trois questions. Voulez-vous commencer, docteure Baird?

Dre Patricia Baird: Tout d'abord, en ce qui concerne le moratoire, à mon avis, personne ne considère qu'il s'agit de la voie à suivre. Cette mesure n'a pas été efficace.

Quant à savoir si les choses ont progressé, il y a toute une gamme d'activités en cours que je considère comme répréhensibles, y compris la vente d'ovules. Je pense que nous ne devons plus tarder à agir au Canada et que nous devons adopter des mesures législatives appropriées, exhaustives et intégrées. Je pense qu'un grand nombre de recommandations de la commission royale seraient très opportunes et très appropriées, et j'espère de tout coeur que le gouvernement examine sérieusement un cadre de ce genre.

Je ne suis pas au courant de l'existence d'une loi à cet égard; je crois qu'on optera, selon la déclaration publique de M. Rock, pour une approche plus intégrée. J'attends avec impatience d'en prendre connaissance et je serai bien sûr très heureuse d'y apporter ma contribution.

Y avait-il une autre question, ou ai-je répondu...?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Vous avez répondu aux trois. Une question qui à mon avis mérite d'être approfondie est la suivante: s'est-il produit tellement de choses en quatre ou cinq ans, c'est-à-dire depuis que nous espérions avoir un cadre législatif, que nous ne pourrons jamais restreindre certaines de ces activités et rétablir un cadre législatif réglementaire suffisamment solide?

• 1050

Dre Patricia Baird: J'espère que non. Je pense que ce sera un peu plus difficile qu'il y a cinq ans, parce que vous avez plein de gens qui travaillent dans des secteurs d'activité qui n'existaient pas à l'époque—par exemple des gens qui font de la publicité et des jeunes femmes qui vendent leurs ovules. Mais je ne crois certainement pas qu'il soit trop tard, et nous avons pu constater, lorsque nous avons sillonné le pays et consulté les Canadiens, qu'ils étaient unanimes sur ce point.

Personne n'a contesté la nécessité d'adopter dans notre pays des mesures destinées à réglementer ce domaine et à assurer l'obligation de rendre compte. Les Canadiens ont été presque tous unanimes sur cette question. Donc, à mon avis, c'est probablement plus difficile maintenant qu'il y a cinq ans, mais je ne crois pas que ce soit impossible.

Le président: Docteur Leader, considérez-vous la vente de sperme et d'ovules comme répréhensible? Si on en faisait don volontairement, est-ce que cela rendrait la recherche à cet égard un peu plus acceptable?

Dr Arthur Leader: Je pense que le terme répréhensible est un peu fort...

Le président: Je ne fais que répéter le mot que j'ai entendu il y a deux minutes.

Dr Arthur Leader: Très bien.

Laissez-moi vous donner un exemple. Au Royaume-Uni, on a décidé de ne pas autoriser le paiement des donneurs de sperme. Cela fait l'objet d'une énorme publicité. On s'est inspiré d'un modèle qui existe en Nouvelle-Zélande, selon lequel il y a 50 donneurs pour l'ensemble du pays, et il est possible de ne pas les payer et d'utiliser aussi un donneur connu. Ce sont en fait deux questions qui ont été soulevées dans le projet de loi précédent.

Le Royaume-Uni a dû revenir sur sa position et autorise maintenant le paiement de dépenses établies ou de frais divers. Est-ce que vous payez pour le sperme ou pour les dépenses et les inconvénients que doivent subir les gens à cause du dépistage requis et exigé? Fait intéressant, au Royaume-Uni, et c'est l'une des choses que le Canada désapprouve, l'instance de réglementation, la HFEA, a déclaré qu'il faudrait autoriser le transfert d'ovules.

C'est en fait la profession qui a connu certaines difficultés, mais elle répondait à la demande des consommateurs. Le transfert d'ovules consiste pour une femme à subir le traitement de fertilisation in vitro; on prélève ses ovules, et elle accepte que l'on en fasse don à une autre femme, soit en échange d'une réduction de coût—c'est-à-dire ses frais divers plutôt qu'un paiement proprement dit. Il est difficile de déterminer très clairement si cette femme est rémunérée, puisqu'on lui consent une réduction de coût, ou si on réduit ses dépenses, si elles sont de 5 000 $ ou de 2 000 livres, parce qu'elle accepte de faire preuve de compassion et de faire don de ses ovules à une autre personne.

Si tout était blanc et noir, ce serait vraiment merveilleux. Ce serait merveilleux s'il était facile de dire: il faudrait que ce soit comme ceci et il faudrait que ce soit comme cela. Chaque pays doit développer sa propre ligne de conduite. Donc, est-ce que j'approuve qu'une femme mette une annonce pour vendre ses ovules? Non, mais c'est un concept commercial. Et je pense qu'il existe de meilleures façons de procéder.

Les donneurs de sperme devraient-ils être payés? Je pense qu'il faudrait leur rembourser leurs dépenses lorsqu'elles sont justifiées. Est-ce qu'un système de non-paiement fonctionnerait? Commandez une étude et posez la question. Comme nous l'avons appris avec la question récente de la banque de sperme, si vous ébranlez trop un système, ce sont les patients qui en subissent alors les conséquences.

En ce qui concerne les informations fournies par la presse... je n'ai pas l'intention de faire une revue de presse des événements, mais je dirais que nous avons appris que les lignes directrices qui étaient censées guider la profession ont été adoptées par Santé Canada, et particulièrement par le Bureau de biologie. Ici encore elles ont été adoptées sans consultation et sont censées maintenant faire partie des règlements. Elles n'ont jamais été conçues pour réglementer les banques de sperme. Si vous vouliez obtenir la note A lors d'un examen portant sur les banques de sperme et que vous vouliez être absolument parfait, elles ont été conçues à cette fin, mais elles ont été conçues il y a quatre ans. Depuis, les choses ont changé.

Les méthodes d'essai, qui sont précisées dans le règlement, sont différentes maintenant. Donc, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'il s'agit d'un secteur qui se transforme rapidement. Il est préférable de charger un conseil ou un groupe consultatif de fournir des conseils, puis, en fonction de ces conseils, de prendre une décision. Si les conseils fournis débordent le cadre de ce qui est acceptable dans la culture dans laquelle nous vivons, alors interdisons ce genre de chose, un point, c'est tout. Si ces pratiques correspondent à la culture dans laquelle nous vivons et qu'elles sont acceptables, alors qu'elles soient autorisées, mais surveillées de près.

• 1055

Au Royaume-Uni, on autorise la recherche, mais comme l'a indiqué la Dre Baird, il faut la surveiller de près et il faut obtenir un permis pour faire ce genre de recherche. Si vous n'avez pas de permis et que vous faites ce genre de recherche, vous violez la loi. Si vous n'avez pas de permis pour faire de la fécondation in vitro et que vous le faites quand même, vous violez la loi. Nous n'avons aucune objection à ce genre de chose. Mais la médecine est un domaine qui évolue constamment, et ce secteur en particulier aussi.

