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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 mars 1999

• 0908

[Traduction]

Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons notre étude sur la situation des dons d'organes et de tissus au Canada.

Nous accueillons ce matin deux tables rondes. Nous reconnaissons certains visages parmi les témoins de la première table ronde. Nous accueillons M. Gary Cooper, directeur général du programme M.O.R.E. de l'Ontario. M. Cooper est également un citoyen éminent d'un comté dont vous avez peut-être déjà entendu parler, celui d'Eglinton—Lawrence. Il est donc un de mes commettants. Nous accueillons également Mme Daria Parsons, gestionnaire des services de données cliniques de l'Institut canadien d'information sur la santé. De La Mutuelle, nous accueillons le président-directeur général, M. Robert Astley, qui est accompagné par les membres de son personnel et par d'autres collègues. Bonjour à tous.

Commençons par M. Gary Cooper et par le programme M.O.R.E. de l'Ontario, mais ne croyez pas pour autant que j'ai un préjugé en sa faveur ou que je veux faire preuve de favoritisme.

Monsieur Cooper, vous savez comment nous fonctionnons, mais laissez-moi expliquer la marche à suivre aux autres. Vous avez chacun cinq minutes environ pour nous présenter votre point de vue, après quoi nous céderons la parole aux membres du comité de part et d'autre de la table. Ne vous étonnez pas de voir si peu de députés présents ce matin, car ils ont l'habitude d'aller et venir, au gré de leurs whips.

Monsieur Cooper.

M. Gary Cooper (directeur général, Programme M.O.R.E. de l'Ontario): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je ne sais pas si je dois me considérer comme privilégié d'avoir été choisi pour ouvrir la séance, mais j'essaierai néanmoins de m'en tenir à cinq minutes. Je lirai donc mes propos, si vous le permettez.

J'aimerais d'abord vous remercier de m'avoir invité à soumettre au comité des commentaires supplémentaires au nom des responsables du programme M.O.R.E., programme de prélèvement et de greffes d'organes de l'Ontario.

Je n'expliquerai pas à nouveau les objectifs du programme M.O.R.E., qui vous ont été décrits lors de l'exposé de Graham Scott, le 11 février dernier, sauf pour souligner que notre mandat principal consiste à accroître le nombre de dons d'organes et de faire en sorte que l'attribution des organes en Ontario se déroule de manière juste et équitable.

• 0910

En tant qu'un des rares organismes canadiens possédant une base de données d'attribution automatisée, M.O.R.E. peut servir de modèle aux autres provinces et de point de départ pour la conception d'une liste d'attente nationale, liste pour laquelle votre comité a exprimé de l'intérêt lors de notre dernière comparution.

Les responsables du programme M.O.R.E. sont d'avis qu'il faut tenir un symposium national destiné à uniformiser les définitions, la saisie de données et les exigences quant aux résultats afin de faire en sorte que le système soit véritablement efficace. Ce symposium devrait procurer à la collectivité des spécialistes de la transplantation un motif les incitant à élaborer des lignes directrices et à rechercher la collaboration en matière de collecte de données et de systèmes d'information.

Nous croyons que des organismes comme l'ICIS et le RCITO devraient travailler de concert avec les provinces à la construction d'une infrastructure uniforme des systèmes d'information, un peu comme celle que le United Network for Organ Sharing, l'UNOS, améliore sans cesse aux États-Unis.

On travaille actuellement à la rédaction d'un document important, soit le document général canadien de sécurité en matière de transplantation d'organes et de tissus, qui aura besoin d'appui et dont la conformité devra être évaluée. Le programme M.O.R.E. de l'Ontario dispose de la structure nécessaire à cette entreprise—qui devrait servir de point de départ aux groupes nationaux déjà existants—, mais aurait besoin pour la réaliser de collaborateurs et d'appui financier.

Le programme M.O.R.E. ne dispose toutefois pas d'un système qui est entièrement à la fine pointe des dernières découvertes en matière de transplantation, ce que je suis forcé d'avouer. Ce n'est pas par manque de capacité ni d'expertise, mais bien par manque de ressources financières. Par exemple, nous ne nous occupons pas des cas de dons de reins par un donneur apparenté—ce qui est devenu la solution la plus courante pour pallier le problème de manque de reins prélevés sur des cadavres—ni des données sur les transplantations de foies fractionnés en deux organes. Ce sont là deux des progrès majeurs des dernières années dont nous devrions pouvoir tirer parti.

Nous avons aussi besoin de plus de ressources pour répondre à la demande croissante des chercheurs et des cliniciens sur les données à long terme concernant la survie des greffons.

Comme MORE vous l'a fait savoir le 11 février, de même que presque tous les témoins avant et après cette date, il n'y a qu'un faible pourcentage de donneurs éventuels au Canada. Personne ne connaît exactement le nombre de donneurs dont nous aurions besoin en Ontario et au Canada chaque année, mais nous savons que certaines provinces sont d'avis qu'il en faudrait plus du double, et elles croient que le potentiel est encore plus grand.

En vue d'augmenter le nombre de nos données, nous avons besoin de ressources supplémentaires pour étudier les dossiers médicaux des hôpitaux, afin de déterminer l'ampleur du problème et d'en connaître les raisons. La prochaine étape consiste à tabler sur les programmes de développement des hôpitaux afin de résoudre le problème, à l'aide d'une combinaison de programmes de sensibilisation, d'incitatifs et de lignes directrices ou de règlements—ce que plusieurs témoins vous ont déjà expliqué.

Le programme MORE collabore actuellement avec un important centre de traumatologie de la métropole afin d'établir un programme modèle pour l'Ontario, mais sans apport de fonds supplémentaires il sera difficile de mettre à profit les succès prévus de ce projet.

Le modèle en question est fondé sur une combinaison des programmes éprouvés en Espagne et au Texas. J'ai cru entendre que vous recevrez la semaine prochaine des représentants de l'Espagne, qui pourront vous donner plus de détails.

Aucun de ces programmes n'a été créé dans un contexte de restrictions de fonds comme celui qui existe au Canada en matière de dons d'organes. Nous ne pouvons pas rester à rien faire tandis que les listes d'attente s'allongent sans cesse et que le taux de donneurs décédés n'augmente pas.

Aucune solution rapide ni aucune mesure unique ne peuvent faire augmenter le nombre de donneurs au Canada. Notre pays a besoin de financement afin de maintenir un effort soutenu de promotion et de sensibilisation à la question des dons d'organes, et ce, tant dans les hôpitaux que sur la scène publique.

Et par-dessus tout, nous avons besoin de professionnels à plein temps qui soient adéquatement formés et appuyés pour effectuer le travail de première ligne du domaine des dons d'organes.

Je vous renvoie à nouveau au modèle espagnol, qui vous a peut-être déjà été expliqué, mais qui vous sera expliqué sans doute plus clairement par les témoins de la semaine prochaine.

Quand on s'interroge sur les coûts associés aux dons d'organes, il est difficile de ne pas songer aux craintes et aux souffrances humaines. En 1999, des gens décèdent encore en raison d'une trop longue attente en vue d'une greffe. Les gens en attente d'un organe doivent patienter beaucoup plus longtemps qu'il y a dix ans, même si nous savons que la situation pourrait s'améliorer si on exploitait toutes les ressources possibles.

Votre comité a entendu dire bien souvent, au cours des dernières semaines, qu'on estime les coûts des dialyses à 50 000 $ par patient par année. En 1998, la durée d'attente moyenne pour un rein était de 875 jours, soit 2, 3 ans, ce qui est peu pour celui qui est en traitement de dialyse depuis déjà quatre ou cinq ans. Cela représente environ 130 000 $ en dialyses durant cette attente seulement.

Bien sûr, l'économie qu'une transplantation permettrait de faire n'est pas réelle, puisque aussitôt qu'une place est vacante en dialyse, un autre patient de la liste d'attente vient l'occuper, ce qui entraîne les mêmes coûts. Ce que cela signifie, toutefois, c'est qu'une autre personne a accès à la dialyse sans qu'on soit obligé de dépenser à nouveau pour créer une autre place. Par conséquent, cela reste un argument économique intéressant en faveur de l'augmentation des transplantations, sans parler de la possibilité de sauver des vies ainsi que de la qualité de vie et des avantages qui en découleraient.

• 0915

L'avantage économique est clair. Mais les coûts humains associés aux décès durant la période d'attente, ou même à l'impossibilité d'être inscrit sur la liste d'attente, frisent la négligence dans un système de santé qui ne réussit pas à financer adéquatement un traitement dont les coûts sont justifiés sous tous les aspects.

Bien que les praticiens spécialisés dans chaque groupe d'organes organisent actuellement des rencontres à l'échelle provinciale et nationale en vue d'approuver des algorithmes d'attribution mutuellement acceptables—qui eux-mêmes ne sont pas sans failles—, il y a tout de même des variantes dans les critères d'inscription des patients sur la liste d'attente. Dans un système dépendant d'une juste attribution des organes répondant à toutes sortes de conditions qui vont du groupe sanguin au degré de gravité de la maladie en passant par le délai d'attente, les normes d'inscription et la méthode de suivi qui les confirme sont essentielles. Actuellement, les listes d'attente varient grandement d'une région à l'autre, et même au sein des régions de recrutement similaires sur le plan des statistiques démographiques, et ce, en raison principalement des critères d'inscription, qui diffèrent d'un centre à l'autre.

On continue d'organiser des conférences nationales pour faire en sorte d'établir des règles d'attribution communes, mais on doit consacrer plus d'efforts à la création de normes uniformes. Dans un contexte de manque critique d'organes, on doit être absolument sûr que l'accès à ce système est équitable pour tous. La coordination centralisée d'un système de tenue et de suivi des critères d'inspection, soutenue par un comité professionnel, offrirait cette assurance. Bien sûr, la coordination va au-delà de la création de listes d'attente uniformes liées à un système électronique d'attribution; nous devons aussi coordonner l'administration des dons d'organes. Beaucoup d'instances vous expliqueront et vous ont déjà expliqué comment il est possible d'y parvenir de façon efficace, et vos invités de la semaine prochaine abonderont sans doute dans le même sens.

Un taux de donneurs plus élevé que 30 personnes par million d'habitants est plus que réalisable—comme vous le confirmeront sans doute la plupart des gens qui oeuvrent dans le domaine. Au Canada, nous avons les connaissances et les compétences voulues pour y parvenir. Ce qui manque, c'est l'effort de cohésion des gouvernements et des professionnels de la transplantation—pas nécessairement dans cet ordre—pour la mise en oeuvre des recommandations qui ont fait leurs preuves dans le reste du monde. Mais je suis heureux de dire que les professionnels travaillent plus que jamais en étroite collaboration et consacrent plus de temps à tenter de réduire le temps d'attente des milliers de Canadiens qui ont besoin, ou qui auront besoin, d'une greffe d'organe.

Pour clore, j'aimerais reprendre des propos prononcés lors d'une conférence nationale à laquelle j'ai assisté récemment, propos auxquels nous souscrivons sans doute sans réserve: nous appuyons la mise en oeuvre d'un système de transplantation durable, intégré et complet au Canada; cela se révèle nécessaire pour régler ce grave problème de santé publique à l'approche du XXIe siècle.

Merci de votre attention et de nous avoir écoutés à nouveau.

Le président: Monsieur Cooper, merci beaucoup. Vous vous en êtes tenu précisément aux cinq minutes allouées. C'est comme dans les événements sportifs: on est toujours à temps là aussi.

Je cède maintenant la parole à Mme Daria Parsons, de l'Institut canadien d'information sur la santé.

Mme Daria Parsons (gestionnaire, Services des données cliniques, Institut canadien d'information sur la santé): Merci.

Créé en 1994 et mandaté par les ministres de la Santé du Canada, l'Institut canadien d'information sur la santé est un organisme indépendant à but non lucratif chargé d'élaborer et de maintenir le système d'information sur la santé au pays. À cette fin, l'ICIS fournit en temps opportun l'information appropriée et nécessaire en vue d'introduire des politiques de santé avisées et de gérer avec efficacité le système de santé canadien. Toutes les activités de l'ICIS sont régies par des principes fondés sur le respect de la vie privée et par des mesures de protection rigoureuses entourant la confidentialité et la sécurité des renseignements confidentiels sur la santé.

Le Registre canadien des insuffisances et des transplantations d'organes, qui est un programme de l'ICIS, est une base de données nationale qui enregistre, analyse et décrit le niveau d'activité et les résultats des transplantations d'organes vitaux et des traitements par dialyse rénale. Le registre fournit des statistiques qui font ressortir les tendances à long terme pour les transplantations et les dons d'organes, ainsi que pour les traitements par dialyse, et des données comparatives permettant de prendre de meilleures décisions au sujet des traitements.

Le RCITO est encadré par un conseil d'administration composé de médecins et de représentants de la Société canadienne de transplantation et de la Société canadienne de néphrologie. Un comité consultatif est responsable de la collecte des données, de l'analyse et de l'établissement des priorités pour le registre.

Laissez-moi vous expliquer un peu plus en détail ce qu'est le RCITO. Le RCITO obtient des données sur la transplantation de 28 hôpitaux effectuant des greffes. Les données sur les listes d'attente et sur les donneurs sont obtenues auprès de six organismes provinciaux chargés de l'acheminement des organes, les OCAO, et de deux OCAO régionaux. La collecte des données n'est pas obligatoire. Le RCITO fait des rapports rétrospectifs sur toutes les transplantations d'organes solides, sur tous les donneurs utilisés et sur les listes d'attente. Nous produisons un rapport annuel qui présente les statistiques sur les dons d'organes dans les provinces et à l'échelle nationale, les transplantations, la dialyse et les listes d'attente.

La majorité des donneurs ont fait don de plusieurs organes. Quarante-huit p. 100 de ces donneurs sont morts d'un traumatisme cérébral, tandis que 32 p. 100 d'entre eux sont décédés d'un traumatisme, ce qui inclut les accidents de voiture et la mort par balle. De plus, l'âge moyen des donneurs est passé de 34 à 37 ans au fil des dernières années.

Au cours des six dernières semaines, on vous a répété inlassablement que le taux de dons d'organes au Canada ne se compare pas favorablement avec celui d'autres pays industrialisés, comme l'Espagne. En effet, dans ce pays, le taux de dons d'organes, qui se situait à 29 donneurs par million d'habitants en 1997 est passé à plus de 30 donneurs par million d'habitants en 1998. Or, en 1997, le taux de dons d'organes au Canada se situait à 14,4 donneurs par million d'habitants.

• 0920

Le nombre de patients en attente d'une transplantation d'organe est passé d'un peu plus de 1 800 en 1991 à un peu moins de 3 500 en septembre 1998; 81 p. 100 d'entre eux attendaient une transplantation rénale, 8 p. 100 attendaient une transplantation hépatique et 4 p. 100 attendaient une transplantation cardiaque ou une transplantation de poumon. Dans l'ensemble, les transplantations ont augmenté de 40 p. 100 par rapport à la décennie précédente. En 1997, un peu moins de 1 600 greffes ont été effectuées au Canada, dont 62 p. 100 étaient des greffes rénales et 22 p. 100 des greffes hépatiques.

Passons aux recommandations que l'ICIS voudrait faire à votre comité. D'abord, nous vous recommandons d'identifier les donneurs à l'échelle nationale, comme on vous l'a sans doute suggéré à maintes reprises. En effet, les données existantes au Canada ne permettent pas de dresser un portrait véritable du nombre réel de donneurs potentiels. Si l'on s'appuie sur le taux de dons d'organes d'autres pays, comme l'Autriche et l'Espagne, il semble possible d'atteindre un taux de dons d'organes de 40 donneurs par million d'habitants.

Les démarches suivantes favoriseraient l'augmentation des dons d'organes au Canada. La déclaration et l'analyse exactes des décès au Canada fourniraient des renseignements sur des donneurs potentiels. L'obligation de signaler les décès de tous les donneurs potentiels aux organismes chargés de l'acheminement des organes permettrait de faire l'identification de tous les donneurs potentiels et pourrait faciliter l'identification des obstacles à surmonter en ce qui concerne le don d'organes. Un système de déclaration spécifique au centre faciliterait les activités relatives aux donneurs en fournissant des données repères sur les meilleures pratiques. Enfin, un système de suivi local en collaboration avec les travailleurs de la santé devrait être mis sur pied afin de revoir les donneurs qui ont été omis.

En deuxième et en troisième lieu, nous recommandons que l'on établisse une liste d'attente en temps réel à l'échelle nationale afin de faciliter l'échange d'organes opportun, et que l'on mette sur pied un registre national des donneurs afin de faciliter l'appariement entre les organes et les receveurs.

En résumé, l'Institut canadien d'information sur la santé appuie ces recommandations et collaborera avec des organismes directeurs à des initiatives définies par le Comité permanent de la santé visant à améliorer le don d'organes au Canada.

Merci.

Le président: Je serais tenté de dire que votre exposé était brillant, puisqu'il s'est terminé par une exhortation auprès de la population canadienne à accepter le rôle que joue notre comité. Merci beaucoup, en mon nom personnel.

Passons maintenant à M. Robert Astley, du Groupe La Mutuelle.

M. Robert M. Astley (président-directeur général, La Mutuelle du Canada): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité. Mme Annie Côté-Kennedy, qui est notre directrice des communications, m'accompagne aujourd'hui. Mme Côté-Kennedy s'occupe de toutes les activités de notre entreprise dans le domaine de la responsabilité sociale, et elle fait également partie du comité «Links to Success», dont vous avez déjà entendu parler, je crois.

Je suis heureux de pouvoir vous expliquer notre vision et ce qu'il faudrait faire, d'après nous, pour faire augmenter le taux de dons d'organes. Il s'agit en effet d'une cause à laquelle nous croyons fermement et à laquelle notre personnel et nos agents de tout le pays se dévouent. Nous sommes convaincus de pouvoir redresser la barre dans ce qui se trouve être un des domaines majeurs des soins de santé. Je suis venu aujourd'hui affirmer à nouveau l'engagement de notre entreprise et signaler à quel point il est urgent d'avoir une approche coordonnée à l'échelle nationale qui soit menée par le gouvernement fédéral.

La participation du Groupe La Mutuelle au phénomène du don d'organes a plusieurs facettes. Nous avons voulu sensibiliser la population et dissiper les malentendus qui minent le processus du don d'organes. Notre engagement est illustré par l'appui que nous avons apporté à des recherches dans le domaine de la transplantation menées dans les hôpitaux et par le partenariat que nous avons formé avec des organisations telles que la Fondation canadienne du rein et l'Association canadienne de transplantation.

Après plusieurs années pendant lesquelles nous avons soutenu financièrement le don d'organes, comme l'illustre notre investissement de plus de 3,5 millions de dollars depuis 1992, nous sommes sidérés d'apprendre, autant que les autres, qu'il y a une pénurie croissante d'organes disponibles au Canada. En effet, depuis 1991, la liste d'attente des receveurs potentiels a augmenté de 68 p. 100, tandis que le taux de dons d'organes n'a augmenté que de 6 p. 100. Comme le signalait Mme Parsons, plus de 3 000 Canadiens sont actuellement en attente d'une greffe.

S'il y a un écart croissant entre l'offre et la demande, ce n'est pas parce que les Canadiens refusent de donner leurs organes. Tout au contraire, notre recherche démontre que 77 p. 100 des Canadiens seraient disposés à faire don de leurs organes si on le leur demandait. Malgré nos efforts pour promouvoir le don d'organes et pour appuyer les instances qui oeuvrent dans le milieu de la greffe d'organes, nous estimons que moins de la moitié des familles des donneurs potentiels se voient donner la possibilité de faire un don.