En tant que professionnels, dans l'ensemble, les Canadiens sont beaucoup plus conservateurs. Si vous lisez les articles sur le Colorado, ce qu'ils ne disent pas, c'est qu'ils transfèrent cinq embryons et qu'ils ont un taux de grossesse multiple de 60 p. 100, alors que les cliniques canadiennes transfèrent en moyenne deux ou trois embryons et ont un taux beaucoup plus faible de grossesse multiple.

À Ottawa seulement, le taux de grossesse multiple pour chaque enfant né avant 32 semaines coûte 25 000 $ à l'état. Donc, oui, ces cliniques font 20 000 $ en traitant le couple, puis les patients reviennent et coûtent à l'État des centaines de milliers de dollars. Il est peut-être plus responsable de dire: acceptons un taux de grossesse moins élevé, ce qu'a d'ailleurs fait le Royaume- Uni. Les taux de grossesse au Royaume-Uni sont nettement plus faibles que dans certains des centres américains. Donc si les familles l'acceptent, l'État peut l'accepter. C'est le type de compromis qui est fait. La loi n'en rend pas vraiment compte. Mais ce genre de discussions ou les discussions d'un conseil consultatif sur la question en rendent bien compte.

Le président: Madame Wasylycia-Leis, voulez-vous une réponse du Dr Miron et de la Dre Baird?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je pense que la Dre Baird avait levé la main en réponse à ce que le Dr Leader a dit. J'aimerais bien entendre sa réponse.

Le président: Oui. Docteure Baird.

Dre Patricia Baird: C'était simplement un petit commentaire. Le Dr Leader ne savait pas trop comment appeler ce transfert ou partage d'ovules. Je pense que le terme exact, c'est plutôt le troc d'ovules. La femme remet la moitié de ses ovules en échange de services médicaux, et, ce faisant, diminue ses chances de tomber enceinte, parce qu'habituellement le premier transfert d'embryon risque de ne pas fonctionner. Il est probable que ce transfert ne fonctionnera pas; donc le reste des ovules fertilisés sont congelés afin d'être utilisés lors d'un cycle prochain afin que la femme n'ait pas à subir un autre prélèvement d'ovules, vu le caractère effractif d'une telle intervention.

Si une femme a donné, en échange de services de fécondation in vitro, la moitié de ses ovules à quelqu'un d'autre et par la suite en a besoin, elle diminue ses possibilités de tomber enceinte. Donc je considère que cela n'est pas éthique. Je pense que le troc d'ovules équivaut à certains égards à la vente d'ovules. Je pense qu'en parlant de don d'ovules, on donne l'impression qu'il s'agit d'un geste très généreux et très altruiste, mais ce n'est certainement pas le cas, à mon avis.

J'aimerais faire un autre bref commentaire. Si vous laissez des jeunes femmes vendre leurs ovules pour... 2 000 $ c'est beaucoup trop peu maintenant. On peut obtenir beaucoup plus que cela. En fonction des études que vous avez faites et de vos origines ethniques, vous pouvez obtenir... le montant le plus élevé dont j'ai entendu parler est 50 000 $, si vous faites des études supérieures et que vous êtes d'une origine particulière. Mais cela incite des jeunes femmes à compromettre leur santé pour de l'argent. Lorsque vous voyez certaines annonces qui sont souvent publiées dans les journaux étudiants, il ne fait aucun doute que dans l'Ouest, au moment où il faut payer les frais du deuxième trimestre... Je pense que c'est une chose très dangereuse et que la plupart d'entre nous ne voudraient pas que leurs filles vendent leurs ovules.

Je pense qu'il serait idéal d'opter pour un système altruiste de don, en ce qui concerne les dons de sperme. Je ne crois pas que cela peut se faire du jour au lendemain, et je pense que nous aurons besoin d'un système, idéalement, où des hommes qui savent ce que cela veut dire avoir des enfants et qui ont le consentement de leurs familles serviraient de donneurs de sperme. Souvent de jeunes hommes, parfois des étudiants en médecine, parfois des étudiants universitaires, font don de leur sperme sans vraiment y penser, sans vraiment se rendre compte de toutes les incidences d'un tel geste, et parfois ils le font un peu pour rigoler. Il ne fait aucun doute que dans certains des établissements que nous avons étudiés les donneurs n'étaient pas vraiment bien informés au sujet de la portée de ce geste.

Donc, ce sont simplement de brefs commentaires destinés à vous éclairer.

Le président: Docteur Miron.

• 1100

[Français]

Dr Pierre Miron: Je crains que nous ne dépassions le mandat de la réunion d'aujourd'hui. J'aimerais vous rappeler qu'un des moyens les plus simples et les plus efficaces de contrôler ces technologies est de s'assurer que les institutions qui sont impliquées dans le domaine aient un comité d'éthique sur place. Nous avons un comité d'éthique qui se rapporte non pas aux médecins, mais directement au conseil d'administration. Plus de 50 p. 100 de ses membres sont des membres externes ayant une formation différente; ils sont des théologiens, des éthiciens, des avocats ou même des couples infertiles.

Mon commentaire au sujet de cette structure qui doit être établie est que je juge très important qu'il y ait un comité consultatif au niveau fédéral. Bien qu'il ne doive peut-être pas y avoir de mécanisme de contrôle direct, il pourrait y en avoir un qui soit indirect afin de nous assurer que les cliniques de fertilité ou les programmes de recherche qui sont impliqués dans ce domaine soumettent obligatoirement leurs résultats ou leurs projets à un comité d'éthique interne.

Je dois vous dire que cette formule a très bien fonctionné chez nous jusqu'à ce jour. On parlait du don d'ovules tout à l'heure. Notre institution a décidé de cesser le don d'ovules à cause de certaines inquiétudes qu'a exprimées le docteur Baird, ainsi qu'à cause de situations qui se sont produites au Québec, où le Code civil a été modifié il y a quelques années, et qui font qu'il y a un flou juridique concernant le don d'ovules anonymes, des gamètes anonymes ou non. Voulant éviter la commercialisation, notre institution a préféré se retirer du domaine du don d'ovules à la suite des recommandations de la Commission royale et du Conseil du statut de la femme au Québec. Nous avons nous-mêmes présenté ces recommandations à notre comité d'éthique, qui a statué et finalement recommandé qu'on ne fasse plus de don d'ovules.

Je crois qu'il y existe des mécanismes peu coûteux. On disait que la Commission royale nous avait coûté 30 millions de dollars, alors qu'il y a au Canada des couples infertiles qui ne peuvent pas avoir recours à des traitements. Le Comité permanent de la santé devrait envisager des mécanismes peu coûteux et suggérer au gouvernement de collaborer avec les provinces. Il y a actuellement des mécanismes qui permettent d'atteindre les objectifs et de rassurer la société.