Même si nous croyons avoir réussi à sensibiliser de nombreux Canadiens au besoin de faire don de leurs organes, notre investissement ne s'est pas encore suffisamment concrétisé. Nous aussi sommes déçus des obstacles qui empêchent de faire augmenter le taux de dons d'organes. Ainsi, il n'existe pas de source d'information généralisée et facilement accessible sur la population de donneurs potentiels d'organes. Rien, ou si peu, n'incite les hôpitaux à s'engager. Les fournisseurs de soins de santé hésitent à aborder les familles des donneurs potentiels et ne savent pas comment faire pour signaler un donneur potentiel.

• 0925

Mais l'obstacle le plus important à quelque succès que ce soit, c'est l'absence d'une stratégie nationale concertée dirigée par une instance centrale forte. Le manque de coordination dans les efforts et dans les activités des organisations d'une province à l'autre empêche de faire grimper les dons d'organes dont l'appareil de santé aurait besoin.

La Mutuelle a tout intérêt à ce que le système de don d'organes au Canada soit couronné de succès. Chaque année, de nombreuses organisations du milieu communiquent avec nous. Nous voulons nous assurer que ce que nous investissons dans ce grand projet de santé donne des résultats. Il nous faut une stratégie nationale reconnue qui nous aide à décider quelles initiatives soutenir en vue d'atteindre ces grands objectifs nationaux.

Nous sommes disposés à maintenir notre engagement par des contributions financières et en prêtant nos employés et notre personnel de vente, mais il est temps pour nous de réévaluer notre soutien et de nous demander comment il peut être le plus rentable.

La solution réside, à notre avis, dans une stratégie nationale assortie d'objectifs et de responsabilités bien définis, qui soit menée par une organisation au mandat clair et dont les ressources suffisent pour garantir un certain succès. Nous pouvons offrir notre expérience dans la cause du don d'organes et un nom respecté dans le milieu des partenaires directement associés à cette oeuvre.

Grâce à notre personnel de vente de 3 000 membres, nous avons un réseau pancanadien qui rejoint les Canadiens de partout. Nous voulons participer activement à un programme national, et pas uniquement à titre de bailleur de fonds.

Nous croyons que seul le gouvernement fédéral est en mesure d'assumer le rôle directeur et de créer un régime national qui profiterait à tous. Nous exhortons donc votre comité à élaborer une stratégie nationale qui établisse clairement les attentes et les responsabilités, et qui soit étayée par une infrastructure suffisamment financée et intégrée aux régimes provinciaux de soins de santé.

Aidez-nous à faire en sorte que les familles des donneurs potentiels soient pressenties pour que, lorsqu'elles répondront par l'affirmative, quelqu'un puisse profiter de leur don.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Astley. Vous avez été bref et direct, si j'ose dire. Merci.

Commençons par M. Martin.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à tous les témoins d'avoir voulu nous faire part de leur expérience. Je remercie tout particulièrement Mme Parsons d'avoir envoyé à mon cabinet beaucoup d'information importante qui nous a aidés grandement à y voir plus clair.

J'ai deux questions à poser. Vous avez parlé, monsieur Cooper, de la sensibilisation au don. Beaucoup de sondages démontrent que plus de 80 p. 100 de la population canadienne—voire 90 p. 100—appuient le don d'organes. En Colombie-Britannique, on injecte beaucoup d'argent dans les programmes de sensibilisation au don d'organes, et on voit dans la province beaucoup de publicité sur le don d'organes. Or, malgré tout cela, le taux de dons d'organes dans cette province est de 12 personnes par million d'habitants, bien que l'on se soit attaqué au problème il y a déjà quelque temps.

S'il en est ainsi, c'est que, à mon avis, la publicité n'est pas assortie de la possibilité de signer une fiche de don d'organes. Autrement dit, les deux efforts ne se rejoignent pas. Pourriez-vous nous dire comment remédier à la situation?

Monsieur Astley, vous vous plaignez avec éloquence du fait que malgré les efforts que vous avez déployés et l'argent que La Mutuelle a injecté dans ce projet, à hauteur de plus de 3 millions de dollars, le nombre de donneurs n'a pas augmenté. Vous voudrez peut-être répondre à la question que j'ai posée à M. Cooper. Merci.

M. Gary Cooper: Merci, monsieur Martin. Vous avez fort bien décrit la situation. L'attitude de la Colombie-Britannique à l'égard de l'inscription me semble très positive: en effet, l'un des avantages que présente le système d'inscription, c'est qu'il est constamment associé à un message de sensibilisation. On parle beaucoup à la population du don d'organes; on demande aux gens de signer leur fiche, ou un fac-similé, ou d'apposer un collant sur un formulaire d'inscription, tout en diffusant continuellement des messages à la télévision et à la radio.

• 0930

Ce qui me préoccupe, là-dedans, ce sont les coûts. Ce système coûte excessivement cher. J'appuie les efforts de la province depuis le début, particulièrement parce que le projet est associé à un programme de sensibilisation continu. Votre gouvernement peut être très fier d'avoir instauré à l'échelle nationale la semaine de sensibilisation au don d'organes, mais ce dont nous aurions besoin, c'est un programme de sensibilisation sur 52 semaines. La semaine de sensibilisation au don d'organes est un pas dans la bonne direction et doit être élargi.

Revenons à l'enregistrement du nom et à la sensibilisation au don d'organes: les efforts de sensibilisation associés à l'enregistrement du nom pourraient donner autant de résultats s'ils étaient associés à l'émission des cartes d'assurance-maladie dans chaque province. C'est d'ailleurs ce que font beaucoup de provinces dans une certaine mesure, puisqu'elles communiquent avec tous leurs adhérents de façon assez régulière. Si on pouvait faire le lien entre la carte d'assurance-maladie et le système d'inscription de la Colombie-Britannique, ce serait bien, mais je pense aussi qu'il devrait y avoir une stratégie à l'échelle nationale, de façon à rattacher les programmes de sensibilisation au don d'organes à la signature du donneur éventuel, signature qui confirme sa responsabilité. C'est essentiel.

Nous devrions également attaquer de front le problème de la sensibilisation des professionnels de la santé.

M. Robert Astley: Vous avez raison de dire que lorsqu'on leur pose la question, les Canadiens se disent prêts à donner leurs organes et semblent très sensibilisés à la situation lors des discussions à ce sujet. Voilà pourquoi il faut continuer à tabler sur les programmes de sensibilisation, car on pourrait facilement perdre nos acquis. Par conséquent, le volet population des donneurs potentiels d'organes et leurs familles est important.

Mais la situation est beaucoup plus complexe lorsqu'il s'agit des professionnels de la santé, de l'infrastructure et des échanges interprovinciaux. Il se peut fort bien que la sensibilisation soit le plus déficient chez le personnel médical de première ligne: en effet, le personnel médical est souvent soumis à d'énormes pressions et n'a parfois ni l'information ni les compétences voulues pour reconnaître qu'il a entre les mains un donneur potentiel; il n'a parfois pas été formé pour aborder les familles de donneurs à un moment de leur vie où elles sont particulièrement éprouvées. Il faut donc tenir compte de plusieurs aspects dans cette vision de la communication. D'abord, il y a la sensibilisation de la population en général, mais il faut également tenir compte du milieu médical.

M. Keith Martin: Me reste-t-il du temps?

Merci de vos réponses.

Même si je conviens qu'il est nécessaire de former de façon particulière le milieu médical, je pense néanmoins que ce n'est pas le problème principal à résoudre. Dans nos communications avec nos patients, nous avons parfois des discussions extrêmement délicates. Ainsi, l'une des choses les plus pénibles que j'ai jamais eu à faire dans ma vie professionnelle, c'est d'informer une famille qu'elle venait de perdre ses deux enfants dans un accident de voiture. Or, beaucoup de mes collègues peuvent vous raconter la même chose.

Nous demandons déjà aux familles de faire don des organes d'un être cher décédé, parce que cela concorde avec bien des choses qu'on nous a enseignées au cours de notre formation. Mais l'un des problèmes auxquels nous faisons face, à titre de médecins, c'est qu'il n'y a tout simplement pas assez de gens qui ont donné préalablement leur consentement, et nous devons présenter une telle demande à la famille pendant qu'elle traverse ces moments horribles.

Je vous demande encore une fois, mesdames et messieurs, d'offrir davantage de possibilités aux gens de donner leur consentement sur une fiche quelconque. Je crois savoir qu'on a suggéré d'utiliser les cartes d'assurance-maladie, et je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je ne me souviens pas de la dernière fois où j'ai regardé ou du moins examiné ma carte. Il y a bien des années de cela. Vous ne pensez donc pas qu'il est possible de faire cela chaque année, monsieur Cooper, comme vous l'avez mentionné?

M. Gary Cooper: Je m'intéresse à la carte d'assurance-maladie parce que—vous êtes bien sûr beaucoup plus jeune que moi—je la vois assez souvent, et l'une des...

M. Keith Martin: Un jour ce sera mon tour.

M. Gary Cooper: Après tout, vous êtes médecin—et l'on dit qu'un médecin doit se guérir lui-même.

M. Keith Martin: Ça ne fonctionne pas, laissez-moi vous le dire.

M. Gary Cooper: Le premier avantage que je vois dans la carte d'assurance-maladie, c'est l'enregistrement, car tout le monde est enregistré comme détenteur d'une carte, si vous voulez. Cette carte pourrait ensuite servir, je l'espère, d'indicateur dès que vous devenez un patient, et le personnel hospitalier est au courant que vous êtes un patient. On glisse la carte dans le lecteur et l'on sait que vous avez signalé par écrit votre intention, si vous voulez. Dans le système de la Colombie-Britannique, on peut montrer à la famille que la personne a manifesté cette intention. Je suis entièrement d'accord avec vous pour dire que si les membres de la famille ont bien discuté du don d'organes, ou qu'on a fait une bonne publicité à ce sujet, ce sera beaucoup plus facile pour le professionnel qui fait la demande. Je pense cependant que si le professionnel de la santé a l'indication dont vous parlez et peut en faire part à la famille, c'est un avantage.

• 0935

Je ne m'oppose pas à la façon dont le système est établi en Colombie-Britannique. Je reconnais seulement que nous avons très peu d'argent à consacrer en Ontario à la sensibilisation de la population, et qu'il n'y a pratiquement rien de prévu pour l'enregistrement. C'est un problème absolument insurmontable à l'heure actuelle.

Je ne suis pas complètement d'accord avec vous, en ce sens qu'un grand nombre de mes collègues et moi percevons encore un problème majeur du côté de la formation des professionnels de la santé dans ce domaine.

Vous êtes une personne peu commune, en ce sens que vous êtes très sensibilisé, à titre de professionnel de la santé, à cette question des dons d'organes et de la nécessité d'effectuer des greffes, mais j'ai travaillé avec des médecins pendant un très grand nombre d'années—je l'avoue—et je ne pense pas que tous les professionnels de la santé soient aussi sensibilisés que vous. Je pense qu'il faut faire quelque chose. Il y a beaucoup de travail à faire, et l'on vous parlera encore—comme on l'a déjà fait—de ce qui se passe en Espagne. Nous commençons présentement à organiser un système similaire sur une échelle réduite.

Je suis donc entièrement d'accord avec vous, mais je ne pense pas que nous puissions tout faire. J'aimerais être en mesure de tout faire ce que vous aimeriez que nous fassions, et vous pouvez peut-être faire en sorte que ce soit possible.

Le président: Madame Parsons, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Daria Parsons: Je pense que je suis d'accord avec Gary.

Le président: Monsieur Astley.

M. Robert Astley: Je dirai seulement, comme M. Cooper, que nous savons qu'il y a beaucoup de professionnels de la santé qui comprennent la question sur le plan intellectuel et émotionnel, et qui respectent effectivement les voeux des familles des donneurs et saisissent les occasions qui se présentent. Nous vous conseillons de lire le rapport d'une étude effectuée par la Fondation du rein montrant que quelque 83 p. 100 des infirmières et 75 p. 100 des médecins hésitent en réalité à aborder la famille d'un donneur éventuel à un moment qui est nettement traumatisant et plein d'émotions intenses. Néanmoins, c'est peut-être à ces moments-là qu'on manque des occasions d'obtenir des dons qui pourraient sauver des vies.

Nous comprenons donc qu'il y a du travail de sensibilisation et de formation à faire, premièrement auprès de la population en général, et c'est ce que nous faisons, et aussi auprès de nombreux professionnels de la santé.

Le président: J'aimerais faire un lien entre ce que vous venez de dire et ce dont M. Cooper parlait il y a un instant, soit l'idée d'utiliser la carte santé, qu'on glisse dans le lecteur afin de savoir immédiatement si quelqu'un est un donneur éventuel ou non.

Je suis allé dans des hôpitaux très récemment et il me semble qu'en Ontario du moins—prenons cette province comme exemple—on commence à moins utiliser la carte santé... J'ai l'une des cartes originales, car je suis plus âgé que vous. On ne glisse pas vraiment la carte santé dans le lecteur, on prend un numéro. Les hôpitaux ont commencé à émettre leur propre carte. Si vous allez par exemple à St. Michael's, à l'hôpital général de Toronto ou à l'hôpital régional Humber, chacun de ces établissements a une carte santé distincte qui peut donner tous les renseignements imaginables sur vous. On ne s'intéresse à votre carte santé que pour en obtenir le numéro, aux fins de la facturation.

Que se passerait-il alors... et je m'adresse probablement plus directement à vous, monsieur Cooper. Cette nouvelle pratique dans les hôpitaux va-t-elle à l'encontre de l'objectif dont parlait le Dr Martin d'identifier les donneurs éventuels pour créer un registre national?

M. Gary Cooper: Non, cela ne devrait pas nuire. Le système a changé dernièrement en Ontario. Depuis un an ou deux, je pense, un règlement stipule qu'on n'est pas admis au cabinet d'un médecin ou à l'hôpital sans présenter sa carte santé; si on ne le fait pas, on doit probablement attendre dehors. Il faut présenter une carte santé. Vous avez raison de dire que dans un hôpital, on nous donne une carte qui permet de nous identifier à l'intérieur de ce système. On ne fait pas présentement glisser la carte dans un lecteur. Si l'on glisse votre carte santé dans un lecteur au cabinet d'un médecin, on y trouve votre nom, votre adresse, votre numéro de téléphone, le fait que vous soyez enregistré en Ontario, et ainsi de suite, mais il n'y a pas beaucoup d'autres renseignements personnels, si je comprends bien, même sur les quelques cartes qui portent un décalque à l'arrière indiquant que vous êtes un donneur d'organes. Je ne crois pas que ça soit vraiment imprimé, c'est seulement un décalque sur la carte.

• 0940

Cela ne signifie pas que c'est impossible ou qu'on ne pourrait pas facilement utiliser la carte santé à cette fin. À preuve les nombreuses années que le gouvernement de l'Ontario a consacrées à l'étude d'un système de carte intelligente, dans lequel on utiliserait un système électronique facilitant l'identification électronique de tous les renseignements possibles sur vous, y compris votre dossier pharmaceutique, vos traitements chiropratiques, votre médecin, etc. Il ne devrait donc pas être tellement difficile d'y ajouter une autre ligne concernant le don d'organes, peut-être une ligne un peu plus visible que les autres—je veux dire une ligne plus prononcée et colorée.

Nous parlons de choses qui ne sont pas nécessairement facilement disponibles et je suppose que la carte d'hôpital pourrait facilement constituer une version d'une telle carte. D'après ce que certains m'ont dit au sujet du système intelligent qu'on est en train de concevoir, on n'aurait probablement pas besoin d'avoir une carte d'hôpital si tous ces renseignements concernant vos visites à l'hôpital, aux médecins et à la pharmacie figuraient tous sur la même carte.

Je ne pense pas qu'il s'agisse de chimère, mais ce n'est pas encore disponible actuellement, et je pense que c'est très possible.

Le président: Mais si l'on pense à ce qui pourrait se faire immédiatement, étant donné qu'on fait déjà de plus en plus ce dont je viens de parler, le moment où le patient est amené à l'hôpital et où l'on recueille toutes ces informations ne serait-il pas le moment le plus propice pour demander si le patient est un donneur éventuel?

Disons que je vais à l'hôpital passer un examen—je ne m'attends pas à devenir un donneur—mais au moment où on me demande des renseignements pour préparer cette carte, la préposée pourrait facilement me demander, monsieur Volpe, avez-vous pensé à devenir un donneur, puis-je indiquer que vous acceptez? Cela pourrait être la toute première étape, car si j'ai bien compris M. Martin, à un moment donné, quelqu'un doit demander si le patient veut être un donneur.

C'est ainsi que j'ai compris la chose. Mes collègues comprennent peut-être mieux que moi. Mais la première étape dans toute campagne de sensibilisation de la population doit être de poser la question et d'obtenir une réponse.

M. Gary Cooper: Cela vous dérange-t-il que je réponde à cette question?

Le président: Non, c'est pourquoi je l'ai posée.

M. Gary Cooper: Le problème que je vois—et de nombreux médecins me l'ont dit, et le Dr Martin pourrait peut-être ajouter quelque chose—c'est que les médecins ne sont généralement pas enthousiasmés par l'idée que ce soit à leur bureau ou à l'hôpital qu'on pose la question au sujet des dons d'organes, ou qu'on y fasse indiquer sa volonté d'être un donneur d'organes.

Je ne sais pas ce qu'il en est des hôpitaux. J'espère que nous pourrons changer cette attitude, mais on hésite à confronter les patients ainsi: Si vous mourez un jour après être entré dans un hôpital ou un cabinet médical, seriez-vous disposé à faire cela? Je le sais d'après mon expérience, et non parce que j'ai effectué une étude quelconque. J'estime cependant que cela pourrait poser un problème, même si l'idée a beaucoup de sens sur un certain plan, mais je pense vraiment que les médecins hésiteraient quelque peu, ou tendraient à hésiter à s'attaquer à cette question.

Je pense qu'il faut vraiment s'en occuper dans un contexte d'enregistrement, qui est plutôt impersonnel, ou pour des raisons administratives on doit donner les renseignements nécessaires pour obtenir la carte santé, comme on le fait pour obtenir un permis de conduire. Je pense qu'il y a un peu d'hésitation.

Le Dr Martin a peut-être une observation à faire.

M. Keith Martin: Puis-je dire quelque chose?

Le président: Voulez-vous empiéter sur mon temps, monsieur Martin?

M. Keith Martin: Je ne cherche jamais à empiéter sur le temps du président.

Le président: Vous avez la parole, Keith.

M. Keith Martin: J'aimerais ajouter quelques mots à ce qu'a dit M. Cooper.

Monsieur Cooper, vous voudrez peut-être établir une distinction entre l'hésitation et le refus d'agir. Comme il faut maintenant discuter de testament biologique avec les patients, je pense que depuis cinq ou six ans les gens, les médecins et l'ensemble du personnel médical acceptent de plus en plus de discuter de cette question avec les patients à un niveau très pragmatique. Mais je ne pense pas—du moins je ne l'ai pas vu depuis que je pratique la médecine, il y a maintenant 16 ou 17 ans que j'ai commencé mes études de médecine—qu'on ait favorisé cela. Personne n'a jamais dit aux professionnels de la santé, aux médecins, qu'il fallait en discuter avec leurs patients.

Je préconise qu'on ait une carte comme celle de la Colombie-Britannique, où l'on demande si la personne veut être un donneur d'organes et si elle en a discuté avec sa famille. La fiche d'un patient pourrait contenir un de ces formulaires. À un moment donné, il est très facile d'en discuter ou de remettre le formulaire au patient pour qu'il le remplisse chez lui ou sur place, et le formulaire serait acheminé par le cabinet du médecin.

Je ne pense donc pas qu'on ait déjà fait cela et ce serait merveilleux si on le faisait d'une façon régulière, ou si l'on posait la question dont parlait M. Volpe, car d'après moi, on ne le fait pas ou du moins on ne le fait pas assez souvent.

• 0945

M. Gary Cooper: Je suis disposé à essayer.

M. Keith Martin: Oui, cela serait une expérience vraiment bonne.

Le président: C'est une observation faite seulement pour la forme. Il ne faut pas nécessairement beaucoup de temps, ce n'est pas un problème.