[Traduction]

Le président: Karen Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président. C'est une excellente introduction à ma question.

J'aimerais revenir sur un point soulevé par la Dre Baird, et il s'agit du vaste débat social qui doit se tenir. Quel est le rôle que devrait jouer le gouvernement fédéral pour s'assurer que l'on tient ce débat?

Dre Patricia Baird: Je répondrai très brièvement, puis je céderai la parole à mes collègues.

Je pense qu'une instance nationale de réglementation doit pouvoir aussi servir de tribune permettant les débats de société et l'établissement d'un consensus social. Je pense qu'à l'heure actuelle les gens qui ont des préoccupations n'ont pas de tribune à laquelle ils peuvent s'adresser. Si en fait cet organisme existait, et que de nouvelles technologies apparaissaient, ou de nouvelles questions, ou bien des questions dont nous sommes saisis, il pourrait préparer des livres blancs et les diffuser massivement, obtenir des commentaires et élaborer une politique au fur et à mesure de l'évolution de la situation. Je pense qu'un organisme national de ce genre aurait un rôle très utile à jouer pour ce qui est de diriger le débat, car il doit être permanent.

Mme Karen Redman: Je pense que ce que nous avons surtout appris, c'est qu'il s'agit pour ainsi dire d'une cible mobile. Et je pense que l'on s'entend pour dire qu'il s'agit d'une vaste zone grise et qu'il faut continuer à en discuter, parce que d'ici deux ans il est possible que nous parlions de questions tout à fait différentes, et nous ne pouvons tout simplement pas nous fier aux médias pour qu'ils rapportent les cas flagrants et scandaleux. Il faut instaurer un processus plus sérieux.

Le président: Voulez-vous adresser cette question à quelqu'un en particulier, peut-être à Mme Vandelac?

Mme Karen Redman: D'accord.

[Français]

Dre Louise Vandelac: J'aimerais faire quelques commentaires sur ce qu'on vient de dire. D'une part, je crois qu'on a jusqu'ici adopté une attitude de laisser-aller par rapport à l'évolution des technosciences, et nous avons été témoins d'un certain nombre de pratiques absolument non souhaitables. Il faut établir de façon assez urgente un certain nombre de principes simples et clairs concernant les grandes orientations de la recherche et surtout l'instrumentalisation de l'embryon humain, qui ne doit pas être considéré, à mon avis, simplement comme du matériel de recherche.

• 1105

La question est très lourde de sens. Nous sommes en train de créer une nouvelle filière humaine qui serait à la disposition des autres. Au plan anthropologique, les répercussions de ce que nous sommes en train de faire sont extrêmement lourdes. Certes, il faut qu'il y ait un organisme réglementaire, et je suis d'accord avec Mme Baird là-dessus, mais ça ne signifie pas du tout qu'il faille abandonner tout projet de loi sur un certain nombre d'éléments clés, chose qui devrait être la bienvenue. Cela dit, ce mécanisme de contrôle viserait les pratiques existantes et les pratiques émergentes.

Je souhaiterais vivement qu'on s'occupe davantage de la production des problèmes de fertilité et de stérilité dans ce pays. Comme vous le savez sans doute, on a un des plus hauts taux de stérilisation volontaire au monde, et un certain nombre de pratiques des technologies de la reproduction sont liées à ces stérilisations. Ce n'est pas le moindre des paradoxes.

Par ailleurs, on vient d'adopter une loi sur l'environnement au Canada concernant notamment le travail à faire ou à ne pas faire dans le cas des 23 000 produits toxiques. Or, on a écarté l'analyse des aspects relatifs aux perturbateurs endocriniens. C'est extrêmement important parce qu'au Canada, comme vous le savez, on a un des plus grands laboratoires dans ce domaine. À la suite des travaux qui ont été menés dans les Grands Lacs et le Saint-Laurent, on a la meilleure information qui existe actuellement sur les effets absolument néfastes des perturbateurs endocriniens sur la santé, qui sont liés aux polluants organiques persistants. Il y a actuellement bon nombre d'inquiétudes ainsi que de la présomption concernant les effets de ces perturbateurs endocriniens sur la baisse de la spermatogenèse. D'ici à peine 30 ans, on risque de se retrouver, aux États-Unis, au Canada et en Europe, là où les données sont suffisantes et probantes, avec un seuil de fertilité naturel masculin en-dessous de 20 millions de spermatozoïdes, ce qui est considéré par l'Organisation mondiale de la santé comme le seuil de fertilité. Trente ans, c'est bien peu.

Si un projet de loi global était présenté à l'automne, il faudrait non seulement s'intéresser aux questions de réglementation des pratiques existantes, mais surtout faire un travail permettant de faire de la recherche et de s'intéresser aux principales causes des problèmes de fertilité auxquels prétendent répondre, souvent avec plus d'effets pervers qu'autre chose, certaines de ces technologies. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Clemenger.

M. Bruce Clemenger: Il ne fait aucun doute qu'un débat de société est important, et je crois qu'il doit être aussi permanent, que ce projet de loi soit adopté ou non, quelle que soit la suite donnée cet automne au projet de loi du ministre de la Santé. Si on regarde en arrière, nous avons déjà tenu un vaste débat de société dans le cadre du mandat de la commission royale, puis nous avons eu un autre débat au sujet du projet de loi C-47, auquel nous avons participé également. À un certain stade, il est temps que le Parlement agisse au lieu d'être passif et de continuer à retarder les choses afin de tenir un autre débat de société. Ici encore, nous les encouragerions à établir certains paramètres et à décider de ce qui est inacceptable. Il est toujours possible de révoquer la loi et d'en adopter une autre, mais je pense, compte tenu de notre sagesse commune, qu'il est temps de prendre des décisions et de dire: non, nous ne nous engagerons pas dans de telles voies, et d'établir les limites, ainsi que le cadre et l'instance de réglementation.

Je crois que l'organe de réglementation, s'il est bien conçu et s'il compte une représentation équilibrée des différents groupes intéressés de la société... il peut constituer un forum pour la poursuite du dialogue et du débat, et peut-être qu'ensuite nous pourrons réexaminer les lois, etc.

Ce qui nous inquiète en partie, c'est qu'il est facile d'avoir notre attention lorsque le Parlement étudie un projet de loi. S'il existe un organe de réglementation, il faut que quelqu'un surveille son travail, ainsi que les notes de service, les personnes qui figurent sur la liste, etc. L'équivalent serait le CRTC ou d'autres organes. Parfois, ces débats semblent se dérouler à huis clos. Vous interjetez appel, mais les décideurs n'ont pas les mêmes obligations redditionnelles que les députés.

Il faut donc laisser au Parlement le soin de prendre certaines décisions et d'élaborer certains cadres. Je le répète, nous avons tenu des débats de société. Les débats devraient se poursuivre—nous ne le nions pas—mais il faudra tôt ou tard cesser de discuter et poser des gestes concrets et adopter des lois. Je crois que c'est un bon départ.

Le président: Merci du coup de pouce au sujet de la responsabilité des députés.

Docteur Leader.

• 1110

Dr Arthur Leader: Merci, monsieur le président.

Pour répondre à votre question, je crois qu'une loi s'impose. Je crois qu'elle doit être réfléchie. Selon moi, les problèmes qui sont survenus par le passé découlent de la consultation. Il y a des gens de toutes les couches de la société qui ont quelque chose d'important à dire, et il faut les consulter et les écouter avant de rédiger la loi.

La commission royale avait établi un cadre. Certaines questions à l'ordre du jour aujourd'hui, et d'autres qui le seront à l'automne, n'étaient pas visées par le mandat de la commission royale. Il y a des écarts, car à l'époque—beaucoup de temps s'est malheureusement écoulé—certaines questions n'étaient pas importantes, ou n'étaient pas jugées aussi importantes par la société qu'aujourd'hui. Je crois que la consultation est essentielle. Il faudrait donc commencer par tenir de vastes consultations sur des questions précises. Vous ne pouvez pas créer une autre commission royale. Je crois qu'il faut rédiger un projet de loi de toute urgence, car la société a répété à maintes reprises qu'il s'agissait de questions importantes.

Deuxièmement, il ne faut pas oublier que vous allez, si ce n'est pas déjà fait, étudier un projet de loi sur les instituts canadiens de recherche médicale. Ces instituts fournissent un cadre de recherche, et je suis d'accord avec Mme Vandelac pour dire que nous devons effectuer la recherche. Santé Canada a lancé une initiative sur les toxines environnementales, et nous sommes heureux d'avoir reçu une subvention pour examiner celles qui ont des effets sur la reproduction, mais il faut faire davantage de recherches.

En vertu du cadre actuel du CRM, peu de fonds sont affectés à la recherche dans ce secteur pour répondre aux questions qu'un organe de réglementation, ou que la société, voudra poser. Parmi les instituts canadiens de recherche médicale proposés, aucun ne se consacre à la santé génésique. Cela comprend la santé sexuelle et la santé de la reproduction, car pour revenir à ce que disait Mme Vandelac, il ne faut pas se limiter à l'environnement naturel, mais aussi prendre en compte l'environnement personnel. Les maladies infectieuses sont une cause majeure d'infertilité. Nous savons que les dioxines causent l'endométriose d'après des études sur les singes que Santé Canada a financées au cours des dernières années.

Tout est lié, et on ne peut probablement pas tenir compte de tout, mais il faut au moins habiliter la structure de recherche proposée, qui me paraît appropriée. Les instituts de recherche médicale constituent un excellent cadre, mais ce dernier ne couvre pas la santé génésique, et vous serez appelés à combler cette lacune. C'est un autre outil, car il ne s'agit pas que de recherche fondamentale, c'est aussi de la recherche sur le comportement; de la recherche sur les implications de la politique médicale et ses répercussions.

Je crois que la meilleure solution consiste à donner des instructions aux personnes chargées d'appliquer la politique, quant au genre d'approche que vous voulez prendre. Personnellement, je favoriserais une approche englobante qui comprendrait la santé génésique.

Le président: Merci, docteur Leader.

Nous allons passer à M. Vellacott.

M. Maurice Vellacott: Tout d'abord, j'ai besoin de quelques précisions. Je vois ici la Société canadienne de fertilité et d'andrologie, dont le Dr Leader est président, et je vois aussi une référence à l'organisme du Dr Miron...la SOGC et la Société... Est- ce qu'il n'y a qu'une seule Société canadienne de fertilité et d'andrologie?

Je sais peu de choses au sujet de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie. Pouvez-vous m'en parler un peu? Je ne vois aucune fiche sur l'organisation; sa composition, ses objectifs, son mandat.

Dr Arthur Leader: J'en ai une; malheureusement elle n'est pas bilingue et je ne pourrai donc pas la distribuer, mais si le président m'y autorise, je pourrais probablement...

Le président: Pour autant que vous ne lisiez pas de longs extraits.

Dr Arthur Leader: Je ne vais pas lire le tout.

M. Maurice Vellacott: Vous pouvez vous limiter aux objectifs et à la composition.

Dr Arthur Leader: Essentiellement, nous avons trois missions. Promouvoir l'étude, l'éducation et la recherche dans les domaines de la fertilité, de la stérilité et de l'andrologie. L'andrologie est l'étude de la fonction reproductive masculine. Notre organisme vise à répondre aux besoins sociaux relativement à la complexité de la reproduction humaine, et c'est en partie pourquoi je suis ici, à fournir des services de spécialistes et à accréditer des installations cliniques, de même que du matériel thérapeutique utilisé dans les nouvelles technologies de la reproduction, et à établir un processus valable pour mesurer les résultats de la thérapie. Ce sont nos quatre missions.

Notre organisation regroupe environ 700 médecins, infirmiers et infirmières, scientifiques, professionnels de la santé mentale et particuliers.

M. Maurice Vellacott: Mais il ne s'agit pas d'une entreprise commerciale. C'est un organisme public.

Dr Arthur Leader: Non. En vertu des lois du Canada, c'est un organisme sans but lucratif.

La SOGC est la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, et nous nous sommes associés au Conseil canadien d'agrément des services de santé pour élaborer un modèle d'agrément semblable à celui utilisé dans les hôpitaux. En fait, lors d'une réunion ce week-end, les directeurs de la FIV de l'ensemble du pays ont réitéré que ce modèle d'agrément devrait être mis de l'avant, et ils ont recommandé que si un cadre de réglementation est établi, l'agrément, qui sert à déterminer si les hôpitaux souscrivent aux pratiques éprouvées, soit utilisé dans le cadre du processus de délivrance des permis. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

• 1115

M. Maurice Vallacott: Oui, tout à fait.

Parfois, dans le cadre des discussions ici et ailleurs, dans les journaux et périodiques, et plusieurs personnes l'ont employé aujourd'hui, on emploie le terme «thérapeutique». On se demande si le terme n'est pas un peu galvaudé. J'aimerais que chacun de vous me réponde simplement par oui ou par non. Si vous voulez donner une réponse plus complète par la suite, avant que j'aborde cette autre question globale...