La parole est à M. Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie tous les témoins pour leur témoignage ce matin. Je pense que c'est très instructif.

J'ai remarqué avec intérêt que vous veniez de la même région que M. Cooper. Je tiens aussi à signaler que M. Astley vient de la région de Waterloo, qui est aussi celle de Mme Redman et la mienne, et nous connaissons donc personnellement—c'est un élément important—le bon travail que font M. Astley et le groupe La Mutuelle dans le cadre du programme By Mutual Consent. C'est une entreprise consciente de ses responsabilités sociales et nous vous remercions sincèrement de vos commentaires et des efforts que vous avez faits dans le passé.

J'ai bien aimé ce que vous avez dit au sujet de la stratégie nationale coordonnée. Je pense qu'une telle stratégie a beaucoup de sens et correspond à ce que notre comité recherche comme solution à long terme, et je pense que nous devons agir le plus rapidement possible.

Ma question s'adresse à vous et à M. Cooper, d'une manière générale. Nous avons parlé de sensibiliser davantage les Canadiens. On nous a montré par exemple les messages et les publicités que diffuse la Colombie-Britannique sur ces questions jugées importantes. J'aimerais que vous nous en parliez davantage.

La notion de la formation professionnelle m'intéresse également et je vois que vous en parlez à la page 5 de votre mémoire, monsieur Astley, et M. Cooper a fait des commentaires à ce sujet.

Je pense que vous avez fait allusion à cette étude, monsieur Astley, en parlant de l'hésitation du personnel médical. Vous n'avez pas ajouté la deuxième partie, selon laquelle seulement 35 p. 100 des infirmières et 55,4 p. 100 des médecins ont dit savoir vraiment comment transmettre des organes.

J'aimerais donc entendre d'autres observations sur ces deux questions et j'en poserai ensuite une autre, si vous le permettez, mais toute la question de la sensibilisation et de la transmission du message, sous forme de publicité ou d'autres moyens nécessaires—madame Parsons, vous pourriez peut-être ajouter quelque chose à ce sujet—et il y a aussi le manque de compréhension des professionnels et ce qu'il faut faire à cet égard dans l'intérêt des Canadiens.

M. Robert Astley: Merci. Nous croyons énormément à l'utilité d'un programme d'information sur une base régulière. C'est une partie importante du programme By Mutual Consent que nous parrainons depuis environ six ans.

Il faut continuer dans ce sens, car on peut facilement ne plus être sensibilisé à de telles choses. Je sais, d'après tous nos travaux de recherche en marketing et nos entreprises commerciales que les messages disparaissent après quelque temps. Il faut continuellement les répéter. C'est un élément important. Il faut aussi penser à toute l'infrastructure, aux études et à la formation. La sensibilisation des consommateurs et leur information, ou plutôt la sensibilisation des patients et leur information, constituent un élément, mais c'est loin d'être le seul.

Vous avez raison, je n'ai donné qu'une série de statistiques provenant de cette étude qui, Mme Côté-Kennedy me l'a rappelé, provient de l'Université de Victoria et a ensuite été citée par la Fondation du rein. C'est la raison pour laquelle nous estimons nécessaire d'adopter une approche globale qui tient compte de tous ces aspects sur une base permanente. Nous sommes donc très favorables à l'idée d'une stratégie nationale, comme vous l'avez dit.

Merci.

M. Gary Cooper: Je peux maintenant dire que je suis d'accord avec M. Astley. Je pense qu'une stratégie nationale de sensibilisation de la population est absolument essentielle et des organismes comme le sien devront continuer d'appuyer ces stratégies nationales. Si des organismes comme le vôtre—c'est-à-dire notre gouvernement, que vous représentez—peuvent en faire une question d'intérêt fédéral ou national, cela nous facilitera d'autant la tâche à tous. La coopération entre tous les organismes qui s'occupent de sensibiliser la population, qu'il s'agisse des gouvernements, des organismes bénévoles et d'autres organismes indépendants, est essentielle. Il sera ainsi beaucoup plus facile de résoudre l'autre problème que vous avez identifié, c'est-à-dire le problème du médecin, de l'infirmière ou de tout autre professionnel de la santé qui doit poser la question.

Les statistiques que nous citons sont celles qu'on entend continuellement, et c'est un fait qu'il faut sensibiliser davantage la population. Il est cependant absolument essentiel que le moment venu, les personnes instruites, les professionnels qui sont en contact avec les patients, suivent des cours supplémentaires pour apprendre comment on fait.

• 0950

Comme je l'ai mentionné brièvement dans mes remarques, nous venons de lancer à Toronto un programme dans le cadre duquel nous plaçons une personne à plein temps—pour l'instant le financement est prévu seulement pour un an, mais il continuera probablement—dans un grand hôpital. Cette personne sera chargée d'organiser tout ce qu'il faut pour avoir un bon système de don d'organes: instruire les professionnels, créer un comité, former le personnel de trois ou quatre services hospitaliers qui seront fort probablement le plus en contact avec les coordonnateurs des dons dans la région, et s'assurer que le système fonctionne mieux qu'il ne l'a fait jusqu'ici.

Nous espérons que si cette expérience est un succès—et nous avons reçu beaucoup de rapports selon lesquels une initiative de cette nature fonctionne bien ailleurs—nous serons en mesure de nous en servir comme modèle pour le reste de l'Ontario, parce que notre mandat porte sur la province de l'Ontario. J'espère vraiment que nous pourrons nous en servir comme modèle dans le reste du pays. Il semble vraiment que c'est la chose à faire. Tout sera facilité. Les citoyens du pays donnent leur appui. On pourrait utiliser le dicton «Les actes sont plus éloquents que les paroles», car si 80 p. 100 des gens disent être d'avis que le don d'organes est une bonne chose et seulement 35 p. 100 des gens signent une carte de donneur, nous devons faire quelque chose pour combler cet écart.

Je pense que ce que vous êtes en train de faire contribuera grandement à la recherche d'une solution.

M. Lynn Myers: Monsieur le président, puis-je demander à Mme Parsons si elle a quelque chose à ajouter?

Le président: Certainement.

Mme Daria Parsons: Non, je n'ai rien à ajouter, merci.

M. Lynn Myers: Merci.

Monsieur Astley, je voudrais revenir encore une fois à la page 5 de votre mémoire. J'ai été frappé par votre note au sujet du manque d'incitatifs pour les hôpitaux. Je me demande si vous pourriez nous en parler davantage.

Je veux également vous demander à tous si vous pensez qu'il faudrait offrir aussi des incitatifs aux particuliers, sous forme d'allégement fiscal, peut-être. C'est à ce comité que nous avons entendu suggérer l'idée d'un incitatif, pour la famille ou la succession, peut-être au moins du régime fiscal. Je me demandais si vous aviez étudié cette idée ou si vous aviez des opinions à ce sujet. Si non, il n'y a pas de problème.

Monsieur Astley, vous pourriez peut-être commencer par nous parler des incitatifs pour les hôpitaux.

M. Robert Astley: Certainement. Nous ne voulions pas en parlant de cette question prétendre avoir une expertise particulière dans ce domaine, mais nous observons que les hôpitaux du pays subissent des pressions énormes actuellement sur le plan du financement, du nombre de patients, et de la pénurie de lits pour les soins intensifs. Nous remarquons qu'à un moment où ces pressions sont particulièrement intenses et où les professionnels de la santé estiment que leur fonction primaire est de maintenir la vie, le prélèvement d'organes dans une situation qu'ils pourraient voir comme un échec—un patient est décédé des suites d'un traumatisme crânien ou d'un accident quelconque—ne figure pas au sommet de leur liste de priorités.

En réalité, du point de vue du financement, il y a très peu de choses qu'on pourrait faire pour amener les hôpitaux à en faire une priorité, à admettre qu'ils pourront être plus efficaces et pourront fournir des statistiques au ministère de la Santé de la province, par exemple. C'est une observation que nous faisons, mais je ne pense pas que nous oserions prétendre avoir une expertise particulière dans l'administration des soins de santé et le financement des hôpitaux, notamment.

En ce qui concerne la question des incitatifs pour les particuliers qui acceptent de faire un don d'organes, je dois dire que nous n'en avons pas discuté, et nous n'avons certainement pas d'opinion ferme à ce sujet. Personnellement, je dirai qu'il faut être très prudent à ce sujet, car on risque d'empoisonner l'opinion publique. Je pense qu'il faudrait faire preuve d'une extrême prudence à cet égard, car cela pourrait avoir un impact énorme sur ceux qui y voient une responsabilité face à la société et qui craindraient qu'on en fasse une entreprise commerciale.

M. Gary Cooper: Dans l'exposé que nous avons présenté il y a quelques semaines, nous avons en effet mentionné que d'après certaines études, en particulier à un moment où le financement des hôpitaux et des soins de santé—et le financement de n'importe quel service—subit des pressions énormes, comme c'est le cas actuellement, de telles pressions découragent particulièrement les petits établissements qui pourraient avoir des donneurs en acceptant des coûts que la plupart d'entre nous jugeraient minimes, mais qui risqueraient de perturber leur budget annuel et d'autres programmes de l'hôpital, ce que le personnel pourrait plus probablement identifier comme des programmes permettant de sauver des vies. On ne voit pas parfois immédiatement le don d'organes comme un programme qui sauve des vies. On considère plutôt qu'il s'agit de profiter d'une mauvaise situation. Il faudrait mettre certains fonds à la disposition de ces établissements.

• 0955

Dans quelques études effectuées récemment, notamment dans une que je connais seulement officieusement, et dont les témoins de l'Hôpital de Toronto ou des gens qui représentaient d'autres organisations de travailleurs à l'Hôpital de Toronto, vous ont fait part, on a déterminé que les coûts reliés à l'identification et à la garde d'un donneur, qui ne sont pas vraiment payés par l'assurance-maladie à l'heure actuelle, sont de l'ordre de 6 000 $ à 7 000 $ en moyenne. Cela peut sembler une assez petite somme d'argent, mais si cela permet d'augmenter le nombre de donneurs, on sauvera beaucoup de vies, en plus d'économiser beaucoup d'argent.

Il y a un autre rapport préparé par un comité auquel j'ai participé, soit le comité mixte de politique générale et de planification, auquel nous avons fait allusion lors de notre dernière comparution. On recommande également dans ce rapport l'octroi de fonds de cette nature. Je suis en faveur d'une telle recommandation. Je pense que c'est sage.

En ce qui concerne les incitatifs pour les particuliers, j'éprouve la même préoccupation que M. Astley, car je pense que si l'on s'éloigne trop de la notion d'altruisme dans le don d'organes, il faudra faire preuve d'une très grande prudence lorsqu'il s'agira de préciser et de confirmer notre position à ce sujet. Il y a des endroits par exemple où l'on rembourse aux familles les frais d'obsèques d'un être cher qui a fait un don d'organes. Je pense que M. Martin a parlé brièvement de l'identification des donneurs grâce aux déclarations d'impôt sur le revenu, mais je ne pense pas qu'il ait été question d'une remise d'impôt pour les donneurs ou de toute autre mesure de cette nature. Il y a des endroits où l'on envisage cette possibilité.

Personnellement—et notre organisation n'en a pas discuté longuement, de sorte que je ne peux pas parler en son nom—je serais extrêmement prudent à ce sujet. Je pense que l'altruisme est extrêmement important dans un tel domaine. Je suis porté à continuer de me fier à la bonne volonté et à la compassion de la population canadienne. Cela existe encore parmi notre population.

Le président: Monsieur Cooper, on nous a demandé dans un mémoire présenté officiellement au comité d'envisager cette possibilité, mais il est bon d'obtenir votre opinion à ce sujet.

Vous avez montré un exemplaire d'un rapport que vous avez contribué à préparer...?

M. Gary Cooper: Vous parlez de ce rapport secret que j'ai dans la main gauche?

Des voix: Oh, oh.

M. Gary Cooper: Je serai certainement heureux de vous le laisser.

Le président: C'est merveilleux, parce que j'allais justement vous le demander.

M. Gary Cooper: À condition que vous ne disiez à personne que je vous l'ai remis, je vous le donne avec plaisir.

Le président: Nous allons tout simplement le diffuser sur Internet dans le monde entier. Merci beaucoup.

J'aurais quelques questions, mais je vais maintenant donner la parole à Mme Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai quelques questions.

Je voudrais vous remercier tous d'être venus ici nous faire part de vos observations.

Monsieur Cooper, je suis vraiment d'accord avec l'une des observations que vous faites dans votre mémoire, c'est-à-dire qu'il n'existe aucune solution rapide ni aucune mesure unique pour faire augmenter le nombre de donneurs au Canada. C'est ce qui m'a en quelque sorte frappée au cours de ce processus fascinant de nos audiences.

Vous parlez des modèles espagnols et texans et vous dites qu'aucun des deux n'a été créé avec des fonds restreints comme c'est le cas au Canada. Est-ce que quelqu'un a quantifié le financement qui serait nécessaire si cela devenait une initiative fédérale?

M. Gary Cooper: Puisque vous me posez la question, je peux vous dire que je l'ai fait. Ce serait donc un point de départ. Je peux vous dire également que j'ai beaucoup lu au sujet du modèle espagnol, et nous avons créé notre petit projet pilote à Toronto, que je vous ai mentionné, en nous fondant sur certains aspects du modèle espagnol et du programme du Texas qui est administré d'une façon semblable, avec des gens dans les hôpitaux et un organisme qui assure la coordination centrale.

En Ontario, nous assurons cette coordination centrale et à l'heure actuelle pour notre projet pilote nous avons, je crois—tenez-vous bien—quelque chose comme 85 000 $. Ce n'est pas beaucoup d'argent, mais si on met une de ces personnes dans chaque centre de traumatologie en Ontario—je ne sais pas exactement combien il y en a—et que cela fonctionne 18 heures ou préférablement 24 heures sur 24 selon un système sur appel, on parle de beaucoup plus de 85 000 $. Pour tout le Canada, ce serait un montant d'argent considérable, mais toute proportion gardée, ce n'est pas un montant astronomique, je pense.

Vous verrez ce que vous diront les Espagnols qui viendront vous visiter la semaine prochaine, je pense. Ils vous donneront plus de détails. Je ne vois pas pourquoi—car nous avons examiné la question dans d'autres comités auxquels je participe et il semble y avoir beaucoup de points communs entre notre situation ici au Canada et la situation en Espagne. Cela ne me paraît pas être beaucoup d'argent, je ne le pense vraiment pas. Je ne peux pas vous dire exactement quel est le coût, mais je pense que c'est tout à fait dans le domaine du possible. À l'heure actuelle, le problème c'est que nous ne dépensons pas beaucoup d'argent pour les dons d'organes, et sans doute pas suffisamment pour les transplantations. Cependant, entre les deux, les dons ou l'offre d'organes sont plutôt faibles.

• 1000

Mme Karen Redman: Madame Parsons, j'aimerais avoir un éclaircissement en ce qui concerne quelque chose qui se trouve dans votre mémoire. Sous la rubrique collecte des données sur les dons d'organes et les transplantations, vous parlez de six organismes provinciaux et de deux organismes régionaux chargés de l'acheminement des organes. S'agit-il d'organismes provinciaux ou d'organismes non gouvernementaux? Sont-ils financés par le gouvernement provincial?

Mme Daria Parsons: Oui, les deux organismes provinciaux sont en Alberta.

Mme Karen Redman: Sont-ils financés par cette province?

Mme Daria Parsons: Oui.

Mme Karen Redman: Je trouve vos statistiques réellement très intéressantes. Je suis membre du Comité des finances depuis que je suis députée, et je n'ai jamais été émue jusqu'aux larmes comme je l'ai été lorsque nous avons entendu le témoignage de parents de jeunes enfants qui attendaient des dons d'organes et celui de parents d'enfants qui avaient fait des dons d'organes.

Y a-t-il des pourcentages en ce qui concerne les enfants dans les statistiques?

Mme Daria Parsons: Ces pourcentages ne se trouvent pas dans les statistiques que nous vous avons présentées. Lorsque nous préparons notre rapport, nous avons un chapitre sur la pédiatrie.

Le président: Pourrions-nous obtenir cela?

Mme Daria Parsons: Certainement, je me ferai un plaisir de vous faire parvenir cette information.

Le président: Envoyez-la tout simplement à la greffière et nous la distribuerons à tous les membres du comité.

Mme Karen Redman: Je vous en saurais gré. On se demande s'il faudrait utiliser les déclarations d'impôt sur le revenu, la carte santé ou le permis de conduire, et ce qui me frappe, c'est qu'il n'y a pas qu'une seule façon de s'y prendre. Il faut que les gens sachent que c'est une bonne chose à faire. Je pense que rien n'est sans doute plus tragique pour la famille que de se faire demander une telle chose à ce moment-là, et pourtant un tel don pourrait permettre à quelqu'un de vivre une longue vie bien remplie.

Monsieur Astley, j'apprécie vraiment le leadership qu'a pris le groupe La Mutuelle. Nous nous sommes rencontrés par hasard l'autre jour, et je disais que c'était toujours un plaisir de voir que quelqu'un de ma ville natale continue à faire preuve de leadership.

Lorsque nous avons examiné le modèle espagnol, l'une des choses qui a été portée à notre attention est le fait qu'en Espagne le taux de refus est de 40 p. 100 et au Canada, lorsqu'on demande aux gens s'ils accepteraient qu'un membre de leur famille soit donneur d'organes, le taux de refus est en fait très peu élevé.

Là où nous ne faisons pas un bon travail, c'est au niveau de la sollicitation. Pour faire suite à la question que j'ai posée à Mme Parsons, lorsque c'est un enfant, de toute évidence, c'est une décision que doit prendre la famille. Qu'on l'ait indiqué sur la carte santé, le permis de conduire ou ailleurs, naturellement, la famille doit être consultée.

Vous avez parlé des organisations non gouvernementales, notamment la Fondation canadienne du rein, et vous avez mentionné Alana Kainz, qui est la veuve d'un commentateur sportif, je crois. Je pense que cela a certainement contribué à sensibiliser le grand public, du fait que quelqu'un comme elle aide à sensibiliser les collectivités lorsqu'on a besoin par exemple d'un don de moelle osseuse.

Ma question serait donc la suivante: comment pouvons-nous mieux faire ce travail? Vous êtes-vous demandé à qui on devrait s'adresser dans un hôpital? Le Dr Martin a dit par le passé qu'il ne convenait pas toujours de faire intervenir le médecin traitant. Les infirmières en soins de phase aiguë nous ont dit que c'était parfois difficile pour elles lorsqu'elles faisaient exactement ce dont vous avez parlé, c'est-à-dire de tenter de faire en sorte que la personne survive, alors qu'en réalité ce ne sera pas le cas. Y a-t-il un mécanisme ou une meilleure façon de s'assurer que nous posons les bonnes questions, au moment approprié, et avec délicatesse?

M. Robert Astley: Je pense que c'est une question très profonde qui va vraiment au coeur du traumatisme émotionnel que ressentent toutes les parties en situation de crise. À la lumière de notre expérience, je pense que l'on devrait songer à mettre en place certains mécanismes afin de faire en sorte que ce ne soit pas le médecin traitant ou l'infirmière en soins de phase aiguë qui soit obligé de faire la demande. Cela signifie qu'il doit y avoir d'autres personnes autour qui ont la formation et les compétences pour le faire.

• 1005

Ma femme travaille comme bénévole à titre d'aumônière en disponibilité à l'un des hôpitaux de Kitchener, et elle sait par expérience jusqu'à quel point cela peut être stressant pour les infirmières lorsqu'elles ont de nombreux patients autour d'elles et qu'elles n'ont pas suffisamment d'appui. Elles sont tout simplement incapables de prendre le temps de parler aux membres de la famille et de les conseiller.

C'est à ce moment-là qu'un autre professionnel, connaissant la gravité de la situation, pourrait intervenir afin d'encourager le don d'organes. Ce n'est vraiment pas à nous de dire quelles en seraient les conséquences et de quelle façon cela pourrait être structuré. Je crois cependant qu'il s'agit d'un aspect très important de toute la question interpersonnelle émotionnelle.

Mme Karen Redman: Ai-je le temps de poser une dernière question?

Le président: Certainement.

Mme Karen Redman: Monsieur Cooper, quel serait le rôle le plus approprié que le gouvernement fédéral pourrait jouer dans tout cela?

M. Gary Cooper: Je pense que je dois être d'accord avec ce que bon nombre de témoins qui ont comparu récemment devant votre comité ont dit—je pense que nous l'avons dit précédemment lorsque nous avons fait notre exposé—c'est-à-dire qu'il est de plus en plus clair que nous avons besoin d'un groupe de coordination fédérale.

Tout juste après que j'ai commencé à m'occuper de transplantations, j'ai été frappé par l'annonce faite il y a quelques années par un groupe fédéral-provincial-territorial qui se réunissait pour discuter des dons d'organes et des transplantations au pays, et qui se réunit toujours pour le faire. Lorsqu'ils ont fait une annonce au sujet de leur rapport, ils nous ont fait part des 13 ou 14 stratégies et ils nous ont demandé ainsi qu'à tous les intervenants du palier provincial comment nous pourrions rassembler tout le monde à l'échelle nationale sans avoir—je pense que c'est peut-être une interprétation erronée—un organisme national; en d'autres termes, qu'est-ce que les gouvernements et les organismes existants pourraient faire. L'une des raisons, c'est sans doute parce que la santé est une responsabilité provinciale. Mais il m'a semblé que c'était peut-être une drôle de façon de gérer un service qui devrait être offert à tout le monde au pays.

Je suis convaincu qu'il doit y avoir une sorte de coordination fédérale. Je ne suis pas sûr qu'on ait posé la question directement, mais j'ai répondu à la greffière tout à l'heure au sujet de ce que notre organisation considérait comme étant les responsabilités d'un groupe de coordination nationale. J'ai volé l'idée un peu au comité dont Mme Côté-Kennedy et moi-même sommes membres, comité qui s'est réuni il y a quelques semaines pour parler justement de cette question. Nous avons énuméré plusieurs choses qui, en fait, se résument à la collecte de données et à l'utilisation plus efficace des organismes comme celui que représente Mme Parsons—je ne veux pas laisser entendre que son organisme n'est pas efficace, mais il faudrait offrir un environnement où il puisse être utilisé plus efficacement—les établissements d'ordre national, ce qui est fait à l'heure actuelle, mais moins officiellement peut-être que cela devrait être le cas. On pourrait peut-être—je me mords la langue en le disant—même introduire d'autres normes et lignes directrices et peut-être même des règlements—ce mot horrible—pour régir la façon dont on établit des listes pour identifier les gens, la façon dont les allocations sont faites, et ce genre de choses. Ce n'est pas pour dire qu'on ne le fait pas efficacement au pays, mais je pense que dans un pays aussi grand que le nôtre, il nous serait très utile également d'avoir un groupe d'encadrement, non pas seulement pour introduire un autre niveau de contrôle bureaucratique, mais pour rassembler les gens, plutôt que pour des questions d'administration. Je ne sais pas si c'est le bon mot. Mais je pense que nous avons besoin d'un groupe de coordination.

Mme Karen Redman: Est-il juste de demander à Mme Côté-Kennedy s'il a tout dit, ou s'il a oublié quoi que ce soit que vous pourriez ajouter?

Mme Anne Côté-Kennedy (directrice, Communications pour le Groupe d'affaires des clients canadiens, Le Groupe la Mutuelle du Canada): Non. Il a certainement représenté les délibérations du groupe.

Je pense que je dois cependant vous dire quelque chose au sujet de la satisfaction qu'une personne retire lorsqu'il y a don d'organes. Un membre de votre comité m'a parlé d'une famille qui a fait un don il y a 15 ans lorsqu'elle a perdu sa petite fille de deux ans. Ce qu'il m'a expliqué, au cours de cette conversation privée, c'est que cette famille a réussi à donner un sens à cette situation incroyablement difficile, ce qui l'a aidée à supporter sa douleur. Il a expliqué que la motivation et la valeur que retire une famille qui fait un don d'organes vont au-delà de tout soutien monétaire ou autre, en donnant un sens à une situation qui serait autrement incroyablement difficile. Je pense que c'est ce message qu'un professionnel qualifié pourrait transmettre aux familles de donneurs éventuels.

• 1010

Mme Karen Redman: Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Redman.

Le Groupe de la Mutuelle serait-il intéressé à mettre sur pied un système pour que les professionnels soient...? Je ne voudrais pas leur attribuer de rôle spécifique, mais monsieur Astley, dans votre exposé, vous avez dit que les professionnels qui dispensent des soins médicaux n'étaient pas bien informés ou préparés pour faire face à la question des dons d'organes. Votre groupe a-t-il peut-être songé à travailler avec un organisme de coordination comme celui dont M. Cooper et votre collègue ont parlé, et à offrir l'infrastructure de formation nécessaire?

M. Robert Astley: Monsieur le président, nous serions certainement intéressés à en discuter. Nous reconnaissons au départ, cependant, que nous ne sommes pas des professionnels des soins de la santé et nous ne voudrions pas agir à l'aveuglette, ce qui pourrait créer des problèmes et qui ne serait pas efficace. S'il y avait cependant une approche coordonnée, alors oui, nous serions intéressés à participer à ce genre d'entretiens.

Nous avons des compétences dans le domaine de la motivation et de la formation car nous avons des gens partout au pays qui font cela tous les jours et nous avons des programmes pour qu'ils utilisent des approches multimédia et différentes techniques. Donc, cela nous intéresserait, pourvu que ce soit dans le cadre d'une bonne stratégie coordonnée et efficace et que cela fasse une différence.

Le président: Je suis heureux que vous ayez pu coordonner également toutes les étapes entourant cette musique également.

Monsieur Martin.

M. Keith Martin: Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais soulever quelques points rapidement à la suite des excellents commentaires qu'a faits Mme Redman. Pour ce qui est de la question de la formation, à laquelle vous avez très bien répondu, croyez-vous qu'un modèle qui puisse être utilisé est celui que nous avons dans bon nombre d'hôpitaux, peu importe leur taille? Nous avons des équipes qui aident les victimes d'agression sexuelle, des gens qui sont déjà membres du personnel, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de dépenser de l'argent pour embaucher de nouveaux membres du personnel. Ces personnes ont une formation supplémentaire.

Il est peut-être possible de le faire en passant par les instituts de justice. Nous en avons un en Colombie-Britannique. Je ne sais s'il en existe dans d'autres provinces, mais ils offrent une formation médicale, notamment en soins cardiaques spécialisés, en soins traumatologiques avancés, et également d'autres cours de formation. Le coût pourrait peut-être être cofinancé par le gouvernement fédéral et les provinces afin d'offrir cette formation supplémentaire à quelques membres du personnel désigné qui pourraient être en disponibilité 24 heures sur 24, de sorte qu'on aurait une équipe qui serait toujours disponible.

Deuxièmement, nous pouvons peut-être nous inspirer des programmes de la Colombie-Britannique pour régler le problème que vous avez mentionné—je ne sais pas si c'était vous, monsieur Astley—au sujet du coût de l'approvisionnement. Une façon de s'y prendre serait peut-être de regrouper les fonds, soit que le projet soit cofinancé par le fédéral et les provinces de façon à regrouper les fonds pour les transplantations. Cet argent peut également servir à rembourser les hôpitaux qui procurent des organes, de sorte qu'on ne manquerait jamais de fonds pour offrir ces services de soins de santé essentiels et les hôpitaux se feraient rembourser afin qu'il n'y ait pas de pénalité lorsqu'ils offrent le service. Qu'en pensez-vous?

M. Robert Astley: Encore une fois, je m'engage ici dans des domaines qui sont loin de relever de ma compétence ou de celle de mon entreprise, mais ce genre d'initiatives aurait, je pense, beaucoup de bon sens dans un cadre global. L'idée que vous proposez d'avoir des équipes de spécialistes en disponibilité qui auraient les compétences pour faire face à des situations éventuelles de dons d'organes est certainement très bonne. Je pense que ce sont des solutions tout à fait possible qui méritent d'être examinées.

M. Keith Martin: Nous avons déjà des équipes de traumatologie à qui on demande d'intervenir. S'il y a un traumatisme à l'hôpital et que je suis en disponibilité, nous appelons une équipe de traumatologie, c'est-à-dire le chirurgien et l'anesthésiste, pour aider. Une de ces personnes, soit le médecin ou l'infirmière, peut recevoir l'information sur la façon de traiter avec les familles dans de telles circonstances.

Le président: Monsieur Cooper.

M. Gary Cooper: Vous faites valoir des points très intéressants.

• 1015

Le programme de prélèvement et de greffe d'organes de l'Ontario a actuellement un sous-programme, si je puis l'appeler ainsi, simplement en raison du financement, dans le cadre duquel nous avons ce que nous appelons des coordonnateurs régionaux des communications. À un moment donné, nous avions environ 25 infirmières, pour la plupart des infirmières en soins de phase aiguë, ou des gens qui avaient une expérience spéciale dans les soins d'urgence ou autres qui travaillaient pour nous. Lorsque je suis arrivé, je pense que c'était un jour par mois. Ils consacraient un jour par mois à éduquer les gens dans leur hôpital et dans les hôpitaux environnants sur le don d'organes, et ils étaient souvent disponibles pour travailler gratuitement avec des équipes qui s'occupaient de prélèvement d'organes, etc.

Nous avons décidé que nous avions besoin que ces gens nous accordent davantage de temps et que nous ne pourrions faire appel à tous ces gens parce que nous avions des fonds limités, de sorte que nous avons maintenant huit ou neuf personnes qui travaillent un jour par semaine à ce genre de chose. Ces gens sont en disponibilité 24 heures sur 24 et la plupart du temps, je vous avouerai qu'ils ne sont pas payés pour cela.

Ce qui est agréable, c'est que dans les hôpitaux nous avons dû choisir de ne pas avoir de coordonnateurs régionaux des communications ou ces experts internes—des gens qui, comme vous l'avez laissé entendre, sont déjà sur place et connaissent donc le système et les intervenants. La plupart ont dit que cela ne leur rapportait pas beaucoup d'argent auparavant de toute façon de sorte qu'ils ont décidé de continuer comme bénévoles. Nous aurions dû tout simplement annulé tout le programme. Nous aurions sans doute eu de nouvelles personnes sans que cela ne nous coûte quoi que ce soit.

C'est donc très agréable, mais on ne peut pas appeler les gens pour faire tout... les infirmières sont des personnes très occupées et la plupart de ces personnes sont justement des infirmières. Elles ont de toute évidence d'autres priorités parfois et elles ne sont pas disponibles. Donc, l'idée d'avoir une équipe d'intervention en cas de crise ou une équipe en disponibilité 24 heures sur 24 est bonne, et je pense qu'il est tout à fait à conseiller d'utiliser des gens qui travaillent déjà dans l'établissement, car comme vous le dites, elles ont déjà un lien avec l'organisme. Elles connaissent la culture institutionnelle et ce genre de choses.

M. Keith Martin: J'aimerais faire une observation, si vous me le permettez.

Nous sommes déjà en disponibilité 24 heures sur 24 et personne ne se fait rembourser pour cela. Une façon de rembourser les infirmières serait de leur accorder une indemnité quand elles rentrent au travail. Si elles sont appelées, elles reçoivent une indemnité, tout comme les médecins qui sont appelés sont indemnisés.

M. Gary Cooper: En Colombie-Britannique, vous avez un avantage que nous n'avons pas en Ontario. C'est très rare que je puisse dire cela, sauf en ce qui concerne vos montagnes et votre océan et vos magnifiques paysages et le temps qu'il fait. Il y a très peu de choses que je...

Le président: Vous savez qu'en fait il est de Toronto.

M. Keith Martin: Je me suis égaré en allant à Mississauga.

M. Gary Cooper: C'est une bonne chose de venir de Toronto.

Vous avez mentionné quelque chose qui a piqué ma curiosité—les fonds fédéraux-provinciaux pour couvrir les frais d'acquisition en Colombie-Britannique, je ne sais pas. Peut-être que les fonds fédéraux n'ont pas réussi à passer à l'est des montagnes. Je ne pense pas que nous ayons un fonds fédéral-provincial pour payer ces frais en Ontario.

M. Keith Martin: Il n'y en a pas. Ils financent le montant total à l'heure actuelle...

M. Gary Cooper: La Colombie-Britannique.

M. Keith Martin: La Colombie-Britannique. Mais je pense que si cela était cofinancé par le fédéral et le provincial pour s'assurer ainsi que toutes les provinces ont accès à une mise en commun de fonds, nous ne verrions pas le genre de tragédie qui s'est produite à Toronto lorsqu'un homme qui était atteint de fibrose kystique a perdu les deux poumons parce qu'il n'y avait pas assez d'argent pour payer un lit d'hôpital et une infirmière pour s'occuper de lui au service de soins intensifs.

M. Gary Cooper: Où faut-il signer?

Le président: Madame Parsons, qui finance la base de données pour l'Institut canadien d'information sur la santé? Est-elle financée entièrement par le fédéral, ou est-ce une combinaison?

Mme Daria Parsons: Nous avons des accords bilatéraux avec de nombreuses provinces et nous collaborons avec Santé Canada et Statistique Canada.

Le président: Quel est le mode de financement?

Mme Daria Parsons: Je n'en connais pas les détails, il faudra que je vous donne une réponse plus tard à ce sujet.

Le président: Très bien.

Maria Minna.

Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais en fait revenir à la question que vous avez abordée avec Mme Parsons, si vous me le permettez, au sujet de l'Institut canadien d'information sur la santé.

J'essaie de comprendre comment cette organisation a vu le jour. A-t-elle été créée par un accord bilatéral de quelque sorte, ou est-ce qu'elle s'est en quelque sorte développée elle-même?

Mme Daria Parsons: L'Institut a découlé du CNIS, le Conseil national d'information sur la santé.

Mme Maria Minna: Très bien.

Est-ce que je me trompe en disant qu'il envisage également de mettre en oeuvre les 13 recommandations concernant... est-ce que je me trompe à cet égard, monsieur le président? Nous parlions hier des 13 recommandations ou des 13 stratégies. Ce n'est pas...

Le président: Pas pour Mme Parsons, non.

Mme Daria Parsons: Puis-je répondre?

Le président: Certainement.

Mme Daria Parsons: L'un des membres du conseil d'administration siège au Comité consultatif sur les services de santé, qui a les 13 recommandations.

Mme Maria Minna: Très bien.

J'essaie tout simplement de comprendre ce que font ces différents organismes, car ils sont tellement nombreux.

• 1020

Donc votre organisme a pris forme à partir de quelque chose et il est financé aux termes d'un accord fédéral-provincial, et il s'occupe surtout d'information. Il y a ensuite le RCITO, qui s'occupe de collecte également.

J'ai un certain nombre de questions à vous poser. Est-ce que votre genre d'organisation pourrait devenir à votre avis cet organisme national dont tout le monde parle, ou en faire partie, ou est-ce l'ICIS plus le RCITO, plus l'autre qui s'occupe des 13 recommandations, qui seront regroupés, pour créer un organisme national...? J'essaie de comprendre les divers éléments et d'en arriver à une sorte de recommandation en fin de compte, car tout le monde a dit que nous avions besoin d'une stratégie nationale, d'un organisme national. Il semble que nous ayons un certain nombre de groupes nationaux, mais il ne semble pas y avoir de collaboration ni quoi que ce soit pour coordonner leurs efforts.

Le président: Serez-vous très audacieuse dans votre réponse, madame Parsons?

Mme Daria Parsons: Le Registre canadien des insuffisances et des transplantations d'organes est un programme au sein de l'ICIS. C'est l'une des 18 bases de données et registres que nous avons.

À l'Institut canadien d'information sur la santé, comme je vous l'ai décrit de façon générale, nous avons des données concernant les médecins, les infirmières, les admissions dans les hôpitaux et les traumatismes. Nous sommes en train de mettre sur pied un registre national des traumatismes de sorte que nous disposons de toute une gamme de bases de données. L'information que j'ai au sujet du RCITO est rétrospective, c'est-à-dire que les données que j'ai présentées au comité aujourd'hui remontent à 1997.

Ce dont nous avons besoin, et c'est dans la recommandation que j'ai lue pour tous les témoins qui ont comparu devant le comité, c'est d'un organisme national avec une liste d'attente en temps réel et des donneurs en temps réel. Cela est certainement différent de ce que fait l'ICIS. Il faudrait que cela soit approuvé par notre conseil d'administration.

Je suis donc ici aujourd'hui pour vous dire exactement ce que nous faisons en ce qui concerne les données nationales. Nous connaissons rétrospectivement le nombre de gens qui figurent sur une liste d'attente. Nous connaissons le nombre de donneurs rétrospectivement. Je peux vous dire tout ce que vous voulez savoir au sujet des foies, des poumons et des coeurs qui ont été transplantés en 1997.

Mme Maria Minna: Vous ne vous occupez pas du tout des tissus?

Mme Daria Parsons: Nous ne nous occupons pas des tissus à ce moment-ci, bien qu'il soit beaucoup question de mettre sur pied un registre national des tissus.

Mme Maria Minna: Monsieur Cooper, dans votre document, vous dites qu'on est en train d'élaborer une norme générale canadienne sur la sécurité des organes et des tissus pour la transplantation. Qui participe à cette élaboration? Est-ce MORE, ou le RCITO et l'ICIS? Est-ce que tout le monde y participe ou est-ce seulement quelques personnes? Où en est le projet?

M. Gary Cooper: D'après ce que je sais, il s'agit d'un comité de médecins parrainé par Santé Canada. Je ne sais pas s'il y en a des représentants ici, mais le groupe est effectivement parrainé par Santé Canada. Je crois que le Dr Paul Greig, un des principaux auteurs de ce rapport et membre du conseil du RCITO et de l'ICIS, a comparu devant le comité il y a quelques semaines. Cela montre qu'il est possible de coordonner ces activités sur le plan national, et Santé Canada en a été le principal promoteur.

Mme Maria Minna: Il y a donc beaucoup de morceaux. Ce qu'il faut faire, c'est les regrouper dans un seul organisme de coordination qui peut s'occuper de tous les aspects.

M. Gary Cooper: Je crois que les gens arrivent peu à peu à cette conclusion. Comme je l'ai déjà mentionné, le groupe fédéral-provincial dont nous parlons a donné son opinion, pour chacune des 13 stratégies—ce chiffre est peut-être inexact—quant au groupe qui devrait jouer le rôle de chef de file pour la stratégie en question. Dans plusieurs cas, on a proposé l'Association canadienne de transplantation, qui a témoigné devant le comité.

L'Association canadienne de transplantation est un organisme qui n'a pas de secrétariat. Elle a très peu de ressources financières et dépend des cotisations minimes versées par des gens comme moi; il s'agit pourtant d'un groupe très actif de gens qui travaillent dans le domaine des transplantations. Mais on mentionne dans le rapport que cet organisme devrait jouer un rôle important à plusieurs égards. J'ai estimé qu'il n'était pas raisonnable de s'attendre à ce qu'un groupe qui n'a pas de financement ni de structure du type qu'il faudrait pour piloter ce genre de choses, soit proposé pour jouer le rôle de chef de file.

Je crois que c'est pour cela que tout le monde s'entend pour dire qu'il y a de très bonnes idées qui circulent, qu'il y a de très grands besoins et qu'il y a de toute évidence des institutions déjà en place sur lesquelles on pourrait miser, mais que quelqu'un doit jouer le rôle de rassembleur afin d'assurer l'approbation et la mise en oeuvre de ces projets.

• 1025

Mme Maria Minna: Si vous me permettez de finir, monsieur le président, j'ai l'impression—et j'ai peut-être complètement tort—que la mise sur pied d'un groupe national pourrait provoquer la disparition de certains groupes existants en raison du double emploi.