Peut-on utiliser les cellules de la lignée germinale ou non germinale à des fins non thérapeutiques, douteuses ou immorales, voire sinistres? Cela peut-il se faire? Oui ou non—et dites-moi pourquoi. Parfois on n'emploie que le terme «thérapeutique». Reconnaissez-vous qu'on peut en faire une utilisation non thérapeutique, ou immorale au nom de la thérapie, voire même sinistre? Oui ou non, une réponse en quelques mots, et j'ai ensuite une autre question.

Le président: Lorsque vous ajoutez «sinistre», vous invitez un déluge. Pouvons-nous nous limiter à un oui ou à un non, et à une réponse d'environ 10 secondes? Oubliez le terme «sinistre».

[Français]

Dre Louise Vandelac: En fait, il faut de nos jours être extrêmement prudent avec un terme comme celui-là. Il y a un certain nombre d'individus dont le projet est de guérir les êtres humains de cette maladie qu'on appelle l'humanité. Je ne dis pas ça à la blague. Pour un certain nombre de personnes, améliorer génétiquement l'espèce humaine est un objectif. Intervenir dans les cellules germinales est à ce niveau-là extrêmement problématique, et on présentera sans doute la chose d'abord et avant tout pour des raisons dites thérapeutiques. Mais il faut être extrêmement attentif à la façon dont on procédera parce que cela existe dans l'imaginaire, dans l'air. Bon nombre de chercheurs ont déjà avoué très clairement qu'ils ont pour but d'améliorer génétiquement l'espèce humaine.

[Traduction]

M. Maurice Vellacott: Parfait. Je crois que vous le reconnaissez.

Docteur Leader.

Dr Arthur Leader: Je suis d'accord avec Mme Vandelac: il y a toujours des gens bien intentionnés qui vont faire de mauvaises choses.

M. Maurice Vellacott: Docteur Pierre Miron.

[Français]

Dr Pierre Miron: J'ai de la difficulté à répondre à cette question. En fait, je pense que l'objectif de tout médecin est d'améliorer les soins, et non pas d'améliorer une race particulière, comme le laisse entendre Mme Vandelac. Notre objectif est de traiter les gens et de les aider. Je crois qu'il y a toujours de la place pour la vertu et que les gens sont généralement de bonne foi.

[Traduction]

Dre Patricia Baird: Je crois qu'une utilisation inappropriée et immorale est possible.

M. Maurice Vellacott: Beth.

Mme Beth Hiemstra: Nous dirions la même chose.

M. Maurice Vellacott: Vous êtes d'accord?

Mme Beth Hiemstra: Nous sommes d'accord avec la Dre Baird.

M. Maurice Vellacott: J'aimerais très rapidement que vous me disiez...

Le président: Vous pensiez vous en tirer facilement.

M. Maurice Vellacott: Je ne veux pas une thèse de doctorat ou un mémoire de maîtrise, mais j'aimerais savoir brièvement quel est votre cadre d'éthique. Bruce a fait allusion à de grands principes directeurs en matière de technologie de la reproduction.

Le président: Monsieur Vellacott, avec tout le respect que je vous dois, même si nous vous accordons beaucoup de latitude, je crois que cette question va un peu trop loin.

M. Maurice Vellacott: Comment puis-je formuler une question qui me permettrait de respecter les limites?

Le président: Je ne veux pas vous suggérer quelque formulation que ce soit, mais essayez de vous limiter à la portée de ce projet de loi.

M. Maurice Vellacott: D'accord. Je m'intéresse aux grands principes directeurs que vous pourriez nous proposer et qui pourraient régir ou fournir une orientation fondamentale.

Le président: Profitez de l'expérience de quelqu'un qui a traversé le pays pour recueillir certaines de ces opinions.

• 1120

Dre Patricia Baird: Il vous serait peut-être utile de savoir que le rapport de la commission royale contient un chapitre sur la vaste orientation morale de la commission. Nous avons pris une position sur les soins moraux, et cette position accorde la priorité à la relation entre les gens et les soins mutuels. Il en découle huit principes directeurs, comme l'autonomie, l'égalité, la non-commercialisation de la reproduction. Ce chapitre examine précisément la position morale de la commission.

Le président: Il serait juste de dire que c'est ce sur quoi Santé Canada s'est basé lorsqu'il a proposé le projet de loi C-47 et le cadre d'éthique connexe. Est-ce exact, madame Colvin?

Mme Phyllis Colvin: Oui, dans le document Fixer des limites et protéger la santé, nous avons un cadre d'éthique. Il établit les principes sur lesquels sont basées les décisions que nous avons prises au sujet des dispositions du projet de loi C-47.

Le président: Docteure Baird.

Dre Patricia Baird: Très rapidement, car je sais que vous voulez terminer, nous avons fait référence à de nombreuses reprises à la commission royale, et si cela peut vous être utile, j'ai un bref résumé des conclusions de la commission royale et de ses recommandations, si quelqu'un veut en avoir un exemplaire. Devrais- je le faire circuler?

Le président: Docteure Baird, vous pouvez le laisser et la greffière le distribuera un peu plus tard. Je crois que le comité possède déjà quelque chose de ce genre, mais nous vous sommes reconnaissants de l'avoir proposé.

Dre Patricia Baird: Je vous en ai envoyé un qui porte précisément sur le clonage.

Le président: D'accord, nous vous sommes reconnaissants d'avoir apporté ce résumé. Peut-être pourrons-nous le distribuer plus tard.

Je vais demander aux trois autres témoins de répondre très brièvement à la question de M. Vellacott sur le cadre d'éthique et les principes connexes... Je ne peux parler qu'en mon nom. Je crois savoir d'où vient le Dr Leader.

Madame Vandelac.

[Français]

Dre Louise Vandelac: Je dirais que si on avait respecté les règles du Code de Nuremberg, qui a été un des éléments clés de l'élaboration de l'éthique contemporaine, un bon nombre de pratiques n'auraient pas été mises en application. On aurait donc pu éviter un certain nombre de problèmes.

Les axes essentiels, c'est l'expérimentation sur les sujets humains et, d'autre part, d'autres éléments éthiques qui sont absolument fondamentaux, soit le caractère de réification, c'est-à-dire réduire des êtres humains à l'état d'objets et d'instruments pour d'autres. Quand je parle d'êtres humains, c'est dans un sens très large. Je pense qu'il faut considérer de façon attentive la question de l'embryon.

[Traduction]

Le président: Merci.

Docteur Leader.

Dr Arthur Leader: Monsieur le président, je suis originaire de Toronto, mais j'habite maintenant à Ottawa.

En quelques mots, je dirais que les pratiques qui sont contraires à la dignité humaine sont immorales.

Le président: Docteur Miron.

[Français]

Dr Pierre Miron: J'adopte la même position que le Dr Leader.

[Traduction]

Le président: Merci. Merci, monsieur Vellacott.

Je cède maintenant la parole à Mme Wasylycia-Leis.

M. Maurice Vellacott: Bruce avait une réponse. Je ne l'ai pas entendue.

Le président: Je croyais que vous aviez dit que vous saviez déjà d'où il était, car...