M. Gary Cooper: Je dirais que c'est certainement une possibilité, mais le nombre de groupes existants est limité, comme très peu de provinces ont des organismes d'envergure qui s'occupent de la répartition d'organes.

Mme Maria Minna: Je veux dire au niveau national.

M. Gary Cooper: Je crois que cela n'arriverait pas au niveau national. Les organismes nationaux qui fonctionnent bien dans le domaine des dons d'organes, à part Santé Canada, dont relève un groupe qui fait beaucoup de bon travail, sont ceux du type de celui de Mme Parsons, qu'il faut renforcer et non pas éliminer. Je pense que son organisme, par exemple, y gagnerait.

Les autres organismes sont constitués essentiellement de volontaires, notamment l'Association canadienne de transplantation ou la Société canadienne de transplantation, qui comprend surtout des médecins. En les regroupant, on les renforcerait; il s'agit encore de l'approche fédéraliste.

Le président: Cette approche serait accueillie favorablement par certains membres du comité, mais peut-être pas par tous. Mais merci de nous avoir donné vos impressions.

Monsieur Cooper, nous sommes ravis d'avoir pu vous entendre ce matin, et vous aussi, madame Parsons et monsieur Astley et madame Côté-Kennedy.

Je crois pouvoir parler pour mes collègues en disant qu'il s'est agi d'une de nos discussions les plus franches. Cela tombe très bien, puisque nous arrivons à la fin de notre étude et les points que vous avez soulevés ce matin nous aident à atteindre notre objectif, qui est d'être de plus en plus objectifs. Nous vous remercions d'avoir été si directs dans vos propos. Je l'ai déjà dit à propos d'un des exposés et c'est un compliment que je vous fais.

Merci à tous.

Nous allons suspendre la séance pour environ deux minutes en attendant le deuxième groupe de témoins.

• 1027




• 1035

Le président: Merci, chers collègues. Nous allons reprendre maintenant le deuxième groupe de témoins de ce matin.

Il y a deux groupes représentés ici. D'abord, de l'Université Western Ontario, je suis heureux de souhaiter la bienvenue au Dr Bhagirath Singh, professeur et directeur de la Faculté de microbiologie et d'immunologie. Bienvenue, docteur.

De Santé Canada, nous accueillons Sandra St. Germain, chef, Administration des programmes et conformité à la Loi canadienne sur la santé, de la Division de l'assurance-santé, et présidente du Comité de coordination de la facturation réciproque qui relève de la Direction générale des politiques et de la consultation. Elle est accompagnée de M. Bruce Davis, directeur de la Division de l'assurance-santé de la Direction générale des politiques et de la consultation. Je vous souhaite la bienvenue.

J'ai remarqué que vous étiez là pendant le tour du premier groupe, et je n'ai donc pas besoin de vous expliquer le fonctionnement du comité en ce qui concerne la répartition du temps.

Dr Bhagirath Singh (professeur et directeur, Faculté de microbiologie et d'immunologie, Université Western Ontario): Merci, monsieur le président.

Mes remarques seront assez différentes de ce que vous avez entendu ce matin et de ce que vous entendrez peut-être plus tard. Je vous apporte une perspective axée sur la recherche et sur le rôle de la recherche dans les transplantations d'organes.

J'aimerais d'abord remercier le comité permanent de m'avoir invité à l'entretenir du rôle que jouent les lacunes en matière de recherche et de connaissance dans l'amélioration de la sécurité et de la qualité de vie des greffés au Canada.

Les questions capitales que j'aborderai ce matin ont trait au fait que, à cause du manque d'organes disponibles pour des greffes, il y a un besoin urgent de faire plus de recherche pour assurer la viabilité des greffons pour que les receveurs demeurent fonctionnels longtemps, d'améliorer la qualité de vie des receveurs et d'évaluer si d'autres formes de greffes comme la xénotransplantation peuvent contribuer à résoudre la crise actuelle.

Le Canada a été un chef de file dans le domaine de la recherche clinique sur la transplantation d'organes. En 1980, le Dr Calvin Stiller de l'Hôpital universitaire de London, en Ontario, a été le premier à faire des essais cliniques de la ciclosporine, qui est devenue le médicament de choix pour prévenir le rejet de greffons et qui a sauvé des milliers de vies à travers le monde et fait économiser des millions de dollars aux systèmes de soins de santé.

La recherche comporte des lacunes dans deux domaines. Le premier est celui du développement technologique nécessaire pour réduire ou éliminer l'utilisation des immunosuppresseurs, ce qui permettrait de réduire les effets secondaires nocifs des médicaments qui sont utilisés pour inhiber le système immunitaire, mais qui en réalité augmentent les risques d'un rejet. Il en va de la qualité de vie des greffés traités avec ces médicaments, et c'est pourquoi il faudra mettre au point de nouvelles méthodes de façon à assurer la tolérance à l'organe greffé sans utiliser des médicaments.

Les nouvelles méthodes pour favoriser la tolérance aideront non seulement à éviter les rejets sans utiliser des médicaments, mais aussi à approfondir nos connaissances sur la façon dont le système immunitaire peut être mis à contribution pour éviter les rejets d'organes greffés. Cela permettra de multiplier les transplantations réussies, d'améliorer la qualité de vie des receveurs et de réduire les coûts de soins de santé. Cela permettra aussi de réduire la demande d'organes actuellement disponibles, car un grand nombre de receveurs ont besoin de plus d'une transplantation au cours de leur vie.

Le second domaine où les connaissances font cruellement défaut est celui de la xénotransplantation, c'est-à-dire la transplantation temporaire ou permanente d'organes d'animaux comme le cochon chez les humains. La xénotransplantation doit être envisagée sérieusement comme solution de rechange à cause d'une grave pénurie d'organes de donneurs. Un grand nombre de patients sont en attente d'une greffe d'organe. C'est le cas, par exemple, des personnes qui font partie des listes d'attente pour une transplantation de rein, dont vous avez entendu beaucoup parler ici.

Les principaux problèmes dans ce domaine sont le manque de connaissances concernant le rejet des xéno-organes greffés, la transmission possible de maladies virales et les questions d'éthique. Il faut donc poursuivre la recherche et faire preuve d'innovation pour trouver de nouveaux traitements faisant appel à des immunosuppresseurs plus sûrs et pour comprendre le phénomène du rejet des xénogreffes.

Nous connaissons très mal les possibilités de transplantation de xéno-organes. L'appui du public est une donnée capitale qui ne saurait être acquise qu'en faisant plus de recherche fondamentale et en débattant des enjeux qui préoccupent la population. Mis à part les questions d'éthique, ce qui préoccupe surtout le public, c'est peut-être le risque de transmission de virus ou d'agents pathogènes de l'animal à l'homme par la voie du xéno-organe.

• 1040

À défaut de recherche et de développement dans ce domaine, il y aura toujours des risques inconnus. La seule solution à cette question réside dans un examen détaillé, en milieu contrôlé, par des experts du domaine. Cela permettra de développer la technologie et peut-être de lancer une nouvelle industrie biomédicale au pays. Il faudra investir de façon modeste mais soutenue dans cette recherche afin de comprendre et résoudre les problèmes potentiels qui peuvent découler de la xénotransplantation, un point qui a fait l'objet d'une vive critique dans un récent éditorial du Globe and Mail du 8 mars 1999.

De plus, la recherche médicale non seulement sauve des vies, mais elle crée aussi la prospérité et des emplois dans la nouvelle économie axée sur le savoir. Ce fait a été reconnu par le gouvernement fédéral, qui a établi plusieurs réseaux de centres d'excellence dans des domaines biomédicaux. Le gouvernement appuie cette vision aussi par sa proposition de créer des instituts canadiens de recherche en santé en remplacement de l'actuel Conseil de recherches médicales, et par ses investissements dans le Fonds canadien de découvertes médicales par des Canadiens. Je crois savoir que votre comité a joué un grand rôle à ce niveau. Au nom de mes collègues partout au Canada, je vous remercie tous de votre appui.

Toutefois, il est alarmant de constater que le gouvernement fédéral investit actuellement si peu dans la recherche sur la transplantation d'organes au Canada—et je donne les chiffres dans un tableau. L'ensemble des fonds pour la recherche en immunologie distribués par le CRM en 1998-1999 s'élève à près de 10 millions de dollars sur un budget annuel de 276 millions de dollars, ce qui représente environ 3,6 p. 100. En 1998-1999, le CRM a distribué quelque 1,2 million de dollars pour la recherche sur la transplantation d'organes, soit un peu moins de 0,5 p. 100 de son budget. Par ailleurs, aux États-Unis, les National Institutes of Health ont consacré en 1998-1999 294 millions de dollars américains à la seule recherche sur la transplantation. Même en tenant compte de la différence de population, les États-Unis dépensent 30 fois plus pour la recherche sur la transplantation que le Canada. La recherche sur la xénotransplantation n'a reçu qu'une maigre somme de 35 000 $ du CRM en 1998-1999.

Ensemble, les organismes fédéraux, provinciaux et à but non lucratif ont consacré en 1996-1997 un total de moins de 2,5 millions de dollars à la recherche sur la transplantation. Quand on sait qu'on a dépensé entre 6 et 8 milliards de dollars pour la recherche et le développement au Canada, notre investissement dans le domaine de la transplantation est minime, quelle que soit la mesure. Il faut faire de la recherche non seulement en laboratoire mais aussi en clinique, en faisant appel aux outils et aux techniques de la biologie moléculaire et cellulaire les plus modernes. Le Canada devra peut-être redistribuer son aide financière à la recherche sur la transplantation s'il veut devenir un chef de file dans cette science nouvelle qu'est la xénotransplantation. Le géant international de l'industrie pharmaceutique Novartis est conscient des possibilités de la xénotransplantation au Canada et a créé une chaire de recherche en xénotransplantation à l'Université Western Ontario, chaire qui porte le nom du Dr Calvin Stiller.

Je conclurai sur la question de savoir si la xénotransplantation est possible et souhaitable.

Le Canada a fait oeuvre de pionnier en découvrant l'insuline en 1922 pour le traitement du diabète. Pendant plus de 60 ans après cette découverte par le Dr Fred Banting, on a administré aux diabétiques de l'insuline d'origine animale, soit le boeuf et le porc. La technologie développée dans les années 1980 a finalement permis de produire de l'insuline humaine. Cette découverte canadienne a sauvé des millions de vies partout dans le monde. Il y a des chances aussi grandes que cela se produise pour les xénotransplants au cours de la prochaine décennie.

La recherche sur la xénotransplantation nous permettra de développer la technologie nécessaire pour éviter le rejet des greffons. De plus, la recherche continue sur la croissance des cellules et des tissus pourrait tôt ou tard aboutir au développement, au cours du prochain siècle, d'une nouvelle technologie qui nous permettra de régénérer en éprouvette des organes humains de transplantation à partir des cellules ou des organes des malades. Nous finirons par ne plus avoir besoin de recourir à la xénotransplantation. C'est déjà le cas des greffes de peau chez les brûlés.

La recherche sur la transplantation pourrait déboucher à long terme sur de nouvelles thérapies qui créeront des emplois et une nouvelle industrie de la haute technologie biomédicale. Il est bien établi dans une économie mondiale que, sans recherche, il n'y a pas de nouveau savoir et que, sans nouveau savoir, il n'y a pas de nouveaux produits, de nouvelles industries et de nouveaux emplois. Nous entendons toujours parler de l'importation de la technologie. Je peux vous assurer que si vous n'avez pas votre propre technologie, il n'y aura pas de nouvelles industries et pas de nouveaux emplois à cause de l'absence de savoir.

J'exhorte le Canada, par l'intermédiaire de ses gouvernements fédéral et provinciaux à s'engager envers ses citoyens à leur offrir une chance raisonnable d'obtenir si nécessaire une transplantation dans un temps raisonnable et la meilleure qualité de vie possible après la transplantation. Le Canada devrait créer un institut canadien de recherche sur la transplantation d'organes sous l'égide des instituts canadiens de recherche en santé pour traiter des questions scientifiques, médicales et d'éthique dans le domaine, et commercialiser toute invention qui pourrait en découler.

• 1045

En conclusion, monsieur le président, je recommande fortement à votre comité de favoriser la recherche sur tous les aspects de la transplantation et du don d'organes pour le plus grand bien des malades et de leur famille, ainsi que pour celui de notre système de soins de santé.

Je vous remercie d'avoir pris le temps d'écouter mon exposé.

Le président: Je vous remercie, docteur Singh.

Nous passerons maintenant aux représentants de Santé Canada.

Je ne sais pas comment vous voulez procéder Sandra et Bruce. Qui prendra la parole le premier?

M. J. Bruce Davis (directeur, Division de l'assurance-santé, Direction des affaires intergouvernementales, Direction générale des politiques et de la consultation, ministère de la Santé): Je commencerai et nous tâcherons de donner tous deux notre exposé en cinq minutes, ce qui risque d'être un défi.

Le président: Ma vue est un peu faible aujourd'hui donc je ne pourrai peut-être pas voir l'horloge comme il faut. Je demanderais donc votre indulgence.

Monsieur Davis, puis Mme St. Germain.

M. Bruce Davis: Je vous remercie, monsieur le président, membres du comité.

Aujourd'hui je suis accompagné de Sandra St. Germain. C'est l'une de mes collaboratrices et elle préside le comité de la facturation réciproque. J'ai moi aussi occupé ce poste il y a de nombreuses années et j'ai continué à m'intéresser de très près à cette question.

Aujourd'hui, nous voulons vous indiquer comment les provinces et les territoires et le gouvernement fédéral travaillent en collaboration pour payer les services reçus par leurs résidents à l'extérieur de leur province. Cela est particulièrement important en ce qui concerne les services de transplantation car, comme vous le savez, il n'existe que certains centres spécialisés et certaines provinces qui offrent ces services, ce qui oblige souvent les gens à se déplacer pour recevoir ces services qui leur sont donc fournis à l'extérieur de leur province.

Nous pourrions peut-être commencer par décrire notre processus de facturation réciproque.

La facturation réciproque au Canada est essentiellement un processus simple, et c'est d'ailleurs l'un de nos avantages. Ce genre de chose est impossible à faire avec un système fondé sur l'employeur. Cela s'apparente en fait à un système de payeur unique comme celui que nous avons au Canada.

Le patient qui est à l'extérieur de la province reçoit le service assuré. L'hôpital ou le médecin dispensateur accepte la carte du patient même s'il vient d'une autre province, lui assure le service puis facture le régime de sa propre province. Le régime dispensateur paye l'hôpital ou le médecin puis facture le régime en vigueur dans la province du patient. Donc les régimes provinciaux règlent les factures, simplifiant ainsi la situation pour le médecin et le patient.

Le Comité de coordination de la facturation réciproque a été établi en 1991. Il relève d'une des séries de comités consultatifs qui existent pour les provinces et les territoires et le gouvernement fédéral, le Comité consultatif des services de santé. Ses objectifs consistent à mettre en oeuvre les dispositions relatives à la transférabilité de la Loi canadienne sur la santé et également de déterminer, d'examiner et de régler les complexités administratives des arrangements interprovinciaux. C'est l'un des comités consultatifs que je mentionnerai car il en existe plusieurs qui relèvent des sous-ministres.

Voici les principes de la facturation réciproque qui sont acceptés par les provinces et le gouvernement fédéral et qui sont analogues aux dispositions sur la transférabilité—à savoir l'acceptation du tarif de la province hôte—et cela est prévu dans la disposition relative à la transférabilité de la Loi canadienne sur la santé; l'acceptation du paiement tel qu'il est facturé—autrement dit, aucune contestation au moment de la facturation; l'utilisation de tarifs nationaux pour les patients de l'extérieur et les procédures coûteuses et Sandra vous donnera quelques explications à ce sujet; la simplicité de conception pour faciliter l'administration tant pour le patient que pour le médecin; un minimum d'exceptions. Il existe une liste d'exceptions utilisées pour la facturation réciproque. Si je me souviens bien, ce n'est qu'une liste d'une page que l'on est d'ailleurs en train de raccourcir.

Santé Canada assure la présidence du Comité de coordination de la facturation réciproque, par l'entremise de Sandra, et assure un service de secrétariat également par l'entremise de ma division. Quatre représentants des provinces en font partie—Terre-Neuve, le Québec, l'Ontario et l'Alberta—et les autres provinces sont représentées par des personnes-ressources en fait. Nous les tenons au courant et nous rencontrons aussi parfois les personnes-ressources.

Ma dernière diapositive vous présente la structure de comité qui existe pour les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Il y a bien entendu la conférence des ministres de la Santé et la conférence des sous-ministres de la Santé, qui se réunissent à plusieurs reprises chaque année, et il existe aussi des comités consultatifs qui en relèvent.

• 1050

Comme vous pouvez le constater sur la liste du Comité consultatif des services de santé, il y a le Comité de la facturation réciproque, qui relève du Comité consultatif des services de santé. Essentiellement, le Comité de la facturation réciproque s'occupe des questions d'ordre administratif, mais si une question de politique surgit, elle est renvoyée au Comité consultatif des services de santé.

Je céderai maintenant la parole à Sandra.

Mme Sandra St. Germain (chef, Administration des programmes et conformité à la Loi canadienne sur la santé, Division de l'assurance-santé, et présidente du Comité de coordination de la facturation réciproque, Direction générale des politiques et de la consultation, ministère de la Santé): En fait, ce que nous voulons dire, c'est que nous devons travailler ensemble. Les provinces et le gouvernement fédéral ont un rôle à jouer et même si les provinces et les territoires assurent essentiellement la prestation des services, le Comité de coordination s'occupe d'un certain nombre d'aspects.

Comme Bruce l'a mentionné, les tarifs nationaux en sont un. Notre comité est donc responsable en particulier de fixer les tarifs des interventions qui intéressent votre comité, à savoir le don et la transplantation d'organes, qui sont des interventions très coûteuses.

Je suis appelée parfois à jouer un rôle de facilitatrice, de secrétaire et d'animatrice. Dans le cadre de notre étude sur la transplantation et le don d'organes, dont je parlerai plus tard, nous avons en fait assumé la direction de cette étude parce qu'elle était assez compliquée et comportait beaucoup de communications.

Notre rôle est assez technique et administratif, comme Bruce l'a indiqué, et à cet égard, je pense que certains des documents que nous vous avons fournis aujourd'hui devraient vous être utiles. Je n'essaierai pas de vous l'expliquer parce que je risque complètement de vous embrouiller. Mais ce sont, à mon avis, de bons outils de référence qui vous permettront de mieux vous familiariser avec certaines de ces questions.

Simplement à titre d'information, je n'ai pas pu m'empêcher de sourire lorsque j'ai examiné les responsabilités. J'ai commencé à m'intéresser à la facturation réciproque lorsque je travaillais en Alberta pour Alberta Health Care et je faisais partie de l'équipe chargée de déterminer le coût des transplantations de coeur ou de coeur et de poumon lorsque ces interventions ont débuté à Edmonton. Puis, j'ai déménagé en Ontario où j'ai travaillé pour le gouvernement ontarien et j'ai fait partie du Comité de facturation réciproque de Bruce à ce moment-là.

Et me voilà maintenant présidente du comité. Donc j'ai joué tous ces rôles et je suis très heureuse, en tant que membre d'un groupe administratif, de constater l'attitude positive de ses membres et l'esprit de coopération grâce auquel nous avons pu travailler ensemble sur toute une foule de questions ayant trait à la transférabilité des services de soins de santé. J'aimerais aussi ajouter que la transférabilité fonctionne au Canada. Elle est utilisée pour la plupart des services.

Avant de passer aux tarifs—et vous les trouverez dans votre mémoire—je décrirai brièvement le processus. L'élaboration de tarifs nationaux pour la transplantation d'organes ou de tout autre tarif élevé n'a rien de sorcier.