M. Maurice Vellacott: Il a dit quelque chose au sujet de l'administration. C'est tout ce que j'ai entendu.

Le président: Non, je crois que c'était dans ses commentaires liminaires, mais peut-être que vous aimeriez le répéter rapidement, monsieur Clemenger.

M. Bruce Clemenger: Nous avions trois ou quatre principes directeurs—le caractère sacré de la vie humaine, les soins aux personnes vulnérables. Le principe du caractère sacré de la vie humaine régirait la réification, l'idée que l'on peut fabriquer des êtres humains. Il y a aussi les soins pour les personnes vulnérables, l'intégrité familiale. Nous utilisons ce genre de principes directeurs.

Cependant, dans ce cadre, et je pense aussi au cadre de la commission royale, vous énumérez une série de principes qui parfois vous mènent dans des directions totalement différentes.

Tout le monde se rallierait au concept des soins pour les personnes vulnérables ou du caractère sacré de la vie humaine, mais à partir de quand votre désir de soigner les personnes vulnérables et les personnes atteintes de certaines maladies commence-t-il à menacer le caractère sacré de la vie humaine. Il s'agit d'un jeu d'équilibre.

Je crois que le problème concerne également la dignité humaine. De nombreuses personnes se disent favorables à l'interdiction de cloner un être humain entier, mais je le répète, qu'est-ce qu'un être humain et quand est-il entier? Je crois que c'est sous-jacent à de nombreux débats sur les technologies de la reproduction et les technologies génétiques.

Le président: Merci, monsieur Clemenger.

Nous arrivons bientôt à la fin. Je cède la parole à Mme Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai trois brèves questions. La première porte sur la discussion que nous venons d'avoir sur la moralité. Il me semble qu'un élément de ce cadre de principes moraux est la non-commercialisation des technologies reproductives, comme le souligne le rapport de la commission. Ma question s'adresse à Phyllis. Est-ce que ce principe fait partie du code de conduite actuel du ministère? Pourquoi voudrait-on relancer le débat sur la vente du sperme et des ovules?

• 1125

Ma deuxième question s'adresse au Dr Leader, qui a en quelque sorte laissé la porte ouverte dans tout le dossier de la vente d'ovules et de sperme. Pourquoi traiterions-nous les ovules et le sperme différemment du sang ou des organes? Je pense que nous sommes tous inquiets de ce qui se passe aux États-Unis au sujet de la vente d'organes, et je le répète, non seulement au sujet des organes, mais des frais ou des inconvénients, etc. Je crois que les Canadiens ont des valeurs précises en la matière et qu'ils rejettent un système axé sur le marché. Je me demande comment vous faites la distinction. Est-ce que cela n'ouvre pas tout le dossier, et n'allons-nous pas nous engager dans la voie de la commercialisation, une décision que nous allons regretter?

Ma troisième question s'adresse à la Dre Baird, qui, d'entrée de jeu, a dit qu'elle préférerait en parler dans un contexte plus large. Je comprends et je suis d'accord, mais comme ce n'est pas le cas, et comme nous ignorons quand nous pourrions avoir un projet de loi, et la forme qu'il prendrait, n'est-il pas important au moins d'appuyer le projet de loi C-247? N'est-ce pas mieux que rien du tout?

Le président: Madame Colvin, voulez-vous répondre à la première question?

Mme Phyllis Colvin: Oui. La non-commercialisation, le principe de la non-réification découle de nos travaux précédents. Le rapport qui a été cité par les médias, à savoir que le gouvernement l'abandonnait, était inexact. C'était une mauvaise interprétation d'une conversation entre un fonctionnaire et un journaliste. Cela a ensuite été corrigé dans les médias. Si vous le voulez, nous pouvons vous citer la référence précise.

Le président: Docteur Leader.

Dr Arthur Leader: Je crois que si la société est contre et qu'un projet de loi interdit tout versement, toute commercialisation, les patients et les professionnels s'y conformeront. C'est la loi. Et si telle est la volonté du Parlement, nous la respecterons.

Je n'ai pas voulu m'en faire un promoteur, mais nous vivons dans un monde concret. Nous avons besoin de sperme donné, quoique dans une moindre quantité que depuis l'introduction de l'ingestion de sperme, et il y a des femmes qui souffrent de déficit ovarien prématuré, pour de nombreuses raisons, et qui ont besoin d'ovules donnés. Il y a des femmes qui, à un âge plus avancé, décident de fonder une famille et qui ne produisent plus d'ovules. Si le Parlement et la population canadienne sont d'avis que les donneurs d'ovules et de sperme ne doivent pas être indemnisés, qu'il en soit ainsi. Nous avons vu que la décision du Royaume-Uni de ne pas indemniser les donneurs de sperme n'a pas donné les résultats voulus, et elle a dû être mise en veilleuse.

Deuxièmement, ce n'est pas la profession médicale ou scientifique qui a réclamé le partage ou l'échange des ovules, peu importe le terme que vous voulez utiliser; en fait, cette demande a été formulée par des membres sans formation médicale du conseil du HFEA. Certains médecins avaient des réserves, et ils n'offrent toujours pas ce service. C'était une demande du consommateur. Nous respecterons les décisions qui seront prises. Et un cadre réglementaire, comprenant une loi, le garantira, car toute infraction aux règlements serait un acte criminel, ou du moins illégal. Je ne suis pas avocat. Je ne sais comment on qualifierait une telle infraction.

Mais dans la vraie vie, dans les cas d'infertilité... Il ne faut pas oublier la décision de la Cour suprême des États-Unis, qui reconnaît le droit à la reproduction—et la Cour traitait de patients séropositifs, ce qui est un aspect de tout le dossier. Mais de plus en plus, les personnes stériles vont affirmer que leur problème est d'ordre médical, et qu'il devrait être couvert par la Loi canadienne sur la santé et assuré par les régimes privés et provinciaux.

C'est donc le consommateur qui va décider. Les praticiens, pour ce qui est de la rémunération, pour la conservation et la vente du sperme... Le seuil de rentabilité est presque atteint dans le cas du sperme. Pour les dons d'ovules, cela dépend des forces du marché, mais ce n'est pas aussi profitable que pour le prix payé aux donneurs d'ovules ou de sperme. Je le répète, nous respecterons ce qui sera décidé. Si le principe de la non-commercialisation est accepté, nous nous y conformerons.

• 1130

[Français]

Le président: Merci, docteur Leader.

Madame Baird.

[Traduction]

Dre Patricia Baird: Je serai très brève, 30 secondes.