Nous avons eu tendance à utiliser des consultants. Par le passé, nous avons chargé trois consultants de faire des études périodiquement. Ils ont déterminé les hôpitaux qui offrent des services très coûteux, ont recueilli des données auprès d'eux et du même coup ils ont établi essentiellement les tarifs moyens. Cela fait partie de la simplicité de notre modèle.

Récemment, nous avons mis sur pied notre propre groupe de travail. Nous avons maintenant un comité permanent chargé d'examiner les tarifs hospitaliers. Ce qui est intéressant, c'est que nous travaillons en partenariat avec ICIS—que nous venons d'entendre—qui nous aidera à mettre au point une méthodologie beaucoup plus progressive que celle que nous avons utilisée jusqu'ici.

L'un des documents que vous avez sous les yeux est l'étude Lloyd faite en 1996. Elle établit la base des tarifs et vous indique comment a été développée la structure de tarifs actuels. Nous avons également examiné la situation ailleurs, particulièrement en Colombie-Britannique parce que cette province a certains tarifs aussi qui même s'ils ne sont pas analogues s'en rapprochent pas mal. Donc cela nous a permis de constater que les études que nous avons faites étaient à peu près dans les normes.

Nous avons souvent déterminé nos tarifs selon un graphique de visualisation par l'intermédiaire de consultants, mais nous tâchons de nous aligner maintenant sur un processus plus général d'informations fournies par les hôpitaux au ICIS afin d'établir des tarifs plus progressifs.

Lorsque nous n'avons aucune donnée ou lorsqu'il nous est impossible d'obtenir des données, nous avons tendance à utiliser ce que nous appelons le tarif de la province dispensatrice, c'est-à-dire le per diem provincial pour un établissement en particulier. Ce n'est pas un aspect dont s'occupe particulièrement le comité sauf pour ce qui est d'établir une méthodologie assez simple.

• 1055

Dans l'ensemble, nous essayons d'arriver à un consensus. Nous nous sommes entendus sur le fait que les tarifs des interventions très coûteuses de transplantations ont été acceptés dans toutes les unités de soins intensifs par toutes les provinces lorsque nous parlons de résidents qui vont à l'extérieur de leur province pour subir une transplantation. Ce sont les tarifs en vigueur à l'heure actuelle. La conférence des sous-ministres a approuvé la démarche globale en 1987, et nous venons juste de le mettre à jour. Cela fait aussi partie du mémoire que nous vous avons remis.

Vous constaterez comment les tarifs ont évolué avec le temps. Dans l'ensemble, ils ont diminué. On veut qu'ils représentent une rémunération juste pour les services rendus par une province à un résident d'une autre province, et qu'elle soit acceptée par les deux parties. Ces tarifs sont en vigueur depuis 1996, à la suite de l'étude Lloyd dont je vous ai parlé.

Mis à part ces tarifs, nous avons étudié certains d'autres aspects qui ont découlé de l'étude Lloyd, entre autres certains des coûts liés aux donneurs et les relations entre les partenaires de facturation, c'est-à-dire pas uniquement les provinces et les hôpitaux mais aussi les centres de transplantations.

Notre comité a mis au point des règles d'application aux fins de facturation des transplantations d'organes. J'essaie de vous l'expliquer aussi simplement que possible. Essentiellement, les coûts des donneurs sont payés par la province dans laquelle vous êtes assuré. Si je suis un donneur, je serai payé pour les coûts liés à l'identification, et les coûts d'hospitalisation seraient payés par l'Ontario à un tarif journalier—selon la durée de mon séjour à l'hôpital.

Les coûts du receveur sont en fait ceux qui ont été probablement les mieux développés en ce qui concerne les tarifs très élevés que nous avons mis au point, ceux que je viens de vous montrer. L'acquisition et la transplantation d'organes sont essentiellement incluses dans ces tarifs et sont facturées à la province du receveur. Le centre de transplantation facturerait alors l'Ontario, puis l'Ontario facturerait l'Alberta, si j'étais une résidente de l'Alberta, aux tarifs que je vous ai montrés.

Le président: Sandra, permettez-moi de vous interrompre un instant. Pourriez-vous m'apporter un éclaircissement? Lorsque vous parlez de tarifs journaliers, vous parlez des tarifs journaliers de l'hôpital. Est-ce que vous incluez le médecin dans ce tarif?

Mme Sandra St. Germain: Non.

Le président: Il s'agit d'un tarif distinct.

Mme Sandra St. Germain: C'est exact. Les tarifs de médecin sont traités dans la partie médicale de la facturation réciproque et sont distincts des tarifs hospitaliers.

Le président: Suivent-ils le même processus?

Mme Sandra St. Germain: Oui. Ils seraient liés aux tarifs hospitaliers. Donc, les honoraires des médecins suivraient les coûts hospitaliers.

Le président: Je vous remercie. Désolé de vous avoir interrompue.

Mme Sandra St. Germain: Comme je l'ai dit, c'est fondamentalement simple mais cela peut être compliqué si l'on commence à ajouter d'autres variables.

Ce dont nous nous sommes rendu compte, c'est que les tarifs initiaux, surtout ceux qui existent à l'heure actuelle, ont été mis au point en tenant compte du fait que le centre de transplantation est essentiellement le centre qui même s'il ne s'occupe pas de l'identification, reçoit en fait le patient à un certain moment et fait les essais et le travail pour le maintien en vie puis procède à l'ablation et à la transplantation des organes. Les centres de transplantation ont eu un rôle important à jouer.

En ce qui concerne les centres qui ne font pas de transplantation—ce dont on a parlé ce matin également, il s'agit de centres qui n'exécuteront pas nécessairement toute la gamme de services nécessaires pour la transplantation. C'est un centre où on commence à examiner les donneurs, la façon dont ils sont maintenus en vie, tout le programme de soins de donneurs et il est également possible qu'à ces centres on prélève des organes qui seront alors transférés à un centre de transplantation.

• 1100

Donc je considère que l'une de nos orientations futures consistera à appuyer davantage l'aspect de dons d'organes plutôt que l'aspect transplantation, qui semble avoir des coûts assez raisonnables et un processus pas mal au point.

En ce qui concerne les tarifs pour les services de transplantation de moelle osseuse et de cellules souches, nous venons d'introduire ces tarifs en septembre 1998 dans le cadre des travaux que nous sommes en train d'effectuer. Auparavant, nous avions simplement un tarif général pour la transplantation de moelle osseuse. Les transplantations de cellules souches et l'utilisation de votre propre sang et de votre moelle osseuse et ainsi de suite pour des interventions comme le traitement du cancer du sein, ont soulevé cet aspect, ou il a été soulevé à plusieurs reprises, et nous avons en fait mis au point une méthode d'établissement des coûts et de facturation. Ici encore, cela peut être compliqué mais essentiellement, elle a été acceptée par l'ensemble des provinces et des territoires, et ce sont les règles qui s'y rattachent.

L'autre constatation que nous avons pu faire à la suite de l'étude Loyd, c'est que lorsque les centres de transplantation faisaient l'acquisition de moelle osseuse provenant de donneurs non apparentés provenant de l'étranger, ils se retrouvaient souvent avec une facture très élevée. On partait du principe que cela serait couvert par le tarif de transplantation, mais nous avons dû récemment y apporter un changement en faire un coût ajouté complémentaire afin qu'ils puissent ajouter ce coût aux tarifs que je vous ai indiqués plus tôt.

En résumé, notre comité de coordination—au sein duquel le fédéral et le provincial ont un rôle à jouer—a au moins pris des mesures administratives pour tâcher de régler certaines de ces questions. Nous avons conclu des ententes inter-provinciales et je pense que c'est l'une des surprises que nous avons eues lorsqu'on nous a demandé de participer au projet du Comité consultatif des services de santé sur le don et la transplantation d'organes et sa stratégie générale. Je ne crois pas que l'on ait bien compris que ces ententes existent déjà et n'ont donc pas à être conclues. Cela nous a en fait permis d'aller plus loin sans devoir établir de nouvelles ententes et élimine en réalité les obstacles pour quiconque voyage au Canada ou doit aller à l'extérieur de sa province pour recevoir une transplantation.

Comme nous l'avons déjà dit, nous avons obtenu l'approbation des tarifs nationaux, et l'ensemble des provinces et des territoires se sont pleinement engagés à travailler à toute révision des tarifs de manière à assurer un équilibre constant. Voilà la province qui assure le service et voilà la province qui doit payer pour les services parce que ce service n'y existe pas. Ces dernières années, cela a été un aspect assez controversé et nous avons donc eu certaines réunions passionnantes pour tâcher d'établir un équilibre.

Mais il ne faut pas oublier, bien entendu, que dans ce domaine fascinant, nous ne sommes qu'un maillon d'une très grande chaîne. En tant que groupe administratif, nous nous situons après l'identification, après le maintien en vie du donneur, après la transplantation. Donc nous sommes un processus de facturation. Notre rôle consiste principalement à nous assurer qu'il y a une indemnisation juste et raisonnable, mais nous ne pouvons pas influencer les politiques plus générales, sauf pour ce qui est de les appuyer.

Je dirai toutefois, pour votre gouverne, que la facturation réciproque au Canada représente moins de 0,5 p. 100 de l'ensemble de la facturation des services hospitaliers et médicaux au Canada, et un peu moins de 10 p. 100 sont des facturations pour la transplantation d'organes. Ce qui prouve, ici encore, ce que Bruce a dit. Il y a des centres de transplantation au Canada, mais il n'y en a pas dans toutes les provinces. Il n'est probablement pas nécessaire qu'il y en ait dans toutes les provinces, mais ici encore, cela nous oblige à rester vigilants et à nous assurer que les tarifs permettent une indemnisation juste. Donc, en soi, cela revêt une certaine importance dans le cadre de nos responsabilités.

Récemment, comme je l'ai mentionné, nous avons amélioré certains de nos tarifs et de nos règles de facturation. Nous envisageons d'en ajouter de nouveaux, surtout pour la transplantation de pancréas et de reins et d'autres interventions qui deviendront plus courantes. Mais nous envisageons également de modifier la méthodologie afin qu'elle rende mieux compte des coûts réels. Nous envisageons de travailler en collaboration avec le Comité consultatif des services de santé dans le cadre de ses stratégies, et de toute évidence ce comité nous a délégué une stratégie. Nous envisageons également de travailler en collaboration avec l'ICIS afin de ne pas réinventer les chiffres constamment.

• 1105

Nous avons également tâché d'avoir une vue plus générale de la situation en rassemblant de l'information sur tous les programmes et régimes provinciaux, les résultats de certains qui pourraient être utiles à l'avenir, etc. Cette étude devrait être prête bientôt, du moins je l'espère. J'espérais vraiment pouvoir vous la présenter aujourd'hui, mais il faut d'abord qu'elle suive notre propre processus d'approbation par l'ensemble des provinces et territoires. Elle devrait être prête la semaine prochaine; vous aurez donc le temps d'en prendre connaissance.

Tout a commencé avec l'étude Loyd. Elle a permis d'aligner nos efforts sur ceux du comité consultatif des services de santé. Nous avons fait une enquête auprès de l'ensemble des provinces et territoires afin de connaître leurs méthodes, leurs problèmes, leurs programmes et leurs besoins. Nous avons recueilli des données d'autres sources, comme l'ICIS et la Croix-Rouge, car nous avons constaté dans le cadre de cette étude qu'il n'était pas facile d'essayer d'obtenir de l'information. Nous avons montré, comme je l'ai dit, qu'il y a lieu d'améliorer l'indemnisation surtout en ce qui concerne les donneurs. Cela signifie donc que nous pourrons jouer un rôle dans ce domaine au Canada, un tout petit rôle administratif, mais un rôle, nous l'espérons, qui sera bien soutenu.

Notre rapport sera soumis au comité consultatif national des dons et des transplantations d'organes, auprès duquel André LaPrairie est aussi représentant de Santé Canada. Nous espérons que les conclusions de notre rapport et les travaux que nous avons faits et que nous continuerons de faire parviendront à stimuler la discussion et vous seront utiles lorsque vous serez appelés à vous occuper de certains de ces aspects administratifs.

Je vous remercie.

Le président: Madame St. Germain, merci beaucoup.

Avant de céder la parole à M. Martin, je me demande si je pourrais poursuivre la question que je vous ai posée un peu plus tôt. Est-ce que vous séparez en fait les coûts médicaux, c'est-à-dire les honoraires des médecins, de vos coûts journaliers?

Mme Sandra St. Germain: Oui, tant que le médecin facture selon la formule du paiement à l'acte. C'est sans doute le cas des anesthésistes. Cela dépend des arrangements qui existent dans les hôpitaux. Mais en général, s'il y a un paiement à l'acte, il serait facturé séparément et n'est donc pas inclus dans ces tarifs.

Le président: Donc, les coûts qui figurent sur le tableau que je suis en train de regarder à la dernière page de votre mémoire n'incluent pas les honoraires des médecins. Ils sont tout à fait différents...

Mme Sandra St. Germain: C'est exact. Ils sont ajoutés.

Je suppose que c'est l'une des difficultés lorsqu'on essaie de recueillir des données. Comme nous avons une structure de codage aux fins de la facturation, nous pouvons extraire les données concernant les tarifs hospitaliers élevés, mais en ce qui concerne les services médicaux, nous ne pouvons pas le faire parce qu'il n'y a pas de structure de codage pour ces services. Je pense que c'est l'un des aspects intéressants de la collaboration avec l'ICIS; nous pouvons commencer à travailler avec des données plus détaillées et peut-être avoir une meilleure idée de la situation.

Le président: Vous êtes donc en train de dire au comité que pour ce qui est de combler les lacunes en matière d'information, il s'agit d'un travail en cours.

Mme Sandra St. Germain: Oui, en particulier pour la facturation inter-provinciale.

Le président: Donc, madame Parsons, qui est toujours ici, répondrait probablement que oui, c'est ce que nous faisons, n'est-ce pas?

Mme Sandra St. Germain: Nous communiquons.

Le président: Je suis désolé d'avoir empiété sur votre temps.

Monsieur Martin.

M. Keith Martin: Ce n'est pas grave, monsieur le président, je vous en devais.

Je tiens tout d'abord à vous remercier tous d'avoir comparu devant le comité aujourd'hui.

Docteur Singh, notre comité a eu l'occasion d'entendre deux écoles de pensée sur la question de la xénotransplantation. Au début, un groupe des États-Unis a dit que la xénotransplantation est sûre. Nous avons 30 ans de preuves qui en témoignent. L'autre groupe a dit que non, nous devons faire preuve d'une grande prudence à cause du risque de virus lents, qui pourraient infecter notre population, non pas tant en ce qui concerne le patient qui reçoit l'organe, parce qu'il sera mort bien avant que le virus se manifeste, mais principalement à cause du risque de transmission au sein de notre espèce.

J'aimerais vous nous disiez si vous estimez que la xénotransplantation est sûre.

• 1110

J'aimerais vous poser une deuxième question. J'ai trouvé intéressants les chiffres concernant la recherche. Comme le gouvernement, tant en 1997 qu'en 1998 consacre plus d'argent au budget de la recherche, je trouve remarquable de voir que les montants sont si faibles. Est-ce que parce que le CRM n'investit pas dans la xénotransplantation et préfère consacrer son argent à d'autres activités, ou est-ce parce que dans l'ensemble votre budget a en fait diminué? Cela irait à l'encontre de ce que je crois comprendre.

Pour ce qui est de déterminer si la xénotransplantation est sûre, je constate que parmi les 2,5 millions de dollars que vous avez il y a des fonds publics. Cela ne comprend pas des fonds privés.

Dr Bhagirath Singh: C'est exact.

M. Keith Martin: La Direction de la protection de la santé serait responsable de déterminer si les activités de xénotransplantation sont sûres pour les populations humaines. Est-ce que vous savez si elle dispose de l'argent pour le faire? S'agit-il d'un développement qu'elle suit?

Dr Bhagirath Singh: Je commencerai par répondre à la question concernant le financement, parce qu'il est clair que les priorités sont établies non pas selon les besoins mais selon la recherche en cours. Dans bien des cas, ce sont les groupes de pression qui influent sur le financement, pas au Canada, mais surtout aux États-Unis. Mais il est vrai que le CRM a effectivement obtenu plus d'argent, et il ne fait aucun doute qu'il consacre plus de ressources à toutes sortes de recherche.

De toute évidence, ce sera au comité de recommander que la transplantation est un domaine où un financement accru s'impose. Il ne fait aucun doute qu'il existe des groupes de pression de toutes sortes, que ce soit pour le cancer, le diabète, le coeur et ainsi de suite. Il faudra donc que des priorités nationales soient établies à un certain moment. En ce qui concerne la transplantation, je pense que le moment est venu d'en faire une priorité.

M. Keith Martin: Peut-on alors dire que le CRM vient soudain d'abandonner le financement pour la xénotransplantation, ou a-t-il simplement décidé de consacrer ces fonds à d'autres types de recherche?

Dr Bhagirath Singh: Le CRM n'a pas de politique générale pour ce qui est du financement de la recherche. Il finance toute recherche qui lui est soumise. Cependant, cela dit, il faut quand même que des priorités soient établies. J'ai constaté que les chiffres étaient très faibles en ce qui concerne le domaine de la xénotransplantation.

M. Keith Martin: Cette somme suffirait à peine à payer le nettoyage de vos éprouvettes.

Dr Bhagirath Singh: Vous avez parfaitement raison. Je peux vous donner les chiffres correspondants aux États-Unis, où cela passe de 294 millions de dollars à 331 millions de dollars la prochaine année financière. Je pense qu'au Canada nous sommes très loin derrière dans ce domaine de recherche. Non pas que nous n'ayons pas d'experts. Je pense que les experts doivent être incités à travailler dans ce domaine de recherche. Mais dans la majorité des cas, ils n'ont ni le temps, ni la motivation nécessaire pour le faire, faute de financement adéquat.

M. Keith Martin: L'une des grandes questions qui fait actuellement l'objet du débat est de savoir si la xénotransplantation est sans danger. D'après ce que vous savez, qu'en est-il au juste?

Dr Bhagirath Singh: Autant que je sache, la réponse se situe entre les deux extrêmes. En fait, nous ne savons pas si la xénotransplantation est sans danger. Et si nous ne le savons pas, c'est que nos connaissances sont insuffisantes. D'après ce que nous savons, cette procédure est sans danger jusqu'à un certain point, mais personne n'est allé jusqu'à demander, comme vous le faites, si ceux qui reçoivent ces organes ne s'exposent pas à toutes sortes de problèmes? La réponse à cela est que nous n'en savons rien.

Je pense que le temps est venu d'ouvrir vraiment le débat à ce sujet et de nous demander dans le cadre d'une approche prudente, voire inédite, en procédant pour commencer à des essais cliniques, si ces transplantations sont sans danger. Et cela pour la raison que nous pouvons les contrôler. Étant donné la technologie actuelle dans la conjoncture que nous connaissons, nous pouvons surveiller ces essais et ainsi évaluer le risque.

M. Keith Martin: À ma connaissance, personne n'a jamais signalé un cas de xénotransplantation qui aurait provoqué la transmission à l'homme d'un virus lent, voire d'une autre maladie. À ma connaissance, rien ne prouve que cela se soit jamais produit.

Dr Bhagirath Singh: Effectivement, il est vrai que nous avons évolué à côté d'animaux. Je veux dire par là que cela fait des milliards d'années que le genre humain évolue alors qu'il est en contact avec des porcs et des moutons. Nous ne pouvons donc pas nier que nous ayons été exposés à ces animaux. Par contre, il n'y a jamais eu de transmission de ce genre.

Cela étant, il existe certains risques que vous connaissez probablement puisqu'ils ont été étudiés récemment en Angleterre dans le cas de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Il y a des risques, et je ne pense pas que nous puissions totalement les ignorer, mais comme vous l'avez dit vous-même, il n'existe aucune preuve directe de l'existence de ce genre de choses dans le cas de transplantation d'organes.

M. Keith Martin: Pour en revenir à votre dernier point, c'est-à-dire les virus lents, comme par exemple celui de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, a-t-on la preuve que cette maladie se transmet effectivement d'un animal autre que l'homme à une autre espèce?

• 1115

En second lieu, dans le cas de l'encéphalopathie des bovins, a-t-on la preuve que... à ma connaissance, il n'existe aucune preuve probante nous permettant de croire que l'un de ces deux virus lents se transmet ou se soit transmis à l'homme par quelque vecteur que ce soit.

Dr Bhagirath Singh: C'est une conjecture car il n'y a aucune preuve directe que ce virus se transmette effectivement de cette façon. Ces conclusions reposent sur des preuves circonstancielles. À mon avis, la xénotransplantation est sans danger, mais il faudra voir ce qui se produira, et les spécialistes devront effectuer ces études pour arriver à une conclusion. Mais arrêter maintenant ces essais cliniques en disant qu'ils présentent des dangers serait, selon moi, prématuré, parce qu'il nous faudrait d'abord avoir la preuve que c'est bien le cas.

M. Keith Martin: Je vous remercie.

Le président: Docteur Singh, vous préconisez vigoureusement la poursuite—et c'est un terme que j'utilise délibérément—des recherches sur la xénotransplantation, mais pour emboîter le pas au docteur Martin, que pouvez-vous faire avec 82 000 $ accordés à la recherche sur la xénotransplantation?

Dr Bhagirath Singh: Pas grand-chose, je le crains. Par contre, on a fait fort justement valoir qu'il y aurait peut-être là un rôle pour l'industrie pharmaceutique. L'industrie pharmaceutique n'est pas le fondement de la recherche. Je pense que cette industrie exploite ce que nous concoctons dans nos laboratoires, dans les universités, les instituts de recherche et ainsi de suite. Il est impossible de faire confiance à 100 p. 100 à l'industrie pharmaceutique pour s'acquitter de la tâche s'il n'y a pas à la base un travail de recherche de notre part.

Vous avez parfaitement raison. Si vous regardez ce que le Canada consacre financièrement à la recherche sur la transplantation, il est évident que cela n'est pas suffisant. Je veux dire par là que le total de 1,2 milliard de dollars financé par le CRM représente pour moi un chiffre extrêmement faible.

Le président: Revenons si vous voulez bien aux hypothèses, ces hypothèses qu'on associe à la prudence, voire à la peur. Les membres du comité ont signalé, lors des séances publiques comme à huis clos, que les recherches sur la xénotransplantation provoquaient des inquiétudes dans la population. On craint en effet que la déontologie et les protocoles associés à ce genre de recherche soient encore insuffisamment précis et insuffisamment définis pour donner à la population les assurances dont elle a besoin, contrairement à quelqu'un comme le Dr Martin qui a un meilleur bagage scientifique. Je veux dire par là que les virus ne vont pas de transmettre d'une espèce à l'autre mais que les députés et la population estiment que les travaux de recherche vont déjà bon train. Est-ce qu'on nous cache des choses?

Dr Bhagirath Singh: Pas vraiment. Le monde de la recherche n'est pas un monde facile. Il faut parfois un an, parfois cinq ans, parfois dix ans avant de pouvoir répondre à ce genre de question. Personne ne cache quoi que ce soit. Il n'empêche que la recherche est un phénomène lent. Nous devons effectuer des études sur les animaux, puis passer à des essais cliniques. Je pense qu'il serait prématuré d'affirmer que toutes les études ont été bouclées et que nous pouvons alors commencer les essais cliniques. La réponse que nous devons avancer très prudemment en tenant compte de toutes les options et que si la xénotransplantation est la seule option possible pour un patient, pourquoi ne pas la tenter?

Je pense que les patients sont prêts à assumer ce genre de risque, si bien qu'à mon avis la question revient à se demander s'il y a un risque également pour le grand public. Je pense que c'est la principale raison pour laquelle nous sommes nombreux à demander des moratoires ou l'arrêt des essais. Mais la réalité est qu'à moins de consacrer le temps et l'argent nécessaires à ce genre de recherche, nous n'aurons jamais les réponses et, dans dix ans, les interrogations seront les mêmes qu'aujourd'hui.

Je pense dès lors que nous devons avancer et à ce moment-là on doit se demander pourquoi au Canada? Cela se fait partout dans le monde. Le Japon vient d'engager 2,5 millions de dollars dans le secteur de la recherche sur la xénotransplantation. Si l'on compare cela à nos 35 000 $ de financement, on voit à quel point le Japon est en avance sur nous. À bien des égards donc, il s'agit selon moi d'un effort planétaire, international. La recherche n'a pas un caractère local, mais si nous n'en faisons pas ici, qui va s'en charger au Canada? Je pense qu'il nous incombe, ainsi qu'aux universités et au CRM de financer de genre de recherches et de trouver les réponses aux questions que vous avez posées.

Le président: Il y a quelques instants, en réponse à une question précédente que je vous avais posée, à moins que ce soit le Dr Martin, j'ai cru vous entendre dire que la Direction de la protection de la santé ne participe pas véritablement de façon directe aux travaux de recherche, pas plus qu'elle n'assure le contrôle de ces recherches sur la xénotransplantation. Est-ce que je vous ai mal compris?

Dr Bhagirath Singh: Eh bien, il y a environ 18 mois, Santé Canada a convoqué une réunion sur la xénotransplantation, réunion à laquelle le ministère avait convié des experts du monde entier, précisément dans le but de discuter de cela. Pour ce qui est des activités de contrôle, vous avez entendu l'exposé sur la transplantation. Pour ce qui est de la xénotransplantation, je ne suis pas au courant.

• 1120

Il y a eu des rencontres à ce sujet, mais j'ignore si la question est toujours à l'étude, j'ignore également si un financement a été approuvé pour cela, parce que je ne travaille pas directement dans ce domaine.

Le président: Avant de passer à M. Jackson, je voudrais savoir quel est le pourcentage de cet argent qui est consacré comme vous l'avez dit à la transplantation par le Conseil de recherches médicales, et quel pourcentage du financement total sert à étudier les questions de transplantation qui nous occupent, par exemple les critères qui président la distribution des organes, la qualité de vie des greffés, voir aussi les résultats cliniques?

Dr Bhagirath Singh: J'ignore ces chiffres parce que ce n'est pas ma spécialité. Les chiffres que vous a donnés le CRM... lorsque les gens du CRM ont interrogé leurs banques de données au sujet des transplantations, c'est le chiffre qu'ils m'ont donné, c'est le résultat auquel ils étaient arrivés. J'imagine donc que ce qu'ils dépensent à ce chapitre comprend tout ce que vous avez sous les yeux. D'une façon plus générale, ce qui m'intéresse davantage, ce sont les crédits de recherche qui sont utilisés pour soigner les patients ou conduire des thérapies expérimentales.

Le président: J'avais simplement noté que ces chiffres que vous nous aviez donnés allaient de 2,4 millions de dollars pour les transplantations dans tout le Canada à 82 000 $ pour la xénotransplantation. Il me semble—et j'espère que mes collègues me pardonneront cette conclusion que je tire—que si l'on veut asphyxier la recherche, il suffit de ne plus la financer. Ai-je raison ou est-ce une conclusion abusive?

Dr Bhagirath Singh: Eh bien, je ne n'irais pas personnellement jusque là en disant que c'est un effort délibéré pour asphyxier la recherche. Je dirais plutôt que c'est une priorité qui ne figure pas sur la liste des secteurs de recherche qui devraient occuper le Canada. Pourquoi? C'est une question à laquelle je ne peux pas répondre. Je pense que cela dépend des experts, des gens qui travaillent dans ce domaine, et qu'il faut convaincre de s'occuper de transplantation. C'est à la fois une tâche et un défi. Comme M. Martin le sait peut-être, les scientifiques qui sont également des chercheurs sont une espèce rare, une espèce d'ailleurs qui se raréfie, encore en raison de la crise du sous-financement.

Je dois d'ailleurs remercier le comité parce que vous avez effectivement bonifié les chiffres relatifs à la recherche dans le dernier budget, ce qui va, nous l'espérons profiter à la recherche sur les transplantations et à tous les autres types de recherche d'ailleurs.

Je pense qu'avec les nouvelles initiatives, les Instituts canadiens pour la recherche en santé pourront sans doute comporter un institut de recherche consacré à la transplantation d'organes. C'est un domaine dans lequel les besoins et l'intérêt augmentent sans cesse, et les nouvelles technologies naîtront précisément de ce genre de choses—les cellules souches, ou les cellules qui peuvent produire des organes en éprouvettes. Tout cela va coûter énormément, et je pense que nous devons tous songer à l'avenir, plutôt qu'au passé. La question qui se pose est de savoir vers quoi nous nous dirigeons à partir d'ici.

Je pense que c'est un tournant décisif parce qu'à ma souvenance, ce genre de débat n'a jamais eu lieu à une aussi grande échelle, et je pense que si vous faite valoir que c'est dans la recherche que nous devons investir pour les 20 ou 30 prochaines années au Canada, c'est maintenant qu'il faut le faire.

Le président: Merci docteur Singh.

Au nom de tous mes collègues, j'accepte la confiance que vous manifestez à notre endroit lorsque vous dites que le comité a la faculté d'influencer le ministre et le gouvernement. J'accepte en leur nom toutes les félicitations pour ces 550 millions de dollars supplémentaires dont le CRM va bénéficier pendant les trois prochaines années.

Je pense que le Dr Friesen et ses confrères n'avaient jamais imaginé, même dans leurs rêves les plus fous, qu'ils allaient recevoir autant d'argent. C'est chose faite et j'espère que le monde de la recherche l'utilisera à bon escient.

Monsieur Jackson.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président et permettez-moi également de remercier nos invités.

J'aurais trois questions à poser, une destinée au Dr Singh et peut-être une autre à laquelle deux de nos autres invités, Bruce ou Sandra, voudrait peut-être répondre.

Il y a quelques instants, je signalais à mon collègue ici avoir lu ce matin dans le journal qu'un oeuf avait été transplanté dans le testicule d'un rat, puis retransplanté sur un être humain. Je m'étais interrogé sur le caractère moral sur ce genre de choses et ce que cela donne par exemple du point de vue de la transmission éventuelle d'une maladie entre l'animal et l'homme.

Dr Bhagirath Singh: Eh bien, puisque nous discutons de ce genre de choses, a-t-on vraiment la preuve d'un risque réel? Je pense que nous allons voir que ces risques sont décrits sur le plan théorique, mais au niveau pratique, à moins précisément de procéder à ce genre d'expériences, nous n'en savons rien.

Vous avez posé une question de morale. Je ne suis pas prêtre et je ne peux donc vous répondre dans ce contexte, mais du point de vue du patient, tout ce que je peux vous dire c'est que si je suis malade et que je n'ai pas d'autre choix... C'est d'ailleurs le genre de choses qui se produit constamment. Les gens sont prêts à accepter toutes sortes de risques, et je pense qu'il s'agit en l'occurrence ici d'un risque que nous devons tous accepter jusqu'au moment où nous aurons découvert qu'il y a effectivement des problèmes très graves et qu'il faut donc arrêter de faire ce genre d'essais cliniques.

Je pense que les réponses seront fournies par la recherche et uniquement par la recherche. J'espère que d'ici 20 ans, nous ne parlerons pas de xénotransplantation, mais bien d'organes et de cellules cultivées dans des tissus ou en éprouvettes et qu'on aura transplantés.

• 1125

M. Ovid Jackson: Nous avons fait beaucoup de progrès au fil du temps, et il est évident que les transplantations d'organes sont un succès. Avez-vous voulu dire que lorsque nous avions commencé à l'origine à faire ce genre d'expérience, nous prenions effectivement des risques dont nous ne connaissons toujours pas les ramifications.

Dr Bhagirath Singh: Vous avez absolument raison. Je dirais qu'il y a toujours un risque. Quiconque reçoit une transplantation soit que si l'organe greffé vient d'un donneur contaminé par quoi que ce soit, il se trouvera lui-même contaminé. Les risques ont toujours existé, mais je pense qu'il faut plutôt voir quelles sont les meilleures issues possibles. Si vous souffrez d'une maladie qui risque d'être mortelle et si vous n'avez pas d'autre choix qu'une greffe d'organe, accepteriez-vous un risque minimum? Fort heureusement, nous pouvons évaluer ces risques au point de ne pas en arriver au point de contaminer tout ce qui nous entoure. Ma préoccupation existe certes, mais je pense que le risque en vaut la peine. Si vous posez la question au patient, il vous répondrait oui; si vous posez la question à sa famille, elle vous répondrait oui.

M. Ovid Jackson: Sauf que lorsque les choses tournent mal, c'est toujours le gouvernement qui est montré du doigt. N'est-ce pas? Le bonhomme va mourir s'il ne reçoit pas une transfusion. On lui fait donc une transfusion sanguine, il est contaminé, et le blâme retombe sur quelqu'un. Quoi qu'il en soit, ne nous aventurons pas là-dedans.

J'aurais simplement une ou deux questions concernant les dons d'organes. Ainsi, lorsqu'on prélève un oeil ou un rein, est-ce que ces organes sont utilisés immédiatement ou peuvent-ils être conservés? Ces organes peuvent-ils être conservés un certain temps seulement? Quelqu'un aurait-il la réponse à cette question?

Mme Sandra St. Germain: Je ne veux pas donner l'impression que je le sais, mais il y a toujours une limite pour ce genre de choses. Une cornée se conserve je crois plus longtemps qu'un coeur, mais je n'en suis pas certaine. Je dirais simplement que nous n'avons pas de barème pour ce dont vous parliez à propos de cet article de journal.

Dr Bhagirath Singh: Si vous me permettez de répondre à cette question, effectivement, la durée de conservation est limitée. En fait, lorsqu'on prélève un organe chez un donneur, il y a une phase absolument critique, et je suis d'ailleurs persuadé que le Dr Martin pourra vous le confirmer. Cette phase critique va de quelques heures à mettons un jour ou deux, mais pas plus. On ne peut pas mettre ces organes en conserve. C'est d'ailleurs dirais-je un domaine de recherche auquel il faudrait penser mais, dans l'état actuel des choses, la durée de conservation de ces organes est extrêmement courte.

M. Ovid Jackson: Quelqu'un a-t-il des statistiques? Y a-t-il des gens qui viennent ici ou ailleurs pour une transplantation? Avez-vous des statistiques?

Mme Sandra St. Germain: Effectivement, et vous trouverez d'ailleurs dans notre mémoire un tableau qui résume les données que nous avons pu recueillir sur un an. Pour l'essentiel, 9,2 p. 100 environ de tous les organes transplantés au Canada ont traversé une frontière.

Le président: Vous voulez parler des frontières entre les provinces?

Mme Sandra St. Germain: En effet. Notre secteur d'intervention est l'ensemble du Canada et toutes ses provinces. Vous trouverez donc tout cela dans notre document. Il y aura également davantage de renseignements à ce sujet dans l'étude que nous sommes en train de boucler, et j'espère que cela vous sera utile.

M. Ovid Jackson: Vous parlez donc des frontières entre les provinces et non pas des frontières internationales, par exemple la frontière entre le Canada et les États-Unis.

Mme Sandra St. Germain: Si. Le seul renseignement que nous avons recueilli ici concerne les greffes de moelle osseuse entre donneur et receveur sans lien de consanguinité parce que nous devions en chiffrer le coût et nous avons donc quelques statistiques à ce sujet. Mais il ne s'agit que d'instantanés. Comme nous l'avions je crois mentionné aux représentants de l'ICIS, nous devrons recueillir davantage d'information à ce sujet, mais nous travaillons actuellement avec ce que nous avons en main et une partie des réponses que nous ont données les provinces.

M. Ovid Jackson: Je vous remercie.

Le président: Merci monsieur Jackson.

Madame Minna.

Mme Maria Minna: Je vous remercie.

Je voudrais m'adresser pendant quelques instants à nouveau au Dr Singh après quoi j'aurais une ou deux questions pour Mme St. Germain.

Faisons un petit retour en arrière si vous voulez bien et revenons au cas de la xénotransplantation: vous parlez d'un patient qui veut une transplantation de ce genre parce que sinon, il va mourir, mais qui risque ainsi d'être infecté, voire d'infecter la société au sens large. Je comprends fort bien que cette personne veuille courir le risque, mais j'imagine que ce ne serait pas le cas pour la société dans son ensemble. Peut-être allez-vous sauver quelqu'un pendant un temps limité, mais en faisant cela, vous faites courir un risque à d'autres personnes. C'est cela qui me pousse à vous poser quelques questions.

• 1130

Vous dites qu'il faut le faire, et que si le patient dit oui, nous devrions procéder à ce genre d'essai. Mais comment se prémunir contre la possibilité que certaines maladies se propagent, et qui prend cette décision primordiale? Doit-on permettre au patient de prendre la décision ou faut-il que ce soit la société?

Cela me ramène d'ailleurs à la question de la morale. Vous dites que vous n'êtes pas prêtre, mais cela n'a rien à voir avec la religion. Nous parlons ici de morale et de protocoles dans le domaine scientifique en nous demandant jusqu'à quel point nous devons aller.

Pourriez-vous être un peu plus précis et me dire quelle est au juste votre position à cet égard?

Dr Bhagirath Singh: Les patients se présentent pour une xénotransplantation et, comme je le disais, il s'agit de se demander si le risque vaut la peine d'être pris, pour la société, pour tout le monde, et pas simplement pour le patient. On ne peut répondre à cette question que si nous avons toutes les réponses. Voici la question: combien de temps devons-nous attendre avant de pouvoir avoir toutes les réponses? Doit-on le faire demain, nous aurons alors toutes les garanties et nous pourrions aller de l'avant. Mais cette réponse, nous ne l'aurons pas du jour au lendemain, nous ne l'aurons pas dans un an, nous ne l'aurons peut-être pas dans cinq ans. Je pense que c'est un risque qui existera toujours tant que nous n'aurons pas les réponses absolues. Peut-être devrons-nous attendre dix ans avant de le savoir.

Certes, vous pouvez dire que nous risquons d'infecter la moitié de la population si c'est cela le risque en cause. C'est pour cette raison que nous affirmons qu'il faut être prudent. Il faut suivre ses patients. On ne peut pas simplement leur donner leur congé et les laisser réintégrer la société. Il faut qu'ils soient sous surveillance constante pendant au moins les cinq premières années, parce que c'est précisément le genre de procédure que nous commencerons à suivre, et nous ignorons encore quels sont les risques. Il faut à ce moment-là se demander si nous devons multiplier immédiatement des xénotransplantations ou au contraire procéder par essais contrôlés, avec une petite population de patients qu'il est possible de garder sous surveillance pour voir si effectivement il y a des risques. Ces risques sont-ils réels et pouvons-nous les contrôler? Je pense que la technologie est suffisamment avancée pour nous permettre de contrôler ces risques. Nous pouvons étudier ces virus ou les infections du même genre qui pourraient survenir suite à une xénotransplantation, il ne faudrait d'ailleurs pas attendre très longtemps, car je pense qu'après un an ou deux sous surveillance médicale on aurait une bonne idée de la situation.

Ai-je la certitude absolue que c'est le seul problème? La réponse est que je ne saurais avoir cette certitude absolue parce que nous n'y sommes pas encore et que nous ignorons quels sont les risques. Le risque en vaut-il la peine? Je pense qu'avec la technologie et le système de santé que nous avons au Canada, nous pouvons assurer la surveillance nécessaire des cas de ce genre et ainsi, probablement, avoir une image claire de la situation.

Mme Maria Minna: Mais existe-t-il déjà des protocoles ou certaines procédures d'ordre déontologique qu'il faut respecter lorsqu'on conduit des recherches de ce genre?