Vous avez demandé s'il ne fallait pas adopter ce projet de loi, en disant que cela valait mieux que rien. Si ce n'était du projet de loi qui est censé être présenté d'ici la fin de l'année, je serais peut-être de cet avis. Cependant, je serais très déçue que ce projet de loi soit adopté sans qu'on en modifie le libellé comme je le recommande. Si le libellé était modifié, je pourrais m'en accommoder. Mais comme il semble qu'une loi pourrait être adoptée avant la fin de l'année, je préférerais attendre.

Le président: Vous préféreriez vous accommoder d'une promesse? D'accord.

Dre Patricia Baird: Si vous tenez vos promesses.

Le président: Je le fais toujours. Santé Canada aussi, je crois. Un tien vaut mieux que deux tu l'auras.

[Français]

Madame Picard, je vous invite à nous dire brièvement les derniers mots sur ce sujet.

Mme Pauline Picard: Je suis désolée, monsieur le président, d'entendre dire qu'il faut encore attendre puisque je crois que nous avons déjà attendu assez longtemps. Cela fait 30 ans qu'on en parle et la Commission Baird a coûté assez cher. Nous devrions être en mesure de prendre une décision.

Je suis un peu déçue de la réponse de Mme Colvin à ma collègue qui disait être disposée à adopter sans tarder un libellé, ce qui représenterait au moins un premier pas. Même si on adopte un libellé qui n'est peut-être pas satisfaisant, on pourra toujours le corriger. Le clonage reproductif humain doit être interdit. Pourquoi attendre encore jusqu'à l'automne, jusqu'en novembre ou décembre? On ne le sait pas. Il sera très difficile de faire adopter un tel projet de loi parce que d'ici à ce qu'il soit porté à l'étude de la Chambre des communes, les choses auront encore changé et notre décision définitive ne sera pas encore prise.

Il ne faut pas se dire que ce qui se fait ailleurs ne se fera pas ici. On ne le sait pas. Le comité consultatif ne nous a jamais fait mention de quoi que ce soit au sujet d'activités douteuses qui pourraient avoir lieu au Canada. Devons-nous attendre qu'un scandale éclate avant d'agir? J'aimerais clore la séance par ces commentaires.

Monsieur le président, je voudrais remercier tous les intervenants qui nous ont apporté aujourd'hui un éclairage différent, mais très sérieux, qui nous permettra peut-être faire la lumière et de faire des choix éclairés quand viendra le temps d'adopter ce projet de loi. Merci.

Le président: Merci, madame Picard.

[Traduction]

Je vais enchaîner là-dessus. Au nom de tous les membres du comité, je tiens à remercier chacun d'entre vous de s'être déplacé et d'avoir partagé avec nous ses connaissances et points de vue.

Chaque fois que nous abordons ce sujet—et nous l'avons fait à quelques reprises—d'un point de vue personnel, il m'apparaît de plus en plus fascinant, et je sais que les membres du comité le trouvent de plus en plus intéressant et complexe. Nous avons tous une position au départ, et même si elle s'étoffe, au moins nous sommes sûrs de la décision que nous allons prendre.

Encore une fois, au nom de tous les membres du comité, je vous remercie infiniment. J'espère que ce n'est pas la dernière occasion que nous aurons de vous rencontrer, et j'espère que la prochaine séance sera encore meilleure que celle-ci, mais ce sera difficile.

Merci beaucoup.

Je vais suspendre la séance pendant deux minutes, après quoi nous nous occuperons du projet de loi.

Merci.

• 1134




• 1139

Le président: Pour commencer, je tiens à remercier tous ceux qui ont pu assister à la séance de jeudi dernier, à la fois en personne et par personne interposée. Il est probable que tous les membres du comité auraient pu tirer profit du débat que nous avons eu jeudi dernier, et en tout cas, ils l'auraient certainement apprécié. Si vous en avez l'occasion, référez-vous au hansard. C'est une lecture qui sera certainement utile. Évidemment, ce ne sera pas possible aujourd'hui, mais peut-être que vous auriez intérêt à le faire plus tard.

• 1140

En ma qualité de président, je dois absolument traiter de ce projet de loi aujourd'hui, car le nouveau règlement 97(1) nous oblige à présenter notre rapport sur ce projet de loi à la Chambre. Je sais qu'on en a déjà discuté, et bien sûr, c'est la deuxième fois que le comité est saisi de ce projet de loi. Aujourd'hui, notre table ronde et la discussion ont repris là où nous nous étions arrêtés jeudi dernier.

Toutefois, nous devons maintenant renvoyer le projet de loi à la Chambre, faute de quoi nous commettrions un outrage à la Chambre. Telle n'est certainement pas mon intention; je réserverai cela pour une autre occasion. Donc, nous devons en terminer aujourd'hui avec le projet de loi C-247.

Madame Caplan, vous aviez quelque chose à dire.

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Oui, merci beaucoup, monsieur le président. Je n'ai pas l'intention de parler longtemps, mais j'aimerais dire une chose ou deux. Pour commencer, j'aimerais mentionner très rapidement l'historique de ce projet de loi. C'est un sujet dont on parle depuis un certain temps, et cela a commencé avec la commission royale. Il y a d'abord eu le projet de loi C-47, qui portait sur les interdictions et qui est mort au Feuilleton.

Les témoins que nous avons entendus, et en particulier ceux de Santé Canada, nous ont dit qu'on avait beaucoup appris, ils nous ont expliqué que l'expérience du projet de loi C-47 et la façon dont il avait été critiqué avaient confirmé que les interdictions n'étaient pas une bonne solution dans un domaine en pleine évolution, un domaine rempli de complexités et de dilemmes éthiques.

Mme Picard a ensuite soumis son projet de loi à ce comité. Elle en a expliqué la raison d'être, et non seulement la Chambre des communes, mais également les membres de ce comité ont conclu, en principe, qu'il serait bon d'interdire le clonage humain. Cette proposition ayant inquiété certains, nous venons d'avoir toute une série d'audiences publiques.

D'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, et d'après ce qui est ressorti des audiences de la semaine dernière, on semble être d'accord pour dire qu'il faut agir. C'est un domaine très complexe, en pleine évolution, et il exige une démarche exhaustive et bien intégrée. Sur la base des témoignages que nous avons entendus, je propose donc la motion suivante:

    ne donne pas suite au projet de loi C-247 pour le moment.

À propos de cette motion, très rapidement, en ma qualité de secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, je sais, et certains témoins nous l'ont confirmé, qu'une loi exhaustive et intégrée est en cours de préparation. Cette loi tiendra compte des observations de notre comité et de celles de la Chambre en ce qui concerne le clonage humain, ou le clonage d'un être humain tout entier. Les travaux de notre comité auront été particulièrement utiles, ils s'intègrent dans le processus de consultation en préparation de cette législation.

Voilà donc la motion que je présente, monsieur le président.

Le président: J'imagine qu'elle est appuyée. Ce n'est pas une nécessité, mais apparemment, c'est le cas. Des observations? Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard: Monsieur le président, j'interviens simplement pour vous dire que je suis contre cette motion.