Dr Bhagirath Singh: Dans le cas des recherches, effectivement, il existe des protocoles. Chaque hôpital et chaque université doit avoir un comité de déontologie chargé d'étudier les dossiers d'essais cliniques. Santé Canada est en train de constituer un groupe de travail indépendant inter-hospitalier—de fait, il existe déjà. Le ministère y travaille depuis un certain temps. Il y a eu une conférence nationale sur la xénotransplantation précisément pour étudier cette question. Mais les conclusions ont-elles été tirées? La réponse est que nous sommes tous pour l'instant dans cette zone grise dans la mesure où lorsque nous nous demandons si le risque en vaut la peine, nous ne sommes pas encore parvenus à répondre catégoriquement oui ou non.

Mme Maria Minna: Pouvez-vous me donner une idée du genre de xénotransplantation que nous serions d'ores et déjà prêts à effectuer, s'il y en a? Cela pourrait-il se faire demain?

Dr Bhagirath Singh: La seule catégorie qui est envisagée—c'est-à-dire qui a été prise en compte par le comité—a été celle des transplantations entre le cochon et l'homme. Il semblerait que ce soit les types les plus compatibles. Nous parlons bien sûr de cochons dans un environnement très sécuritaire, ceux dont le bagage génétique a été suivi de très près. Nous ne parlons pas de n'importe quel type de transplantation de n'importe quel type d'organe prélevé sur n'importe quel type d'animal. Les premiers essais cliniques auxquels nous pensons, je crois, sont les cas de transplantations entre le cochon et l'homme.

Mme Maria Minna: Pour lequel vous êtes prêts.

Dr Bhagirath Singh: Probablement.

Pour en revenir à la question de la morale, j'ignore les réponses, c'est sûr. Si je suis végétarien, peut-être ai-je un point de vue différent. Si je ne mange pas de porc, peut-être ai-je un point de vue différent. Si je ne mange pas de boeuf, peut-être ai-je un point de vue différent. Je pense qu'il doit s'agir dans tous les cas d'une décision individuelle, et je ne pense pas que la société doive imposer une morale à qui que ce soit.

Mme Maria Minna: J'aurais une dernière question si vous voulez bien, monsieur le président, et elle s'adresse à Mme St. Germain.

Le remboursement par la province dispensatrice des frais encourus par les hôpitaux ou les provinces me fait penser à une chose, et je me demande si c'est bien exact. Nous avons entendu pendant les témoignages qu'en Colombie-Britannique, si je me souviens bien, il y a un fonds de réserve permettant de rembourser expressément l'hôpital qui a effectué une transplantation, si cet argent ne vient pas de son budget de fonctionnement. Dans un deuxième temps, la province se voit rembourser par la province dispensatrice. Mais il y a des provinces, et c'est le cas de l'Ontario, je crois, où il n'y a pas de budget provincial en tant que tel mais où c'est l'hôpital qui doit assumer les frais. En d'autres termes, s'il n'y a pas d'autre dispensateur parce que la personne qui profite de la transplantation est de la même province, l'hôpital n'est pas remboursé.

• 1135

Essentiellement donc, nous avons dans une certaine mesure un système à deux vitesses. Certains hôpitaux se font rembourser en plus de leurs budgets de fonctionnement ordinaires, mais pas tous. Cela dépend de leur structure. Est-ce bien cela qui se passe dans notre pays?

Mme Sandra St. Germain: En effet.

Mme Maria Minna: Les remboursements se font de province à province, mais pas de province à hôpital.

Mme Sandra St. Germain: C'est bien cela, de province à province. Pour ce qui est de la politique provinciale, c'est la raison pour laquelle nous disons que nous sommes une toute petite composante d'un tableau beaucoup plus vaste, en ce sens qu'à notre avis, il faut que les politiques provinciales se développent davantage. Dans quelle mesure sont-elles alignées? Je l'ignore. Dans quelle mesure sont-elles intégrées? La question s'est déjà posée plusieurs fois.

La Saskatchewan venait tout juste, pendant notre étude, de lancer quelque chose. Le Québec et le Nouveau-Brunswick semblent enclines à offrir des fonds en plus des budgets globaux pour payer précisément ce genre de dépenses. Ce sont des décisions qui appartiennent aux provinces et la façon dont les provinces s'y prennent... Vous avez tout à fait raison.

Nous avons essayé simplement de mettre au point un mécanisme qui donne des résultats pour les gens qui ont besoin de services dans une autre province, mais vous avez raison. Ce que nous voulons, c'est arriver aux meilleurs barèmes possibles dans le monde entier, ce qui reflète mieux la réalité, mais ces barèmes ne couvriraient sans doute que 10 p. 100 du coût des services. Le reste demeure tributaire des politiques et des méthodes de facturation en vigueur dans chaque province.

Mme Maria Minna: Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Minna.

Monsieur Martin.

M. Keith Martin: Merci beaucoup, monsieur Volpe.

Docteur Singh, j'aurais une toute petite question à vous poser. Vous avez mentionné quelque chose qui, je n'en doute pas un seul instant, est une véritable pomme de discorde pour vos collègues et vous. Vous avez dit que les laboratoires privés profitent énormément du travail que vous faites ainsi que vos collègues, et en tirent d'importants bénéfices. Je voudrais savoir si vos collègues et vous avez pensé à une façon par laquelle, en recourant à une demande de brevet, par exemple, les compagnies privées qui profitent ainsi de vos travaux de recherche auraient la responsabilité, l'obligation même, de vous rétrocéder un pourcentage de ces bénéfices, à moins qu'il n'y ait une formule quelconque, un genre de brevet ou de concession, qui pourrait être mise en place afin que le bénéfice de votre travail puisse rejaillir un peu sur vos collègues et vous-mêmes.

Dr Bhagirath Singh: Depuis quelques années, nous sommes plus sensibilisés à certaines de ces préoccupations et de ces questions. Les découvertes médicales canadiennes... il y en a une qui a été justement établie dans cette réponse et le CRM a participé à son financement initial, en se fondant sur le principe que les découvertes faites au Canada contribuent au développement de l'industrie canadienne.

Je ne veux pas refaire l'historique des mesures législatives concernant les brevets des produits pharmaceutiques contenus dans le projet de loi C-22, qui devaient nous donner une juste part de l'investissement pour nos universités et laboratoires. Cet investissement ne s'est jamais concrétisé. Le fait est que l'on ne peut pas toujours compter que tous les bénéfices reviendront aux chercheurs et aux universités.

Y a-t-il un mécanisme par lequel on pourrait changer cela à l'avenir? Je crois qu'il s'agit ici de nouvelles entreprises de biotechnologie et de petites entreprises qui sont encore jeunes. Les universités ont un intérêt dans ces entreprises. Les hôpitaux aussi. Je crois qu'à l'avenir il devrait peut-être être possible de récupérer certains de ces investissements.

M. Keith Martin: Le gouvernement fédéral pourrait-il proposer une loi qui vous permettrait d'atteindre cet objectif, qui vous permettrait de tirer des bénéfices d'initiatives du secteur privé qui se fondent en fait sur les travaux que vous avez effectués?

Dr Bhagirath Singh: À l'heure actuelle, chaque établissement a ses propres règles à ce sujet, qu'il s'agisse de demander des droits de brevet ou de vendre la technologie. Chaque établissement est au courant des problèmes. Je ne sais pas s'il serait utile d'adopter une nouvelle loi. Je crois qu'il nous faudra sans doute appliquer les lois que nous avons déjà et encourager le secteur privé à prendre la situation très au sérieux, à retourner aux établissements des investissements en échange des bénéfices qu'ils tirent de leur travail.

M. Keith Martin: Merci beaucoup.

Le président: Je croyais que vous alliez parler du projet de loi C-91. Vous êtes remonté très loin dans l'histoire, jusqu'au projet de loi C-22. Je suppose que les gens de Santé Canada ne veulent sans doute pas entendre parler ni de l'un ni de l'autre de ces deux projets de loi. Merci de cette évocation.

Madame Redman.

• 1140

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

Je veux simplement revenir à une question qu'a soulevée le Dr Singh, en ce a trait à la bioéthique. Nous avons entendu d'autres témoins parler de la nécessité de tenir un débat public. Je me demandais simplement si nous pourrions obtenir votre opinion à ce sujet. Comment faire pour que la question soit débattue en public pour que la population puisse discuter pleinement de la xénotransplantation et d'autres questions?

Dr Bhagirath Singh: C'est un débat que nous avons déjà eu il y a de cela 24 ans, avec l'avènement de la technologie de l'ADN recombination. Le débat a été très intense, encore plus aux États-Unis qu'au Canada. Je crois que les mêmes questions se posaient à ce moment-là quant à l'innocuité de la technologie, quant à la possibilité qu'elle donne naissance à des monstres, etc. La population a fini par se rallier au principe et, dans une optique équilibrée, a fini par donner un feu vert restreint. Avec le recul, nous savons maintenant que la technologie ne posait vraiment pas de danger pour qui que ce soit.

Comment faire participer le public à une discussion sur le sujet? Je crois, pour ma part, que la question doit être discutée au niveau politique. Je ne pense pas que, de notre côté, nous soyons disposés à engager le public dans un débat là-dessus. Il s'agit d'une question très chargée émotivement mais qui ne pose pas de problèmes pour les scientifiques. Je ne dis pas que tous les scientifiques sont du même avis. Je crois qu'il y a aussi des divergences entre eux, mais ces divergences tiennent, non pas à des questions de morale mais plutôt au risque d'infection et autres. C'est plutôt à la société de se prononcer sur les questions de morale. Je suis sûr que, dans la mesure où les gens sont bien informés, ils donneront des réponses bien informées. Je n'ai pas de solution magique à proposer, mais j'estime qu'il s'agit d'une question à laquelle nous devons tous réfléchir.

Mme Karen Redman: Vous dites que les gens bien informés prendront des décisions bien informées. Avez-vous une idée de ce que nous pourrions faire pour bien informer le public afin qu'il ait toutes les informations dont il a besoin? Vous avez dit qu'il s'agissait là d'une responsabilité que le secteur médical ne voudrait pas nécessairement assumer, mais auquel il voudrait sûrement participer.

Dr Bhagirath Singh: Il doit avoir un rôle à jouer, parce que c'est lui qui en fait... Le débat se poursuit d'ailleurs parmi les chercheurs. D'une part, certains disent qu'il faudrait un moratoire complet et, d'autre part, il y a ceux qui disent non, qu'il faut simplement aller de l'avant. C'est exactement le même débat que nous avons eu sur la technologie de l'ADN.

Les réponses se trouvent quelque part entre les deux, il me semble. Je crois qu'il nous faut avancer très prudemment. Nous devrions dire au public que la procédure présente un risque certain et lui demander s'il est prêt à courir ce risque dans l'intérêt à long terme de la société. Ce sont là les véritables questions qui se posent et, n'étant pas expert en la matière, je ne peux pas y répondre à ce moment-ci.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président: Merci, madame Redman.

Docteur Singh, si ces questions se posent maintenant, c'est que les membres du comité les posent bien souvent en privé. Malheureusement, certains des membres qui s'intéressent beaucoup à ces questions ne sont pas là aujourd'hui, même s'ils liront le compte rendu très attentivement.

Je voudrais revenir un moment à M. Davis et à Mme St. Germain, si vous le permettez. Je me demandais si votre comité avait réussi à déterminer quelle était la part du coût lié aux achats qui n'était pas couverte par la méthode actuelle de facturation.

Mme Sandra St. Germain: Nous essayons de répartir les coûts, parce qu'à l'heure actuelle les tarifs comprennent à peu près tout, sauf, comme nous l'avons dit, dans le cas des services médicaux. Tout à l'heure, Gary Cooper a parlé du comité mixte des politiques et de la planification, ou du document qu'il a produit, et ce comité tente de faire la même chose que nous. Il semble que la Saskatchewan soit arrivée à un coût de 6 000 $ à 7 000 $ ou de 7 000 $ à 8 000 $. Cette estimation semble être valable, mais je le répète, nous n'avons pas ces données pour l'instant. C'est quelque chose que notre groupe tente d'obtenir. Nous espérons établir des liens avec ces organisations pour ne pas refaire le même travail, et nous travaillons aussi avec l'ICIS. Nous espérons pouvoir profiter de la méthodologie bien plus sophistiquée de ces organisations qui, semble-t-il, obtiennent des données des hôpitaux et établissent les différents éléments de coûts dans chaque cas. La difficulté tiendrait toutefois à ce qui se trouve actuellement dans le budget global comparativement à ce qui ne s'y trouve pas, et c'est au niveau provincial qu'on se demande si le financement de bien des programmes est suffisant.

• 1145

Le président: Je veux bien choisir mes mots, car je ne veux pas utiliser de mots chargés, mais je me demande si cela conduit à des injustices, dans le système, à un manque d'accès équitable, par exemple, à la transplantation. Étant donné le caractère national de notre régime d'assurance-santé—appelons cela la Loi canadienne sur la santé—, avez-vous la possibilité de repérer ou de contrôler certaines de ces «inégalités»? C'est le terme que j'ai décidé d'utiliser; vous lui donnerez le sens que vous voudrez.

Nous avons parlé à d'autres moments de la possibilité d'une couverture relative à certains tissus reproducteurs, pour certains traitements de fertilité, par exemple. Je prends donc ces tissus comme exemple au lieu de parler des organes comme tels. Avez-vous la possibilité de repérer ces inégalités?

Mme Sandra St. Germain: Pour le moment, je dirais que non.

Une des questions qu'a soulevée le Comité consultatif sur les services de santé était le partage d'organes, et je suppose que cette question englobait aussi les tissus. Notre sondage nous a permis en tout cas de constater que deux ou trois provinces ont l'impression de faire beaucoup de dons, que leurs habitants fournissent un certain nombre d'organes, mais que ce ne sont pas nécessairement leurs habitants qui reçoivent des organes de même nature. Cela dépasse notre champ de compétences, mais c'est quelque chose que le comité consultatif a soulevé comme étant un problème, et je crois que le comité consultatif national en sera saisi.

Ce qu'on a essayé de faire c'est de sortir les données qu'on peut trouver pour montrer où les choses se passent, sans faire une évaluation. Donc, on s'est surtout attaché à l'établissement des taux. Comme je l'ai dit, il reste à savoir si l'on établissait des taux qui soient satisfaisants au niveau interprovincial mais beaucoup élevés que ce que l'hôpital provincial aurait cru recevoir, on se heurte encore une fois à la possibilité d'avoir deux poids deux mesures. Alors, on veut s'assurer de ne pas créer cela.

À mon avis, l'essentiel est de savoir qui a besoin du service à quel moment, et les questions les plus importantes se posent concernant qui est donneur, qui a besoin de recevoir l'organe, et ensuite le processus ne fait que suivre cela en matière d'indemnisation.

Le président: Pour ce qui est de l'indemnisation, cela pourrait figurer sous la rubrique de l'intégralité en vertu de la Loi canadienne sur la santé, mais si quelqu'un a reçu une transplantation, pour le receveur, cette procédure ne se termine pas vraiment à l'hôpital. Dès qu'il quitte l'hôpital, il doit payer à peu près tous les coûts des soins et des médicaments. Est-ce que votre comité dépiste cela en plus?

Mme Sandra St. Germain: Non, on cible plutôt l'aspect hospitalier et médical, même si on cherche à avoir une vision plus large surtout en ce qui concerne le foyer, pas nécessairement les médicaments mais les soins à domicile.

Quelqu'un qui se rend à London pour une transplantation de poumon va rester là pendant quelque temps sous surveillance continue, et ainsi de suite, et alors un bon nombre de ses coûts ne tombent pas dans la catégorie médicale et/ou hospitalière et/ou consultation externe.

Ce sont là d'autres questions, mais encore une fois, elles élargissent le cadre de nos considérations et nous orientent vers des questions plus larges. Mais on examine cela dans l'espoir que d'autres comités pourront adopter certaines de nos conclusions.

Le président: Excusez-moi de vous interrompre, Sandra, mais est-ce que cette question se pose lorsque les provinces expriment des opinions différentes au sujet des méthodes de facturation?

Je ne sais pas si c'est le cas, mais supposons que ce le soit, qu'une telle province inclut dans son programme la surveillance, les procédures post-opératoires, tandis que la province du receveur ne le fait pas.

Mme Sandra St. Germain: Je ne suis pas trop sûre...

• 1150

M. Bruce Davis: Je me souviens de cas où une province plus petite, par exemple, par opposition à l'Ontario, où le taux existant pourrait tout inclure, y compris l'approvisionnement et toutes les autres étapes, alors qu'une province comme Terre-Neuve, par exemple veuille que la personne rentre chez elle après l'intervention, pour qu'on puisse la traiter dans le cadre du programme de soins domiciliaires. Donc, le taux ne devrait pas bénéficier cette province parce qu'elle ne fournit pas les soins post-opératoires. Ce genre de questions se sont posées effectivement et ont été résolues par l'entremise de notre comité.

Le président: J'imagine que la question se pose aussi quand on vous présente une demande de facturation—je ne sais pas si c'est le cas ou non—en provenance de l'extérieur du Canada. Est-ce un domaine dont vous vous occupez?

Mme Sandra St. Germain: Pas vraiment.

Le président: Un receveur va à Buffalo, par exemple.

Mme Sandra St. Germain: Non, c'est provincial.

Le président: C'est une question qui concerne la province.

Mme Sandra St. Germain: Je suppose que la seule lumière que je peux jeter sur la question antérieure est que bien des provinces, quand ils renvoient une personne à l'extérieur parce qu'elles n'ont pas les services dans leur propre province, vont essentiellement s'assurer que si un service nécessaire n'est pas couvert, elles vont le couvrir. Cela peut même inclure les déplacements. Mais encore une fois, chaque province a tendance à avoir ses propres règles à cet égard. Mais je crois que si vous recevez une transplantation, il y a toujours un protocole qui garantit que vous recevez des médicaments pendant une certaine période. C'est lorsque cette période se termine et qu'il est plus ou moins admis que vous pouvez rentrer chez vous et vivre normalement que ce serait plus douteux.

C'est une bonne question mais on s'est appesanti davantage sur la procédure.

M. Bruce Davis: Je pourrais peut-être aussi ajouter que je sais que certaines provinces ont des données sur les tarifs hors-Canada, pas simplement pour la transplantation, mais aussi le coût du séjour quand ils résident à l'extérieur du Canada pour recevoir des services. J'ai vu des données de ce genre qui émanaient de certaines provinces, c'est sûr.

Le président: Toujours au sujet de l'accessibilité, vous savez sans doute que dans certaines provinces certaines procédures, par exemple les greffes cutanées sont considérées ne pas être nécessairement thérapeutiques mais cosmétiques. Est-ce que vous suivez cela aussi, lorsque vous avez des divergences d'opinion au sujet de ces procédures?

Mme Sandra St. Germain: Encore une fois, c'est une question qui est décidée au niveau médical-clinique et au niveau provincial. Dans la facturation réciproque, l'une des exclusions concerne les interventions chirurgicales cosmétiques, donc quelqu'un doit prendre cette décision. Si elle n'est pas considérée comme étant cosmétique, alors il y aurait une facturation interprovinciale. Elle ne figurerait pas sans doute sous un de nos tarifs parce qu'il ne s'agit pas d'une question spécifique qu'on veut identifier. Si c'était cosmétique; ce ne serait pas inclus dans nos tarifs pas plus d'ailleurs que dans la plupart des plans d'assurance-santé.

Le président: Docteur Singh, j'ai cru vous avoir vu lever la main.

Je n'ai pas d'autres questions. J'ai posé celles-là—peut-être que vous ne les jugez pas pertinentes—parce que dans le contexte de certaines questions qu'on a examinées, on a cru qu'elles devraient au moins être soulevées. Je vous remercie de vos réponses, madame St. Germain et monsieur Davis. Docteur Singh, merci beaucoup de votre réponse honnête à certaines de ces questions de déontologie et de recherche.

De la part de tous les membres du comité, présents ou absents, je vous remercie tous de nous avoir fait part de vos opinions ce matin.

La séance est levée.