[Traduction]

Le président: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Très rapidement, j'aimerais m'associer à Pauline et voter contre cette motion, et cela pour deux raisons. Premièrement, nous ne savons vraiment pas quand cette mesure législative globale sera prête. Il est important d'agir le plus rapidement possible pour limiter les dégâts car cette question du clonage humain est extrêmement difficile.

Deuxièmement, je n'ai pas l'impression que nous soyons vraiment d'accord pour éliminer les interdictions. Vous étiez peut- être d'accord l'autre jour à la séance que j'ai manquée, mais d'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, beaucoup de gens pensent qu'il est nécessaire d'imposer des interdictions très claires dans certains domaines, comme le clonage humain, la commercialisation du sperme et des ovules, et dans d'autres domaines, et également un cadre réglementaire très défini.

• 1145

Par conséquent, je pense que le projet de loi de Pauline Picard correspond toujours aux opinions des témoins que nous avons entendus, et j'aimerais défendre son projet de loi et m'opposer à la motion.

Le président: Merci.

J'aimerais donner à tout le monde l'occasion de faire une observation très courte, mais sans pour autant relancer le débat.

Maurice, puis Elinor.

M. Maurice Vellacott: J'ai une question, et peut-être la secrétaire parlementaire, Mme Caplan, pourra-t-elle y répondre.

Que se produirait-il si nous adoptions cela maintenant? Lorsque cette loi plus importante et plus exhaustive sera prête, laquelle de ces deux mesures l'emportera? Est-ce qu'à ce moment-là, on ne pourra pas écarter celle-ci? Est-il possible qu'en adoptant ce projet de loi maintenant on empêche le suivant?

M. Elinor Caplan: Si je pouvais avoir la parole...

Le président: Un instant.

M. Maurice Vellacott: Je me demande quelle est la procédure.

Le président: C'est une question de procédure. Une nouvelle loi supplanterait celle-ci.

M. Maurice Vellacott: La nouvelle loi l'emporterait. Autrement dit, si nous adoptions ce projet de loi et si le suivant était meilleur... pas de problème, on oublierait celui-ci.

Le président: C'est la procédure.

M. Maurice Vellacott: Dans ces conditions, je ne vois aucune raison de ne pas adopter ce projet de loi maintenant. Il sera ensuite amélioré, plus tard, à l'automne.

Le président: Madame Caplan, une dernière observation.

Mme Elinor Caplan: En fait, j'aimerais répondre à tous ceux qui jugent nécessaire de mettre en place une loi plus exhaustive et mieux intégrée, une loi qui comprendrait des interdictions et qui établirait un cadre réglementaire.

D'autre part, il m'a semblé qu'on était d'accord pour penser qu'en adoptant certaines mesures maintenant, on risque de freiner le travail important qui est en cours, qu'un cadre d'application volontaire existe bel et bien, même s'il n'est pas parfait, et qu'il est important de prendre des mesures très complètes. En effet, comme la Dre Baird l'a dit, est-ce qu'il vaut mieux procéder morceau par morceau, pas à pas, ou ne rien faire du tout? Il m'a semblé que la réponse était non. À mon avis, un consensus, ce n'est pas la même chose que l'unanimité, et je sais que ce point de vue n'est pas unanime, mais au cours des deux derniers jours d'audiences, il m'a semblé qu'on était généralement d'accord.

Je propose donc cette motion en rappelant qu'une loi est en préparation, une loi qui tiendra compte des préoccupations qui ont été soulevées à la fois à la Chambre et au sein du comité. L'examen de cette loi nous donnera l'occasion de poursuivre la discussion sur ce sujet qui évolue très rapidement et qui est très complexe. Bref, après tout ce que j'ai entendu, c'est un problème pour lequel il n'existe pas de solution simple.

Le président: Merci, madame Caplan.

Madame Minna, vous avez les dix dernières secondes.

Mme Maria Minna: Je tiens à remercier Mme Picard pour tout le travail qu'elle a consacré à ce projet de loi; nous en sommes très conscients.

Depuis la première fois que nous avons traité de cette question, lors de l'autre réunion, et ensuite pendant celle-ci, ayant entendu les témoins... il serait préférable d'avoir une loi exhaustive. Pour ma part, ayant écouté la Dre Baird, qui en fin de compte a dit que si elle devait choisir, elle préférerait voir quelque chose, si je dois voter, je préférerais vraiment voter pour une loi qui est exacte, qui reflète la réalité, plutôt que quelque chose qu'on espère pouvoir changer à l'avenir.

Le président: Merci beaucoup.

Mme Caplan propose que le comité recommande de ne pas donner suite au projet de loi C-247 pour le moment, puisqu'une loi exhaustive et intégrée est en voie de préparation et sera déposée à l'automne.

(La motion est adoptée)

Le président: Je tiens à remercier chacun d'entre vous pour votre appui au cours de la dernière partie de cette session.

La présidence doit-elle faire rapport à la Chambre et ce, à titre de septième rapport du comité?

Des voix: D'accord.

Le président: Merci beaucoup.

M. Maurice Vellacott: Alors le motion que nous venons d'adopter garantit que cette mesure sera déposée cet automne?

Le président: La motion garantit que le président du comité va faire rapport à la Chambre que ces délibérations ont eu lieu...

• 1150

M. Maurice Vellacott: Non. La motion que nous avons lue est- elle une garantie que la mesure sera déposée cet automne?

Le président: Je ne vois pas comment un comité peut ainsi contraindre la Chambre, Maurice. La seule chose que le comité peut faire c'est se contraindre lui-même.

M. Maurice Vellacott: Je veux savoir si le ministre de la Santé est tenu de...

Le président: Vous pourrez vous lever lorsque je présenterai ce rapport et dire, écoutez, je pense que la Chambre devrait proposer unanimement que c'est bien l'intention de cette motion.

M. Maurice Vellacott: Je voulais simplement entendre le libellé de la motion.

Le président: Je vais vous la lire à nouveau. Un instant.

M. Maurice Vellacott: Très bien.

Le président: Elle est formulée comme suit:

    Que le comité, dans son rapport, recommande de ne pas donner suite au projet de loi C-247 pour le moment, puisqu'une loi exhaustive et intégrée est en voie de préparation et sera déposée à l'automne.

M. Maurice Vellacott: À l'automne.

Le président: Oui.

M. Maurice Vellacott: Alors voilà. C'est bien inscrit au procès-verbal.

Le président: Je vous remercie tous de nous avoir fourni votre appui au cours de la dernière partie de cette session. J'ai très hâte de travailler avec vous tous à nouveau lorsque nous reprendrons nos travaux.

Je vous ferai communiquer la date de la prochaine réunion. La séance est levée.